Sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
Secrétaires :
MM. Jean-Noël Guérini, Bernard Saugey.
3. Organisme extraparlementaire
4. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
systèmes de réduction d'impôt par l'investissement locatif
Question de Mme Anne-Marie Escoffier. – Mmes Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; Anne-Marie Escoffier.
achèvement des travaux du tronçon auch-aubiet de la rn 124
Question de M. Aymeri de Montesquiou. – Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Aymeri de Montesquiou.
avenir de la route nationale 88 lyon-toulouse
Question de M. Jean Boyer. – Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Jean Boyer.
interruption du fonctionnement de la voie auxiliaire sur l'échangeur A4-A86
Question de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; Catherine Procaccia.
limite d'âge dans la fonction publique
Question de M. Michel Houel. – Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Michel Houel.
dispositif d'aide individuelle à la scolarité des enfants handicapés
Question de M. Antoine Lefèvre. – MM. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ; Antoine Lefèvre.
évolution de l'allocation équivalent retraite
Question de M. Nicolas About. – MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ; Nicolas About.
application du droit à l'oubli en matière d'incidents bancaires
Question de M. René Vestri. – MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ; René Vestri.
retour des réfugiés et des personnes déplacées du haut-karabagh
Question de Mmes Nathalie Goulet. – M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes ; Mme Nathalie Goulet.
Question de Mme Nicole Bonnefoy. – M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Mme Nicole Bonnefoy.
droit au rapprochement familial des détenus corses
Question de Mme Alima Boumediene-Thiery. – M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Mmes Alima Boumediene-Thiery.
suppression de compétences du tribunal de grande instance de strasbourg
Question de M. Roland Ries. – MM. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Roland Ries.
stages étudiants et conséquences de la diminution de la durée ouvrant droit à gratification
Question de M. Marc Laménie. – MM. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Marc Laménie.
Suspension et reprise de la séance
fermeture de l'unité de l'hôpital intercommunal de la ferté-sous-jouarre
Question de Mmes Nicole Bricq. – Mmes Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Nicole Bricq.
menaces sur les établissements de santé en seine-et-marne
Question de M. Michel Billout. – Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; M. Michel Billout.
situation de l'université du sud toulon-var
Question de M. Pierre-Yves Collombat. – Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; M. Pierre-Yves Collombat.
taxation des émetteurs radiophoniques et de télévision
Question de M. Jean-Jacques Mirassou. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Jean-Jacques Mirassou.
inscription de l'algérie dans la liste des zones à risques terroristes
Question de Mme Bariza Khiari. – Mmes Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; Bariza Khiari.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
MM. Gérard Longuet, le président, David Assouline.
7. Vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics. – Adoption définitive d'une proposition de loi (Texte de la commission)
Discussion générale : Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la commission de la culture.
MM. Ivan Renar, David Assouline, Mmes Françoise Laborde, Marie-Thérèse Bruguière, Claudine Lepage.
Clôture de la discussion générale.
Articles additionnels avant l’article 1er
Amendement n° 1 de M. David Assouline. – MM. David Assouline, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. – Rejet.
Amendement n° 2 de M. David Assouline. – M. David Assouline.
Amendement n° 13 de M. Ivan Renar. – M. Ivan Renar.
M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des amendements nos 2 et 13.
Amendement n° 18 de M. Ivan Renar. – Mme Marie-Agnès Labarre, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 3 de M. David Assouline. – MM. David Assouline, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 4 de M. David Assouline. – MM. David Assouline, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 6 de M. David Assouline. – MM. David Assouline, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 7 de M. David Assouline. – MM. Claude Domeizel, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 8 de M. David Assouline. – MM. Claude Domeizel, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
MM. David Assouline, le président de la commission, Claude Domeizel, Jean-Pierre Fourcade, Ivan Renar, le rapporteur.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 1er
Amendement n° 9 de M. David Assouline. – MM. Claude Bérit-Débat, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 11 de M. David Assouline. – MM. Claude Domeizel, le rapporteur, Mme la ministre, M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 14 rectifié de M. Ivan Renar. – Mme Marie-Agnès Labarre, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 17 rectifié de M. Ivan Renar. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 19 de M. Ivan Renar. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 12 de M. David Assouline. – MM. David Assouline, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.
Adoption de l'article.
Amendement n° 20 de M. Ivan Renar. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 21 de M. Ivan Renar. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
MM. David Assouline, le président.
Adoption définitive de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
8. Rémunération des salariés reclassés. – Adoption définitive d'une proposition de loi (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Mme Jacqueline Alquier, M. Daniel Marsin, Mmes Catherine Procaccia, Annie David, M. Nicolas About.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Article unique et article additionnel après l’article unique
Amendements nos 2, 7 et 3 à 5 de M. Nicolas About. – M. Nicolas About. – Retrait des cinq amendements.
Amendement n° 1 de M. Alain Gournac. – MM. Alain Gournac, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendement n° 6 de M. Nicolas About. – Retrait.
Amendement n° 8 de M. Nicolas About. – Retrait.
Mmes Annie David, Nathalie Goulet, Annie Jarraud-Vergnolle, M. le ministre.
Adoption définitive, par scrutin public, de l’ensemble de la proposition de loi.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Noël Guérini,
M. Bernard Saugey.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Félix Ciccolini, qui fut sénateur des Bouches-du-Rhône de 1971 à 1989. Vice-président du Sénat, il présida nos séances de 1983 à 1986.
3
Organisme extraparlementaire
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
4
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Il est disponible au bureau de la distribution.
5
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
systèmes de réduction d'impôt par l'investissement locatif
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 807, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’an dernier, en pleine crise économique, sociale et immobilière, le Gouvernement, pour remotiver l’investissement et surtout l’économie de marché, arrêtait les décrets d’application de la loi Scellier portant réduction d’impôt par l’investissement locatif.
Une lecture sommaire de ce texte pourrait laisser croire à un placement tout à fait intéressant, surtout après la baisse historique du taux du livret A. Pourtant, si l’on y regarde de plus près, force est de constater que ce énième dispositif est né de la modélisation, de la fusion plus ou moins subtile des lois « Borloo » et « Robien », malheureusement empreintes d’échecs et de critiques acerbes.
Interpellés à plusieurs reprises sur les conséquences des dispositifs précédents, les ministres en charge du logement, en concertation avec les professionnels du secteur immobilier, assurent aujourd’hui encadrer et limiter les zones bénéficiaires du dispositif Scellier.
Ainsi, la révision du classement opérée conformément à l’article 48 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion devrait permettre de mieux refléter et donc de mieux appréhender l’état et les tensions du marché locatif privé. Dès lors, les aides fiscales à l’investissement locatif privé devraient se recentrer sur des zones prioritaires, des communes dans lesquelles le nombre de logements existants ne répond toujours pas à la demande.
Plus encore, cette analyse du marché de « l’habitation » et ce zonage communal devraient protéger le particulier, qui ne pourrait investir que dans les zones prédéterminées. Par cette limitation à l’investissement privé, le Gouvernement entend assurer la location au propriétaire-investisseur et donc le bénéfice de la défiscalisation, dont les conditions restrictives seront alors « facilement » satisfaites.
Madame la secrétaire d’État, j’ai été saisie par de nombreux investisseurs piégés par les premiers dispositifs, contraints aujourd’hui de revendre à perte, de se déclarer en surendettement ou acculés aux pires extrémités, notamment aux contraintes par voie d’huissier.
Pourriez-vous nous apporter certaines précisions ?
Tout d’abord, comment le zonage parviendra-t-il à réguler le marché du locatif dans la mesure où il s’agit non pas de « redistribuer » les dispositifs existants, mais de définir le domaine d’application d’un nouveau système instauré dans un secteur saturé ?
Ensuite, comment les particuliers pourront-ils être assurés d’une défiscalisation ? Comment peut-on aujourd’hui être sûr que tous les « nouveaux appartements Scellier » trouveront un acquéreur ? Je vous remercie par avance de votre réponse.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 a décidé de recentrer les aides fiscales à l’investissement locatif privé – dispositifs dits « Robien » et « Borloo » – sur les zones dans lesquelles les besoins de logement sont prioritaires et où il existe des tensions sur le marché du logement locatif. Cette décision suit les recommandations du rapport d’information parlementaire de juillet 2008 de MM. François Scellier et Jean-Yves Le Bouillonnec
Il s’agissait notamment de protéger les particuliers qui peuvent être incités à investir là où l’état du marché locatif ne leur permet pas de louer leur bien dans des conditions optimales.
Cette décision concerne également le nouveau dispositif d’aide à l’investissement locatif privé dit « Scellier », créé par l’article 31 de la loi de finances rectificative pour 2008. Désormais, il n’est plus possible pour tout nouveau programme de logements de bénéficier des dispositifs d’aides à l’investissement locatif privé hors des zones A, B1 et B2.
L’article 48 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a limité l’application de ces dispositifs aux « communes classées dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre entre l’offre et la demande de logement » et renvoyé à un arrêté ministériel révisé au moins tous les trois ans le soin d’établir le classement. En application de ces dispositions, une révision du classement des communes entre les zones A, B1, B2 et C a été effectuée de manière à mieux refléter les tensions du marché locatif privé. Elle est entrée en vigueur le 4 mai 2009, à la suite de la publication d’un arrêté daté du 29 avril 2009.
Cette révision du zonage a permis de ne retenir que les communes pour lesquelles une tension sur le marché locatif existe et permet ainsi d’éviter la réalisation d’opérations sur des territoires sans demande locative.
L’exclusion de la zone C est un geste fort en faveur de la protection des investisseurs. Vous le savez, elle suscite chaque année de vifs débats au Parlement. Sachez que le Gouvernement ne reviendra pas sur cette exclusion.
Au demeurant, afin d’appliquer ce principe avec discernement, le Parlement a décidé de permettre au ministre chargé du logement de délivrer des agréments à certaines communes de la zone C. La délivrance d’un tel agrément permettra le bénéfice du dispositif Scellier sur leur territoire.
Lors de la préparation du décret fixant les conditions de délivrance de cet agrément et sur lequel il vient de saisir le Conseil d’État, Benoist Apparu s’est attaché à respecter les orientations fixées par le Conseil de modernisation des politiques publiques et confirmées par le Parlement lors du vote de la loi du 25 mars 2009, visant à recentrer les aides fiscales à l’investissement locatif privé sur les zones dans lesquelles les besoins de logements sont prioritaires et où il existe de réelles tensions sur le marché du logement locatif.
Aussi, les agréments ne seront accordés que de manière individuelle, après un examen attentif des éléments de fait permettant de caractériser de manière fine la situation de la commune au regard du marché locatif.
Par ailleurs, un amendement au projet de loi portant réforme du crédit à la consommation, adopté par le Sénat et complété par l’Assemblée nationale, vise à une meilleure information des investisseurs sur la portée des engagements pris en contrepartie de l’avantage fiscal. Cet amendement, déposé par plusieurs de vos collègues, dont M. Philippe Dallier, impose que toute publicité relative à une opération d’acquisition de logement destiné à la location et susceptible de bénéficier d’un avantage fiscal comporte une mention indiquant que le non-respect des engagements de location entraîne la perte de cet avantage fiscal.
Cette mesure vient compléter les efforts déjà réalisés pour s’assurer que certaines dérives constatées par le passé ne se reproduiront plus.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui reprend les caractéristiques du dispositif sur le plan tant législatif que réglementaire.
J’ai bien noté que, dans le cadre du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation, des mesures dissuasives ont été adoptées en vue de réguler un marché qui peut se révéler très difficile : certains de nos citoyens sont ainsi confrontés aujourd'hui à des situations tout à fait dramatiques, les biens achetés n’ayant pu être loués comme cela avait été prévu initialement.
achèvement des travaux du tronçon auch-aubiet de la rn 124
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, auteur de la question n° 834, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la secrétaire d’État, une fois de plus, ma question porte sur les travaux de mise à « deux fois deux voies » de la route nationale 124 entre Auch et Toulouse, et plus précisément, aujourd’hui, sur les huit kilomètres entre Auch et Aubiet.
Le désenclavement gersois est une sorte de supplice de Tantale : chaque fois que nous pensons y parvenir, il nous échappe ! Ce sont les occasions ratées, les retards innombrables, le manque de financement de l’État ou des collectivités, les reports du projet dans les contrats de plan État-région successifs, les engagements non tenus.
En 1987, j’avais trouvé les crédits, mais le conseil général a refusé de financer sa part de l’opération.
Plus récemment, les travaux sur les ouvrages d’art entre Auch et Aubiet ont été interrompus pendant des mois, faute de financement par l’État, le chantier étant alors laissé à la merci des intempéries. Aujourd’hui, ce sont les crapauds accoucheurs qui sont en cause, après que les routes de l’ouest du département ont été victimes du bombyx à cul noir !
L’enquête préalable sur la présence éventuelle d’espèces protégées a été diligentée. Mais ce qui devrait en théorie prendre quelques mois se prolonge indéfiniment dans le Gers. Je conçois que les espèces d’amphibiens rares doivent être protégées et la biodiversité respectée, mais depuis 1988 que ce projet est en cours, on aurait pu confirmer ou infirmer leur présence.
Plus gravement, l’ampleur du retard de ces travaux est très négative pour l’économie gersoise. Et si le Gers est enclavé, ce n’est pas parce que les Gersois refusent une économie moderne et donc des liaisons dignes de notre époque, bien au contraire !
De plus, les Gersois veulent des routes plus sûres, car de trop nombreux accidents endeuillent chaque année leurs familles. Ils aspirent à l’égalité des chances ; ils veulent donc un développement économique, touristique, éducatif et scientifique équitable, dont une meilleure desserte du département est une condition.
C’est l’État qui est trop souvent en cause. Je vous rappelle que le Gers ne compte en tout et pour tout que vingt kilomètres de routes à deux fois deux voies !
Les travaux sur le tronçon Auch-Aubiet ont commencé en 2004 pour les ouvrages d’art et en janvier 2010 pour les structures, grâce aux crédits du plan de relance engagés en août 2009. Ils devraient s’achever en octobre 2012, au terme de plus de neuf ans de travaux pour… huit kilomètres ! À ce rythme consternant, Auch ne pourra espérer être enfin reliée à Toulouse par une route à deux fois deux voies avant 2032 !
Madame la secrétaire d’État, précisez-moi les mesures que vous prendrez pour accélérer l’achèvement des travaux. Je veux entendre confirmer qu’ils ont un caractère prioritaire, qu’ils seront financés et qu’ils seront achevés dans les meilleurs délais. Ne décevez pas les Gersois, ils l’ont été trop souvent !
M. le président. Mon cher collègue, je partage votre souci, pour avoir vu dans la Sarthe une autoroute bloquée pendant dix ans par l’Osmoderma !
Mme Nathalie Goulet. Le pique-prune !
M. le président. Oui, Osmoderma eremita pour ceux qui connaissent le latin…
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, vous connaissez le contexte budgétaire que nous rencontrons actuellement et qui conduit l’État à une extrême rigueur dans l’affectation des crédits d’investissement, notamment d’investissement routier.
Dans ce contexte difficile, M. le ministre d’État a veillé à ce que l’aménagement de la route nationale 124 entre Auch et Toulouse se poursuive prioritairement. Vous l’avez rappelé, les travaux de la section Auch-Aubiet ont déjà bénéficié de 4 millions d’euros dans le cadre du plan de relance de 2009 et sont actuellement en cours.
L’appel d’offres du marché principal sera lancé au printemps, et, au troisième trimestre, les travaux correspondants prendront la suite des travaux actuels de rétablissement et de déplacement de réseaux. L’achèvement de cette opération en 2012 relève de délais normaux pour une opération de 8,4 kilomètres et de 65 millions d’euros comprenant 2,7 kilomètres d’aménagement sur place. Cette caractéristique, économe en espace rural, impose toujours un allongement des travaux, lié aux contraintes de maintien de la circulation.
Enfin, le programme de modernisation des itinéraires, ou PDMI, de la région Midi-Pyrénées, l’un des plus importants de France, réserve une enveloppe budgétaire de 80 millions d’euros à la réalisation d’une autre partie de l’itinéraire Toulouse-Auch, la section Gimont-L’Isles-Jourdain, traduisant la priorité qui lui est reconnue, ce qui constitue un effort tout particulier au regard des opérations retenues sur l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la secrétaire d’État, j’aurais souhaité une réponse plus vigoureuse de votre part. Vingt-trois ans, c’est vraiment le supplice de Tantale !
Le Gouvernement utilise souvent le concept d’égalité des chances. Je ne vois pas comment le Gers peut se développer avec vingt kilomètres de deux fois deux voies !
Vous avez évoqué des crédits de 4 millions d’euros. C’est dérisoire par rapport au coût d’une route ! Je considère donc que le département est abandonné par le Gouvernement. Je ne comprends pas que l’on investisse des dizaines de millions d’euros dans des murs anti-bruit sur des autoroutes et que, par ailleurs, on abandonne totalement des zones rurales qui ne peuvent espérer aucun développement tant que les routes ne seront pas à un niveau normal. À notre époque, vingt kilomètres de deux fois deux voies, c’est absolument inacceptable pour la population gersoise !
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 855, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
M. Jean Boyer. Madame le secrétaire d’État, ma question porte sur l’avenir de la route nationale 88.
Cet axe européen qui relie Toulouse à Lyon a été reconnu comme grande liaison d’aménagement du territoire lors du comité interministériel à l’aménagement du territoire de Mende, en 1993, CIAT qui avait donné un grand espoir au monde rural. La mise à deux fois deux voies de cet axe devait être réalisée dans un délai de dix ans.
Pourtant, dix ans plus tard, seulement 185 kilomètres sont aménagés, soit 40 % de l’itinéraire. D’importants retards et des blocages ont été accumulés.
Je sais bien qu’il faut être objectif et honnête et reconnaître que nous avons des difficultés financières. Mais, madame le secrétaire d’État, ne pensez-vous pas qu’il y a des priorités ? En effet, ne l’oublions pas, la route nationale 88 traverse huit départements – la Haute-Garonne, le Tarn, l’Aveyron, la Lozère, l’Ardèche, la Haute-Loire, la Loire et le Rhône –, dont quelques élus sont présents dans cet hémicycle, et relie deux grandes villes françaises, Lyon et Toulouse. À ce titre, elle contribue – cela a été souligné tout à l’heure – au désenclavement de nombreux territoires ruraux du sud du Massif central, desservant notamment Albi, Rodez, Mende, Langogne, Le Puy-en-Velay et Saint-Étienne. À l’échelle européenne, elle participe à la création d’une vraie diagonale européenne : Séville, Madrid, Toulouse, Lyon, Genève et Varsovie. C’est donc un axe fort de la construction de l’espace européen, et même, dirai-je, un cordon ombilical de nature à revitaliser de nombreux territoires au cœur de la France.
Madame le secrétaire d’État, je voudrais savoir où en est l’expérimentation pilote des principes du développement durable lancée en 2003 autour d’un itinéraire routier par le ministre de l’équipement et des transports et le ministre de l’écologie et du développement durable. Je m’interroge également sur l’abandon de cette expérimentation, dont l’objectif premier était d’inscrire le projet routier, notamment dans sa partie centrale Rodez–Le Puy-en-Velay, dans une démarche de développement durable des territoires ainsi traversés.
Pour terminer, madame le secrétaire d’État, je souhaiterais vous demander si, pour un axe de cette importance, qui a une vocation européenne, la contribution de l’Union européenne ne pourrait pas relayer celle des départements ruraux, qui connaissent de grandes difficultés économiques et financières.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, l’État reste très conscient de la nécessité de poursuivre l’aménagement de la route nationale 88, qui a été maintenue en totalité dans le réseau routier national en raison de son rôle majeur d’axe d’aménagement du territoire. Vous l’avez rappelé, elle constitue à l’échelon national une importante liaison routière est-ouest.
Après la mise en deux fois deux voies des tronçons proches des extrémités de l’axe Lyon-Toulouse, et afin de garantir un aménagement qui tienne compte des enjeux environnementaux des territoires traversés, l’État a mis en place en 2003, le long de cet axe, une démarche expérimentale de route durable que vous avez rappelée.
Cette démarche a conduit à la signature en mars 2007, entre le syndicat mixte d’études et de promotion de l’axe Lyon-Toulouse et les ministères chargés des transports et de l’environnement, d’une charte d’engagement destinée à favoriser, à l’occasion de l’aménagement de la section de la route nationale 88 comprise entre Rodez et Le Puy-en-Velay, un développement durable des territoires traversés. Un comité de pilotage a été mis en place.
Dans ce cadre, plusieurs opérations ont d’ores et déjà été menées ; d’autres le seront à court ou à moyen terme. S’agissant des opérations achevées, on peut ainsi citer le raccordement de la route nationale 88 à l’autoroute A75 au droit de Romardiès, mis en service au cours de l’été 2009, ou encore la construction du viaduc de Rieucros, à Mende, dont la mise en service est effective depuis la fin de l’année 2009. S’agissant des opérations à venir, on peut évoquer la rocade ouest de Mende, située entre le viaduc de Rieucros et la route nationale 88, ou encore celle du Puy-en-Velay, dont les réalisations figurent dans les programmes de modernisation des itinéraires des régions Languedoc-Roussillon et Auvergne.
L’État reste extrêmement attaché à la démarche partenariale amorcée en 2003, qui s’inscrit dans la cohérence des orientations du Grenelle de l’environnement. Dans ce contexte, le ministre d’État proposera au président du syndicat mixte d’études et de promotion de l’axe Lyon-Toulouse de réunir très prochainement le comité de pilotage pour faire un point des opérations en cours et dessiner les nouvelles perspectives.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame le secrétaire d’État, je dois reconnaître que votre réponse est très complète ! La traversée des sites que vous avez mentionnés, y compris le viaduc de Millau, a été un point important.
Je voulais modestement, à travers cette question, faire passer un message, au nom d’ailleurs de tous les élus du Sud-Ouest. Cet axe latéral Lyon-Toulouse est vraiment très important pour l’aménagement du territoire.
interruption du fonctionnement de la voie auxiliaire sur l'échangeur A4-A86
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 838, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur la voie auxiliaire de l'échangeur A4-A86.
Chaque jour, l’Île-de-France affiche de 100 kilomètres à 300 kilomètres de bouchons cumulés. Le tronc commun A4-A86 est répertorié comme le point noir le plus important d’Île-de-France, et même d’Europe. Plus de 280 000 véhicules empruntent quotidiennement les deux kilomètres de cette portion d’autoroute – ce matin, comme tous les autres jours, j’y étais ! –, théâtre d’une congestion récurrente aux heures de pointe.
Afin de fluidifier la circulation, une « voie auxiliaire » a été mise en place en septembre 2005 sur la bande d’arrêt d’urgence existante. Aux heures d’affluence ou en cas de circulation très dense, un système de barrières mobiles la transforme en cinquième voie de circulation. Un panneau de signalisation lumineuse placé au-dessus de cette voie indique si elle est ouverte, fermée ou en cours de fermeture.
Ce dispositif a permis d’exploiter une voie supplémentaire sans modifier l’infrastructure de l’autoroute. Une diminution des temps de parcours, sans remise en cause de la sécurité des usagers, a été effectivement enregistrée.
À l’origine, la voie auxiliaire était ouverte dès que le trafic devenait dense, afin de réguler les flux d’automobilistes en prenant particulièrement en compte l’état du trafic en aval, c’est-à-dire vers Thiais et Rungis au niveau de l’A86-A106. Aux heures creuses, la voie retrouvait sa fonction de bande d’arrêt d’urgence.
Cependant, à la suite de deux accidents matériels qui ont endommagé les barrières au mois de décembre 2009, cette voie est interdite à la circulation depuis plusieurs mois. Les glissières mobiles d’affectation qui constituent ces barrières mobiles sont en aluminium. Elles seront inutilisables tant qu’elles n’auront pas été réparées. Cette voie est donc « en panne » et la circulation y est interdite. En attendant des réparations, ce sont plus de 12 kilomètres de voie qui sont affectés par ce dysfonctionnement. Les encombrements se répercutent presque jusqu’à l’autoroute du Sud.
Depuis le dépôt de ma question, j’ai appris par voie de presse que les travaux de réparation auraient finalement commencé – je ne m’en suis pas rendu compte ! – et que la réouverture de la voie serait prévue fin mai. Les automobilistes, les Val-de-Marnais, les élus – de droite comme de gauche – et l’Association des collectivités territoriales de l’Est parisien accueillent avec soulagement la réouverture de cette voie, dont ils soutiennent même l’ouverture constante.
La presse fait état d’un coût de l’ordre de 140 000 euros pour les réparations. Si l’on considère les cinq mois d’attente liés à cette intervention et les centaines de kilomètres de bouchons provoqués, il est légitime de s’interroger sur l’efficacité de l’organisation retenue pour les réparations. Ne faudrait-il d’ailleurs pas préférer la maintenance préventive à la maintenance curative ?
Je souhaiterais donc savoir pourquoi les travaux de réparation n’ont pas été entrepris plus tôt et si des mesures préventives seront à l’avenir mises en place ; on pourrait ainsi prévoir, par exemple, de disposer d’avance de glissières de remplacement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame le sénateur, vous avez appelé l’attention de Dominique Bussereau sur le dispositif de gestion dynamique des glissières mobiles qui permettait aux véhicules de circuler sur la voie auxiliaire du tronc commun A4-A86 dans les périodes de fort trafic.
Vous avez absolument raison de souligner que ce dispositif apporte des gains importants en termes de sécurité, de temps de parcours et de pollution atmosphérique. Il a montré que des mesures d’exploitation intelligentes et innovantes pouvaient se révéler aussi efficaces, plus respectueuses de l’environnement et moins coûteuses que des aménagements lourds comme des créations de voies supplémentaires.
Ce dispositif, vous l’avez rappelé, n’est malheureusement plus en service depuis quelques mois. En effet, deux accidents très importants sont survenus sur le tronc commun le 17 et le 31 décembre 2009 et l’ont fortement endommagé.
Les chocs ont détruit les mécanismes internes des barrières de tête qui ne peuvent plus être manœuvrées. Or la fiabilité de ces équipements joue un rôle essentiel en termes de sécurité ; en conséquence, la voie auxiliaire a dû être fermée dans les deux sens. Nous souhaitons bien évidemment sa réouverture dans les meilleurs délais.
Cette infrastructure, je le rappelle, est un prototype. Toute réparation est donc complexe. Les services gestionnaires s'étaient bien dotés de pièces de rechange pour les pannes simples. Mais les événements du mois de décembre ont eu des conséquences plus graves. Il a donc été nécessaire d’opérer une mise en concurrence pour la réparation et le remplacement des pièces endommagées. Les délais en sont allongés, mais notre volonté de maintenir ce service innovant et efficace n’est pas altérée.
Je souhaite donc vous l’assurer : tout est mis en œuvre pour réparer ces équipements, et nous espérons remettre en service la voie auxiliaire à la mi-mai.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d’État, j’ai emprunté l’autoroute ce matin et je n’ai pas vraiment vu de travaux ! Par ailleurs, dans la mesure où les glissières ne sont toujours pas mises en place, pourquoi ne pas utiliser les panneaux de signalisation lumineuse pour indiquer une fermeture ou une ouverture de la voie d’urgence ? Nous aurions ainsi pu, depuis le mois de décembre, continuer à utiliser cette dernière aux heures de circulation dense. Une partie des forces de police présentes en permanence sur place sur cette autoroute dans le cadre des contrôles de vitesse aurait en effet pu surveiller l’utilisation de cette voie de sécurité.
Mi-mai, c’est dans une semaine ! Permettez-moi de douter de la réouverture du tronçon dans ces délais. J’espère néanmoins que nous saurons trouver, en cas de nouvelle « panne », des systèmes plus simples que des appels d’offres pour le remplacement des pièces endommagées !
limite d'âge dans la fonction publique
M. le président. La parole est à M. Michel Houel, auteur de la question n° 852, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Michel Houel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question concerne, de manière générale, la limite d’âge dans la fonction publique. Elle porte plus précisément sur l'application du décret n° 2009-1744 concernant l'article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique.
Aujourd'hui, le corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, ou ICNA, fonctionnaires de la direction générale de l’aviation civile, la DGAC, est régi par la loi précitée. Son article 3 autorise l'exercice des fonctions de contrôle jusqu'à 57 ans, sans possibilité de report.
Bien sûr, la sécurité du transport aérien est un impératif auquel tout contrôleur est attaché. Mais les contrôleurs atteints par la limite d'âge, et désireux de prolonger leur carrière professionnelle, possèdent tous une licence de contrôle valide, et leur certificat médical a été renouvelé compte tenu des exigences auxquelles sont soumis les contrôleurs. En effet, tout au long de sa carrière, un ICNA peut exercer ses prérogatives uniquement s'il est en possession d'une licence européenne valide. Ces conditions, strictes et indispensables, éliminent donc tout risque susceptible de mettre en péril la sécurité aérienne.
Par ailleurs, il faut être cohérent ! Si l'on incite, à juste titre, les Français à travailler plus longtemps pour payer les retraites, on ne peut dans le même temps imposer un départ en retraite à 57 ans à une catégorie de salariés souhaitant poursuivre leur vie professionnelle.
J’aimerais donc connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement afin d'améliorer de manière significative cette situation pénalisante à tous points de vue.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, l'article 93 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a inséré une nouvelle disposition permettant aux fonctionnaires exerçant des services actifs d'être maintenus en activité jusqu'à l'âge de 65 ans, sur leur demande et sous réserve d’un examen de leur aptitude physique. Le décret du 30 décembre 2009 met en œuvre cette possibilité.
Mais cette nouvelle disposition est en contradiction avec la loi du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne. La limite d'âge y est fixée à 57 ans, sans possibilité de report. Celle-ci est imposée pour des raisons de sécurité inhérentes à l'activité même exercée par ces agents, quelle que soit leur affectation.
Une prolongation d'activité des agents concernés constituerait une singularité française au sein de l’Europe. Les autres pays européens ne permettent en effet pas d'exercer les fonctions de contrôleur aérien au-delà de l'âge de 57 ans. De plus, une telle évolution n'irait pas dans le sens de l'harmonisation voulue par les règlements du ciel unique européen.
C’est pourquoi le principe du droit à poursuivre au-delà de la limite d'âge de 57 ans ne peut être appliqué aux contrôleurs aériens sans que des études préalables soient menées sur les questions de sécurité et d'harmonisation européenne. Dominique Bussereau a donc proposé au secrétaire d'État chargé de la fonction publique la mise en place d'un dispositif réglementaire adapté aux contraintes particulières de cette profession. Cette réflexion ne peut se faire sans une concertation très large avec l'ensemble des acteurs concernés.
Le protocole d'accord qui déterminera les principales évolutions de la direction générale de l'aviation civile pour les années 2010 et 2011 pourrait ainsi être élaboré dans le cadre d'une discussion avec les organisations syndicales représentatives des personnels concernés sur les conditions d'une prolongation éventuelle de leur carrière au-delà de la limite d'âge actuelle.
Mais les partenaires étrangers associés dans le projet FABEC, qui vise à intégrer le contrôle aérien de l'Allemagne, la France, le Benelux et la Suisse, devront aussi être consultés, et tous ces pays fixent pour l'instant la limite d'âge des contrôleurs aériens à 55 ans ou 57 ans.
M. le président. La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Je vous remercie de vos explications, madame la secrétaire d’État. Elles témoignent d’une avancée dans ce secteur de la fonction publique, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir ! Les questions de limite d’âge sont actuellement en débat dans le cadre européen, et nous souhaitons que l’Europe parvienne à une harmonisation des systèmes en vigueur en France, en Suisse, en Allemagne et dans tous les pays directement concernés.
dispositif d'aide individuelle à la scolarité des enfants handicapés
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 845, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le dispositif d'aide individuelle à la scolarité des enfants handicapés. Le 10 juin 2009, Mme Valérie Létard parlait pour la première fois de l’institution d’un statut des AVS, ou auxiliaires de vie scolaire.
De nombreux rapports ont mis en évidence la nécessité de créer un vrai métier, qualifié et stable, de l'accompagnement scolaire et social.
En ce sens, un groupe de travail relatif à la professionnalisation et à la pérennisation des auxiliaires de vie scolaire, commun à votre ministère et au secrétariat d'État à la famille et à la solidarité, a été instauré en septembre dernier. Il avait pour mission de réfléchir à la création, d’ici au mois de septembre 2010, du nouveau métier d'accompagnant. Ce dernier permettrait d'offrir des perspectives de carrière et de mobilité à celles et à ceux qui ont fait le choix de s'engager dans cette voie.
Plusieurs réunions ont eu lieu durant le dernier trimestre 2009. Mais, à ma connaissance, le groupe de travail n’a tenu aucune séance plénière depuis le 5 janvier dernier. À ce jour, d’après vos statistiques, 180 000 élèves handicapés sont accueillis dans les établissements ordinaires du premier et du second degré. Les familles de ces enfants s’inquiètent à l’approche de la prochaine rentrée scolaire. Vous-même avez affirmé, début décembre 2009, la nécessité de professionnaliser les AVS.
La Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap, ou FNASEPH, a proposé, dans l’attente de la mise en place d'une certification ou d'un diplôme d'État à long terme, la création d'un diplôme universitaire ouvert aux personnels accompagnants actuellement en poste. Elle a également suggéré l’instauration d'un GIP transversal, compétent à chaque stade de la vie du jeune, sous tutelle de l'éducation nationale ou des nouvelles directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, les DRJSCS.
Par ailleurs, une pétition, lancée sur l’initiative de certains syndicats et associations de famille, commence à circuler. Elle aurait déjà recueilli plus de 14 000 signatures.
Compte tenu des délais, il devient donc urgent d’arbitrer rapidement, monsieur le ministre !
Je vous remercie de bien vouloir m'apporter des éléments de réponse pouvant rassurer à la fois les familles et les intervenants auprès des élèves.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous attirez mon attention sur le dispositif des auxiliaires de vie scolaire auprès des enfants handicapés. Comme vous le savez, la scolarisation des enfants handicapés est une priorité du Gouvernement. À mes yeux, nous avons beaucoup progressé en la matière puisque le système scolaire de l’éducation nationale accueille aujourd’hui 40 % d’élèves handicapés de plus qu’il y a cinq ans, au moment du vote de la loi de 2005.
La présence de ces auxiliaires de vie rend possible la scolarisation de certains enfants handicapés. Dans 50 % des cas, il s’agit d’assistants d'éducation recrutés sous contrat de droit public, pour une durée maximale de six ans.
L’an dernier, le Parlement a adopté une disposition législative prévoyant la possibilité, pour certains auxiliaires de vie scolaire en fin de contrat, de continuer à assurer les mêmes fonctions dans des associations qui concluraient une convention avec mon ministère. Cette année, j’ai ainsi eu l’occasion de signer une convention avec plusieurs associations.
Il s’agissait d’une disposition transitoire, proposée afin de permettre une continuité dans la prise en charge et le suivi de l'élève par son ancien auxiliaire de vie scolaire individuel, ou AVSi. Mais vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, l'objectif du Gouvernement était, dès le départ, de favoriser la reprise des contrats sous une forme nouvelle, et ce afin d’éviter de perdre les compétences acquises par ces personnels et de poursuivre une logique de professionnalisation de la fonction.
Aujourd’hui, ces deux objectifs guident toujours notre réflexion, et la volonté du Gouvernement d’aboutir rapidement en la matière est absolument intacte.
Par ailleurs, je tiens à vous rassurer sur le groupe de travail dont vous avez fait mention. La dernière réunion remonte au 23 avril dernier. À l’invitation de mon ministère et de celui de Nadine Morano, elle a rassemblé les cabinets des deux ministères, les directions concernées, les principales fédérations d'associations, dont la Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap, ainsi que le secrétaire général du comité interministériel du handicap.
Notre objectif est de mener une professionnalisation accrue des AVSI et d’entamer une évolution progressive vers des métiers valorisant les compétences acquises par ces personnels. La fonction d'auxiliaire de vie scolaire auprès des enfants handicapés permet d'ores et déjà d'accéder à différents métiers dans le champ, plus large, des services d’aide à la personne. Je pense notamment aux emplois de catégorie C des fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière. Les concours de la fonction publique sont également accessibles.
Mais vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner l’obligation de trouver davantage de perspectives pour ces personnels.
Nadine Morano et moi souhaitons franchir une première étape à la rentrée 2010. Nous envisageons de signer avec l'ensemble des partenaires mobilisés – et d’abord les associations – une nouvelle convention cadre nationale. Celle-ci permettrait de mettre en place un système progressif de reprise des contrats des AVSI. Cette disposition s’appliquerait aux volontaires dont les compétences auraient été reconnues par les inspecteurs d'académie.
Comme vous le voyez, cet engagement traduit une nouvelle fois la volonté du Gouvernement d’apporter une réponse aux parents d’élèves handicapés de manière à insérer ces derniers dans le système scolaire de l’éducation nationale.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier des éléments de réponse que vous m’avez apportés. Évidemment, nous souhaitons que les objectifs rappelés puissent être atteints pour la rentrée 2010.
évolution de l'allocation équivalent retraite
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, auteur de la question n° 836, transmise à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.
M. Nicolas About. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement n’a rien annoncé pour l'allocation équivalent retraite, ou AER, en 2010. Certains bénéficiaires de cette mesure ont à faire face à des remboursements qu'ils ne pourront plus assumer si elle n'est pas pérennisée. Pour les personnes dans le besoin et ayant pourtant travaillé toute leur vie, l'incertitude actuelle est fortement préjudiciable. Le Gouvernement a maintenu cette allocation en 2009, et la situation de l'emploi ne s'améliore pas pour les seniors en 2010. Il est donc important d'agir au niveau des dirigeants de sociétés afin qu'ils ne licencient pas les seniors et qu'ils ne précipitent pas ceux d'entre eux qui se trouvent déjà au chômage dans la précarité la plus complète.
Lorsque ces seniors ont été licenciés, les employeurs ont mis en exergue le fait que l’allocation équivalent retraite leur permettrait, le cas échéant, d’atteindre de manière décente l’âge de la retraite. Ces licenciements ont d’ailleurs souvent sauvé l’emploi des plus jeunes salariés de l’entreprise. Le Gouvernement compte pénaliser les sociétés qui ne respectent pas le droit de travail des seniors, et c’est une bonne chose : 1 % de pénalités pourraient être destinées à financer cette allocation de manière durable.
Par ailleurs, les différentes agences Pôle emploi ont dispensé de recherche d’emploi les salariés seniors au chômage ayant atteint l’âge de cinquante-sept ans et demi. Être dégagé de recherche d’emploi par Pôle emploi ne signifie-t-il pas justement que les propositions d’emploi sont inexistantes pour ces seniors ? Si les « emplois seniors » étaient si nombreux, Pôle emploi dispenserait-il si facilement les seniors de recherche d’emploi ?
Modifier les règles pour les personnes déjà licenciées et en cours d’indemnisation chômage n’est pas humainement possible. Si de nouvelles règles doivent entrer en vigueur, il faut que celles-ci soient connues par avance à la fois des employeurs et des salariés concernés par ces licenciements. Il est donc nécessaire que la date d’application des nouvelles règles soit fixée de telle façon que ces dernières ne s’appliquent pas aux salariés licenciés percevant actuellement des indemnités chômage déjà souvent bien faibles.
Compte tenu de la situation actuelle de l’emploi, notamment pour les seniors, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, d’intervenir fortement en faveur d’une pérennisation rapide, en 2010, de l’allocation équivalent retraite, selon les conditions actuelles de validation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Laurent Wauquiez, qui est en déplacement et m’a donc chargé de vous répondre.
Je suis heureux de vous annoncer que, conformément à ce que le Président de la République avait indiqué en février dernier, lors du sommet social, l’allocation équivalent retraite, l’AER, qui garantit aux demandeurs d’emploi un niveau de ressources minimum jusqu’au moment de la liquidation de leur retraite, sera prolongée, à titre exceptionnel, jusqu’au 31 décembre 2010. Un décret est actuellement en cours de signature.
Cette allocation, versée sous conditions de ressources, se substitue à un revenu de remplacement, qu’il s’agisse de l’allocation de solidarité spécifique ou du revenu de solidarité active, ou peut être versée après expiration d’une allocation chômage. Elle peut également compléter une allocation chômage d’un faible montant.
Au cours de l’année dernière, marquée par une crise économique et financière exceptionnelle, le Gouvernement avait décidé, en accord avec les partenaires sociaux, de prolonger cette allocation pour l’année 2009. Cette crise continuant à peser cette année sur le marché de l’emploi, le Gouvernement a souhaité reconduire cette allocation pour l’année 2010 : il s’agit là non seulement d’une mesure de justice sociale, mais également d’une réponse forte à la question non moins importante des demandeurs d’emploi en fin de droits à l’assurance chômage, pour lesquels, vous le savez, un accord a été conclu avec les partenaires sociaux il y a quelques jours.
Ainsi, de nouvelles ouvertures de droits pourront être accordées dès lors que la demande est déposée avant le 31 décembre 2010 et que le demandeur d’emploi remplit les critères d’attribution suivants : être demandeur d’emploi, être âgé de moins de 60 ans, disposer de ressources inférieures à un plafond déterminé et justifier d’une durée d’assurance vieillesse au moins égale à 161 trimestres.
Nous venons de demander au directeur général de Pôle emploi de prendre les mesures nécessaires pour que les personnes concernées puissent bénéficier très rapidement de cette allocation.
Monsieur le sénateur, vous avez également insisté sur une question très importante, l’emploi des seniors.
Je vous indique que le Gouvernement reste très déterminé sur cette question. C’est en effet une révolution culturelle que nous avons à mener – cela n’allait pas de soi dans notre pays ! – pour faire en sorte que les seniors cessent d’être considérés comme une variable d’ajustement de nos politiques de l’emploi, comme ce fut trop souvent le cas dans le passé.
Dans cette crise, un premier résultat important a été obtenu : entre 2008 et 2009, et pour la première fois – c’est donc historique –, le taux d’emploi des seniors s’est amélioré d’un point. Certes, ce résultat reste modeste, mais il n’en est pas moins significatif.
Toutefois, nous restons très vigilants. Nous ne devons pas baisser la garde sur cette question, qui est également, on le sait, déterminante dans le cadre de la réflexion en cours sur la réforme du financement des retraites.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Je tiens à remercier M. le secrétaire d’État de sa réponse. Je me réjouis du maintien de l’allocation équivalent retraite pour l’année 2010, ainsi que de l’amélioration de la situation de l’emploi des seniors.
application du droit à l'oubli en matière d'incidents bancaires
M. le président. La parole est à M. René Vestri, auteur de la question n° 864, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
M. René Vestri. Monsieur le secrétaire d'État, nombre de nos concitoyens ayant été confrontés à des difficultés de paiement, mais ayant régularisé leur situation, sont toujours fichés au FCC, le fichier central des chèques, alors qu’ils ne devraient plus l’être.
En effet, en cas de régularisation de l’incident, l’effacement anticipé était jusqu’alors soumis à l’appréciation de l’établissement ayant demandé l’inscription au fichier central des chèques. Or, à la suite de nombreuses plaintes déposées par des personnes faisant l’objet d’une inscription au FCC pour une durée de deux ans, y compris après avoir régularisé l’incident ayant conduit au retrait de carte, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, a jugé cette disposition contraire aux principes du « droit à l’oubli » et a engagé des négociations avec l’ensemble des acteurs bancaires concernés afin de parvenir à une modification de ce fichier et de permettre aux clients d’obtenir ainsi leur « défichage ».
À ce titre, la CNIL a publié sur son site Internet les résultats de ces négociations, dont une nouvelle disposition permettant de régulariser sous 48 heures une inscription au fichier des incidents de crédit de la Banque de France, alors que, auparavant, les incidents, même régularisés, restaient inscrits durant deux ans.
Cette disposition prévoit que l’établissement bancaire a désormais l’obligation de demander la radiation dans les deux jours ouvrés à compter de la disparition du motif d’inscription. Celui-ci est tenu d’informer, sans délai et par écrit, les titulaires du compte de la radiation ou de l’annulation de leur inscription au FCC. Malheureusement, l’absence d’information des agences bancaires, que le groupement d’intérêt économique, ou GIE, des cartes bancaires « CB » et les établissements qui en font partie ont laissées sans instruction, a certainement créé un dysfonctionnement, entraînant ainsi de nombreuses plaintes.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous faire connaître les relais et moyens d’information que le Gouvernement entend mettre en œuvre afin que la mesure obtenue par la CNIL, qui constitue une avancée considérable des droits du citoyen consommateur, soit connue de tous et produise l’effet escompté, à savoir la radiation de dizaines, voire de centaines de milliers de personnes n’ayant plus à figurer dans ce fichier ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le sénateur, votre question est très importante, car elle concerne nombre de consommateurs.
Vous le savez, le fichier central des retraits de cartes « CB » a été créé le 1er août 1987 par la Banque de France, en application d’une convention conclue avec le GIE Cartes bancaires « CB ». Il était régi par arrêté du conseil général de la Banque de France du 16 juillet 1987, adopté après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. La Banque de France y enregistre les renseignements relatifs aux décisions de retrait de cartes bancaires « CB » qui lui sont communiquées par les établissements membres du groupement Cartes bancaires « CB » et émetteurs de ces cartes.
Vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, la convention entre la Banque de France et le GIE Cartes bancaires « CB » a fait l’objet d’une renégociation, dont le résultat a été soumis à la CNIL, laquelle a autorisé, en février 2010, les modifications apportées aux modalités de gestion du fichier central des retraits de cartes « CB ». Cette autorisation encadre notamment les conditions de radiation des personnes inscrites à ce fichier, et principalement l’obligation faite à l’établissement de demander la radiation dans les deux jours ouvrés à compter du constat de la régularisation intégrale de leur situation.
Les établissements de crédit concernés ont, en outre, préalablement à toute décision de déclaration de retrait, l’obligation – j’y insiste – d’informer les porteurs de carte sur les modalités de régularisation et de contestation.
Ces nouvelles dispositions sont d’ores et déjà applicables, et la Banque de France est en mesure de prendre en compte les demandes d’annulation qui lui sont transmises selon les modalités modifiées. Elles seront de nature à réduire considérablement le nombre de plaintes relatives au fichier central des retraits de cartes bancaires. Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, de nombreuses personnes pourraient être concernées par cette modification.
La délibération de la CNIL a été notifiée à la Banque de France et au GIE Cartes bancaires « CB », qui sont chargés d’en appliquer les prescriptions. Le GIE Cartes bancaires « CB » est chargé d’informer ses membres des modifications apportées au mode de fonctionnement du fichier et aux procédures d’enregistrement et de radiation. Il est, en outre, tenu de procéder sans délai à la modification des contrats conclus avec les clients détenteurs de cartes bancaires et de comptes sur lesquels fonctionnent des cartes « CB », afin d’être en conformité avec l’autorisation donnée par la CNIL.
Tels sont les éléments de réponse que je puis vous apporter, monsieur le sénateur, concernant notamment le droit à l’information.
M. le président. La parole est à M. René Vestri.
M. René Vestri. Je tiens à remercier M. le secrétaire d’État de ces précisions.
retour des réfugiés et des personnes déplacées du haut-karabagh
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 898, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Haut-Karabagh est un territoire azerbaïdjanais, occupé par l’Arménie. Cette occupation a été condamnée par plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, mais celles-ci n’ont jamais été appliquées.
Récemment, le représentant français au sein du groupe de Minsk, chargé du règlement du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, s’est fait piéger par une traduction infidèle. Malgré des mises au point et des dénégations, la traduction tronquée a fait l’actualité, devenant un fait médiatique avéré, autant dire la vérité, ce qui a tout naturellement provoqué une certaine incompréhension en Azerbaïdjan. Vous connaissez, comme nous tous, monsieur le secrétaire d’État, les effets ravageurs de la rumeur…
Dans le même temps, la diplomatie européenne s’active pour que l’Arménie et la Turquie règlent leur conflit historique.
Cette agitation diplomatique se fait, semble-t-il, sans que l’Arménie soit amenée à respecter les résolutions des Nations unies, qui l’enjoignent de restituer les territoires occupés du Haut-Karabagh, et donc de facto au détriment de l’Azerbaïdjan, qui est un partenaire économique et stratégique important et stable pour la France.
Le Président Sarkozy a récemment reçu le Président arménien à Paris.
Dans un Caucase si prompt à s’enflammer, où les troupes se massent en application d’un vieux principe que nous connaissons tous – si vis pacem, para bellum –, il est urgent que la France clarifie sa position et réaffirme sa volonté de voir régler la situation de milliers de réfugiés et de personnes déplacées qui attendent dans des conditions souvent dramatiques de rentrer chez eux dans le Haut-Karabagh.
Quelles mesures la France compte-t-elle prendre pour que les accords à venir entre l’Arménie et la Turquie ne négligent pas les intérêts légitimes de l’Azerbaïdjan, et quelles initiatives entend-elle engager pour favoriser le retour des réfugiés et des personnes déplacées du Haut-Karabagh ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Madame Nathalie Goulet, je vous prie d’excuser M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, qui m’a prié de bien vouloir vous transmettre sa réponse sur un dossier que je connais d’ailleurs personnellement pour m’être rendu sur place en prévision d’un prochain voyage dans cette région.
La France est très attachée à la paix et à la stabilité en profondeur de l’ensemble de la région du Caucase. Avec la Russie et les États-Unis, qui coprésident avec elle le groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, OSCE, elle joue un rôle actif pour aider les parties à conclure un règlement pacifique et équitable du conflit du Haut-Karabakh. Les excellentes relations que nous entretenons aussi bien avec l’Azerbaïdjan qu’avec l’Arménie constituent un atout très important. Ces deux pays sont d’ailleurs reconnaissants à la France de ses efforts.
C’est dans ce contexte que le coprésident français du groupe de Minsk, l’ambassadeur Bernard Fassier, s’est exprimé récemment – en français en effet – devant des députés de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, à Erevan. Certains de ses propos ont été déformés ou interprétés de manière erronée en Arménie puis dans la presse azerbaïdjanaise, qui s’en est fait l’écho. Depuis lors, les autorités de Bakou, au plus haut niveau, se sont déclarées satisfaites des explications qui leur ont été données et n’ont plus accordé d’attention à cet incident.
S’agissant du règlement du conflit, la référence aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ne suffit pas. Ces résolutions, qui remontent d’ailleurs à 1993, sont antérieures au cessez-le-feu de mai 1994. Par conséquent, elles ne recouvrent pas la totalité des territoires azerbaïdjanais occupés aujourd’hui et ne peuvent donc constituer à elles seules la base du règlement.
La France a une position très claire. Elle n’a jamais accepté l’occupation des territoires azerbaïdjanais ni reconnu l’indépendance du Haut-Karabakh. Elle a transmis aux parties fin 2007, conjointement avec ses partenaires américain et russe, un modèle de règlement possible, « les principes de Madrid ».
Ce modèle prévoit, entre autres dispositions, l’évacuation des territoires azerbaïdjanais occupés qui sont adjacents au Haut-Karabakh, la reconnaissance par l’Azerbaïdjan d’un statut intérimaire pour le Haut-Karabakh et le principe du droit au retour pour toutes les personnes réfugiées ou déplacées.
Cette proposition de règlement équitable a été renouvelée au plus haut niveau par le Président de la République, conjointement avec les Présidents américain et russe, en juillet 2009, dans leur déclaration commune sur le Haut-Karabakh au sommet de L’Aquila.
Après une année diplomatique très dense en 2008-2009, avec onze rencontres entre les Présidents Aliev et Sarkissian, dont huit avec les coprésidents et trois avec le Président Medvedev, la négociation s’est compliquée depuis le processus qui s’est engagé entre l’Arménie et la Turquie, et qui a suscité, du moins au début, de l’espoir.
La France est convaincue que la normalisation entre l’Arménie et la Turquie aurait une portée historique. C’est d’ailleurs pourquoi nous soutenons ce processus. Elle comprend les préoccupations de Bakou. Mais nous sommes convaincus que l’Azerbaïdjan n’a rien à craindre de ce processus dont il serait lui-même l’un des premiers bénéficiaires avec la Turquie et l’Arménie, à la faveur d’un retour à la stabilité et à l’ouverture des frontières dans la région. Nous entretenons, au plus haut niveau, un dialogue constant et confiant avec les autorités azerbaïdjanaises. Il y aura des prolongements dans les mois qui viennent.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.
Je rentre du Haut-Karabakh. J’étais plus précisément à Bakou. J’ai visité les camps de réfugiés. Pour avoir bien connu ceux de la Palestine, je dois dire que ceux d’Azerbaïdjan n’ont absolument rien à leur envier !
Une solution humanitaire devrait être apportée à ces réfugiés qui ne demandent pas d’aide particulière et dont la situation, qui ne doit pas perdurer, doit être prise extrêmement au sérieux, d’autant qu’ils veulent seulement rentrer chez eux !
Par ailleurs, une visite du Président de la République en Azerbaïdjan serait certainement la bienvenue. Le Président Aliev est lui-même venu quatre fois en France dans un temps extrêmement bref.
prise en charge des frais de transport d'un handicapé entre l'établissement et le domicile, lors d'une permission de sortie
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la question n° 831, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Ma chère collègue, M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique, dont ce sera la première intervention au Sénat, vous répondra à la place de Mme Morano, retenue. J’en profite pour lui souhaiter la bienvenue, au nom de tous nos collègues.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer l’attention de Mme la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité sur les difficultés que rencontrent encore actuellement de nombreuses familles dont l’un des membres, handicapé, est accueilli en foyer d’accueil médicalisé, pour la prise en charge de ses frais de transport entre l’établissement et le domicile, lors d’une permission de sortie.
Le 16 avril 2009, dans sa réponse à ma question écrite sur ce même sujet, Mme Nadine Morano m’indiquait que, « dans l’attente de la mise en place d’un nouveau dispositif, la CNAMTS s’est engagée à adresser une nouvelle instruction à ses caisses locales, pour garantir la poursuite de la prise en charge des frais de transport dans les conditions actuelles ».
Par ailleurs, le 14 novembre 2009, le Sénat a adopté, sans modification, l’article 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui prévoit que « les frais de transport entre le domicile et l’établissement des personnes adultes handicapées fréquentant en accueil de jour les établissements ou les foyers d’accueil médicalisés sont inclus dans les dépenses d’exploitation de ces établissements et foyers et sont financés par l’assurance maladie ».
Ce dispositif constitue une avancée indéniable, mais il est loin de répondre, malheureusement, à la diversité des situations.
Ainsi, permettez-moi de prendre un exemple concret, celui d’une famille habitant en Charente, dont un fils âgé de trente-cinq ans, adulte handicapé, se trouve en pension complète dans un foyer d’accueil médicalisé à environ soixante-dix kilomètres de chez lui, soit plus de cent quarante kilomètres aller et retour !
Les parents de ce jeune homme vivent très modestement. Mais, comme ce sont des parents très attentifs, aimants, ils ramènent leur fils deux fois par semaine au domicile familial. Non seulement c’est nécessaire à son équilibre de vie, mais cela fait partie intégrante de son projet de soins individuels.
Pour l’année 2009, ils ont reçu de la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente, pour les indemniser de leurs frais de transport, seulement 772,48 euros pour la période de janvier à avril et 181,76 euros pour le mois de mai. Depuis, plus rien, alors que les frais de transport coûtent chaque mois à cette famille entre 400 euros et 500 euros.
Par conséquent, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'État, ce qui m’avait été indiqué dans la réponse à ma question écrite et encore réaffirmé au Sénat lors de l’examen de l’article 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 n’a pas été appliqué dans les faits par la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente. Celle-ci n’a pas poursuivi le moratoire sur la prise en charge des frais de transport !
Enfin, les dispositions de l’article 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ne peuvent pas s’appliquer dans ce cas précis, puisque le jeune homme handicapé réside en pension complète dans son foyer médicalisé et non pas seulement en accueil de jour, comme cela figure dans le texte. Cette famille est donc totalement désemparée et sans solution. Les parents ont de plus en plus de mal, avec leur petite retraite et sans aucun remboursement de la caisse primaire d’assurance maladie, à prendre en charge les frais de transport de leur fils. D’autres familles, et elles sont nombreuses, ne peuvent même plus aller chercher leur enfant handicapé, ce qui, vous l’imaginez, provoque des drames humains importants.
Aussi ma question est-elle double.
Le Gouvernement va-t-il rapidement proposer des mesures pour ne pas laisser les personnes handicapées en internat, sans solution ?
Compte-t-il faire appliquer sur le terrain, avec un remboursement rétroactif des sommes dues, le moratoire que Mme Nadine Morano a demandé aux caisses primaires d’assurance maladie sur la prise en charge de ces publics jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouveau dispositif ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, mes premiers mots seront pour vous remercier de votre accueil. Je suis très heureux d’intervenir devant le Sénat.
Madame Nicole Bonnefoy, je vous prie tout d’abord d’excuser Mme Nadine Morano, secrétaire d'État, qui m’a chargé de vous répondre. Je suis pour ma part très conscient de l’importance de votre question dans la mesure où, sur le plan personnel, je suis également très engagé dans des affaires de cette nature, la commune dont je suis maire s’efforçant de tout faire pour alléger les contraintes du handicap pour les familles.
Le Gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre une solution pérenne pour la prise en charge des frais de transport des personnes handicapées entre leur domicile et l’établissement qui les prend en charge. En ce sens, nous avons confié à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, le pilotage d’un groupe de travail chargé de proposer, en lien avec l’ensemble des partenaires concernés, un dispositif plus satisfaisant que celui qui existe aujourd’hui.
Cette concertation a démontré que les cas les plus complexes étaient liés aux accueils de jour en maisons d’accueil spécialisé, les MAS, et en foyers d’accueil médicalisé, les FAM. En effet, les transports y sont souvent médicalisés et les retours à domicile quotidiens, ce qui génère une charge importante pour les familles.
C’est la raison pour laquelle la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2010 a prévu de confier aux établissements de jour l’organisation de ces transports, en échange d’une dotation transport qui sera intégrée à leur budget de fonctionnement.
Le décret d’application de cet article est en cours d’examen auprès du Conseil d’État. Il sera publié dans les prochaines semaines, afin de permettre l’entrée en vigueur du transport organisé par les établissements au 1er juillet.
Si le dispositif se limite pour l’instant aux établissements d’accueil de jour, le Gouvernement a souhaité aller plus loin.
En effet, la direction générale de la cohésion sociale, DGCS, et la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, CNSA, étudient l’intégration des frais de transport dans le budget des établissements pour les autres types de publics. II s’agit notamment de personnes en internat, comme le jeune homme dont vous venez d’évoquer la situation.
En attendant, comme vous l’avez souligné, les caisses primaires d’assurance maladie se sont engagées à poursuivre la prise en charge des frais de transport dans les conditions actuelles, dans l’attente de la mise en place d’un nouveau dispositif.
J’ajoute que les situations de non-respect de ce moratoire peuvent être signalées au conciliateur de la caisse primaire, qui est parfaitement sensibilisé à ce dossier. Le Gouvernement a fait en sorte que les conciliateurs le soient tous, compte tenu des cas tels que celui que vous venez de décrire et qui ne doivent pas se multiplier.
Enfin, je veux rappeler que la prestation de compensation du handicap, PCH, mise en place depuis le 1er janvier 2006, peut également prendre en charge, sur décision de la maison départementale des personnes handicapées, MDPH, les frais de transport des personnes handicapées pour se rendre en établissement médicosocial ou retourner à leur domicile, et cela jusqu’à 2 400 euros par an.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse.
Je note que des propositions vont être faites par le Gouvernement pour intégrer les personnes handicapées en internat et que, pour le non-respect du moratoire – ce qui est le cas avec la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente – il est possible de saisir le conciliateur. C’est ce que nous allons faire.
J’ose espérer que ce dossier aboutira pour cette famille, comme pour celles qui se heurtent au même problème et qui, sans garantie de remboursement, ne peuvent même pas aller chercher leur enfant.
Si tel n’était pas le cas, je ne manquerais pas de saisir à nouveau Mme Morano.
droit au rapprochement familial des détenus corses
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la question n° 849, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ma question était destinée à l’origine à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Je vous l’adresse donc, monsieur le secrétaire d'État.
La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a consacré, dans le chapitre des droits et devoirs des détenus, le principe du rapprochement familial.
Ce principe constitue une avancée majeure du droit pénitentiaire dont la mise en œuvre est, pour de très nombreuses familles, une étape décisive dans le maintien effectif de liens familiaux avec leurs proches.
L’application de ce principe, au cœur des préoccupations de nombreuses familles de détenus, est pourtant restée en suspens depuis 2009, faute pour le Gouvernement d’avoir proposé les décrets d’application indispensables à la mise en œuvre de ce droit fondamental.
Aujourd’hui, il est nécessaire d’organiser ce droit au rapprochement familial, notamment pour les détenus corses incarcérés sur le territoire métropolitain.
En effet, pour les familles vivant en Corse, le maintien de liens familiaux avec les personnes détenues sur le territoire métropolitain est devenu un véritable cauchemar.
De nombreux détenus corses sont en effet maintenus sur le territoire métropolitain sans que leur situation fasse l’objet d’une considération particulière, c’est-à-dire prenant en compte la spécificité de la séparation géographique d’avec leur famille.
Or une telle prise en compte est non seulement nécessaire, mais également fondamentale : l’exercice par ces familles de leur droit de visite est semé de difficultés, tant matérielles que financières.
Des familles sont aujourd’hui privées de leur droit d’entretenir des relations familiales avec leurs proches en raison du coût exorbitant des voyages nécessaires sur le territoire métropolitain.
En 2003, l’Assemblée de Corse avait voté, à l’unanimité, une motion demandant la mise en œuvre rapide du rapprochement familial des détenus corses, mais le gouvernement n’avait pas donné suite à cette demande.
Devant une telle situation, une solution rapide est envisageable : le transfèrement des détenus du territoire métropolitain vers les établissements pénitentiaires de Casabianda ou de Borgo, en Corse.
Cette solution est conforme à l’article 34 de la loi pénitentiaire, selon lequel « les prévenus dont l’instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d’un rapprochement familial jusqu’à leur comparution devant la juridiction de jugement. »
Monsieur le secrétaire d’État, quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre pour que le principe du rapprochement familial des détenus puisse être effectif rapidement, en particulier pour ceux dont la famille réside dans un territoire non métropolitain ou insulaire – c’est le cas des détenus corses –, afin que le droit de visite puisse s’exercer dans de meilleures conditions ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Madame le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Michèle Alliot-Marie, qui m’a chargé de vous répondre.
Le maintien des liens familiaux constitue un élément essentiel de la politique d’affectation des détenus. L’article 34 de la loi pénitentiaire auquel vous venez de faire référence concerne « les prévenus dont l’instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement ». Il appartient par conséquent aux magistrats en charge de la procédure de donner leur accord à la demande exprimée par le détenu.
Chaque demande doit être abordée en fonction de ses spécificités, en application du texte de loi, ainsi que dans l’intérêt des personnes détenues, de leur famille, mais aussi de la société. Il convient également de tenir compte de la spécificité de chaque établissement. Par exemple, en Corse, si le centre pénitentiaire de Borgo et la maison d’arrêt d’Ajaccio peuvent recevoir des personnes en attente de jugement, le centre de détention de Casabianda, en revanche, ne peut accueillir que des détenus condamnés et affectés à l’issue d’une procédure d’orientation. De plus, le centre de détention de Casabianda est spécialisé dans l’accueil des auteurs d’infraction à caractère sexuel.
Par ailleurs, l’affectation en établissement pour peine prend en compte plusieurs critères, dont la volonté exprimée par le détenu, l’évaluation de sa dangerosité, ainsi que sa situation familiale, sociale et médicale.
Le maintien des liens familiaux constitue le critère quasi exclusivement retenu dans le processus d’affectation des condamnés. Dans ce cadre, nous avons notamment créé des unités de visite familiales et des salons familiaux au sein de nombreux établissements pour peine répartis sur l’ensemble du territoire. Les familles peuvent ainsi rester plusieurs jours auprès de leur proche incarcéré. Depuis 2006, toutes les constructions nouvelles en disposent et les établissements de construction ancienne en sont également dotés dès lors que l’emprise foncière le permet.
Bien entendu, une attention particulière est portée aux détenus originaires de territoires non métropolitains. Depuis l’ouverture, en novembre 2003, du quartier de détention du centre pénitentiaire de Borgo, 165 condamnés d’origine Corse y ont été transférés.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. En effet, les unités de visite familiales existent, mais elles ne sont pas assez nombreuses. La liste d’attente est si longue que certains détenus ne peuvent en bénéficier !
Et pourtant, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, le lien familial est important dans le processus de réinsertion et dans la lutte contre la récidive. Il est d’ailleurs pris en compte par la nouvelle politique pénitentiaire, dont nous nous félicitons.
Toutefois, certains points n’ont toujours pas fait l’objet des décrets d’application nécessaires. Je souhaite donc que ceux-ci soient pris rapidement. Nous pourrons ainsi nous réjouir de l’effectivité d’une loi dont nous sommes fiers.
Par ailleurs, vous le savez, les détenus corses, basques ou bretons sont, d’une certaine manière, des détenus politiques, ce qui leur confère un caractère un peu différent. Sans doute leurs particularités familiales pourraient-elles être prises davantage en considération.
suppression de compétences du tribunal de grande instance de strasbourg
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 841, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Roland Ries. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai souhaité attirer l’attention de madame le garde des sceaux sur la décision prise par le Gouvernement de retirer au tribunal de grande instance de Strasbourg une partie essentielle de ses compétences en matière civile et commerciale.
Une série de décrets, promulgués à la fin de l’année 2009, ont désigné huit tribunaux de grande instance ou tribunaux de commerce désormais seuls compétents pour statuer sur certains contentieux. Pour le Grand-Est de la France, le tribunal de grande instance et le tribunal de commerce de Nancy ont été retenus. Si le souci de spécialiser les magistrats et les tribunaux est légitime, je considère que l’exclusion de Strasbourg de la liste des tribunaux compétents n’est pas justifiable.
Cette décision va d’ailleurs à l’encontre des propres engagements de l’État, qui a financé, aux côtés des collectivités, au travers des deux derniers contrats triennaux, la réalisation d’un pôle de compétences en propriété intellectuelle, ou PCPI, à hauteur de 9 millions d’euros.
En outre, cette décision n’est pas, hélas, isolée. Elle fait suite à l’installation à Nancy des juridictions interrégionales spécialisées en matière pénale et à l’annonce, l’été dernier, du transfert de la direction interrégionale des services pénitentiaires. Elle s’ajoute au silence du Gouvernement quant à la rénovation des locaux du palais de justice de Strasbourg, pour laquelle la ville, le département et la région ont pourtant accepté de contribuer à hauteur de 7,5 millions d’euros, bien que cet investissement relève de la compétence exclusive de l’État.
Le décret n° 2009-1205 du 9 octobre 2009 transfère notamment au tribunal de grande instance de Nancy la compétence exclusive en matière de droits de propriété intellectuelle ou industrielle. La ville de Strasbourg joue pourtant, depuis de nombreuses années, un rôle important dans le domaine de la propriété intellectuelle. La signature de la Convention sur l’unification de certains éléments du droit des brevets d’invention, dite Convention de Strasbourg, sans oublier la présence au sein de notre agglomération du seul pôle de compétitivité français à dimension mondiale en matière d’innovations thérapeutiques et du Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle, prouvent que Strasbourg est devenue, au fil des années, une référence au niveau national et européen en matière de propriété intellectuelle.
En définitive, c’est le statut de capitale du droit dont bénéficie Strasbourg, par la présence du siège du pouvoir législatif européen, de la Cour européenne des Droits de l’Homme et d’une université dont la renommée n’est plus à faire pour l’enseignement des matières juridiques, qui est ainsi fragilisé. Le choix unilatéral de l’État, au détriment de l’Alsace en général et de Strasbourg en particulier, montre que les discours du Gouvernement sur la défense de la vocation européenne de Strasbourg et sur son rôle de métropole régionale ne sont pas suivis des décisions concrètes nécessaires pour en assurer la crédibilité.
Par conséquent, eu égard aux arguments évoqués ici, je demande une nouvelle fois au Gouvernement de revenir sur une décision que nous considérons unanimement, gauche et droite confondues, inacceptable pour notre région et pour Strasbourg.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, la commission présidée par le recteur Serge Guinchard a proposé de poursuivre le travail de spécialisation engagé par la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, par la création d’un pôle national du contentieux des brevets et des obtentions végétales.
La commission a suggéré de spécialiser parallèlement certaines juridictions pour connaître des autres contentieux de la propriété intellectuelle, en matière de marques, d’indications géographiques, de dessins et modèles, ainsi que de propriété littéraire et artistique.
En matière de brevets, la commission a proposé de spécialiser le tribunal de grande instance de Paris, qui traite d’ores et déjà plus de 80 % de ce contentieux.
S’agissant des autres contentieux de la propriété intellectuelle, la commission suggérait la spécialisation d’une juridiction par ressort de cour d’appel.
Lors d’un arbitrage interministériel, il est apparu nécessaire d’aller au-delà des préconisations de la commission s’agissant du degré de spécialisation à retenir, en adoptant un schéma déclinant celui des juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS.
Le niveau de spécialisation ainsi retenu a pour effet de concentrer ces contentieux auprès des quelques juridictions amenées à connaître d’un nombre significatif d’affaires, et d’offrir une réponse judiciaire de qualité fondée sur l’expertise induite par cette spécialisation.
La spécialisation des juridictions en matière de pratiques restrictives de concurrence est prévue par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Le décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 fixe la liste et le ressort des juridictions compétentes : il s’agit des tribunaux de grande instance ou tribunaux de commerce de Marseille, Bordeaux, Lille, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est bien conscient des interrogations et inquiétudes qu’ont pu susciter ces transferts de compétences. Il a donc décidé d’étudier, en concertation avec les élus et les différents acteurs locaux, les compensations et précisions de compétences qui pourraient être apportées à ces transferts en termes de répartition des contentieux spécialisés.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, en particulier pour sa conclusion, qui ouvre, semble-t-il, une perspective de concertation. J’ai bien noté ce point qui me paraît important.
Permettez-moi néanmoins d’attirer de nouveau votre attention sur deux aspects.
Tout d’abord, le projet de pôle de compétences en propriété intellectuelle, qui est aujourd’hui bien avancé, grâce à des cofinancements de l’État et des collectivités locales, me paraît justifier certaines interrogations, s’agissant notamment du transfert de compétences en matière de propriété intellectuelle.
La cohérence voudrait que l’on revienne sur la décision qui a été prise. Sinon, cet investissement perdrait en crédibilité, eu égard à la compétence du tribunal de grande instance de Strasbourg.
Ensuite, j’évoquerai la transformation du palais de justice de Strasbourg. Datant de l’époque allemande, sa valeur patrimoniale est certaine, mais il ne répond plus aux besoins de la justice telle qu’elle fonctionne aujourd’hui.
Ce projet est aujourd’hui à l’arrêt, dans la mesure où l’enveloppe accordée par la chancellerie n’atteint que 53,8 millions d’euros, alors que le coût de la restructuration, bien supérieur, a été estimé dans un premier temps à 60 millions d’euros. Les collectivités locales – région, département, ville et communauté urbaine de Strasbourg – ont accepté d’apporter 7,5 millions d’euros en complément, mais il semblerait que ce ne soit toujours pas suffisant.
Par conséquent, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous alertiez Mme le garde des sceaux sur ce dossier, qui suscite bien des interrogations dans notre région.
stages étudiants et conséquences de la diminution de la durée ouvrant droit à gratification
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, auteur de la question n° 835, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
M. Marc Laménie. Monsieur le secrétaire d'État, la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a, en son article 30 consacré à l’emploi des jeunes, abaissé à deux mois la période minimum de stage étudiant ouvrant droit à une gratification obligatoire de la part de l’entreprise d’accueil.
Cette disposition augmente de façon importante le nombre de stagiaires de l’enseignement supérieur concernés. Beaucoup d’entreprises devant malheureusement faire face à des difficultés conjoncturelles liées à la crise économique, les candidats aux stages éprouvent de plus en plus de difficultés à trouver un établissement d’accueil, alors même que cette période fait partie intégrante de leur parcours d’études.
Je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d'État, quelles dispositions pourraient être mises en œuvre afin de remédier à cette situation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser Éric Woerth, qui, ne pouvant être présent ce matin pour vous répondre, m’a demandé de le remplacer.
La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances prévoit la gratification obligatoire des stages étudiants en entreprise. Cette loi répond à une attente forte et ancienne des étudiants stagiaires.
Cette mesure, conformément aux engagements pris par le Président de la République, a été étendue à l’essentiel du secteur public par les décrets du 24 avril 2009 et du 21 juillet 2009, afin de favoriser l’emploi des jeunes.
Comme vous l’avez rappelé, l’article 30 de la loi du 24 novembre 2009 a abaissé de trois à deux mois la durée de stage au-delà de laquelle celui-ci ouvre droit à gratification.
Le Gouvernement est attaché au principe de la gratification des stages. Il s’agit d’éviter les abus et de rappeler que les stages et les relations de travail salarié ne doivent pas être confondus.
La gratification contribue à cet objectif, de même que l’obligation de convention de stage ou encore l’interdiction des stages hors cursus.
Sur ce dernier point, un décret est en cours de finalisation.
Nous n’ignorons pas les effets de la crise économique ni les conséquences que cette obligation de gratification a pu avoir dans certains secteurs. Ainsi, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a exclu certains cursus de formation du principe de la gratification.
De même, le Gouvernement a soutenu la proposition de loi de vos collègues Nicolas About et Sylvie Desmarescaux, qui vise à suspendre cette obligation pour les étudiants travailleurs sociaux.
Cette proposition de loi a d’ailleurs été adoptée jeudi dernier par le Sénat.
Pour apprécier plus largement les effets de cette gratification sur l’offre de stages, Xavier Darcos avait demandé, en lien avec le ministère de l’éducation nationale et le haut-commissariat à la jeunesse, un rapport à l’inspection générale des affaires sociale et à celle de l’éducation nationale et de la recherche.
Ce rapport sera remis prochainement au Gouvernement et vous pouvez être assuré, monsieur le sénateur, que ce dernier en tirera toutes les conclusions qui s’imposent.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. En tant que parlementaires, nous avons été nombreux à avoir été sollicités sur ce sujet. La proposition de loi de nos collègues Nicolas About et Sylvie Desmarescaux constitue une première réponse. Le rapport que vous avez évoqué permettra, quant à lui, d’esquisser des solutions pérennes.
M. le président. Dans l’attente de l’arrivée de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, je vais devoir suspendre la séance quelques instants.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas au Parlement à se conformer aux horaires du Gouvernement !
M. le président. Ma chère collègue, les différents intervenants ayant fait preuve ce matin d’une grande concision, nous avons pris de l’avance. Mme la ministre devait initialement arriver à onze heures vingt, et l’on me fait dire qu’elle devrait finalement nous rejoindre à onze heures quinze. C’est pourquoi je n’ai pas d’autre possibilité que de suspendre momentanément la séance.
La séance est donc suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures dix-huit.)
M. le président. La séance est reprise.
fermeture de l'unité de l'hôpital intercommunal de la ferté-sous-jouarre
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question n° 850, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
Mme Nicole Bricq. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et des sports, mais je ne doute pas que Mme Pécresse portera la parole du Gouvernement, et répondra précisément à mes interrogations.
Lors de son conseil d’administration du 10 décembre 2009, la direction départementale de l’action sanitaire et sociale de Seine-et-Marne a pris une mesure unilatérale qui consistait à fermer l’unité de l’hôpital intercommunal sise à La Ferté-sous-Jouarre, avec pour effet le transfert immédiat des personnes vers une commune voisine, Jouarre en l’occurrence.
Il faut regretter que, préalablement à cette notification, aucune étude d’impact n’ait été envisagée par les services de l’État pour présenter à la population un projet qui permettrait d’assurer une complémentarité entre les diverses installations, et notamment avec l’établissement de Jouarre.
Les collectivités locales, comme souvent, sont appelées à financer ce que l’État a décidé. Ainsi, le conseil régional d’Île-de-France et le conseil général de Seine-et-Marne ont attribué des fonds à l’établissement de Jouarre pour la construction d’un nouveau bâtiment et des rénovations en cours. L’hôpital de Jouarre accueille aujourd’hui 276 résidents et a vocation à en accueillir 400 dans ce cadre nouveau.
Le 20 janvier 2010, à la suite de cette décision de l’État, le conseil municipal de la ville de La Ferté-sous-Jouarre, ville principale de l’intercommunalité, a formulé à l’unanimité le vœu que soit sursis à une telle décision, en attendant l’étude et la définition pour ce site d’un projet cohérent d’intérêt général répondant aux besoins médicaux et sociaux du territoire.
La ville de La Ferté-sous-Jouarre souhaite que cette étude soit l’occasion d’une réflexion partagée entre les acteurs du développement social et sanitaire : l’État, ce qui était alors l’Agence régionale de l’hospitalisation, ARH, le conseil régional financeur, le conseil général financeur, l’hôpital intercommunal et les professionnels de santé.
Cette réflexion a pour objet de prévenir les risques de désertification médicale, sujet que vous devez connaître, madame la ministre, d’assurer et d’améliorer la permanence des soins, et d’apporter aux habitants les services et les structures d’accueil de proximité les mieux adaptés à leurs besoins, en fonction de leur âge et de leur état de santé, conformément à l’esprit de la loi « hôpital, patients, santé et territoires ».
Le 24 février, le conseil municipal de la Ferté-sous-Jouarre a adopté une motion conforme à l’orientation de Mme la ministre de la santé et des sports que je voudrais rappeler. Présentant son projet de loi, Mme la ministre a affirmé qu’il s’agissait d’un texte « pensé du point de vue du patient concrètement situé, du patient qui, sur un territoire donné, doit pouvoir accéder, quels que soient son niveau d’information et ses moyens financiers, à une offre de soins adaptée et une permanence des soins performante ».
Or, c’est précisément le contraire qui a lieu avec la fermeture de l’unité de l’hôpital intercommunal, puisqu’elle engendre une diminution importante de l’offre de soins sur ce territoire, alors que les besoins de la population ne faiblissent pas.
Voilà pourquoi il est important de savoir, madame la ministre, quelles sont les orientations de l’État et comment celui-ci recherche, dans un dialogue avec les professionnels, les collectivités publiques et territoriales et les associations œuvrant dans le secteur médical, toutes les possibilités de maintien d’un établissement médico-social à La Ferté-sous-Jouarre.
La question est posée directement aux services de l’État qui ont pris une décision dont ils n’ont pas mesuré les conséquences.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame Bricq, je vous prie d’excuser mon retard, lié au fait que j’ai dû remplacer Mme la ministre de la santé et des sports, empêchée.
Vous m’interrogez sur la décision de la direction départementale d’action sanitaire et sociale de Seine-et-Marne de fermer une unité d’hébergement de personnes âgées de l’hôpital intercommunal de Jouarre.
Cet hôpital avait une activité d’unité de soins longue durée et deux activités d’hébergement de personnes âgées dépendantes, réparties sur trois sites : Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux, Jouarre et La Ferté-sous-Jouarre.
C’est à la fin d’octobre 2008, à la suite de dysfonctionnements constatés au sein de l’établissement, que la direction départementale d’action sanitaire et sociale de Seine-et-Marne a diligenté une mission d’enquête qui a conduit à la restructuration de l’hôpital de Jouarre.
Les deux sites d’hébergement de personnes âgées dépendantes de Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux et de La Ferté-sous-Jouarre ont donc été fermés.
En ce qui concerne le site de La Ferté-sous-Jouarre, le directeur départemental d’action sanitaire et sociale de Seine-et-Marne a rencontré en octobre 2009, à sa demande, Mme Richard, la maire de La Ferté-sous-Jouarre, afin d’évoquer concrètement le devenir de ce site.
II a été proposé d’y faire un projet de résidence sociale en lien avec l’association AFTAM, « Accueil et Formation des Travailleurs Migrants ». Ce projet n’a pas été retenu.
Parallèlement, un vaste projet de reconstruction de l’hôpital a été mené sur le site de Jouarre : 13 millions d’euros ont été attribués pour la construction d’un bâtiment sur ce site. L’hôpital de Jouarre a pu ouvrir ses portes dès mars 2009, et 47 places d’unités de soins de longue durée ont été ainsi créées ainsi que 300 places d’hébergement de personnes âgées dépendantes.
Au travers de cette évolution de l’hôpital intercommunal de Jouarre, il faut surtout souligner la réorganisation d’un établissement et la reconstruction d’un nouvel hôpital. Cela passe effectivement par un regroupement des différents sites pour permettre une meilleure prise en charge des patients et une meilleure application des bonnes pratiques. Le territoire de santé va ainsi bénéficier d’une offre de soins renouvelée et répondant aux besoins d’une population âgée.
Enfin, je tiens à rappeler que ce nouvel établissement médico-social n’est distant de La Ferté-sous-Jouarre que de trois kilomètres, et ne diminue par conséquent en aucune façon l’offre de soins dans ce secteur. À la fin des travaux, c’est-à-dire à la fin de l’année 2010, ce seront 350 lits, dont 76 de long séjour et 274 d’EHPAD, qui seront disponibles.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, en ces temps de rareté des deniers publics, vous avez ressorti la réponse que vous ont préparée les services du ministère de la santé. Ce n’est certes pas à vous que je vais en vouloir, mais bien des choses se sont passées depuis.
Il faut savoir que le nouvel établissement de Jouarre, situé à proximité de la ville principale mais non à l’intérieur de cette ville, est surdimensionné et se trouve dans une situation financière dégradée. Ce sont les collectivités locales qui sont appelées à financer.
J’insiste sur cette question en raison d’une polémique peu sérieuse qui s’est fait jour lors d’une campagne régionale que vous connaissez bien, madame le ministre, puisque vous étiez candidate.
Il faut donc trouver une solution dans un cadre de complémentarité de l’offre de service en adéquation avec les besoins de la population. La ville de La Ferté-sous-Jouarre a pris le mors aux dents, et s’est rapprochée du directeur de l’hôpital de Coulommiers, qui est peu éloigné, pour trouver une solution concernant l’ensemble du bassin de vie.
Depuis le décret du 1er avril 2010, l’Agence régionale de l’hospitalisation est devenue l’Agence régionale de santé, et M. Évin en a pris la direction. La nouvelle ARS va reprendre un certain nombre de compétences de l’ancienne DDASS.
Il faut souhaiter que tous les acteurs se réunissent et qu’ils trouvent une solution, car, dans ces territoires éloignés du centre de l’agglomération, le besoin des populations est important, et l’on se doit d’y répondre. C’est là le problème des structures hospitalières qui doivent être à la fois compétentes et de proximité, répondant ainsi aux besoins des populations éloignées des grands CHU ou des centres médico-sociaux. C’est un problème qui doit exister dans bien d’autres départements.
menaces sur les établissements de santé en seine-et-marne
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 859, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la ministre, nous allons à la fois rester dans le même département et sur le même secteur d’activité qu’est la santé. Comme ma collègue, j’aurais pu choisir bien des exemples en Seine-et-Marne pour exposer les conséquences de votre politique en matière de santé, mais je me concentrerai sur l’exemple du centre de Forcilles à Férolles-Attilly, qui me paraît particulièrement emblématique.
En effet, dans une décision du 24 novembre 2009, la commission exécutive de l’agence régionale d’hospitalisation a enjoint le centre de Forcilles de fermer son service de radiothérapie.
Or, cette décision de fermeture faisait suite à un vote favorable de la même ARH au maintien des activités de radiothérapie quatre mois plus tôt. Je m’interroge donc sur cet étrange revirement de situation et sur les pressions dont aurait pu être l’objet la commission exécutive de l’ARH. Il convient, en effet, de rappeler que le ministère de la santé ne dispose plus de compétence en matière d’octroi d’autorisations sanitaires depuis l’ordonnance du 4 septembre 2009.
En raison d’un doute sérieux quant à la légalité de cette décision de fermeture, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a donc ordonné le 30 mars dernier la suspension de la décision en question, en attendant qu’il soit statué sur le fond.
Cet établissement, qui bénéficie du statut d’établissement de santé privé d’intérêt collectif, particulièrement bien noté lors des visites de certification, jouit d’une expérience de 35 ans, louée par de grands professeurs de médecine, et est un maillon indispensable, selon ces mêmes professeurs, au bon fonctionnement du « réseau cancer d’Ile de France ».
Avec le plan cancer, fondé sur une logique purement arithmétique et comptable, le ministère de la santé avait décidé de fermer tous les services de radiothérapie faisant moins de 600 actes par an. Pourtant, le nombre de patients à Forcilles est en augmentation constante – les chiffres sont attestés par constat d’huissier – et l’importance de ce service pour le département de Seine-et-Marne et la région ne fait aucun doute.
La particularité de Forcilles est d’associer à la fois radiothérapie, chimiothérapie, nutrition entérale et parentérale, ainsi que lutte contre la dénutrition des malades. En supprimant le service de radiothérapie, et donc l’hospitalisation complète, les chances de guérison des malades vont s’amenuiser. En effet, la dissociation des soins en deux lieux éloignés implique l’accroissement de la durée de transport des patients allongés et appareillés, durée qui peut être conséquente dans le département de Seine-et-Marne.
Cette fermeture occasionnera parallèlement pour la sécurité sociale des coûts supplémentaires liés à la prise en charge des transferts vers d’autres centres régionaux.
S’agissant des conséquences sociales, notons qu’un tel choix provoquerait la liquidation judiciaire de l’établissement et le licenciement de 700 salariés.
Madame la ministre, je souhaiterais donc connaître votre avis sur le maintien de l’activité de radiothérapie du centre de Forcilles. Plus largement, pensez-vous que l’application d’une logique purement comptable permette de maintenir, voire de développer le service public de santé pour les Seine-et-Marnais, ainsi que la médecine publique de proximité, qui, jusqu’à présent, a démontré sa grande qualité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de répondre à une nouvelle question relative au département de Seine-et-Marne, et je vous prie une fois encore de bien vouloir excuser ma collègue Roselyne Bachelot-Narquin, empêchée.
Vous m’interrogez, monsieur le sénateur, sur la situation des établissements de santé en Seine-et-Marne, plus particulièrement sur la fermeture programmée du service de radiothérapie du centre médical de Forcilles, situé sur la commune de Férolles-Attilly.
L’activité de traitement du cancer et de la radiothérapie a été totalement réorganisée selon des dispositifs réglementaires qui ont été publiés en 2007. De nouvelles dispositions ont été définies, conditionnant l’autorisation au respect de critères à la fois qualitatifs et quantitatifs, tels qu’un seuil d’activité fixé à 600 patients par an. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, ces dispositions ont été prises à la suite des très graves incidents survenus à Épinal et à Toulouse, et non pour des raisons comptables.
En radiothérapie, en effet, le moindre problème peut tout de suite avoir des conséquences extrêmement graves pour les patients. Nous avons donc un impératif de sécurité, et nos concitoyens ne comprendraient pas la survenue d’un nouvel accident.
Comme vous l’avez souligné, le service de radiothérapie de Forcilles a déposé un dossier pour demander l’autorisation d’exercer l’activité de traitement du cancer auprès du directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation d’Île-de-France.
Celle-ci n’a pas donné une suite favorable à cette demande, l’établissement se situant largement en dessous du seuil d’activité minimum exigé pour assurer une sécurité optimale – 396 patients par an pour un seuil annuel fixé à 600. L’établissement a engagé auprès du tribunal administratif de Melun un recours en référé contre la décision de l’ARH.
Le 30 mars dernier, le tribunal administratif a réservé une suite favorable au recours, et la décision de l’agence a été suspendue. L’établissement de Forcilles peut donc continuer d’exercer l’activité de radiothérapie jusqu’au jugement au fond, qui sera vraisemblablement rendu dans un an.
Cependant, quelle que soit la décision du tribunal administratif, le centre médical de Forcilles doit s’engager dès maintenant dans une redéfinition de son projet médical.
L’agence régionale de l’hospitalisation encourage à ce titre le centre médical de Forcilles à développer sa filière d’excellence que sont les soins de suite et de réadaptation.
Par ailleurs, dans le cadre de son projet médical, l’établissement doit engager des coopérations avec les établissements publics et privés qui l’entourent.
J’ajoute que, en Seine-et-Marne et dans les départements limitrophes, de nombreux plateaux techniques de radiothérapie sont en mesure de prendre en charge les patients avec une sécurité et une qualité de soins optimales.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Vous avez évoqué, madame la ministre, les raisons quantitatives et qualitatives qui ont présidé à la redéfinition de la politique de lutte contre le cancer.
Toutefois, à ma connaissance, la qualité des soins dispensés au centre de Forcilles n’a jamais été mise en doute. En l’occurrence, il s’agit donc exclusivement de l’application d’une logique comptable fondée sur le nombre de patients soignés dans cet établissement.
Vous n’êtes pas sans savoir, madame la ministre, que la Seine-et-Marne est l’un des départements les plus ruraux d’Île-de-France. Cette spécificité mériterait une prise en compte un plus fine de la part du Gouvernement.
On peut effectivement se faire soigner ailleurs, mais il faut alors passer beaucoup de temps dans les transports, ce qui occasionne d’autres frais.
L’Agence régionale de santé, l’ARS, devrait avoir pour mission de définir des critères qui ne soient pas généralisés à l’ensemble du pays, mais qui tiennent davantage compte, non seulement de la qualité des soins dispensés dans chaque établissement, mais aussi des conditions géographiques dans lesquelles ils sont délivrés.
situation de l'université du sud toulon-var
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 833, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, cette fois, c’est bien à vous que la question s’adresse… (Sourires.)
Comme vous le savez, depuis fin 2008, date du dépôt d’une plainte par un enseignant de l’Institut d’administration des entreprises pour trafic de diplômes, l’université du Sud Toulon-Var vit des heures difficiles. Bien que l’enquête policière soit toujours en cours, que l’inspection générale de votre ministère ait conclu à l’absence d’un tel trafic, que la chambre régionale des comptes n’ait rien trouvé à redire à la gestion du président de cette université, ce dernier a été suspendu par vos soins et remplacé par un administrateur provisoire en octobre 2009.
L’arrêté de nomination de cet administrateur précise que celui-ci est « chargé d’organiser l’élection d’un nouveau président dès que les conditions de fonctionnement de l’université permettront que cette élection se déroule en toute régularité et sérénité ».
Trois mois plus tard, les trois derniers présidents honoraires de l’université affirmaient dans un communiqué : « La gestion administrative courante est assurée. Les conditions administratives de préparation du prochain contrat quadriennal sont mises en place. » Ils en tiraient alors la conclusion suivante : « Il reste à l’université de Toulon à retrouver un fonctionnement normal, avec des responsables, présidents et vice-présidents, élus conformément à la loi, dans le respect des nouvelles dispositions sur l’autonomie des universités. »
C’est aussi la conclusion de la motion adoptée par le conseil d’administration de l’université de Toulon au début de janvier 2010, dont les considérants éclairent d’une lumière quelque peu étrange votre conception de l’autonomie universitaire : délégation à un administrateur provisoire du soin de préparer et négocier, avec ceux qui l’ont nommé, le contrat quadriennal engageant durablement l’avenir de l’université ; substitution aux élus régulièrement choisis par leurs pairs de chargés de mission nommés par ledit administrateur provisoire, sans que le conseil d’administration en soit informé.
Depuis, la polémique entre le conseil d’administration et un administrateur provisoire apparemment peu porté à la recherche de l’apaisement a repris dans la presse.
Dernier épisode : début mars, l’administrateur « provisoire » déclarait publiquement qu’il n’y avait pas de trafic de diplômes mais que c’était « une affaire d’immigration, un trafic de visas », et que des « inscriptions en master incompréhensibles » avaient facilité l’accès de certaines personnes au territoire français. Selon lui, l’affaire se déplacerait donc du terrain universitaire au terrain administratif.
Je souhaiterais dès lors vous poser deux questions, madame la ministre.
Après avoir évoqué une présomption de trafic de diplômes, puis des « dysfonctionnements consécutifs à l’engagement de poursuites disciplinaires » – je ne sais pas très bien ce que cela recouvre précisément –, on parle maintenant d’un « trafic de visas » : ne croyez-vous pas que cette succession de chefs d’accusation donne un peu une impression d’improvisation ?
Surtout, quand envisagez-vous d’organiser des élections générales, afin de rendre à la communauté universitaire de Toulon les pouvoirs réguliers qu’elle tient de la loi et de rétablir le fonctionnement normal de l’université du Sud Toulon-Var ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Collombat, vous avez souhaité m’interroger sur la situation que connaît l’université du Sud Toulon-Var.
Sachez que, dans cette affaire, ma seule intention est de protéger cette université. Je veux qu’elle retrouve la sérénité nécessaire à son bon fonctionnement, dans l’intérêt des enseignants-chercheurs, des étudiants, des personnels de l’université et, j’allais dire, de tout son territoire.
Dès que j’ai eu connaissance de soupçons de fraude sur les conditions d’accueil des étudiants étrangers à l’université de Toulon, j’ai immédiatement diligenté une enquête de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, l’IGAENR.
Parallèlement, les tribunaux judiciaires ont été saisis dès janvier 2009 de plaintes pour corruption émanant de membres de la communauté universitaire toulonnaise. Cette procédure judiciaire suit son cours et n’appellera pas de commentaires de ma part.
En juin 2009, un premier rapport de l’IGAENR a mis en lumière de très graves irrégularités dans les procédures d’inscription des étudiants chinois de l’université de Toulon. Ainsi, par exemple, des étudiants ayant échoué en première année ou en deuxième année dans d’autres universités avaient obtenu leur inscription en master 2 à Toulon.
La responsabilité de l’équipe dirigeante de l’université était mise en cause dans ce rapport. C’est pourquoi le recteur a engagé une procédure disciplinaire à l’encontre du président et de deux vice-présidents. La décision de la juridiction disciplinaire sera rendue d’ici à la fin du mois.
Après le lancement de ces procédures disciplinaires et judiciaires, il est apparu que des pressions et des intimidations avaient été exercées à l’encontre de certains personnels de l’université qui auraient entravé le travail d’enquête de l’IGAENR. Elles ont été constatées par un rapport complémentaire de l’inspection que j’ai commandé, et qui a donné lieu à deux nouvelles décisions de ma part : premièrement, la suspension temporaire du président et de deux vice-présidents de leurs fonctions, afin que les procédures puissent suivre normalement leur cours ; deuxièmement, une nouvelle saisine du procureur de la République, cette fois-ci par mon ministère, pour délit d’entrave à la mission d’inspection, conformément à l’article L. 241-3 du code de l’éducation.
Nous sommes, monsieur le sénateur, face à une affaire très grave qui risque d’entacher la réputation de l’université de Toulon et qui peut susciter des interrogations quant à notre politique d’accueil des étudiants étrangers. Dans ces circonstances difficiles, j’ai nommé un administrateur provisoire, que j’ai chargé de rétablir le fonctionnement normal de l’université et de mener à bien les projets actuellement en cours. Il le fait dans un esprit de responsabilité et d’apaisement.
En ce moment même, comme vous l’avez souligné, monsieur Collombat, l’université est mobilisée dans la préparation de son prochain contrat quadriennal avec l’État. Je souhaite, tout comme vous, que l’université de Toulon retrouve le plus rapidement possible une organisation et une gouvernance à la fois efficace et transparente, pour que de nouvelles élections puissent avoir lieu.
Monsieur le sénateur, cette malheureuse affaire doit nous conduire à porter une plus grande attention aux conditions d’accueil des étudiants étrangers en France. C’est pourquoi Bernard Kouchner et moi-même avons demandé une mission complémentaire d’inspection sur les conditions d’accueil des étudiants chinois. Ce rapport nous sera remis dans les jours qui viennent. Dès réception de ces conclusions, je travaillerai avec tous les présidents d’universités afin qu’ils puissent prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de règles claires et rigoureuses pour l’accueil des étudiants étrangers dans leurs établissements. Ma mission est de protéger tous les étudiants, et vous pouvez compter sur moi pour continuer de l’assurer avec la plus grande vigilance.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Vous n’avez pas répondu à ma question, madame la ministre. Je ne vous ai pas interrogée sur les fautes réelles ou présumées des anciens responsables de l’université, ni sur les raisons qui vous ont conduite à suspendre ces derniers. Je n’ai d’ailleurs aucun accès particulier au dossier, et aucune envie de m’en mêler.
Je vous ai demandé, principalement, si vous comptiez organiser des élections et, accessoirement, ce que vous pensiez de la modification des chefs d’accusation.
Le calme est revenu, tout le monde en atteste, et c’est bien la moindre des choses après huit mois d’administration provisoire. Dès lors, pourquoi ne pas organiser des élections ? Que redoutez-vous ? Personne ne comprend vos réticences.
Mon but n’est pas d’apprécier l’opportunité de vos décisions. Les procédures disciplinaires, voire judiciaires auront lieu, très bien ! Que vous vous souciez de l’université, que vous vouliez réformer l’accueil des étudiants chinois ou autres, soit ! Là n’était pas ma question. Je vous ai simplement demandé pourquoi vous ne vouliez pas organiser des élections. Tout le monde les réclame. L’administrateur est-il capable, oui ou non, de rétablir l’ordre ? En attendant, la presse se fait régulièrement l’écho de nouvelles polémiques qui ne contribuent pas à redorer la réputation de l’université du Sud Toulon-Var.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le sénateur, nous nous sommes manifestement mal compris. Je vous ai indiqué que je souhaitais que les procédures disciplinaires puissent se dérouler dans la sérénité. La juridiction disciplinaire rendra sa décision à la fin du mois.
Je vous rappelle qu’un rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale et de la recherche a constaté des pressions et des intimidations exercées sur les membres de la communauté universitaire, visant à empêcher ceux-ci de témoigner dans le cadre des procédures judiciaires.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas mon problème !
Mme Valérie Pécresse, ministre. L’existence de ce problème, nuisible à la sérénité et au bon fonctionnement de l’université, ne permet pas, pour le moment, d’organiser de nouvelles élections. Attendons que les procédures disciplinaires soient arrivées à leur terme ! Les élections pourront se dérouler dans la transparence et dans le respect des règles.
M. Pierre-Yves Collombat. S’agit-il des règles disciplinaires ou judiciaires ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il s’agit des règles disciplinaires.
taxation des émetteurs radiophoniques et de télévision
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question n° 842, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la ministre, l’article 1519 H du code général des impôts, créé par la loi de finances pour 2010, détermine les conditions dans lesquelles l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, instaurée par l’article 1635-0 quinquies du même code, est applicable aux services de communication audiovisuelle qui sont autorisés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Cette taxe annuelle concernant les émetteurs de radio et de télévision s’élève aujourd’hui à 220 euros pour chaque station radioélectrique visée. Or ce montant devrait à terme atteindre 1 530 euros – augmentation non négligeable – alors que, parallèlement, les frais de gestion de ces stations ne cessent d’augmenter.
Eu égard au champ d’application de l’IFER, ce nouveau prélèvement risque de remettre en cause le fondement même du paysage radiophonique français, qui est l’un des plus diversifiés et des plus pluralistes au monde, basé sur la gratuité de fréquences attribuées à partir d’appels à candidatures très encadrés, visant notamment la nature de l’information, la promotion de nouveaux talents, les contenus locaux.
Dès lors, il est permis de se demander si cela n’aboutira pas à une remise en cause de la loi Fillioud, qui garantissait non seulement la liberté de communication, mais également le droit des citoyens à disposer d’une communication audiovisuelle libre et pluraliste. En clair, il s’agissait de faire bénéficier le plus grand nombre de citoyens, quelle que soit leur situation géographique ou économique, d’une offre culturelle diversifiée et, dans le même temps, de donner la possibilité à des opérateurs culturels de moindre envergure financière, mais dont l’intérêt est indiscutable, de diffuser des œuvres et des analyses ne trouvant pas forcément leur place dans les médias « classiques ».
Par ailleurs, faut-il préciser que cette taxe s’ajoute à la liste, déjà longue, des mesures palliatives que le Gouvernement a mises en place, à la suite de la suppression de la taxe professionnelle ?
Le 16 février dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010, le Sénat a eu un sursaut de bon sens et a adopté un amendement visant à exclure les radios associatives de cette disposition.
Pour autant, cette dernière s’appliquera bien aux stations des catégories B1 et D2, l’amendement déposé par le groupe socialiste visant à les en dispenser n’ayant pas été adopté. Les stations de catégorie C3 devront également s’acquitter de I’IFER.
L’amendement retenu, s’il a la vertu de sauver les radios les plus vulnérables du paysage radiophonique, ne saurait pour autant faire oublier le caractère inacceptable de cette nouvelle imposition qui risque de handicaper, peut-être de manière irréversible, les stations concernées. On prendrait le risque de supprimer des radios indépendantes dont on connaît le rôle irremplaçable en ce qui concerne l’information et l’animation économique des territoires, au même titre que les radios associatives.
De plus, en période de crise, les diffuseurs de programmes radiotélévisés sont des acteurs économiques locaux précieux pour les territoires sur lesquels ils sont implantés, puisqu’ils sont à la fois employeurs et acteurs sociaux, économiques et culturels.
Ma question est simple, madame la ministre : le Gouvernement a-t-il pris conscience des éléments que je viens d’évoquer ? Qu’envisage-t-il de faire pour permettre aux radios concernées d’échapper aux difficultés que j’ai soulevées ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. le ministre de la culture et de la communication, qui n’a pas pu être présent ce matin.
L’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, a été instituée, comme vous le savez, au profit des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics de coopération intercommunale. Cette taxe concerne différentes catégories de réseaux, notamment les réseaux de communications électroniques.
Une instruction fiscale en cours de finalisation doit définir les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle imposition. Elle précisera que le redevable de l’IFER est la personne qui dispose d’une station radioélectrique pour les besoins de son activité professionnelle. Ainsi, les radios associatives, qui ne payaient pas la taxe professionnelle, ne seront pas soumises à l’IFER. Cette interprétation a été confirmée par le ministre chargé du budget, lors des débats qui se sont déroulés au Sénat le 16 février dernier.
En revanche, les autres catégories de radios, qui étaient soumises au paiement de la taxe professionnelle, seront redevables de cette nouvelle imposition.
Toutefois, deux dispositifs ont été prévus afin de permettre d’apprécier les effets réels de l’IFER sur les opérateurs, notamment au regard du régime antérieur de taxe professionnelle auquel ils étaient assujettis. Ainsi, les contribuables pourront demander le bénéfice d’un dégrèvement pour les impositions de 2010 à 2013 lorsque la somme de la contribution économique territoriale, des taxes consulaires et de l’IFER dues au titre de 2010 excède de 500 euros et de 10 % le montant de la taxe professionnelle et des taxes consulaires qui aurait été dû au titre de l’année 2010. De plus, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport qui tirera notamment les conséquences de la création de l’IFER.
Le Gouvernement a bien conscience que le paiement de cette taxe pourrait peser sur le budget des radios, dans un contexte économique difficile. Cependant, comme vous le constaterez vous-même, monsieur Mirassou, cette mesure est bien encadrée puisque, à l’issue de la première mise en œuvre de l’imposition, devront être examinés les ajustements qui pourront être apportés au dispositif.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je souhaite tout d’abord souligner le départ précipité de la ministre concernée, qui a fait, selon une expression employée dans le domaine de l’aéronautique, un « touch and go » ! Je suppose toutefois que, si elle avait répondu à ma question, ses propos auraient été de même nature que ceux qui m’ont été adressés…
Certes, madame la ministre, votre réponse témoigne d’une certaine mansuétude fiscale de la part du Gouvernement, conscient des difficultés que l’application de l’IFER risque d’entraîner pour des radios et télévisions indépendantes. Mais encore faudra-t-il que ces dernières se livrent à une espèce de parcours du combattant insupportable pour pouvoir bénéficier des mesures permettant d’atténuer l’impact financier de cette imposition. C’est, en quelque sorte, l’histoire de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Je ne suis pas sûr que le syndicat concerné se satisfasse du dispositif que vous avez décrit, madame la ministre, même s’il s’agit d’un moindre mal.
Quoi qu’il en soit, il y aura deux poids, deux mesures entre, d’une part, les radios et télévisions indépendantes, qui, je le répète, garantissent le pluralisme et la vie démocratique dans notre pays, y compris dans ses territoires les plus éloignés, et, d’autre part, les grands médias, concentrant entre quelques mains les pouvoirs radiophoniques et audiovisuels et bénéficiant de largesses s’agissant de l’application des règles relatives à la publicité. En fait, on comprend bien que le Gouvernement a choisi son camp !
inscription de l'algérie dans la liste des zones à risques terroristes
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, auteur de la question n° 830, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Bariza Khiari. Au mois de janvier dernier, la France a classé l’Algérie dans les zones à risques terroristes. Cette mesure a eu pour conséquence immédiate de renforcer les contrôles dans les aéroports pour les vols en provenance ou à destination de l’Algérie, de multiplier les mesures très contraignantes et parfois humiliantes envers les ressortissants de ce pays sur le sol français. Dernièrement, nous avons pu constater que cette décision française n’est pas restée sans conséquence sur la dégradation des relations diplomatiques de notre pays avec l’Algérie.
La politique du Gouvernement suit la ligne américaine, puisque la décision de classement a été annoncée quelques jours après celle des États-Unis. En 2003, lors du déclenchement de la guerre en Irak, la politique étrangère et de sécurité de la France a su se faire le chantre d’une vision différente des risques et des évolutions diplomatiques. Pourquoi en est-il autrement aujourd’hui ?
À la différence des États-Unis, en 2008, la France a signé avec le gouvernement algérien un accord très précis, contraignant et ambitieux de lutte contre le terrorisme. Le gouvernement algérien a, par ailleurs, effectué des efforts manifestes pour veiller à affaiblir les mouvements intégristes. Dès lors, je suis circonspecte quant aux raisons qui ont poussé le Gouvernement à choisir de placer l’Algérie dans la liste des pays à risques.
M. Domeizel, président du groupe d’amitié France-Algérie, et moi-même, en ma qualité de vice-présidente de ce groupe, sommes préoccupés des conséquences de ce classement. Le gouvernement algérien a peu goûté une décision unilatérale. L’émotion que ce choix a suscitée reste vive et creuse encore l’écart entre les deux rives de la Méditerranée. Nous devrions œuvrer au rapprochement de ces deux pays plutôt qu’à leur éloignement.
C’est pourquoi je souhaite connaître les raisons objectives qui ont conduit à procéder à ce classement ainsi que les mesures que le Gouvernement compte prendre pour améliorer les relations franco-algériennes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en l’absence de M. le ministre de l’intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui vous prie de bien vouloir l’excuser, je suis chargée de vous apporter la réponse suivante.
Pour permettre aux services de police d’anticiper les menaces terroristes en disposant d’une connaissance plus fine des déplacements internationaux, la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers les autorise à se faire communiquer par les transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires les informations enregistrées dans les systèmes de réservation et de contrôle des départs, c'est-à-dire les données d’enregistrement et de réservation.
Le Gouvernement a fait le choix de mettre en œuvre ces dispositions de façon expérimentale, uniquement pour les transporteurs aériens, pour les données d’enregistrement et pour les vols en provenance ou à destination directe d’États n’appartenant pas à l’Union européenne.
Un fichier des passagers aériens a ainsi été institué pour deux ans par un arrêté du 19 décembre 2006. Dans un souci d’efficacité, il a été décidé de restreindre initialement l’expérimentation à un nombre limité de pays, à savoir cinq. Cette expérimentation a été reconduite pour deux ans par un arrêté du 28 janvier 2009 et élargie à deux États supplémentaires, dont l’Algérie. Ce dispositif sera progressivement généralisé à d’autres États.
À cet égard, il convient de souligner que les États concernés ne sont pas retenus comme étant « à risques » en tant que tels. Le choix relève avant tout de considérations liées aux déplacements internationaux, sans que cela implique nécessairement un jugement sur la situation interne de tel ou tel pays.
Alors que la tentative d’attentat sur le vol Amsterdam-Détroit du 25 décembre 2009 a une nouvelle fois démontré la réalité de la menace terroriste et l’importance de tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité des passagers aériens, ce dispositif, expérimenté dans le strict respect des libertés publiques, constituera, à terme, un outil important de prévention du terrorisme.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Madame la ministre, je peux tout à fait comprendre que, au nom de l’efficacité et de la lutte contre le terrorisme, des mesures soient prises, mais votre réponse n’est absolument pas satisfaisante. Elle est purement administrative. Elle ne prend pas du tout en compte les liens historiques qui lient notre pays à l’Algérie et qui devraient amener le Gouvernement à faire des gestes significatifs, contrairement à ce qui se passe actuellement.
Récemment, les élus locaux des deux rives de la Méditerranée se sont réunis. Ils aspirent à ce que l’espace méditerranéen soit un nouvel espace « civilisationnel ».
Les mesures qui ont été adoptées sont vexatoires, voire discriminantes, et ne sont pas de nature à permettre le rapprochement entre les pays de la Méditerranée que nous appelons de nos vœux.
Malheureusement, face à l’adoption de ce type de mesure unilatérale à l’égard d’un pays de la Méditerranée avec lequel nous devrions entretenir des relations de fraternité, nous devons constater que l’Union pour la Méditerranée reste une coquille vide.
Bien évidemment, nous devons ensemble lutter efficacement contre le terrorisme et nous devrions prendre en compte les efforts d’ores et déjà effectués par l’Algérie en ce sens.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour un rappel au règlement.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, les membres du groupe de l’UMP devant se rendre à l’Élysée, où ils seront reçus à leur demande par le Président de la République, vous serait-il possible, compte tenu du temps nécessaire pour se rendre de la rive gauche à la rive droite (Sourires.), de suspendre la séance vers dix-sept heures ?
M. le président. Vous n’aurez guère de difficultés à me convaincre d’accéder à votre demande, monsieur Longuet ! (Nouveaux sourires.) Si l’examen de la proposition de loi tendant à permettre le recours au vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel n’était pas achevé à dix-sept heures, M. Frimat pourrait toujours me remplacer au fauteuil de la présidence !
La séance sera ensuite reprise à vingt et une heures trente pour l’examen de la proposition de loi visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Alors que l’ordre du jour est très chargé, qu’il nous est très souvent impossible d’y inscrire de nouveaux textes, je m’étonne, en tant que sénateur novice, que la réception par le Président de la République de l’un des groupes politiques de notre assemblée, et non de l’ensemble de ses membres, influe sur le rythme de nos travaux.
C’est là, je le crains, accroître encore la confusion des genres qui règne entre l’exécutif et le législatif et s’engager encore plus sur la voie d’une tutelle absolue du Président de la République sur le travail parlementaire. J’espère que nous n’en arriverons pas là !
Telle est la remarque de bon sens que je souhaitais formuler.
M. le président. Monsieur Assouline, ce type de demande nous a également été adressé, en d’autres temps, par le groupe socialiste. La tradition veut que la présidence y fasse droit.
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Vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics
Adoption définitive d'une proposition de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à permettre le recours au vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (proposition n° 633, texte de la commission n° 419, rapport n° 418).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, voulons-nous que l’université, à l’occasion des élections étudiantes, donne une image de modernité, de transparence et de responsabilité ? Telle est la question soulevée par le texte que nous examinons aujourd’hui. Vous le savez, pour ma part, je n’hésite pas un instant à répondre oui !
Comme le député Arnaud Robinet, comme l’Assemblée nationale, je crois nécessaire d’autoriser les universités qui le souhaitent à recourir au vote électronique pour les élections des représentants des étudiants aux conseils centraux des universités.
Les raisons en sont très simples.
Le recours au vote électronique est avant tout un signe de modernité pour nos universités. De nombreuses instances l’utilisent déjà pour leurs élections professionnelles : je pense en particulier au Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, et au Conseil national des universités, le CNU. Pourquoi nous priver des nouvelles technologies alors qu’elles nous permettraient d’accroître la participation des étudiants ?
Les étudiants maîtrisent mieux que quiconque les nouvelles technologies. Ils les manient à chaque instant de leur vie quotidienne, pour leurs études comme pour leurs loisirs. Ils sont donc parfaitement à même de voter par voie électronique. Aucun obstacle matériel ne s’y oppose. Une étude du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, de juin 2009 l’a montré : 92 % des étudiants ont d’ores et déjà à leur disposition à domicile un ordinateur connecté à Internet. Quant aux autres, ils peuvent bien évidemment utiliser les milliers d’ordinateurs du parc informatique des universités.
Permettez-moi toutefois insister devant vous sur le fait que recourir au vote électronique, ce n’est pas seulement profiter des facilités que nous offrent les technologies modernes, c’est aussi et surtout se saisir d’un formidable moyen de rendre le vote plus attractif pour les étudiants.
Pour l’heure, le taux de participation des étudiants oscille selon les élections entre 7 % et 15 %. Qui peut s’en satisfaire, alors même que l’autonomie confère aux élus étudiants des conseils centraux des universités des responsabilités nouvelles et essentielles pour la vie de leur établissement ?
Nous connaissons les causes de cette abstention : le rythme des étudiants ne leur permet pas toujours d’être présents le jour de l’élection et aux heures de vote, alors même que les horaires d’ouverture des bureaux de vote sont souvent restreints. Étudiants en séjour à l’étranger, en stage, salariés ou malades : eux aussi doivent pouvoir voter ! Il est important de les autoriser à voter à n’importe quelle heure et de n’importe où, qu’ils soient chez eux, sur leur lieu de travail, d’études ou de stage, l’essentiel étant tout simplement de leur permettre de voter.
Le vote électronique est donc aussi une véritable avancée pour la démocratie étudiante, car il garantira une plus grande égalité dans l’accès au vote. La parole des représentants des étudiants ne pourra en sortir que renforcée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi par ailleurs de préciser que le vote électronique assurera également une plus grande transparence du système et qu’il améliorera l’information des électeurs.
Les élections étudiantes représentent certes un enjeu très important pour les organisations représentatives, mais elles font malheureusement l’objet depuis des années de toutes sortes de contestations.
La liste des manœuvres électorales en tout genre est longue ! Au fil des années et des contentieux, le ministère a pu constater, et la justice établir, toute l’ingéniosité des fraudeurs : vols de bulletins, voire d’urnes, substitution d’urnes pendant une alerte incendie déclenchée fort à propos, procurations en nombre supérieur à celui des électeurs ou encore arrangements sur les horaires de dépôt des listes, intimidations à l’entrée des bureaux de vote…
Ces pratiques sont évidemment inacceptables. Elles entachent l’ensemble du processus de soupçon. Or le soupçon ne devrait pas peser sur la démocratie étudiante, car il peut contribuer à éloigner des urnes les deux millions d’électeurs concernés.
C’est pourquoi nous avons le devoir de laisser aux universités qui le souhaitent la possibilité de recourir à un vote moderne, sécurisé et transparent.
Les effets ne tarderont pas à se faire sentir, car l’enjeu dépasse la participation des étudiants aux élections, aussi importantes soient-elles. C’est de leur participation à la vie de leur université autonome qu’il s’agit également. Au fond, nous voulons que les étudiants deviennent des acteurs à part entière de leur avenir et de leur réussite.
Face à de tels enjeux, les raisons financières nous paraissent naturellement bien légères. Toutefois, je partage comme vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, le souci de bien employer les deniers publics. Or les devis que les entreprises du secteur ont fait parvenir aux universités le montrent : le vote électronique est une solution in fine moins onéreuse pour nos universités. L’organisation du vote électronique devrait coûter, selon les estimations des universités elles-mêmes, en moyenne 15 % de moins que les élections par vote sur support papier.
Aujourd’hui, les présidents sont contraints de dépenser des sommes importantes pour faire imprimer les bulletins de vote et les enveloppes, louer les urnes et les isoloirs, et pour mobiliser, pendant des semaines, les personnels qui encadrent le déroulement de l’élection. Non seulement cela coûte très cher, mais cela éloigne également les personnels de leur mission première, qui est de favoriser la réussite des étudiants.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que je me réjouisse de voir le Parlement s’emparer de la question du vote des étudiants.
Cette proposition de loi, qui respecte la liberté de choix des universités et consacre une part de leur autonomie, nous offre l’occasion d’apporter de la transparence, de la modernité et un souffle nouveau à un système auquel je crois profondément, celui de la démocratie étudiante. Je sais que le Sénat aura à cœur de la saisir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous sommes aujourd’hui saisis, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale le 28 septembre 2009, a un objet bien circonscrit : faire sauter le verrou législatif interdisant à un établissement d’enseignement supérieur d’organiser l’élection des membres de ses conseils internes en ayant recours au vote par voie électronique. En effet, le sixième alinéa de l’article L. 719-1 du code de l’éducation interdit le vote par correspondance. Or le vote à distance par voie électronique est assimilé à un vote par correspondance.
Pourtant, on observe un recours croissant au vote électronique par Internet, plusieurs lois l’ayant autorisé, dans le cadre strictement fixé par la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Je pense, par exemple, à l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, à l’élection des conseillers prud’homaux à Paris en 2008 ou à celle des délégués du personnel ou des délégués au comité d’entreprise.
À cet égard, j’ai examiné l’expérimentation conduite par la SNCF à l’occasion de l’élection en mars 2009 des délégués du personnel, qui a concerné 22 000 électeurs. L’entreprise a mis en œuvre des mesures de nature à garantir la fiabilité du système informatique retenu et la confidentialité des votes. Le bilan de cette expérimentation paraît très positif : 75 % des électeurs ayant répondu à l’enquête de satisfaction se sont déclarés satisfaits.
Alors que les établissements d’enseignement supérieur accueillent à la fois les chercheurs les plus pointus et les plus fervents adeptes des nouvelles technologies, à savoir 2,2 millions d’étudiants, dont 1,2 million au sein des universités, n’est-il pas paradoxal qu’il leur soit aujourd’hui impossible d’organiser un scrutin par voie électronique à distance ? Cela est d’autant plus regrettable que le taux de participation aux élections universitaires est parfois très faible. Si, en moyenne, il atteint 75 % pour les enseignants-chercheurs, par exemple, il n’est en revanche que de 15 % pour les étudiants, ce taux ne dépassant quasiment jamais 22 % et pouvant même descendre jusqu’à 6 %.
En outre, le mode de vote actuel emporte des obstacles matériels qui empêchent certains électeurs de participer à l’élection parce qu’ils ne peuvent être présents ce jour-là, qu’ils effectuent un stage, qu’ils soient handicapés ou simplement malades. Or l’enjeu démocratique s’est accru avec le renforcement des missions et de l’autonomie des universités, ainsi qu’avec la nouvelle gouvernance, prévus par la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.
Je rappelle que les universités comptent trois conseils centraux : le conseil d’administration, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire. Ces conseils constituent, avec le président, les instances de gouvernance de l’établissement. Il est donc essentiel que leurs membres soient pleinement représentatifs des personnels et des usagers. C’est pourquoi tout doit être mis en œuvre afin d’encourager et de faciliter l’exercice du droit de vote des différents acteurs concernés.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi : offrir aux établissements d’enseignement supérieur le choix – j’insiste sur ce point – des modalités de vote, soit sur support papier, soit par voie électronique sécurisée. Dans le premier cas, le vote par procuration sera possible. Dans le second cas, d’une part, les opérations de vote devront être conduites dans le respect de la loi relative aux fichiers, à l’informatique et aux libertés et, d’autre part, l’établissement devra mettre à la disposition des électeurs des ordinateurs dans des lieux dédiés aux opérations électorales.
Mes chers collègues, je vous propose d’adopter ce dispositif sans modification, les quelques avis favorables exprimés ce matin par la commission sur certains amendements résultant d’un concours de circonstances que j’évoquerai plus longuement tout à l’heure.
En réalité, les réticences exprimées par les détracteurs d’un tel dispositif demeurent d’ordre politique, voire culturel, le vote électronique semblant à certains moins transparent qu’une urne, car moins visible.
À titre de comparaison, on pourrait évoquer le commerce en ligne, qui, voilà quelques années, peinait à séduire les internautes. Je crois qu’il en sera de même pour le vote électronique. C’est pourquoi l’idée est de le rendre facultatif, sachant, n’en doutons pas, qu’il fera tache d’huile. Osons donc l’expérimentation et offrons aux universités la possibilité de bénéficier des technologies les plus récentes !
Le taux d’équipement en ordinateurs et le nombre de personnes ayant accès à Internet sont aujourd’hui tels que l’on ne peut parler de fracture numérique s’agissant des personnels universitaires. Quant à ceux qui s’inquiètent du fait que tous les étudiants ne disposent pas d’un ordinateur personnel, qu’ils soient rassurés : l’établissement a l’obligation de mettre à disposition des ordinateurs pour les opérations électorales.
En outre, le taux d’équipement progresse d’année en année, y compris chez les jeunes – Mme la ministre l’a souligné –, comme le montre une étude du CREDOC. La dernière enquête du ministère de la culture et de la communication sur les pratiques culturelles des Français montre également que 75 % des étudiants utilisent Internet tous les jours ou presque.
Enfin, le vote par Internet devrait permettre une meilleure authentification des électeurs.
Je ne dis pas que le vote par voie électronique constitue l’alpha et l’oméga de la démocratie universitaire,…
M. Ivan Renar. Ah bon !
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. … mais je pense qu’il sera un moyen concret d’améliorer la participation électorale. Cela étant, je suis convaincu que son succès et son efficacité dépendront de plusieurs facteurs.
En premier lieu, il conviendra de respecter les préconisations de la CNIL et de créer les conditions de la confiance et de la transparence.
À cet égard, je rappelle que le texte proposé fait clairement référence à la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Dans ce cadre, il faudra prendre toutes les mesures techniques permettant de supprimer les risques susceptibles de peser sur la sincérité du vote par Internet.
S’il semble aujourd’hui difficile de garantir cette sécurité pour un vote électronique à grande échelle, notamment pour une élection politique nationale, une telle sécurisation est possible à l’échelle envisagée, c’est-à-dire à petite ou à moyenne échelle.
Une grande majorité des interlocuteurs que j’ai auditionnés, à l’exception de l’un des syndicats étudiants, l’UNEF – l’Union nationale des étudiants de France –, se sont montrés ouverts à la faculté ainsi offerte aux établissements de moderniser leurs modalités de vote. Tous ont néanmoins exprimé certaines inquiétudes. Les mesures adoptées devront donc être de nature à les rassurer. Il sera ainsi nécessaire de trouver un équilibre entre des exigences en matière de sécurité qui peuvent parfois paraître antagonistes, comme l’authentification des électeurs et le secret du vote.
Comme la CNIL l’a indiqué, il est nécessaire de maintenir une « chaîne de confiance » entre l’acte de vote individuel et le dépouillement, en garantissant paradoxalement à la fois l’authenticité du votant et l’impossibilité de lier l’identité du votant au vote qu’il a émis. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour le détail des recommandations que la CNIL a formulées en 2003 et que les universités devront bien entendu respecter.
En second lieu, il conviendra de créer un environnement incitant les intéressés à s’impliquer dans la vie de leur établissement. Cela passe d’abord par une bonne information des électeurs sur les enjeux des scrutins. Sans une réelle volonté politique des équipes de direction des universités d’améliorer l’information des électeurs, notamment des étudiants, sur les enjeux des scrutins, on ne peut que craindre une faible évolution de la participation électorale. Or toutes les parties ont à gagner à une meilleure implication de l’ensemble des catégories d’acteurs dans la vie de l’établissement.
Je suis convaincu, comme tous les interlocuteurs que j’ai auditionnés, qu’un accroissement du taux de participation aux élections universitaires suppose, de la part des établissements, des mesures concrètes en vue d’accompagner et d’encourager la campagne électorale.
Enfin, le comité électoral consultatif, qui a été mis en place dans toutes les universités en application de l’article 2-1 du décret du 18 janvier 1985, doit être consulté sur l’organisation des élections, en veillant à ce que toutes les listes présentes y soient représentées.
En conclusion, je vous demande, madame la ministre, de sensibiliser les équipes dirigeantes des universités à l’importance des mesures qui doivent accompagner la mise en œuvre du texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, partant du constat que la participation aux élections universitaires est dramatiquement faible, des parlementaires de la majorité, soutenus par le Gouvernement, ont souhaité introduire le vote par voie électronique lors des scrutins destinés à élire les membres des conseils d’administration des universités. Ainsi la mise en œuvre de ce mode de votation permettrait-elle de répondre à la désaffection des jeunes pour les élections universitaires.
Nous pensons que l’abstention des étudiants, dont personne ne saurait s’accommoder, ne pourra pas être freinée par une simple mesure technologique. Permettez-moi de vous citer plusieurs exemples afin d’illustrer mon propos.
En 2009, la mise en place d’un vote par Internet lors des élections des représentants des personnels au conseil d’administration du CNRS s’est traduite par un recul du taux de participation de douze points par rapport au scrutin précédent, de 2005. Il serait certes hasardeux de lier cette baisse significative au mode de votation, mais force est de constater que, à tout le moins, celui-ci n’a pas eu d’incidence positive sur le nombre de votants !
Le vote électronique souffre, sans doute à juste titre, d’un déficit de confiance de la part des électeurs. Fraudes, piratages et escroqueries en tout genre sont légions sur Internet, sans parler des virus, « vers » et autres logiciels permettant d’accéder aux contenus des ordinateurs personnels. On comprend donc aisément pourquoi bon nombre de personnes ayant participé aux élections des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger se sont détournées du vote électronique pour privilégier le vote par correspondance ou dans les bureaux. Si la part de votants par Internet atteignait 60 % en 2003, celle-ci a chuté à moins de 14 % en 2006, puis à 9 % en 2009. Il y a là matière à s’interroger…
L’université de Nantes a, elle aussi, mené des expériences de vote par voie électronique, et ce à deux reprises, en 2004 et en 2006, pour l’élection des trois conseils de l’établissement et de ceux des UFR, les unités de formation et de recherche.
L’expérimentation menée en 2006 a donné lieu à un rapport qui a fait apparaître l’absence d’évolution sensible de la participation des étudiants. Outre divers problèmes techniques, la commission de suivi du vote électronique, composée d’enseignants-chercheurs et d’étudiants élus, a noté que, pour réaliser cette consultation, l’université avait été amenée à mobiliser de nombreux personnels spécialisés en informatique et à se priver temporairement de ces personnels hautement qualifiés. Compte tenu du constat réalisé par la commission ad hoc, l’université de Nantes a décidé de ne pas renouveler le vote électronique.
Ces divers exemples témoignent en tout cas de l’absence de corrélation entre mode de votation et augmentation de la participation.
Cela étant, il faut également évoquer divers autres aspects du vote électronique.
Tout d’abord, le vote électronique se caractérise par son opacité. En effet, les simples citoyens ne peuvent plus contrôler la légalité du vote et ils doivent s’en remettre aux personnels qualifiés des institutions ou des entreprises privées en charge du système informatique.
En outre, ce mode de votation ne garantit en rien le respect des critères d’un vote démocratique. D’après une étude réalisée par Mme Chantal Enguehard, maître de conférences en informatique à Nantes, le vote par Internet présente de multiples vulnérabilités, invisibles, et pouvant affecter un grand nombre de votes. Les risques de fraude sont d’autant plus élevés que ces manipulations ne nécessitent pas de matériel coûteux et qu’elles peuvent être réalisées par quelques personnes.
À la question : « Ce système est-il aussi sécurisé que le vote papier ? », la CNIL elle-même répond que « tout dépend des garanties apportées par le système ».
Selon le professeur Andrew Appel, responsable de la chaire d’informatique à l’université de Princeton, les experts en informatique du monde entier ayant travaillé sur cette question s’accordent à dire que le vote par Internet n’est pas fiable. Peut-on alors réellement inciter les jeunes à retrouver le chemin des urnes en leur proposant un mode de votation exposé à toutes les manipulations ?
Un autre argument avancé par les défenseurs du vote électronique est son moindre coût par rapport au vote classique. Mais, pour répondre aux recommandations de la CNIL, universités, instituts et grandes écoles seront amenés à commander des audits auprès d’organismes privés afin de faire expertiser leurs systèmes de vote. Aussi ce mode de votation sera-t-il source de frais importants, que les établissements modestes ne pourront sans doute pas prendre en charge. In fine, le vote électronique ne devrait pas être moins coûteux que le vote papier.
Enfin, la possibilité offerte à chaque établissement de choisir son propre mode de votation entraînera une inégalité d’accès au scrutin contraire, selon nous, aux principes républicains.
Toutefois, nous partageons la préoccupation des auteurs de ce texte. Le taux d’abstention des étudiants, qui oscille entre 80 % et 85 %, est en effet particulièrement inquiétant. Il traduit cette « panne civique » que l’on constate quasiment à chaque nouvelle élection, qu’elle soit locale ou nationale. Nos concitoyens les plus jeunes constituent aujourd’hui l’une des bases de l’abstentionnisme. Ce phénomène, nuisible à la vitalité démocratique de notre pays, appelle des réponses fortes, adaptées. Celles-ci ont certes un coût, mais c’est indéniablement le prix à payer pour que vive la démocratie.
Habituer les étudiants à se rendre aux urnes ne peut être, de ce point de vue, que bénéfique. Encore faut-il que les jeunes sachent précisément ce sur quoi ils vont se prononcer. En l’occurrence, il conviendrait de pallier leur manque de connaissance du fonctionnement de l’université. Le rôle des élus dans le conseil d’administration, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire doit être mis en exergue et faire l’objet de campagnes d’information en direction des étudiants.
Toutes les dispositions doivent être prises pour créer les conditions de véritables campagnes électorales à l’occasion des scrutins internes aux universités, instituts et écoles. Nous souhaitons ainsi que les professions de foi des diverses listes soient adressées par voie postale aux étudiants, que les syndicats ou associations d’étudiants puissent diffuser leurs documents sur l’ensemble des sites des établissements ou encore que des débats et des rencontres entre les candidats soient organisés préalablement au scrutin.
Nous proposons également, pour chaque élection, la mise en place de commissions électorales chargées d’arrêter les dates, horaires et lieux du scrutin. Il paraît souhaitable que la consultation soit étalée sur plusieurs jours afin que le plus grand nombre d’étudiants puissent se prononcer. En effet, beaucoup d’entre eux sont amenés à travailler pour financer leurs études et couvrir leurs besoins, ce qui explique en partie leur absence le jour du scrutin.
Ces commissions devraient en outre veiller à donner le maximum de visibilité au scrutin et s’assurer de l’égalité d’accès aux isoloirs de tous les étudiants, notamment de ceux qui sont atteints d’un handicap.
Enfin, nous estimons indispensable de revoir la composition des conseils d’administration des universités en renforçant la représentation des étudiants et des personnels IATOS – ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service. Revoir les équilibres modifiés par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007 contribuerait à dynamiser la vie démocratique universitaire et encouragerait la participation des étudiants, dès lors que ceux-ci seraient mieux représentés au sein des instances décisionnelles et seraient ainsi mieux en mesure de peser sur les choix stratégiques des établissements.
Ces mesures de bon sens créeraient les conditions pour remédier à l’abstention dramatique des étudiants, bien plus que la mise en œuvre d’un nouveau mode de votation qui n’offre pas de réelle garantie quant à la sincérité du scrutin.
Parce qu’une simple mesure technique ne permettra pas de répondre à un réel problème de fond, nous nous prononcerons contre cette proposition de loi. (M. Claude Domeizel applaudit.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quand on prétend soumettre un texte au Parlement, la question à laquelle il convient d’abord de répondre est : à quoi sert-il ?
M. Longuet s’est plaint, ces jours-ci, de l’ordre du jour surchargé du Parlement, saisi de lois portant sur tout et n’importe quoi. Le temps dont nous disposons doit donc être réservé à l’examen de textes qui servent à quelque chose.
J’ai donc cherché dans la proposition de loi sa raison profonde. Sa raison avouée et assumée a été développée ici par Mme la ministre : il s’agit de lutter contre l’abstentionnisme, en particulier celui du collège étudiant, qui participe peu aux élections.
Or cette proposition de loi va s’appliquer à tous les collèges. Pourtant, le taux de participation des personnels enseignants est de l’ordre de 65 % et celui des personnels IATOS de 60 %, soit des taux tout à fait convenables. L’objet de la présente proposition de loi est donc ailleurs.
Il est vrai que le taux de participation des étudiants, qui oscille entre 16 % et 17 %, est faible. Le problème est d'ailleurs endémique. D’un point de vue sociologique, ce ne sont pas ceux qui travaillent à l’université qui ne participent pas aux élections. La faible participation concerne avant tout les étudiants. On en connaît les raisons, et ce depuis très longtemps. Pourtant, on agit très peu dans ce domaine.
Contrairement aux personnels enseignants et aux autres professionnels, les étudiants ne passent pas l’essentiel de leurs journées à l’université. Ils n’y ont pas de perspectives à long terme – le but est tout de même d’en sortir ! De plus, pour des raisons que nous connaissons et que nous avons souvent évoquées ici, près d’un étudiant sur deux quitte l’université avant la fin du premier cycle. Le turn-over y est donc malheureusement énorme.
Parallèlement, rien n’est fait pour encourager les étudiants à se sentir concernés par la vie universitaire et ses enjeux. Il faudrait que les étudiants soient informés des questions débattues au sein du conseil d’administration, ce qui n’est pas toujours le cas, qu’ils sachent qu’ils peuvent y faire entendre leur point de vue et que celui-ci peut peser.
Il n’existe pas à proprement parler de vie étudiante dans notre pays. Ailleurs, ces questions ne se posent pas dans les mêmes termes. Les campus où les étudiants logent, disposent d’une bibliothèque universitaire et d’un restaurant, où ils ont des loisirs sportifs et culturels, sont de véritables lieux de vie. Ils s’apparentent à de petites villes.
La France n’a pas fait ce choix pour ses universités. Même dans une structure comme Jussieu, où 70 000 étudiants étaient concentrés sur une même dalle lorsque j’y faisais mes études, les étudiants se sentaient très seuls, encore plus seuls que dans de petites unités ne comptant que quelques milliers de personnes, l’individualisation et la dépersonnalisation y étant absolues.
Or qui a assumé la mission d’informer les étudiants afin de les faire participer aux élections ? Ce sont non pas les pouvoirs publics et les conseils d’administration, mais les organisations étudiantes ! Vous avez cité l’une d’elles, monsieur le rapporteur, l’UNEF, qui se trouve avoir émis un avis défavorable. Celle-ci étant majoritaire – je le signale au passage –, il conviendrait peut-être de tenir compte de son avis ! Au-delà de l’UNEF, il importe, me semble-t-il, de rendre hommage aux efforts constants engagés par les syndicats étudiants de toutes obédiences pour impliquer les étudiants dans les élections.
Voilà ce sur quoi nous devons agir ! Penser qu’il suffit de s’en remettre à une technologie pour régler des problèmes bien plus profonds, c’est être complètement à côté de la plaque. C’est même dangereux !
D’ailleurs, comme M. Renar l’a souligné, le vote par voie électronique, même s’il présente probablement certains avantages, n’a pas eu d’incidence sur l’abstention partout où il a été mis en place. On a observé des reculs de la participation, même s’ils ne sont pas dus au vote électronique, lors des élections prud’homales et de l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, et je pourrais citer d’autres exemples. La question est donc ailleurs, et j’y reviendrai à la fin de mon propos.
Mme la ministre a invoqué l’argument de la modernité. Très franchement, dans cet hémicycle, je ne suis pas le plus réticent à l’égard des technologies numériques ! J’ai même essayé de les encourager et de vaincre, par des démonstrations parfois très concrètes, les préventions et les frilosités de mes collègues afin de persuader ces derniers du fait que ces technologies pouvaient nous faciliter la vie.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, et M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. C’est vrai !
M. David Assouline. Cependant, nous souhaitons tous – on l’a vu dans cet hémicycle en matière de culture et d’échanges d’informations – que la révolution numérique ne se fasse pas au prix d’une perte de sens. Nous pensons qu’elle doit préserver les rapports humains, respecter la transparence qu’implique la démocratie, et qu’elle suppose aussi une certaine régulation.
Dans un rapport adopté à l’unanimité par la commission, j’ai proposé d’intégrer de façon massive, à l’école comme à l’université, l’éducation aux nouveaux médias. En effet, pour donner du sens, il faut responsabiliser et éduquer. Or l’éducation aux nouvelles technologies est totalement absente des programmes de l’éducation nationale. Les jeunes, qui maîtrisent mieux les nouvelles technologies que leurs professeurs et que leurs familles, sont livrés à eux-mêmes dans ce domaine et ne reçoivent pas les enseignements qui leur permettraient d’exercer leur liberté pleine et entière. Or la liberté, ce n’est pas l’abandon, c’est la responsabilité !
On nous dit que 92 % des étudiants ont accès à Internet ; mais il ne faut pas oublier les 8 % restants ! Il y a là une inégalité que l’on n’a jamais vue par ailleurs. Or l’égal accès de tous les étudiants au scrutin doit être garanti.
En outre, le problème n’est pas seulement le vote électronique. La proposition de loi tend également à permettre aux étudiants de voter depuis leur domicile. Certes, des municipalités ont déjà mis en œuvre le vote électronique, mais les électeurs doivent néanmoins se déplacer pour voter et utiliser les dispositifs de vote. Dans les pays qui utilisent ce système, la traçabilité du vote est assurée et la chaîne de confiance respectée.
Comment peut-on prétendre que le vote à distance entraînera moins de tricheries et de contestations ? Alors que le vote n’aura plus lieu dans le secret de l’isoloir, comment pourra-t-on vérifier que c’est bien la bonne personne qui vote, qu’il n’y a pas usurpation d’identité ?
M. Nicolas About. Vous ne faites pas cela au PS, tout de même ? (Sourires.)
M. David Assouline. Il faut absolument empêcher pareilles fraudes. Or le dispositif n’est absolument pas sécurisé !
C’est la raison pour laquelle le législateur n’a jusqu’à présent jamais autorisé le vote électronique à distance. Les votes par correspondance et par procuration sont très réglementés et n’entraînent, par conséquent, aucune contestation.
La raison que vous invoquez pour défendre cette proposition de loi est la lutte contre l’abstentionnisme. Or le vote électronique à distance crée une inégalité et rompt le secret de l’isoloir. En outre, les mécanismes de sécurisation que vous avez mis en place sont insuffisants et ne garantissent pas la transparence du dispositif. Faute de temps, je ne reviendrai pas sur les quatre préconisations essentielles de la CNIL. Je souligne simplement qu’elles seraient très lourdes et extrêmement coûteuses à mettre en œuvre pour éviter toute contestation.
Dans ces conditions, la vraie raison n’est-elle pas plutôt politique ? Ne s’agit-il pas plutôt d’atteindre un syndicat en particulier, qui conteste souvent la politique du Gouvernement, quel qu’il soit, comme il l’a toujours fait d'ailleurs, parce que ce syndicat est dans son rôle lorsqu’il défend les intérêts matériels et moraux des étudiants ?
Je voudrais simplement vous mettre en garde sur un point : en voulant atteindre une organisation, vous risquez de fragiliser la démocratie étudiante. Le risque est grand, en effet, si l’on autorise le vote de chez soi, à n’importe quelle heure et dans n’importe quelles conditions, de faire élire des petites listes démagogiques, bidon, corporatistes ou potaches ! Certaines listes sont souvent déposées dans le seul but de plaisanter, de tourner le processus électoral en dérision, de se moquer des représentants élus, parfois même des enseignants.
Mme Nathalie Goulet. Mais à quelle université êtes-vous donc allé ? (Sourires.)
M. David Assouline. Au final, de telles listes, parce qu’elles sont seulement dans la dérision, ne parviennent pas à mobiliser les étudiants. Et parce qu’elles n’obtiennent souvent que très peu d’élus, elles ne peuvent pas peser au sein du conseil d’administration.
Il faut donc miser sur les véritables organisations étudiantes, qui sont présentes, mobilisent, s’informent et réalisent des expertises tout au long de l’année, concourant ainsi à la démocratie au sein des universités.
Par conséquent, si le recours au vote électronique a pour effet de minorer la représentation des organisations responsables au profit de formations fantaisistes, c’est à la démocratie étudiante qu’il portera atteinte !
Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à une telle réforme. Pourtant, nous sommes favorables à tout ce qui s’inscrit dans une perspective de modernisation. Nous continuerons d’ailleurs à vous le prouver lorsque le Sénat sera amené à se prononcer sur de vraies questions de fond ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où nombre de questions relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche nous préoccupent – je pense, entre autres, aux moyens financiers des universités, à la réforme des instituts universitaires de formation des maîtres, à la « mastérisation » ou au statut des enseignants-chercheurs –, nous sommes saisis, de manière étonnante, d’un texte quasi anecdotique.
La question semble devoir être réglée d’urgence puisqu’une proposition de loi issue des rangs de la majorité et adoptée au mois de septembre dernier, en session extraordinaire, par l’Assemblée nationale arrive déjà devant le Sénat. Pour un texte d’origine parlementaire et portant sur un point aussi précis de notre législation, cela relève de l’exploit ! On en vient à se demander où sont les priorités politiques !
Il nous est ainsi proposé d’autoriser le recours au vote électronique pour les élections des conseils d’administration, des conseils scientifiques et des conseils des études et de la vie universitaire des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, c’est-à-dire essentiellement les universités.
La question du vote électronique est un vaste débat, qui est régulièrement revenu sur le devant de la scène au cours de ces dernières années. Dans le cas qui nous occupe, et malgré son expérimentation dans d’autres contextes, un tel système ne fait pas encore l’objet d’un consensus.
Ses défenseurs mettent en avant la simplicité, l’instantanéité, la modernité du vote électronique en regard du vote dans des bureaux, plus contraignant, plus complexe à organiser, posant parfois des problèmes d’accessibilité, et même moins écologique !
En revanche, selon ses détracteurs, le vote électronique, du fait de toutes les garanties dont il doit être entouré, notamment en matière de sécurité et de transparence, est beaucoup plus coûteux qu’il n’y paraît. En outre, il ne peut garantir ni le secret et la liberté de vote ni la sincérité des opérations électorales. Il créera peut-être des inégalités entre les petites et les grandes universités, et donc entre leurs étudiants, en raison de niveaux d’équipement différents.
Surtout, il n’est pas prouvé qu’un tel système favorise la participation, et c’est sur ce dernier argument, qui est, me semble-t-il, au cœur du sujet que nous abordons aujourd’hui, que je souhaite insister.
Le taux de participation des étudiants est structurellement faible, de l’ordre de 15 %.
Mais nous abordons là un problème plus vaste, celui du désengagement civique des citoyens en général, et des jeunes en particulier. Ce phénomène est très grave et concerne tous les niveaux de la démocratie : nous l’avons constaté dernièrement lors des élections européennes, régionales ou même prud’homales.
Les membres du groupe RDSE ont souhaité commencer à traiter le problème à la racine. Ils ont tenté de donner un souffle nouveau à l’engagement civique. À cet égard, ils se réjouissent de l’adoption récente par le Parlement de leur proposition de loi relative au service civique. L’un des objectifs de ce texte est bel et bien de sensibiliser les jeunes, de recréer chez eux un sentiment d’appartenance à la nation et le désir de s’impliquer dans la vie collective, en particulier dans celle de leur université.
C’est ainsi, j’en suis convaincue, que nous apporterons à terme une réponse plus constructive qu’une simple réponse technique à des problèmes politiques de fond. J’ai en effet du mal à croire que la seule possibilité de voter par voie électronique puisse transformer radicalement le comportement des électeurs.
Le vote électronique tel qu’il nous est aujourd’hui proposé ne changera sans doute pas grand-chose à l’insuffisante implication des étudiants dans la vie des universités, qui manquent cruellement de dynamisme, notamment si on les compare avec les campus américains.
Cependant, ce n’est pas en ne faisant rien que la situation s’améliorera. Toute augmentation, aussi infime soit-elle, du taux de participation aux élections universitaires est bonne à prendre.
En outre, nous ne pourrons pas reculer indéfiniment le moment de nous adapter à la modernité. Or le vote électronique, c’est indéniablement la modernité. Bien que cette solution ne soit pas la panacée, nous ne pouvons pas nous résoudre à voter contre ce texte, qui traduit au moins des intentions louables.
Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe RDSE voteront ce texte.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui constitue une avancée pour la démocratie au sein de nos universités. (M. David Assouline s’exclame.)
En effet, la démocratie requiert une bonne participation du personnel et des usagers aux élections des conseils internes. Or la participation étudiante à ces scrutins est d’une faiblesse inquiétante puisqu’elle est de l’ordre de 15 % seulement. C’est le chiffre qui a été relevé lors des dernières élections, en 2008, des conseils d’administration des universités.
Une étude exhaustive réalisée par l’association Civisme et Démocratie et portant sur soixante établissements entre 2002 et 2004 fait état de chiffres encore inférieurs : le taux de participation serait de 13,8 % pour l’élection des membres des conseils d’administration et des conseils des études et de la vie universitaire et de 5,8 % pour l’élection des membres des conseils scientifiques. On peut donc dire que le bilan est catastrophique. Pourtant, les enjeux de ces élections sont importants pour la vie étudiante, à plus forte raison du fait de la réforme des universités, qui leur garantit une autonomie renforcée.
Parmi les raisons de ce désengagement, il y a certainement une désaffection générale des jeunes à l’égard des élections, quelles qu’elles soient.
Mais la difficulté plus ou moins grande pour se rendre sur le lieu du vote est également à l’origine de ces mauvais résultats. L’obligation de voter dans un bureau de vote au sein de l’université est de nature législative, le code de l’éducation interdisant le vote par correspondance, censé alourdir les procédures et multiplier les risques de fraude.
Or les bureaux de vote ne sont pas forcément bien situés et les étudiants ne sont pas toujours présents sur le campus le jour des élections et aux heures d’ouverture des bureaux de vote. Certains d’entre eux sont absents parce qu’ils effectuent un stage. En outre, il faut également penser aux étudiants handicapés.
La proposition de loi qui nous est soumise tend donc à permettre le vote par voie électronique. Un tel procédé est particulièrement adapté à la culture de notre temps, car les jeunes sont familiers des nouvelles technologies. Leur intérêt sera éveillé s’ils savent qu’ils peuvent dorénavant accomplir leur acte citoyen en quelques clics.
Il faut le souligner, nombre d’instances ont déjà recours au vote électronique. C’est le cas pour l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger – elle concerne 650 000 électeurs –, des conseillers de quartier, des délégués du personnel et de certains conseillers prud’homaux. Le bilan de ces expériences est positif.
M. le rapporteur a retenu l’exemple de l’expérimentation conduite par la SNCF pour l’élection de ses délégués du personnel. La participation n’a pas beaucoup varié, car cette élection est traditionnellement bien suivie, mais une enquête a posteriori a révélé un taux de satisfaction de 75 % des électeurs, qui ont apprécié la simplicité, la rapidité et le caractère écologique du scrutin, ainsi que le fait de disposer de sept jours pour voter en toute sérénité.
Selon une étude du CREDOC du mois de juin 2009, 92 % des étudiants disposent à leur domicile d’un ordinateur connecté à Internet. Ceux qui n’en ont pas pourront accéder aux postes informatiques des universités.
Comme le précise notre collègue Jean-Léonce Dupont dans son rapport, la sécurité du système devra être assurée dans le respect des préconisations de la CNIL, auxquelles la proposition de loi fait référence. La CNIL insiste particulièrement sur la nécessité de faire réaliser une expertise indépendante du système de vote et sur celle d’un « scellement » permettant de contrôler qu’il n’y a pas eu « effraction » du système.
Dans ces conditions, le procédé étant bien encadré, nous ne connaîtrons plus les fraudes qui existaient avec le vote sur support papier. Il me semble important de le préciser aux opposants au vote électronique. (M. David Assouline s’exclame.)
En effet, de nombreuses malversations de toutes sortes affectent le système actuel. Des vols de bulletins ou d’urnes ont été constatés, ainsi qu’un nombre de procurations plus élevé que celui des électeurs, des arrangements sur les horaires de dépôt des listes et des intimidations à l’entrée des bureaux de vote. Tout cela ne doit plus exister et n’existera plus avec le nouveau système.
En outre, ce nouveau système permettra à mon avis un gain de temps et d’argent. En effet, d’un point de vue pratique, le vote sur support papier mobilise les présidents d’université, les directeurs d’unité de formation et de recherche, ainsi qu’un personnel en nombre important. Or tous ont d’autres missions à remplir que la tenue de bureaux de vote !
Enfin, ne l’oublions pas, chaque établissement pourra, s’il le souhaite, conserver le dispositif actuel – c’est un élément important –, car il n’y a pas d’obligation de mettre en œuvre le vote par voie électronique.
Pour toutes ces raisons, la proposition de loi qui nous est soumise est la bienvenue, madame la ministre.
Dans son rapport sur l’université numérique, M. Isaac avait appelé une telle réforme de ses vœux. Il s’agissait également d’une préconisation du « plan numérique 2012 », que vous avez annoncé, madame la ministre. Les 16 millions d’euros prévus pourront d’ailleurs servir à financer l’accompagnement de la réforme.
Madame la ministre, nous vous faisons toute confiance…
M. David Assouline. Vous ne devriez pas !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … pour prendre les dispositions réglementaires nécessaires. Il importera également de mener une campagne d’information et de sensibilisation tant à l’échelon national qu’à celui de chaque établissement, afin que la réforme porte ses fruits.
Enfin, je tiens à saluer la qualité du travail de M. le rapporteur,…
M. Jean-Claude Carle. Très juste !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … qui s’est attaché à examiner les conditions du succès de la mise en œuvre du vote électronique.
À mon sens, il faut faire le pari que le vote par voie électronique conduira à un regain démocratique dans les établissements d’enseignement supérieur.
Le groupe UMP adoptera donc cette proposition de loi, qui s’inscrit dans la voie du progrès et de la modernité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors d’un précédent débat au sein de notre assemblée, nous avions déjà relevé la profonde ambiguïté de notre rapport aux nouvelles technologies, à Internet en particulier.
La vie de la majorité des citoyens est désormais empreinte de numérique. Les jeunes sont les premiers concernés, ainsi que les chercheurs et les enseignants, qui sont quotidiennement appelés à utiliser Internet dans leurs travaux.
Dans ces conditions, il peut paraître naturel de permettre aux étudiants et aux enseignants de voter à distance par voie électronique lors des élections des membres des conseils centraux des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, mais il faut se méfier des évidences : elles sont souvent trompeuses !
Madame la ministre, vous évoquez le rôle précurseur que doit jouer l’université et le devoir qui lui incombe de montrer la voie de la modernité. Certes. Pour autant, les étudiants, qui sont déjà particulièrement peu enclins à participer aux élections universitaires, doivent-ils essuyer les plâtres du vote électronique, dont la sûreté est encore sujette à caution ?
Par ailleurs, la proposition de loi qui nous est soumise permettra-t-elle d’apporter une réponse à l’apathie électorale des étudiants ?
Je manifeste d’autant plus librement mes doutes que, de prime abord, l’idée du vote à distance par voie électronique me séduit particulièrement. En effet, en tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je suis intimement convaincue que ce moyen permettra à terme aux 2 millions et plus de Français établis hors de nos frontières d’exercer pleinement leur citoyenneté en participant aux scrutins nationaux.
Cependant, je suis aussi obligée de reconnaître que les expériences menées en 2003 à l’occasion des élections à l’Assemblée des Français de l’étranger pour les postes pilotes des États-Unis, puis étendues aux circonscriptions d’Europe et d’Asie en 2006, d’Amérique et d’Afrique en 2009, ne sont pas concluantes. En juin 2009, 340 000 électeurs étaient appelés aux urnes ; 70 000 d’entre eux ont effectivement voté, soit à peine plus de 20 %. Parmi eux, 8 300 ont manifesté leur volonté de voter par Internet. En définitive, ce sont 6 000 votes électroniques à distance qui ont été enregistrés, soit un « taux de conversion », selon l’expression technique, de 72,7%.
Quels enseignements, transposables au domaine qui nous intéresse ici, peuvent être tirés de ces différents chiffres ? Tout d’abord, que la possibilité de voter par voie électronique n’a pas permis d’endiguer l’abstention ; bien au contraire, la participation, tous modes de vote confondus, a poursuivi sa chute. Dans les circonscriptions d’Amérique et d’Afrique, par exemple, elle a été ramenée de 24,08 % en 1997 à 22,65 % en 2003, pour finir à 20,44 % en 2009.
Cette expérience est certes particulière, mais ses résultats sont aussi corroborés par ceux d’autres consultations en France : lors de l’élection du conseil d’administration du CNRS, le taux de participation est tombé de 46 % en 2001 à 32 % en 2009, année inaugurant un vote par voie électronique, et les résultats du dernier vote au conseil prud’homal de Paris permettent d’aboutir à la même conclusion.
Cet échec tient sans doute beaucoup à la complexité de la procédure de vote.
En effet, la CNIL pose de nombreuses exigences destinées à garantir les principes fondamentaux de toute opération électorale : le secret du scrutin, le caractère personnel, libre et anonyme du vote ou encore la sincérité des opérations électorales. Il semble qu’en l’état actuel de la technologie il soit encore difficile de concilier le respect de ces principes avec une relative simplicité dans l’utilisation du vote électronique.
En tout état de cause, il est parfaitement illusoire de penser que le taux de 15 % de participation des étudiants aux élections visant à désigner leurs représentants aux conseils d’université est imputable aux modalités de vote.
Au-delà de la question du vote électronique, le problème de fond, c’est le phénomène global de l’abstention, qu’on ne saurait méconnaître et qui touche pratiquement tous les scrutins, politiques ou professionnels. Il s’agit d’un mal endémique contre lequel il faut lutter, mais avec les bonnes armes ! En aucun cas, le vote par voie électronique ne peut être considéré comme la panacée high-tech contre l’abstention.
Il nous appartient, avant tout, de redonner du sens à la chose publique, à l’engagement collectif. Il importe donc de réfléchir aux causes du désengagement des étudiants et d’y apporter de vraies solutions. La présente proposition de loi n’est au mieux qu’un cataplasme !
Une étude du CIDEM, Civisme et Démocratie, sur la participation des étudiants aux élections universitaires préconisait déjà, en 2004, une information et une communication meilleures, afin que les élections soient vécues comme « des moments exceptionnels ».
Pour finir, je souligne que la conscience politique, le sentiment d’appartenir à la collectivité doivent essentiellement se forger et se consolider à l’âge fondamental qu’est l’entrée dans la vie adulte. C’est cette prise de conscience des jeunes qui fera baisser l’abstention et c’est à quoi nous devons œuvrer, notamment au travers d’une meilleure communication.
Cette proposition de loi est, en réalité, porteuse d’une « fausse bonne idée », d’abord par l’absence de maturité de la technique, qui doit présenter une sécurité absolue ainsi qu’une totale simplicité d’utilisation, mais aussi parce qu’elle ne constitue en rien une vraie réponse à la problématique de l’abstention. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Assouline, Mme Lepage, MM. Bérit-Débat, Dauge, Domeizel, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 712-3 du code de l’éducation, les mots : « vingt à trente » sont remplacés par les mots : « vingt-cinq à trente-cinq ».
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Avec la mise en œuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007, dite « loi LRU », le nombre de membres du conseil d’administration a été revu à la baisse et rendu modulable. Entre le conseil d’administration dans sa formation préalable à 2007, qui, de façon maximaliste, comptait soixante membres, et le conseil d’administration actuel, qui compte entre vingt et trente membres, une voie moyenne devrait pouvoir être trouvée.
Compte tenu du recentrage et de la concentration des pouvoirs réalisés par la loi LRU au profit des seuls président et conseil d’administration, il est important que le conseil d’administration permette la représentativité d’un grand nombre d’intérêts, tant sur le plan des différents collèges ou des différentes composantes que sur le plan politique.
Nos divers interlocuteurs nous avaient fait part, en 2007, de leur souci de voir relever le nombre de membres composant le conseil d’administration.
Il n’est pas question, pour nous, de recréer l’« armée mexicaine » d’avant 2007 et d’en revenir à soixante membres ! Néanmoins, compte tenu des avis pris auprès des partenaires de la communauté universitaire, il nous semble opportun de remonter la fourchette en la faisant passer de « vingt à trente » à « vingt-cinq à trente-cinq ».
Davantage de membres au conseil d’administration, c’est davantage de membres dans tous les collèges et, on peut l’espérer, davantage de motivation pour élire les représentants.
Notre amendement vise donc à aller dans le sens d’une meilleure participation aux élections des membres des conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, puisque l’objectif affiché dans cette proposition de loi est précisément d’accroître la participation des étudiants, en particulier, à ces élections. C’est d’ailleurs le sens de beaucoup des amendements que nous avons déposés.
Il est clair que, si l’on donne un peu plus de poids aux représentants des étudiants au sein des conseils d’administration, cela devrait contribuer à les inciter à voter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. M. Assouline le sait, son amendement n’a qu’un lien très indirect avec cette proposition de loi, dont l’objet est extrêmement circonscrit.
En outre, il ne semble pas souhaitable de traiter, au détour de ce texte, de propositions ayant pour objet de « détricoter » en quelque sorte la loi LRU, et ce par le biais d’amendements diffusés hier après-midi, même s’il ne s’agit que de créer un quart d’« armée mexicaine » !
Enfin, je rappelle que la loi LRU a créé un comité de suivi, dont je suis membre, qui en évalue l’application et qui réfléchit aux éventuelles adaptations qui apparaîtraient nécessaires.
Néanmoins, des circonstances un peu particulières ont fait que, ce matin, la commission a donné un avis favorable sur cet amendement, ainsi que sur trois autres. En effet, en raison de retards d’avions et de trains, certains collègues de la majorité sénatoriale ne sont pas arrivés à temps pour prendre part aux votes concernés.
M. David Assouline. Instaurez le vote électronique en commission !
M. Nicolas About. On y réfléchit !
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Vous l’avez compris, j’avais, en tant que rapporteur, et en accord avec le président de la commission, demandé qu’un avis défavorable soit émis sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable pour les excellentes raisons qui ont été avancées par M. le rapporteur. Cet amendement est effectivement un « cavalier » et il vise à détricoter une loi dont nous sommes particulièrement fiers : celle qui a institué l’autonomie des universités.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je note que nous n’avons eu connaissance de l’avis de la commission qu’à la fin de l’intervention de M. le rapporteur.
La commission s’est prononcée favorablement malgré un argumentaire entièrement à charge de M. le rapporteur, lequel nous explique que, pour des raisons purement fortuites – retards d’avions, etc. –, un certain nombre de membres de la commission étaient absents. J’espère qu’il ne va pas nous proposer d’instaurer le vote électronique à domicile pour pallier ce genre de problème ! En démocratie, ce sont les présents qui comptent !
D’ailleurs, lors d’une précédente réunion de la commission, les absents étaient nombreux et le vote de la majorité physiquement présente n’était pas celui de la majorité sénatoriale.
Il ne faut pas considérer comme un accident le fait que la majorité ne soit pas majoritaire dans l’hémicycle ou lors des réunions de commission. Elle manque à son devoir, et cela n’a rien de « fortuit » !
M. André Trillard. Vous êtes sénateur de Paris !
M. Jean-Claude Carle. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, je tiens à rassurer le Sénat.
La commission émet des votes et ceux-ci sont évidemment portés à la connaissance de notre assemblée. Nous n’avons jamais donné un avis défavorable en séance si la majorité de la commission s’était prononcée favorablement. Ce ne sont pas des mœurs ayant cours à la commission de la culture !
M. François Trucy. Tout à fait !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Ce matin, il est exact que certains de nos collègues venant du sud de la France, en raison de difficultés de transport, sont arrivés alors que la réunion de la commission était déjà commencée ; bien entendu, la majorité a alors changé.
Je dis donc très clairement qu’en l’absence de ces collègues retardataires la commission a majoritairement donné un avis favorable sur des amendements qui n’avaient ni le soutien du président de la commission ni celui du rapporteur, ce que nous avons le droit de signaler ici.
Restons-en là, car de tels incidents se produisent dans toutes les commissions ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2, présenté par M. Assouline, Mme Lepage, MM. Bérit-Débat, Dauge, Domeizel, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième à cinquième alinéas du I de l'article L. 712-3 du code de l'éducation sont ainsi rédigés :
1° De 40 % à 45 % des représentants des enseignants chercheurs et des personnels assimilés, des enseignants et des chercheurs nommés dans l'établissement, dont la moitié de professeurs des universités et personnels assimilés ;
2° De 20 % à 30 % de personnalités extérieures à l'établissement ;
3° De 20 % à 25 % de représentants des étudiants ;
4° De 10 % à 15 % de représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers et de service nommés dans l'établissement.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Si l’on veut que la participation étudiante aux élections soit plus forte, il faut motiver les intéressés, les convaincre de voter. Cela suppose que leur représentation soit substantielle et qu’elle ne fluctue pas d’un établissement à l’autre.
Or, je l’ai dit tout à l'heure, depuis le vote de la loi LRU, l’effectif du conseil d’administration est fixé, de façon souple, entre vingt et trente membres. De la même façon, la représentation des différents collèges en son sein est fixée en valeur absolue – huit à quatorze représentants des enseignants-chercheurs et des personnels assimilés, des enseignants et des chercheurs, trois à cinq représentants des étudiants, deux ou trois représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques – et non plus en pourcentage.
Ainsi, en application de la loi LRU, la proportion d’étudiants au sein du conseil d’administration peut varier, selon les universités, de 10 % à 22%, ce qui leur donne une représentativité moyenne bien inférieure à celle qui était antérieurement prévue par le code de l’éducation et qui était, je le rappelle, de 20 % à 25%.
Nous proposons, par cet amendement, que la composition du conseil soit, comme précédemment, déterminée par un pourcentage et non par une fourchette en valeur absolue, afin de garantir effectivement l’égalité de la représentativité des différentes catégories d’élus sur le territoire.
Cet amendement tend uniquement à en revenir, pour l’ensemble des collèges, aux proportions issues de la loi de 1984 et qui figuraient à l’article L. 712-3 du code de l’éducation, avant la mise en œuvre de la loi de 2007.
Cette modification garantirait une meilleure représentation des étudiants, plus uniforme sur l’ensemble du territoire, et devrait inciter ces derniers à voter.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Renar, Mmes Labarre et Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les troisième à cinquième alinéas de l'article L. 712-3 du code de l'éducation sont ainsi rédigés :
« 2° De trois à cinq personnalités extérieures à l'établissement ;
« 3° De six à sept représentants des étudiants et des personnes bénéficiant de la formation continue inscrits dans l'établissement ;
« 4° De trois ou quatre représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques et des bibliothèques, en exercice dans l'établissement.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Les couplets changent, mais pas le refrain ! (Sourires.)
Nos collègues de la majorité souhaitent apporter une réponse à l’abstention massive des étudiants lors des élections des conseils des universités en introduisant une nouvelle modalité de vote : le vote électronique.
Si l’on en croit vos propos, chers collègues, une des raisons expliquant cette faible participation, établie actuellement entre 10 % et 15%, serait la contrainte du déplacement dans les bureaux de vote, autrement dit celle de l’accessibilité géographique. Comme je l’ai déjà indiqué, nous ne partageons pas cette analyse.
La relation entre le vote électronique et la participation n’a été établie ni de manière théorique – à travers une étude ou par une analyse – ni de manière empirique puisque les élections pour lesquelles le vote par voie électronique était possible n’ont, jusqu’à présent, pas permis d’enregistrer un taux de participation plus élevé, bien au contraire.
Puisqu’il s’agit désormais d’un texte d’initiative autant gouvernementale que parlementaire, les articles de la proposition de loi déclarés irrecevables sur le fondement de l’article 40 de la Constitution par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale ayant été rétablis tels quels par des amendements du Gouvernement, nous ne pouvons que nous étonner de voir ainsi les députés de l’UMP et le Gouvernement, qui ont adopté et mis en œuvre la loi LRU, s’intéresser tout à coup à la démocratie et la représentativité étudiante dans les conseils universitaires ! En effet, cette loi a réduit la représentation des étudiants au sein de ces conseils, notamment du conseil d’administration.
Nous pensons qu’il est effectivement nécessaire d’encourager la participation des étudiants aux élections universitaires, mais nous pensons également qu’il est indispensable, auparavant, de leur accorder davantage de poids dans les décisions prises par le conseil d’administration. S’intéresser à la démocratie étudiante consiste non pas seulement à se focaliser sur des chiffres de participation aux élections, même s’ils constituent une donnée importante, mais aussi à permettre aux étudiants de participer en amont à la vie de leur établissement, en leur donnant les moyens légitimes de se prononcer et d’influer sur la politique menée par ce dernier.
En conséquence, notre amendement tend à rééquilibrer la composition du conseil d’administration en revalorisant la place des étudiants, mais également celle des IATOS. Seul un nouveau conseil d’administration accordant aux étudiants une plus grande représentation donnera un véritable sens à leur vote et permettra ainsi l’exercice d’une réelle citoyenneté étudiante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Notre collègue David Assouline propose de revenir à la répartition des membres du conseil d’administration qui prévalait avant la loi relative aux libertés et responsabilités des universités de 2007.
Dans les circonstances que j’ai précédemment évoquées et sur lesquelles je ne reviens pas, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 2, alors que je lui avais proposé de rendre un avis défavorable, en accord avec M. le président de la commission.
Quant à l’amendement n° 13, présenté par notre collègue Ivan Renar, il tend à réduire le nombre des personnalités extérieures siégeant au conseil d’administration et, parallèlement, à accroître le nombre de représentants des étudiants et des personnels. Pour les raisons déjà avancées, la commission a émis un avis défavorable : nous n’allons pas refaire la loi de 2007 au détour de la discussion de cette proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Avis défavorable, car ces amendements tendent à remettre en cause la loi ayant institué l’autonomie des universités.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.
M. David Assouline. Le groupe socialiste s’abstient.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
(Non modifié)
Après le troisième alinéa de l’article L. 719-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’élection a lieu soit par dépôt d’un bulletin de vote en papier dans une urne, soit par voie électronique sécurisée dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Cette dernière modalité peut s’appliquer à condition que, dans l’établissement, soient mis à la disposition des électeurs des ordinateurs dans des lieux dédiés aux opérations électorales. Les électeurs empêchés de voter personnellement sont admis à voter par procuration lorsque le vote par voie électronique n’a pas été mis en place. »
M. le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Renar, Mmes Labarre et Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Lors de la discussion générale, notre collègue Ivan Renar a décrit toutes les garanties qui seraient à notre sens nécessaires pour favoriser réellement la mobilisation des étudiants lors des élections des conseils : information de chaque étudiant sur la tenue du scrutin, sur les enjeux de ce scrutin, sur les modalités de participation, mais également envoi de la profession de foi de chacune des listes candidates, en mettant en place une véritable information et une véritable campagne électorale.
Dans cette même logique, nous souhaitons conserver un vote concrétisé par le dépôt d’un bulletin dans une urne et exclure la possibilité d’un vote électronique. Nous avons déjà évoqué une partie des raisons qui nous poussent à nous opposer à cette modalité de vote et je vais brièvement les rappeler.
Tout d’abord, le vote électronique est le moins à même de garantir les conditions d’exercice d’un vote démocratique, c’est-à-dire la confidentialité, l’anonymat, la transparence, et dépend de la fiabilité d’un système informatique qui peut être défaillant ou piraté. On ne voit guère, dès lors, comment le moins fiable des systèmes pourrait permettre d’améliorer la démocratie étudiante...
Ensuite, aucun élément ne permet à ce jour d’affirmer que le vote électronique, surtout s’il est peu fiable, ait une influence positive sur le taux de participation.
Enfin, la fracture numérique est un élément d’inégalité, notamment entre les étudiants, mais également entre les universités, créant par là une inégalité devant le vote, alors qu’un tiers seulement des universités françaises dispose d’un espace numérique de travail.
Mais, au-delà de ces arguments, l’avantage du maintien d’un vote matérialisé sur un support papier réside également dans le fait que l’élection se déroule dans un lieu, l’université – et c’est le fait que l’on étudie ou que l’on travaille dans cette université qui justifie que l’on soit appelé à voter –, plus précisément le bureau de vote, et qu’elle est matérialisée par un objet, le bulletin de vote.
Le débat et le vote ne doivent pas se cantonner à un espace numérique détaché de l’université, sans interactions, où la discussion n’a pas sa place. Seul un véritable espace de campagne électorale est à même d’inciter et de favoriser le vote.
Aller vers le vote électronique dans un espace comme celui de l’université, c’est prendre le risque de limiter l’expression électorale et démocratique à un espace numérique qui ne peut, à lui seul, créer toutes les conditions d’un vote démocratique digne de ce nom. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas que cette modalité soit introduite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Cet amendement est le premier d’une série de quatre amendements tendant à supprimer chacun des articles de cette proposition de loi. Vous comprendrez que je ne puisse émettre un avis favorable sans me « faire hara-kiri », pour reprendre l’expression qu’a employée mon collègue Ivan Renar en commission !
Sur cet amendement, l’avis du rapporteur a été suivi par la commission, et il est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Tout au long de cette discussion, nous allons essayer de corriger les aspects négatifs de cette proposition de loi et d’apporter des éléments qui encouragent la participation des étudiants aux élections au conseil d’administration. Malheureusement, il ne semble pas que la majorité ait l’intention de nous suivre dans cette démarche.
Dans l’hypothèse où aucun de nos amendements ne serait adopté, la suppression de l’article essentiel de ce texte serait en cohérence avec notre opposition foncière à cette proposition de loi. C’est pourquoi nous voterons l’amendement de M. Renar.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Assouline, Mme Lepage, MM. Bérit-Débat, Dauge, Domeizel, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le conseil d’administration de l’établissement est consulté sur le choix du vote par voie électronique et sur ses modalités de mise en œuvre.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Toute consultation par voie électronique nécessite l’utilisation de données à caractère personnel. Il est donc essentiel de s’assurer que ce mode de votation garantit le secret du vote, la sécurité et l’intégrité des communications.
La CNIL s’est prononcée de façon extrêmement claire sur cette question. Dans sa délibération n° 03-036 du 1er juillet 2003, portant adoption d’une recommandation relative à la sécurité des systèmes de vote électronique, elle a préconisé, pour l’organisation d’élections par voie électronique dans les établissements d’enseignement supérieur, notamment dans les conseils centraux des universités, toute une série de mesures à prendre en amont et pendant le déroulement des opérations de vote.
Sur la base de cette recommandation de la CNIL, le décret n° 2004-1326 du 3 décembre 2004, relatif au vote par voie électronique pour l’élection des représentants des usagers aux conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, a réglementé le vote électronique dans les universités pour l’élection des seuls collèges étudiants, le vote électronique s’imposant comme mode exclusif de votation s’il est choisi. Cette double contrainte fait que deux établissements seulement ont appliqué ce décret : Lyon 2 et Nantes.
Ce texte était néanmoins beaucoup plus respectueux de la recommandation de la CNIL que le dispositif que l’on nous demande d’approuver aujourd’hui. Ainsi, l’article 4 de ce décret prévoyait notamment que le choix du système serait approuvé par le conseil d’administration. Il nous semble donc opportun de faire figurer une précaution similaire dans les termes de la loi ; la définition des missions du conseil d’administration relève de la compétence du législateur, spécialement quand il s’agit d’encadrer le déroulement d’élections, activité relevant des libertés individuelles et publiques.
Notre amendement tend, par conséquent, à octroyer au conseil d’administration un droit de regard sur le bien-fondé et les modalités de la mise en œuvre d’une procédure de vote électronique dans un établissement.
En résumé, la CNIL recommande de s’entourer d’un certain nombre de garanties. Le conseil d’administration sera-t-il appelé à définir les modalités de l’appel d’offres, à préciser des recommandations, à approuver la charte de fonctionnement ? Nous pensons que ces prérogatives appartiennent au seul conseil d’administration, comme le prévoyait la réglementation antérieure, et les dispositions en question n’avaient pas été introduites par la gauche puisque, en 2004, elle n’était pas au gouvernement. Dans la présente proposition de loi, ces précisions disparaissent.
S’agissant de la mise en place d’un mode de votation qui va nécessairement être contesté, parce qu’il est contestable, nous pensons qu’il faut s’assurer, en amont, d’une d’adhésion maximale à la procédure en consultant le conseil d’administration. Sinon, j’en suis convaincu, le nombre des contestations risque d’exploser vraiment !
Je ne croyais pas qu’une telle disposition pouvait être de celles qui suscitent type un clivage entre la gauche et la droite : en effet, nous cherchons seulement à améliorer le dispositif proposé par la majorité. Le fait que l’attitude de cette majorité soit systématiquement hostile, comme nous avons pu le vérifier ce matin lors de la réunion de la commission, montre peut-être qu’elle souhaite aller vite, qu’il ne faut donc surtout pas toucher au texte et que, dès lors, notre discussion ne sert absolument à rien puisque les décisions sont déjà prises.
Chers collègues, si vous voulez prouver que le Parlement sert à parfaire la rédaction des textes qui lui sont soumis, vous pouvez, à un moment donné, accepter un argument de bon sens !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. La disposition que tend à introduire cet amendement fait double emploi avec la consultation du comité électoral consultatif, créé dans chaque établissement en application de l’article 2-1 du décret du 18 janvier 1985, et composé de représentants des étudiants et des personnels. Il me semble donc inutile de multiplier les procédures redondantes.
En outre, la loi n’a pas vocation à entrer dans les détails, mais rien n’interdit au président d’université, s’il le souhaite, de consulter son conseil d’administration. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cet amendement est satisfait par les dispositions du décret que vient de mentionner M. le rapporteur. C’est pourquoi je demande à son auteur de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Assouline, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. David Assouline. Deux arguments différents me sont opposés.
M. le rapporteur estime que, si le président de l’établissement le souhaite, il lui est loisible de consulter le conseil d’administration.
Mme la ministre ajoute que notre amendement est satisfait. Je lui demande donc de développer ses explications, ce qui pourrait être utile à tout le monde.
Madame la ministre, si vous vous engagiez à préciser, dans les décrets d’application, que les conseils d’administration seront consultés, je pourrais même entendre votre appel à retirer mon amendement !
Je tiens cependant à répondre à M. le rapporteur sur un point précis. Il nous a expliqué que la loi n’interdit pas la démocratie et n’empêche pas, par conséquent, le président de consulter son conseil d’administration. Eh bien, tout le sens de mon engagement politique consiste à rendre la démocratie obligatoire ! C’est le seul cas où je pense qu’il faut manifester un peu d’autorité : la démocratie ne s’applique pas seulement si le président le veut ; la loi doit l’imposer. C’est pourquoi je vous propose de préciser que le conseil d’administration, qui est élu, est consulté par le président de l’établissement, qu’il le veuille ou non !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Assouline, je n’imagine pas un seul instant que les présidents d’établissement puissent ne pas consulter leur conseil d’administration sur une décision qui déterminera les modalités du scrutin et aura des conséquences financières. C’est pourquoi j’estime que votre amendement est satisfait.
J’ajoute que cette disposition ne relève pas du domaine de la loi. Il ne me paraît donc pas opportun de créer à cet égard, dans le cadre de l’autonomie des universités, une obligation légale, ou plutôt réglementaire puisque vous me demandez d’introduire cette précision dans un décret. Il ne me viendrait pas à l’esprit que le conseil d’administration ne soit pas consulté sur les modalités d’organisation de sa propre élection !
Ce que je peux faire, c’est m’engager devant vous à évoquer cette question devant la conférence des présidents d’université.
M. le président. Monsieur Assouline, l’amendement n° 3 est-il finalement maintenu ?
M. David Assouline. Oui, monsieur le président. Vous avez en effet pu constater comme moi que les déclarations de Mme la ministre n’étaient pas très claires… (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Assouline, Mme Lepage, MM. Bérit-Débat, Dauge, Domeizel, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la deuxième phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
Un cahier des charges est établi pour la prestation de services de conception et de mise en œuvre du vote électronique. Il est soumis au conseil d'administration.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement vise également à prévoir certaines garanties souhaitées par la CNIL, qui avaient trouvé un écho dans la réglementation du vote électronique en tant que système de vote exclusif pour les collèges étudiants lors des élections des conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Or, ces garanties, on ne les retrouve pas dans cette proposition de loi.
Dans sa délibération du 1er juillet 2003, déjà citée, la CNIL a défini les exigences s’appliquant à ce type de scrutin, notamment les exigences préalables à la mise en œuvre du système de vote. Ces dernières sont au nombre de sept : expertise du système de vote électronique ; séparation des données nominatives des électeurs et des votes ; sécurités informatiques ; scellement du dispositif de vote électronique ; existence d’une solution de secours ; surveillance effective du scrutin ; localisation du système informatique central. Je vous fais grâce, mes chers collègues, des développements de la CNIL sur chacun de ces points.
En tout cas, pour que ces exigences, garantes de la sincérité du scrutin, soient respectées, il convient d’établir un cahier des charges pour la prestation de services de conception et de mise en œuvre du vote électronique, cahier des charges qui devra bien entendu être approuvé par le conseil d’administration de l’établissement concerné.
Il va peut-être de soi que les recommandations de la CNIL seront appliquées, madame la ministre, mais on ne peut pas en être parfaitement sûr. Ainsi, toutes les expériences passées ont montré que, dans cette période charnière, un doute demeure sur la sécurisation des votes électroniques. Inscrire dans la loi les exigences garantissant la sincérité, la transparence et la sécurité de ces opérations de vote peut concourir à la réussite du projet. Refuser de le faire, c’est laisser entendre que ces exigences ne sont pas impératives et permettre l’organisation de scrutins qui, à l’évidence, seront sujets à caution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Le cahier des charges relatif au vote électronique doit-il être examiné par le conseil d’administration ? Celui-ci ne doit-il pas plutôt se concentrer sur la stratégie de l’établissement et sur sa politique, en application du paragraphe IV de l’article L. 712-3 du code de l’éducation ?
Une telle disposition, en outre, ne me semble pas être du niveau de la loi.
C’est donc contre l’avis de son rapporteur et de son président que la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées par M. le rapporteur, nous exprimons un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Vous faites fi de beaucoup de problèmes que nous soulevons, madame la ministre ! Mais nous prenons rendez-vous, parce que, s’agissant de l’organisation des votes électroniques, je sais à quel point il est nécessaire que toutes les parties concernées valident le système, y compris le prestataire.
Vous avez vous-même vécu récemment, au sein de votre mouvement, une expérience de ce type.
M. David Assouline. C’est vous qui le dites et, étant étranger à cette affaire, je n’ai aucune raison de prétendre le contraire. Néanmoins, un des principaux protagonistes de la primaire qui a été organisée, c'est-à-dire votre concurrent, a déclaré partout qu’il mettait en doute le système de vote électronique retenu…
Si nous voulons que le système ne suscite aucun doute, il faut associer le conseil d’administration à l’élaboration du cahier des charges, voire au choix du prestataire, étant rappelé que celui-ci est un prestataire privé, ce qui pose déjà un problème.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Assouline, Mme Lepage, MM. Bérit-Débat, Dauge, Domeizel, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le système de vote par voie électronique garantit la séparation des données à caractère personnel des électeurs et des votes.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Pour défendre cet amendement, je citerai une nouvelle fois la recommandation de la CNIL, qui a souhaité une séparation des données nominatives des électeurs et des votes : « Le secret du vote doit être garanti par la mise en œuvre de procédés rendant impossible l’établissement d’un lien entre le nom de l’électeur et l’expression de son vote. II en résulte que la gestion du fichier des votes et celle de la liste d’émargement doivent être faites sur des systèmes informatiques distincts, dédiés et isolés. Ces fichiers doivent faire l’objet de mesures de chiffrement selon un algorithme public réputé ″ fort ″. »
Que l’on ne me dise pas que le principe de cette séparation des données est d’ordre réglementaire ! La protection des données personnelles est une question de la plus haute importance et il est de la compétence du législateur de la traiter. Dans le cadre des scrutins électroniques, elle vise à garantir le libre exercice d’une liberté à valeur constitutionnelle, la liberté d’opinion et d’expression, qui, je le rappelle, trouve son origine dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La liberté d’opinion est précisément affirmée dans le préambule de la Constitution.
Nous souhaitons donc que les préoccupations légitimes de la CNIL trouvent un écho dans cette proposition de loi et demandons au Sénat de bien vouloir adopter cet amendement, tout à fait fondamental.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Cet amendement, à l’instar des amendements nos 7 et 8, tend à donner une valeur législative aux recommandations formulées par la CNIL dans sa décision du 1er juillet 2003, que les présidents d’universités devront respecter en tout état de cause.
Le législateur a confié à cette autorité indépendante le soin de fixer un certain nombre de règles, qui n’ont pas vocation à être reprises dans toutes les lois autorisant le vote électronique. La CNIL, je le rappelle, émet des recommandations, effectue des contrôles et fixe des sanctions.
Ces dispositions ne me semblent donc pas être du domaine de la loi, laquelle ne doit pas être alourdie à l’excès. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous n’avez pas manqué de noter, mesdames, messieurs les sénateurs, la précaution que nous avons prise de rappeler, dans l’article 1er, que le vote électronique est organisé dans le respect de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui a institué la CNIL. Bien entendu, les universités appliqueront les recommandations de l’autorité administrative indépendante.
Quant au principe même du caractère secret du vote, M. David Assouline a très bien souligné qu’il était de nature constitutionnelle.
L’amendement est donc satisfait et je demande à son auteur de bien vouloir le retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Assouline, Mme Lepage, MM. Bérit-Débat, Dauge, Domeizel, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le système de vote par voie électronique permet le chiffrement du bulletin de vote de manière ininterrompue du poste de l'électeur jusqu'au dépouillement de l'urne.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement, extrêmement important, tend à répondre à deux types de préoccupations. Les premières sont liées au secret des votes et au respect de l’anonymat, garantissant l’exercice effectif de la liberté d’opinion : autant de sujets que nous avons déjà abordés. Les secondes ont trait à la sincérité du scrutin et à l’intégrité des votes.
À ce double titre, nous souhaitons qu’il puisse être procédé au chiffrement ininterrompu des bulletins de vote, du poste de l’électeur jusqu’à l’urne.
Cette proposition reprend encore les préconisations de la CNIL qui, dans sa recommandation de 2003, a énoncé non seulement les exigences à respecter préalablement à la mise en œuvre du scrutin, mais aussi celles qui s’appliquent au scrutin lui-même, lors de son ouverture et pendant son déroulement.
Parmi les exigences pointées pour un bon déroulement du scrutin, la CNIL citait le « chiffrement du bulletin de vote » et en détaillait les modalités : « Le bulletin de vote doit être chiffré par un algorithme public réputé ″ fort ″ dès son émission sur la machine à voter ou le terminal d’accès à distance et être stocké sur le serveur des votes sans que ce chiffrement ait été à aucun moment interrompu. La liaison entre le terminal de vote de l’électeur et le serveur des votes doit faire l’objet d’un chiffrement pour assurer la sécurité tant du procédé d’authentification de l’électeur que la confidentialité de son vote. »
Comme à son habitude, la CNIL a effectué, en 2003, un travail remarquable. Il serait opportun que le législateur s’en inspire afin d’assurer le succès du vote par voie électronique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Le commentaire que nous avons fait sur l’amendement précédent est valable pour celui-ci. Il n’est donc pas surprenant que l’avis de la commission soit défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Assouline, Mme Lepage, MM. Bérit-Débat, Dauge, Domeizel, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À l'ouverture du scrutin, il est procédé publiquement aux scellements de l'urne et du dispositif de vote par voie électronique.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. La CNIL a posé, toujours dans sa recommandation de 2003, une exigence extrêmement précise sur la nécessité d’un scellement du système de vote électronique préalable à l’ouverture du scrutin : « Les systèmes de vote électronique expertisés et utilisés doivent faire l’objet d’un scellement c’est-à-dire d’un procédé permettant de déceler toute modification de ce système. Le procédé de scellement doit lui-même être agréé. La vérification du scellement devrait pouvoir se faire à tout moment, y compris durant le déroulement du scrutin et par tout électeur. »
Nous souhaitons donc, par cet amendement, reprendre les contours de cette obligation et l’étendre également aux scrutins se déroulant dans un bureau de vote.
Dans ce dernier cas, l’article 29 du décret du 18 janvier 1985 fixant les conditions d’exercice du droit de suffrage, la composition des collèges électoraux et les modalités d’assimilation et d’équivalence de niveau pour la représentation des personnels et des étudiants aux conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ainsi que les modalités de recours contre les élections a prévu l’apposition de scellés sur les urnes par un huissier de justice, mais seulement dans le cas où « la durée du scrutin est supérieure à une journée ».
Compte tenu de la spécificité des opérations de vote par voie électronique, il ne semble pas opportun de retenir une durée minimale pour procéder au scellement du système. D’ailleurs, la CNIL n’en préconise pas.
La formulation de notre amendement permet d’appliquer la procédure de scellement aux deux modes de votation, physique et par voie électronique, prévus dans l’article 1er de la proposition de loi. En revanche, le scellement des urnes des bureaux de vote se fera sans délai, par alignement avec le dispositif souhaité pour le vote électronique.
J’espère que cet amendement rencontrera plus de succès que les précédents !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Monsieur Domeizel, quelle que soit la conviction que vous avez mise dans la présentation de cet amendement, le commentaire sur le fond reste inchangé : la commission émet, sans surprise, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'article 1er.
M. David Assouline. Un des amendements que nous avons déposés sur cet article – et cela s’est également produit pour d’autres articles – est tombé, avant sa présentation en commission, sous le couperet de la commission des finances, celle-ci y ayant opposé l’article 40 de la Constitution.
Je respecte cette procédure et ne remets pas en cause l’article 40, qui a toute sa légitimité. Mais nous souhaitons alerter la Haute Assemblée sur un point et nous le ferons autant de fois que nécessaire : on ne peut pas invoquer l’article 40 de la Constitution, comme cela a été fait, sans avoir à se justifier et sans avoir à faire preuve d’un minimum de cohérence : on l’invoque contre certains amendements et pas contre d’autres qui ont pourtant exactement les mêmes effets financiers !
L’application de cette nouvelle règle, qui est de plus en plus en rupture avec ce qui se pratiquait il y a encore deux ans, revêt un caractère discrétionnaire, et cela commence vraiment à bien faire !
Je vais donner un exemple tout à fait significatif.
Nous venons de voter sur des amendements tendant à mettre en œuvre les prescriptions et recommandations de la CNIL. Toutes étaient susceptibles d’accroître dans une certaine mesure la dépense publique ; mais, après tout, c’est le prix à payer pour sécuriser les systèmes ! Quoi qu'il en soit, sur ces amendements-là, l’article 40 n’a pas été invoqué. On aurait également pu faire valoir l’article 41 au motif que ces dispositions relevaient du domaine réglementaire, mais on ne l’a pas fait non plus. En revanche, celui de nos amendements qui prévoyait le recours à une expertise indépendante, là aussi conformément aux recommandations de la CNIL, a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 parce que sa mise en œuvre aurait coûté de l’argent ! Il y a là une incohérence absolue !
J’ajoute – et c’est dommage pour votre argumentation, madame la ministre, puisque vous prétendez vouloir appliquer toutes les recommandations de la CNIL et que cette expertise indépendante est, selon la CNIL, obligatoire – que, selon la commission des finances, le financement de cette disposition n’est pas prévu dans le budget.
Il apparaît donc nécessaire, lorsque l’irrecevabilité au titre de l’article 40 est invoquée, de justifier cet avis par au moins cinq lignes d’explication – c’est bien le moins ! – et de nous montrer en quoi cet avis est cohérent avec ceux qui ont été précédemment émis. Car, pour l’heure, la coupe commence vraiment à déborder !
D’ailleurs, je me suis exprimé sur ce point ce matin devant la commission de la culture et son président a bien conscience du problème – il nous fera part, s’il le souhaite, de son point de vue sur la question – puisque nous avons demandé au président de la commission des finances de venir s’expliquer devant nous. Nous aimerions en effet comprendre quelle est la logique qui sous-tend de tels avis. Pour m’en être entretenu avec des sénateurs de tous bords, je me rends compte que personne n’a encore compris la logique fulgurante du président de la commission ; je veux évidemment parler du président de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Monsieur Assouline, je crois que personne n’aura confondu le président de la commission de la culture avec celui de la commission des finances !
Mme Nathalie Goulet. Il n’y a aucun risque ! (Sourires.)
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Je dois dire que nous souhaitons tous comprendre les règles du jeu et c’est pourquoi nous avons effectivement demandé au président de la commission des finances – ce qu’il a, me semble-t-il, accepté – de venir exposer clairement devant notre commission sur quels critères il fondait sa décision d’appliquer l’article 40. Plus tôt cette rencontre aura lieu, mieux cela vaudra.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je reviens plus spécifiquement à l’article 1er, et d’abord pour souligner que, selon moi, la question n’est pas de savoir si l’on est moderne ou ringard. D’ailleurs, je ne pense pas que quiconque puisse taxer notre collègue David Assouline de ringardise ! (Sourires.)
Nous avons par ailleurs évoqué les recommandations de la CNIL et je veux souligner au passage que, s’agissant d’une proposition de loi, il n’y avait aucune obligation de consulter cette autorité indépendante.
Mais je souhaite surtout, avant que nous ne nous prononcions sur l’article qui constitue le cœur de cette proposition de loi, aborder le problème sous un angle un peu différent.
Au terme des diverses étapes que comporte un scrutin, que ce soit la constitution des listes, le dépôt des candidatures, ou la campagne électorale, le vote lui-même est un acte citoyen important, qui implique de se déplacer physiquement et d’aller à la rencontre des autres. Sortir de chez soi pour aller voter est déjà un acte citoyen, qui fait vivre la démocratie. C’est la raison pour laquelle j’espère bien que le vote électronique à distance ne sera jamais généralisé dans les scrutins politiques. C’est par la rencontre et non par l’isolement qu’on fait progresser la démocratie.
Quelle sera l’attitude des jeunes étudiants qu’on aura habitués à voter de chez eux sur un ordinateur lorsqu’ils seront amenés à voter aux élections proprement politiques ? Ne seront-ils pas incités à l’abstention parce qu’ils seront alors obligés de se déplacer ? Il y a donc là, à mon avis, une démarche dangereuse.
Ne serait-ce que pour cette raison, je voterai contre l’article 1er. Nous devons maintenir, pendant la vie étudiante, lors des élections au conseil d’administration, la valeur pédagogique du vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Ivan Renar. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je ferai deux observations afin de rassurer M. Assouline
Tout d’abord, je lui signale que, depuis plus de cinq ans, ma commune fait partie de celles où l’on utilise le vote électronique. Dans de grandes collectivités où les électeurs sont nombreux, la machine à voter fonctionne très bien.
M. Claude Domeizel. Mais on se déplace !
M. David Assouline. On ne vote pas de chez soi !
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet, et l’on peut parfaitement organiser un isoloir autour de la machine à voter.
M. David Assouline. Merci de renforcer mes arguments !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par ailleurs, sur l’article 40, je rappellerai à M. Assouline, qui joue la vertu effarouchée, que, dans l’une de ses décisions, le Conseil constitutionnel a clairement énoncé, voilà environ deux ans, que la méthode que nous suivions antérieurement au Sénat pour examiner la recevabilité de l’article 40 n’était pas conforme à la Constitution. Il nous a imposé de changer de méthode, ce que nous avons fait : nous y étions obligés ! Ainsi, désormais, tous les amendements sont soumis à la commission des finances qui se prononce sur leur recevabilité au titre de l’article 40 et sa décision ne donne lieu à aucun débat, ce qui nous fait gagner un peu de temps. C’est l’application stricte de la Constitution.
Par conséquent, il ne peut y avoir ni mise en cause du président de la commission des finances ni discussion sur les modalités d’application de l’article 40. L’article 40 s’applique ou ne s’applique pas, un point c’est tout. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Plutôt que de faire tout à l'heure un rappel au règlement et pour en terminer avec cet « accident » de séance, j’interviendrai également à propos de l’application de l’article 40. J’ai en effet été crucifié (Exclamations amusées sur plusieurs travées de l’UMP.)…
M. le président. La Semaine Sainte est finie ! (Sourires.)
M. Ivan Renar. … par la suppression de deux amendements, hachés menu par la commission des finances.
Je refuse ce que je considère comme un acte de censure de la commission des finances, qui intervient avant que les amendements soient examinés par la commission saisie au fond, en l’espèce la commission de la culture. Au sein de celle-ci, nous avons l’habitude de nous écouter mutuellement, j’en donne acte aux membres de la commission et à son président, même si, bien sûr, cela ne veut pas dire que nous sommes d’accord sur tout.
Sans cet acte de censure, mes amendements auraient pu être discutés devant le Sénat, qui aurait ensuite tranché en toute sagesse ; cela n’aurait guère pris que quelques minutes de plus !
Qui plus est, ces deux amendements visaient en définitive le même objectif que celui qui a été affiché par nos collègues de la majorité, à savoir favoriser la participation des étudiants aux élections des conseils.
Le premier amendement, massacré, visait à garantir par la loi qu’avant chaque élection les étudiants étaient bien informés de manière personnelle, par voie postale électronique, de la tenue des élections. Il s’agissait donc de leur communiquer le jour, la durée ainsi que le lieu de l’élection, mais également, dans le même temps, de leur envoyer une information plus globale sur l’élection des conseils, les pouvoirs de ces derniers et, enfin, les enjeux de l’élection. Cette campagne institutionnelle devait être personnelle, mais également globale, en s’affichant dans tous les locaux de l’université.
Le second amendement, décapité celui-là, s’inscrivait dans la même logique et tendait à mettre en place une véritable campagne électorale au sein de l’université. La connaissance institutionnelle est indispensable, mais ne suffit pas ; il faut donc que les listes en présence puissent au moins faire connaître leurs propositions.
Je me suis trouvé amputé de ces deux amendements et, de fait, toute notre proposition est ébranlée. C’est là une distorsion dans l’application du règlement puisque les amendements jugés irrecevables ne sont pas transmis pour examen à la commission concernée, en l’occurrence la commission de la culture.
Si l’on suivait la commission des finances sur ce terrain – et je rejoins le propos de mon collègue David Assouline –, c’est toute la loi qui devrait être frappée d’irrecevabilité, à travers les incidences financières qu’elle comporte, en particulier si l’on tient compte des préconisations de la CNIL, même si elles ne sont pas inscrites dans la loi.
Avec cette façon de faire, on se retrouve encore une fois à marcher sur la tête !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Il n’est pas question de mettre en cause le président de la commission des finances. Il ne s’agit pas non plus d’engager un débat sur les conditions dans lesquelles il est fait application de l’article 40. En revanche, il est nécessaire d’informer le Sénat sur les critères qui peuvent entraîner l’application de l’article 40. C’est donc un souci d’information qui motive notre demande.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Je voudrais tenter de répondre à l’interrogation légitime de notre ami Claude Domeizel, pour qui le fait de voter, éventuellement pour la première fois, par voie électronique risquerait de favoriser une attitude d’abstention.
Je ferai un parallèle avec un sujet qui intéresse beaucoup notre commission : la désaffection actuelle des jeunes à l’égard de la lecture. Je suis persuadé que les nouveaux outils technologiques vont amener à la lecture un certain nombre de jeunes et que, y ayant pris goût, ils auront peut-être l’idée de passer à des supports plus traditionnels.
Ainsi, j’ose penser que, par un parallélisme des formes, ayant pris goût au vote par voie électronique à l’université, loin de s’abstenir, ces jeunes populations auront peut-être davantage envie de voter.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Assouline, Mme Lepage, MM. Bérit-Débat, Dauge, Domeizel, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du cinquième alinéa de l'article L. 719-1 du code de l'éducation, il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Les étudiants inscrits dans un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel sont inscrits d'office sur les listes électorales de cet établissement. »
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement tend à rendre obligatoire l’inscription des étudiants sur les listes électorales.
Il octroie une base légale à une mesure figurant déjà dans un décret ancien, le décret n° 85-59 du 18 janvier 1985 qui fixe les conditions d’exercice du droit de vote dans les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel – EPSCP – et la composition des différents collèges électoraux. Dans son article 7, ce décret prévoit que « l’inscription sur les listes électorales est faite d’office pour les étudiants à partir des inscriptions prises auprès des services compétents de l’établissement ».
Donner une base légale à l’automaticité de cette inscription revêt une double importance.
En premier lieu, il n’est pas évident que le décret de 1985 puisse s’appliquer au vote par voie électronique. La lecture des articles du titre IV de ce décret, « Déroulement et régularité des scrutins », indique clairement que le texte concerne les élections dans un bureau de vote : l’article 26 a trait à l’interdiction de propagande « à l’intérieur des salles où sont installés les bureaux de vote » ; l’article 27 est relatif à la composition du bureau de vote ; l’article 29 prévoit le nombre d’isoloirs par bureau.
En second lieu, aucune loi ne sera nécessaire pour supprimer cette obligation d’inscription automatique sur les listes électorales.
A contrario, nous souhaitons qu’une loi prévoie cette automaticité d’inscription sur les listes électorales ; il s’agit d’une garantie œuvrant pour davantage de démocratie à l’université.
Nous demandons donc au Sénat de donner une base légale à l’inscription automatique, sur les listes électorales, des étudiants inscrits dans un EPSCP, ce qui ne coûterait pas d’argent et permettrait même d’en économiser.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Je vois mal l’intérêt de cet amendement dans la mesure où le décret n° 85-59 du 18 janvier 1985 précise que les collèges des usagers comprennent « les étudiants régulièrement inscrits dans l’établissement ». L’amendement est donc satisfait, d’où la demande de retrait formulée ce matin.
La commission a cependant émis un avis favorable, dans les conditions que j’ai exposées tout à l’heure, et nous souhaitons, madame la ministre, que vous puissiez nous garantir que le décret est correctement appliqué au sein des universités.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le rapporteur, l’article 7 du décret du 18 janvier 1985 disposant que « l’inscription sur les listes électorales est faite d’office pour les étudiants à partir des inscriptions prises auprès des services compétents de l’établissement » est appliqué, l’inscription est automatique et le principe est respecté. Il y va de la responsabilité de l’établissement.
En cas de dysfonctionnement, la rectification d’inscription est de droit jusqu’au jour même du scrutin. C’est d’ailleurs l’objet de l’affichage électoral, permettant à chaque étudiant de vérifier qu’il est bien inscrit sur les listes.
Telle est la raison pour laquelle je demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Il y a tout de même, me semble-t-il, un problème d’interprétation puisqu’il est inscrit dans le texte que ce mode de scrutin ne tient pas compte du vote électronique.
Il ne faudrait pas qu’il y ait une différence d’appréciation entre la lecture du titre IV du décret, qui concerne le déroulement des votes classiques, et ce nouveau dispositif. Or le texte n’est pas clair sur ce point.
L’inscription est obligatoire, mais pour un vote classique. Si vous nous garantissez effectivement que ce dispositif s’appliquera même à un vote électronique, j’accepte de retirer l’amendement, sous réserve de l’accord de mes collègues, mais j’ai un sérieux doute sur ce point, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le sénateur, il n’y a vraiment aucun doute à avoir !
Le décret précise bien : « Le président de l’université ou le directeur de l’établissement établit une liste électorale par collège. L’inscription sur les listes électorales est faite d’office pour les étudiants à partir des inscriptions prises auprès des services compétents de l’établissement. […]
« Les listes électorales sont affichées vingt jours au moins avant la date du scrutin.
« Les demandes de rectification de ces listes sont adressées au président de l’université ou au directeur de l’établissement, qui statue sur ces réclamations.
« Toute personne remplissant les conditions pour être électeur qui constaterait que son nom ne figure pas sur la liste électorale du collège dont elle relève peut demander au président de l’université ou au directeur de l’établissement de faire procéder à son inscription, y compris le jour de scrutin. »
Une commission de contrôle des opérations électorales est même prévue.
Bien évidemment, ce décret ne s’applique pas spécifiquement au vote électronique, mais, dès lors qu’il s’agit des conditions d’exercice du droit de suffrage, il s’applique de facto à partir du moment où un tel mode de votation est autorisé.
M. le président. Monsieur Bérit-Débat, l’amendement n° 9 est-il maintenu ?
M. Claude Bérit-Débat. Dans ces conditions, monsieur le président, je le retire, mais j’espère très fortement que la lecture du décret faite par Mme la ministre est la bonne.
M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.
L’amendement n° 11, présenté par M. Assouline, Mme Lepage, MM. Bérit-Débat, Dauge, Domeizel, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l’article L. 719-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les listes électorales sont affichées, dans les locaux de l’établissement, au moins vingt jours avant la date du scrutin. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Avant de présenter l’amendement, je souhaite m’adresser à vous, monsieur le rapporteur, car je suis heureux que vous partagiez mon point de vue sur le fait que les jeunes risquent de s’abstenir.
Je cherchais l’expression adéquate, et vous l’avez trouvée : « prendre goût ». Si les jeunes prennent goût aux nouvelles méthodes de lecture, dites-vous, cela les amènera à la lecture. Eh bien, s’ils prennent goût au vote par voie électronique, peut-être le réclameront-ils systématiquement et n’iront-ils plus dans les bureaux de vote traditionnels...
J’en viens à l’amendement, par lequel nous souhaitons donner une base légale à une mesure indirectement prévue par le décret de 1985.
Aux termes de son article 25, les établissements « assurent une stricte égalité entre les listes de candidats, notamment en ce qui concerne la répartition des emplacements réservés à l’affichage ».
Il nous semble donc opportun que la loi prévoie expressément un dispositif encadrant l’affichage, afin, en particulier, que l’établissement puisse installer les panneaux électoraux dans un délai permettant une campagne électorale digne de ce nom.
Ce type de mesure est de nature à réellement augmenter la participation aux élections. Pour que les électeurs soient concernés, encore faut-il qu’ils soient informés !
Dans cet objectif, il serait utile de prévoir une obligation d’affichage des listes en présence, dans un délai suffisant pour permettre l’information de tous, délai que nous avons fixé à vingt jours.
L’adoption de cet amendement nous paraît d’autant plus nécessaire que notre amendement n° 10, prévoyant l’envoi, par courrier à tous les étudiants à leur domicile, de la propagande électorale, a subi les foudres de l’irrecevabilité financière ! Il est fort regrettable que le Gouvernement n’accepte pas de financer ce type d’envois, procédant d’une campagne électorale « normale », car de telles informations seraient de nature à accroître sensiblement la participation étudiante aux élections !
J’espère que la Haute Assemblée et vous-même, monsieur le rapporteur, partagerez le point de vue que David Assouline et moi-même avons exprimé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Mon cher collègue, nous n’assisterons qu’à des partages partiels ! (Sourires.)
Les dispositions relatives aux modalités d’exercice du droit de suffrage sont fixées par le décret n° 85-59 du 18 janvier 1985 précité : « Les listes électorales sont affichées vingt jours au moins avant la date du scrutin.
« Les demandes de rectification de ces listes sont adressées au président de l’université ou au directeur de l’établissement, qui statue sur ces réclamations. »
Ces dispositions relèvent effectivement du décret. Notre désaccord ne porte pas sur le fond, mais nous n’avons pas à alourdir la loi sur ce point.
Il est d’ailleurs indiqué dans l’objet même de l’amendement que celui-ci « tend à octroyer une base légale à l’obligation réglementaire ». Voilà démontré ce que j’essaie de vous expliquer : nous sommes bien ici dans le domaine réglementaire. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je souhaite revenir sur cet amendement n° 10, relatif à l’envoi d’une profession de foi au domicile des étudiants et qui ne pourra donc pas être examiné en séance. Autrement dit, ce que l’on trouve normal pour tous les citoyens lors d’une élection, est anormal pour les étudiants et, en plus, on ne peut même pas discuter du dispositif car la commission des finances affirme qu’il coûte de l’argent.
Si je fais cette remarque, c’est parce qu’un huissier est venu à l’instant me remettre un pli. En me demandant ce qu’il y avait de si urgent, je l’ai ouvert : ce sont les avis de M. Arthuis sur l’irrecevabilité de nos amendements déposés hier ! Ils nous parviennent presque après la discussion en séance publique… Heureusement qu’il y a le courrier électronique et que je sais m’en servir ! (Sourires. –M. Alain Gournac s’exclame.) Mais ce n’est pas le cas de tout le monde dans cette assemblée !
M. Nicolas About. Il faut donner des cours !
M. David Assouline. Heureusement que j’ai cette chance ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Mes chers collègues, je faisais référence aux anciens et aux modernes !
Tout à l’heure a été évoquée l’idée que j’aurais pu mettre en cause le président de la commission des finances ou même la décision du Conseil constitutionnel sur cette question de l’application de l’article 40 de la Constitution.
Très franchement, le problème n’est pas là.
Nous avons besoin de cohérence dans la décision. Il ne peut pas y avoir sur quatre amendements aux conséquences exactement identiques, qui coûtent de l’argent aux contribuables, un couperet tombant sur l’un d’entre eux au seul motif que son adoption aggraverait l’état des finances publiques.
Par conséquent, je demande un peu plus d’explications et surtout de la cohérence dans ce qui nous est dit : ce n’est pas trop demander pour le législateur que nous sommes.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Renar, Mmes Labarre et Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l’article L. 719-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une commission électorale est mise en place avant chaque élection des conseils. Elle est composée de neuf membres, dont trois représentants des étudiants, trois représentants des enseignants-chercheurs, et trois représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques et ouvriers parmi les membres du conseil d’administration, du conseil des études et de la vie universitaire et du conseil scientifique de l’université. Elle est chargée de déterminer et de communiquer les dates, horaires et lieu de tenue des élections en prenant en compte des critères d’accessibilité et de visibilité maximale. »
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la loi la constitution d’une commission électorale, de neuf membres, composée paritairement d’étudiants, d’enseignants-chercheurs et de personnels IATOS précédemment élus aux conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.
Cette commission n’aurait pas la même vocation ni la même composition que la commission de contrôle des opérations électorales prévue par le décret du 18 janvier 1985.
Elle aurait pour mission principale le contrôle de la régularité des élections. Constituée au niveau de l’académie, elle serait interne à chaque établissement et s’occuperait de déterminer les modalités et le bon déroulement des élections des membres de conseils des EPSCP, pour chaque scrutin.
La présente proposition de loi affiche une volonté de démocratiser le vote étudiant lors des conseils. Cet objectif est louable et nous ne pouvons que le partager, mais nous ne pensons pas, pour notre part, que des modalités techniques, telles que la mise en place d’un vote électronique, soient constitutives d’une réponse à ce déficit de participation des étudiants.
Si nous souhaitons, et c’est le cas, que le taux d’abstention aux élections des conseils diminue, il faut avant tout garantir que les lieux, les horaires et les dates des élections soient les plus accessibles possible.
À cet effet, la commission électorale que nous proposons de mettre en place déciderait de ces éléments, afin notamment que les élections n’aient pas lieu, comme cela est parfois le cas, pendant des examens semestriels, que les horaires de vote soient les plus larges possible et ne se limitent pas à quelques heures dans la journée, au moment où les étudiants sont tenus d’assister à leur cours, et que, notamment dans les grands campus universitaires, le lieu de vote soit visible et accessible à l'ensemble des étudiants.
Ainsi, toutes les conditions matérielles seraient réunies pour réellement favoriser le vote étudiant, à toutes les élections, en tenant compte de la situation propre à chaque université.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. L’article 2-1 du décret du 18 janvier 1985 oblige chaque université à mettre en place un comité électoral, consulté par le chef d’établissement sur l’organisation des élections.
Le présent amendement tend à créer un autre organe, ayant pouvoir décisionnel dans les mêmes domaines, alors que cela relève de la compétence du président de l’université. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Renar, Mmes Labarre et Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l’article L. 719-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Avant chaque élection et pendant la durée du scrutin, la propagande est autorisée dans tous les bâtiments de l’université, à l’exception des salles où sont installés les bureaux de vote. »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Cet amendement rejoint nos amendements précédents : il faut favoriser toutes les conditions d’information et de participation aux élections par la mise en place de garanties accompagnant ces élections, notamment la tenue d’un débat contradictoire favorisé par l’assurance d’une véritable campagne électorale. Nous souhaitons les inscrire dans la loi plutôt que de laisser un décret les déterminer, afin de leur conférer toute la solennité et l’importance qu’elles ont, et nous saisissons pour le faire cette proposition de loi, dont l’objectif affiché en la matière semble identique au nôtre.
Cette fois, il s’agit de permettre que la propagande électorale puisse s’effectuer avant et pendant le scrutin, dans tous les bâtiments de l’université, excepté le bureau de vote pour éviter les pressions, afin que la campagne soit la plus visible possible.
Nous ne voyons, pour notre part, aucune raison d’interdire la propagande les jours de scrutin, comme cela est actuellement le cas. S’il est précisément un moment où cette propagande a du sens, c’est bien le jour des élections. En général, celles-ci se déroulent le mercredi et le jeudi, ce qui apparaît comme le meilleur choix puisque la participation des étudiants, y compris aux cours, est alors la plus grande.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Dans la mesure où il ne lui semble pas souhaitable d’alourdir inutilement la loi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission, car cet amendement est satisfait.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Le sixième alinéa de l’article L. 719-1 du code de l’éducation est supprimé.
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par M. Renar, Mmes Labarre et Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. C’est un amendement de cohérence avec tout ce que nous avons exposé tout à l’heure. Nous prenons position contre cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par M. Assouline, Mme Lepage, MM. Bérit-Débat, Dauge, Domeizel, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La première phrase du sixième alinéa de l’article L. 719-1 du code de l’éducation est supprimée.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Je ne vais pas argumenter longuement. La commission de la culture est convenue ce matin que nous avions surtout besoin que Mme la ministre confirme la lecture qu’il faut faire de cet article, de façon que soit levé le risque de confusion avec la question du vote par correspondance. M. le rapporteur nous a fait justement remarquer qu’il est bien précisé à l’article 1er que le vote ne sera autorisé que par bulletin déposé dans l’urne ou par voie électronique, ce qui, bien sûr, interdit le vote par correspondance.
Je souhaite donc entendre Mme la ministre sur ce point et, en fonction de sa réponse, je retirerai cet amendement – ou non.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. L’article 1er indique très explicitement que « l'élection a lieu soit par dépôt d'un bulletin de vote en papier dans une urne, soit par voie électronique sécurisée ». Il est donc clair que le vote par correspondance n’est pas autorisé.
Si vous vouliez bien, madame la ministre, confirmer cette interprétation, je crois que notre collègue serait rassuré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Assouline, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. David Assouline. Je suis rassuré. Néanmoins, je pense que, si nous avons créé cette confusion dans la deuxième partie du texte, c’est pour que le courrier électronique ne soit pas considéré comme un vote par correspondance. Mais il faudra bien régler le problème globalement, car le courrier électronique – et le vote électronique en est un – est bien assimilé, en général, à une correspondance, au même titre par exemple qu’une lettre.
Je ne suis pas si bête que cela ! J’avais bien vu qu’il y avait un problème, et qu’il ne se réglerait pas par de simples « bidouillages » dans ce texte ! Il faudra le régler globalement, en distinguant correspondance privée et correspondance officielle, le vote relevant de cette dernière catégorie. Le fait que l’une et l’autre soient aujourd’hui mises sur le même plan est un vrai problème pour notre vie démocratique.
Dans l’immédiat, monsieur le président, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2 bis
(Non modifié)
L’article L. 781-6 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au a du 2°, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;
2° Au b du 2°, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième ».
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Renar, Mmes Labarre et Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Par cohérence, monsieur le président, il s’agit d’un amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Par cohérence, monsieur le président, avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
La présente loi est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Renar, Mmes Labarre et Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Même motif, même punition…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Même motif, même cohérence : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Mes chers collègues, nous vous avons aidés à être en mesure de tenir votre agenda, qui vous appelle à l’Élysée… (Exclamations et rires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Combien de fois, pendant les quatorze années de la présidence de François Mitterrand, l’avons-nous fait pour vos amis, mon cher collègue, et sans jamais protester !
M. Alain Gournac. Voilà !
M. le président. Vous me direz, cela appartient à l’histoire !
M. David Assouline. Vous n’êtes pas obligé de faire peser vos propres choix sur les nouvelles générations ! (Rires.) Laissez-moi libre de ce que je vis !
Divers arguments ont été échangés au cours de la discussion, d’où découle une évidence : l’objet de cette proposition de loi n’est pas de faire reculer l’abstention en milieu étudiant.
Non seulement il n’est pas tenu compte du fait que l’étude de ce type d’expériences de vote électronique montre qu’elles n’ont jamais permis l’augmentation de la participation des étudiants aux élections, mais, au fur et à mesure des discussions, les différentes solutions que nous avons proposées et qui, les unes s’additionnant aux autres, pourraient réellement peser sur cette participation – la popularisation du scrutin, l’envoi des professions de foi, l’attribution de moyens pour que soit organisée une campagne électorale… – sont toutes rejetées, de A à Z. Après quoi on a beau jeu de conclure que le vote électronique est indispensable et que lui seul peut faire bouger la participation ! L’incohérence est totale.
Non seulement on ne tire pas les enseignements des expériences déjà réalisées, mais on n’ajoute même pas les autres moyens possibles. C’est là le premier point qui, à l’issue de ce débat, nous conforte dans l’idée qu’il s’agit d’un faux argument.
Le débat a mis en évidence un deuxième point. On aurait pu organiser un scrutin électronique à l’université même, dans un endroit central. Il se serait alors apparenté au scrutin électronique qu’ont déjà mis en place certaines municipalités, monsieur Fourcade,…
M. Jean-Pierre Fourcade. Absolument !
M. David Assouline. … et que je ne remets pas en cause : à petite échelle, il est très fiable – même si cela peut se révéler un peu plus compliqué à l’échelle nationale, comme on a pu le constater, notamment, aux États-Unis –, et j’ai pu entendre de nombreux maires, de tous les partis, se réjouir que, dans leur municipalité, cela marche.
Mais les contraintes n’ont, dans ces cas-là, rien à voir avec le dispositif de sécurisation nécessaire quand il s’agit de voter chez soi à n’importe quelle heure !
Et qu’on ne me dise pas que la question de l’isoloir, qui est prévu dans toutes les élections, n’est pas un problème ! Si l’on peut voter chez soi, dans un foyer, dans une résidence universitaire, il n’y a pas d’isoloir, et l’administration n’a aucun moyen de vérifier l’identité de celui qui est en train de voter.
Cela, additionné à tous les processus de sécurisation complexes que propose la CNIL, ne permettra pas à ce mode de scrutin d’éviter les contestations : au contraire, elles seront beaucoup plus nombreuses qu’aujourd’hui. Je ne prétends pas que la situation actuelle soit parfaite, mais le problème ne manquera pas de s’accroître.
Enfin, la troisième raison qui va nous conduire à voter contre la proposition de loi, c’est qu’en réalité tous les arguments que je viens d’évoquer ne sont avancés que pour essayer de réduire le score, la représentativité d’un syndicat en particulier, aujourd’hui majoritaire, avec l’espoir que ce mode de scrutin le mettra en difficulté. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.)
Or je ne crois pas que c’est ce syndicat qui sera mis en difficulté : c’est la démocratie étudiante. La démocratie, comme M. Domeizel l’a souligné, passe d’abord par l’implication des étudiants. Pour que ceux-ci s’impliquent, il faut tout faire pour qu’ils soient mobilisés et qu’ils prennent, au moins pour ceux qui sont valides, la peine de se déplacer. Si l’on pense que c’est en permettant le zapping continuel que l’on éduquera les jeunes au civisme et que l’on en fera des citoyens, on se trompe. Ce n’est pas un clic qui les rendra plus citoyens, car il y a le clic, certes, mais il y a surtout le reste : l’effort, l’intérêt, et tout ce qui vaut bien un déplacement jusqu’à l’isoloir.
Il faut bien sûr tenir compte du fait que les étudiants ne sont pas présents toute la semaine, que certains sont handicapés, que d’autres sont en stage à l’étranger ! On peut très bien permettre le vote électronique pour ceux qui sont à l’étranger et pour les étudiants handicapés, et organiser le scrutin sur une semaine complète pour que même les étudiants ayant concentré leurs cours sur une seule journée parce qu’ils travaillent le reste du temps puissent voter.
En fin de compte, la seule solution est bien qu’un jour les étudiants n’aient plus besoin de travailler les trois quarts du temps pour financer leurs études, et cela passe par l’allocation d’autonomie que nous proposons. C’est en effet là une des raisons essentielles de l’échec à l’université : comment les étudiants les plus défavorisés peuvent-ils se concentrer sur leurs études s’ils sont contraints de faire mille choses à côté ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Rémunération des salariés reclassés
Adoption définitive d'une proposition de loi
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement (proposition de loi n° 504 rectifié, texte de la commission n° 413, rapport n° 412).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, la crise économique mondiale a de graves conséquences sur la vie des citoyens et de nos entreprises. Toute l'action du Gouvernement vise à en préserver les Français. En tant que ministre du travail, mon souci est d’abord de tout mettre en œuvre pour protéger les salariés, tout en donnant aux entreprises les moyens de renouer durablement avec la croissance. C’est le sens de l’intervention du Président de la République devant l'Organisation internationale du travail, le 15 juin dernier, quand il a plaidé en faveur d'une meilleure régulation de la mondialisation afin d’allier progrès économique et progrès social.
Dans ce contexte, je suis heureux d'examiner avec vous ce soir un texte dont chacun reconnaît à la fois la nécessité et l'urgence.
La nécessité, parce que, aujourd'hui, les dispositions relatives aux propositions de reclassement à l'étranger d'un salarié faisant l'objet d'un projet de licenciement pour motif économique ne sont en fait satisfaisantes ni pour le salarié ni pour l'entreprise. L'urgence, parce que, chaque mois, des entreprises et des salariés se trouvent, faute de solution, dans une impasse à la fois sur le plan juridique et sur le plan humain. Je reviendrai brièvement sur ces situations.
Pour remédier à ces difficultés, la proposition de loi élaborée par le groupe Nouveau Centre de l’Assemblée nationale apporte une réponse claire et efficace, qui recueillera ici, je l'espère, une unanimité similaire à celle qu'elle a suscitée à l'Assemblée nationale.
Cependant, je n’ignore pas un certain nombre d’interrogations, dont nous parlerons évidemment.
J’évoquerai successivement ces trois points.
En premier lieu, les conditions de reclassement d'un salarié à l'étranger en cas de licenciement pour motif économique ne sont satisfaisantes ni pour le salarié ni pour l'entreprise.
Concernant d’abord le salarié, nous avons tous en mémoire des exemples entendus le matin à la radio et mis en lumière par des commentaires qui nous semblent un peu absurdes et très décalés. Je pense à des propositions d'emploi en Tunisie à 137 euros par mois faites aux salariés licenciés du site Continental. Quand on propose à un salarié de le reclasser dans des conditions objectivement indignes, c'est, d'un point de vue éthique ou humain – le champ lexical est vaste – absolument inacceptable. Ces propositions émeuvent évidemment à la fois le salarié lui-même, sa famille et, d’une certaine façon, toute la population qui en est informée.
Mais, il ne faut pas se leurrer, ces situations ne sont pas non plus satisfaisantes pour l'entreprise. Depuis plus de quinze ans, la chambre sociale de la Cour de cassation a construit une jurisprudence qui impose à l'employeur de reclasser les salariés, dans toute la mesure possible, quelles que soient la nature du poste et sa situation géographique.
Une entreprise qui est membre d’un groupe ayant des filiales à l'étranger et qui envisage de licencier des salariés pour motif économique doit donc respecter cette exigence. Il lui incombe de proposer des postes de reclassement, que ces postes se situent en France ou à l’étranger, en Inde, en Tunisie, en Bulgarie ou en Roumanie, quel que soit le secteur d’activité d’origine et il n’est par ailleurs nullement exigé d’offrir un salaire comparable.
Pour une entreprise qui ne respecte pas cette obligation, et ce point est peu connu, le coût est considérable. Je citerai l’exemple du fabricant de chaussettes Olympia – que vous connaissez certainement – qui n'a pas voulu placer ses salariés dans cette situation. Cette société avait même averti son comité d'entreprise qu'elle ne proposerait pas de postes situés dans une filiale en Roumanie et rémunérés 110 euros par mois, au motif que de telles conditions seraient indignes. Mais ce refus a amené la cour d'appel de Reims à la condamner, le 13 mai 2009, à une amende d’un montant de 2,5 millions d'euros. Cela a bien sûr aggravé la situation financière de l’entreprise, qui était déjà fragile. Si une entreprise ne fait pas de telles propositions, elle est condamnée par la justice, et si elle fait ces propositions, elle est également condamnée, par la rumeur publique.
On comprend le bien-fondé de cette jurisprudence : il s'agit, nous en sommes bien d’accord, de faire du licenciement la mesure de dernier recours. Mais, dans la plupart des cas, cela conduit les entreprises à adresser aux salariés des propositions de reclassement déraisonnables, pour ne pas dire absurdes et inqualifiables. Quand la loi conduit à de telles situations, il faut à l’évidence y remédier sans délai. C'est l'objet de la présente proposition de loi.
En deuxième lieu, ce texte apporte une solution équilibrée en protégeant à la fois le salarié et l'entreprise.
Je voudrais saluer le travail du groupe Nouveau Centre, à l’origine de cette proposition de loi. Je tiens à remercier le député M. Folliot pour son excellent rapport. Merci également à vous-même, monsieur le rapporteur, pour les travaux que vous avez conduits dans le cadre de la préparation, très minutieuse, de ce texte, afin que le droit positif apporte une réponse pertinente à ces situations. Ce texte apporte en effet la solution qui était attendue depuis longtemps. Elle présente plusieurs avantages.
D’abord, elle ne change rien à l'impératif de reclassement qui pèse sur l'entreprise : quand le reclassement du salarié est possible, aucun licenciement ne peut avoir lieu et l'employeur doit lui faire des propositions précises et écrites.
Ensuite, et là est l’essentiel, on interroge désormais le salarié, on lui demande en quelque sorte son avis, dès lors que l’entreprise ou le groupe dont elle fait partie est implanté hors du territoire national, sur une question centrale, celle des périmètres du reclassement pour les postes situés à l'étranger. Il appartient au salarié, principal intéressé, de dire où il souhaite être reclassé, les destinations géographiques qu’il refuse, le salaire qu’il est prêt à accepter et la nature du poste pour lequel, d’un point de vue professionnel, il peut avoir de l’intérêt. En effet, chacun n’est pas forcément disposé à changer totalement de métier. Ce questionnaire permettra à l’entreprise de clarifier ses propositions de reclassement.
Ainsi, les individus concernés devront indiquer s'ils souhaitent se voir proposés des postes en Inde, en Chine, en Roumanie ou en Belgique, et leurs conditions pour les accepter. Par exemple, il peut être intéressant, pour un jeune en début de carrière, de vivre une expérience à l'international. Ces questions doivent être posées, quel que soit le salarié, car la réponse est personnelle.
Mme Annie David. Et voilà l’astuce !
M. Éric Woerth, ministre. Ils demeureront libres ensuite de les accepter ou non.
C’est tout l'intérêt du questionnaire adressé par l’employeur aux salariés concernés : il leur sera demandé de définir eux-mêmes le champ raisonnable du poste de reclassement à l’étranger. C’est une procédure simple et lisible, qui protège non seulement les salariés de propositions vécues comme humiliantes, mais aussi les entreprises de l'insécurité juridique afin d’éviter une répétition de la « jurisprudence Olympia ».
En outre, cette solution du « questionnaire préalable » a été validée par le Conseil d'État, notamment dans sa décision en date du 4 février 2004. L’inscrire dans notre droit positif permettra d’unifier la dimension civile et la dimension administrative de notre ordre juridique : ce sont des cohérences dont il faut se réjouir.
En troisième lieu, je souhaite, monsieur le rapporteur, apporter quelques réponses aux interrogations qui subsistent et qui font l’objet d’un certain nombre d’amendements.
Première question : ce texte sera-t-il, ou non, une source importante de contentieux à venir ? Je ne sais pas ! Tous les textes sont sources de contentieux, notamment lorsqu’ils traitent de situations aussi personnelles. Néanmoins, je ne le pense pas, même si, j’en suis conscient, il est difficile de le dire à ce stade.
Deuxième question : faut-il entrer dans les détails et instaurer des références françaises, à l’instar de notre SMIC, quand il s’agit de postes à l'étranger ? C’est une question difficile, dans la mesure où, à l’étranger, il n’y a pas nécessairement d’élément comparable au SMIC…
Mme Annie David. Justement !
M. Éric Woerth, ministre. … et il faut donc recalculer les rémunérations. À mon sens, la référence à un niveau de salaire précis, comme le SMIC, est intégrée au questionnaire. Ce que le salarié est prêt à accepter correspond en général à son niveau de rémunération au moment de l’offre de reclassement. Ainsi, payé au SMIC, il refusera de percevoir un montant inférieur. Mieux rétribué, il précisera son niveau d’exigence. De même, il pourra indiquer être disposé à accepter un salaire inférieur au SMIC dans tel pays, si tel est son choix.
Mme Annie David. Son choix ?
M. Éric Woerth, ministre. Il est important que le salarié puisse le préciser.
Enfin, ne l’oublions pas, il faut parler de reclassement de personnes. En ce sens, si le lieu et le niveau de rémunération sont des questions légitimes, celle du métier doit également être prise en compte.
Troisième question : la souplesse du dispositif ne risque-t-elle pas d'avoir des effets pervers ? Peut-être. On peut craindre en effet que des entreprises sans scrupule ne détournent les questions posées afin de priver le salarié de son droit au reclassement. Soyons clairs : ces cas illustreraient un manquement manifeste à l'obligation d'exécution de bonne foi, qui constitue pourtant le cœur du contrat de travail. Le juge judiciaire devra alors jouer son rôle et en tirer toutes les conséquences. Selon moi, il n’y a pas de risque majeur à privilégier la souplesse, en laissant d’abord le salarié s’exprimer sur la base des propositions de l’entreprise, donner son opinion d’une manière générale.
L’applicabilité du texte lors des procédures de liquidation judiciaire a été également évoquée. À mon avis, exclure les procédures judiciaires serait une erreur. D’abord, elles ne sont pas si nombreuses. On compte une vingtaine de cas sur les 20 000 liquidations judiciaires que notre pays connaît chaque année. Ensuite, en n’appliquant pas ce droit aux liquidations judiciaires, on créerait deux catégories de salariés : ceux qui seraient interrogés et ceux qui ne le seraient pas. Il me semble assez logique de permettre à toutes les entreprises, même celles qui sont en liquidation judicaire, de suivre cette procédure.
Par ailleurs, une telle distinction pourrait éventuellement favoriser le développement d’abus de procédure. Nous nous exposerions alors à des risques de fraude si, en effet, des dirigeants malhonnêtes, afin d’échapper à leurs obligations, organisaient la faillite de leurs filiales à l’étranger. Or si celles-ci se portent bien, pourquoi les exclure du champ du reclassement ? Cette question mérite d’être posée.
Sans doute tel ou tel point demeure-t-il, bien sûr, perfectible. À mes yeux, nous sommes toutefois parvenus à un équilibre. Le Sénat est libre de le remettre en cause, c’est sa responsabilité. Nous pourrions entrer plus dans le détail. À ce stade, je n’ai pas d’avis plus précis sur la question. Il me paraît cependant sage de nous en tenir là, pour des questions de délais. En effet, éviter la poursuite de la navette permettrait d’assurer la sécurité des salariés le plus rapidement possible. Peut-être souhaiterez-vous au contraire détailler davantage certaines dispositions ?
Quoi qu’il en soit, nous partageons le même souci : en finir avec les offres de reclassement aberrantes qui sont proposées aux salariés français. Essayons de trouver ensemble la meilleure voie pour y parvenir. J’ai évidemment confiance dans notre discussion pour atteindre cet objectif. Nous y arriverons, je n’en doute pas. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir vise à mettre fin aux « scandales sociaux » des offres d’emploi indécentes qui naissent à l’occasion de licenciements économiques dans des grands groupes.
En l’état actuel du droit, je le rappelle, les entreprises appartenant à des groupes ayant des établissements à l’étranger doivent, au moment où elles envisagent des licenciements pour motif économique, proposer aux salariés concernés d’être reclassés et leur présenter, à ce titre, la totalité des postes disponibles dans tous les établissements du groupe. Ces entreprises ont donc l’obligation légale de proposer, si elles en disposent, des offres d’emploi aux salariés que ceux-ci estiment légitimement choquantes. Ce fut le cas, par exemple, de l’entreprise de textile Carreman située à Castres, qui a présenté à ses ouvriers des postes rémunérés 69 euros mensuels en Inde, ce qui a conduit notre collègue député Philippe Folliot à déposer cette proposition de loi.
Pour tenter de mettre un terme à ces situations inacceptables aussi bien pour les salariés que pour les entreprises, ce texte vise à légaliser, dans la procédure de licenciement, le recours au questionnaire préalable. Ce dispositif, censuré par la Cour de cassation en 2009, permet à l’employeur d’interroger les salariés sur leurs souhaits de reclassement avant de leur faire parvenir les offres. L’employeur n’est alors tenu de n’adresser aux salariés que les offres qui correspondent à leurs aspirations.
Théoriquement, le texte évite par conséquent à l’employeur de proposer des offres déplacées, puisque l’on peut raisonnablement supposer que le salarié déclarera, le plus souvent – pour ne pas dire, à chaque fois –, dans son questionnaire, qu’il ne souhaite pas partir à l’étranger – c’est ce que l’on constate aujourd'hui ! – ou être reclassé sur un poste dont la rémunération est inférieure à celle de son poste actuel.
L’idée est donc particulièrement pertinente. Pourtant, – croyez-le bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aurais préféré qu’il n’en soit pas ainsi – les différentes auditions auxquelles j’ai procédé, et que le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale n’avait pas eu le temps d’entreprendre, notamment celles de la Cour de cassation et de professeurs de droit du travail, ont révélé que le texte, dans sa rédaction actuelle, présente quatre difficultés majeures.
D’abord, et il s’agit, à mon sens, du point le plus embarrassant, il est loin d’être évident que le texte mette un terme aux scandales, car il ne prévoit aucun plancher salarial légal s’appliquant aux offres de reclassement, contrairement, d’ailleurs, à la version initiale du texte proposé par Philippe Folliot.
Aux termes de la rédaction résultant des travaux de l’Assemblée nationale, si l’employeur envoie au salarié un questionnaire lui demandant s’il accepterait, en partant à l’étranger, une baisse de rémunération, il suffit que le salarié donne son accord de principe pour que l’employeur soit toujours obligé, par la loi, de lui faire parvenir la totalité des offres disponibles, dont celle que j’ai évoquée tout à l'heure : un emploi à 69 euros en Inde. Le salarié aura donné son accord de principe pour une baisse de rémunération, mais ne s’attendra pas pour autant, vous le comprendrez, mes chers collègues, à recevoir de telles offres, qu’il continuera de juger humiliantes. Nous n’aurons donc pas réglé le problème.
De plus, si l’employeur essaie de contourner la difficulté en demandant au salarié le niveau de salaire qu’il est prêt à accepter pour être reclassé, le scandale des offres risque de se reporter sur le questionnaire lui-même. L’employeur se verra reprocher d’exercer une sorte de chantage sur les salariés, qui auront le sentiment que plus la baisse de salaire qu’ils acceptent dans le questionnaire est importante, plus grandes seront leurs chances d’être reclassés.
A également été évoquée la possibilité de publier une circulaire dans laquelle serait proposé aux entreprises un modèle de questionnaire-type, leur permettant de se prémunir contre ce risque. Toutefois, je crains qu’il ne s’agisse là d’une fausse bonne idée. En effet, quelle que soit la rédaction du questionnaire, comment éviter alors que le Gouvernement ne soit accusé d’accompagner les entreprises pratiquant le dumping social ?
La deuxième difficulté tient au caractère assez flou de la rédaction actuelle. Le texte évoque, s’agissant des souhaits de reclassement des salariés, les « restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation ». Le terme « éventuel », assez inattendu, vous l’avouerez, dans un texte de loi, laisse le champ libre à toutes les restrictions possibles, y compris les plus difficiles à interpréter juridiquement.
Par exemple, comment interpréter la réponse d’un salarié qui souhaite être reclassé « dans une grande ville » ou sur « un type d’emploi appelé à se développer dans l’avenir » ? Il s’agit, pour reprendre l’expression d’un professeur de droit que nous avons auditionné, d’un « nid à contentieux » créé par le législateur.
Le texte comporte d’autres imprécisions, telles que le silence sur le moment où l’employeur doit transmettre au salarié le questionnaire. Je pense également au recours énigmatique au terme « implantation ». Je suppose que vous nous direz, monsieur le ministre, que vous visez ici le « pays ». Mais, vous l’admettrez, employer un mot pour un autre et expliquer ensuite que celui-ci ne doit pas être compris dans son sens habituel est une curieuse façon de légiférer. Franchement, ne serait-il pas plus simple de modifier le texte en utilisant le terme adéquat ?
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Loin de clarifier et de simplifier la procédure, le texte risque donc de conduire, à cause de ces imprécisions, à une multiplication du nombre de contentieux.
Le troisième écueil tient, de l’avis formel du président du CNAJMJ, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, à l’inapplicabilité du texte aux cas de liquidation judiciaire.
Dans ces situations, qui représentent entre 15 % et 25 % de la totalité des licenciements économiques, le mandataire liquidateur dispose de quinze jours, ce qui est déjà peu, pour satisfaire à l’ensemble des obligations légales de l’employeur à l’égard des salariés licenciés.
Or le délai de six jours donné au salarié pour répondre au questionnaire empêchera, de fait, le liquidateur d’accomplir la totalité des démarches. Cela conduira presque systématiquement les salariés à contester juridiquement, et avec succès, la validité de la procédure suivie. L’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l’AGS, devra alors payer les indemnités accordées, à ce titre, aux salariés.
Au moment où le Gouvernement cherche, à juste titre, – vous êtes d’ailleurs mieux placé que personne pour le savoir, monsieur le ministre ! – à mieux dépenser l’argent public pour contenir la dette, l’adoption de ce texte en l’état conduirait au gaspillage de plusieurs millions d’euros, voire de dizaines de millions d’euros, en raison de l’accroissement du nombre de licenciements économiques en ces temps de crise.
Le quatrième problème nous a été signalé par les syndicats de salariés, et je n’y suis pas insensible.
Ceux-ci ont fait valoir qu’un questionnaire dont les caractéristiques et le champ ne sont pas définis, comme c’est actuellement le cas avec la rédaction qui nous est proposée, pourrait permettre à un employeur de se dédouaner de son obligation de reclassement, en orientant le questionnaire de manière à limiter le plus possible les éventuels reclassements. Rien ne lui interdirait, par exemple, de poser au salarié la question suivante : « Accepteriez-vous un poste qui ne garantisse pas vos avantages actuels ? » On devine aisément les conséquences pour un salarié qui répondrait par la négative à cette question, alors que ce dernier n’aura sans doute pas pris conscience, à ce stade du processus, des enjeux de la situation.
Mes chers collègues, ces quatre difficultés ne me semblent pas mineures. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur les amendements tendant à remédier aux difficultés évoquées.
D’abord, si l’on veut vraiment mettre un terme aux scandales des offres indécentes largement relayées par les médias, il apparaît indispensable d’introduire un plancher salarial légal pour les offres de reclassement : l’employeur ne doit plus avoir ni l’obligation ni le droit d’adresser au salarié des offres de reclassement à l’étranger dont la rémunération est inférieure au SMIC. Cette mesure me semble simple, claire, et applicable directement en droit.
Néanmoins, il ne faut pas pour autant priver de possibilités de reclassement à l’étranger des salariés expatriés en France qui seraient prêts à travailler dans leur pays d’origine, même au prix d’une rémunération plus faible. Dans ce cas, s’il le demande lui-même par écrit à l’employeur, le salarié pourrait toujours recevoir des offres d’emploi à l’étranger dont la rémunération est inférieure au SMIC. Nous protégerions ainsi l’immense majorité des salariés et des employeurs contre l’obligation de recevoir ou d’envoyer des offres choquantes, tout en conservant la souplesse nécessaire pour les cas exceptionnels.
Ensuite, il est impératif d’assécher les sources inépuisables de contentieux du texte actuel. Il est donc proposé, conformément à la pratique de notre commission, de supprimer dans le texte les notions floues telles que les mots « notamment » ou « restrictions éventuelles » et de remplacer le terme « implantation » par le terme « pays », de manière que le terme employé corresponde effectivement au sens visé.
Enfin, il me semble difficile de ne pas tenir compte des remarques formulées quant à l’inapplicabilité du texte aux cas de liquidation judiciaire. Il faut donc prévoir que la procédure du questionnaire ne s’appliquera pas dans ces situations. Le président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires est bien sûr très favorable à cette solution.
Mes chers collègues, personne ne l’ignore à ce stade du débat, le Gouvernement préférerait que le Sénat n’adopte aucun amendement et vote le texte conforme, ainsi que l’a rappelé M. le ministre. Aussi, nous devons choisir entre l’urgence et le règlement au fond du problème. La question qui nous est donc posée ce soir est la suivante : vaut-il mieux adopter rapidement un texte, quitte à ce qu’il ne s’applique pas bien, ou, au contraire, élaborer un dispositif opérationnel et sécurisé, même si celui-ci n’entre en vigueur que dans quelques semaines ?
La commission, qui a émis un avis favorable sur les amendements, a considéré que, pour régler un problème très médiatique, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, et sur lequel le législateur et le Gouvernement sont attendus, il est dans l’intérêt de tous de traiter la difficulté au fond et de ne pas créer de fausses espérances. (Applaudissements au banc des commissions. – MM. Nicolas About, Daniel Marsin et Marc Laménie applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut qu’être sensible, au vu des événements passés, à cette proposition de loi. En effet, elle vise à mettre fin à la pratique de plus en plus courante de propositions de reclassement des salariés dans les pays à bas salaires par les entreprises qui licencient.
Toutefois, au-delà des apparences, nous verrons que cette proposition de loi ne résout pas grand-chose. La pratique n’est pas nouvelle : en voici un florilège, si tant est que ce terme puisse être utilisé en la matière.
Travailler 48 heures par semaine, avoir dix jours de congés annuels, le tout en Malaisie pour un salaire 1 169 euros annuels, voilà ce qui avait été proposé, en 2005, aux salariés licenciés de la société de fabrication de préservatifs Radiatex-Protex, installée à Bellerive-sur-Allier.
Pour les plus chanceux des employés de l’entreprise bretonne de fabrication de pinceaux Max Sauer, il leur avait été proposé, la même année, un reclassement dans les Côtes d’Armor. Pour les autres, ce fut l’île Maurice, pour 117 euros par mois !
Toujours en 2005, les neufs salariés qui doivent être licenciés chez Sem Suhner, une entreprise alsacienne de fabrication de transformateurs électriques, se voient offrir un reclassement dans la capitale arménienne pour 110 euros brut par mois et 40 heures de travail par semaine. Face au tollé provoqué par la nouvelle, le P-DG présentera ses excuses publiques quelques jours plus tard.
Toutefois, cette initiative n’a pas empêché l’usine Amphénol-Socapex, située à Dole, de proposer, quelques jours plus tard, à ses salariés un poste au Mexique ou en Chine, rémunéré deux euros l’heure. Pour compensation, le groupe leur proposait un aller-retour annuel gratuit vers la France...
Et tant d’autres, encore, les années suivantes.
Le mouvement ne s’est pas arrêté, puisque, en 2010, les salariés de l’entreprise Continental de Clairoix se voient proposé un reclassement, en Tunisie, pour un salaire mensuel de 137 euros ; l’usine de Philips implantée à Dreux et qui ferme ses portes offre, quant à elle, à ses salariés des postes en Hongrie, rémunérés 450 euros par mois, sur douze mois, à condition de pratiquer la langue hongroise !
Toutes ces propositions ont comme point commun l’indécence ! Comment peut-on oser faire de telles propositions à des salariés qui, souvent, occupent depuis plusieurs dizaines d’années le même poste dans l’entreprise ?
C’est en mai 2009 qu’interviennent deux événements qui mettent en avant la nécessité de légiférer sur ce point.
D’une part, vous l’avez dit, monsieur le ministre, le fabricant de chaussettes Olympia, qui n’avait pas osé proposer des emplois de reclassement en Roumanie rémunérés 110 euros par mois, est condamné par la cour d’appel de Reims à verser 2,5 millions d’euros à 47 salariés. La cour lui reproche de ne pas avoir soumis à ses salariés toutes les possibilités de reclassement au sein du groupe.
D’autre part, la direction de l’usine textile Carreman, qui emploie 150 personnes à Castres, à côté de chez moi, décide de licencier neuf de ses salariés et propose à ces derniers un reclassement dans une autre usine du groupe à Bangalore, en Inde, avec un salaire de 69 euros brut par mois, pour six jours de travail par semaine. Cette proposition est jugée scandaleuse par les salariés, qui ont eu une semaine pour rendre leur réponse.
Devant ces deux situations apparemment contradictoires, la tentation est grande de modifier la loi, et tel est l’objet de la présente proposition de loi.
La solution avancée consiste à préciser dans la loi que la proposition de reclassement doit être faite à rémunération équivalente. Tout est simple ! Tout est beau ! Voilà une honte réparée ! Il n’y a plus rien à voir !
Mais ce n’est pas si facile ! En effet, si cette proposition de loi a été votée, en juin 2009, à une très large majorité par l’Assemblée nationale, c’est parce que les députés étaient encore sous le coup de l’émotion de l’affaire du groupe Carreman et de la décision de la cour d’appel de Reims. Mais, comme en toute occasion, l’émotion n’est pas toujours la meilleure conseillère.
Aujourd'hui, avec un an de recul – on peut prendre du temps quand c’est nécessaire ! –, il nous est permis de réfléchir aux apports réels de cette proposition de loi.
Rappelons d’abord le contexte législatif en vigueur.
La rédaction actuelle de l’article L. 1233-4 du code du travail résulte de la loi de modernisation sociale, adoptée en 2002, qui impose que les licenciements économiques soient précédés par la recherche effective et l’offre préalable par l’employeur de toutes possibilités de reclassement interne. Voilà pourquoi cet article impose aux employeurs de proposer un reclassement dans l’entreprise ou les entreprises du groupe auquel le site appartient ; d’où les propositions que nous connaissons.
Encore convient-il de noter que ces propositions résultent clairement de la politique qui est menée par les entreprises et qui consiste à exporter leur production vers des pays à bas salaires.
Rétablissons les choses telles qu’elles sont : ce n’est pas la loi qui a prévu une obligation indécente ; c’est parce que les entreprises ont délocalisé dans des pays à bas salaires que de telles propositions interviennent.
Dans ce contexte, il est donc tentant de modifier la loi. Cela arrangera évidemment le MEDEF, car ce sont les patrons qui sont mis à mal par cette obligation.
Mme Annie David. Bien sûr !
Mme Jacqueline Alquier. En effet, ils sont obligés de dire publiquement qu’ils ont délocalisé leur production et emploient des gens dans différents pays du monde pour des salaires dérisoires (Mme Annie David opine.),…
M. Guy Fischer. Voilà !
Mme Jacqueline Alquier. … même si ces salaires doivent effectivement être rapportés en termes de pouvoir d’achat. Comme le dit le MEDEF par la voix de sa présidente, Laurence Parisot, au sujet de ces propositions de reclassement, il est honteux, humiliant, sadique et inacceptable de formuler de telles propositions. Pour les salariés, concrètement, rien ne changera. Les propositions qui leur étaient faites dans ce contexte étaient de toute façon inacceptables et ne servaient donc à rien.
La proposition de loi de M. François Sauvadet, à laquelle notre collègue député du Tarn M. Philippe Folliot a beaucoup contribué, a fait l’objet d’un assez large consensus à l’Assemblée nationale. Dans le cadre de la proposition de reclassement auquel l’employeur est assujetti, par l’article L. 1233-4 du code du travail, elle prévoit que soit ajouté aux conditions déjà exigées le fait que celles-ci sont assorties d’une rémunération équivalente. Par ailleurs, dans un nouvel article L. 1233-4-1 est organisée la manière dont les possibilités de reclassement à l’étranger devront être proposées.
Ainsi, l’employeur devra demander par écrit au salarié s’il accepte de recevoir des offres de reclassement à l’étranger et sous quelles restrictions éventuelles, notamment en matière de rémunération et de localisation.
Si le salarié a manifesté un tel accord dans un délai de six jours, il pourra alors recevoir les offres de reclassement hors du territoire national qui seront écrites et précises, et qui devront tenir compte des restrictions qu’il a pu exprimer. Le salarié restera libre de refuser ces offres.
Avec ce texte, on ne s’attaque donc pas au vrai problème que constituent les délocalisations dans les pays à bas salaires. Certes, on ne dira plus tout haut que nous avons affaire à des patrons voyous, mais ceux-ci pourront continuer à l’être !
Avec cette proposition de loi, on ne résout pas la question de fond qui est posée. Était-elle nécessaire du point de vue de l’éthique pour ne pas humilier les salariés par ces propositions indécentes ? Je n’en suis pas sûre.
Une fois de plus, monsieur le ministre, votre gouvernement et votre majorité ne font pas confiance aux juges. La Cour de cassation n’a pas eu encore à se prononcer sur la nature des propositions de reclassement qui devaient être faites aux salariés.
En d’autres termes, le juge suprême aurait pu se demander, par exemple, si les propositions de reclassement en Inde faites par Carreman de Castres étaient loyales et sérieuses, si notre droit permettait des propositions en dessous du salaire minimum.
C’est ce qu’a fait, voilà quelques jours, le conseil des prud’hommes de Lens en jugeant abusif le licenciement de six salariés dans l’entreprise Staff d’Hénin-Beaumont, invoquant notamment le manque de loyauté des offres de reclassement à l’étranger.
C’est d’ailleurs bien le sens que l’on peut donner à l’instruction de l’administration du travail du 23 janvier 2006 relative à l’appréciation des propositions de reclassement à l’étranger qui indiquait : « la proposition d’une entreprise concernant des postes au sein du groupe dans des unités de production à l’étranger pour des salaires très inférieurs au SMIC ne peut être considérée comme sérieuse. Ces propositions ne sauraient répondre aux obligations inscrites dans les articles L. 321-1 et L. 321-4-1 du code du travail ».
Ainsi, monsieur le ministre, vous ne croyez pas les juges capables d’interpréter la loi et de faire progresser le droit, ou alors vous craignez trop d’entendre des réponses qui ne seraient pas du goût des chefs d’entreprise. Le législateur est donc sommé, sans cesse, de remettre les règles de nouveau sur le métier pour éviter toute « supposée mauvaise » interprétation par les juges. C’est encore une fois un véritable dévoiement du rôle du législateur.
Finalement, il n’est pas certain que l’on n’aboutisse pas au résultat inverse de celui qui est escompté ! À vouloir tout prévoir, on crée de nouvelles confusions. Avec le texte qui nous est présenté aujourd’hui, c’est bien le cas.
Notre rapporteur a évoqué à juste titre les risques d’incertitude juridique que suscitait cette proposition de loi. Il a donc, dans un premier temps, rédigé un amendement destiné, selon lui, à donner une certaine sécurité au dispositif. Ayant été rejeté en commission, nous découvrons aujourd’hui son remplacement par sept amendements prédécoupés. Ils ne changent pas la philosophie de ce texte, mais il n’est pas sûr qu’ils ne le complexifient pas !
Surtout, il y a dans cette proposition de loi la poursuite par votre majorité d’une politique qui tend toujours à laisser seul le salarié face à son employeur. (Mme Annie David opine.) Comment accepter cette manière de procéder qui consiste à faire en sorte que toutes les propositions se fassent de l’employeur vers chaque salarié individuellement ?
Plus de négociation collective, plus de plan soumis aux délégués du personnel.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Jacqueline Alquier. Simplement une lettre à chaque salarié qui, au surplus, n’a que quelques jours pour répondre. Pensez-vous sérieusement, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’un salarié puisse, en quelques jours, remettre toutes sa vie sociale et familiale en cause pour décider de partir ailleurs ?
Je peux vous le dire, car je suis confrontée à ce problème à Mazamet, où Valéo ferme une partie de ses activités sur le site et propose à ses salariés d’aller rejoindre une autre unité de l’entreprise en Belgique. En l’occurrence, pas de salaires dérisoires en cause, mais souvent toute une famille dans la tourmente !
Quant à la pratique des questionnaires, elle permet les mêmes dérives.
La négociation collective est essentielle. Or, depuis 2002, vous n’avez de cesse de la mettre à mal. Ainsi, à peine quelques mois après son retour au pouvoir en 2002, la majorité actuelle a supprimé tous les garde-fous que la loi de modernisation sociale avait instaurés, notamment le droit du comité d’entreprise de suspendre un plan de restructuration le temps d’obtenir toutes les informations nécessaires à la connaissance de la situation exacte de l’entreprise.
Sur le fond, cette aimable proposition de loi ne résout rien. Elle permettra essentiellement, pour les employeurs, de ne plus avoir à révéler les niveaux de salaires qu’ils appliquent dans les pays où ils délocalisent. La législation actuelle comporte en effet pour eux deux inconvénients majeurs : la condamnation financière lorsque les offres dans les pays à bas coût n’ont pas été présentées dans le cadre du plan de reclassement ; l’information des salariés licenciés et de l’opinion publique sur les niveaux de salaires pratiqués dans ces pays. On qualifie alors ces offres d’indécentes et d’humiliantes pour les salariés, et les conséquences sur l’opinion sont dévastatrices.
Le véritable scandale est pourtant que de tels salaires soient pratiqués, quel que soit l’endroit sur notre planète. Le véritable scandale réside dans les conditions de travail et de vie de ces salariés, l’absence de protection sociale, y compris contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, alors que c’est la première responsabilité de tout employeur, et cela se produit parfois même à l’intérieur de l’Union européenne. Il est bien évident que le patronat veut voir disparaître ces deux inconvénients.
La législation qui a été mise en place en 2002 par une autre majorité a conduit, sans que nous l’ayons voulu, il nous faut l’avouer, à ce que chacun soit mis en face des réalités économiques, de la valeur réelle du travail pour les multinationales.
Dans le même temps, l’INSEE nous apprend que le nombre de très riches en France, mais aussi dans le monde, augmente, et que ces très riches sont de plus en plus riches. Il ne faut pas s’en étonner puisque, si les prix de revient des biens et des services diminuent du fait des délocalisations, les prix de vente, eux, ne baissent pas. Où va donc la différence ? Chacun connaît la réponse.
Je voudrais terminer cette intervention sur une information intéressante que j’ai relevée ce matin dans le journal Les Échos, en page douze.
Vous vous souvenez certainement de la révolte des salariés de l’usine d’Échirolles voilà quelques mois, à l’annonce de la suppression de plusieurs centaines d’emplois par le groupe Caterpillar. Aujourd’hui, nous informent Les Échos, « Les Caterpillar s’unissent de l’Europe au Japon ». L’idée est de mettre en place un réseau syndical mondial dans l’entreprise et soixante-dix délégués syndicaux du monde entier se sont réunis en Isère jeudi dernier.
Que disent-ils ? « La restructuration nous a fait prendre conscience que nous ne défendons pas nos salariés de façon satisfaisante en étant privés de la force d’une étroite coopération syndicale au niveau international ».
C’est pourquoi, dans l’attente d’une meilleure organisation syndicale et d’une réelle négociation, nous condamnons, nous groupe socialiste, cette proposition de loi qui ne résout en rien le problème des délocalisations et ses conséquences sur l’emploi en France. Ce texte passe à côté des vrais problèmes de désindustrialisation de notre pays. Il est seulement destiné à donner bonne conscience au patronat. Nous voterons contre, car il s’agit pour nous de défendre les droits des salariés que vous malmenez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article L. 1233-4 du code du travail impose à tout employeur envisageant le licenciement pour motif économique d’un de ses salariés de réaliser un effort de formation et d’adaptation au profit de celui-ci ou de lui proposer un reclassement au sein de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe auquel l’entreprise appartient. Le reclassement doit, de surcroît, concerner un emploi relevant de la même catégorie, à défaut équivalent ou de catégorie inférieure si le salarié l’accepte.
La procédure de licenciement pour motif économique ne peut être mise en œuvre que si l’ensemble de ces efforts a été réalisé, sous réserve, pour l’employeur, d’avoir recherché et proposé de bonne foi au salarié un poste disponible.
Lorsque le reclassement obligatoire a été adopté en 2002, la volonté du législateur était d’offrir aux salariés une diversité de propositions en cas de licenciement. Malheureusement, chacun le sait, cette obligation légale a engendré des effets pervers, illustrés par de nombreuses affaires.
En effet, certains employeurs n’hésitent pas à proposer cyniquement à des salariés, sous couvert de légalité, un reclassement à l’étranger aux conditions salariales du pays d’accueil. Plusieurs sociétés, dans le cadre d’un plan de licenciement, ont ainsi proposé à leurs salariés d’être reclassés dans une filiale étrangère pour des salaires extrêmement bas.
Déjà, en 2005, une entreprise alsacienne avait proposé à ses salariés des postes en Roumanie rémunérés 110 euros par mois. Très récemment, le groupe Continental a proposé à six cent des mille cent vingt salariés licenciés de son site de Clairoix des postes d’opérateurs de production dans sa filiale en Tunisie pour un salaire brut de 137 euros par mois. Avant lui, Philips avait proposé à ses deux cent douze salariés de Dreux des postes en Hongrie pour 450 euros par mois. L’année dernière, une entreprise textile de Castres avait proposé à neuf salariés sur le point de subir un licenciement d’être reclassés en Inde, pour un salaire brut mensuel de 69 euros pour six jours de travail par semaine, l’assurance santé étant très généreusement prise en charge par l’employeur.
Ces exemples ne sont pas isolés et illustrent bien les difficultés de la jurisprudence à interpréter et faire appliquer l’obligation de reclassement de l’article L. 1233-4 du code du travail dans l’intérêt des deux parties, a fortiori lorsque cette obligation concerne une entreprise du groupe auquel elle appartient. On assiste véritablement à des divergences de jurisprudence, ce qui entretient une certaine confusion sur la portée de l’obligation de reclassement lorsque celui-ci concerne un poste à l’étranger et place le salarié et l’entreprise dans une situation d’insécurité juridique.
II est aujourd’hui impératif de corriger les effets d’une jurisprudence qui permet de faire des offres de reclassement abusives, de garantir aux salariés que les employeurs ne devront plus leur proposer des offres manifestement inacceptables.
Ces dernières années, les propositions de reclassements dits « exotiques » dans des pays à bas coûts de main-d’œuvre se sont répandues. D’autant que la seule contrainte pour l’employeur est de proposer un poste correspondant au même niveau de compétences du salarié ou, à défaut, à un niveau inférieur avec l’accord du salarié. Le code du travail ne fixe aucun critère concernant la rémunération.
À l’inverse, si l’employeur ne fait pas ces propositions de reclassement, alors qu’il existe des postes à pourvoir dans son groupe, il s’expose à des sanctions financières. La société Olympia a ainsi été condamnée en mai 2009 par la cour d’appel de Reims à verser 2,5 millions d’euros à quarante-sept salariés pour ne pas leur avoir proposé un reclassement en Roumanie sur un poste payé 110 euros par mois.
La situation est donc devenue insupportable. La loi ne doit pas servir de prétexte à des propositions de reclassement à l’étranger indécentes et humiliantes. D’autant que, sous l’effet de la crise économique, le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi est passé de 1 061 en 2008 à 2 242 en 2009. Au total, 265 700 licenciés économiques ont rejoint les listes de chômeurs inscrits à Pôle emploi l’année dernière. Ces plans sociaux ont souvent accompagné la fermeture d’usines ou de sites.
Certains de mes collègues du RDSE avaient d’ailleurs, en juillet dernier, déposé une proposition de loi visant à encadrer l’offre préalable obligatoire de reclassement d’un salarié faisant l’objet d’un licenciement pour motif économique.
La difficulté juridique est d’autant plus importante que sont en jeu les conditions de vie de salariés confrontés à l’épreuve d’un licenciement et au cynisme d’employeurs parfois indélicats. Il appartient par conséquent au législateur d’encadrer ces situations, de mettre fin aux divergences jurisprudentielles et d’inscrire définitivement dans la loi les limites qui s’imposent aux employeurs.
Bien que sa rédaction ne soit pas pleinement satisfaisante d’un point de vue juridique, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui permettra – nous le pensons profondément – de mettre un terme à la situation intolérable des salariés confrontés à un licenciement économique et à une proposition de reclassement dans un pays parfois lointain avec un salaire scandaleusement faible. Il était nécessaire de légiférer. Ce texte, bien qu’il soit imparfait, apporte de nouvelles garanties aux salariés et offre une meilleure visibilité juridique aux employeurs.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le texte dont nous débattons ce soir revêt une acuité particulière en cette période de crise économique qui voit se succéder les plans sociaux. Régulièrement, les salariés, déjà déstabilisés par la perspective d’un licenciement et dans l’attente d’offres de reclassement, reçoivent des offres inacceptables de reclassement à l’étranger sur des postes dont la rémunération est sans doute adaptée au pays, mais ridiculement faible pour la France.
M. le ministre, M. le rapporteur et les intervenants qui m’ont précédé ont cité de multiples exemples d’entreprises ayant proposé à leurs employés des postes en Inde, en Tunisie ou en Roumanie, pour des salaires mensuels s’échelonnant de 69 euros à 137 euros.
Pourtant, il ne s’agit pas d’une pure provocation, condamnable sur le plan tant moral que juridique, mais de l’application de l’article L. 1233-4 du code du travail. En effet, le législateur, afin d’obliger l’entreprise à ne négliger aucune possibilité de reclassement, a, en 2002, introduit, selon moi en toute bonne foi, des dispositions prévoyant que le licenciement économique ne pouvait « intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ».
La jurisprudence en a fait une interprétation stricte, qui conduit les entreprises souhaitant éviter une condamnation à une situation ridicule, absurde et blessante pour leurs salariés. Ainsi, la cour d’appel de Reims a condamné la société Olympia à verser 2,5 millions d’euros d’indemnités à 45 anciens salariés pour ne pas leur avoir proposé un reclassement en Roumanie. Cette condamnation met toute l’entreprise en danger, puisqu’elle risque de provoquer le licenciement des 280 salariés qui ont encore un emploi en France. Il est anormal qu’une entreprise soit condamnée par les tribunaux parce que sa direction a choisi, en conscience et avec l’accord du comité d’entreprise, de ne pas proposer à ses salariés des offres de reclassement absurdes.
Puisque seule une loi peut défaire une loi, le groupe UMP soutient cette proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale : elle remet les choses en place et évitera des interprétations jurisprudentielles contraires à l’esprit de ce qu’avaient recherché le législateur et le gouvernement en 2002.
La proposition de loi prévoit plusieurs cas.
Lorsque le reclassement conduit à un emploi relevant de la même catégorie que celui que le salarié occupe, l’offre de reclassement devra alors assurer au salarié une rémunération équivalant à celle qu’il percevait auparavant.
Dans le second cas de figure, un emploi de catégorie inférieure, à défaut d’un emploi de catégorie équivalente, pourra être proposé. Des garanties devront alors être données, afin que les salariés bénéficient du champ le plus large possible d’offres de reclassement interne, y compris à l’étranger.
L’option retenue par l’Assemblée nationale me semble judicieuse, car elle s’appuie sur une méthode déjà éprouvée, celle du questionnaire préalable, imaginé par certaines entreprises pour éviter d’avoir à présenter à leurs salariés des postes disponibles mais inacceptables. Il s’agit également de ne pas proposer des places à l’étranger aux salariés qui ne le souhaitent pas, quelles qu’en soient les conditions. Cette méthode n’a malheureusement pas été admise par les juridictions de l’ordre judiciaire, alors qu’elle l’a été par celles de l’ordre administratif. Elle aura bientôt, grâce à ce texte, valeur législative.
Notre rapporteur a présenté le principe retenu : l’employeur devra préalablement demander aux salariés s’ils acceptent de recevoir des propositions de reclassement à l’étranger et sous quelles conditions. Si un reclassement à l’étranger leur est proposé par la suite, celui-ci devra répondre aux conditions de salaire et de localisation qu’ils auront préalablement exprimées. Il s’agit d’un principe simple, qui devrait permettre d’éviter tous les inconvénients rencontrés depuis l’adoption de la loi du 17 janvier 2002.
Je tiens à souligner que le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a fait adopter ce dispositif après consultation des partenaires sociaux (Mme Annie David s’exclame.), ce à quoi nous sommes fortement attachés au Sénat.
Je tiens à saluer les propositions intéressantes et fouillées qui ont été faites par notre rapporteur en commission. Il souhaitait améliorer la rédaction du texte, laquelle est sans doute perfectible.
Mme Annie David. Ça, c’est vrai !
Mme Catherine Procaccia. Mais la majorité de la commission a estimé, après débat, que la priorité était d’empêcher la poursuite des abus, afin de protéger aussi bien les salariés, déjà éprouvés, que les entreprises, condamnées à double titre, qu’elles respectent ou non l’article L. 1233-4 du code du travail. Je tiens, au nom des membres de la commission des affaires sociales et du groupe UMP, à féliciter notre rapporteur, non seulement pour son travail et sa force de conviction, mais également pour sa capacité de dialogue, qui nous a permis de mieux comprendre la situation.
À mes yeux, cette proposition de loi concrétise bien la relativité de notre travail de législateur face aux interprétations jurisprudentielles.
Notre groupe votera donc ce texte, afin de maintenir le respect dû aux personnes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Gisèle Printz applaudit également.)
Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir paraît a priori constituer une avancée pour les salariés. Mais, après une analyse plus poussée, elle révèle sa vraie nature et l’imposture qu’elle contient.
Mme Gisèle Printz. En effet !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Annie David. Ce texte ne cherche pas à améliorer la situation des salariés concernés par une mesure de reclassement à la suite d’un licenciement pour motif économique. Il vise simplement à améliorer dans les médias l’image des entreprises qui licencient et font ces offres de reclassement que chacun s’accorde à qualifier d’indécentes. Il tend également à préserver ces mêmes entreprises de nombreux contentieux, qu’elles perdent bien souvent lorsque les droits des salariés sont respectés !
Pourtant, l’intitulé de cette proposition de loi est très ambitieux : « garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement ».
M. Guy Fischer. Intitulé fallacieux ! Machiavélique !
Mme Annie David. Pour les membres de mon groupe, comment ne pas partager un tel objectif ? Néanmoins, l’illusion est de courte durée, particulièrement en ce qui concerne la mise en œuvre des questionnaires préalables aux propositions de reclassement ! Je ne manquerai pas d’y revenir.
L’avancée proposée par la première partie de ce texte, aux termes de laquelle le reclassement s’effectue sur un emploi « assorti d’une rémunération équivalente », modifie, certes, le code du travail dans un sens favorable aux salariés, alors que, il faut le reconnaître, de nombreuses modifications leur ont été franchement défavorables au cours des dernières années.
Mais cette avancée est anéantie par un véritable recul pour les salariés, lié à l’obligation de reclassement qui pèsera sur les entreprises, ou, plutôt, qui ne pèsera plus sur les entreprises !
L’enjeu du débat peut d’ailleurs être facilement résumé par une déclaration du MEDEF. En voici les termes : « Si on ne propose pas [ce type d’offres à l’étranger], on est condamnés par les conseils des prud’hommes ; si on les propose, on est condamnés dans les médias ».
Cependant, les entreprises sont condamnées non pas pour avoir fait des offres dans des pays exotiques, mais parce que celles-ci « avaient été présentées de manière désinvolte, provocatrice, en instrumentalisant l’obligation légale de reclassement ; c’est en cela qu’elles ont été jugées déloyales ». Notre collègue Marsin a même évoqué le cynisme de certaines entreprises.
Pour autant, ce texte fait-il disparaître les offres indécentes ? Pas du tout, puisqu’il a seulement pour objet d’aménager la manière dont ces offres seront faites aux salariés concernés, et de faire en sorte que la « politique salariale » de ces entreprises s’étale un peu moins dans nos journaux à l’occasion des licenciements économiques. Car ces licenciements représentent bien une mesure d’économie, les salariés étant considérés comme des variables d’ajustement. Il n’est donc pas question de leur proposer la même rémunération à l’étranger ! Les actionnaires ne verraient pas le bénéfice d’une telle mesure et les salariés locaux risqueraient de revendiquer à leur tour de meilleures conditions salariales ! D’ailleurs, en évoquant des conditions salariales adaptées au pays d’origine, sur quoi s’appuie-t-on exactement ?
Ainsi, le questionnaire préalable permet à l’employeur d’éviter les contentieux en interrogeant les salariés sur leurs souhaits de reclassement avant de leur faire parvenir les offres. On s’oriente vers un démantèlement de l’obligation de reclassement, qui sera désormais à géométrie variable. Cette mutation pose de nombreux problèmes.
En premier lieu, le contenu de cette obligation sera fixé par les parties. Par conséquent, celle-ci se contractualise et s’individualise, notre collègue Jacqueline Alquier l’a bien démontré tout à l’heure, ce qui n’apporte aucune sécurité aux salariés. En effet, nous connaissons toutes et tous ici le lien de subordination qui lie le salarié à son employeur. Nous sommes également conscients que de nombreux salariés éprouvent une véritable peur du chômage. Il paraît donc pour le moins indécent de parler de choix en ce qui concerne ce questionnaire.
En second lieu, plusieurs avocats soulignent le caractère anormal d’une procédure où le salarié doit renoncer par avance à des annonces dont il ne connaît pas le contenu ou aux droits sociaux et salariaux de notre législation !
Le mécanisme des questionnaires transfère ainsi au salarié une responsabilité qui n’est pas la sienne : il devra opérer le tri entre ce qui est indécent et ce qui ne l’est pas, alors qu’on ne lui demande pas son accord pour la suppression de son poste ! Cette proposition de loi fait donc pleinement perdurer l’indécence, constituée par l’existence même de l’offre, surtout lorsqu’il s’agit de licenciements non pas économiques, mais plutôt d’essence libérale. De plus, le salarié est prié de devenir « coproducteur » d’une offre qu’il contribue à déterminer !
Dès lors, il ne pourra plus ni se révolter dans les médias, puisqu’il aura contribué à l’existence de l’offre et accepté de la recevoir, ni s’adresser au conseil des prud’hommes si l’entreprise ne lui fait pas parvenir d’offre de reclassement interne ! Adieu les contentieux !
Faut-il rappeler que tout cela se passe alors que le salarié vient de subir un premier choc, à savoir la perte de son emploi ? Aucune faute ne peut lui être reprochée : il s’agit d’un licenciement économique, dont le système libéral aujourd’hui à l’œuvre porte la responsabilité ! Dans ce système, l’économie est mondialisée, les salariés sont considérés comme des outils, et la production est implantée dans les pays où la main-d’œuvre est à bas prix !
Les salariés sont excédés de servir de variable d’ajustement, ils ne supportent plus les effets d’aubaine de la crise et les délocalisations en cascade. Ces femmes et ces hommes, qui fabriquent les richesses et dont le professionnalisme n’est pas remis en cause, exigent pour le moins le respect de leur personne et de leur outil de travail.
Nous paraît également inquiétant le délai imparti pour répondre au questionnaire. Il n’est que de six jours, alors que les salariés sont pris dans la tourmente d’un licenciement. Beaucoup d’entre eux laisseront passer ce délai, mais la non-réponse vaut refus, ce qui, là encore, arrange bien les entreprises, reconnaissons-le ! De toute façon, comment un salarié pourrait-il déterminer en six jours qu’une offre est décente ? Il devra se renseigner vite, pour savoir, par exemple, s’il peut vivre à Tunis avec 137 euros par mois.
Je vous le rappelle, si la première partie de cette proposition de loi vise à inscrire dans le code du travail la notion de « rémunération équivalente », la seconde tend à introduire le questionnaire permettant aux entreprises de continuer à faire des offres indécentes, lesquelles, du coup, ne seront plus communiquées à l’ensemble des salariés ni à l’opinion publique.
Pour le salarié, cela revient à vider de sa substance l’obligation de reclassement qui pèse aujourd’hui sur l’employeur.
Quant à l’employeur, en raison, d’une part, de cette procédure trop courte, et, d’autre part, de la faculté pour lui de rédiger comme il l’entend le questionnaire, il sera en réalité dédouané et exonéré de son obligation de reclassement tout en pouvant produire en justice la preuve qu’il a respecté la loi. De fait, il échappera ainsi à tout futur contentieux.
Toute la construction jurisprudentielle autour de l’obligation de reclassement que vous avez évoquée, monsieur le ministre, en ressort fragilisée, pour la plus grande satisfaction de ceux qui la jugent trop renforcée, l’employeur étant contraint aujourd’hui de proposer une solution autre que le licenciement pour valider le licenciement économique.
Pour l’entreprise, c’est une double avancée. C’est même une triple avancée, car, avec une obligation de reclassement ainsi allégée, l’employeur pourra encore plus facilement faire peser sur la collectivité nationale le poids de ses licenciements économiques, comme cela se passe par le biais de conventions de revitalisation.
Certaines entreprises continueront d’investir en bourse, de toucher des aides publiques, de délocaliser et de licencier pour motif économique ou de proposer des postes « bol de riz » à l’étranger et de faire financer par l’État les emplois maintenus en France.
Ainsi, le budget du Fonds national de revitalisation des territoires s’élève en 2010 à 135 millions d’euros et une réflexion est en cours quant à la généralisation des contrats de transition professionnelle, bien que le coût supplémentaire estimé soit compris entre 1 milliard et 1,5 milliard d’euros. Selon la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, le coût global se monterait à près de 2,7 milliards d’euros, dans l’hypothèse basse fondée sur les résultats de 2007, et à 3,9 milliards d’euros, dans l’hypothèse haute fondée sur ceux de 2009.
Monsieur le ministre, vous qui par ailleurs fustigez les dépenses de nos services publics, vous devriez être plus vigilant dans l’attribution des aides publiques !
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
Mme Annie David. Pour conclure, je dirai que cette proposition de loi a pour unique objet de nous cacher l’immense indécence que constitue le dumping social mondial, qui s’aggrave chaque jour et encourage les entreprises occidentales à faire fabriquer à l’étranger, à des coûts salariaux vingt à trente fois moindres.
Dois-je rappeler ici la lutte des « Conti », des « Cater », des « Carreman » et de bien d’autres encore que Jacqueline Alquier a évoqués ? Ces femmes et ces hommes, qui ont travaillé dur, économisé, souscrit des emprunts pour faire construire la maison familiale, qui ont accepté de travailler plus, comme le leur demandait le Président de la République (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), sont aujourd’hui invités à s’exiler pour un salaire indécent !
Dois-je rappeler les dernières destructions d’emplois, plus de 400 000 en 2009, dont l’Observatoire français des conjonctures économiques annonce la poursuite en 2010, alors que le CAC 40 se porte bien ?
Mais il faudrait ménager ces patrons, qui, magnanimes, certes ferment une usine en France, certes installent les machines dans un pays à bas salaires, mais qui permettent à leurs salariés de suivre leur outil de production !
Cela pose plus globalement le problème des énormes disparités de conditions de travail et de revenus qui existent dans le monde. Il faudrait tendre vers une harmonisation des droits sociaux et salariaux au niveau européen et, pourquoi pas, au niveau mondial.
C’est qu’en France comme de par le monde les salariés ont besoin de sécuriser leurs parcours professionnels, de faciliter tout au long de la vie leur accès à l’emploi et à la formation. Or cette proposition de loi n’aborde aucun de ces aspects, elle ne résout aucun problème ; on se contente de sauver les apparences pour les entreprises, sans leur rappeler pour autant leur responsabilité sociale à l’égard de leurs salariés.
Par honnêteté, je me dois de signaler que les partenaires sociaux ont effectivement été consultés avant l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale, mais uniquement sur le 1° de l’article unique, qui impose que l’offre soit assortie d’une « rémunération équivalente », puisque le 2° a été introduit ultérieurement, en commission.
Pour l’ensemble de ces raisons, vous l’aurez compris, mon groupe votera contre cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une proposition de reclassement en Inde à 69 euros par mois, des offres de reclassement en Tunisie assorties d’une rémunération de 137 euros mensuels : il est inutile de s’étendre plus longuement sur les chiffres, ils ont déjà amplement été rappelés. Le constat est sans appel, que chacun partage sur ces travées : le droit du reclassement doit être réformé.
C’est, en effet, directement de l’état du droit en vigueur que découle cette situation. On imagine bien la révolte des salariés qui reçoivent de telles offres, leur incompréhension, le sentiment d’injustice, et même d’humiliation, qui peut être le leur.
Mais il convient de sortir du manichéisme simpliste consistant à présenter l’employeur comme un être sans foi ni loi. Les entreprises qui ont présenté des offres indignes étaient tenues de le faire. C’est ce qui ressort des textes et de la jurisprudence.
Paradoxalement, l’émulation entre le juge et le législateur, supposée mieux protéger les salariés, a abouti à l’effet contraire.
Au départ, l’obligation mondiale et inconditionnelle de reclassement a été imposée par la Cour de cassation pour protéger les cadres. Le législateur en a fait un outil de sanction indirecte des entreprises recourant aux délocalisations, au service de tous les salariés.
À ce stade de l’analyse, un mea culpa s’impose : le dispositif que nous, législateur, avons adopté en 2002 pour répondre, dans l’urgence, à la recrudescence des licenciements économiques, s’est révélé porteur d’effets pervers.
Ces effets ont été encore accentués par la jurisprudence récente, puisque la cour d’appel de Reims vient de condamner une entreprise à verser de très lourdes indemnités à des salariés licenciés, notamment pour avoir omis de leur proposer des emplois de reclassement en Roumanie à 110 euros par mois…
Dans ces conditions, une intervention législative s’impose. C’est pour répondre à cette nécessité que notre excellent collègue député Philippe Folliot, mon ami le président François Sauvadet et les membres du groupe Nouveau Centre ont déposé le présent texte.
Face à cette proposition de loi, je partage à 100 % la remarquable analyse de notre rapporteur, Jean-Marie Vanlerenberghe : en son état actuel, ce texte représente incontestablement un progrès, mais il est perfectible.
Oui, ce texte représente un progrès, et même un double progrès.
Premier progrès, la proposition de loi impose que le reclassement du salarié soit assorti d’une « rémunération équivalente ». Il s’agit, d’une part, de sanctuariser un niveau de rémunération et, d’autre part, de dispenser les employeurs de proposer des offres manifestement inacceptables pour les salariés. En pratique, cela devrait substantiellement borner le champ de l’obligation mondiale et inconditionnelle de reclassement.
Second progrès, cette proposition de loi légalise la procédure du questionnaire préalable pour les offres de reclassement à l’étranger. Cette méthode, imaginée par certaines entreprises, a été consacrée par les juridictions administratives, mais non par les juridictions judiciaires. Ce texte tend également à assurer une garantie minimale que des propositions indécentes ne seront plus faites à mauvais escient.
Cependant, comme l’a très bien fait observer Jean-Marie Vanlerenberghe, ce texte est encore perfectible.
Je ne reviendrai pas sur les imprécisions de la rédaction actuelle et sur la question de la liquidation judiciaire : nous avons déposé des amendements destinés à y remédier. Je me concentrerai sur la principale lacune du texte en débat, celle qui tient au niveau de la rémunération garantie.
Primo – mais est-ce une erreur ? –, la rédaction actuelle laisse subsister la possibilité qu’un salarié soit reclassé dans un emploi de même catégorie que le sien, mais sans bénéficier d’une « rémunération équivalente ». Nous proposerons un amendement visant à garantir que l’obligation de « rémunération équivalente » s’impose dans tous les cas de reclassement.
Secundo, le texte ne prévoit aucun plancher salarial légal s’appliquant aux offres. Comme le démontrait M. le rapporteur, il suffira que le salarié donne son accord de principe pour recevoir des propositions moins bien rémunérées pour que l’employeur soit toujours légalement obligé de lui faire parvenir la totalité des offres disponibles, dont les plus infamantes.
Autrement dit, et ce serait un comble, la proposition de loi ne mettrait pas fin à la situation contestée.
C’est pourquoi nous défendrons un amendement en vertu duquel l’employeur n’aurait plus ni l’obligation ni le droit d’adresser au salarié des offres de reclassement à l’étranger dont la rémunération serait inférieure au SMIC. Néanmoins, le salarié aurait toujours le droit, s’il le demandait lui-même par écrit à l’employeur, de recevoir des offres à l’étranger inférieures au SMIC, de manière à ne pas priver de possibilité de reclassement des salariés expatriés en France qui seraient prêts à retourner dans leur pays, même au prix d’une plus faible rémunération.
En conclusion, si nous nous félicitons que ce texte soit soumis à la Haute Assemblée, nous regrettons que les modifications qu’avait proposées notre rapporteur n’aient pas été adoptées par la commission des affaires sociales.
Nous espérons qu’elles le seront en séance avec nos amendements, auxquels la commission a donné cet après-midi un avis favorable.
Cela étant, je vous ai entendu, monsieur le ministre : vous comptez sur un vote conforme. Mais légiférer vite n’impose pas forcément de légiférer mal ! Nous avons déjà commis cette erreur en 2002. Elle nous a directement conduits à la situation actuelle, nous obligeant à remettre l’ouvrage sur le métier. Faut-il recommencer ?
Monsieur le ministre, est-il impossible de trouver dans les semaines à venir une petite heure à l’Assemblée nationale pour valider très vite les modifications que nous pourrions adopter ce soir ?
Tâchons de concilier urgence et qualité législative. Nous le devons aux salariés qui se sont sentis bafoués du fait de nos approximations.
À défaut d’un engagement de votre part, monsieur le ministre, de représenter devant l’Assemblée nationale ce texte avant l’été, le groupe de l’Union centriste en prendra acte et ne s’opposera pas à la rédaction de l’Assemblée nationale, qui promet de beaux jours au contentieux ! (Applaudissements au banc de la commission.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué certaines décisions de justice relatives au questionnaire préalable. Le droit du travail, par nature, est source de nombreuses décisions juridictionnelles, et je ne suis pas certain que le questionnaire préalable suscite plus de problèmes d’interprétation et donc plus de contentieux.
Ce questionnaire est au cœur de notre démarche. Pour ma part, j’estime que c’est une bonne chose ; je remarque d’ailleurs que vous ne prétendez pas le contraire et je salue le travail remarquable qui a été fait à cet égard. Simplement, il convient de renforcer le cadre légal, notamment en prenant bien soin de préserver la liberté d’appréciation du salarié.
Les entreprises ne pourront pas s’exonérer de leur obligation de reclassement, vous le savez bien. C’est pourquoi je souhaite que mon ministère puisse leur fournir des modèles de questionnaire qui, sans revêtir un caractère contraignant, constitueraient pour elles une référence, un repère, un outil pratique. Bien évidemment, les entreprises auront la possibilité de recourir à leur propre questionnaire, mais à leurs risques et périls.
Nous étudierons plus avant cette question au moment de l’examen des amendements.
Madame Alquier, cette proposition de loi a semble-t-il convenu au groupe socialiste de l’Assemblée nationale.
Mme Annie David. Ils ont été piégés par le 2° !
M. Éric Woerth, ministre. Loin de moi l’idée que le groupe socialiste du Sénat doive reprendre à l’identique la position arrêtée par son homologue de l’Assemblée nationale, mais je constate qu’il y avait de la part de vos collègues députés socialistes une approche politique très positive. C’est pourquoi je m’étonne de l’attitude relativement fermée qu’a adoptée votre groupe au Sénat.
Cette proposition de loi ne remet aucunement en cause l’obligation pour l’employeur de proposer une offre de reclassement, bien au contraire. Je ne vois donc pas ce qui vous choque ici. En revanche, ce qui est choquant, c’est que des entreprises, parce que la loi les y oblige, en arrivent à faire à leurs salariés des propositions « indécentes ». C’est précisément ce que nous cherchons à combattre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, soyons clairs : moins il y a de reclassements, mieux on se porte, car ce sont évidemment des procédures de crise.
Mais, si procédure il doit y avoir, alors nous voulons éviter, partant du principe que les entreprises sont de bonne foi, qu’elles n’aient à soumettre à leurs salariés faisant l’objet d’une procédure de reclassement des propositions humiliantes parce qu’elles y sont contraintes par la loi et la jurisprudence. Voilà pourquoi il convient de clarifier le plus possible le dispositif.
Monsieur Marsin, vous soulignez que ce texte mettra un terme à une situation que tout le monde considère comme intolérable.
L’insécurité juridique qui en résulte, et que vous avez d’ailleurs dénoncée à juste titre, sera combattue efficacement par la présente proposition de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de voter ce texte en l’état. Le travail très important réalisé par M. Jean-Marie Vanlerenberghe comporte évidemment des avancées, mais il faut savoir faire preuve de mesure, comme en toutes choses. Le ministre des relations avec le Parlement, ici présent, est le grand gardien de l’ordre du jour du Parlement. (Sourires.) S’il n’existe pas de place dans l’ordre du jour, c’est autant de temps que nous faisons perdre aux salariés en renvoyant à une impossible navette. (M. Nicolas About proteste.)
Sommes-nous en train de légiférer dans l’urgence ? Sommes-nous en train de mal légiférer ? J’ai bien compris, monsieur About, le sens de vos interrogations. Nous pensons, pour notre part, que le texte est assez solide, suffisamment clair, et que les ajouts qui ont été proposés peuvent faire l’objet de précisions orales de la part du Gouvernement dont je rappelle qu’elles ont valeur juridique.
Ces précisions, que nous apporterons au moment de la discussion des amendements, permettront d’enrichir le texte en lui-même, en guidant d’emblée ceux qui seront amenés à l’interpréter. Le corpus de référence s’en trouvera solidifié.
Je voudrais remercier Mme Catherine Procaccia de son soutien.
Madame David, vous avez d’abord souligné l’avancée que représente ce texte dans son 1°. Je m’en suis réjoui, évidemment.
Mme Annie David. Merci, monsieur le ministre !
M. Éric Woerth, ministre. Je me suis cependant moins réjoui de la suite de votre propos. (Sourires.)
Je le répète, nous avons les mêmes objectifs. Je ne fais pas de procès d’intention, mais je me dois de rassurer ceux qui ont exprimé des doutes à cet égard : ce texte ne remet pas en cause l’obligation de reclassement !
Mme Annie David. Bien sûr que si !
M. Éric Woerth, ministre. Ne faites pas dire à ce texte ce qu’il ne dit pas, et ce qu’il ne veut pas dire !
Vous dénoncez dans cette proposition de loi des intentions et des objectifs qui n’y sont pas, au risque de parasiter le message.
Je tenais à le dire, et je suis sûr que cela finira de vous rassurer.
Je voudrais enfin remercier à nouveau le président About de ses propos. Nous allons revenir sur le fond en examinant les amendements. Ce sera l’occasion de passer en revue les difficultés d’interprétation que vous craignez, monsieur le sénateur, et de voir comment nous pouvons les lever.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article unique et article additionnel après l’article unique
(Article unique non modifié)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1233-4 est complétée par les mots : « assorti d’une rémunération équivalente » ;
2° Après l’article L. 1233-4, il est inséré un article L. 1233-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-4-1. – Lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l’employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.
« Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur. L’absence de réponse vaut refus.
« Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu’au salarié ayant accepté d’en recevoir et compte tenu des restrictions qu’il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n’est adressée est informé de l’absence d’offres correspondant à celles qu’il a accepté de recevoir. »
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
assorti
par le mot :
assortis
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, le débat n’avait pour moi d’intérêt que si nous obtenions l’assurance d’une navette avant l’été à l’Assemblée nationale. Cette assurance ne nous ayant pas été donnée, je retire l’ensemble de mes amendements, madame la présidente. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Et voilà ! Tout ça pour ça !
Mme la présidente. L'amendement n° 2 est retiré.
L'amendement n° 7, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1233-4 est complétée par les mots : « dont la rémunération est au moins égale au salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2 » ;
II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article L. 1233-4-1, il est inséré un article L. 1233-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-4-2. - Par dérogation à l'article L. 1233-4 et sur demande écrite du salarié, adressée à l'employeur dans un délai de six jours à compter de la réception de la proposition mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 1233-4-1, l'employeur transmet par écrit au salarié les offres de reclassement situées en dehors du territoire national dont la rémunération est inférieure au salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2. Avec l'accord du salarié, son reclassement s'effectue sur un des emplois correspondant à ces offres. »
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° 3, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
préalablement au licenciement
par les mots :
avant l'entretien prévu à l'article L. 1233-11 ou après la dernière réunion des représentants du personnel prévue aux articles L. 1233-29 et L. 1233-30
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° 4, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
chacune des implantations
par les mots :
chacun des pays
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° 5, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
1° Alinéa 4
Supprimer les mots :
, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.
2° Alinéa 5, première phrase
Supprimer les mots :
, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées,
3° Alinéa 6, première phrase
Supprimer les mots :
et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer
Cet amendement a été retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Gournac, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux liquidations judiciaires. »
La parole est à M. Alain Gournac, pour soutenir l’amendement.
M. Alain Gournac. Oui, madame la présidente. Quand je prépare un amendement, la plupart du temps, je le soutiens !
M. Nicolas About. Et on va le soutenir !
M. Alain Gournac. J’ai la faiblesse d’appartenir à cette catégorie bizarre de sénateurs qui soutiennent les amendements qu’ils déposent… (Sourires.)
M. Guy Fischer. C’est un amendement téléguidé !
M. Alain Gournac. Je souhaite en fait obtenir une explication de M. le ministre : en cas de liquidation judiciaire, comment le liquidateur, seul habilité à procéder aux licenciements, pourra-t-il traiter le dossier en l’espace de quinze jours, alors que, dans le même temps, un délai de six jours est accordé à la personne licenciée pour manifester son accord ?
J’avoue que, si vous nous assurez que le liquidateur sera bien en mesure de respecter le délai de quinze jours et que le salarié pourra répondre au questionnaire en six jours, vous aurez toute mon attention…
Les spécialistes qui ont examiné cette question l’on répété tout au long de la semaine, le délai de six jours accordé au salarié pour répondre au questionnaire risque de conduire le mandataire à dépasser le délai de quinze jours suivant la liquidation judiciaire, et en conséquence à priver le salarié de la garantie de l’AGS, l’Association pour la gestion de la garantie des créances des salariés.
Autrement, pour respecter le délai légal de quinze jours, le mandataire risque d’être conduit à ne pas respecter la totalité des procédures. En ce cas, la condamnation à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, du fait du manquement à l’obligation de reclassement, sera à la charge de l’AGS.
Or, comme l’a dit le rapporteur tout à l’heure, tout le monde sait que l’équilibre financier de l’AGS est déjà particulièrement fragilisé du fait la situation économique actuelle ; nous devons être très attentifs à ne pas l’aggraver. Tel est le but de mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de liquidation judiciaire, le présent article ne s'applique pas. »
Cet amendement a été retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 1 ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission avait émis un avis favorable, mais il est vrai dans un autre contexte. Étant donné la situation, qu’a parfaitement résumée tout à l’heure Nicolas About, je ne peux pas me prononcer, à titre personnel, en faveur de cet amendement.
Mon avis, à titre personnel, est donc défavorable, mais je suis chargé de vous dire que la commission était plutôt favorable. Nous avions d’ailleurs prévu d’insérer une disposition similaire.
Je regrette, monsieur le ministre, que nous n’obtenions pas de précisions quant aux possibilités d’une autre lecture à l’Assemblée nationale. Je m’étonne que l’on ne soit pas en mesure de trouver ne serait-ce qu’une heure dans l’ordre du jour de nos collègues députés pour sécuriser ce texte, si du moins on l’estime nécessaire.
Vous pensez bien que ce n’est ni par amusement, ni dans le but de vous retenir ici que nous avons procédé à toutes ces auditions, mais bien pour apporter un « plus », comme le fait habituellement le Sénat dans l’examen de tous les textes législatifs qui lui sont soumis.
Nous avons essayé d’introduire des précisions utiles sur le plan juridique. Je pense qu’il est indispensable de connaître le point de vue du Gouvernement sur l’ensemble des propositions que nous avons faites. Or, monsieur le ministre, vous avez été un peu rapide dans la discussion générale, et il me semble nécessaire que nous vous entendions plus avant, tout en regrettant évidemment que l’on ne puisse pas procéder à une navette, même rapide.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Gournac, concernant les règles de licenciement collectif, s’attaquer à ce sujet dans le cadre de l’obligation de reclassement à l’étranger reviendrait à porter notre attention sur une partie de la procédure qui ne concerne, au fond, que très peu de cas, 0,1 % par rapport à l’ensemble.
M. Alain Gournac. Non, les liquidations judiciaires représentent entre 15 % et 25 % des licenciements économiques !
M. Éric Woerth, ministre. Les pourcentages que vous citez sont ceux du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. Je veux bien travailler ultérieurement avec ces professionnels sur la question, mais leur estimation ne reflète pas tout à fait la réalité.
Je trouve assez curieux que l’envoi du questionnaire ne soit réservé qu’à certains. Je ne vois pas pourquoi les salariés ne pourraient pas en bénéficier dans le cas que vous citez. Je sais bien qu’au fond cela ennuie les liquidateurs, qui n’ont pas envie de faire des courriers - telle est la réalité, mesdames, messieurs les sénateurs -, mais pourquoi, parmi la multitude des tâches qui incombent aux liquidateurs, celle-là ne figurerait-elle pas, si l’entreprise liquidée en France dispose de filiales ou d’autres implantations juridiques à l’étranger ?
Je comprends d’autant moins cette distinction que, comme je le disais tout à l’heure, cela pourrait faire l’objet d’un certain nombre d’abus pour éviter précisément d’avoir à faire des propositions décentes.
Non, mesdames, messieurs les sénateurs, sachant que les liquidations judiciaires sont très peu concernées, il est important que la même procédure s’applique dans tous les cas. Dans ces conditions, je serais ravi que vous retiriez votre amendement, monsieur Gournac. (M. Nicolas About s’exclame.)
Mme la présidente. Monsieur Gournac, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Gournac. J’ai bien fait de participer à cette séance, qui se révèle fort intéressante…
Monsieur le ministre, je vais retirer mon amendement. (Exclamations ironiques de M. Guy Fischer). Je ne veux pas créer de difficultés, car je souhaite comme vous que ce texte soit mis le plus rapidement possible à la disposition des salariés qui sont malheureusement licenciés.
Je regrette cependant que l’on ne puisse pas prendre en considération certaines améliorations, en particulier celle-là, qui présentait un réel avantage. Il s’agissait d’éviter le développement de procédures judiciaires en aval. Mais, puisque vous souhaitez un vote conforme, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.
Je rappelle que l'amendement n° 8, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, était ainsi libellé :
Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les reclassements intervenus, sans perte de rémunération pour les salariés, en application de l'article 7 de l'avenant n° 2002-02 du 25 mars 2002 portant rénovation de la Convention collective nationale du 31 octobre 1951, sur la base de la position occupée sur l'échelle ou la grille indiciaire au 30 juin 2003.
Cet amendement a été retiré.
Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je regrette la tournure prise par le débat, ce soir, même si nous ne soutenions pas les amendements proposés par notre collègue Nicolas About, dans la mesure où nous contestons sur le fond ce questionnaire. Je pense malgré tout que cela aura permis de démontrer que le texte, tel qu’il va être adopté, ce dont je ne doute pas, ne manquera pas d’être source de contentieux. (M. Nicolas About s’exclame.)
Cela n’est pas forcément pour me déplaire, puisque cela laissera au moins la possibilité aux salariés confrontés à un licenciement économique de continuer à saisir les prud’hommes et, pourquoi pas, d’obtenir gain de cause. Car, ne nous y trompons pas, ce sont bien les licenciements économiques réalisés au nom du profit immédiat et à court terme, au détriment des femmes et des hommes qui produisent les richesses dans notre pays, ce sont bien ces licenciements économiques qui sont indécents et qu’il faut combattre, et non pas seulement les offres de reclassement faites aux salariés.
Nous voterons donc contre l’article unique qui constitue désormais la proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne voudrais pas faire montre de mauvaise humeur à cette heure tardive, mais nous avons cet après-midi constitué le bureau d’une mission sénatoriale sur la désindustrialisation de nos territoires.
Je veux bien tout comprendre, mais que l’on m’explique, alors !
Finalement, le présent texte s’inscrit tout à fait dans l’actualité de ce qui se passe sur nos territoires, frappés par la désindustrialisation. Nous ne pouvons pas l’améliorer pour cause de navette impossible. Et nous sommes sous l’égide d’une Constitution qui a redoré les droits du Parlement…
Permettez-moi de vous dire que je suis assez inquiète pour la suite, et pas seulement au regard de notre travail de parlementaires, mais aussi en considération des salariés de notre pays.
J’entends Mme David nous dire qu’elle sera assez contente tout compte fait que ces salariés continuent de saisir les prud’hommes. Or, dans ma région, certains salariés de Moulinex – je les cite à chaque fois – sont encore devant les prud’hommes, alors que l’ancien dirigeant a bénéficié d’un énorme parachute doré, sans oublier que, dans cette même région, certains salariés victimes de l’amiante n’ont pas encore fait reconnaître leurs droits.
Donc, ce texte ne va rien améliorer du tout. C’est cautère sur jambe de bois, et, en ce qui me concerne, je ne le voterai pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Votre propos introductif ne m’avait pas déplu, monsieur Woerth. On y voyait un ministre qui se posait des questions !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Ce texte allait-il constituer une source importante de contentieux ? Fallait-il instaurer une référence salariale française, par exemple le SMIC, dans les critères de reclassement à l’étranger ? La relative souplesse que cette proposition de loi tend à introduire ne risquait-elle pas de produire des effets pervers ? Autant de questions que vous avez à bon droit soulevées devant nous, et je ne crois pas avoir trahi le sens de votre propos.
Cependant, on peut s’interroger sur l’avenir de la démocratie parlementaire s’il nous faut systématiquement voter conformes toutes les propositions de loi issues de la majorité au Palais-Bourbon.
Si les textes élaborés à l’Assemblée nationale ne peuvent jamais revenir devant l’Assemblée nationale, à quoi sert le Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Pour éviter que nous ne nous quittions sur une note amère, je souhaiterais apporter quelques précisions qui viendront compléter utilement la position du Gouvernement sur les amendements et auront à ce titre pleine valeur juridique. (Exclamations désabusées sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Le Gouvernement confirme tout d’abord que le terme « implantations » vise les pays, et non les sites.
Ensuite, sur l’absence de marque du pluriel, sachez qu’il ne s’agit pas d’une faute. Nous avons vérifié, la grammaire française ne s’y oppose pas. (Sourires.) On peut indifféremment employer le pluriel ou le singulier.
Mme Annie David. C’est toute la beauté de la langue française !
M. Éric Woerth, ministre. En conséquence, la « rémunération équivalente » s’applique bien à l’« emploi relevant de la même catégorie » comme à « l’emploi équivalent ». Je ne vous ferai pas un cours de grammaire, mais cette précision de fond me semble importante. (M. Nicolas About acquiesce.)
Pour répondre précisément à M. le rapporteur, le questionnaire devra être envoyé après la première réunion du comité d’entreprise, car on ne saurait effectuer cette demande avant d’avoir évoqué les critères d’ordre de licenciement.
La rémunération, notamment la question du SMIC, constitue évidemment un aspect-clé du dispositif. Il me semble que nous avons le même objectif, monsieur About.
Je comprends qu’une circulaire ne vous satisfasse pas totalement, mais je vais tout de même en demander une, et je me propose de vous associer à sa rédaction, afin qu’elle soit parfaitement claire. Cette circulaire permettra de préciser le contenu du questionnaire, lequel sera ensuite déterminé par les entreprises et adressé aux salariés.
J’espère que toutes ces précisions contribueront à faciliter encore l’interprétation du présent texte.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est également favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 194 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 198 |
Contre | 140 |
Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi.
9
Renvoi pour avis
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi n° 427 (2009-2010), adopté par l’Assemblée nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, dont la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
10
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 5 mai 2010 :
À quatorze heures trente et le soir :
1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat (n° 420, 2009-2010).
2. Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Conseil économique, social et environnemental (n° 395, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 416, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 417, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART