Mme Catherine Dumas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est d’une importance capitale (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.) puisqu’il vise à redéfinir et à redessiner l’espace urbain et socio-économique de l’Île-de-France, et plus largement celui de notre pays.
Il ne concerne pas uniquement l’avenir des 11 millions de Franciliens, il concerne celui des 65 millions de Français.
Comme vous l’avez démontré, et comme cela a été fort justement complété par M. le rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, dont je salue le formidable travail, ce texte répond à la volonté forte du Président de la République de définir un nouveau modèle de développement.
Il pose les bases pour permettre à notre pays et à la Ville lumière, Paris, de continuer à rayonner sur le XXIe siècle.
Il est de notre responsabilité d’élus de répondre aux attentes fortes et légitimes de nos concitoyens.
Nous devons, au-delà des plans d’architectes, des schémas administratifs et des mécanismes de gouvernance, rendre compréhensible pour chacun les avancées offertes par ce projet et par les réalisations concrètes qui auront une incidence sur leur vie quotidienne.
C’est pourquoi je souhaiterais aujourd’hui mettre plus particulièrement l’accent sur deux facettes du projet de loi, qui sont, à mes yeux, révélatrices de la façon dont le Grand Paris pourra transformer le quotidien de nos concitoyens.
Tout d’abord, ce projet de loi fournit, monsieur le secrétaire d'État, des outils techniques et juridiques qui devraient permettre d’avancer rapidement dans la réalisation des chantiers prioritaires, notamment pour concilier l’urgence des transports publics et les contraintes du développement urbain.
Je pense ici aux contrats de développement territorial signés entre les communes et l’État, qui définissent les objectifs d’intérêt général en matière de développement économique, d’aménagement urbain, de logement et de déplacements.
Je suis, en tant qu’élue parisienne, particulièrement attentive à ce que le projet de loi prenne en compte les réalités des flux de déplacements et permette d’améliorer les dessertes de la zone centrale, Paris, qui concentre à elle seule 90 % des trajets en Île-de-France.
Le prolongement de la ligne 14 au Nord, vers la mairie de Saint-Ouen, et les nouvelles possibilités d’interconnexions qu’il apporte, constitue dans ce cadre une réelle avancée.
La gare de la porte de Clichy doit être rénovée et agrandie pour accueillir la liaison METEOR, et pour organiser l’interconnexion avec le RER C.
Le futur tracé doit non seulement permettre d’améliorer la desserte de ce secteur très peuplé, mais également constituer le futur « poumon » du nouvel aménagement des terrains Clichy-Batignolles. Pas moins de 25 000 personnes viendront, à terme, vivre et travailler dans ce secteur. Ce projet constitue l’une des dernières opportunités d’aménagement foncier dans Paris intra-muros et va permettre de « recoudre » le territoire, en reliant la plaine Monceau aux Batignolles et aux Épinettes.
Sur cet emplacement, le plus grand « éco-quartier » de Paris doit voir le jour : un parc de dix hectares, 3 000 logements, des équipements scolaires, des commerces, des bureaux et, bien sûr, la future cité judiciaire annoncée par le Président de la République dans son discours sur le Grand Paris.
Les perspectives de développement autour de la future gare de la porte de Clichy sont donc très nombreuses. Ce secteur stratégique mérite assurément une volonté politique et une action forte des différents acteurs. Monsieur le secrétaire d’État, à plusieurs reprises, le maire du 17e arrondissement de Paris vous a fait part du souhait que ce territoire fasse l’objet d’une réflexion, menée notamment par les dix cabinets d’architectes, et soit pris en compte dans le cadre de la loi.
Dans la continuité de ce qui a déjà été engagé, je demande donc solennellement aujourd’hui qu’un contrat de développement territorial soit conclu entre l’État et la Ville de Paris, et ce dès l’entrée en vigueur de la présente loi, dans les conditions énoncées à l’article 18. Je souhaite également attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité d’associer pleinement la municipalité et la mairie d’arrondissement à la réalisation de ce projet de grande ampleur, qui transformera en profondeur le visage du 17e arrondissement.
Le second point que je souhaite mettre en valeur concerne les métiers de l’artisanat d’art et de la création.
En effet, au sein des huit grands pôles d’activité définis dans le projet, figure, sur le secteur de la Plaine Saint-Denis, l’implantation et le développement d’un « territoire de la création ».
Ce pôle, qui s’appuiera sur le très riche « tissu » existant d’entreprises, d’artistes et de créateurs, ambitionne de devenir une référence mondiale de l’innovation, sur des secteurs porteurs de croissance et d’attractivité, comme les nouvelles technologies ou les industries du divertissement.
Parallèlement à ce cluster de la création high-tech, les travaux engagés par la mission territoriale ont également permis d’identifier les nombreux savoir-faire traditionnels qui existent sur ce territoire et qu’il convient de fédérer.
Ainsi, il nous faut encourager la création d’un centre de l’artisanat d’art sur « l’îlot du cygne » au cœur de la ville de Saint-Denis. La réhabilitation de cet espace de 6 000 mètres carrés, situé en plein centre historique, permettra de développer la vocation économique et touristique de ce territoire. Ce centre favorisera également l’emploi et l’insertion professionnelle des jeunes avec, par exemple, la transmission de métiers rares comme ceux du bronze.
Je soutiens également le projet de modernisation des puces de Saint-Ouen autour des métiers de la restauration et de la création contemporaine. La rénovation de ce lieu emblématique, autour d’une « résidence d’artistes » et d’un centre de la création, où pourront collaborer les designers et les étudiants de l’école des Beaux-arts de Saint-Ouen, est tout à fait souhaitable.
Ces projets très concrets démontrent assurément l’utilité du Grand Paris et sa valeur ajoutée en tant que catalyseur d’énergies autour de réalités bien tangibles sur nos territoires, en faveur de l’emploi, de la formation de nos jeunes ou encore de la culture. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous présenter de façon plus approfondie les perspectives de développement de ce pôle de la création et le calendrier prévisionnel de leur mise en œuvre ?
Pour conclure, ce texte ambitieux exploite parfaitement les atouts existants du territoire francilien et les place dans une perspective de développement équilibré, rationnel et durable. Il répond efficacement à la vision dynamique exprimée par le Président de la République, pour notre capitale, pour la région d’Île-de-France et pour notre pays. Je lui apporterai donc tout mon soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme Catherine Tasca. C’est du violon !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (M. Hervé Maurey applaudit.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’analyse de ce texte primordial, largement amélioré par les travaux de la commission spéciale et par ceux de notre collègue rapporteur Jean-Pierre Fourcade, m’inspire une appréciation positive.
Ce projet de loi est la première pierre d’un édifice ambitieux sur le long terme, non seulement parce qu’il tente de projeter Paris au rang des grandes métropoles mondiales, mais aussi parce que le futur Grand Paris transcende les frontières de l’actuelle « agglomération parisienne » ou de la région d’Île-de-France.
Si la finalité de ce texte est ambitieuse, les dispositions sur lesquelles nous allons débattre sont en revanche plus pragmatiques : elles prévoient la création d’un réseau de transports reliant les espaces périphériques entre eux et le développement d’un pôle scientifique d’ampleur inégalée à Saclay. Ces deux projets structurants forment l’armature sur laquelle reposeront les autres projets économiques, politiques et humains ; en découlent les autres dispositions largement commentées par mes collègues Yves Pozzo di Borgo et Denis Badré, je ne m’y attarderai donc pas : la création de la Société du Grand Paris, de l’établissement de Paris-Saclay et les contrats de développement territorial. Je les vois essentiellement comme autant d’outils juridiques et de gouvernance, servant l’efficacité de la mise en œuvre des deux projets.
Si je trouve la structure du projet de loi satisfaisante, je souhaiterais cependant attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur l’une de ses faiblesses actuelles.
En termes géographiques, avec mes collègues du groupe de l’Union centriste Jean-Léonce Dupont et Hervé Maurey, je suis vigilante à la manière dont le Grand Paris est amené à s’ouvrir sur la Normandie, afin de bénéficier d’une « façade maritime » voulue par le Président de la République. (Mme Dominique Voynet s’exclame.)
« À son désavantage, la capitale française est continentale », remarquait Fernand Braudel dans L’identité de la France. Il est certain que, si la métropole parisienne veut rester demain dans le peloton restreint des métropoles de rang mondial, elle doit se donner les moyens de maîtriser la puissance des flux commerciaux : cette volonté lui commande de se connecter à sa façade maritime.
Voilà pourquoi, en tant que Normande, j’ai été surprise, ainsi que plusieurs de mes collègues, de l’absence de référence à cette façade maritime dans le projet de loi initial. Le travail réalisé par la commission spéciale, et notamment l’apport de mon collègue de Seine-Maritime Charles Revet, a heureusement permis de soulever certaines questions, dont celle de la liaison entre Paris et la Normandie, tant pour le transport à grande vitesse de voyageurs…
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Catherine Morin-Desailly. … que pour le transport multimodal de marchandises à partir du Havre. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen de l’article 2.
La réflexion sur le Grand Paris, monsieur le secrétaire d’État, doit absolument rejoindre la réflexion menée aujourd’hui par les deux Normandies. Je rappelle d’ailleurs que l’autre ambition lancée par le Président de la République lui-même était bien la réunification de ces deux mini-régions, arbitrairement séparées au début des années 1950. En effet, si la Seine est bien une artère stratégique de ce projet, n’oublions pas qu’elle se jette dans la mer en Haute-Normandie et en Basse-Normandie.
Le projet Seine Métropole, fort intéressant, ne saurait ainsi se résumer à envisager le fleuve comme un simple couloir de transit des marchandises et des savoirs vers le Havre, ni à faire de la Seine-Maritime, et, du coup, l’ensemble de notre région, la banlieue périphérique de la capitale.
Le « grand pari », sans « s », pour reprendre la formule d’Antoine Grumbach, doit reposer sur la mobilisation de tous les acteurs. Celle-ci permettra non seulement de développer l’axe de la Seine autour d’un projet éco-responsable qui concernera les deux ports maritimes de Rouen et du Havre, mais aussi de valoriser les atouts d’une Normandie réunifiée autour du réseau Rouen-Caen-Le Havre. Ainsi, des projets d’envergure, comme la ligne ferroviaire pour le TGV normand, pourront être réalisés. Avec le Grand Paris, c’est tout autant le développement stratégique de ce territoire, dans toutes ses dimensions – transports, économie, universités, culture... – qu’il faudra prendre en compte.
Sur ces questions, les Normands sont déterminés à ne pas laisser passer cette opportunité, de même qu’ils sont résolus à ce que tous les atouts de nos ports soient exploités : après la crise, lorsque la mondialisation sera relancée, ceux-ci sont amenés constituer une porte d’entrée majeure de l’Europe, concurrente des ports hanséatiques.
Pour nous, le Grand Paris, vous l’aurez compris, appelle la grande Normandie et réciproquement ! Celle-ci, croyez-le bien, a beaucoup à apporter, elle aussi, au développement du territoire francilien en termes d’opportunités.
Pour être une bonne locomotive de l’économie française et européenne, monsieur le secrétaire d’État, le Grand Paris doit accrocher le plus grand nombre de wagons. Nous ne doutons pas que vous y serez particulièrement vigilant ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Angels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Angels. Monsieur le secrétaire d’État, votre projet de loi est démocratiquement inquiétant. (M. Nicolas About s’exclame.) Il marque un stupéfiant recul de la décentralisation. Avec le Grand Paris, vous tournez le dos à plus de trente années de progression des libertés locales : aucune concertation avec les élus locaux, les habitants, le conseil régional !
M. Charles Gautier. Tout à fait !
M. Bernard Angels. Pour vous, « l’organisation de la République est décentralisée », sauf en Île-de-France !
M. Jean-Pierre Caffet. Et encore !
M. Bernard Angels. Votre projet est financièrement hasardeux : en dépit de vos efforts, vous n’arrivez toujours pas à nous présenter des pistes de financement crédibles.
M. Bernard Angels. Certes, vous annoncez, comme à votre habitude, la création de nouvelles taxes, mais nous ne savons toujours pas comment vous parviendrez à rembourser les 21 ou 25 milliards d’euros dont vous avez besoin.
Je voudrais surtout vous convaincre que votre projet est aussi, et c’est là le plus préoccupant, socialement et territorialement injuste.
Vous prétendez promouvoir le développement et le rayonnement de la région-capitale, mais vous ignorez les outils de cohésion sociale et territoriale que des élus légitimes ont patiemment élaborés : je veux parler, bien évidemment du schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF, et du plan de mobilisation des transports. Ces documents sont le fruit d’un travail de longue haleine et d’une réelle concertation entre la région, les autres collectivités locales et les Franciliens. Ils ont été largement approuvés par les électeurs, voilà quelques semaines !
Le SDRIF, que le Gouvernement n’a toujours pas transmis au Conseil d’État, veut promouvoir un aménagement du territoire francilien plus harmonieux et plus cohérent. Il veut contribuer à résorber les inégalités sociales et territoriales et mettre notre région à l’heure du développement durable. Plutôt que d’attendre d’hypothétiques retombées résultant de la mise en place d’un réseau de transports à l’horizon des années 2020, le SDRIF fixe des objectifs concrets : la construction de 60 000 logements par an pendant 25 ans et, à terme, un taux de 30 % de logement locatif social.
Quant au plan de mobilisation des transports, il a l’ambition de rattraper le retard accumulé ces trente dernières années, alors que l’État avait la responsabilité des transports en Île-de-France. Pour y parvenir, la région et l’ensemble des départements franciliens ont su s’accorder sur le financement de ce plan, mais vous n’en tenez pas compte. Pis encore, vous dépouillez le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, auquel vous aviez pourtant transféré la gestion des transports franciliens il y a six ans !
En ignorant les orientations définies par le conseil régional, le Gouvernement bloque un processus de développement mûrement réfléchi et méprise, par la même occasion, la voix des Franciliens, qui ont été consultés pour son élaboration.
Vous prétendez faire du réseau de transports en Île-de-France un levier pour le développement de la région, mais vous négligez le quotidien et l’urgent : l’amélioration des infrastructures existantes et le renforcement des premiers pôles d’attractivité.
Il est indispensable de commencer par améliorer les conditions actuelles de mobilité des personnes et vous savez que les attentes sont fortes dans ce domaine. L’amélioration du réseau de la grande couronne et celle des liaisons de banlieue à banlieue, voilà une priorité absolue ! Vous faites semblant de l’ignorer.
Dans le département du Val-d’Oise, l’ensemble des élus souhaitent vivement la réalisation du barreau ferroviaire de Gonesse, qui permettrait de relier les lignes D et B du RER. Nous voulons également une liaison structurante entre Cergy et le pôle aéroportuaire de Roissy, car il s’agit là d’un axe stratégique joignant le nord-ouest et le nord-est de l’Île-de-France. Que faites-vous pour cela ?
Nous préconisons la création d’une liaison entre une gare parisienne et la gare TGV Roissy-Charles-de-Gaulle, porte d’ouverture sur le monde. Nous voulons développer le fret fluvial, entre la confluence Seine-Oise et le futur canal à grand gabarit Seine-Europe. Que prévoyez-vous pour faire émerger ces projets d’avenir ?
Votre projet de loi se veut prospectif et stratégique, mais il délaisse l’urgent et le quotidien. Pis encore, il passe sous silence plusieurs millions d’habitants de la région d’Île-de-France. Je ne prendrai qu’un exemple, celui de mon département, le Val-d’Oise, qui est foncièrement ignoré. (Mme Françoise Laborde opine.)
Votre projet se veut englobant et cohérent. Or le projet de métro automatique ne concerne qu’une partie restreinte de la population active censée rejoindre rapidement des pôles de développement économique, dont certains n’existent pas encore. Que faites-vous de l’autre partie ? Et que faites-vous du Val-d’Oise, qui est le grand oublié du projet de loi ?
D’une part, le projet de création d’une ligne de métro automatique en double boucle ne prévoit pas l’irrigation par ce réseau du Val-d’Oise. Excepté au départ de Roissy-en-France, aucune gare n’est située dans le département. Or vous prétendez que ce projet a vocation à remédier aux inégalités territoriales et, donc, à l’enclavement de nombreuses zones franciliennes telles que la Seine-Saint-Denis et le sud du Val-d’Oise.
D’autre part, le Val-d’Oise risque de se voir scindé en deux : une partie serait valorisée car rattachée au Grand Paris au niveau d’Argenteuil-Bezons et profitant de l’aire d’influence de La Défense, ainsi que de la proximité de la zone de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, et une partie serait laissée à l’écart. Comment expliquez-vous que des gens qui habitent à Sarcelles, Villiers-le-Bel, Garges-lès-Gonesse soient obligés de passer par la gare du Nord pour aller travailler à Roissy ?
M. Jean-Pierre Caffet. Exact !
M. Bernard Angels. Pourquoi condamnez-vous les habitants de l’est du Val-d’Oise à subir les nuisances de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle sans jamais leur faire bénéficier des avantages ?
M. Jean Desessard. Il faut un vol gratuit !
M. Alain Gournac. Que fait le STIF ?
M. Bernard Angels. Je ne crois pas, en effet, que le Grand Paris puisse se passer d’un département qui compte 1,2 million d’habitants et dont la population, qui est la plus jeune de France, connaît une croissance démographique continue, supérieure à la moyenne de l’Île-de-France.
Je ne crois pas que le Grand Paris puisse se passer d’un département compétitif et dynamique, qui dispose d’un aéroport international.
Je ne crois pas que le Grand Paris puisse faire l’impasse sur un département qui est aussi un pôle touristique unique, avec l’abbaye de Royaumont, le château de la Roche-Guyon, le musée Van Gogh, le musée national de la Renaissance à Écouen, etc.
Le Val-d’Oise a largement contribué au dynamisme de la région : il est pourtant le parent pauvre de votre projet.
Je me résume en deux phrases. Faire un Grand Paris sans écouter la région, c’est absurde ! Faire un Grand Paris sans intégrer le Val-d’Oise, c’est impensable !
Monsieur le secrétaire d’État, ce projet est une grande déception pour les élus de mon département. Il est grand temps de les associer étroitement à votre démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Ah ! Monsieur Dominati, pourquoi l’État intervient-il ?
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tous les présidents de la Ve République se sont impliqués dans le développement de la capitale, mais c’est le Président Giscard d’Estaing qui a réconcilié Paris avec la France en modifiant le statut de la ville afin de permettre, pour la première fois depuis des siècles, l’élection d’un maire. Il faut aussi noter que, sous sa présidence, nous avons procédé aux premières élections des conseils régionaux au suffrage universel.
Le Président Mitterrand, dans un premier temps, a manifesté sa méfiance en voulant morceler la ville en vingt communes autonomes.
Un sénateur socialiste. C’était une erreur !
M. Philippe Dominati. Puis, devant l’indignation des Parisiens et la fronde du Sénat, il a modifié son projet pour associer le statut de la capitale avec celui de Lyon et de Marseille.
M. le président. C’était également une erreur ! (Sourires.)
M. Philippe Dominati. Le Président Chirac, par son accession à la magistrature suprême, alors qu’il était maire de Paris et député de la Corrèze, a démontré que la France n’avait plus rien à craindre de la ville de Paris et que celle-ci était essentielle à la croissance et à la prospérité de notre pays.
Aussi, quand le Président Nicolas Sarkozy, dès le début de son mandat, s’est engagé à développer son projet du Grand Paris, il a répondu à l’ambition de modernité et de dynamisme qui est nécessaire pour une métropole mondiale ayant perdu un peu de son éclat et il avait l’assurance de devoir convaincre pour vaincre les réticences de ses adversaires et de ses amis.
M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas gagné !
M. Philippe Dominati. Son projet suscite beaucoup d’espérances et il semble logique que l’on cherche tout d’abord à en établir les fondations en définissant le périmètre du territoire des populations concernées, la gouvernance qui mettra fin au morcellement provoqué par la multitude des collectivités territoriales, mais qui tiendra de la légitimité électorale, et enfin les caractéristiques du budget alloué à cette collectivité.
Je vous rappelle que le Gouvernement défend cette ambition pour l’ensemble du territoire national avec la réforme des collectivités territoriales, que je soutiens sans réserve, mais qui, malheureusement, ne s’applique pas à Paris dans le texte voté par le Sénat, au prétexte que ces dispositions seront abordées dans le projet de loi relatif au Grand Paris.
Or, malgré l’engagement du Gouvernement, ce projet de loi ne traite aucun des sujets qui sont pourtant incontournables pour donner du crédit et une légitimité à une telle ambition. Le texte proposé ne répond pas à l’exigence politique. Il s’agit d’un texte technique tendant à organiser l’engagement de l’État essentiellement dans deux domaines : les transports collectifs et la recherche scientifique, plus particulièrement sur le plateau de Saclay.
Faute de temps, je consacrerai l’essentiel de mon intervention aux articles concernant les transports collectifs.
J’observe tout d’abord qu’une très forte majorité, dont je ne fais pas partie, associant le Gouvernement, de nombreux membres de la majorité et la totalité de l’opposition (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.) souhaite maintenir coûte que coûte le système qui est en place depuis 1945. Ce système, qui constitue une exception en France, en Europe et qui n’est pratiqué dans aucune des villes-monde que nous évoquons, c’est le monopole exclusif de l’État sur les transports collectifs, pour les uns, au nom de la défense du service public et, pour les autres, au nom de l’efficacité centralisatrice ou du maintien de la paix sociale.
Pourtant, le président de la SNCF, que nous avons récemment reçu à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, nous a fait part de la réussite incontestable de la réforme des transports régionaux. Dans toutes les régions, même celles où des difficultés de gestion demeurent, tous les acteurs se sont appropriés cette réforme et sont satisfaits. Toutes les régions… sauf une, celle où l’État veut assumer un rôle par le monopole de ses sociétés publiques ! Cela a valu au Parisien que je suis de voir évoqués dans la presse locale des incidents pendant 142 jours durant l’année 2009.
Le Gouvernement a même demandé à Bruxelles une dérogation pour prolonger la durée du monopole public et vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, la création d’un quatrième établissement public pour résoudre les problèmes que les trois premiers n’arrivent plus à régler.
C’est le choix du Gouvernement et, puisque celui-ci veut agir, il convient tout d’abord d’apprécier s’il s’en donne les moyens.
Avec une dotation initiale de 4 milliards d’euros, vous souhaitez dans un premier temps emprunter plus d’une vingtaine de milliards d’euros d’ici à 2025 pour réaliser le projet du Grand Paris.
Je voudrais vous faire part d’une observation générale, compte tenu de l’état de nos finances publiques. La multiplication des montages de ce type peut permettre à l’État de masquer sa dépendance à l’endettement, qui est de plus en plus mal acceptée par nos concitoyens. (M. Jacques Mahéas opine.) Finalement, sur le plan financier et à quelques unités près, le projet du Grand Paris est un second grand emprunt, décidé quelques semaines après celui qui a été voté par le Sénat en ce début d’année.
Ce schéma est classique. Les pouvoirs publics agissent ainsi depuis trente ans : un capital initial faible, un endettement fort, des ressources induites aléatoires et des frais de fonctionnement générés. Pour le projet qui nous intéresse, ces derniers seront de l’ordre de 7 milliards d’euros.
Il pourrait être utile de rappeler que les engagements de l’État en matière de transports publics en Île-de-France sont rarement tenus, car les estimations financières sont systématiquement dépassées. Cette situation n’est pas anormale tant il est difficile de réaliser des infrastructures en milieu urbain.
En 1992, pour le projet EOLE, les prévisions furent de 950 millions d’euros et il a fallu abandonner la seconde partie du tracé, qui est aujourd’hui reprise, car le montant final atteignait 1,2 milliard d’euros. En 1989, pour le projet METEOR, les prévisions furent établies à 670 millions d’euros, pour des coûts qui dépassèrent finalement 1 milliard d’euros. Lors des auditions de la commission spéciale, le représentant d’une société nous a indiqué que, pour un projet du même type à Hong Kong, les coûts avaient atteint 500 millions d’euros par kilomètre.
Nous percevons donc bien les incertitudes et la complexité que suscitent les transports publics en Île-de-France et il semble souhaitable qu’une vision d’ensemble, inspirée du rapport de M. Gilles Carrez, puisse au préalable en définir les modalités.
En outre, je note que les Franciliens et les entreprises qui les emploient seront à terme sollicités, d’autant que la victoire du candidat socialiste aux dernières élections régionales, avec la redéfinition des zones et les dérogations diverses, se traduira par une augmentation de leur participation.
Monsieur le secrétaire d’État, tout cela m’amène, comme un grand nombre de mes collègues, à vous demander de préciser les engagements de l’État concernant la modernisation et la mise à niveau du réseau existant.
M. Jean-Pierre Caffet. Très bonne question !
M. Philippe Dominati. Le président de la SNCF, pour sa part, estime à 4 milliards d’euros les seuls frais de fonctionnement pour les dix prochaines années. Or la SNCF n’assure qu’un quart du trafic francilien…
Il faudra aussi que nous comprenions l’articulation et la coordination avec le projet Arc Express pour l’est de l’agglomération.
Par ailleurs, si l’État a réussi, avec Roissy-Charles-de-Gaulle, la construction et le développement du plus grand aéroport continental en Europe, il faut combler l’oubli de n’avoir relié cet aéroport international qu’avec le centre de l’agglomération. Après des années d’études, la liaison entre l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle et Paris Est a été initiée et il apparaît clairement qu’elle est incompatible avec le projet de double boucle. Il va falloir renoncer. Le Gouvernement doit faire preuve de clarté sur ce point. C’est son devoir !
Enfin, je constate que rien n’est prévu pour renforcer les infrastructures du cœur de Paris, alors que toutes les études nous conduisent à conclure que, si le nouveau réseau connaît le succès que nous lui souhaitons tous, il entraînera inéluctablement un accroissement très fort sur le barreau central. Or cet accroissement ne peut être absorbé par les infrastructures existantes.
En projetant sa vision d’un Grand Paris, le Président de la République a suscité beaucoup d’espoir, un espoir partagé par les Parisiens, les Franciliens et les habitants du bassin parisien.
Pour votre part, monsieur le secrétaire d’État, vous avez eu la mission d’animer les débats et parfois, faute de débats, la réflexion. Votre projet concerne la prospective ; c’est le projet d’un visionnaire et il est difficilement compatible avec les exigences du quotidien.
Vous l’avez compris, j’aurais préféré que ce premier projet de loi soit un élément fondateur et déterminant du Grand Paris, mais, s’il nous faut commencer par la technicité administrative qui consiste à créer deux établissements publics, alors avançons… Ces établissements seront les outils du Gouvernement et nul ne doute, compte tenu de la durée des projets entrepris, qu’ils évolueront.
Bien que perplexe par rapport à la méthode employée, je préfère l’action à l’immobilisme et, tout au long de ce débat, j’essaierai de vous convaincre, ainsi que mes collègues, des corrections qui me semblent nécessaires pour une évolution moderne et contemporaine de notre ville-monde. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Payet et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les sénateurs, le Vrai, le Beau, le Grand... et même le Juste ! Le Président de la République n’était pas à court de superlatifs pour son discours du 29 avril 2009 sur le Grand Paris,…
M. Charles Revet. Et il avait raison !
Mme Dominique Voynet. … allant jusqu’à convoquer Victor Hugo.
On allait mélanger, unir et recréer du lien social. On allait refaire de la ville, de la citoyenneté et de la solidarité. On allait inventer la ville durable, celle de l’après-Kyoto, une ville qui ne rognerait plus sur la nature. On annonçait la fin des zones urbaines sensibles et de la discrimination sociale. Et puis – promis, craché – la réflexion des architectes et des urbanistes serait le point de départ du projet.
Avec un tel programme, il était certain, à l’approche des élections régionales de mars 2010, que les candidats UMP au conseil régional d’Île-de-France n’auraient qu’à prononcer ces quelques mots – le Grand Paris ! – pour emporter l’adhésion des Franciliens et la majorité dans les urnes.
M. Jean-Pierre Caffet. Quelle naïveté !
Mme Dominique Voynet. Pourtant, cette fois encore, il semble que le geste soit fort éloigné de la parole, sinon en contradiction avec elle.
Lors de votre prise de fonction en mai 2008, monsieur le secrétaire d’État, vous vous étiez engagé à présenter, à la fin de l’année 2009, un projet global pour l’avenir de la région-capitale. Nous y voilà ! Vous nous avez infligé un roboratif exposé, truffé de citations érudites, de Braudel à Allais, dont je retiens que votre conception de l’aménagement et du développement des territoires reste marquée par l’âge d’or de la DATAR, et les concepts que celle-ci défendait dans les années quatre-vingt.
M. Jean-Pierre Caffet. Exact !