Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Tout à fait !

Mme Jacqueline Panis. Au vu de l’ensemble de ces remarques, le groupe UMP votera la motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est le fruit d’une réflexion engagée depuis plusieurs années et rendue possible par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà déjà deux ans !

Mme Michèle André. Eh oui, le temps passe vite, monsieur le président !

Si l’on exclut la proposition de loi portant sur le même sujet et émanant du groupe majoritaire de l’Assemblée nationale, le Parlement examine aujourd’hui pour la première fois un texte visant à réaliser l’objectif constitutionnel d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, en l’occurrence dans les instances de décision des grandes entreprises. Il est en effet nécessaire de passer de la théorie à la pratique, des grandes intentions aux actes.

Aujourd'hui pourrait rester une date mémorable, car le sujet dont nous traitons en cet instant dépasse les clivages partisans, ainsi que l’intervention à l’instant de Mme Panis, première vice-présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat, l’a montré.

L’Assemblée nationale a en effet adopté, à la mi-janvier de cette année, une proposition de loi déposée conjointement par M. Jean-François Copé, président du groupe UMP, et Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale. Ce texte, comme celui que nous examinons ce matin, fixe un objectif de 40 % de femmes au sein des conseils d’administration ou de surveillance des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions, ainsi que dans les organes des entreprises publiques.

Quelles que soient nos appartenances politiques, nous faisons le même constat : les femmes sont sous-représentées dans les instances décisionnelles de l’entreprise. En tirons-nous les mêmes conclusions ? Faut-il se résigner, faut-il agir ? Comme dirait le poète, « faut-il pleurer, faut-il en rire ? » C’est du reste une question que nous nous posons souvent à propos des manquements à l’égalité entre les femmes et les hommes !

Ainsi que vous l’avez fort bien dit, madame la secrétaire d’État, il s’agit de libérer les femmes du statut de variable d’ajustement qui est trop souvent le leur dans le domaine économique.

En juillet dernier, à l’occasion d’un grand débat sur la place des femmes administrateurs dans les sociétés françaises cotées, nous avait été remise une étude brossant un tableau, sinon exhaustif, du moins largement représentatif de la situation des inégalités professionnelles. Les termes de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler le « plafond de verre » y sont parfaitement décrits.

Le taux d’activité des femmes se rapproche de plus en plus de celui des hommes. Dans certaines professions, la féminisation est telle que c’est même la place des hommes qui se trouve menacée ; notre collègue Jacques Mézard a évoqué le cas de l’École nationale de la magistrature. Dans la mesure où la parité suppose l’égal accès aussi bien des hommes que des femmes à certaines fonctions, peut-être un jour les hommes nous remercieront-ils de l’avoir inventée : c’est alors eux que la parité protégera !

La proportion de femmes diplômées de l’enseignement supérieur tend à dépasser celle des hommes chez les moins de quarante-cinq ans. Malgré cela – les chiffres présentés dans l’étude que j’évoquais sont éloquents –, les femmes ne sont pas suffisamment présentes dans les instances de décision. Elles ne représentent globalement que 6 % ou 7 % des dirigeants d’entreprise et cette proportion est, hélas ! apparemment stable. La proportion des femmes dans les conseils d’administration est à peine supérieure : 10 % en moyenne, 14 % dans les petites entreprises, et 8 à 9 % dans les grandes et moyennes entreprises.

Même si l’on observe une légère amélioration de 2007 à 2008, convenons que ces chiffres sont faibles et homogènes. Ajoutons qu’une proportion notable d’entreprises sont dirigées par un conseil d’administration uniquement masculin.

Les comparaisons internationales ne sont guère flatteuses pour notre pays : nous sommes loin derrière la tant citée Norvège, mais aussi la Suède, la Finlande, le Danemark et les Pays-Bas, ce qui confirme, une fois de plus, l’avance des pays nordiques en ce domaine. Or, dans ces pays, les pouvoirs publics ont pris la décision d’imposer des mesures contraignantes et obligatoires, à l’image de celles que nous vous proposons d’adopter aujourd’hui.

J’ai pu me rendre compte de l’intérêt d’une telle politique lors d’un déplacement en Norvège que j’ai effectué avec ma collègue Jacqueline Panis, au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes, et Marie-Jo Zimmermann et Danielle Bousquet, qui représentaient la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes. À cette occasion, nous avons pu rencontrer le ministre norvégien qui avait été à l’origine du projet de loi ayant permis de mieux représenter les femmes au sein des conseils d’administration des entreprises.

Cet ancien ministre de l’industrie, un pêcheur – et, en Norvège, un pêcheur n’est jamais simplement propriétaire d’une petite barque ! –, nous a déclaré ne pas être féministe. Nous l’avons cru. Il a également expliqué qu’il avait à l’époque mené une étude très approfondie sur le caractère vertueux de la présence des femmes au sein de l’entreprise. Leur absence constituait, selon lui, un problème. Fort de ce constat, sans solliciter son président de groupe ni les partenaires qu’il aurait pu avoir – il appartenait au parti conservateur –, il a déposé un projet de loi dont les dispositions devaient s’appliquer en deux temps. Dans un premier temps, les entreprises devaient se mettre « à niveau » si elles voulaient éviter que le législateur intervienne de manière contraignante.

C’est alors que les conservateurs ont perdu les élections ; il s’est même demandé si cette proposition n’y avait pas été pour quelque chose ! (Sourires.) Quoi qu'il en soit, le nouveau ministre, social-démocrate, s’est emparé du dossier. Après avoir observé que les entreprises n’avaient pas tenu leurs engagements, il a imposé un quota de 40 % de femmes, et la sanction éventuelle était terrible : menacées de dissolution, les entreprises se sont très généralement soustraites à cette obligation.

On peut considérer que, en France, aujourd'hui, grâce aux différentes lois adoptées au fil du temps – Jacqueline Panis en a cité certaines, mais, pour ma part, je mentionnerai la loi Roudy sur l’égalité professionnelle –, l’égal accès des hommes et des femmes aux différentes professions est à peu près assuré. Par conséquent, nous en avons la certitude, madame la secrétaire d’État, dès lors que la loi impose, elle peut changer la donne.

Dans les entreprises norvégiennes, les effets ont été rapides. Certes, celles-ci disposaient d’un vivier de compétences féminines, mais n’oublions pas que les autorités se sont aussi évertuées à améliorer la situation. Bien sûr, c’est un pays riche. Mais c’est aussi un pays qui a une vraie volonté en matière de politique familiale : hommes et femmes peuvent bénéficier d’un congé pour l’éducation des enfants qui est sans doute le plus long du monde ; les hommes ont en outre droit à un congé de paternité d’une durée appréciable, et qui est respecté. Je précise que les jeunes parlementaires pères de famille ont également droit à un long congé de paternité, qui est rémunéré et pendant lequel ils sont remplacés par leur suppléant ; il est même mal vu par l’opinion publique de ne pas en profiter !

Nous n’en sommes pas là, mais sans doute devrons-nous également avancer sur ce chemin.

Mme Odette Terrade. Nous avons encore une grande marge de progression !

Mme Michèle André. C’est à la lumière de cet exemple que nous vous proposons aujourd’hui d’instaurer des quotas obligatoires visant à assurer une meilleure représentation des femmes dans les instances dirigeantes des sociétés : ainsi, la proportion des administrateurs de chaque sexe ne pourrait être inférieure à 40 % dans les conseils des sociétés de plus de 250 salariés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires et des dispositions analogues seraient prévues pour les conseils de surveillance des sociétés anonymes, ainsi que pour les conseils d’administration ou de surveillance des entreprises publiques.

Nous vous proposons, en outre, d’instaurer des règles plus strictes de cumul de mandats sociaux.

Ce second volet, qui n’est pas abordé dans le texte voté par l’Assemblée nationale, me semble être la condition de base de la réussite du dispositif. En libérant des postes dans les conseils d’administration ou les conseils de surveillance, il devra permettre plus aisément de donner davantage de place aux femmes.

Je vous rappelle que, à l’heure actuelle, une petite centaine de personnes – 98 exactement, soit 22 % des administrateurs – détient 43 % des droits de vote des sociétés du CAC 40. La féminisation de ces instances devrait également permettre de rajeunir les conseils et de renforcer l’indépendance de leurs membres en limitant les risques de conflits d’intérêts.

Certes, les sanctions prévues dans notre proposition de loi sont sévères, notamment en ce qu’elles prévoient la nullité des délibérations auxquelles ont pris part les membres nommés irrégulièrement ou la démission d’office de tous les mandats en surnombre. Mais l’expérience prouve que cette sévérité est nécessaire.

La comparaison entre la Norvège et l’Espagne est instructive. Dans ce dernier pays, où le dispositif repose davantage sur l’incitation que sur une contrainte juridique ferme, les résultats sont modestes. Deux ans après l’adoption d’une loi visant à encourager la participation des femmes dans la vie économique, la proportion des femmes dans les conseils d’administration n’avait progressé que de 3 % dans le secteur public et restait de 10 % dans les sociétés privées.

Nous avons donc fait le choix d’une contrainte juridique ferme, à l’instar du dispositif norvégien, car c’est le choix de l’efficacité.

Je vous rappelle en effet que, là où la proposition de loi de l’Assemblée nationale ne concerne que les sociétés cotées, soit près de 700 entreprises, le texte que nous examinons aujourd’hui s’adresse à toutes les sociétés anonymes qui emploient au moins 250 salariés et réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 30 millions d’euros.

J’estime par conséquent, madame le rapporteur, qu’il serait bien dommage de renvoyer la présente proposition de loi à la commission, car, plus contraignante dans son dispositif répressif et plus large dans son périmètre d’application que le texte de l’Assemblée nationale, elle serait aussi plus efficace pour faire avancer concrètement la représentation des femmes dans les instances dirigeantes des sociétés.

Monsieur le président, je vous demande de vous faire notre interprète auprès de la conférence des présidents pour que la proposition de loi de Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann, adoptée par l’Assemblée nationale, soit inscrite d’urgence à l’ordre du jour du Sénat. Sinon, nous continuerons d’énoncer de beaux principes et nous nous désolerons du quotidien. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Ma chère collègue, je ferai part de votre souhait à la conférence des présidents, conjointement avec M. le président de la commission des lois et Mme le rapporteur.

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance
Demande de renvoi à la commission (fin)

M. le président. Je suis saisi, par Mme Des Esgaulx, au nom de la commission, d'une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, la proposition de loi relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance (n° 291, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme le rapporteur, auteur de la motion.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Monsieur le président, j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer, au cours de la discussion générale, les raisons qui ont motivé le dépôt de cette demande de renvoi à la commission.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, contre la motion.

Mme Nicole Bricq. Au préalable, je tiens à remercier l’ensemble de nos collègues qui se sont exprimés. Ce faisant, ils ont non seulement marqué leur intérêt pour le sujet, mais encore démontré qu’ils en ont mesuré toute l’importance. Il n’est pas si fréquent qu’une proposition de loi présentée par l’opposition suscite une telle attention.

M’adressant plus particulièrement à notre collègue Jacques Mézard, je veux souligner qu’un pas vers l’égalité, si modeste soit-il, est toujours un grand pas vers l’humanité. Les femmes, comme les pauvres, se heurtent souvent à un plafond de verre. Or l’histoire nous enseigne que, quand la cause des pauvres et la cause des femmes n’ont pas progressé simultanément, cela a toujours très mal fini.

Madame le rapporteur, vous nous avez signifié votre volonté de travailler sur ce sujet. Je prends acte de votre détermination. Pourtant, aujourd’hui, vous refusez de faire le petit pas nécessaire et de procéder à l’examen des articles de notre proposition de loi. Mes chers collègues de la majorité, cette attitude habituelle qui consiste à mettre fin à l’examen des propositions de loi déposées par l’opposition avant même la discussion des articles nuit à la cause du Parlement. Pourquoi refuser ce débat, quitte à émettre in fine un avis défavorable sur ces articles ? C’est d’autant plus regrettable que les interventions des différents orateurs convergeaient sur de nombreux points.

Ainsi, M. Zocchetto a raison de ne pas vouloir se limiter aux seules sociétés anonymes dans la mesure où, depuis de nombreuses années, on assiste au développement de nouvelles formes juridiques de sociétés, dans lesquelles le cumul des mandats sociaux n’est soumis à aucune contrainte. Précisément, nous proposons de ne pas nous en tenir aux seules sociétés visées par la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, mais d’élargir le périmètre de cette liste.

Madame la secrétaire d'État, nous ne créons pas un nouveau seuil ; nous nous contentons de reprendre celui qu’a fixé l’Union européenne pour définir ce qu’est une grande entreprise. Du reste, vous avez rappelé qu’on ne compte que 8 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des cinq cents premières sociétés françaises. Cela démontre bien que la situation doit évoluer ; en particulier, le régime des sanctions applicables doit être modifié.

Quand vous dites qu’il ne faut pas « infliger », pour reprendre votre propre terme, des contraintes supplémentaires aux entreprises cotées, je veux croire, madame la secrétaire d'État, que vos paroles reflètent plus la doxa du Gouvernement auquel vous appartenez – je peux néanmoins le comprendre – ou le courant de pensée dominant, que votre conviction intime.

Je conclurai mon propos sur une note grave. Depuis quelques semaines et, plus particulièrement, ces derniers jours, l’Union européenne est dans la tourmente d’une crise financière. La contrainte que les marchés financiers font subir aux entreprises cotées est autrement plus prégnante que celle que leur imposerait l’évolution législative que toutes et tous, dans cette enceinte, appelons de nos vœux. L’association française des entreprises privées comme le MEDEF feraient bien d’y réfléchir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement est évidemment favorable à cette motion tendant au renvoi à la commission.

Madame Bricq, je m’étais fermement prononcée en faveur d’une plus grande représentation des femmes au sein des conseils d’administration des entreprises. Toutefois, autant je considère que nous devons lutter pour que la situation évolue et pour obtenir des avancées, autant je ne peux ignorer que les revendications des femmes portent avant tout sur l’égalité salariale.

Par ailleurs, il conviendrait également de battre en brèche les stéréotypes véhiculés par les médias ou l’école, lesquels sont loin d’être anecdotiques. Vous avez cité l’exemple des pays d’Europe du Nord. En Suède, où j’effectuais récemment un déplacement, on étudie dès la crèche les types de jouets attribués aux filles et aux garçons, afin de combattre l’idée que le fer à repasser, la pelle et la balayette sont des jouets davantage destinés aux filles. C’est donc toute la société qu’il faut transformer, et nous devons nous retrouver pour mener ce travail ensemble.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez montré la détermination du législateur à promouvoir une véritable égalité entre les hommes et les femmes. Il reste encore du chemin à parcourir vers la parité. Le Gouvernement veillera à ce que la conférence des présidents inscrive rapidement à l’ordre du jour du Sénat la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

(La motion est adoptée.)

M. le président. En conséquence, le renvoi à la commission est ordonné.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux contrats d'assurance sur la vie
Discussion générale (suite)

Contrats d'assurance sur la vie

Adoption d'une proposition de loi

(Texte de la commission)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux contrats d’assurance sur la vie, présentée par M. Hervé Maurey (proposition no 2, texte de la commission no 373, rapport no 372).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux contrats d'assurance sur la vie
Article 1er

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’assurance sur la vie est, vous le savez, le produit d’épargne préféré des Français.

Sa popularité ne se dément pas. En février 2010, près de 12 millions de nos concitoyens avaient, souscrit un contrat d’assurance sur la vie pour un montant total de 1 265 milliards d’euros, soit l’équivalent de 80 % du PIB français, plus de la moitié de l’encours des produits d’épargne longue et davantage que l’ensemble de la capitalisation boursière du CAC 40.

Le volume de l’épargne consacré à l’assurance sur la vie ne fait qu’augmenter puisque, en 2009, ce sont près de 5 millions de nouveaux contrats qui ont été souscrits, représentant une croissance de l’encours global de 12 % à 14 % selon les estimations. En douze ans, l’encours a presque triplé.

Une ombre plane toutefois sur ce produit phare de l’épargne française : la question des contrats d’assurance sur la vie non réclamés au décès de l’assuré.

Cette question est régulièrement évoquée depuis maintenant près d’une dizaine d’années. Elle est essentielle, car elle touche à la base même de toute relation contractuelle, en particulier dans le domaine de l’épargne : je veux parler de la confiance.

Il n’est pas acceptable que des encours soient conservés par les assureurs alors qu’ils devraient être versés aux bénéficiaires des contrats.

Ce n’est pas acceptable d’un point de vue éthique, car le doute ne peut pas exister en la matière. Les assurés doivent être certains que les sommes versées iront à leurs destinataires.

Ce n’est pas non plus acceptable d’un point de vue économique, car ces sommes seraient plus utiles si elles étaient réinjectées dans l’économie où elles produiraient, notamment, des recettes fiscales.

Le législateur a donc été conduit, en 2005, à poser un certain nombre de règles dans la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance.

Tout d’abord, il a prévu la possibilité, pour toute personne physique ou morale, de se renseigner auprès de l’Association pour la gestion des informations relatives aux risques en assurance, l’AGIRA, organisme crée par cette loi, de l’éventuelle existence d’une stipulation en sa faveur dans un contrat d’assurance sur la vie dont le souscripteur est décédé, dès lors qu’elle apporte la preuve du décès.

Il a ensuite prévu, sur proposition de notre collègue Yves Détraigne, le principe selon lequel la société d’assurance, dès lors qu’elle est informée du décès de l’assuré et qu’elle connaît les coordonnées du bénéficiaire du contrat, doit en informer ce dernier.

Comment d’ailleurs ne pas s’étonner qu’il ait fallu inscrire dans la loi cette mesure de bon sens qui répond, me semble-t-il, à l’honnêteté la plus élémentaire : prévenir le bénéficiaire du décès de l’assuré et de l’existence d’un contrat en sa faveur ?

La loi de 2005 constituait certes un incontestable progrès, mais elle restait insuffisante. Aussi le législateur a-t-il dû se saisir à nouveau de cette question dès 2007.

La loi du 17 décembre 2007, votée à l’unanimité par le Sénat, oblige les assureurs à s’informer de l’éventuel décès des souscripteurs et à rechercher, le cas échéant, les bénéficiaires.

Pour accomplir cette mission et savoir si un assuré est vivant ou décédé, la loi a ouvert aux assureurs la possibilité de consulter le répertoire national d’identification des personnes physiques, le RNIPP. Elle a également autorisé les traitements de données nominatives issues de ce répertoire, en vue de rechercher les bénéficiaires

Sans doute stimulés par ce texte, les assureurs se sont engagés à consulter ce fichier dès lors que l’assuré est âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, que l’encours de son contrat est supérieur à 2 000 euros et qu’il n’a pas donné de nouvelles depuis deux ans.

Ces avancées ont été incontestablement utiles et positives, et il convient de les saluer. Le fait que le fichier AGIRA II, institué par la loi de 2007, ait donné lieu à plus de huit millions de consultations en un an en atteste et démontre l’importance du phénomène.

Aussi, certains se sont interrogés sur l’utilité de légiférer à nouveau sur cette question.

Si j’ai souhaité déposer une proposition de loi sur ce sujet, c’est tout simplement parce que je crois le dispositif encore perfectible.

Permettez-moi de citer la célèbre maxime de Boileau :

« Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,

« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :

« Polissez-le sans cesse et le repolissez ; ».

Elle semble faite pour ce sujet tant les réticences rencontrées nécessitent de se hâter lentement, sans perdre courage, et de remettre sur le métier l’ouvrage pour le polir et le repolir, de manière à en finir progressivement avec la situation scandaleuse que constituent les contrats d’assurance sur la vie non réclamés.

Légiférer efficacement, c’est savoir faire le point régulièrement sur un dispositif pour le faire évoluer et l’améliorer. C’est ce que certains appellent aujourd’hui – une expression que je n’aime pas beaucoup, même si j’en approuve le principe, – la clause de revoyure.

D’ailleurs, le Médiateur de la République, qui soutient notre démarche, a souligné à plusieurs reprises que, malgré les évolutions législatives, la situation actuelle n’était pas satisfaisante, les assureurs et les pouvoirs publics « ne jouant pas le jeu ».

Cette proposition de loi a pour objet, en premier lieu, de renforcer les obligations des assureurs en matière de recherche, puisque la loi de 2007 est peu contraignante sur ce principe et que les obligations que les assureurs se sont fixées sont, me semble-t-il, insuffisantes.

Le texte tend, en second lieu, et cet objectif est tout aussi important, à améliorer la transparence en matière de contrats d’assurance sur la vie non réclamés.

La commission des lois a bien voulu reconnaître l’utilité de cette proposition de loi, et je l’en remercie. Je tiens à saluer son travail, tout particulièrement celui de son rapporteur, Dominique de Legge, dont la capacité d’écoute, l’objectivité et le pragmatisme ont permis de trouver un équilibre satisfaisant.

Si la commission a sensiblement modifié le texte initial, elle a « pleinement souscrit à ses objectifs », et c’est là l’essentiel.

Elle est même allée au-delà de ce que je proposais en prévoyant l’obligation, pour les assureurs, de consulter chaque année le répertoire national d’identification des personnes physiques dès lors que l’encours du contrat est supérieur à 2 000 euros, et sans plus poser aucune condition quant à l’âge du souscripteur. C’est une avancée considérable par rapport à la situation actuelle, et je tiens à la saluer.

La commission des lois a également partagé mes objectifs en termes de transparence en prévoyant que les compagnies d’assurance rendent compte chaque année de leurs recherches et que les organismes professionnels publient un bilan de l’application des dispositifs AGIRA I et AGIRA II.

Sur d’autres aspects, mes propositions ne répondaient sans doute pas au précepte de Boileau selon lequel il convient de se « hâter lentement ». Peut-être devront-elles être remises sur le métier ultérieurement. Je pense notamment à la question de l’irrévocabilité de la clause bénéficiaire,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est un autre problème !

M. Hervé Maurey. … qui a pour conséquence qu’un certain nombre d’assurés préfèrent ne pas informer les bénéficiaires de l’existence même du contrat pour pouvoir, s’ils le souhaitent, changer librement de bénéficiaire. Mme Catherine Procaccia avait déjà évoqué ce sujet en 2007.

Je pense également à la nécessité de disposer d’un meilleur suivi des assurés tout au long de leur vie en s’informant de l’évolution de leur situation familiale et matrimoniale ou de leurs changements d’adresse. Un meilleur suivi permettrait de connaître plus aisément le décès de l’assuré et d’identifier plus rapidement le bénéficiaire du contrat.

À cet égard, il serait important d’être mieux informé sur les courriers retournés avec la mention NPAI, autrement dit « N’habite plus à l’adresse indiquée », sur leur nombre et leur suivi. Certains assureurs se sont d’ores et déjà saisis du sujet. Il serait souhaitable que la profession dans son ensemble prenne des engagements dans ce sens.

Conscient de la qualité de travail de la commission, je n’ai donc, avec mon collègue Yves Détraigne et les membres du groupe de l’Union centriste, déposé que deux amendements.

Le premier, de nature rédactionnelle, vise à préciser les obligations des assureurs en termes d’information sur les démarches qu’ils auront à effectuer en application du dispositif présenté par la proposition de loi.

Le second est, quant à lui, un amendement de fond. Il est extrêmement important,…