M. Christian Cointat, rapporteur. Les amendements nos 12 rectifié et 16 améliorent la qualité du texte et sont donc tout à fait recevables. Par conséquent, j’y suis favorable.
Cela dit, comme il faut bien en choisir un, après réflexion, j’ai proposé à la commission des lois de retenir l’amendement n° 12 rectifié de M. Détraigne et Mme Escoffier.
La raison de ce choix est simple : cet amendement présente une meilleure architecture des normes en respectant l’ordre d’information et de décision, ce qui n’était pas le cas de l’amendement n° 16 de Mme Alima Boumediene-Thiery, lequel avait quand même le mérite de mieux « coller » au texte de la commission des lois.
Comme vous le constatez, le choix était donc cornélien ! Mais Mme Boumediene-Thiery sera satisfaite de l’avis favorable donné à l’amendement n° 12 rectifié !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. On ne saurait mieux dire, monsieur le président ! Le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 16 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.
(L'article 9 bis est adopté.)
Article 10
(Supprimé)
Article 11
(Non modifié)
À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, les mots : « en cas de mauvaise foi du responsable de traitement, » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 12
(Non modifié)
Au deuxième alinéa de l’article 47 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, le montant : « 150 000 € » est remplacé par le montant : « 300 000 € » et le montant : « 300 000 € » est remplacé (deux fois) par le montant : « 600 000 € ». – (Adopté.)
Article 13
I. – Le chapitre VIII de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« Dispositions relatives aux actions juridictionnelles
« Section 1
« Dispositions pénales
« Art. 50. – Les infractions aux dispositions de la présente loi sont réprimées par les articles 226-16 à 226-24 du code pénal.
« Art. 51. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait d’entraver l’action de la Commission nationale de l’informatique et des libertés :
« 1° Soit en s’opposant à l’exercice des missions confiées à ses membres ou aux agents habilités en application du dernier alinéa de l’article 19 ;
« 2° Soit en refusant de communiquer à ses membres ou aux agents habilités en application du dernier alinéa de l’article 19 les renseignements et documents utiles à leur mission, ou en dissimulant lesdits documents ou renseignements, ou en les faisant disparaître ;
« 3° Soit en communiquant des informations qui ne sont pas conformes au contenu des enregistrements tel qu’il était au moment où la demande a été formulée ou qui ne présentent pas ce contenu sous une forme directement accessible.
« Art. 52. – I. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés informe sans délai le procureur de la République, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale, des infractions dont elle a connaissance.
« II. – Le procureur de la République avise le président de la Commission de toutes les poursuites relatives aux infractions visées aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal et, le cas échéant, des suites qui leur sont données. Il l’informe de la date et de l’objet de l’audience de jugement par lettre recommandée adressée au moins dix jours avant cette date.
« Section 2
« Dispositions civiles
« Art. 52-1. – Dans les litiges civils nés de l’application de la présente loi, toute personne peut saisir à son choix, outre l’une des juridictions territorialement compétentes en vertu du code de procédure civile, la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable.
« Section 3
« Observations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés devant les juridictions civiles, pénales ou administratives
« Art. 52-2. – Les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent, d’office ou à la demande des parties, inviter la Commission nationale de l’informatique et des libertés à déposer des observations écrites ou à les développer oralement à l’audience.
« La Commission peut elle-même déposer des observations écrites devant ces juridictions ou demander à être entendue par elles ; dans ce cas, cette audition est de droit. »
II. – (Non modifié) Le 2° de l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° Au d), les mots : « et, le cas échéant, des juridictions, » sont supprimés ;
2° Le e) est ainsi rédigé :
« e) Elle saisit le procureur de la République et dépose des observations devant les juridictions dans les conditions prévues respectivement aux articles 52 et 52-2. »
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Permettez-moi de développer les raisons qui ont conduit le Gouvernement à déposer cet amendement, quel qu’en soit le sort !
Le Gouvernement partage naturellement le souci exprimé par les auteurs de la proposition de loi que les juges français puissent être saisis et faire application de la loi informatique et libertés lorsqu’un litige oppose une personne résidant en France à un opérateur basé à l’étranger.
Pour autant, la disposition proposée ne paraît pas utile. Elle sera sans incidence sur les litiges internationaux.
Dans le cas où le défendeur est domicilié sur le territoire d’un État membre de l'Union européenne, le règlement dit « Bruxelles I » s’applique et permet d’attraire la personne devant le tribunal du lieu où le fait dommageable est survenu, en l’occurrence, en France.
Dans l’hypothèse où le défendeur n’est pas domicilié dans un État membre, le demandeur peut, en vertu des articles 42 et 46 du code de procédure civile, saisir les tribunaux français si le préjudice a été subi en France ou si la prestation de service a été fournie en France.
En outre, l’article 14 du code civil dispose que tout Français peut attraire devant les tribunaux français un défendeur étranger. La proposition de loi n’apporte rien par rapport au droit positif.
De plus, il ne suffit pas que le juge français soit compétent pour connaître le litige. Il faut aussi qu’il puisse appliquer la loi française, ce qui dépend également des règles de conflit de lois applicables en vertu du droit international.
Il faut surtout que la décision rendue par la juridiction française soit effectivement exécutée à l’étranger, dans l’État où réside le défenseur.
Par ailleurs, le texte proposé pour la section 3 du chapitre VIII de la loi de 1978 tend à conférer à la CNIL le pouvoir de présenter des observations devant toutes les juridictions, qu’elles soient administratives, pénales ou civiles, sur le modèle de ce qui est prévu pour la HALDE.
Je le dis devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la CNIL, aux yeux du Gouvernement, une telle transposition n’est pas pertinente. Chaque autorité administrative indépendante poursuit une mission spécifique, à laquelle correspond un statut. Dans le cas de la HALDE, dont la mission est de connaître de toutes les formes de discriminations, il s’agit de lui permettre d’apporter des preuves supplémentaires à l’appui de la demande d’une victime d’une discrimination. Telle n’est pas la situation de la CNIL, puisqu’elle intervient en tant qu’expert dans un domaine marqué par une technicité particulière. Surtout, un tel renforcement de ses pouvoirs n’est ni justifié ni nécessaire. Les juridictions peuvent d’ores et déjà, lorsqu’elles ont besoin d’être éclairées par l’expertise de la CNIL, l’inviter à présenter ses observations. Elles doivent le faire, me semble-t-il, lorsqu’elles le jugent nécessaire. Il est important, pour la bonne marche de la justice en général, que les juridictions conservent la maîtrise de l’organisation du débat contradictoire. Ce sont elles qui, connaissant le dossier, savent quand l’avis de la CNIL peut être utile.
La faculté donnée à un tiers d’intervenir au procès en faisant valoir ses observations doit être exceptionnelle. À défaut, le risque d’une instrumentalisation serait préjudiciable à la sérénité des débats.
Le bon accomplissement de sa mission par la CNIL, mission à laquelle nous sommes tous très attachés, ne suppose aucunement que ce nouveau pouvoir lui soit reconnu. Pour toutes ces raisons, que je tenais à rappeler, nous demandons une fois de plus la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, si je reconnais que vos arguments ne sont pas sans pertinence, je regrette la position adoptée par le Gouvernement.
À la suite des nombreuses auditions que nous avons menées, nous avons demandé à la Chancellerie de nous exposer ses souhaits en la matière, sa façon de voir les choses, et de nous présenter ses propositions. Mais, nous l’avons dit, il n’était en aucun cas question pour nous d’accepter une suppression de l’article, qui n’aurait pas été constructive.
Nous attendions du Gouvernement qu’il nous apporte une solution, et j’avais cru comprendre que tel serait le cas. Or, après avoir déposé un premier amendement de suppression en commission, le Gouvernement nous en propose un second en séance publique. C’est regrettable, d’autant que nous étions ouverts à toute adaptation. Notre objectif n’est pas de construire ce qui ne fonctionnera pas ou pourrait ne pas fonctionner ! Nous préférerions trouver, en accord avec le Gouvernement, une solution qui paraisse juste.
En la matière, un nouveau dispositif doit être adopté. La portée de cet article a d’ailleurs été amoindrie par rapport aux dispositions figurant dans la proposition de loi initiale, afin de ne pas laisser croire que la CNIL était une juridiction. Bien entendu, l’essentiel a été conservé ! Vous pouvez donc le constater, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes déjà allés dans le sens que vous souhaitez.
Les dispositions relatives à la juridiction compétente en matière de litiges civils figurant à l’article 13 de la proposition de loi ne visent pas le droit international privé, mais tendent à faciliter l’accès au juge civil pour les individus s’estimant lésés par un manquement à la loi informatique et libertés. S’agissant de cette matière spécifique, il est légitime de faire figurer ces dispositions dans la loi elle-même, et non dans un texte réglementaire.
En outre, les dispositions facilitant l’intervention de la CNIL devant les juridictions, en prévoyant notamment que son audition est de droit, ont pour objet de permettre à ces dernières de disposer d’un avis technique dans une matière souvent complexe – nous l’avons vu ce soir – et avec laquelle les magistrats sont peu familiarisés. Il convient de rappeler, certes, que ces dispositions s’inspirent – sans les calquer – de celles qui ont été retenues pour la HALDE et de celles qui figurent dans le projet de loi relatif au Défenseur des droits. S’il nous fallait une base de réflexion, celle-ci peut très bien être aménagée, au cours de la navette.
Par cet amendement de suppression, monsieur le secrétaire d’État, vous nous signifiez que cet article ne présente aucun intérêt. Ce n’est pas recevable ! Je peux vous l’assurer, je suis très déçu de votre position. Je m’attendais tout de même à recevoir un document qui nous aurait permis, en nous arc-boutant, d’imaginer des solutions nouvelles, quitte à le retenir dans son intégralité s’il avait été finalisé.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Force est de constater que, depuis le début du débat, et malgré les efforts de M. le secrétaire d’État pour donner des indications, c’est non, non, non ! Rien ! Tout se passe comme si le Gouvernement considérait que le législateur était un enfant, incapable d’élaborer des règles, et que mieux valait s’en remettre à l’opinion de ceux qui étudient le problème dans des « ateliers » ou autres lieux de Gouvernement.
M. François Marc. À l’Élysée !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
C’est particulièrement vrai pour les transpositions de directives. Les sénateurs et les députés seraient à ce point incapables que le Gouvernement se trouverait contraint, la plupart du temps, de leur demander une habilitation afin de légiférer par ordonnance !
Je pourrais vous donner des exemples qui viennent contredire cette interprétation. Heureusement que, dans certains cas, le Parlement est là ! La France a ainsi évité de nouvelles condamnations au niveau communautaire. Je pense notamment au statut de la société européenne, qui a fait l’objet, certains s’en souviennent, d’un travail commun entre la commission des lois et la Chancellerie.
Si vous aviez proposé certaines modifications de l’article, notamment concernant les peines, nous aurions pu discuter. Mais vous préférez supprimer l’ensemble de l’article.
Il est vrai que l’on peut s’interroger sur l’ambiguïté du texte proposé pour l’article 52-1 du chapitre VIII de la loi de 1978. En effet, le code de la consommation a inclu dans sa partie législative des dispositions de procédure civile, alors que, normalement, le code de procédure civile est intégralement d’ordre réglementaire. Monsieur le secrétaire d’État, si vous aviez proposé la suppression de cet alinéa 15 de l’article 13, nous aurions pu, ensemble, réfléchir à la question.
Personnellement, cher collègue Alex Türk, je ne souhaite pas que l’on continue à aller dans le sens de ce qui a été autorisé pour la HALDE. Ne mélangeons pas les choses ! S’il convient de faire appel, dans le cadre d’un procès, aux autorités administratives indépendantes lorsque les juges le demandent, il ne paraît pas souhaitable de créer une sorte de droit d’ingérence, comme le prévoit l’alinéa 19 de l’article 13 de la proposition de loi.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez préféré rejeter en bloc l’article 13, ce qui a pour conséquence d’interdire toute discussion.
Au sein de cet article, deux points suscitent de ma part certaines interrogations. Je pense cependant qu’il vaut mieux l’adopter, la navette permettant d’en améliorer éventuellement la rédaction.
En fait, pour justifier votre amendement de suppression, vous nous donnez une explication globale. C’est tout de même un peu dommage. Une telle attitude ne favorise pas l’initiative parlementaire, à laquelle certains sont encore assez réticents. Si nous ne sommes pas encore un « hyper Parlement », le Sénat va contribuer ce soir à son avènement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alex Türk, pour explication de vote.
M. Alex Türk. Comme nous l’avions fait observer lors de notre première audition par M. Détraigne et Mme Escoffier, ce sont les juridictions elles-mêmes qui avaient demandé la possibilité d’intervention de la CNIL.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est autre chose ! Le problème, c’est que vous puissiez intervenir sans que les juridictions le demandent !
M. Alex Türk. Les juridictions font donc parfois appel à la CNIL, en recourant au statut de témoin ou à un autre statut.
Par ailleurs, si nous ne réglons pas cette question, l’une des parties pourra s’opposer à la présence de la CNIL alors que celle-ci peut être impliquée.
Cela étant dit, si une autre solution peut permettre de régler ce problème, elle est la bienvenue. En effet, les chefs de juridiction demandent très souvent à la CNIL un avis technique.
Je n’ai pas de tropisme particulier à l’égard de la HALDE. Je peux parfaitement comprendre qu’elle dispose de certaines prérogatives et que celles-ci ne soient pas également conférées à la CNIL.
M. le président. Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Article 13 bis (nouveau)
L’article 72 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République française. » ;
2° Au second alinéa, les mots : « de ces collectivités » sont remplacés par les mots : « des collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 ou du titre XIII de la Constitution ». – (Adopté.)
TITRE III
ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI
Article 14
(Non modifié)
La présente loi entre en vigueur six mois à compter de sa publication. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, à cette heure tardive, je serai bref.
Je souhaite simplement dire, au nom d’Anne-Marie Escoffier et en mon nom personnel, la satisfaction qui est la nôtre de voir l’équilibre auquel est parvenu ce texte, lequel adapte la législation fondatrice de 1978 aux défis nouveaux auxquels est confrontée notre société, avec la croissance exponentielle des mémoires et des applications numériques.
Nous devons, me semble-t-il, cet équilibre au travail du rapporteur de la commission des lois, notre collègue Christian Cointat, qui s’est parfaitement approprié la problématique du texte que nous avons déposé et a su le faire évoluer de telle sorte qu’il puisse recueillir l’assentiment d’un grand nombre de nos collègues.
Je souhaite que la navette permette encore de bonifier cette proposition de loi et que les dispositions dont nous sommes à l’origine viennent enrichir notre droit positif.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous venons d’examiner relève un défi difficile : il s’agit de répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de protection de leur vie privée, droit fondamental dans notre société de communication, tout en respectant la liberté des acteurs du numérique, secteur essentiel à la vie économique de notre pays.
Guidé par la volonté de parvenir à un équilibre entre ces deux enjeux, notre rapporteur a su faire montre de pragmatisme et de lucidité face à des sujets aussi complexes.
Afin de mieux protéger la vie privée de nos concitoyens, cette proposition de loi est fondée sur deux axes.
Tout d’abord, la protection de la vie privée est du ressort de chacun. Pour que les internautes soient à même de prévenir les dangers que font peser les différents outils numériques sur leur vie privée, il faut d’abord qu’ils en soient conscients. En ce sens, protection signifie responsabilisation et, donc, sensibilisation. C’est l’un des apports de cette proposition de loi, dont les membres du groupe UMP et moi-même nous réjouissons.
Ensuite, la protection des individus passe aussi par la consolidation de la loi informatique et libertés. À ce titre, plusieurs dispositions vont dans le bon sens. Je souligne notamment le renforcement des obligations d’information du responsable du traitement, la mise en place d’un véritable dispositif du droit à l’oubli ou encore la volonté de favoriser le dialogue entre la CNIL et les services expérimentant des traitements.
Cependant, le groupe UMP est conscient des limites que revêt ce texte. En effet, malgré l’excellent travail de nos collègues Mme Escoffier et M. Détraigne, notre volonté de légiférer en la matière se heurte à une double difficulté : en premier lieu, dans ce domaine et tout particulièrement en matière de compétence juridictionnelle, il nous paraît majeur qu’une réflexion soit menée à l’échelle internationale ; en second lieu, nous ne disposons pas encore du recul nécessaire pour appréhender de manière pleine et entière les conséquences de l’utilisation d’internet et notamment le développement des réseaux sociaux sur le long terme.
Malgré ces réserves, cette proposition de loi constitue à nos yeux une première avancée vers le développement d’un citoyen éclairé à l’heure du numérique. Pour ces raisons, le groupe UMP votera cette proposition de loi. (Mme Catherine Troendle applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, mes chers collègues, lorsque nous avons eu connaissance de cette proposition de loi, c’est très spontanément que nous nous sommes sentis en accord avec le sens général de ce texte. En février dernier, à l’issue des travaux menés par la commission des lois, nous estimions que les choses évoluaient plutôt positivement. Or ce matin, quelle n’a pas été notre surprise de découvrir les propositions d’amendement du Gouvernement et le caractère extrêmement fermé qui les caractérisait !
Comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, nous sommes restés vigilants tout au long de l’évolution du texte. Je dois le reconnaître, le rapporteur et les commissaires de la commission des lois n’ont pas modifié, durant la séance publique, les positions qu’ils avaient affichées au cours de la matinée.
Aussi, ces évolutions ont sérieusement fait retomber notre enthousiasme et nous ont conduits à envisager de nous abstenir sur ce texte – une abstention quelque peu négative –, position que nous adopterons finalement, même si toutes nos inquiétudes n’ont pas été entièrement dissipées.
Il a beaucoup été question de la navette. Mais encore faut-il que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ! Toujours est-il que nous serons extrêmement vigilants à ce qu’elle ne s’enlise pas dans les méandres du circuit parlementaire.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous aussi, nous nous en tiendrons à une abstention négative. Les réticences – c’est le moins qu’on puisse dire – dont a fait preuve le Gouvernement tout au long de l’examen de cette proposition de loi nous font craindre que, malheureusement, celle-ci n’aboutisse pas à grand-chose.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
20
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, je voudrais exprimer mon très vif regret – et, d’une certaine manière, faire part de ma protestation – que nous abordions le débat préalable au Conseil européen à une heure aussi tardive et dans des conditions telles que seuls ceux qui y sont absolument contraints y prennent part.
Aussi, on ne peut plus véritablement parler d’un débat. Nous pourrions tout aussi bien déposer le texte de nos interventions pour une publication au Journal officiel, ce qui nous permettrait de gagner une heure. Tout cela est assez ridicule. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Un débat, même s’il se prolonge tardivement, intéresse dès lors qu’il est décisionnel. Or le débat qui nous réunit ce soir n’est pas décisionnel ; c’est un échange d’idées, de réflexions et d’informations. Et comme il n’a pas lieu à une heure « chrétienne », il n’intéresse que les spécialistes.
Tout cela est d’autant plus déplorable que les questions européennes ne sont pas des questions secondaires. L’Europe, une fois de plus, vit des heures d’une extrême gravité : nous ne savons pas comment se dénouera la crise grecque ni ce que feront ou ne feront pas les Allemands ou d’autres de nos partenaires. Devant une telle situation, il est déplorable que le Parlement ne puisse s’exprimer qu’à un horaire si tardif qu’il limite considérablement l’intérêt du débat, même si celui-ci conserve tout son attrait pour ceux qui sont présents ce soir.
Néanmoins, je remercie M. le secrétaire d'État de sa présence parmi nous pour partager ces réflexions. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, de l’UMP et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Blanc. Très bien, monsieur Fauchon !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour un rappel au règlement.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon rappel au règlement a trait également à l’organisation de nos travaux.
Autant on peut dire que le Conseil européen qui se tiendra à la fin de cette semaine est à nouveau d’une grande importance, autant on peut s’interroger sur l’utilité de notre séance, puisque, en effet, comme nous l’avons déjà dénoncé à de multiples reprises pour le regretter vivement, ce débat n’a rien de contraignant pour le Gouvernement.
Pourtant, à la veille de ce Conseil, le Gouvernement avait de sérieuses raisons pour prendre le temps d’écouter, sinon d’entendre, ce que la représentation nationale a à proposer sur les sujets qui seront abordés lors du Conseil.
En effet, après la crise financière mondiale sans précédent que nous venons de connaître, il sera question de la nouvelle stratégie européenne pour la croissance et l’emploi, mais il sera question aussi du suivi de la conférence de Copenhague sur le changement climatique.
Ainsi, ce Conseil se tiendra dans le contexte de l’incapacité des différents pays d’Europe à s’entendre sur l’aide d’urgence à apporter à la Grèce et à proposer des solutions pour répondre aux dramatiques conséquences économiques et sociales engendrées par cette crise.
Non seulement, comme l’a souligné avec raison notre collègue Pierre Fauchon, ce débat se tient à une heure tardive, mais encore, pour la première fois au sein de notre assemblée, ce débat préalable sera l’occasion de réduire considérablement l’expression de certains groupes, à savoir le groupe de l’Union centriste, le RDSE et mon groupe, le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Auparavant, même si nos discussions se déroulaient parfois en catimini, jusqu’à ne plus avoir lieu dans l’hémicycle, ce que nous avions déjà eu l’occasion de regretter, les groupes politiques disposaient d’un temps raisonnable pour s’exprimer. Aujourd’hui, avec la nouvelle organisation de ces débats, en répartissant des questions à la proportionnelle et en limitant celles-ci à deux minutes et demie, sous prétexte de rendre plus vivante la discussion, il n’est plus question d’échanger des arguments !
Aussi, bien que ce débat ne soit en rien contraignant, ce que nous regrettons vivement, comme je le disais au début de mon propos, je souhaite, par ce rappel au règlement, protester, au nom de mon groupe, contre cette nouvelle organisation de nos débats.
Monsieur le président, notre groupe s’est adressé au président de la commission des affaires européennes pour lui dire combien nous estimions que cette nouvelle organisation n’était pas satisfaisante. Nous avons fait des propositions d’organisation permettant à la fois le débat de fond, l’interactivité des débats et le droit d’expression de tous les groupes.
Je souhaite que la présidence du Sénat tienne compte de nos remarques et revoie cette formule pour le prochain débat préalable au Conseil européen. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – MM. Pierre Fauchon et Aymeri de Montesquiou applaudissent également.)
M. le président. Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.
La parole est à M. le secrétaire d'État.