Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. « Défiance » : tel est le mot qui me vient à l’esprit lorsque je cherche à caractériser l’idée que vous vous faites, de manière générale, des collectivités locales et de la fonction publique !
Sans doute me rétorquerez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que je vous fais là un procès d’intention. Pourtant, malgré vous peut-être, cette défiance transparaît sans cesse ! Je vais tenter de le montrer par quelques exemples.
Récemment, le Président de la République a annoncé que les dotations de l’État aux collectivités locales allaient être gelées. En soi, c’est déjà une mauvaise nouvelle. Mais il a ajouté qu’elles seraient de surcroît réparties selon des critères de bonne gestion !
Mes chers collègues, comment ne pas voir, dans une telle formule, le retour de la tutelle dans ce qu’elle a de plus détestable ? Si je comprends bien, monsieur le secrétaire d’État, cela signifie que des technocrates décideront d’en haut, si je puis dire, que telle collectivité est bonne gestionnaire et que telle autre l’est moins… Cela est indéniablement contraire au principe de la libre administration des collectivités locales ! Qui juge de la qualité d’une gestion ? Cela peut être, le cas échéant, la chambre régionale des comptes, mais ce sont d’abord les électeurs ! Comment ne pas voir dans cette affaire une volonté de reprise en main et, surtout, une marque de défiance à l’égard des élus locaux ?
Par ailleurs, s’agissant des effectifs de la fonction publique, le regretté Philippe Séguin avait montré l’absurdité de cette règle générale voulant qu’un départ à la retraite sur deux ne soit pas compensé.
M. le ministre de l'intérieur, M. le Premier ministre et M. le Président de la République sont intarissables sur le thème de la sécurité. J’aimerais leur demander de nous rappeler le nombre de postes de gendarme ou de policier supprimés dans la loi de finances de 2010…
L’idée qu’il faudrait, en toute circonstance et dans tous les secteurs, ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux débouche sur des absurdités totales ! Certains services sont sinistrés, des missions ne peuvent plus être remplies, mais toujours se manifeste une sorte de défiance à l’égard des fonctionnaires.
À l’échelon départemental, on connaissait naguère, entre autres, la direction de l’agriculture et de la forêt, la direction de l’équipement – mot désormais banni, paraît-il, mais auquel je suis attaché –, celle de la jeunesse et des sports… Tous ces services étaient bien identifiés par les citoyens. Aujourd’hui, ne subsistent plus que deux ou trois directions, dont nul ne comprend l’organisation technocratique ni ne retient l’intitulé interminable ! (Sourires.)
Comme le soulignait M. Mahéas, la réalité, ce sont les queues que l’on constate, par exemple, au service des étrangers de certaines préfectures, c’est l’incapacité de traiter humainement les problèmes !
En ce qui concerne le paritarisme, monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites, la main sur le cœur, qu’il subsistera. (M. le secrétaire d'État sourit.) Mais, en réalité – et je prends votre sourire comme une forme d’aveu ! –, il s’agit de le mettre en pièces, en instaurant ce que M. Fortassin a joliment appelé le « paritarisme à la carte ».
J’ai longuement présidé des instances paritaires. La force du paritarisme, c’est qu’il impose le dialogue, la recherche du consensus. Sa vertu, c’est que lorsque ce dialogue, parfois très direct et difficile, débouche sur un accord, celui-ci est solide, respecté par les parties prenantes. Cela permet de faire de grandes choses ! Certains pays, comme l’Allemagne, en sont bien conscients.
Vous affirmez être favorable au paritarisme, mais en faire une option, comme vous le proposez, revient à le mettre en cause. Comme l’a souligné M. Fortassin, la loi républicaine doit s’appliquer partout. Or le texte qui nous est soumis permettra que ne soit plus pratiqué, dans un certain nombre d’instances, ce paritarisme républicain qui a pourtant porté ses fruits !
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Sans reprendre l’excellente démonstration de mon ami Jacky Le Menn, je terminerai en évoquant la question du statut des personnels infirmiers et paramédicaux.
Manifestement, le dispositif de l’article 30 ne fonctionne pas.
Il a été dit et répété, y compris par le Président de la République, que vous ne passeriez pas en force sur la question des retraites et que vous feriez en sorte de mener la négociation jusqu’à son terme. Or, sur ce sujet, une seule organisation syndicale a donné son accord à votre texte, et elle ne représente que 1 % de la profession ! Vous vous félicitez néanmoins d’un magnifique dialogue, allant tout à fait dans le sens de l’histoire et conforme à vos promesses concernant le traitement de la question des retraites… Comment voulez-vous que l’on vous croie, monsieur le secrétaire d'État ?
Nous savons tous que ce dossier est difficile, que le dialogue et la concertation sont absolument indispensables. Cette concertation, vous la mettez certes en œuvre, mais vous ne pouvez affirmer qu’elle sera menée jusqu’à son terme, quitte naturellement à ce que le Parlement tranche au mois de septembre prochain, et vous satisfaire aujourd’hui que votre proposition ait recueilli l’accord d’un seul syndicat de personnels infirmiers, ayant obtenu 1 % des voix lors des élections professionnelles. Non, non et non !
Monsieur le secrétaire d'État, nous reparlerons de la réforme territoriale et du rôle que le Gouvernement entend faire jouer à l’État. Il est d’ailleurs heureux que le Sénat ait amélioré les choses, mais j’ai vu que, à l’Assemblée nationale, on revenait sur les dispositions que nous avions introduites pour défendre les libertés locales. Pour l’heure, j’indiquerai simplement que tant que vous serez dans un esprit de défiance à l’égard des collectivités locales, de leurs élus et des fonctionnaires, cela ne marchera pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention portera sur l’article 30.
Le classement en catégorie A des personnels infirmiers et paramédicaux a pour conséquence inattendue de les faire passer de la catégorie active à la catégorie sédentaire, ce qui les conduira à prendre leur retraite à 60 ans au lieu de 55 ans !
La perte de cet acquis, pour des raisons contestables et peu précises, suscite une certaine incompréhension. De plus, elle intervient à la veille d’une réforme des retraites annoncée à grand fracas. Je rappelle que le Gouvernement avait assuré que cette réforme tiendrait compte de ceux qui ont eu une vie professionnelle plus difficile. J’y reviendrai ultérieurement.
Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement avance en zigzag dans cette affaire. Aujourd'hui, il propose de revenir sur le classement en catégorie active des infirmiers. Or, assez récemment, le Gouvernement, par décret, a ouvert le bénéfice d’un tel classement à toute une série de personnels des douanes. Tout cela n’est ni très logique ni très cohérent !
D’ailleurs, les rapports de la commission des lois et de la commission des affaires sociales sont peu convaincants. Il en transpire même une certaine gêne…
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà !
M. Claude Domeizel. Le rapport de la commission des lois consacre ainsi plusieurs pages et de nombreux développements, parfois hâtifs, à ce sujet, pour finalement botter en touche en renvoyant la question à la commission des affaires sociales. Cette dernière, quant à elle, en conclusion de brèves considérations très peu argumentées, s’exclame : « Vive le Gouvernement et vive le Président de la République ! »
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur pour avis. Pas du tout ! Vous avez mal lu !
M. Claude Domeizel. Selon moi, l’article 30 a deux objectifs véritables.
Premièrement, il s’agit de répondre à un problème de démographie professionnelle. M. Vial l’écrit d’ailleurs dans son rapport : « L'objectif affiché par le Gouvernement est de permettre le maintien en fonction d'infirmiers en contrepartie de la revalorisation salariale résultant de leur classement en catégorie A. » L’ambition est donc de conserver du personnel en poste.
Deuxièmement, il s’agit d’étudier ce qui se passera si le Gouvernement décide demain de supprimer certains des avantages dont bénéficie actuellement telle ou telle profession. Ce dispositif est donc une sorte de ballon d’essai.
Nous demanderons la suppression de l’article 30 parce que la négociation a été bâclée.
M. Jacques Mahéas. Elle a été inexistante !
M. Claude Domeizel. Lorsque des infirmiers se couchent sur les rails de la gare Montparnasse, lorsque les organisations syndicales boycottent le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, lorsqu’un accord est signé par une seule organisation, ne représentant que 1 % des voix, cela ne peut pas fonctionner !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
M. Claude Domeizel. Il est nécessaire de revoir le dispositif, d’autant qu’il figure dans un projet de loi « relatif à la rénovation du dialogue social » : il fallait oser !
Il vaut mieux tout reprendre de zéro et supprimer cet article 30. Cela permettra de ne pas dissocier le cas des personnels infirmiers en vue de la réforme des retraites annoncée, de reprendre les négociations et enfin de manifester notre respect à des professionnels qui travaillent dans des conditions astreignantes et pénibles, souvent de nuit, qui sont assujettis à une vigilance de tous les instants et qui côtoient au quotidien la souffrance et la mort. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous remercier de vos interventions, même si certaines d’entre elles ne m’ont pas semblé refléter parfaitement la réalité des choses ! Mes propos porteront sur trois points qui méritent à mon sens quelques précisions.
J’évoquerai tout d’abord une question formelle, mais néanmoins importante : doit-on être choqué par le fait que le Gouvernement introduise des amendements complémentaires dans un texte relatif à la transposition d’accords ?
Évidemment, madame Mathon-Poinat, monsieur Mahéas, il est sain de rechercher des accords avec les organisations syndicales. De ce point de vue, nous avons d’ailleurs très nettement progressé ces dernières années. Ainsi, j’ai cité tout à l’heure deux accords, relatifs respectivement au dialogue social et à la santé au travail, qui ont été approuvés par des organisations syndicales représentant plus de 80 % des voix. Nous nous inscrivons donc dans une logique de négociation d’accords.
Cela interdit-il pour autant au Gouvernement d’introduire dans un projet de loi des dispositions supplémentaires…
M. Jacques Mahéas. Contradictoires !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … quand il considère qu’elles vont dans la bonne direction ? La réponse à cette question est bien entendu négative !
Je rappelle que les accords nous lient non pas juridiquement, mais politiquement. Le Gouvernement et les organisations syndicales les respectent, naturellement, mais le Gouvernement n’est nullement empêché d’agir en l’absence d’accord. Cela est très clair pour tout le monde. En 1945, Maurice Thorez lui-même affirmait nettement que la participation syndicale devait être compatible avec le pouvoir de décision des autorités responsables. Au demeurant, il arrive régulièrement que des dispositions ne figurant pas dans un accord parce qu’elles n’ont pas été approuvées par les organisations syndicales soient cependant mises en œuvre et recueillent finalement, à l’expérience, leur approbation. Dans un cadre statutaire, comme c’est le cas en l’occurrence, il est tout à fait légitime que le Gouvernement dispose de la liberté d’introduire par voie d’amendements des dispositifs qui lui semblent aller dans la bonne voie.
Je souhaite maintenant aborder la question du paritarisme, évoquée notamment par Mme Mathon-Poinat, ainsi que par MM. Mahéas et Fortassin.
Certains annoncent la fin du paritarisme, ce qui ne correspond pourtant pas au contenu du projet de loi. Pour ma part, je préfère tenter d’examiner objectivement comment les choses fonctionnent aujourd’hui.
J’observe tout d’abord que le système que nous souhaitons étendre est déjà en place, notamment dans la fonction publique hospitalière, où personne ne se plaint du fonctionnement des comités techniques d’établissement.
Ensuite, dans la fonction publique d’État, personne ne conteste non plus que les choses évoluent de façon positive. Que les représentants de l’État votent des dispositifs qu’ils ont présentés n’a vraiment aucun sens et n’aboutit qu’à une perte de temps, car un tel mode de fonctionnement est tout à fait chronophage et n’apporte aucune valeur ajoutée !
Reste enfin la fonction publique territoriale. Il existe quelque 55 000 employeurs locaux : au nom de quoi un modèle unique de fonctionnement paritaire devrait-il leur être appliqué uniformément ? De fait, ce projet de loi, contrairement à ce que j’ai souvent entendu dire, ne s’inscrit pas dans une logique de suppression du paritarisme numérique : il s’agit de laisser le choix aux collectivités territoriales, pour tenir compte de la diversité des situations.
C’est la raison pour laquelle – justement parce que nous sommes respectueux du principe de libre administration des collectivités territoriales, monsieur Mahéas – le projet de loi a évolué et accorde aujourd’hui aux collectivités locales qui le souhaitent la possibilité de maintenir ou non le paritarisme numérique. J’estime que, dans le monde actuel, c’est la souplesse qui doit caractériser nos modes d’administration ! Dans cette perspective, la mesure que nous préconisons va dans la bonne direction.
Enfin, j’aborderai la question des rémunérations.
Ce que nous avons fait ces dernières années dans ce domaine n’est pas aussi négligeable que certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ont donné à entendre.
La garantie individuelle du pouvoir d’achat, la GIPA, ce n’est pas rien ! La refonte de la grille indiciaire de la catégorie C, au travers des « accords Jacob » de 2006, ce n’est pas rien ! La refonte de la grille indiciaire de la catégorie B, menée par Éric Woerth et André Santini, avec la création du « nouvel espace statutaire », ce n’est pas rien non plus !
Dans le présent projet de loi, l’introduction du grade à accès fonctionnel, le GRAF, ne concerne pas simplement 8 000 agents, comme l’a rappelé à juste titre M. Mahéas, car cela s’accompagne d’une refonte du pied de la grille A, avec une bonification pour les premiers échelons. Le dispositif va donc nettement plus loin que la seule mise en place du GRAF.
En ce qui concerne la politique des effectifs, la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux ne s’applique pas uniformément à toutes les administrations, monsieur Sueur. Je n’aurais aucune difficulté à vous démontrer qu’elle est mise en œuvre dans certaines administrations mais pas dans d’autres : ce n’est pas un couperet qui s’abat de façon aveugle.
En outre, l’application de cette règle permet le financement de mesures catégorielles tout à fait importantes. Pour être précis, sur quelque 950 millions d’euros économisés annuellement, 450 millions d’euros sont « restitués » aux fonctionnaires sous forme de mesures catégorielles : nous sommes au-delà de la barre théorique des 50 %, et je crois pouvoir vous dire que ce sera encore plus vrai pour 2009.
J’ajoute qu’il ne s’agit en aucun cas, pour nous, de crier haro sur la fonction publique territoriale ; nous constatons simplement que ses effectifs ont beaucoup augmenté ces dernières années, puisqu’elle comptait, en 2008, 330 000 agents de plus qu’en 1998. Nous avons eu l’occasion d’en parler ensemble, monsieur Mahéas, lors de mon audition par la commission des lois : c’est là un chiffre objectif, non un jugement, et je souligne à nouveau ici qu’il s’agit d’une augmentation hors transferts de compétences. Par ces rappels, je souhaite simplement indiquer que notre politique mérite peut-être mieux que des jugements lapidaires.
Pour ma part, je m’abstiens de porter de tels jugements, me bornant à relever que nous pouvons sans doute améliorer notre système de gestion. À cette fin, le projet de loi prévoit la possibilité d’introduire l’intéressement collectif et la prime de fonctions et de résultats. Je me permets de vous rappeler, à cet instant, que le statut de la fonction publique de 1946 mentionnait à la fois l’intéressement collectif et la reconnaissance du mérite dans la rémunération du fonctionnaire : nous procédons donc non pas à un bouleversement, ni même à un aggiornamento, mais à une remise en ordre.
En effet, la situation actuelle manque totalement de transparence : il existe plus de 1 800 primes différentes dans la fonction publique d’État, et cet imbroglio rend difficile une mobilité répondant pourtant parfaitement aux desiderata des agents et à la nécessité de moderniser l’administration.
De plus, la clarification facilitera les évaluations. Si, au terme d’une discussion avec les organisations syndicales, nous parvenons à bien déterminer les trois critères d’attribution excellemment évoqués par M. Frassa, nous y verrons enfin un peu plus clair dans un régime indemnitaire fort compliqué. Voilà quelques jours, le président de l’Association des régions de France m’a d’ailleurs demandé que l’État envisage comment on pourrait rétablir un peu d’ordre dans tout cela, afin qu’un modèle d’organisation des primes puisse être proposé à la fonction publique territoriale. C’est sans doute là ce que M. Sueur appelle du néo-jacobinisme !
En résumé, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement revendique la possibilité d’introduire dans un projet de loi un amendement complémentaire au texte d’un accord négocié avec les organisations syndicales, car il serait invraisemblable de ne pas le faire si le dispositif est dans l’intérêt des agents.
En ce qui concerne le paritarisme numérique, personne ne pourra valablement prétendre qu’il est supprimé dans la fonction publique territoriale.
Enfin, en matière de politique des rémunérations, je vous confirme que nous engagerons une large discussion avec les organisations syndicales à la fin du mois de juin. Elle se poursuivra jusqu’au mois de juillet, conformément aux engagements du Président de la République et du Premier ministre. Soyez assurés de notre volonté d’écoute. Cette discussion portera sur les évolutions indiciaires, certes, mais aussi, plus largement, sur le pouvoir d’achat : en 2009, si l’augmentation indiciaire s’est élevée à 0,5 %, l’augmentation du pouvoir d’achat a été nettement supérieure. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout au long de la discussion des articles, je répondrai très précisément, comme je le fais toujours, aux diverses observations qui m’ont été adressées, par la majorité aussi bien que par l’opposition.
En cette fin de discussion générale, je voudrais simplement insister sur trois points.
Premièrement, un certain nombre des remarques que j’ai entendues semblent indiquer que la catégorie active aurait disparu. Or, ce n’est nullement cas ! Les infirmières et infirmiers qui souhaitent rester dans l’ancien système n’ont aucune obligation de rejoindre la catégorie A ! Ils bénéficieront même des augmentations de rémunération qui ont été prévues dans le nouvel espace statutaire. C’est donc un choix qui leur est ouvert, nous n’y revenons pas ! Un certain nombre de déclarations des sénateurs de l’opposition révélaient une confusion, ou la volonté de semer la confusion !
Deuxièmement, s’agissant des infirmiers anesthésistes, je répondrai beaucoup plus complètement à l’occasion de la discussion de l’article 30, mais je tiens à indiquer d’ores et déjà que, dans l’adaptation au dispositif LMD, nous procédons par étapes. Nous avons d’abord entièrement revu la conception des études au niveau de la licence. Il a toujours été convenu qu’à la suite du remodelage de la maquette des études à ce niveau, nous nous attaquerions aux masters. Un certain nombre de réunions sur ce thème ont déjà eu lieu au ministère de la santé et des sports, d’autres se tiendront en juin, en juillet et en septembre, parce qu’un tel travail s’effectue non pas dans la rue, mais autour d’une table, avec les organisations syndicales, les médecins anesthésistes, les sociétés savantes d’anesthésie, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Actuellement, la maquette de formation d’un infirmier anesthésiste ne correspond pas aux critères exigés, à juste titre, par ce dernier pour homologuer ce diplôme.
Bien entendu, je ne renvoie pas cette réforme aux calendes grecques : nous avons établi un calendrier et mon objectif est bien d’avoir réformé la maquette du master d’infirmier anesthésiste d’ici à la fin de l’année 2010. Nous devons donc respecter des délais serrés, mais j’estime qu’ils sont tout à fait tenables si nous travaillons sérieusement. J’aurai l’occasion de vous donner ultérieurement de plus amples informations sur cette question du master d’infirmier anesthésiste. Le dialogue n’a jamais été rompu, contrairement à ce que certains ont voulu faire croire, et les concertations se succèdent.
Troisièmement, sur la question de la pénibilité, j’aurai l’occasion, au cours de la discussion des articles, de vous présenter une argumentation très développée, ainsi qu’un certain nombre de chiffres. Ce sujet est inscrit à l’ordre du jour de nos discussions avec les organisations syndicales, qu’il s’agisse des deuxièmes parties de carrières ou d’une meilleure prise en compte de la pénibilité pour certaines catégories de personnels infirmiers. À cet égard, la reconnaissance universitaire des diplômes apportera d’ailleurs, par les possibilités qu’elle ouvrira aux infirmières et aux infirmiers, une première réponse.
En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt toutes vos interventions, auxquelles je répondrai de façon beaucoup plus détaillée dans la suite de notre débat. Je tiens à remercier M. Frassa de l’appui qu’il a bien voulu apporter au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 54, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (n° 486, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. François Autain, auteur de la motion.
M. François Autain. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’en venir à l’article 30 du projet de loi, qui constitue la raison essentielle de notre opposition à ce texte, je voudrais vous faire part de notre mécontentement quant à la méthode utilisée par le Gouvernement pour imposer la suppression de la pénibilité reconnue à la profession d’infirmier. Car c’est bien de cela qu’il s’agit !
Le texte dont nous discutons aujourd’hui avait initialement vocation à transposer dans la loi ce qu’il est convenu d’appeler les accords de Bercy.
Ces accords, signés par six organisations syndicales – la CGT, la CFDT, la FSU, l’UNSA, Solidaires et la CGC –, prévoyaient à la fois d’asseoir la représentativité des organisations syndicales sur leur audience et de favoriser la concertation. Sur ce dernier point, il était notamment envisagé de reconnaître les « accords majoritaires », c’est-à-dire de considérer comme valides les accords qui seraient signés par des organisations syndicales ayant obtenu au moins 50 % des voix à l’occasion des élections professionnelles.
Mais si ce projet de loi fait parler de lui, c’est moins en raison de ces deux dispositions que de deux autres, qui ne sont pas prévues par les accords de Bercy et que, madame la ministre, vous imposez contre l’avis des organisations syndicales.
Je veux parler, d’une part, de l’intéressement, qui constitue un pas supplémentaire dans le démantèlement de la fonction publique, et, d’autre part, du chantage odieux auquel vous avez soumis les infirmiers et personnels paramédicaux des établissements publics de santé en subordonnant le renforcement du pouvoir d’achat et la reconnaissance professionnelle au report de l’âge de départ à la retraite.
Avec cette méthode, nous sommes bien loin des déclarations que M. Éric Woerth, alors ministre du budget, des comptes et de la fonction publique, faisait en 2008, selon lesquelles le Gouvernement privilégierait la voie de la discussion.
Madame la ministre, vous aviez connaissance de l’opposition des organisations syndicales avant même le dépôt de cet article 30.
Lors des négociations sur le protocole d’accord relatif au passage de la profession d’infirmier en catégorie A, une seule organisation syndicale a approuvé votre proposition tendant à conditionner cette reconnaissance légitime par la suppression du droit à la retraite anticipée. Cette organisation, faut-il le rappeler, a obtenu moins de 1 % des suffrages, tous collèges confondus, lors des dernières élections professionnelles, et aucune voix dans le collège infirmier…
Avouez, mes chers collègues, qu’il est quelque peu singulier d’imposer par une loi censée sacraliser le principe de l’accord majoritaire une disposition assise sur un accord ultra-minoritaire !
Les organisations syndicales ont encore exprimé leur opposition à cette disposition à deux reprises, lors de la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique, qui s’est d’ailleurs très majoritairement prononcé contre cette mesure, et au sein du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, qui lui aussi l’a rejetée.
La méthode n’est malheureusement pas nouvelle. Je me souviens qu’en 2008, vous aviez eu recours à un procédé identique pour mener une attaque sans précédent contre les 35 heures. Vous aviez alors intégré des mesures relatives au temps de travail n’ayant pas été approuvées par les organisations syndicales à un texte destiné précisément à transposer dans la loi un accord national interprofessionnel portant sur la représentativité des organisations syndicales dans le secteur privé. Les textes se succèdent et, malheureusement, les basses manœuvres politiques se ressemblent !
Mais, au-delà de la forme, déjà très contestable, c’est le contenu même de cet article 30 que nous entendons dénoncer.
Il s’agit en effet, sous prétexte de satisfaire une ancienne et légitime revendication des personnels infirmiers et paramédicaux des établissements publics de santé – le passage de la catégorie B à la catégorie A –, de supprimer le droit à bénéficier d’une retraite anticipée à 55 ans.
Or, contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, cette disposition ne représente pas une simple attaque scandaleuse contre un droit acquis. Elle est une traduction concrète de ce que nous dénonçons depuis le début du débat sur les retraites : la volonté du Gouvernement de ne pas traiter, voire de nier, la question de la pénibilité.
En effet, le Gouvernement propose ni plus ni moins que de demander aux infirmiers de choisir entre, d’un côté, le passage en catégorie A et les hausses de rémunération, d’ailleurs très faibles, qui l’accompagnent, et, de l’autre, le maintien du droit à la retraite à 55 ans.
Or, ce droit à la retraite anticipée à été accordé à ces professionnels en raison de la pénibilité de leurs conditions de travail. Leur demander aujourd’hui d’y renoncer, même volontairement, c’est considérer au mieux que cette pénibilité peut être financièrement compensée, au pire qu’elle n’existe pas.
Telles sont d’ailleurs les conclusions que nous tirons des propos que vous avez tenus, madame la ministre, le 7 avril dernier à l’Assemblée nationale : « Puis-je rappeler que le taux de ceux qui partent à la retraite avec une invalidité est de 6,7 % dans la totalité de la fonction publique hospitalière et de 4,7 % pour les infirmières ? Puis-je rappeler que la gravité de l’invalidité ne cesse de baisser pour les infirmières ? »
Pourtant, les faits sont tenaces. Si l’on s’en tient au recueil statistique réalisé en 2008 par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, sur 1 070 infirmiers pensionnés décédés, 192 étaient titulaires d’une pension d’invalidité, soit un sur cinq. Ces éléments relativisent quelque peu les statistiques que vous avez présentées devant l’Assemblée nationale !
De la même manière, comment ne pas tenir compte du nombre important d’infirmiers qui renoncent à exercer à l’hôpital public au bout de cinq ans d’activité à peine ? Ils représentent 8 % de l’effectif de la profession et citent majoritairement deux causes pour expliquer leur départ de la fonction publique hospitalière : le manque de travail en équipe et, surtout, l’épuisement lié aux conditions de travail.
Si tous ces arguments ne parviennent pas à vous convaincre, madame la ministre, je vous invite à lire le rapport du député Jean-Frédéric Poisson. Celui-ci fait la démonstration que l’espérance de vie d’un infirmier ayant effectué une carrière complète est réduite de six ans.