M. David Assouline. Le débat éclaire, me semble-t-il, nos divergences sur la manière de procéder.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez demandé tout à l’heure à Mme Bricq si elle était prête à s’engager à ce qu’Arc Express voie le jour avant vingt-cinq ans : cela témoigne bien d’une confusion des genres.
En matière de décentralisation, il aurait fallu utiliser la méthode suivante : vous deviez négocier et toper avec M. Huchon, avec les présidents de conseils généraux, avec tous les élus d’Île-de-France et trouver avec eux un accord.
Au Parlement, nous ne sommes pas dans une négociation. Ici, nous débattons ! La méthode que vous avez employée pour le Grand Paris radicalise les positions.
M. Caffet vous l’a indiqué, nous ne cherchons pas à lutter contre les projets que vous voulez mettre en place, comme la double boucle ou la liaison entre les aéroports et La Défense. Une autre méthode était envisageable : il aurait fallu partir de l’existant, de ce qui a été fait par la région, du plan de mobilisation qui a été discuté, des travaux déjà en cours, du maillage qui est en train de se constituer plutôt que de plaquer un projet auquel le reste doit s’adapter. Nous estimons que c’est votre projet qui doit compléter, enrichir ce qui a déjà été engagé par la région et s’y adapter, parce qu’il n’est pas possible de faire autrement.
La discussion de ce soir permettra d’examiner les chiffrages. Lorsque vous nous mettez au défi de nous engager à ce qu’Arc Express soit livré avant vingt-cinq ans, je vous réponds très franchement que, si vous laissez l’enquête se dérouler et que vous ne retardez pas le processus, il n’y aura aucun problème.
Si l’État lutte contre le projet de la région, il a largement les moyens de retarder le processus. Si, au contraire, il agit en partenaire, les choses en seront facilitées. Il faut nous en donner un gage en retirant l’amendement qui tend à arrêter l’enquête et le débat public dès que ce texte sera voté !
Monsieur le secrétaire d'État, si vous ne nous mettez pas des bâtons dans les roues, je puis vous assurer que, grâce au plan de mobilisation, Arc Express sera livré bien avant la date que vous avez fixée.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le secrétaire d'État, avec l’amendement n° 116 que nous avons présenté, nous sommes au cœur du problème, qui est plus financier que technique. Vous vous attaquez au phasage que nous proposons, qui est de donner la priorité au plan de mobilisation et de regarder ensuite s’il est possible de faire davantage.
Vous nous avez indiqué hier que le Président de la République avait approuvé sans réserve votre projet de loi – j’irai jusqu’à parler d’ « adoubement » – mais vous avez également dit que ce texte et le Grand huit découlaient de l’insuffisante ambition du SDRIF. Or je suis extrêmement surpris.
Tout d’abord, nous avons marqué un temps d’arrêt de plusieurs années. Ensuite, comment reprocher à la région de ne pas financer Arc Express avec des parités qui permettraient sa mise en place rapide, lorsque l’État qui a les poches complètement vides n’arrive plus à honorer un contrat de plan ?
Je suis d’ailleurs très étonné que, par un amendement que nous examinerons tout à l’heure, vous proposiez d’arrêter la consultation populaire, et même l’enquête publique. Vous pourriez au moins faire en sorte que cette enquête puisse avoir lieu. Vous constateriez alors l’engouement que suscite le saupoudrage !
Vous verriez les maires qui se rendent au conseil régional, qui vont sur le terrain, qui prennent conscience des difficultés, comme sur le RER A, du fait qu’il faut relier des pôles, prolonger des lignes de métro, créer des lignes de bus en site propre... Actuellement, le conseil régional est à l’écoute de ces demandes de prolongement de lignes qui, certes, ne vont pas changer la face du monde, mais améliorer les transports en région parisienne.
M. Alain Gournac. On voit que vous ne prenez pas le RER A aux heures de pointe !
M. Christian Cambon. Voilà toute l’ambition de la région pour les transports !
M. Jacques Mahéas. Pourtant, ce que vous souhaitez les uns et les autres, c’est améliorer les transports ! Vous ne devez pas les emprunter souvent pour en parler ainsi ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Vous non plus !
M. Jacques Mahéas. Je ne pourrai pas terminer mon propos si vous m’interrompez sans cesse.
M. le président. Chers collègues, laissez M. Mahéas s’exprimer !
M. Jacques Mahéas. Nous aussi, nous sommes favorables à une action efficace et rapide, pour que la région capitale voie sa compétitivité renforcée.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous délivre un satisfecit – cela n’arrive pas tous les jours ! – pour vos propos sur le désenclavement de Montfermeil et de Clichy-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. Bien évidemment, je ne peux qu’être d’accord avec vous !
Le plan de mobilisation pour les transports doit être notre priorité et une préoccupation commune. Réunissons-nous autour d’une table et parlons-en ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cambon. Vous dirigez la région depuis douze ans ! (M. Alain Gournac renchérit.)
M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues !
M. Jacques Mahéas. Monsieur Cambon, quand nous discutons tous les deux de Fontenay-sous-Bois ou de l’Arc Express, notamment au sein de l’ACTEP, l’association des collectivités territoriales de l’Est parisien, vous êtes totalement d’accord avec moi. Pourquoi, au Sénat, vous opposez-vous à ce que je dis ? C’est invraisemblable !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Je le répète, une priorité s’impose : le plan de mobilisation. Rien ne s’oppose à ce que nous puissions travailler ensemble. Vos objectifs sont somme toute semblables aux nôtres, même si nos moyens pour y parvenir divergent.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d’État, il y a deux problèmes : l’un, c’est argumentation que vous employez pour réfuter notre amendement ; l’autre, c’est notre désaccord de fond.
Tout d’abord, pour régler le problème des priorités, vous utilisez des procédures là où nous recourons à des moyens financiers, à des engagements, à la négociation. Cela fait quand même quatre ans que sont consultés les départements et les autres collectivités.
M. Christian Cambon. Vous présidez la région depuis douze ans !
Mme Nicole Bricq. Ensuite, votre priorité n’est pas la nôtre. Je citerai deux exemples.
S’il vous est arrivé de prendre la ligne 13 du métro, vous aurez constaté que les rames sont aujourd’hui bondées aux heures de pointe. Avec le grand projet d’aménagement des Batignolles qui se prépare, et les milliers de logements et d’emplois qu’il va créer, sans oublier le transfert du tribunal de grande instance de Paris dans ce quartier, le doublement de cette ligne s’avère d’autant plus urgent.
Cette urgence est tout aussi vraie pour la ligne A du RER, qui voit de nombreuses personnes rester sur le quai dans certaines stations. Les usagers de Seine-et-Marne, de l’Est parisien, des Yvelines ou du Val-d’Oise le savent bien.
Voilà nos priorités ! La politique, ce sont bien sûr des projets, mais c’est aussi l’art de les exécuter. C’est sur les résultats que nous sommes attendus. Si nous voulons, tous autant que nous sommes, retrouver de la crédibilité aux yeux de nos concitoyens, qui, nous le savons, doutent de leurs représentants, notamment des parlementaires, agissons maintenant et non dans quinze ans comme le prévoit votre projet. Qui plus est, l’argent est là, mais nous en reparlerons à l’article 3 en abordant la question de l’Arc Express. Nous verrons alors si vous allez au bout de la provocation en approuvant le texte de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Je crois que nous avons bien compris la mécanique : d’un côté, nous avons la société du Grand Paris, dotée de 4 milliards d’euros de capital pour la maîtrise d’ouvrage du grand métro ; de l’autre, nous avons des projets portés par la région.
Monsieur le secrétaire d’État, depuis le début de ce débat, vous soufflez le chaud et le froid.
Avec l’alinéa 2 de cet article, vous cherchez à rassurer sur la contribution de l’État au financement des contrats de projets. Vous nous avez expliqué il y a quelques instants qu’il s’agissait de mener à bien celui qui est en cours avant de préparer le prochain.
La seconde suivante, vous m’avez stupéfiée en lançant une sorte de défi au président de la région, qui est accusé sur les travées de l’UMP de ne pas en avoir assez fait. Vous oubliez que le projet de schéma directeur de la région d’Île-de-France a déjà été transmis il y a dix-huit mois au Gouvernement. Vous oubliez également que, depuis lors, le patrimoine du STIF a été confisqué, lui interdisant de fait de lever des emprunts indispensables au financement du plan de mobilisation.
Selon vous, le financement du plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France reste hypothétique, contrairement à celui de la double boucle.
Au lieu de tenir compte des engagements pris, plutôt que de reconnaître le travail effectué, vous vous empressez de concevoir ex nihilo un projet concurrent. Je pense que vous devriez vous interroger sur l’efficacité de la dépense publique, sur la cohérence du réseau ainsi constitué, sur la synergie des efforts des différentes collectivités.
La priorité n’est-elle pas d’assurer la meilleure desserte possible aux Franciliens ? À cet égard, je n’aurai pas la cruauté de demander combien parmi vous, mes chers collègues, sont venus de leur circonscription au Sénat en utilisant le réseau francilien de transports publics et quels sont ceux qui utilisent régulièrement le métro, le RER ou le tramway. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Le point essentiel de notre désaccord est clair : nous, nous souhaitons réaliser des projets qui sont prêts et qui peuvent être financés ; vous, vous tirez des plans sur la comète et vous fixez des rendez-vous dans quinze ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est vain que le Parlement oppose des projets les uns aux autres concernant une région qui revêt une importance nationale. Il ferait mieux de réfléchir aux projets dont a besoin la région d’Île-de-France et aux moyens de les financer.
Monsieur le secrétaire d’État, ce qui pose problème, c’est la manière autoritaire dont a usé le Gouvernement pour faire ses choix, lesquels auront des conséquences très importantes pour des millions de personnes durant des décennies. Cette méthode n’est pas acceptable, non seulement pour les élus, mais également pour la population des territoires concernés.
Le moins que l’on puisse dire est que choix du tracé du réseau de transport n’est pas le fruit d’une réflexion partagée.
M. Jean-Pierre Caffet. Il a été imposé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aucune concertation n’a eu lieu concernant sa connexion avec le réseau existant et pour savoir s’il aurait été plus pertinent qu’il soit en rayon ou transversal.
Le coût de ce Grand huit, qui ne sera en fonction que dans plusieurs décennies, obère la possibilité pour l’État et les autres collectivités d’investir ensemble dans les autres types de transports, pourtant ô combien nécessaires !
Dans le même temps, nous n’ignorons pas que certains envisagent allègrement d’augmenter les tarifs des transports au motif que ceux-ci sont inférieurs à ceux d’autres mégapoles européennes – vous aimez tellement les comparaisons ! – ou de créer des péages urbains au motif qu’ils en existent ailleurs. N’en doutez pas, les conséquences seront des plus négatives, non pour les décideurs, mais pour les populations les plus modestes qui doivent souvent se déplacer.
À toutes ces questions, vous devriez apporter des réponses. Malheureusement, en l’absence de concertation, vous n’en donnez pas.
Nous craignons également, non sans raison, que la création de ce réseau périphérique, avec les conséquences spéculatives que vous envisagez – vous entendez même en tirer une manne financière –, n’aboutisse à une nouvelle ségrégation sociale selon que l’on soit à l’intérieur ou à l’extérieur du Grand huit qui va structurer la région, et ce pour longtemps.
J’ajoute enfin que votre dispositif créera une ségrégation économique, car on voit bien qu’il aura des conséquences sur le tissu économique actuel, qui est diversifié. Si l’on voulait bien s’en donner la peine, celui-ci pourrait pourtant être créateur d’emplois, ce dont la région a bien besoin. Au lieu de cela, vous privilégiez une extension considérable de la place financière. Les résultats en matière de création d’emplois sont plus qu’aléatoires, sans compter que l’avenir d’une énorme place financière est lui-même aléatoire compte tenu des crises financières existantes et à venir.
Vous ne répondez à aucune des questions de fond que nous posons. De plus, en imposant le projet comme vous le faites, vous empêchez toute possibilité d’avoir un vrai débat, non seulement avec les collectivités, mais également avec les citoyens concernés.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes farouchement opposés à l’article 2 et au projet de loi en général.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. J’avoue que j’ai été un peu sidéré par ce que j’ai entendu tout à l’heure.
M. Alain Gournac. Sidéré est le mot !
M. Laurent Béteille. Mme Voynet a demandé lesquels d’entre nous venaient de leur circonscription au Sénat en RER. Sachez que c’est mon cas !
M. Alain Gournac. Moi aussi !
Mme Bernadette Dupont. Et moi également !
Mme Dominique Voynet. Cela prouve que c’était une bonne question !
M. Laurent Béteille. Je suis d’ailleurs arrivé avec un quart d’heure de retard à la réunion de la commission spéciale. Il faut dire que la ligne D du RER, que je connais bien, fonctionne abominablement mal et subit régulièrement des retards. Le matériel roulant tout comme les infrastructures sont totalement vétustes.
Mme Raymonde Le Texier. À qui la faute ?
M. Alain Gournac. Douze ans au pouvoir !
M. Laurent Béteille. Il y a même des aiguillages qui datent des années trente.
Pour faire face à cette situation, la région a proposé un schéma contenant quelques mesurettes qui ne satisfont personne. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le rapporteur parlait tout à l’heure de saupoudrage. En l’occurrence, il s’agit vraiment d’une pincée de sel. Il est proposé de refaire une petite partie de l’aiguillage du côté de Goussainville, alors que la ligne s’étend sur 180 kilomètres. Compte tenu de sa longueur, elle est constamment en mauvais état et le moindre incident se répercute sur l’ensemble de la ligne.
M. David Assouline. C’est votre bilan !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sera pareil avec le Grand huit !
M. Laurent Béteille. La région doit absolument prendre la mesure de l’état des équipements. Une remise à niveau s’impose. Il faut, par exemple, un deuxième tunnel entre la station Châtelet et la gare du Nord.
M. David Assouline. Ce n’est pas le Grand huit !
M. Laurent Béteille. Mais les investissements nécessaires ne sont pas programmés.
En bref, je le répète, deux projets sont absolument nécessaires aujourd’hui : la remise à niveau des équipements existants – c’est de la compétence du STIF – …
M. Jacques Mahéas. Ah quand même !
M. Laurent Béteille. … et la création de liaisons de banlieue à banlieue, lesquelles sont réclamées depuis des décennies. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Est-ce que le Gouvernement vous entend, monsieur Béteille ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. M. Caffet a jugé opportun de remettre en cause ce que j’avais dit hier et ce que j’ai répété aujourd’hui.
M. David Assouline. C’est son droit !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Certes, mais je veux lui rappeler quelques chiffres.
Le contrat de projets entre l’État et la région s’élève à 2,937 milliards d’euros. La région apporte 2,063 milliards d’euros et l’État 874 millions d’euros.
M. Jean-Pierre Caffet. Ai-je donné d’autres chiffres ?
M. Jacques Mahéas. Un cheval, une alouette !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Sur ces sommes, les dépenses pour les trois lignes de RER B, C et D s’élèvent au total à 473,5 millions d’euros, et la part de la région sur ces opérations revendiquées depuis des années par l’ensemble de nos concitoyens s’élève, mes chers collègues, à 177,5 millions d’euros. (Huées sur les travées de l’UMP.) Comparez cette somme aux 2,063 milliards d’euros, monsieur Caffet : cela explique la position de la majorité de la commission spéciale, qui estime que c’est du saupoudrage ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 80 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 80 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 81 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l'amendement n° 249.
Mme Dominique Voynet. Lors de votre audition par la commission spéciale, monsieur le secrétaire d’État, vous auriez précisé que 10 % à 15 % seulement du tracé pourrait être réalisé en surface. Or vous venez de prendre une position quelque peu différente pour justifier l’avis défavorable du Gouvernement sur l’amendement n° 249, en insistant sur le fait que, chaque fois que ce serait possible, vous privilégieriez le traitement en surface. Qu’en est-il réellement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Il n’y a nulle contradiction dans mes propos. Je vous ai rappelé la position exprimée par le Président de la République le 29 avril 2009. Je vous ai dit que, chaque fois que cela serait possible, nous emprunterions des dispositifs aériens. Je vous ai également dit qu’à ce jour je n’avais rencontré aucun maire favorable à la mise en place de transports en surface dans sa commune, mais peut-être cela viendra-t-il avec le temps.
Par ailleurs, nous estimons, après les études techniques que nous avons réalisées, qu’effectivement 10 % à 20 % du tracé pourraient techniquement être réalisés en surface.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Pour ma part, je me félicite que la commission et le Gouvernement nous invitent à repousser cet amendement. En tant qu’élu de la Seine-Saint-Denis, comme Mme Voynet, je suis quelque peu sidéré – le terme a déjà été employé – de constater que l’on nous propose de généraliser le passage en surface !
Le département de la Seine-Saint-Denis, vous le savez, mes chers collègues, a été ravagé par les grandes infrastructures terrestres, routières et ferroviaires : le périphérique, les autoroutes A1, A3, A4, A86… Chez nous, tout a été construit en tranchée, en surface, quand, dans les beaux quartiers, on prévoyait un passage en souterrain !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Philippe Dallier. Quarante ans plus tard, nous dépensons des dizaines de millions d’euros pour couvrir le périphérique à la Porte des Lilas, les autoroutes A1 et A3 parce que les gens qui vivent aux abords de ces infrastructures n’en peuvent plus. (Mme Catherine Procaccia applaudit.)
Alors, il est fort sympathique de penser au confort des voyageurs qui traverseront ces villes pendant quelques instants, mais il faut d’abord songer à celui des riverains de ces infrastructures !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe Dallier. Je relève encore, ma chère collègue, que les architectes proposent de construire l’infrastructure en aérien non pas de manière systématique mais seulement lorsque cela est possible.
Par conséquent, je suis favorable à la construction d’un métro en surface si cela ne gêne personne. Quant à le faire passer sur 130 kilomètres au milieu de nos villes dans des zones denses, franchement, c’est le contraire de ce qu’il faut faire ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La politique tarifaire du réseau de transport visé à l'alinéa précédent permet son accessibilité à tous les Franciliens par son inscription dans le zonage tarifaire, défini par le syndicat des transports d'Île-de-France.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement a pour objet de contribuer à une réelle égalité de tous les Franciliens dans l’accès aux transports. Il prévoit l’inscription de la politique tarifaire du réseau de transport du Grand Paris dans celle du STIF, fondée sur le zonage. Nous voulons garantir que ce réseau ne sera pas l’objet d’une tarification spéciale, plus onéreuse pour les usagers que celle qui est appliquée sur le réseau RATP et SNCF.
La maîtrise d’œuvre du Grand huit fait l’objet d’un régime d’exception avec la Société du Grand Paris. On peut craindre la même situation en matière de tarification pour les usagers.
Il y a sur ce point l’exemple du futur Charles-de-Gaulle Express, ou encore celui d’Orlyval lancé par Matra, Air Inter et des banques. Si Orlyval a finalement été repris par la RATP et inséré dans le réseau général, c’est avec des tarifications particulières très onéreuses.
Je rappelle aussi que le rapport Carrez fait apparaître un reste à financer important des dépenses de fonctionnement du futur réseau de transport, et prévoit d’ores et déjà une hausse des tarifs.
Surtout, il y a votre conception du Grand Paris, qui participe d’une vision de compétitivité. Or c’est bien dans ce contexte que sera réalisé le Grand huit, prévu pour relier prioritairement quelques pôles d’excellence industriels et financiers et des aéroports, au détriment des autres besoins de déplacements de la population francilienne.
Ce réseau n’améliorera pas le quotidien des habitants : il faudra plusieurs kilomètres pour rejoindre une station, et donc des correspondances avec les bus ou des trajets en voiture. De la même manière qu’Orlyval n’est pas conçu pour les salariés de l’aéroport d’Orly, votre Grand huit n’est pas non plus destiné à ceux de Roissy-en-France. Nul doute que la ségrégation sociale et territoriale risque encore de s’aggraver !
Évidemment, nous avons bien conscience qu’inscrire ce réseau dans le zonage tarifaire tel qu’il existe ne règle pas la question plus générale du coût trop élevé du transport pour les Franciliens. Beaucoup sont contraints de s’éloigner de Paris et de sa proche banlieue en raison de l’insuffisance de logements sociaux et de la spéculation immobilière. Ceux qui subissent des durées de transport longues et fatigantes sont aussi ceux qui paient le plus cher.
C’est pourquoi nous sommes favorables à l’instauration d’un passe Navigo à zone unique au tarif des actuelles zones 1 et 2, au lieu des six zones qui sont actuellement définies.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Bernard Vera. L’objectif de cet amendement à l’article 2 est d’intégrer dans la loi un principe général permettant de garantir une tarification au niveau de celle qui est actuellement en vigueur dans les transports franciliens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. M. Vera propose d’évoquer dès l’article 2 la politique tarifaire. Or je rappelle que, en vertu de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959, la politique tarifaire est l’apanage du STIF et que celui-ci ne peut en aucun cas déléguer cette compétence.
Par conséquent, il serait tout à fait malvenu d’ajouter un alinéa ayant trait à la politique tarifaire dans cet article. La commission spéciale a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. À ce sujet, j’ai entendu vendredi dernier le président de la région affirmer que le métro du Grand Paris ferait l’objet d’une tarification différente de celle du reste du réseau francilien. Je prends acte de cette déclaration, même si je ne peux que m’étonner d’un tel choix de sa part.
M. Jacques Mahéas. Adressez-vous à lui !
Mme Nicole Bricq. Nous ne sommes pas ses représentants !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. J’évoque une déclaration qui m’a étonné, parce que nous sommes tous respectueux des compétences de la région.
M. Jean-Louis Carrère. L’État, pas trop !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, les choix en matière tarifaire relèvent de la seule compétence du STIF. Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
indépendant de
par les mots :
additionnel à
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Si l’examen de ce texte par la commission spéciale a permis que soit réaffirmé dans les dispositions de ce projet de loi le financement par l’État du réseau de transport public, nous continuons à craindre que les investissements réalisés par l’État dans le Grand huit ne se fassent au détriment d’autres investissements, pour le moins aussi importants.
Que dit littéralement l’article 2 : « Le financement par l’État de ce nouveau réseau de transport est indépendant de sa contribution aux contrats de projet ». Certes, cette rédaction, issue des travaux de l’Assemblée nationale et reformulée par la commission spéciale du sénat, a pour objectif de rassurer les élus locaux.
Cependant, elle ne donne aucune garantie sur le montant des engagements de l’État au titre du contrat de projet, elle garantit simplement que ce Grand huit ne sera pas financé directement sur l’enveloppe des contrats de projet, ce qui est la moindre des choses.
En revanche, cette rédaction ne nous prémunit nullement contre une diminution drastique des sommes inscrites aux futurs contrats de projets, et donc contre l’abandon de certains d’entre eux. Elle ne se prononce pas non plus sur l’engagement de l’État dans le cadre du plan de modernisation initié par la région.
J’attire également votre attention sur le fait que cette rédaction est déjà partiellement erronée puisque vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d’État, que le mode de financement des contrats de développement territorial s’appuierait pour partie sur l’enveloppe des contrats de projets en vigueur. Il n’est donc pas exact de dire que le financement du Grand Paris sera sans incidence sur les contrats de projets.
Ainsi, si vous affirmez que ces financements seront indépendants, nous préférons que soit stipulé dans cet article que le financement par l’État de ce nouveau réseau de transport est « additionnel à » sa contribution aux contrats de projets conclus avec la région d’Île-de-France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je tiens tout d'abord à remercier M. Vera d’avoir souligné l’intérêt de la rédaction adoptée par la commission spéciale, dans laquelle il est précisé que l’État finance la grande boucle mais continue à financer les contrats de projets conclus avec la région d’Île-de-France.
Il propose de remplacer le mot « indépendant » par le mot « additionnel » : cela ne me semble pas essentiel. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par M. Caffet, Mme Bricq, M. Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, M. Badinter et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ce financement fera appel à des dispositifs spécifiques pour la région d'Île-de-France conformément à l'article 14 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.
La parole est à M. Jacques Mahéas.