Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Madame la sénatrice, votre question met l’accent sur la nécessité de disposer d’un ensemble cohérent de « briques de confiance » pour pouvoir profiter pleinement de la dématérialisation de certains documents.
Vous avez cité les bulletins de salaire, mais tous les justificatifs dématérialisés sont concernés, qu’il s’agisse des factures d’énergie ou de téléphone utilisées comme preuves de domicile, ou des relevés d’identité bancaires imprimables en ligne. Toutes les impressions papier de ces documents sont aujourd’hui juridiquement valables pour constituer un dossier administratif. Néanmoins, deux problèmes se posent et doivent être absolument résolus pour que l’ensemble des « briques de confiance » forme un tout cohérent.
Premier point, si l’on veut utiliser sous forme papier des justificatifs créés initialement sous forme électronique, comment garantir que l’impression papier par l’usager ne fait pas l’objet d’une altération frauduleuse ? C’est là un problème majeur.
Second point, si l’on procède à une démarche totalement électronique, comment les administrations peuvent-elles reconnaître directement les justificatifs sous forme dématérialisée en étant sûres que ces derniers n’ont pas fait l’objet de transformations frauduleuses ?
Sur le premier point, le secrétariat d’État travaille avec le ministère de l’intérieur et le ministère chargé de la réforme de l’État, ainsi qu’avec tous les acteurs concernés, à la définition d’une norme de code barre infalsifiable, imprimable sur les justificatifs et permettant de garantir leur authenticité. Il sera ainsi possible de vérifier qu’un document papier, qu’il s’agisse d’un original ou d’une impression réalisée par l’usager à partir d’un document numérique, contient bien des données authentiques.
Sur le second point, l’administration propose déjà à l’usager, avec le portail <mon.service-public.fr>, un compte en ligne personnalisé lui permettant d’effectuer toutes sortes de démarches dématérialisées avec différents services : les caisses de retraite, les URSSAF, les caisses d’allocation familiale, les caisses de sécurité sociale, etc. Il peut déjà joindre les différents justificatifs demandés sous forme dématérialisée, qu’il les ait reçus ainsi ou qu’il les ait scannés à partir d’une version papier. La liste des administrations accessibles à travers ce portail a bien sûr vocation à s’allonger.
En effet, de manière plus générale, dans un rapport remis en février dernier à Éric Woerth et à moi-même, le groupe d’experts sur les questions numériques, présidé par Franck Riester, a recommandé d’améliorer les relations numériques entre l’administration et les usagers. Ce rapport a mis en lumière ce que vous avez aussi souligné, madame la sénatrice, le réel désir des usagers de pouvoir mieux bénéficier de la dématérialisation et de voir se développer les téléprocédures.
Le site <mon.service-public.fr> propose déjà un coffre-fort électronique gratuit, dédié à des fins spécifiques puisqu’il est réservé aux échanges avec l’administration.
D’autres offres commerciales de coffre-fort électronique existent, gratuites ou payantes. Elles permettent aux internautes de stocker des documents dématérialisés et d’avoir différents échanges avec des partenaires publics ou privés, ce que n’offre pas aujourd’hui <mon.service-public.fr>. Les garanties proposées par ces offres commerciales sont d’ordre contractuel. Il est donc important que les utilisateurs choisissent des sociétés de confiance, capables de garantir la sécurité de leurs documents, ainsi que leur archivage sur le long terme ; je pense en particulier aux bulletins de salaire, qui doivent être archivés durant plusieurs décennies.
Un travail est mené pour parfaire ce système. La Fédération nationale des tiers de confiance, qui regroupe les experts-comptables, les greffiers des tribunaux de commerce et les huissiers de justice, ainsi que les principales sociétés intéressées par la dématérialisation et les sociétés de sécurité électronique, propose un label applicable aux coffres-forts électroniques. Ce label permet de distinguer les prestataires de confiance. Nous serons certainement amenés à en faire une plus grande publicité.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces explications extrêmement claires sur un sujet en constante évolution, et auquel nous devons accorder une grande attention.
Les questions que je soulève aujourd’hui m’ont été soumises par un certain nombre d’entreprises et d’administrations, à la suite des difficultés de mise en œuvre de la dématérialisation.
Comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, celle-ci est vivement souhaitée par nos concitoyens et, dans le cadre du développement durable, il apparaît effectivement utile de se pencher sur ces technologies nouvelles permettant d’économiser du papier. Toutefois, il faut, de toute évidence, apporter un certain nombre de garanties aux usagers.
inquiétudes concernant la filière aquacole
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 794, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Yannick Botrel. La situation actuelle de la filière aquacole est inquiétante. Le constat des organisations professionnelles fait état de données préoccupantes, pouvant conduire à la disparition de nombreux pisciculteurs.
La consommation de poisson en France a nettement progressé au cours des vingt dernières années, passant de 17 à 24 kilogrammes par an et par habitant. Or, s’agissant de l’élevage de poissons d’eau douce, en dix ans, la salmoniculture française a perdu 20 % de sa production, 27 % de ses sites et 35 % de ses emplois. En effet, cette filière est directement victime d’une distorsion de concurrence, en particulier par rapport à des pays situés hors de la Communauté européenne.
Je tiens à rappeler que la balance commerciale de la France concernant le poisson est déficitaire de l’ordre de 1,6 milliard d’euros par an et que ce déficit ne cesse de se creuser. De fait, les produits d’importation envahissent les étals alors même que, souvent, ils ne réunissent pas les critères de qualité sanitaire des produits français.
Des poissons tels que le panga ou le tilapia, provenant généralement d’Asie ou d’Afrique et vendus décongelés, arrivent en masse en Europe et déstabilisent le marché avec des prix de commercialisation bas. Il ne fait pas de doute que les deux grandes régions de production de salmonidés que sont la Bretagne et l’Aquitaine subissent très fortement cette pression.
L’une des sources de distorsion vient de l’absence de différenciation à l’étal entre les produits frais et les produits décongelés. En effet, les produits réfrigérés sont parfois décongelés quelques heures avant d’être mis à la disposition des consommateurs. Sans mention particulière les distinguant, ces poissons dégivrés, une fois placés sur les comptoirs, sont en grande partie indiscernables par rapport aux produits n’ayant subi aucun processus de congélation. Les consommateurs ont pourtant le droit d’être pleinement informés à cet égard, afin de faire leur choix en connaissance de cause. Au-delà même de l’étiquetage, je crois que les produits frais et les produits dégivrés devraient être placés très séparément sur les étalages.
Avec un marché de 140 000 tonnes de poisson frais vendues en 2009, les éleveurs français devraient pouvoir disposer d’une lisibilité économique fiable. La filière a su développer des critères de durabilité et les écoles d’agriculture forment les producteurs de demain. Néanmoins, l’aquaculture d’eau douce est en déclin.
Quelles mesures et quelle politique volontariste le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche compte-t-il proposer, à l’échelle européenne, afin que les pisciculteurs français et, plus largement, ceux des États membres retrouvent des perspectives et un avenir pour leur production ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, je tiens avant tout à excuser Bruno Le Maire, qui est aujourd’hui en déplacement dans l’Essonne avec le Président de la République.
Alors que la France dispose, avec ses 5 500 kilomètres de côtes et ses collectivités d’outre-mer, d’un potentiel exceptionnel en matière d’aquaculture et que la demande des consommateurs en poissons, crustacés et coquillages est en constante augmentation, son secteur aquacole peine à se développer. C’est ainsi que, comme vous l’avez rappelé, monsieur Botrel, notre balance commerciale en produits de la pêche et de l’aquaculture est déficitaire.
Pour remédier à cette situation, le Gouvernement a pris plusieurs initiatives.
Dès le mois de juin 2008, la France a soumis à ses partenaires européens un mémorandum pour le développement de l’aquaculture européenne ; dix-sept d’entre eux ont déjà signé. Depuis lors, en avril 2009, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie pour le développement durable de l’aquaculture européenne, suivie, en juin 2009, de l’adoption à l’unanimité par le Conseil de conclusions en faveur du développement d’une aquaculture durable.
C’est avec ce même objectif que le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche défendra, dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la création de schémas régionaux de l’aquaculture marine. Ceux-ci auront notamment pour objet d’identifier les sites existants propices au développement de cette activité et, bien sûr, de faciliter ce développement.
Monsieur le sénateur, vous avez également évoqué le scandale que constitue la vente, dans des conditions trompeuses, de certains produits dégivrés.
La vente des produits d’importation décongelés au rayon frais entraîne effectivement de réelles distorsions de concurrence. C’est pourquoi des consignes ont été données aux agents de contrôle afin qu’ils accordent, dans tous les points de distribution, une attention toute particulière au respect de l’étiquetage et à l’origine des produits décongelés. II est important d’assurer une information claire et précise du consommateur.
En outre, je transmettrai à M. Bruno Le Maire votre demande particulière quant à une présentation séparée de ces produits dégivrés et des produits frais.
Enfin, pour orienter les choix du consommateur vers les produits frais et originaires de nos régions et faire en sorte que celui-ci soit correctement informé quant à la fraîcheur et à l’origine des produits, le Comité interprofessionnel des produits de l’aquaculture lancera très prochainement, avec l’aide de FranceAgriMer, une campagne nationale de promotion.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Je tiens tout d’abord à vous remercier, madame la secrétaire d’État, de m’avoir apporté un certain nombre d’éléments de réponse importants et intéressants.
M. le ministre de l’agriculture, s’exprimant récemment sur le sujet devant la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, avait lui-même fait état du déficit extrêmement important de la balance commerciale en matière de production piscicole.
Je note que, si j’avais beaucoup insisté dans mon intervention sur l’aquaculture d’eau douce, vous n’avez pas, madame la secrétaire d’État, explicitement évoqué ce thème dans votre réponse. Or c’est bien celui sur lequel je souhaitais tout particulièrement attirer l’attention ce matin.
M. le ministre de l’agriculture a certes pris conscience des difficultés rencontrées par le secteur de l’aquaculture marine. Mais il ne faudrait pas que, dans la réflexion globale engagée par le Gouvernement, l’aquaculture d’eau douce soit oubliée, car des mesures doivent aussi être prises à son égard.
regroupement des tribunaux d'instance parisiens dans la future cité judiciaire des batignolles
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 791, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le garde des sceaux, je voudrais attirer votre attention sur l’éventuel regroupement des tribunaux d’instance parisiens dans la future cité judiciaire des Batignolles, qui n’a pas encore vu le jour, mais dont la création est programmée.
Ce regroupement des tribunaux d’instance a été annoncé dans le courant du mois de janvier par le premier président de la cour d’appel. Je précise qu’à aucun moment il n’a été évoqué lors de l’établissement de la nouvelle carte judiciaire et qu’il n’a jamais été question, dans les déclarations de la ministre de la justice de l’époque, d’une suppression des tribunaux d’instance parisiens.
Cela dit, à aucun moment non plus, le Gouvernement, que j’ai interpellé à plusieurs reprises sur ce sujet, notamment lors de la discussion budgétaire, n’a apporté de réponse claire sur ce point.
Il est à noter que la majorité du Conseil de Paris s’est prononcée en faveur du maintien des tribunaux d’instance parisiens, structures de proximité utiles, notamment pour ceux qui sont en grande difficulté. Beaucoup craignent que ce regroupement ne soit synonyme de diminution de moyens, de déshumanisation des procédures, et ne porte ainsi un coup fatal à la justice de proximité, déjà bien mal en point.
On peut également s’interroger sur les conséquences d’un tel regroupement en termes de transport, car il signifierait que des lignes déjà surchargées assurent l’acheminement des 10 000 personnes travaillant à la cité judiciaire, sans parler des justiciables qui s’y rendront.
Pour toutes ces raisons, madame le garde des sceaux, je souhaiterais avoir des précisions sur les intentions de l’État en la matière et, en tout état de cause, sur l’engagement d’un processus de concertation. Celui-ci reste nécessaire dès lors qu’on prévoit de supprimer des tribunaux d’instance qui fonctionnent actuellement à plein régime.
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Borvo Cohen-Seat, votre question me permet de réaffirmer ce que j’ai déjà indiqué à plusieurs reprises, notamment devant les parlementaires et en particulier à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2010 : s’il est vrai que la réinstallation du tribunal de grande instance de Paris aux Batignolles a ouvert une réflexion sur le sort des tribunaux d’instance, à ce jour aucune décision n’est néanmoins prise à leur sujet.
La réflexion doit intégrer un certain nombre de données, notamment l’intérêt des justiciables, les aspects pratiques – notamment la question des transports, que vous avez mentionnée –, les capacités de mutualisation.
Trois hypothèses peuvent être envisagées. La première consiste à maintenir la situation actuelle, ce qui n’est pas forcément la meilleure solution. Le deuxième est le regroupement des différents tribunaux d’instance autour de quatre pôles. Enfin, la troisième porte effectivement sur la création d’une entité unique aux Batignolles ; cette solution permettrait de construire une très grande cité judiciaire, où les avocats eux-mêmes envisagent de s’implanter.
Quoi qu’il en soit, comme je l’ai toujours dit, la décision ne sera prise qu’après une concertation étroite avec les élus. C’est, pour moi, le gage d’un bon travail !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse et je vous sais gré, en particulier, d’avoir précisé que la décision n’était pas encore prise.
Je ne prétends pas que tout doit rester en l’état – je ne suis sûrement pas partisane de l’immobilisme généralisé ! –, mais je crois que le regroupement sur le site des Batignolles poserait beaucoup de problèmes.
Paris n’est certes pas un département comme les autres, ne serait-ce que par sa faible superficie et une certaine facilité des déplacements. Il reste que le nombre des affaires que les tribunaux d’instance ont à traiter – notamment les tutelles et curatelles, les injonctions de payer, les ordonnances sur requête et les élections professionnelles – est énorme. Dès lors, le choix de regrouper l’ensemble de ces contentieux dans la cité judiciaire n’est pas a priori celui que je ferais.
Il faut absolument réfléchir aux questions de proximité et de commodité de déplacement, mais également offrir des structures « humaines ». Nous le savons très bien, les regroupements s’accompagnent souvent d’une diminution des moyens. En l’occurrence, ce seraient ceux qui sont affectés au traitement des affaires judiciaires courantes qui se trouveraient touchés.
Madame le garde des sceaux, les élus, en tant que représentants des citoyens, ont leur mot à dire, et je vous remercie de l’avoir rappelé.
De nombreux arguments, y compris en termes d’économies, plaident sans doute en faveur du regroupement, mais le résultat, me semble-t-il, ne serait pas du tout satisfaisant.
manque d'effectifs et dégradation des conditions de travail du tribunal de grande instance de pontoise
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, auteur de la question n° 800, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mme Raymonde Le Texier. Madame le garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur les conditions de travail du tribunal de grande instance de Pontoise. En effet, 11 postes de magistrats sur un effectif total de 65 et 40 postes de fonctionnaires sur 167 ne sont pas pourvus. Au tribunal pour enfants, il manque, depuis plusieurs mois, un quart des effectifs, magistrats et greffe confondus.
Les magistrats dénoncent la misère d’un service public qui n’est plus en mesure de répondre, dans des conditions normales, aux attentes des justiciables. Pour ces magistrats, qui ont des journées sans fin et des responsabilités importantes moyennant un salaire qui est loin de faire rêver, ne pas pouvoir remplir correctement leur mission de service public est source d’insatisfaction et d’inquiétude.
Mais je ne vous apprends rien, car la misère de la justice ne date pas d’hier, même si la situation atteint aujourd’hui un seuil dangereux et inédit pour la sérénité et l’efficacité de l’institution. La fronde qui a eu lieu lors de la rentrée solennelle du tribunal de grande instance de Pontoise en est la preuve. Par cette action, les magistrats ont voulu alerter les représentants du peuple que nous sommes sur la gravité de la situation.
Que l’État ne soit plus en mesure d’exercer, dans des conditions acceptables, une de ses fonctions régaliennes essentielles est déjà grave, qu’il ait été alerté et qu’il n’agisse pas pour remédier à la situation l’est davantage encore.
À Pontoise comme ailleurs, les limites de ce qui est acceptable au regard du respect dû aux professionnels, de l’organisation du travail, de la qualité du service et du traitement des justiciables sont déjà dépassées. Le déroulement du procès relatif à l’accident du Concorde aggrave encore la situation, car il mobilise des personnels en nombre important, qui font grandement défaut dans les services où ils sont normalement affectés. Or la qualité de notre justice, dont nous sommes comptables, dépend aussi des conditions de travail.
Madame le garde des sceaux, ma question n’a d’autre but que de vous solliciter afin que tous les postes du tribunal de Pontoise soient pourvus, chez les magistrats comme dans l’administration, dans les meilleurs délais. Quels engagements seriez-vous prête à prendre aujourd'hui pour que ce tribunal puisse travailler dans de bonnes conditions ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Le Texier, je veille plus que quiconque, et c’est bien normal, au bon fonctionnement de la justice et aux moyens dont elle dispose.
Vous l’avez dit, la justice souffre d’avoir été trop longtemps mise à l’écart des efforts qui ont été accomplis. Depuis quelques années, le mouvement s’inverse partout. Ainsi, l’effectif des magistrats localisé – c'est-à-dire les personnes en poste – au tribunal de grande instance de Pontoise, qui était de 57 en 2002, a été porté à 65 en février 2009, soit 8 emplois de magistrats créés en sept ans.
Certes, aujourd'hui, 2 postes de magistrats – et non 11, comme cela vous a été indiqué à tort – ne sont actuellement pas pourvus : un poste de juge d’instruction et un poste de juge en charge du tribunal d’instance de Gonesse.
Pour des raisons que j’ignore, nous avons des difficultés récurrentes à pourvoir ce dernier poste. Aussi ai-je décidé de l’inscrire sur la liste des postes offerts aux auditeurs sortant cette année de l’École nationale de la magistrature. Nous nous donnons ainsi enfin les moyens de résoudre les problèmes de ce tribunal.
Il faut en outre tenir compte des absences liées à des congés de maladie ou de maternité, comme dans tous les services de l’État. On ne peut donc, à cet égard, parler de « vacances » ; vous le savez, les juristes sont attachés à la précision des termes utilisés !
Pour pallier ces absences, une partie des treize magistrats placés auprès des chefs de la cour d’appel de Versailles a été déléguée au tribunal de Pontoise tout au long de l’année.
S’agissant spécifiquement du tribunal pour enfants, les effectifs localisés sont de 7 magistrats. Ils seront portés à 8 dans la localisation des emplois pour 2010.
Mes services étudient de surcroît avec la plus grande attention la demande de création de 2 emplois supplémentaires de magistrats placés à la cour d’appel de Versailles dans la circulaire de localisation de 2010.
Vous avez également évoqué la situation particulière liée l’ouverture du procès relatif à l’accident du Concorde. Les effectifs spécifiques des juges non spécialisés de la juridiction ont été augmentés de 2 magistrats supplémentaires. Ils seront à nouveau renforcés dès le deuxième trimestre de 2010 par la nomination d’un troisième juge supplémentaire.
Le tribunal de grande instance de Pontoise compte actuellement 165 agents dont 8 greffiers en chef, 74 greffiers, 5 secrétaires administratifs, 71 adjoints administratifs et 7 adjoints techniques.
À la suite des différentes commissions administratives paritaires du ministère de la justice de novembre 2009, un greffier en chef, un greffier et trois adjoints administratifs ont pris leurs fonctions le 1er mars 2010. Par ailleurs, l’arrivée, le 3 mai 2010, de quatre greffiers sortant de l’École nationale des greffes portera à 174 l’effectif de cette juridiction.
En outre, 6 postes supplémentaires de greffiers ont été inscrits à la commission administrative paritaire qui s’est réunie du 30 mars au 2 avril 2010.
Enfin, au titre de l’année 2010, le tribunal de grande instance de Pontoise pourra bénéficier de crédits vacataires délégués dans le cadre du budget opérationnel de programme de la Cour.
Madame la sénatrice, comme vous pouvez le constater, des efforts ont été accomplis depuis plusieurs années, efforts encore renforcés par les deux dernières commissions paritaires, afin d’augmenter les effectifs courants et ceux qui sont rendus nécessaires par la tenue du procès consécutif à l’accident du Concorde.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Madame la garde des sceaux, je vous remercie d’être venue en personne répondre à deux questions ce matin et de m’avoir apporté ces différentes précisions.
L’augmentation des effectifs de 2002 à 2009 est totalement justifiée par l’accroissement démographique d’un département qui est le plus jeune de France. Les jeunes prévenus y sont donc nécessairement plus nombreux. Or il est important de réduire le délai de leur prise en charge. Vous le savez, il est extrêmement fâcheux que les audiences soient surchargées et que les magistrats consacrent un temps trop court aux jeunes prévenus. Mieux vaut faire un rappel à la loi, fût-ce en prenant le temps de donner au jeune toutes les explications nécessaires, que de juger une affaire deux ou trois ans après les faits. (Mme la ministre d’État fait un signe d’acquiescement.)
En ce qui concerne les congés de maternité, je fais remarquer que la profession de magistrat se féminise. Le niveau des traitements des magistrats n’est d’ailleurs peut-être pas étranger à cette féminisation, et c’est là un constat doublement regrettable.
Quoi qu'il en soit, madame le garde des sceaux, je prends acte des éléments que vous m’avez fournis et qui me semblent a priori positifs. Il n’empêche que, à Pontoise, et sans doute aussi ailleurs, de nombreux magistrats travaillent 70 heures par semaine pour un salaire de 3 000 euros.
M. le président. Madame le garde des sceaux, je tiens à souligner que vous êtes, parmi les ministres régaliens, l’un de ceux qui s’attachent le plus à être présents dans cet hémicycle lors des séances de questions orales.
M. le président. Mes chers collègues, en attendant que M. Estrosi, ministre chargé de l'industrie, rejoigne l’hémicycle pour répondre aux questions suivantes, permettez-moi de saluer la présence dans les tribunes d’une classe de lycéens venant de Marseille.
insécurité juridique créée par les difficultés de fonctionnement du pôle emploi
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, auteur de la question n° 796, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Mme Françoise Cartron. Ma question concerne les graves difficultés de fonctionnement rencontrées par Pôle emploi et sur leurs conséquences néfastes pour les demandeurs d’emploi.
Issu de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, Pôle emploi a été créé afin d’offrir aux demandeurs d’emploi un service plus efficace et plus réactif. Deux ans après la mise en œuvre de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi, qui a instauré cet organisme unique, Pôle emploi rencontre toujours de très importantes difficultés de fonctionnement, dont l’impact sur les personnes privées d’emploi est parfois très grave.
Ainsi, dans le cadre du recrutement des agents recenseurs, les collectivités locales et les demandeurs d’emploi ont dû faire face à l’incapacité de Pôle emploi de donner des réponses claires et juridiquement assurées. C’est le cas en Gironde, où les demandeurs d’emploi recrutés par les mairies afin de procéder au recensement n’ont pu obtenir de réponse satisfaisante quant au seuil horaire de travail autorisé par l’administration sans perdre le bénéfice de l’allocation chômage.
Le plus souvent, les demandeurs d’emploi ne peuvent parvenir à joindre Pôle emploi en raison de standards téléphoniques saturés et du manque de personnel. En l’espèce, les collectivités territoriales et le centre de gestion de la fonction publique territoriale n’ont pu obtenir des renseignements plus précis qu’après plusieurs semaines.
Par ailleurs, les centres de gestion n’ont pas obtenu de réponse à leur demande de nomination d’un référent direct auprès de Pôle emploi.
Cette confusion dans l’organisation crée une insécurité juridique inacceptable pour les demandeurs d’emploi. Il leur est en effet impossible de connaître les conséquences financières exactes d’une reprise d’emploi ponctuelle.
Cette insécurité est augmentée par la diversité des réponses apportées par les agences de Pôle emploi sur le territoire. Il semble en effet que des règles de calcul différentes soient utilisées selon les départements, voire selon les interlocuteurs. C’est le cas, par exemple, pour la compensation versée aux agents recenseurs.
Dans un contexte de forte croissance du chômage, il est intolérable que la désorganisation de Pôle emploi conduise à décourager certains demandeurs d’emploi de reprendre une activité, même ponctuelle. En conséquence, je souhaite savoir quelles mesures seront prises pour remédier à ces difficultés de fonctionnement et pour faciliter les démarches tant des demandeurs d’emploi que des collectivités ou des entreprises désirant embaucher.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Madame le sénateur, soyons francs, avant que l’ANPE et les ASSEDIC ne fusionnent au sein de Pôle emploi, au début de l’année 2009, il existait une réelle étanchéité entre le volet indemnisation des ASSEDIC et le volet accompagnement de l’ANPE, ce qui était préjudiciable aux demandeurs d’emploi.
Il est vrai que la mise en place de Pôle emploi n’a pas pu régler instantanément l’ensemble des problèmes qui existaient en ce domaine. Mais une réelle progression du service aux usagers peut être soulignée.
En 2009, Christine Lagarde et Laurent Wauquiez ont fixé comme priorité à Pôle emploi d’accélérer les procédures d’inscription des demandeurs d’emploi et de réduire les délais d’indemnisation. Malgré les effets de la crise économique sur l’emploi, les objectifs d’inscription et d’indemnisation ont été atteints.
Pour 2010, la priorité pour Pôle emploi est d’accroître et d’approfondir son offre à destination des entreprises et des employeurs. Une série de nouveaux moyens est mise en œuvre, à savoir le renforcement de l’analyse sectorielle, la mise en place d’un numéro unique – le 3995 – pour les entreprises souhaitant déposer des offres et la mobilisation de la méthode de recrutement par simulation, notamment sur les métiers en tension.
Sachez, madame Cartron, que les dysfonctionnements qui ont pu être observés dans le cadre du recrutement d’agents recenseurs par les collectivités locales en Gironde démontrent l’importance qui s’attache à la mise en place d’une offre de service dédiée aux différents types d’employeurs susceptibles de se lancer dans des vagues d’embauches.
S’agissant du cumul entre des revenus d’activité et des indemnités chômage, la réglementation applicable est la suivante : le cumul emploi-chômage est possible à condition que l’emploi ne soit pas repris auprès de l’ancien employeur, qu’il ne dépasse pas le seuil 110 heures par mois et, enfin, que le salaire brut perçu n’excède pas 70 % du salaire antérieur ; si l’un de ces deux seuils est dépassé, l’allocation ne peut être versée.
Par ailleurs, la possibilité de cumuler un salaire et l’indemnisation chômage est limitée dans le temps à quinze mois. Au-delà de cette durée, il est loisible au demandeur d’emploi de solliciter auprès de Pôle emploi une nouvelle ouverture de droits à indemnisation sur la base de laquelle un nouveau calcul est effectué pour établir les droits à indemnisation.
Madame le sénateur, le Gouvernement continue de tout mettre en œuvre afin qu’un service plus simple et plus efficace soit rendu aux usagers, qu’il s’agisse des demandeurs d’emploi ou des employeurs.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Je prends acte de ce que le Gouvernement met tout en œuvre afin qu’un meilleur service soit rendu aux usagers, en particulier aux demandeurs d’emploi. Ce service doit en effet être amélioré et, en Gironde, malheureusement, l’actualité le prouve : dans ce département, Pôle emploi n’a pas pu verser les allocations chômage au mois de mars. Cette situation est apparemment due à un bug informatique. Il n’en demeure pas moins que de nombreux demandeurs d’emploi de Gironde se trouvent, en ce début de mois d’avril, en grande difficulté financière.
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