M. le président. L'amendement n° 607 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 12 B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État se fixe pour objectif d'assurer à partir de 2012 à un non salarié agricole, ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein, un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du SMIC net.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement, dont l’objet est identique à celui de l’amendement n° 552 rectifié, a été parfaitement défendu par mon collègue Yvon Collin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. C’est vrai, le problème est dramatique, pour reprendre le mot de notre collègue Yvon Collin. Il faut agir en faveur des retraites agricoles, mais, cela a été dit, ce n’est pas dans le cadre de la LMA que nous réglerons ce problème très important.
Comme l’indiquait tout à l’heure Didier Guillaume, les retraites agricoles seront évoquées à l’automne, lors du « grand débat » organisé, à l’initiative du Président de la République et du Premier ministre, sur la réforme des retraites.
La commission est bien sûr favorable à une augmentation des retraites agricoles, mais elle émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les raisons précédemment invoquées. Une fois encore, nous ne nions pas les problèmes, notamment celui de l’accès au minimum vieillesse que de nombreux exploitants agricoles hésitent à demander parce qu’ils redoutent le recours sur succession.
Toutes ces questions ayant été évoquées directement auprès d’Éric Woerth, elles seront traitées dans le cadre de la réforme des retraites.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur l’amendement n° 314 rectifié.
M. Jacques Muller. Quoi qu’en dise M. le ministre, et même si cette question doit être débattue lors de l’examen du texte relatif à la réforme des retraites, il me paraît utile d’inscrire dans un projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche l’objectif énoncé dans cet amendement, à savoir fixer un cap en matière de retraites agricoles.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 437 rectifié et 552 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 315 rectifié, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 12 B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant l'examen du projet de loi relatif à la réforme des retraites un rapport dressant un bilan de la situation des retraités du secteur agricole. Dans ce cadre il étudie les possibilités d'instaurer une cotisation nouvelle sur les revenus financiers des entreprises et institutions financières du secteur agricole et agroalimentaire.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Comme cela vient d’être dit, si la situation économique des retraités en général est préoccupante, celle des retraités agricoles est dramatique, M. le rapporteur l’a reconnu. Aujourd’hui, un grand nombre d’entre eux survivent avec environ 400 euros par mois. Ces petites retraites condamnent toute cette catégorie socioprofessionnelle à vivre en dessous du seuil de la pauvreté.
Il est scandaleusement paradoxal que celles et ceux dont la mission était de nourrir leurs semblables doivent, à l’heure de la retraite, s’en remettre à des associations caritatives pour avoir un toit, se vêtir et même, parfois, se nourrir !
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que le débat public sur les retraites aura lieu prochainement. Eh bien, je fais partie de ceux qui pensent que des orientations en la matière pourraient d’ores et déjà être fixées dans ce projet de loi de modernisation agricole.
Notre engagement est total auprès des agriculteurs, des éleveurs et des pêcheurs, de leurs conjoints, quant à l’exigence d’une retraite décente, digne, à parité avec les autres régimes.
De plus, le système de retraite par répartition des agriculteurs est aujourd’hui confronté à un problème démographique : plus de 1 000 exploitations ont disparu en 2009. Face à ce défi, il est urgent d’ouvrir un nouveau chapitre d’un système solidaire.
Monsieur le ministre, nous voulons vous donner des idées pour trouver de l’argent de façon à augmenter les retraites des agriculteurs. Nous pensons qu’il faut faire jouer à plein la solidarité et nous souhaitons que le Gouvernement remette un rapport qui dresse un bilan de la situation des retraités du secteur agricole. Nous vous suggérons de réfléchir à l’instauration d’une cotisation nouvelle sur les revenus financiers des entreprises et des institutions financières du secteur agricole et agroalimentaire, qui, apparemment, ne manquent pas d’argent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Nous avons largement abordé, à l’instant, la question des retraites agricoles. Le débat prévu prochainement sur l’évolution des régimes de retraite sera l’occasion de traiter plus spécifiquement cette question, et il n’est donc pas nécessaire de prévoir la remise d’un rapport supplémentaire au Parlement.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 315 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE III
INSCRIRE L’AGRICULTURE ET LA FORÊT DANS UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES
Article 12
I. – Le code rural est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 111-2, il est inséré un article L. 111-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111 –2 –1. – Un plan régional de l’agriculture durable fixe les grandes orientations de la politique agricole, agro-alimentaire et agro-industrielle de l’État dans la région en tenant compte des spécificités des territoires ainsi que de l’ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux, notamment en ce qui concerne l’adaptation de l’agriculture au changement climatique. Ces orientations portent sur les systèmes de culture, les filières de production, de transformation et de commercialisation à développer, les actions à conduire pour développer les productions bénéficiant d’un signe de qualité, les modalités de protection et de mise en valeur des terres agricoles, la gestion des ressources naturelles et le développement des sources d’énergie d’origine agricole.
« Le plan précise les actions qui feront l’objet prioritairement des interventions de l’État. Dans les régions qui comprennent des territoires classés au titre de l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, le plan régional détaille les actions spécifiques ou complémentaires que l’État mène pour l’agriculture de montagne, en tenant compte des orientations fixées en ce domaine par le schéma interrégional de massif, et en indiquant lesquelles ont vocation à être contractualisées dans le cadre des conventions interrégionales de massif. La commission permanente des comités de massif concernés peut apporter son avis sur le projet de plan régional de l’agriculture durable.
« Le préfet de région conduit la préparation du plan en y associant les collectivités territoriales et la chambre régionale d’agriculture concernées ; il prend en compte, dans cette préparation, les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux mentionnés à l'article L. 212-1 du code de l'environnement et, sous réserve de leur création, des schémas régionaux de cohérence écologique ainsi que les orientations découlant des directives territoriales d’aménagement définies à l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme.
« Après avoir été mis pendant une durée minimale d’un mois à la disposition du public sous des formes, notamment électroniques, de nature à permettre sa participation, ce plan est arrêté par le préfet dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Lors de l’élaboration ou de la révision des documents d’urbanisme, le plan régional de l’agriculture durable est porté à la connaissance des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale compétents par le préfet conformément à l’article L. 121-2 du code de l’urbanisme.
« Au plus tard à l’issue d’un délai fixé par décret un bilan de la mise en œuvre de ce plan est effectué. » ;
2° L’article L. 112-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 112-1. – L’observatoire de la consommation des espaces agricoles élabore des outils pertinents pour mesurer le changement de destination des espaces agricoles et homologue des indicateurs d’évolution.
« Les conditions d’application du présent article, notamment la composition de l’observatoire et les modalités de désignation de son président, sont précisées par décret. » ;
3° Il est inséré un article L. 112-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 112-1-1. – Dans chaque département, il est créé une commission départementale de la consommation des espaces agricoles. Cette commission associe des représentants des collectivités territoriales, de l’État, de la profession agricole, des propriétaires fonciers et des associations agréées de protection de l’environnement. Elle peut être consultée sur toute question relative à la régression des surfaces agricoles et sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation de l’espace agricole. Elle émet notamment, dans les conditions définies par le code de l’urbanisme, un avis sur l’opportunité au regard de l’objectif de préservation des terres agricoles de certaines procédures ou autorisations d’urbanisme. » ;
4° La dernière phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 141-1 est complété par les mots : « et, notamment, communiquent aux services de l’État, dans des conditions fixées par décret, les informations qu’elles détiennent sur l’évolution des prix et l’ampleur des changements de destination des terres agricoles » ;
5° L'article L. 143-15 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute aliénation réalisée en méconnaissance des règles de publicité prévues par le présent code est nulle. Cette action en nullité se prescrit par six mois à compter du jour où la date de la vente est connue de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural. »
II. – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 111-1-2 est ainsi modifié :
a) Au 2°, après les mots : « nécessaires à des équipements collectifs », sont insérés les mots : «, dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole sur le terrain sur lequel elles sont implantées » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les projets de constructions, aménagements, installations et travaux ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu’urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis à la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural. Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans un délai de deux mois à compter de la saisine de la commission. » ;
2° Après le sixième alinéa de l’article L. 123-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs peuvent être autorisées dans les zones naturelles, agricoles et forestières dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. » ;
3° Le second alinéa de l’article L. 123-9 est ainsi modifié :
a) Après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Toute révision du plan local d’urbanisme d’une commune située en dehors du périmètre d’un schéma de cohérence territoriale approuvé et ayant pour conséquence une réduction des surfaces des zones agricoles est soumise pour avis à la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1-1. » ;
b) Au début de la dernière phrase du même article, après les mots : « Ces personnes », sont insérés les mots : « et cette commission » ;
4° L’article L. 124-2 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, après les mots : « nécessaires à des équipements collectifs », sont insérés les mots : « dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Les cartes communales sont approuvées, après enquête publique et avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural, par le conseil municipal et le préfet. Cette commission rend son avis au plus tard deux mois après la transmission du projet de carte par le maire. À défaut, cet avis est réputé favorable. Les cartes communales sont approuvées par délibération du conseil municipal, puis transmises par le maire au préfet, qui dispose d’un délai de deux mois pour les approuver. À l’expiration de ce délai le préfet est réputé avoir approuvé la carte. La carte approuvée est tenue à disposition du public. Le projet de révision d’une carte communale concernant une commune située en dehors du périmètre d’un schéma de cohérence territoriale approuvé et ayant pour conséquence une réduction des surfaces des zones agricoles est soumis pour avis, par la commune, à la commission départementale de la consommation des espaces agricoles. »
III. – Le II entre en vigueur à une date et dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État et au plus tard six mois après la publication de la présente loi.
M. le président. Je rappelle que, à la demande de la commission de l’économie, le Sénat a décidé l’examen séparé des amendements nos 563 rectifié et 178.
La parole est à M. Gérard César, rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Cet article institue un plan régional de l’agriculture durable, qui fixera dorénavant la déclinaison régionale de la politique agricole, agroalimentaire et agro-industrielle de l’État.
L’article 12 contient également des dispositions permettant de lutter contre la disparition des terres agricoles, qui s’est accélérée ces dernières années. D’une part, les statistiques actuelles sur ce sujet étant incomplètes et disparates, il est nécessaire de créer un observatoire à même de présenter des données fiables. D’autre part, une commission départementale examinera l’opportunité des documents d’urbanisme – en dehors des schémas de cohérence territoriale, ou SCOT – au regard de l’objectif de préservation des terres agricoles. Cette commission donnera également, en l’absence de documents d’urbanisme, un avis sur les projets de construction.
Enfin, l’article 12 donne la priorité aux activités agricoles, pastorales et forestières sur l’installation de centrales photovoltaïques au sol.
Cet article ne résoudra pas toutes les difficultés, mais, sur des problèmes concrets, il apporte des réponses qu’il est important de mettre en œuvre dès maintenant.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.
M. Jacques Muller. Je ne peux que saluer l’intention affichée dans ce projet de loi d’inscrire l’agriculture et la forêt dans un développement durable des territoires. Le constat de la disparition ou de l’artificialisation des terres ne date pas d’hier, mais je me félicite que le phénomène soit enfin reconnu dans la loi.
Ce problème, qui revêt une dimension culturelle très forte, concerne à la fois nos concitoyens et les décideurs que sont l’État et les collectivités locales.
Pour l’instant, nos concitoyens sont friands de lotissements, forme d’habitat en milieu rural qui est extrêmement consommatrice d’espaces. La maison isolée au milieu d’une parcelle est devenue un modèle d’habitat, à tel point que, dans certaines régions, l’espace rural s’urbanise, des villages s’étendent, des conurbations apparaissent parfois dans les vallées.
C’est pourquoi il est important que la loi fixe un nouveau cap, privilégie les nouvelles constructions à la périphérie des villages anciens plutôt que les lotissements, invente une forme de densification adaptée à l’architecture et au cœur de nos villages.
Les collectivités territoriales et l’État, quant à eux, promeuvent encore et toujours le développement d’infrastructures et de projets parfaitement grenello-incompatibles, par exemple le grand contournement ouest de Strasbourg.
Si nous voulons inverser cette tendance, il nous faudra faire preuve de volontarisme tant la propension que je viens de décrire est aujourd’hui prégnante.
Par ailleurs, les orientations en matière d’énergie me semblent demeurer par trop floues, voire ambiguës.
Comme M. le rapporteur, je me réjouis que des plans régionaux de l’agriculture durable fixent les grandes orientations de la politique agricole, agroalimentaire et agro-industrielle de l’État dans chaque région.
Néanmoins, le projet de loi précise que ces plans tiendront compte de « l’adaptation de l’agriculture au changement climatique », expression qui mérite d’être remplacée par une formule plus précise et plus claire. Il me paraît évident que cette adaptation passe par une évolution des systèmes de production, c'est-à-dire par l’encouragement des énergies directement produites, hors les agrocarburants. Je reviendrai sur cette question lors de l’examen de l’un de mes amendements.
Il importe aussi de prendre en considération la consommation en énergie grise, en engrais et en pesticides par les activités agricoles.
Certains nous annoncent que nous avons atteint le point haut de la courbe de Hubbert, cependant que, pour d’autres, cet événement ne surviendra que dans deux ou trois ans. Toujours est-il que la production de pétrole finira immanquablement par décroître, et c’est pourquoi nous avons le devoir de privilégier les énergies produites de façon autonome par rapport à cette énergie fossile.
De façon là encore ambiguë, le projet de loi mentionne « le développement des sources d’énergie d’origine agricole », autrement dit les agrocarburants. Ce point devra, lui aussi, être clarifié.
En conclusion, je ne peux que déplorer que l’article 12, premier des articles d’un volet consacré à l’inscription de l’agriculture et de la forêt dans un développement durable des territoires, demeure totalement muet sur l’emploi et la condition sociale dans l’agriculture. À mes yeux, l’agriculture repose sur des femmes et des hommes. Comment peut-on prétendre la moderniser, en faire un pilier du développement durable du territoire, en ignorant cet aspect ?
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l'article.
M. Didier Guillaume. Le titre III du projet de loi a pour intitulé : « Inscrire l’agriculture et la forêt dans un développement durable des territoires. » C’est un objectif louable, même si ce développement durable nous semble parfois quelque peu malmené : la taxe carbone a été reportée, les contraintes environnementales sont pointées du doigt pour tenter de complaire au monde agricole.
Gardons-nous de faire peser la responsabilité des atteintes à l’environnement sur les agriculteurs ! Quel que soit leur mode de production, biologique ou conventionnel, tous, depuis bien des années, ont à cœur la qualité et le respect de l’environnement, même si c’est plus particulièrement le cas des producteurs bio. Défenseurs de l’environnement, ils essaient tous de mettre en œuvre les meilleures pratiques agricoles possibles.
J’en reviens au cœur de l’article 12, qui traite du foncier agricole.
Cette question est évidemment cruciale : 50 000 hectares de terres agricoles sont consommés chaque année et l’équivalent d’un département agricole disparaît tous les dix ans. Ces chiffres ne sont pas nouveaux, tout le monde les a déjà entendus, mais il faut les marteler, car ils font sens, notamment, quand des velléités d’urbanisation nous gagnent.
Alors, plutôt que de nous désespérer sur ce triste constat, faisons en sorte que la loi enraye enfin ce phénomène.
À l’origine, l’avant-projet de loi prévoyait de diviser par deux les pertes annuelles de terres agricoles d’ici à 2020. Nous regrettons que ce paragraphe ait disparu. Cela dit, les expériences qui sont menées dans nos départements démontrent que certaines décisions peuvent se révéler efficaces. Ces initiatives pourraient d’ailleurs recevoir une consécration législative.
Ainsi, dans mon département, la Drôme, le conseil général a signé avec le préfet, le président de l’association des maires et le président de la chambre d’agriculture une « charte pour une meilleure prise en compte de l’agriculture dans la gestion du foncier et de l’urbanisme ». Nous pensons en effet que la dépréciation et la disparition des terres peuvent être stoppées.
L’importance de la pression foncière entraîne un risque de démantèlement de certains espaces agricoles, lesquels sont de moins en moins structurés et homogènes. C’est pourquoi une réflexion a été engagée de façon très pragmatique pour faire en sorte qu’à chaque problématique correspondent des préconisations.
Par exemple, la loi pourrait encourager les aménagements intercommunaux afin d’économiser l’espace agricole – il n’est pas obligatoire de construire une salle des fêtes dans chaque petit village ! –, la réalisation d’un diagnostic agricole territorial pour tout projet d’aménagement ou d’urbanisme intercommunal, la reconquête du foncier agricole par la constitution des réserves foncières agricoles, la densification des espaces urbanisées, le classement en zone naturelle des espaces pastoraux, quel que soit leur intérêt naturaliste, pour permettre la réalisation d’équipements pastoraux, par exemple des maisons de berger.
En dépit des apparences, ne voyez pas là uniquement un catalogue de bonnes intentions. Quand elles sont formalisées et portées par les différents partenaires concernés, ces mesures ont plus de chances d’aboutir.
Nous devrions être capables de promouvoir au niveau national tous ces dispositifs que nous mettons en œuvre dans les territoires. Toutes les bonnes pratiques, quelles qu’elles soient, méritent d’être généralisées à l’ensemble du territoire. Ainsi, nous devons faire d’importants efforts pour limiter la déprise agricole et faciliter l’installation des jeunes agriculteurs.
En matière d’urbanisme, il serait intéressant de prendre en compte, dans le plan régional de développement de l’agriculteur durable, ces outils indispensables de la gestion de l’espace que sont les SCOT, chers au président Emorine.
En conclusion, je voudrais évoquer la nécessité d’interdire les fermes photovoltaïques au sol quand elles concurrencent directement l’agriculture.
Nous sommes tous favorables aux énergies renouvelables. Je n’ai rien contre le photovoltaïque quand celui-ci est installé sur les toits des poulaillers, des hangars agricoles ou des salles des fêtes. Dans mon département, les toitures de tous les collèges sont équipées de panneaux photovoltaïques.
Ce matin, la deuxième ferme photovoltaïque de France était inaugurée dans la Drôme. Si je n’ai pas assisté à cet événement, c’est uniquement pour être présent ici cet après-midi, de manière que M le rapporteur puisse célébrer la fête des mères en famille. (Sourires.)
M. Gérard César, rapporteur. Merci !
M. Charles Revet. Au moins, cela restera dans les annales du Sénat ! (Nouveaux sourires.)
M. Didier Guillaume. Qu’on utilise les délaissés de la Compagnie nationale du Rhône pour y construire des fermes photovoltaïques, fort bien, c’est une excellente idée ! En revanche, je ne crois pas du tout que ce soit une bonne solution s’il s’agit de compenser l’insuffisance du revenu que les agriculteurs tirent de leur travail.
Les fermes photovoltaïques doivent être des éléments d’aménagement du territoire et non des facteurs de déprise agricole.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l’article.
Mme Marie-Agnès Labarre. L’article 12 du projet de loi crée un plan régional de l’agriculture durable et tend à favoriser la préservation des terres agricoles. Nous ne pouvons qu’adhérer aux objectifs affichés par le Gouvernement.
En effet, il est important de promouvoir une agriculture durable pour la santé des personnes, en particulier les professionnels du secteur, mais également pour la préservation de la biodiversité.
Hélas, cet article fournit un outil qui risque de poser des problèmes d’articulation avec les outils existants. Surtout, il ne précise pas le contenu de la politique qui sera retenue dans le cadre des plans. Il nous faut donc chercher ailleurs le fond de cette politique, dans les différents textes que le Gouvernement et sa majorité ont adoptés ou soutenus.
Or force est de constater que notre définition d’une agriculture durable ne correspond pas à la vôtre, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité. Je prendrai quelques exemples : la réglementation relative aux pesticides, la préservation de la polyculture et la question des besoins en protéines.
S’agissant de la réglementation relative aux pesticides, la division par deux de leur utilisation d’ici à 2050 fait partie des engagements du Grenelle de l’environnement, mais les dispositions prévues se contentent de mieux encadrer la vente, l’application et les conseils d’utilisation des produits concernés.
En effet, l’adoption de l’article 36 bis A, qui conditionne la restriction ou le retrait d’un pesticide à une évaluation des effets sociaux et économiques, marque un recul très net. Selon certaines associations, « cette mesure est contraire à la réglementation européenne ! L’évaluation des pesticides repose sur deux piliers : l’innocuité et l’efficacité. Il n’a jamais été question d’y ajouter un pilier économique ! »
Cette initiative française est effectivement inédite en Europe puisque aucun règlement communautaire, pas même le paquet « pesticides » qui entrera en vigueur le 1er janvier 2011, ne prévoit une telle évaluation.
Enfin, l’Union européenne a accru sa dépendance en protéines pour l’alimentation animale : 70% des matières riches en protéines, dont 80% de soja, sont importées. Dans le même temps, on a assisté en Europe à un développement d’élevages intensifs, notamment près des grands ports d’importation, parce que ces élevages sont fondés sur une consommation massive de protéines importées.
En Europe, en séparant géographiquement les activités d’agriculture et d’élevage, on s’interdit de synthétiser biologiquement sur place les protéines à destination de la consommation animale et d’utiliser des déchets animaux pour accroître la fertilité des sols.
Que ce soit au niveau européen ou à l’échelle mondiale, tout est mis en œuvre pour une agriculture spécialisée et intensive. Nous pensons au contraire qu’il faut encourager et soutenir la polyculture, les jachères, les circuits courts et rendre une dimension humaine à nos productions en leur donnant les moyens d’exister.