M. le président. La parole est à M. Roland Ries, sur l'article.
M. Roland Ries. La définition de la notion de mandatement a un impact direct et concret sur la sécurité juridique des services publics concernés, comme sur le rôle des autorités publiques chargées de les organiser.
Voilà pourquoi, loin d’être un simple ajustement technique, le contenu d’une telle définition est éminemment politique. Pour bien mesurer sa portée et mieux expliciter cette notion, nous avons souhaité le préciser dans cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 n’est pas adopté.)
Article 5
Les services sociaux auxquels des missions d’intérêt général sont imparties à des fins de protection sociale, de cohésion sociale, de solidarité nationale et de mise en œuvre des droits fondamentaux sont fournis conformément aux principes communs d’accès universel, d’accessibilité tarifaire, de continuité, de qualité et de protection des utilisateurs tels que définis à l’article premier du Protocole n° 26 sur les services d’intérêt général des traités de l’Union européenne et sur le fonctionnement de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, sur l'article.
M. Roland Ries. Cet article vise à inscrire dans la loi les principes définis dans le nouveau protocole sur les services d’intérêt général du traité de Lisbonne, à savoir l’accès universel, l’accessibilité tarifaire, la continuité, la qualité, et la protection des utilisateurs.
Contrairement à ce que le Gouvernement pourrait nous faire croire, rien n’empêche de reprendre ces principes en droit français afin de leur donner toute leur effectivité. Dans un espace européen de plus en plus intégré, la sécurisation de notre modèle social en général et de nos services sociaux en particulier passe nécessairement par leur mise en conformité avec le droit communautaire.
Le traité de Lisbonne nous procure de nouveaux outils en la matière et constitue une avancée. Alors, pourquoi ne pas l’utiliser ? Là encore, ne pas saisir les opportunités ainsi offertes pour protéger nos services sociaux relève d’un choix politique. C’est assurément le choix du Gouvernement, ce n’est pas celui du groupe socialiste !
M. le président. Chacun des articles de la proposition de loi ayant été rejeté, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble.
La proposition de loi est rejetée.
Mes chers collègues, il me semble important pour le bon fonctionnement du Sénat et pour la qualité de nos débats que les présidents de groupe s’assurent d’une présence suffisante en séance publique des membres de leur groupe afin que les votes aient lieu dans des conditions décentes, sans nous obliger à recourir à certains expédients, et que les discussions puissent s’achever dans des délais raisonnables et dans le respect de la prévisibilité chère au président Gérard Larcher.
C’est un point que nous aurons d'ailleurs l’occasion d’évoquer avec lui, et je profite de la présence du président de la commission des lois pour le souligner.
Je tenais à formuler cette remarque (Mme Janine Rozier applaudit.) sans acrimonie aucune envers qui que ce soit. Nous avons tous des contraintes ; c’est notamment le cas de ceux qui sont présents en séance, et on ne peut pas leur en vouloir d’être là !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
11
Renvoi pour avis
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles (n° 344, 2009-2010), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
12
Adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité
Rejet d'une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi autorisant l’adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, présentée par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 168, rapport n° 334).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Michel, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Michel, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai l’honneur, avec le groupe socialiste, de soumettre aujourd’hui à la discussion et à votre vote, que j’espère positif, répond à une seule question, comme l’a très bien dit le président de commission des lois : les couples pacsés peuvent-t-ils adopter comme le font les couples mariés ?
Je ne vais pas revenir sur les conditions de l’adoption par les couples mariés, tout le monde les connaît. La proposition de loi assimile tout simplement l’adoption par les couples pacsés à l’adoption par les couples mariés.
Pourquoi poser cette question aujourd’hui ?
Tout d’abord, à cause de l’évolution considérable du pacte civil de solidarité, le PACS, depuis dix ans.
En effet, cette forme d’union ouverte à tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, qui ne se substitue pas au mariage et qui n’a d’ailleurs pas empêché les mariages de continuer à exister, s’est installé tranquillement dans le paysage matrimonial français. Entre 2001 et 2008, années où les chiffres peuvent être connus, le nombre de PACS s’est envolé puisque, de 20 000, il est passé à 150 000, et qu’au surplus, en 2008, 94 % des PACS ont été conclus par des couples hétérosexuels. Cela est d’ailleurs tout à fait logique, compte tenu de la proportion des couples homosexuels dans l’ensemble de la société.
En même temps, le mariage reste la forme d’union majoritaire chez les Français puisque, en 2008, pour 273 000 mariages, il y a eu 146 000 PACS. Mais on sait aujourd’hui que la majorité des couples vivent non pas mariés mais pacsés ou en union libre sans que l’on puisse évidemment quantifier leur nombre. D’ailleurs, la majorité des enfants qui naissent chaque année sont issus de couples non mariés, qui ne sont que rarement pacsés, qui sont des couples sans statut, ce qui peut poser des problèmes par la suite.
Dès lors, le fait de permettre aux couples pacsés d’adopter comme les couples mariés tient, certes, à cette évolution du PACS, mais aussi à la nécessité de mettre fin à une inégalité, qui peut être vécue comme une discrimination faisant peser sur les couples pacsés une espèce de faute, comme s’ils n’avaient pas toutes les capacités pour accueillir en leur sein un enfant adopté. Or il faut remarquer qu’on ne dénie pas aux couples pacsés, notamment hétérosexuels, le droit d’avoir des enfants biologiques,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Aux autres non plus, mais ils ne peuvent pas en avoir !
M. Jean-Pierre Michel. … et c’est fort heureux. Cette adoption, bien entendu, comme c’est le cas pour toutes les adoptions, ne peut se faire que dans l’intérêt de l’enfant.
Monsieur le secrétaire d’État, à cet égard, vous me permettrez une digression dont vous ferez part à votre collègue chargé des affaires étrangères : un certain nombre d’entre nous ont reçu de très nombreux courriers électroniques concernant des enfants haïtiens et il semblerait que, en l’occurrence, l’intérêt de l’enfant, malgré l’action de notre ambassadeur en poste, n’ait pas été toujours été respecté.
La procédure applicable à l’adoption par les couples pacsés sera celle qui vaut pour l’adoption par les couples mariés. Il faut insister sur ce point, méconnu de l’opinion publique : l’adoption est un acte judiciaire prononcé par le tribunal, en général la première chambre du tribunal de grande instance ; le juge peut décider, en se référant au seul intérêt de l’enfant, de permettre à un couple d’adopter, selon les documents dont il dispose, notamment les enquêtes sociales qui sont diligentées par le conseil général mais qui n’autorisent pas l’adoption, même s’il faut auparavant une autorisation délivrée par le président du conseil général ou par la Mission d’adoption internationale pour les adoptions à l’étranger.
Je note d’ailleurs que l’intérêt de l’enfant est une notion qui est prise en compte pour les couples concubins puisque ceux-ci peuvent avoir des enfants par le biais de la PMA, la procréation médicalement assistée.
J’entends bien les critiques et les observations, selon lesquelles le PACS offrirait moins de garanties en termes de stabilité du couple que le mariage et, tout le monde est d’accord sur ce point, l’intérêt de l’enfant, indépendamment de la nature du couple ou de sa propre provenance – naturelle, par adoption, par procréation médicalement assistée –, est qu’il soit accueilli au sein d’un couple uni et stable, au sein d’une famille dans laquelle celui-ci pourra autant que possible vivre jusqu’à l’âge adulte.
Bien entendu, on ne peut jurer de rien… Mais les chiffres obtenus dans la durée, au cours des dix années d’existence du PACS, démontrent que ce dernier n’est pas incompatible avec la stabilité exigée par la venue d’un enfant et que sa souplesse ne l’a pas rendu plus fragile que le mariage. Ainsi, le taux de rupture des PACS conclus entre des hétérosexuels au bout de dix ans est très proche du taux de divorce après sept ans de mariage. Il atteint 18,9 % pour les pacsés et 18,2 % pour les personnes mariées.
En outre, s’agissant de l’adoption par des célibataires, qui sont d’ailleurs souvent de faux célibataires – je ne ferai pas de digression sur ce point, mais j’y reviendrai dans un instant, à l’occasion d’un rapide examen de la jurisprudence –, l’intérêt de l’enfant est apprécié par les tribunaux. Il peut être de l’intérêt de l’enfant d’être confié à une seule personne, et non à un couple, quel que soit, d’ailleurs, le statut de ce couple.
Donc, à la première question que j’ai posée tout à l’heure – faut-il permettre aujourd’hui aux couples pacsés d’adopter, comme peuvent le faire les couples mariés ? –, je réponds positivement. Oui, parce que le nombre de PACS est élevé ; oui, parce que les couples pacsés ont un engagement formalisé ; oui, parce que le taux de rupture du PACS n’est pas supérieur au taux de rupture du mariage, et que les couples pacsés offriraient aux enfants la même sécurité que les couples mariés. Ne pas le permettre constituerait une vraie discrimination, alors même que, comme je le disais à l’instant, les célibataires peuvent adopter.
La deuxième question qui se pose et que vous vous posez certainement, mes chers collègues, notamment vous, mesdames et messieurs les membres de la majorité, et singulièrement vous, mesdames, puisque ce sont surtout des femmes qui siègent actuellement sur les travées de l’UMP, est celle de savoir si les couples pacsés homosexuels peuvent adopter.
Voilà la grande interrogation ! On sait effectivement que le PACS ne fait aucune différence selon que les partenaires sont homosexuels ou hétérosexuels, et que, d’après la loi qui l’a créé, le même statut, les mêmes conditions, les mêmes droits, les mêmes devoirs s’appliquent aux uns et aux autres. Donc, il est vrai que, si l’on autorise l’adoption pour les couples pacsés hétérosexuels, on l’autorisera par là même pour les couples pacsés homosexuels.
Est-ce contraire à l’intérêt de l’enfant ? Bien entendu, cela se discute et les avis peuvent diverger sur ce point.
Toutefois, je vous renverrai, mes chers collègues, à la procédure elle-même. Comme je l’ai déjà dit, il reviendra au tribunal d’apprécier l’intérêt de l’enfant. C’est donc lui qui jugera si un couple homosexuel souhaitant adopter présente des garanties suffisantes afin de pouvoir le faire. Je rappelle à cet égard que le tribunal se prononce au cas par cas, in concreto et toujours dans l’intérêt de l’enfant. Il n’y a pas de droit à l’enfant ! En revanche, il y a un droit des enfants, qui est reconnu par la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a ratifiée.
D’ailleurs, je constate qu’en matière de parentalité par les couples pacsés la jurisprudence a évolué ces derniers temps. Je pense en particulier à deux décisions.
En 2008, la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg a fait un pas important en faveur de l’homoparentalité et a condamné la France pour discrimination, à la suite d’un refus d’agrément en vue d’adoption opposé par un conseil général à une femme célibataire qui se déclarait homosexuelle et vivant en couple. Dans la suite logique de cet arrêt, le 10 novembre 2009, le tribunal administratif de Besançon a ordonné, sous astreinte, au conseil général du Jura de délivrer dans un délai de quinze jours l’agrément d’adoption – ce qui a été fait – à cette femme qui déclarait vivre avec une autre femme, estimant que les conditions d’accueil offertes par la requérante sur le plan familial, éducatif et psychologique correspondaient aux besoins et à l’intérêt de l’enfant.
Par ailleurs, dans un domaine légèrement différent, au cours du dernier trimestre de 2009, la cour d’appel de Rennes – une juridiction de l’ordre judiciaire – a accordé à un couple homosexuel l’autorité parentale conjointe avec exercice partagé sur une petite fille en bas âge qui avait été conçue par l’une des deux femmes du couple alors que, à l’époque, elles vivaient séparément, chacune de son côté. La cour d’appel a considéré que le partenaire du couple qui n’avait aucun lien avec cet enfant pouvait avoir l’autorité parentale avec exercice partagé.
Tout cela doit nous inciter à dire, comme le font de plus en plus fréquemment les tribunaux judiciaires, administratifs et européens lorsqu’ils sont saisis de telles affaires, que l’intérêt de l’enfant ne s’oppose pas à ce qu’un couple pacsé, quel qu’il soit, puisse adopter.
Certes, le texte que je vous propose ne résout pas tous les problèmes de la parentalité pour les couples homosexuels. Il s’agit là d’une autre question, qui, d’ailleurs, a été envisagée par le Gouvernement lui-même. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, votre collègue Nadine Morano avait déposé un projet de loi intéressant sur ce sujet, mais je crois savoir que, malheureusement, la majorité de l’Assemblée nationale n’a pas jugé bon, pour l’instant, de l’examiner en séance publique.
Pour autant, cette proposition de loi n’empêche rien : les couples pacsés comme les couples mariés peuvent recourir à l’adoption simple ou plénière par l’un des deux partenaires, ou par l’un des deux conjoints lorsque l’autre est d’accord – je réponds ici à une observation formulée en commission par M. Gélard –, et cela permet de faire droit aux demandes d’associations réclamant la possibilité d’affirmer le lien de parentalité d’un enfant à l’égard des deux personnes qui l’accueillent dans leur foyer.
Mes chers collègues, voilà exposés, brièvement, mais tranquillement, tout l’intérêt de cette proposition de loi, les motivations qui m’ont poussé, avec mes collègues du groupe socialiste, à la déposer et les raisons pour lesquelles nous avons voulu qu’elle soit discutée en séance publique, et ce malgré les travaux en commission, mais, là encore, il ne faut jurer de rien, surtout pas du pire !
J’espère simplement et je veux encore espérer, parce que, selon moi, cette proposition de loi va de soi et ne pose aucun problème, que vous lui réserverez un accueil positif. J’espère aussi que nous n’assisterons pas aux mêmes scènes que celles qui ont eu lieu, en 1998 et 1999, aux cours des débats ayant précédé le vote du texte instituant le PACS. Un certain nombre d’entre nous y ont assisté, notamment vous-même, madame la présidente. Nous avons vu, à cette occasion, une opposition qui s’exprimait avec fureur, une fureur souvent teintée d’homophobie.
Je crois – tout au moins je l’espère – que cette époque est révolue, notamment au Sénat où, paraît-il, on fait preuve de moins d’élan, de plus de sagesse qu’à l’Assemblée nationale.
M. Richard Yung. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Michel. Voilà pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter la proposition de loi que le groupe socialiste et moi-même avons l’honneur de vous soumettre aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.