M. Paul Raoult. Eh oui !
Mme Odette Herviaux. Selon moi, le problème numéro un, c’est donc le revenu des agriculteurs.
Dès lors qu’on abandonne la solidarité nationale au profit de l’assurance – autres temps, autres mœurs ! –, le mécanisme de réassurance publique me semble être une innovation très positive. Je regrette, moi aussi, l’emploi du conditionnel, mais, monsieur le ministre, nous espérons bien vous revoir d’ici quelques mois pour que vous nous présentiez des mesures tout à fait tangibles.
Enfin, cet objectif de réassurance publique laisse la porte ouverte à des réponses plus intéressantes face à des problèmes liés à d’autres calamités. Nous savons très bien que les grands groupes intéressés financièrement à l’avenir de l’assurance récolte n’auraient jamais accepté, faute de réassurance publique, de couvrir les risques !
Permettez-moi une dernière remarque. Tout au long du débat, certains ont souligné qu’il était d’usage de s’assurer pour sa voiture ou son habitation. Toutefois, vu les conditions de vie de certains de nos concitoyens, je crois qu’il serait intéressant de savoir combien d’entre eux ne peuvent plus s’assurer et vivent donc, faute de moyens, sans aucune protection face à un éventuel grave accident de la vie ; je crois qu’on touche là un problème fondamental !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Si j’ai bien compris, mes chers collègues, la messe est dite !
Pourtant, je reste déçu de la rédaction adoptée par le Gouvernement. En effet, cher président Emorine, cher rapporteur Gérard César, vous aviez fait un excellent travail en couvrant l’ensemble de la problématique tout en la précisant ; or on s’en tient ici uniquement à la réassurance publique. Je ne sais pas si, au-delà de cette question, on se penchera sur celles des seuils de franchise, de la perte d’attractivité ou de l’assurance récolte. D’ailleurs, quand on parle d’assurance récolte, on pense en fait à l’assurance revenu !
Quand un pays comme le nôtre en est réduit, pour parer à des niveaux de prix qui empêchent les agriculteurs de vivre de leur activité, à inventer un système d’assurance pour garantir le revenu des agriculteurs, c’est qu’on est presque au bout du rouleau !
On est enfermé dans un système qui est devenu d’une telle complexité qu’on ne sait plus comment s’en sortir !
Les agriculteurs ont profité de la PAC avant 1993, mais la situation n’a cessé de se dégrader depuis la réforme de 1993. Pendant un certain temps, l’agriculture française a réussi à compenser la baisse des prix par une amélioration de sa productivité. Mais nous avons atteint un plateau, de sorte que la baisse continue des prix les a fait passer en dessous des prix de revient !
Chacun le sait, si l’on supprimait les aides publiques, l’agriculture serait en situation de faillite !
M. Paul Raoult. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Nous essayons donc de trouver un arsenal de mesures pour y apporter une réponse à travers l’assurance récolte ou l’assurance revenu.
Pour ma part, je n’y crois qu’à moitié, dans la mesure où, tant qu’on n’aura pas réglé le problème de la franchise, vous aurez beaucoup de mal à augmenter le pourcentage d’agriculteurs acceptant d’adhérer à ce système d’assurance.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que nous en étions à 37 % et que vous vous fixiez un objectif de 50 %. Certains plaident pour un régime obligatoire, mais vous avez invoqué les règles européennes qui nous dissuadent d’aller dans cette direction. Autrement dit, l’assurance ne peut qu’être volontaire. Dès lors, si vous voulez convaincre un très grand nombre d’agriculteurs de s’assurer, il faut que vous agissiez sur le niveau de la franchise.
Je puis vous dire que les agriculteurs des zones de grande culture, qui représentent tout de même des surfaces non négligeables sur le territoire national, n’auront certainement pas recours en masse à ce type d’assurance s’ils n’ont pas un retour sur investissement. De ce point de vue, une franchise de 25 % est inacceptable. Mais un abaissement des taux de franchise qui se traduirait par une envolée des primes d’assurance aurait aussi un caractère dissuasif. Il faut donc trouver la juste mesure !
J’entends bien qu’un système mutualisé, où chacun apporterait sa contribution, aurait la faveur des agriculteurs dans certaines zones. Cela est envisageable, mais à condition que tous les agriculteurs soient équitablement traités et puissent être également éligibles au bénéfice de l’assurance ! Si le système a pour conséquence qu’une moitié paye tandis que l’autre reçoit, ça ne marchera pas !
Je suis bien conscient que je n’apprends rien sur ce point aux membres de la commission, pas plus qu’à vous, monsieur le ministre. Quoi qu'il en soit, si des investigations ne sont pas menées à ce sujet, nous aurons certes légiféré, mais nous n’aurons guère fait plus qu’un bon travail d’affichage ; nous aurons montré notre volonté d’aller dans la direction qui nous paraît souhaitable, mais j’ai bien peur que nous n’ayons perdu notre temps si cette proposition n’a pas les résultats concrets que nous en attendons.
Voilà pourquoi je voterai l’amendement du Gouvernement, mais sans enthousiasme, en restant dubitatif quant à ses résultats. S’il était allé beaucoup plus loin, cela aurait pu susciter bien plus d’espoir dans la profession agricole. (MM. Rémy Pointereau et Jackie Pierre applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Je veux rassurer Alain Vasselle : ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, l’assurance n’est pas là pour régler l’ensemble des problèmes agricoles.
Ces problèmes sont essentiellement de deux ordres : d’une part, les aléas climatiques ou sanitaires ; d’autre part, les revenus.
Le travail que nous avons réalisé au début de l’examen de ce projet de loi sur la contractualisation et sur l’interprofession vise à sécuriser les revenus.
Monsieur le ministre, je veux vous dire devant l’ensemble de nos collègues combien Gérard César, Daniel Soulage et moi-même avons apprécié votre sens de l’écoute. Depuis une dizaine d’années, nous défendons l’idée de réassurance publique. Les assureurs nous disaient : « Même si nous avons aujourd’hui 70 000 contrats, nous avons du mal à développer l’assurance parce qu’il n’y a pas de réassurance publique. » En 1998, voilà maintenant douze ans, Marcel Deneux et moi avons réalisé un rapport sur ce sujet. Mais, depuis cette date, aucun gouvernement ne s’était engagé sur la réassurance publique.
Monsieur le ministre, je tiens donc à vous remercier publiquement, car nous n’avons pas mis beaucoup de temps à vous convaincre de la nécessité de la réassurance publique.
Quels arguments plaidaient en sa faveur ?
La Fédération française des sociétés d’assurance la demandait, avec l’ensemble des assureurs. Les réassureurs privés nous disaient disposer d’un « matelas » de 700 millions d’euros, mais celui-ci n’était pas exactement à la hauteur des besoins.
Bien sûr, le Gouvernement ne voulait pas créer un effet d’aubaine pour les assureurs et les réassureurs. À cet égard, l’amendement du Gouvernement encadre bien l’intervention de la réassurance publique en la limitant à la présence de « circonstances exceptionnelles ».
Avec cet amendement, monsieur le ministre, le Gouvernement prend un engagement fort. En effet, si on laissait les choses en l’état, très peu d’agriculteurs étant assurés, en cas de catastrophe, le Gouvernement serait finalement obligé de compenser.
Il nous semblait indispensable que le Gouvernement s’engage dans la réassurance publique car, à l’horizon de cinq ou dix ans, quand l’assurance sera, sinon obligatoire, monsieur Plancade, mais en voie de généralisation, l’assiette sera bien plus large et, dès lors, mécaniquement, la charge se trouvera diminuée. Ainsi, dans cinq ou dix ans, les réassureurs privés pourront faire face.
Bruno Retailleau a évoqué des circonstances effectivement exceptionnelles, mais qui mettent en branle un autre dispositif, où l’État peut intervenir.
M. le rapporteur et vous-même, monsieur le ministre, avez déjà fait allusion à la réunion que nous avons eue tous trois avec Mme la ministre de l’économie et M. le ministre du budget. Je ne suis pas certain que nous les ayons vraiment convaincus de la nécessité de la réassurance publique, mais je vais vous faire une confidence, mes chers collègues, car certaines vérités méritent d’être dites : la réassurance publique, c’est grâce au Président de la République que nous l’avons obtenue ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. En conséquence, l’article 10 est ainsi rédigé et les amendements nos 279, 163 rectifié, 431 rectifié, 545 rectifié, 546 rectifié et 421 rectifié n’ont plus d’objet.
Article 11
(Supprimé)
Articles additionnels après l'article 11
M. le président. L'amendement n° 169, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix devant les tribunaux paritaires des baux ruraux.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Les règles actuelles de procédure devant les tribunaux paritaires des baux ruraux, édictées à l’article 884 du code de procédure pénale, n’imposent pas aux plaideurs l’obligation du ministère d’avocat et leur permettent de se défendre eux-mêmes ou d’être assistés par des personnes dont la liste est limitative.
Or il apparaît fondé de permettre aux plaideurs, agriculteurs ou non, de bénéficier de la compétence de toute personne qu’ils estimeraient capable de les assister. L’énumération limitative de l’article 884 du code de procédure pénale peut aller à l’encontre de cet objectif, une personne compétente pouvant ne pas répondre à la liste figurant dans l’article.
Cependant, le besoin est réel et il fait d’ailleurs aujourd’hui l’objet de services d’aide ou de conseil juridique assurés par des associations et des syndicats. Ces services, lorsqu’ils existent, ont pour objet d’accompagner les exploitants dans le cas de litiges, notamment entre bailleurs et agriculteurs, et rencontrent un vrai succès.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement évoque un sujet qui concerne plutôt la procédure civile. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 170, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 641-19 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 641-19-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 641-19-1 - Le qualificatif de « méthode ancestrale » est réservé aux vins d'appellations d'origine contrôlée (AOC).
« Le qualificatif « méthode ancestrale » est réservé aux vins mousseux bénéficiant d'une appellation d'origine protégée élaboré par fermentation unique. La fermentation débute en cuve. Elle est maîtrisée grâce à l'utilisation du froid ou par l'élimination d'une partie de la population levurienne. La prise de mousse se fait uniquement en bouteille, avec ou sans levurage, à partir du moût partiellement fermenté. L'ajout d'une liqueur de tirage est interdit. Le délai de conservation en bouteilles sur lies ne peut être inférieur à deux mois. Le dépôt peut être éliminé soit par dégorgement, soit par filtration isobarométrique de bouteille à bouteille, soit par transvasement dans un récipient d'unification et filtration isobarométrique. L'emploi d'une liqueur d'expédition est interdit. »
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Cet amendement vise à compléter le code rural dans le but d’enrichir la liste de mentions valorisantes en matière viticole. Ce projet de loi n’a-t-il pas vocation à permettre de protéger et de préserver la qualité de nos filières agricoles ?
La mention « méthode ancestrale » n’est pas définie dans nos lois. Pourtant, donner une existence législative à cette nouvelle mention valorisante irait dans un sens que nous approuvons tous.
Le Président de la République, dans un entretien accordé à la presse agricole avant le début de l’examen du présent texte, déclarait : « L’investissement dans l’agriculture française [...], c’est aussi la qualité, la plus forte valeur ajoutée, les appellations contrôlées. Je me battrai pour qu’on protège les appellations contrôlées. Au fond, qu’est-ce que c’est qu’une appellation contrôlée ? De la qualité et de la plus-value sur le produit qui est fabriqué. »
Ces mots, je les fais miens, car je partage cette position. Oui, il faut défendre les appellations contrôlées ; il faut même les renforcer. Il faut défendre notre patrimoine viticole, le protéger, car il est particulier aux yeux du monde entier et pas seulement aux yeux des Français.
Cette mention « méthode ancestrale » est une mention qualitative qui témoigne de la valeur ajoutée de certaines de nos productions viticoles. Elle doit être réservée aux vins d’appellations d’origine contrôlée.
D’un point de vue historique, les vins dits de « méthode ancestrale » relèvent de quatre AOC : Bugey, Clairette de Die, Gaillac et Limoux. Chacun de ces quatre vins AOC recouvre un territoire et un savoir-faire qu’il faut préserver et ne pas banaliser.
Bien sûr, je connais particulièrement bien la Clairette de Die, mais quand, voilà quelques jours, à l’occasion d’un match de rugby, a été échangée une bouteille de Blanquette de Limoux d’une équipe languedocienne contre une bouteille de Clairette de Die d’une équipe drômoise, ce sont tous les viticulteurs concernés par ces productions de qualité et leur savoir-faire qui sont récompensés.
C’est pourquoi il faut définir clairement cette notion de « méthode ancestrale » dans le projet de loi, comme le prévoit cet amendement, et protéger cette méthode au niveau législatif. Nous devons encourager cette reconnaissance qualitative, car notre filière viticole révèle régulièrement des produits de grande qualité et, en particulier, ceux que je viens de citer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Chacun ici défend la politique des appellations d’origine contrôlée.
Je note cependant que la mention « méthode ancestrale » ne fait pas très moderne, alors que la profession viticole cherche à gagner des parts de marché, en particulier chez les jeunes.
Par ailleurs, cet amendement empiète clairement sur le domaine réglementaire. D’ailleurs, le ministère est actuellement en train d’élaborer le décret « étiquetage » et il abordera certainement cette question.
Je suis donc défavorable à cet amendement d’appel, mais je profite de cette occasion pour interroger le Gouvernement : la mention « méthode ancestrale » sera-t-elle ou non réservé aux vins d’appellation d’origine contrôlée ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour deux raisons.
Premièrement, la réservation de ce genre de mention valorisante est de nature réglementaire.
Deuxièmement, le projet de décret « étiquetage », dont nous avons parlé précédemment, est en cours d’élaboration. Par conséquent, nous verrons à qui peut être réservée la mention « méthode ancestrale ». Je ne connais pas suffisamment le détail du dossier pour savoir pourquoi l’appellation « méthode ancestrale » serait réservée uniquement aux vins mousseux bénéficiant d’une appellation d’origine protégée et élaborés par fermentation unique. Après tout, le champagne est aussi produit selon une méthode ancestrale, de même que certains fromages.
Mme Nathalie Goulet. Le camembert !
M. Bruno Le Maire, ministre. Il y a sûrement de très bonnes raisons, mais je ne les connais pas ; par conséquent je ne peux pas me prononcer sur le fond.
Cela dit, monsieur Guillaume, je ne connais pas non plus très bien la Clairette de Die, et je serais ravi d’en goûter. (Exclamations amusées.)
M. Jacques Blanc. Et la Blanquette de Limoux ?
M. le président. Sur cet amendement d’appel, monsieur le ministre, vous avez fait une réponse d’appel, un appel auquel, j’en suis sûr, M. Guillaume ne sera pas insensible. (Sourires.)
M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, je vous promets que, vendredi matin, je vous ferai porter à votre banc quelques bouteilles de Clairette de Die. (Nouveaux sourires.) Mais seulement pour vous, monsieur le ministre ! Car je ne voudrais pas que Gérard César, faute de temps, ne soit pas en mesure de célébrer dimanche la fête des mères ! (M. Gérard César, rapporteur, s’exclame.)
Monsieur le rapporteur, s’agissant de mon amendement, vous me dites que l’expression « méthode ancestrale » ne fait pas très moderne, mais elle dit tout de même bien ce qu’elle veut dire !
Reconnaissons que les quatre AOC concernées ont besoin d’être valorisées. Vous avez évoqué le champagne, monsieur le ministre, mais le champagne domine largement tous les vins effervescents !
L’idée, avec ce label supplémentaire, était d’aider à maintenir et à promouvoir ce patrimoine viticole que représentent la Blanquette de Limoux, le vin du Bugey, la Clairette de Die, ainsi que le Gaillac.
De plus, mon amendement faisait écho aux propos du Président de la République sur le soutien aux AOC, qui en ont bien besoin, et ce dans toutes les filières.
J’ajoute que, à un moment où les consommateurs, surtout les consommatrices, tendent à se détourner des apéritifs forts, il est particulièrement intéressant d’offrir des outils de promotion à ces vins effervescents. Cet amendement nous permettait de mettre un coup de projecteur sur quatre AOC qui, à mon sens, en valent bien la peine.
Monsieur le rapporteur, quand on évoque l’agriculture, il est fort bien de parler de modernité, mais je souhaite aussi qu’on parle d’histoire et de racines, parce que notre agriculture est faite de traditions, attachées à des terroirs. Certains de ses produits, surtout les plus anciens, font partie intégrante de nos racines, participent de notre culture et de notre histoire. Moi, je ne veux pas que l’impératif de productivité et de compétitivité sur le marché européen ou sur le marché mondial nous éloigne de nos traditions, nous fasse négliger ce qui fait la richesse de nos terroirs, ce qui a forgé cette culture dont nous sommes imprégnés.
S’il y avait un amendement qui ne me semblait pas poser de problème et qui permettait d’aller de l’avant, c’était bien celui-là ! C’est pourquoi je le maintiens.
M. le président. L'amendement n° 171, présenté par M. Chastan, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la situation sociale des agriculteurs en France.
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. Cet amendement a été déposé sur l’initiative de notre collègue Yves Chastan, dont je me fais ici la porte-parole.
Nous ne cessons, depuis le début de l’examen de ce projet de loi, de justifier la nécessaire modernisation de notre agriculture au nom d’une indispensable « compétitivité » et afin d’assurer la prégnance de notre modèle économique agricole sur la scène européenne – je pense à la PAC, bien sûr – et internationale.
Je conviens évidemment qu’il est en priorité nécessaire de donner un nouvel élan, de nouvelles perspectives économiques à notre agriculture, qui connaît une crise profonde et durable. En Ardèche, comme dans d’autres départements, les agriculteurs et leurs représentants sont tous inquiets : certes, le métier les passionne, mais les fins de mois sont difficiles et ils peinent toujours plus, année après année, à nourrir leur famille et vivre dignement de leur profession.
Vous connaissez, comme moi, mes chers collègues, cette réalité économique et sociale, vécue quotidiennement par nos concitoyens dans nos départements. Et, comme moi, vous pouvez aussi constater que ce projet de loi laisse en jachère un pan entier de la nécessaire modernisation agricole : on n’y trouve rien, strictement rien, sur le volet social !
Certes, des dispositifs économiques potentiellement intéressants fleurissent au détour de tel ou tel article, et des principes politiques sont posés et définis, mais qui n’auront qu’une incidence limitée sur la situation réelle de nos agriculteurs. Mais rien n’est proposé pour remédier aux difficultés sociales ou, à tout le moins, ouvrir ce dossier, et corriger, par l’intervention de l’État, les injustices existant en la matière.
II y a plusieurs années déjà, le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi d’orientation agricole rappelait que la « situation sociale de l’agriculture française suscite de nombreuses attentes ».
Or, en 2010, les syndicats agricoles, les acteurs du monde paysan et les observateurs soulignent unanimement une dégradation accrue de la situation des producteurs agricoles français.
Aujourd’hui, les attentes de nos agriculteurs sont toujours fortes et urgentes. Mes chers collègues, vous devez convenir que l’on ne peut se satisfaire de ce seul texte, qui n’apporte aucune réponse pertinente en matière d’équité sociale.
Assurer des revenus décents, améliorer la protection sociale, traiter les questions du niveau des retraites, de l’égalité hommes-femmes dans l’agriculture, de l’installation de jeunes agriculteurs : voilà de nombreux chantiers sociaux à ouvrir, et auxquels il faut trouver des solutions concrètes.
C’est la raison pour laquelle je propose que le Gouvernement remette au Parlement, d’ici à la fin de l’année, un rapport permettant de faire la lumière sur la réalité de la situation sociale de nos agriculteurs, un élément tout aussi déterminant pour l’avenir de notre agriculture. Ce rapport pourrait être le prélude à une nouvelle loi de « modernisation sociale » de l’agriculture. Car la situation économique l’exige, et nos paysans l’attendent !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Mme Nicoux sait que je ne suis guère favorable à la multiplication des rapports. Mieux vaudrait cibler nos demandes en posant des questions techniques précises.
J’ajoute que nous n’avons pas voulu aborder la question des retraites agricoles dans ce texte, car celle-ci sera traitée dans le cadre de la réforme globale des retraites que nous examinerons à la fin de l’année.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. La loi vise à apporter des solutions et non pas à dresser des constats.
En matière de constat, nous disposons déjà de rapports sur la situation sociale des agriculteurs, dont celui de la Mutualité sociale agricole, qui est très complet. D’ailleurs, la publication de ce rapport a fait la une de tous les journaux : tout le monde a su très vite que, malheureusement, le revenu moyen des agriculteurs avait baissé, en 2009, de 34 % et même de plus de 50 % dans certaines filières.
En conséquence, cet amendement est sans objet.
M. le président. L'amendement n° 427, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement adapte la réglementation relative à la commercialisation des céréales afin de permettre aux exploitants agricoles, dans certaines conditions, de commercialiser directement les céréales qu'ils produisent sans avoir recours à des collecteurs agréés.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. L’article L. 621-16 du code rural et de la pêche maritime dispose que « la commercialisation des céréales détenues par les producteurs est opérée exclusivement par l’intermédiaire des personnes physiques ou morales agréées à cet effet et dénommées collecteurs agréés ».
Par cet amendement, nous proposons que, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement adapte la réglementation relative à la commercialisation des céréales afin de permettre aux producteurs céréaliers, dans certaines conditions, de commercialiser directement les céréales qu’ils produisent, sans avoir automatiquement recours à des collecteurs agréés.
Nous estimons que cette spécificité française n’a plus lieu d’être et qu’il n’est pas normal d’interdire aux producteurs céréaliers de commercialiser directement leur production, alors que les autres producteurs de tous les autres secteurs peuvent le faire ; ils y sont même incités.
Lors du dernier comité de suivi sur la situation des grandes cultures, le 6 mai dernier, l’Organisation des producteurs de grains a abordé la question de la libéralisation du commerce des céréales et recommandé la suppression de l’obligation de recourir à un organisme collecteur agréé.
Nous sommes favorables à la suppression de cette obligation, car elle permettra d’offrir aux producteurs, éleveurs ou autres utilisateurs importants, comme les meuniers, la possibilité de faire des transactions directes, ce qui favorisera le développement des circuits courts.
Nous nous interrogeons aussi sur l’application de la contractualisation dans la filière céréalière.
Dès lors que vous prévoyez l’obligation de recourir à un intermédiaire pour commercialiser la production céréalière, on ne voit comment les contrats de vente écrits entre producteurs de céréales et acheteurs pourront s’appliquer. C’est un pan entier de l’aval de nos productions agricoles qui échapperait, de fait, à l’application de l’article 3, relatif à la contractualisation. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des explications à ce sujet ?
Pour notre part, nous pensons qu’il importe de revenir sur cette spécificité du secteur des céréales.