M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, et M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. C’est vrai !
M. David Assouline. Cependant, nous souhaitons tous – on l’a vu dans cet hémicycle en matière de culture et d’échanges d’informations – que la révolution numérique ne se fasse pas au prix d’une perte de sens. Nous pensons qu’elle doit préserver les rapports humains, respecter la transparence qu’implique la démocratie, et qu’elle suppose aussi une certaine régulation.
Dans un rapport adopté à l’unanimité par la commission, j’ai proposé d’intégrer de façon massive, à l’école comme à l’université, l’éducation aux nouveaux médias. En effet, pour donner du sens, il faut responsabiliser et éduquer. Or l’éducation aux nouvelles technologies est totalement absente des programmes de l’éducation nationale. Les jeunes, qui maîtrisent mieux les nouvelles technologies que leurs professeurs et que leurs familles, sont livrés à eux-mêmes dans ce domaine et ne reçoivent pas les enseignements qui leur permettraient d’exercer leur liberté pleine et entière. Or la liberté, ce n’est pas l’abandon, c’est la responsabilité !
On nous dit que 92 % des étudiants ont accès à Internet ; mais il ne faut pas oublier les 8 % restants ! Il y a là une inégalité que l’on n’a jamais vue par ailleurs. Or l’égal accès de tous les étudiants au scrutin doit être garanti.
En outre, le problème n’est pas seulement le vote électronique. La proposition de loi tend également à permettre aux étudiants de voter depuis leur domicile. Certes, des municipalités ont déjà mis en œuvre le vote électronique, mais les électeurs doivent néanmoins se déplacer pour voter et utiliser les dispositifs de vote. Dans les pays qui utilisent ce système, la traçabilité du vote est assurée et la chaîne de confiance respectée.
Comment peut-on prétendre que le vote à distance entraînera moins de tricheries et de contestations ? Alors que le vote n’aura plus lieu dans le secret de l’isoloir, comment pourra-t-on vérifier que c’est bien la bonne personne qui vote, qu’il n’y a pas usurpation d’identité ?
M. Nicolas About. Vous ne faites pas cela au PS, tout de même ? (Sourires.)
M. David Assouline. Il faut absolument empêcher pareilles fraudes. Or le dispositif n’est absolument pas sécurisé !
C’est la raison pour laquelle le législateur n’a jusqu’à présent jamais autorisé le vote électronique à distance. Les votes par correspondance et par procuration sont très réglementés et n’entraînent, par conséquent, aucune contestation.
La raison que vous invoquez pour défendre cette proposition de loi est la lutte contre l’abstentionnisme. Or le vote électronique à distance crée une inégalité et rompt le secret de l’isoloir. En outre, les mécanismes de sécurisation que vous avez mis en place sont insuffisants et ne garantissent pas la transparence du dispositif. Faute de temps, je ne reviendrai pas sur les quatre préconisations essentielles de la CNIL. Je souligne simplement qu’elles seraient très lourdes et extrêmement coûteuses à mettre en œuvre pour éviter toute contestation.
Dans ces conditions, la vraie raison n’est-elle pas plutôt politique ? Ne s’agit-il pas plutôt d’atteindre un syndicat en particulier, qui conteste souvent la politique du Gouvernement, quel qu’il soit, comme il l’a toujours fait d'ailleurs, parce que ce syndicat est dans son rôle lorsqu’il défend les intérêts matériels et moraux des étudiants ?
Je voudrais simplement vous mettre en garde sur un point : en voulant atteindre une organisation, vous risquez de fragiliser la démocratie étudiante. Le risque est grand, en effet, si l’on autorise le vote de chez soi, à n’importe quelle heure et dans n’importe quelles conditions, de faire élire des petites listes démagogiques, bidon, corporatistes ou potaches ! Certaines listes sont souvent déposées dans le seul but de plaisanter, de tourner le processus électoral en dérision, de se moquer des représentants élus, parfois même des enseignants.
Mme Nathalie Goulet. Mais à quelle université êtes-vous donc allé ? (Sourires.)
M. David Assouline. Au final, de telles listes, parce qu’elles sont seulement dans la dérision, ne parviennent pas à mobiliser les étudiants. Et parce qu’elles n’obtiennent souvent que très peu d’élus, elles ne peuvent pas peser au sein du conseil d’administration.
Il faut donc miser sur les véritables organisations étudiantes, qui sont présentes, mobilisent, s’informent et réalisent des expertises tout au long de l’année, concourant ainsi à la démocratie au sein des universités.
Par conséquent, si le recours au vote électronique a pour effet de minorer la représentation des organisations responsables au profit de formations fantaisistes, c’est à la démocratie étudiante qu’il portera atteinte !
Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à une telle réforme. Pourtant, nous sommes favorables à tout ce qui s’inscrit dans une perspective de modernisation. Nous continuerons d’ailleurs à vous le prouver lorsque le Sénat sera amené à se prononcer sur de vraies questions de fond ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où nombre de questions relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche nous préoccupent – je pense, entre autres, aux moyens financiers des universités, à la réforme des instituts universitaires de formation des maîtres, à la « mastérisation » ou au statut des enseignants-chercheurs –, nous sommes saisis, de manière étonnante, d’un texte quasi anecdotique.
La question semble devoir être réglée d’urgence puisqu’une proposition de loi issue des rangs de la majorité et adoptée au mois de septembre dernier, en session extraordinaire, par l’Assemblée nationale arrive déjà devant le Sénat. Pour un texte d’origine parlementaire et portant sur un point aussi précis de notre législation, cela relève de l’exploit ! On en vient à se demander où sont les priorités politiques !
Il nous est ainsi proposé d’autoriser le recours au vote électronique pour les élections des conseils d’administration, des conseils scientifiques et des conseils des études et de la vie universitaire des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, c’est-à-dire essentiellement les universités.
La question du vote électronique est un vaste débat, qui est régulièrement revenu sur le devant de la scène au cours de ces dernières années. Dans le cas qui nous occupe, et malgré son expérimentation dans d’autres contextes, un tel système ne fait pas encore l’objet d’un consensus.
Ses défenseurs mettent en avant la simplicité, l’instantanéité, la modernité du vote électronique en regard du vote dans des bureaux, plus contraignant, plus complexe à organiser, posant parfois des problèmes d’accessibilité, et même moins écologique !
En revanche, selon ses détracteurs, le vote électronique, du fait de toutes les garanties dont il doit être entouré, notamment en matière de sécurité et de transparence, est beaucoup plus coûteux qu’il n’y paraît. En outre, il ne peut garantir ni le secret et la liberté de vote ni la sincérité des opérations électorales. Il créera peut-être des inégalités entre les petites et les grandes universités, et donc entre leurs étudiants, en raison de niveaux d’équipement différents.
Surtout, il n’est pas prouvé qu’un tel système favorise la participation, et c’est sur ce dernier argument, qui est, me semble-t-il, au cœur du sujet que nous abordons aujourd’hui, que je souhaite insister.
Le taux de participation des étudiants est structurellement faible, de l’ordre de 15 %.
Mais nous abordons là un problème plus vaste, celui du désengagement civique des citoyens en général, et des jeunes en particulier. Ce phénomène est très grave et concerne tous les niveaux de la démocratie : nous l’avons constaté dernièrement lors des élections européennes, régionales ou même prud’homales.
Les membres du groupe RDSE ont souhaité commencer à traiter le problème à la racine. Ils ont tenté de donner un souffle nouveau à l’engagement civique. À cet égard, ils se réjouissent de l’adoption récente par le Parlement de leur proposition de loi relative au service civique. L’un des objectifs de ce texte est bel et bien de sensibiliser les jeunes, de recréer chez eux un sentiment d’appartenance à la nation et le désir de s’impliquer dans la vie collective, en particulier dans celle de leur université.
C’est ainsi, j’en suis convaincue, que nous apporterons à terme une réponse plus constructive qu’une simple réponse technique à des problèmes politiques de fond. J’ai en effet du mal à croire que la seule possibilité de voter par voie électronique puisse transformer radicalement le comportement des électeurs.
Le vote électronique tel qu’il nous est aujourd’hui proposé ne changera sans doute pas grand-chose à l’insuffisante implication des étudiants dans la vie des universités, qui manquent cruellement de dynamisme, notamment si on les compare avec les campus américains.
Cependant, ce n’est pas en ne faisant rien que la situation s’améliorera. Toute augmentation, aussi infime soit-elle, du taux de participation aux élections universitaires est bonne à prendre.
En outre, nous ne pourrons pas reculer indéfiniment le moment de nous adapter à la modernité. Or le vote électronique, c’est indéniablement la modernité. Bien que cette solution ne soit pas la panacée, nous ne pouvons pas nous résoudre à voter contre ce texte, qui traduit au moins des intentions louables.
Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe RDSE voteront ce texte.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui constitue une avancée pour la démocratie au sein de nos universités. (M. David Assouline s’exclame.)
En effet, la démocratie requiert une bonne participation du personnel et des usagers aux élections des conseils internes. Or la participation étudiante à ces scrutins est d’une faiblesse inquiétante puisqu’elle est de l’ordre de 15 % seulement. C’est le chiffre qui a été relevé lors des dernières élections, en 2008, des conseils d’administration des universités.
Une étude exhaustive réalisée par l’association Civisme et Démocratie et portant sur soixante établissements entre 2002 et 2004 fait état de chiffres encore inférieurs : le taux de participation serait de 13,8 % pour l’élection des membres des conseils d’administration et des conseils des études et de la vie universitaire et de 5,8 % pour l’élection des membres des conseils scientifiques. On peut donc dire que le bilan est catastrophique. Pourtant, les enjeux de ces élections sont importants pour la vie étudiante, à plus forte raison du fait de la réforme des universités, qui leur garantit une autonomie renforcée.
Parmi les raisons de ce désengagement, il y a certainement une désaffection générale des jeunes à l’égard des élections, quelles qu’elles soient.
Mais la difficulté plus ou moins grande pour se rendre sur le lieu du vote est également à l’origine de ces mauvais résultats. L’obligation de voter dans un bureau de vote au sein de l’université est de nature législative, le code de l’éducation interdisant le vote par correspondance, censé alourdir les procédures et multiplier les risques de fraude.
Or les bureaux de vote ne sont pas forcément bien situés et les étudiants ne sont pas toujours présents sur le campus le jour des élections et aux heures d’ouverture des bureaux de vote. Certains d’entre eux sont absents parce qu’ils effectuent un stage. En outre, il faut également penser aux étudiants handicapés.
La proposition de loi qui nous est soumise tend donc à permettre le vote par voie électronique. Un tel procédé est particulièrement adapté à la culture de notre temps, car les jeunes sont familiers des nouvelles technologies. Leur intérêt sera éveillé s’ils savent qu’ils peuvent dorénavant accomplir leur acte citoyen en quelques clics.
Il faut le souligner, nombre d’instances ont déjà recours au vote électronique. C’est le cas pour l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger – elle concerne 650 000 électeurs –, des conseillers de quartier, des délégués du personnel et de certains conseillers prud’homaux. Le bilan de ces expériences est positif.
M. le rapporteur a retenu l’exemple de l’expérimentation conduite par la SNCF pour l’élection de ses délégués du personnel. La participation n’a pas beaucoup varié, car cette élection est traditionnellement bien suivie, mais une enquête a posteriori a révélé un taux de satisfaction de 75 % des électeurs, qui ont apprécié la simplicité, la rapidité et le caractère écologique du scrutin, ainsi que le fait de disposer de sept jours pour voter en toute sérénité.
Selon une étude du CREDOC du mois de juin 2009, 92 % des étudiants disposent à leur domicile d’un ordinateur connecté à Internet. Ceux qui n’en ont pas pourront accéder aux postes informatiques des universités.
Comme le précise notre collègue Jean-Léonce Dupont dans son rapport, la sécurité du système devra être assurée dans le respect des préconisations de la CNIL, auxquelles la proposition de loi fait référence. La CNIL insiste particulièrement sur la nécessité de faire réaliser une expertise indépendante du système de vote et sur celle d’un « scellement » permettant de contrôler qu’il n’y a pas eu « effraction » du système.
Dans ces conditions, le procédé étant bien encadré, nous ne connaîtrons plus les fraudes qui existaient avec le vote sur support papier. Il me semble important de le préciser aux opposants au vote électronique. (M. David Assouline s’exclame.)
En effet, de nombreuses malversations de toutes sortes affectent le système actuel. Des vols de bulletins ou d’urnes ont été constatés, ainsi qu’un nombre de procurations plus élevé que celui des électeurs, des arrangements sur les horaires de dépôt des listes et des intimidations à l’entrée des bureaux de vote. Tout cela ne doit plus exister et n’existera plus avec le nouveau système.
En outre, ce nouveau système permettra à mon avis un gain de temps et d’argent. En effet, d’un point de vue pratique, le vote sur support papier mobilise les présidents d’université, les directeurs d’unité de formation et de recherche, ainsi qu’un personnel en nombre important. Or tous ont d’autres missions à remplir que la tenue de bureaux de vote !
Enfin, ne l’oublions pas, chaque établissement pourra, s’il le souhaite, conserver le dispositif actuel – c’est un élément important –, car il n’y a pas d’obligation de mettre en œuvre le vote par voie électronique.
Pour toutes ces raisons, la proposition de loi qui nous est soumise est la bienvenue, madame la ministre.
Dans son rapport sur l’université numérique, M. Isaac avait appelé une telle réforme de ses vœux. Il s’agissait également d’une préconisation du « plan numérique 2012 », que vous avez annoncé, madame la ministre. Les 16 millions d’euros prévus pourront d’ailleurs servir à financer l’accompagnement de la réforme.
Madame la ministre, nous vous faisons toute confiance…
M. David Assouline. Vous ne devriez pas !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … pour prendre les dispositions réglementaires nécessaires. Il importera également de mener une campagne d’information et de sensibilisation tant à l’échelon national qu’à celui de chaque établissement, afin que la réforme porte ses fruits.
Enfin, je tiens à saluer la qualité du travail de M. le rapporteur,…
M. Jean-Claude Carle. Très juste !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … qui s’est attaché à examiner les conditions du succès de la mise en œuvre du vote électronique.
À mon sens, il faut faire le pari que le vote par voie électronique conduira à un regain démocratique dans les établissements d’enseignement supérieur.
Le groupe UMP adoptera donc cette proposition de loi, qui s’inscrit dans la voie du progrès et de la modernité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors d’un précédent débat au sein de notre assemblée, nous avions déjà relevé la profonde ambiguïté de notre rapport aux nouvelles technologies, à Internet en particulier.
La vie de la majorité des citoyens est désormais empreinte de numérique. Les jeunes sont les premiers concernés, ainsi que les chercheurs et les enseignants, qui sont quotidiennement appelés à utiliser Internet dans leurs travaux.
Dans ces conditions, il peut paraître naturel de permettre aux étudiants et aux enseignants de voter à distance par voie électronique lors des élections des membres des conseils centraux des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, mais il faut se méfier des évidences : elles sont souvent trompeuses !
Madame la ministre, vous évoquez le rôle précurseur que doit jouer l’université et le devoir qui lui incombe de montrer la voie de la modernité. Certes. Pour autant, les étudiants, qui sont déjà particulièrement peu enclins à participer aux élections universitaires, doivent-ils essuyer les plâtres du vote électronique, dont la sûreté est encore sujette à caution ?
Par ailleurs, la proposition de loi qui nous est soumise permettra-t-elle d’apporter une réponse à l’apathie électorale des étudiants ?
Je manifeste d’autant plus librement mes doutes que, de prime abord, l’idée du vote à distance par voie électronique me séduit particulièrement. En effet, en tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je suis intimement convaincue que ce moyen permettra à terme aux 2 millions et plus de Français établis hors de nos frontières d’exercer pleinement leur citoyenneté en participant aux scrutins nationaux.
Cependant, je suis aussi obligée de reconnaître que les expériences menées en 2003 à l’occasion des élections à l’Assemblée des Français de l’étranger pour les postes pilotes des États-Unis, puis étendues aux circonscriptions d’Europe et d’Asie en 2006, d’Amérique et d’Afrique en 2009, ne sont pas concluantes. En juin 2009, 340 000 électeurs étaient appelés aux urnes ; 70 000 d’entre eux ont effectivement voté, soit à peine plus de 20 %. Parmi eux, 8 300 ont manifesté leur volonté de voter par Internet. En définitive, ce sont 6 000 votes électroniques à distance qui ont été enregistrés, soit un « taux de conversion », selon l’expression technique, de 72,7%.
Quels enseignements, transposables au domaine qui nous intéresse ici, peuvent être tirés de ces différents chiffres ? Tout d’abord, que la possibilité de voter par voie électronique n’a pas permis d’endiguer l’abstention ; bien au contraire, la participation, tous modes de vote confondus, a poursuivi sa chute. Dans les circonscriptions d’Amérique et d’Afrique, par exemple, elle a été ramenée de 24,08 % en 1997 à 22,65 % en 2003, pour finir à 20,44 % en 2009.
Cette expérience est certes particulière, mais ses résultats sont aussi corroborés par ceux d’autres consultations en France : lors de l’élection du conseil d’administration du CNRS, le taux de participation est tombé de 46 % en 2001 à 32 % en 2009, année inaugurant un vote par voie électronique, et les résultats du dernier vote au conseil prud’homal de Paris permettent d’aboutir à la même conclusion.
Cet échec tient sans doute beaucoup à la complexité de la procédure de vote.
En effet, la CNIL pose de nombreuses exigences destinées à garantir les principes fondamentaux de toute opération électorale : le secret du scrutin, le caractère personnel, libre et anonyme du vote ou encore la sincérité des opérations électorales. Il semble qu’en l’état actuel de la technologie il soit encore difficile de concilier le respect de ces principes avec une relative simplicité dans l’utilisation du vote électronique.
En tout état de cause, il est parfaitement illusoire de penser que le taux de 15 % de participation des étudiants aux élections visant à désigner leurs représentants aux conseils d’université est imputable aux modalités de vote.
Au-delà de la question du vote électronique, le problème de fond, c’est le phénomène global de l’abstention, qu’on ne saurait méconnaître et qui touche pratiquement tous les scrutins, politiques ou professionnels. Il s’agit d’un mal endémique contre lequel il faut lutter, mais avec les bonnes armes ! En aucun cas, le vote par voie électronique ne peut être considéré comme la panacée high-tech contre l’abstention.
Il nous appartient, avant tout, de redonner du sens à la chose publique, à l’engagement collectif. Il importe donc de réfléchir aux causes du désengagement des étudiants et d’y apporter de vraies solutions. La présente proposition de loi n’est au mieux qu’un cataplasme !
Une étude du CIDEM, Civisme et Démocratie, sur la participation des étudiants aux élections universitaires préconisait déjà, en 2004, une information et une communication meilleures, afin que les élections soient vécues comme « des moments exceptionnels ».
Pour finir, je souligne que la conscience politique, le sentiment d’appartenir à la collectivité doivent essentiellement se forger et se consolider à l’âge fondamental qu’est l’entrée dans la vie adulte. C’est cette prise de conscience des jeunes qui fera baisser l’abstention et c’est à quoi nous devons œuvrer, notamment au travers d’une meilleure communication.
Cette proposition de loi est, en réalité, porteuse d’une « fausse bonne idée », d’abord par l’absence de maturité de la technique, qui doit présenter une sécurité absolue ainsi qu’une totale simplicité d’utilisation, mais aussi parce qu’elle ne constitue en rien une vraie réponse à la problématique de l’abstention. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Assouline, Mme Lepage, MM. Bérit-Débat, Dauge, Domeizel, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 712-3 du code de l’éducation, les mots : « vingt à trente » sont remplacés par les mots : « vingt-cinq à trente-cinq ».
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Avec la mise en œuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007, dite « loi LRU », le nombre de membres du conseil d’administration a été revu à la baisse et rendu modulable. Entre le conseil d’administration dans sa formation préalable à 2007, qui, de façon maximaliste, comptait soixante membres, et le conseil d’administration actuel, qui compte entre vingt et trente membres, une voie moyenne devrait pouvoir être trouvée.
Compte tenu du recentrage et de la concentration des pouvoirs réalisés par la loi LRU au profit des seuls président et conseil d’administration, il est important que le conseil d’administration permette la représentativité d’un grand nombre d’intérêts, tant sur le plan des différents collèges ou des différentes composantes que sur le plan politique.
Nos divers interlocuteurs nous avaient fait part, en 2007, de leur souci de voir relever le nombre de membres composant le conseil d’administration.
Il n’est pas question, pour nous, de recréer l’« armée mexicaine » d’avant 2007 et d’en revenir à soixante membres ! Néanmoins, compte tenu des avis pris auprès des partenaires de la communauté universitaire, il nous semble opportun de remonter la fourchette en la faisant passer de « vingt à trente » à « vingt-cinq à trente-cinq ».
Davantage de membres au conseil d’administration, c’est davantage de membres dans tous les collèges et, on peut l’espérer, davantage de motivation pour élire les représentants.
Notre amendement vise donc à aller dans le sens d’une meilleure participation aux élections des membres des conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, puisque l’objectif affiché dans cette proposition de loi est précisément d’accroître la participation des étudiants, en particulier, à ces élections. C’est d’ailleurs le sens de beaucoup des amendements que nous avons déposés.
Il est clair que, si l’on donne un peu plus de poids aux représentants des étudiants au sein des conseils d’administration, cela devrait contribuer à les inciter à voter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. M. Assouline le sait, son amendement n’a qu’un lien très indirect avec cette proposition de loi, dont l’objet est extrêmement circonscrit.
En outre, il ne semble pas souhaitable de traiter, au détour de ce texte, de propositions ayant pour objet de « détricoter » en quelque sorte la loi LRU, et ce par le biais d’amendements diffusés hier après-midi, même s’il ne s’agit que de créer un quart d’« armée mexicaine » !
Enfin, je rappelle que la loi LRU a créé un comité de suivi, dont je suis membre, qui en évalue l’application et qui réfléchit aux éventuelles adaptations qui apparaîtraient nécessaires.
Néanmoins, des circonstances un peu particulières ont fait que, ce matin, la commission a donné un avis favorable sur cet amendement, ainsi que sur trois autres. En effet, en raison de retards d’avions et de trains, certains collègues de la majorité sénatoriale ne sont pas arrivés à temps pour prendre part aux votes concernés.
M. David Assouline. Instaurez le vote électronique en commission !
M. Nicolas About. On y réfléchit !
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Vous l’avez compris, j’avais, en tant que rapporteur, et en accord avec le président de la commission, demandé qu’un avis défavorable soit émis sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable pour les excellentes raisons qui ont été avancées par M. le rapporteur. Cet amendement est effectivement un « cavalier » et il vise à détricoter une loi dont nous sommes particulièrement fiers : celle qui a institué l’autonomie des universités.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je note que nous n’avons eu connaissance de l’avis de la commission qu’à la fin de l’intervention de M. le rapporteur.
La commission s’est prononcée favorablement malgré un argumentaire entièrement à charge de M. le rapporteur, lequel nous explique que, pour des raisons purement fortuites – retards d’avions, etc. –, un certain nombre de membres de la commission étaient absents. J’espère qu’il ne va pas nous proposer d’instaurer le vote électronique à domicile pour pallier ce genre de problème ! En démocratie, ce sont les présents qui comptent !
D’ailleurs, lors d’une précédente réunion de la commission, les absents étaient nombreux et le vote de la majorité physiquement présente n’était pas celui de la majorité sénatoriale.
Il ne faut pas considérer comme un accident le fait que la majorité ne soit pas majoritaire dans l’hémicycle ou lors des réunions de commission. Elle manque à son devoir, et cela n’a rien de « fortuit » !