M. Éric Woerth, ministre. … mais il est tenable. Le Gouvernement souhaite ouvrir dans les conditions définies par le texte, qui sont, je le répète, respectueuses de l’ordre public et social, compétitives pour qu’une offre légale puisse prospérer au détriment d’une offre illégale.
Certains d’entre vous ont souhaité déposer des amendements permettant d’envisager des autorisations temporaires. C’est, à mon sens, un danger majeur que le Gouvernement ne peut pas accepter : on accorderait alors à des opérateurs la possibilité d’exercer en raison d’un agrément qu’ils auraient obtenu dans un pays de la Communauté européenne. Ce serait justement mettre en œuvre un principe de reconnaissance mutuelle que nous avons voulu éviter. On accorderait à des opérateurs, sans aucune vérification, la possibilité d’exercer leur activité ; cela ne me semble pas raisonnable, et ce serait contraire à notre texte !
Nous devons donc faire en sorte que ce texte soit opérationnel le plus rapidement possible, en particulier avant la Coupe du monde de football, qui est un marqueur très important dans ce domaine.
Je vous le redis solennellement : il n’y a qu’une seule façon d’ouvrir ce marché, c’est d’adopter des règles strictes, celles qui sont aujourd'hui définies dans ce texte, enrichi par l’adoption d’amendements qui ont, pour certains, reçu l’approbation du Gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Trucy, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le projet de loi que vous allez examiner est particulièrement important non seulement en ce qu’il traite d’une ouverture du marché des jeux en ligne, mais aussi parce qu’il règle de très nombreux problèmes intéressant tous les jeux de hasard et d’argent, problèmes qui attendaient depuis longtemps les solutions adéquates.
Il est important aussi parce qu’il légifère directement et vigoureusement sur un phénomène de société parmi les plus forts qui soient : le jeu, c’est-à-dire une activité pas comme les autres, un service pas comme les autres.
Permettez-moi en premier lieu de faire devant vous comme les étudiants respectueux que nous étions au moment de défendre notre thèse : remercier nos maîtres. Je tiens ainsi à remercier Alain Lambert pour m’avoir, il y a dix ans, précipité dans cette curieuse marmite des jeux, le président de la commission des finances, Jean Arthuis, qui me soutient au cœur d’un rapport qui ne saurait convenir à tous – c’est un euphémisme –, sans oublier le rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, qui me surveille avec attention quand j’approche de trop près à son goût des champs de courses et des intérêts de la sacro-sainte filière « cheval ». (Sourires.)
Si nos concitoyens ne sont pas les plus joueurs du monde, ni même les plus joueurs d’Europe, chacun sait cependant que plus d’un Français sur deux joue à quelque chose et qu’il joue chaque jour davantage. Et tout laisse penser que cette tendance s’accentuera compte tenu de l’environnement et d’une offre de jeux toujours plus proche, toujours plus pressante.
Prenez la mesure, mes chers collègues, des désastres sociaux et personnels que l’addiction au jeu provoque chez les individus les plus fragiles, pour qui le jeu a cessé d’être un simple divertissement pour devenir une passion ruineuse et destructrice. La prohibition n’étant jamais la solution, le devoir de l’État était donc de réguler ce marché, de le réglementer, d’y faire la police, mais aussi de mettre en place une prévention efficace, de lutter contre l’addiction, de secourir et de soigner les accidentés du jeu qui sont de plus en plus nombreux.
Le projet de loi s’attaque à ces problèmes sociaux avec la même détermination qu’il s’emploie à réguler le marché lui-même, à encadrer les jeux, les paris et le poker en ligne sur internet, qui, à eux seuls, constituent une véritable révolution pour ce monde jusqu’ici bien réglé avec ses monopoles – la Française des jeux et le PMU – et ses casinos tellement réglementés et surveillés qu’ils donnent l’impression d’un quasi-monopole.
Il faut le dire, si l’État, qu’il soit rose ou bleu, est parvenu jusqu’à présent à remplir correctement ses devoirs en matière d’ordre public et de sécurité publique, il n’en est pas de même pour ce qui touche à la santé publique. Dans ce domaine sensible, nous sommes consternés par l’absence quasi totale de recherches et de travaux publics, par une prise en compte officielle de l’addiction au jeu vraiment trop molle et par l’insuffisance des soutiens de l’État aux spécialistes et aux praticiens de cette addiction sans drogue.
Mes chers collègues, il vous appartient d’apprécier si ce texte est susceptible, dans ce domaine, de changer les choses d’une manière significative. Votre rapporteur le pense sincèrement, mais c’est à vous d’en juger.
C’est faire un mauvais procès au Gouvernement que de prétendre qu’il nous présente ce projet de loi parce que, pendant des années, il a croisé le fer avec la Commission européenne qui voulait voir la France abolir tous ses monopoles et ouvrir le marché des jeux à double battant.
Si l’État a rencontré des difficultés pour convaincre la Commission que la gouvernance française des jeux d’argent répondait à des nécessités d’ordre public et à la protection de filières économiques vitales, ce n’est pas cela qui le motive aujourd’hui pour nous faire légiférer.
Une lecture exigeante mais honnête et scrupuleuse du texte vous permettra de conclure que celui-ci répond à l’ensemble des problèmes posés.
Il répond aussi, toujours selon mon point de vue et celui de la commission des finances, à l’objectif majeur qui est de mettre un terme au développement du marché illégal des jeux en ligne.
Ce marché illégal s’est installé parce que les autorités bruxelloises, en France comme ailleurs en Europe, n’ont pas mis en place les règlements permettant, sinon de contenir internet et ses services, du moins de faire en sorte que ceux-ci respectent les règles de sécurité et de santé publiques auxquels les États membres sont légitimement attachés, mais aussi certains intérêts économiques majeurs.
Le projet de loi qui vous est présenté vise donc à organiser le marché des jeux en ligne en agréant certains opérateurs par l’intermédiaire d’une autorité administrative indépendante, la future autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, à condition que ceux-ci s’engagent à respecter un nombre important d’obligations du cahier des charges de cette autorité.
Examinez bien, une à une, ces obligations : elles répondent de manière satisfaisante à toutes vos questions et à toutes vos craintes face à ces nouveautés.
Je citerai la protection des mineurs, l’interdiction de la publicité à leur endroit, la lutte contre l’addiction dans la publicité commerciale. Sur les sites eux-mêmes, des modérateurs de jeux, un numéro spécifique direct d’aide aux joueurs en détresse, l’intervention des organismes d’assistance et de soins sont prévus.
Le contrôle strict des opérateurs agréés sera effectué en continu comme seront conduites les poursuites et les sanctions de tous les opérateurs qui resteront dans l’illégalité ou viendraient à y opérer, et ce pour éviter que la concurrence des sites illégaux – ils ne subissent aucune contrainte et n’acquittent aucune taxe – ne parvienne à « tuer » les opérateurs légaux.
Le projet de loi vise à préserver les ressources de l’État, mais aussi celles de la filière hippique française, habituée depuis toujours à recevoir du monopole que possédait le PMU une aide financière considérable sur laquelle comptent le groupement d’intérêt économique, le GIE, les sociétés hippiques et les quelque 70 000 – ou 90 000 – emplois de cet important secteur économique. Je cite ces deux chiffres car M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture et moi-même avons un différend sur ce point. Mais il s’agit sans doute de 70 000 emplois directs et de 90 000 emplois directs et indirects, et vous pourrez peut-être nous confirmer ces données, monsieur le ministre.
Le projet de loi préserve et améliore aussi les ressources drainées vers le sport amateur et le Centre national pour le développement du sport qui les administre.
Il crée pour les sports professionnels un droit au pari sportif que négocieront entre eux, sous le contrôle de l’ARJEL, les organisateurs sportifs et les opérateurs.
Il existe d’autres bénéficiaires des prélèvements effectués sur les jeux dont vous serez amenés à débattre au cours de l’examen du texte, je n’en doute pas. Chacun d’eux a son intérêt pour notre société ; chacun d’eux défend durement ses intérêts. Nul doute que l’examen des articles du volet fiscal du projet de loi sera pour nous difficile, ardu, car le texte est complexe. Avez-vous déjà vu un texte fiscal qui ne le soit pas ? Moi, jamais ! (Sourires.)
L’examen de cette partie du projet de loi vous réserve toutefois d’autres difficultés. Nous serons conduits à discuter de plusieurs amendements qui peuvent, au premier abord, paraître anodins et avoir une faible incidence. Mais ne vous y trompez pas : certains amendements peuvent avoir des conséquences considérables, en déséquilibrant l’ensemble, en créant ou en aggravant des distorsions de concurrence entre les opérateurs, ce qui rendrait la loi elle-même attaquable, inopérante et vouée à l’échec.
Oui, le projet de loi sur lequel vous allez vous prononcer est difficile ! Oui, il est réaliste face aux turbulences d’un marché illégal désastreux pour tous.
Je ne vous dis pas comme un illustre personnage : « Faute de pouvoir nous opposer à ces manifestations, feignons de les conduire ! » Je vous dis au contraire que l’État se devait de réagir, d’adopter une stratégie de raison et de rigueur et de se montrer sévère contre les contrevenants.
Ce projet de loi est également humain, très humain. Il se préoccupe enfin des mineurs et des personnes fragiles. Il prévoit des financements inédits pour l’INPES et les régimes d’assurance maladie. Pour la première fois, l’État se préoccupe officiellement de l’addiction et des victimes de cette dernière.
Mes chers collègues, j’ai gardé pour la fin de mon propos une raison supplémentaire pour la commission des finances de soutenir ce projet de loi : monsieur le ministre, vous avez accepté la création d’un comité consultatif des jeux, que nous réclamions avec instance et depuis longtemps.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. François Trucy, rapporteur. Ainsi, les sept ministères en charge des jeux, les parlementaires, les maires pourront travailler ensemble. Le Parlement ne sera plus le « croupion » du jeu. L’Observatoire des jeux rassemblera les nombreuses personnes qualifiées qui sont indispensables pour leur compétence. Les études seront engagées, exploitées. L’État sera conseillé utilement. Quelle avancée !
Telles sont, mes chers collègues, les raisons les plus significatives qui ont conduit la commission des finances à approuver ce texte. À vous d’en juger ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Balzac place l’ouverture de La Peau de chagrin sous les auspices de « la loi qui protège une passion essentiellement imposable », celle du jeu. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui confirme le jugement de l’auteur de La Comédie humaine.
La loi autorise le jeu pour pouvoir mieux le taxer. J’irai même plus loin : en matière de jeux de hasard et d’argent, la taxation est un moyen de moralisation ; elle permet de limiter les effets néfastes d’une pratique qui dépasse trop souvent le simple divertissement.
Chacun sait que les jeux de hasard et d’argent sont porteurs de risques sanitaires et sociaux. Rembourser des dettes de jeu contractées en quelques jours ou en quelques semaines peut parfois prendre des années, avec des conséquences personnelles et familiales très graves. Le jeu peut aussi devenir une passion durable, exclusive, voire pathologique et nécessitant une prise en charge médicale.
Une difficulté importante obère cependant l’approche sanitaire et sociale des jeux de hasard et d’argent. Bien que les premiers diagnostics cliniques de « manie », d’« assuétude » ou, comme l’on dit maintenant, d’« addiction » aient été portés dès la fin du xixe siècle, on ignore encore le nombre de personnes touchées, en France, par le jeu dit « problématique », c’est-à-dire par le jeu excessif ou pathologique.
À la suite des deux rapports d’information de notre collègue François Trucy sur les jeux d’argent en France, qui dénonçaient notamment ce défaut de connaissances, une expertise collective a été commandée à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, par M. Xavier Bertrand, alors ministre de la santé. Elle a été rendue en juillet 2008 et constitue un outil fondamental pour comprendre les enjeux sanitaires liés aux jeux de hasard et d’argent. Néanmoins, elle n’apporte aucune connaissance en matière d’épidémiologie.
Une étude de ce type a bien été confiée à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, mais elle n’aboutira qu’en 2011… Nous sommes donc toujours dans l’incapacité de savoir si le phénomène augmente ou s’il touche des catégories particulières de population. Seules la pratique des associations comme SOS Joueurs ou les comparaisons internationales nous permettent d’estimer que 1 % de la population est concernée par le jeu pathologique.
C’est donc avec une particulière prudence qu’il nous faut aborder le présent projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
Il convient tout d’abord de nous défier de l’idée que les jeux en ligne seraient un domaine en quelque sorte « à part » et que les questions sanitaires et sociales qu’ils posent ne seraient pas les mêmes que pour les jeux légaux existants. Cette idée est fausse tant du point de vue social que du point de vue de la santé.
Pour les enjeux sociaux, il faut souligner que les opérateurs historiques, au premier rang desquels figurent la Française des jeux et le PMU, seront aussi opérateurs en ligne et qu’ils profiteront de ce texte pour diversifier leur activité. Ainsi le PMU a-t-il annoncé son intention de se lancer dans le pari sportif.
Cette évolution va bouleverser le panorama du jeu tel que nous le connaissons. En effet, depuis 1933, il existe une répartition claire entre formes de jeu et distribution des revenus du jeu. Les produits des jeux publics, accessibles à tous, y compris à ceux qui disposent de revenus modestes, doivent financer des projets publics, ce qui justifie qu’ils soient organisés sous la forme d’un monopole d’État. Le jeu privé, organisé dans des casinos dont l’implantation est autorisée au cas par cas et s’adressant à un segment de population que l’on suppose, peut-être à tort, plus fortuné, peut être une simple activité commerciale.
Que l’argent du plus grand nombre retourne au plus grand nombre par l’intermédiaire de l’État, c’est là un principe qui nous semble sain. Or ce principe sera en quelque sorte mis à mal par l’ouverture du jeu sur internet. On ne peut plus parler de jeu dans un cercle privé ou limité dès lors qu’il suffira de disposer d’un ordinateur pour participer à un jeu de poker ou pour jouer aux machines à sous.
Les opérateurs privés sont donc désormais en mesure d’atteindre la masse des joueurs à faibles revenus. J’emploie le présent, car les jeux sur internet sont déjà, de fait, un secteur ouvert. Il est donc illusoire d’espérer interdire l’implantation des opérateurs privés. Au mieux pourra-t-on, grâce à ce projet de loi, essayer de les réguler.
Du point de vue de la santé, l’influence du jeu en ligne sur notre approche actuelle du jeu se fera également sentir. Si l’on se réfère à l’exemple américain, tout porte à croire que le poids économique des jeux en ligne atteindra très rapidement celui des jeux actuels, ce qui signifie concrètement que c’est sur le modèle des jeux en ligne qu’évolueront les autres.
Or les jeux en ligne sont, pour la grande majorité d’entre eux, des jeux d’émotion, dont l’attraction repose sur les sensations fortes qu’ils procurent, dans l’immédiateté, sur le modèle des machines à sous, par opposition aux jeux de rêve comme le loto. Ils sont susceptibles de créer le plus de phénomènes d’addiction et sont donc particulièrement dangereux pour la santé mentale.
Face à ce danger, le projet de loi prévoit deux types de limites. Le premier type correspond aux interdictions classiques, ici réaffirmées : interdiction de jeu des mineurs, même émancipés, interdiction du jeu à crédit, interdiction des personnes signalées, sur le modèle des interdits de casinos, et possibilité de s’auto-interdire. Le second type de limites relève de ce que l’on appelle le « jeu responsable ». Il s’agit d’obligations incombant aux opérateurs, obligations élaborées sur la base des pratiques qui se sont développées de manière assez empirique ces dernières années.
En 1996 a ainsi été mis en place le comité consultatif pour l’encadrement des jeux et du jeu responsable, le COJER, présidé par Hélène Gisserot, mais dont les compétences se limitent à la seule Française des jeux. À la même époque, le PMU s’est lui aussi engagé dans une politique de prévention du jeu dit « problématique ».
Cependant, à côté d’un engagement réel des opérateurs publics pour limiter les effets néfastes des produits qu’ils diffusent, il existe aussi des pratiques plus contestables, car non évaluées : elles risquent, il faut le savoir, de servir d’alibi plus que de véritable outil de prévention.
Le projet de loi oblige ainsi chaque opérateur à ouvrir un compte à chacun de ses clients et à y faire apparaître en continu les gains et les pertes réelles, c’est-à-dire cumulées. À partir de ces comptes sont également mis en place des dispositifs de détection du jeu pathologique donnant lieu, le cas échéant, à l’envoi de messages d’alerte et permettant d’accéder à des services de conseil et d’orientation téléphoniques. Cependant, en l’absence actuelle de critères d’évaluation de ces dispositifs, la prudence est ici de mise.
Le texte adopté par la commission des finances apporte, dans le champ de la santé, des précisions bienvenues.
Tout d’abord, le projet de loi crée une instance, le comité consultatif des jeux, dont les compétences s’étendent à l’ensemble des jeux, en ligne ou non, et auquel le COJER sera intégré. Cela signifie que les problématiques sociales et sanitaires seront prises en compte dans le contrôle des jeux, avec une vision d’ensemble. Le contrôle des dispositifs de prévention mis en place par les opérateurs, notamment, sera donc confié à ce comité.
Par ailleurs, plusieurs précisions ont été apportées au dispositif voté par l’Assemblée nationale en matière de protection des personnes fragiles.
Il a cependant semblé à la commission des affaires sociales qu’il fallait aller plus loin. À cette fin, je vous présenterai des amendements tendant à clarifier certaines dispositions et à augmenter le nombre de freins institutionnels à la pulsion de jouer, de tels freins étant particulièrement efficaces.
Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de la loi interdisant de fumer dans les lieux publics, la nécessité pour les fumeurs de sortir de la salle de jeu des casinos pour fumer une cigarette a fait baisser le chiffre d’affaires de ces établissements de près de 30 %. Rompre, ne serait-ce qu’un moment, l’emprise du jeu suffit souvent à permettre le retour de la réflexion et à retrouver un comportement plus sensé.
Si certaines des mesures que je vous propose paraissent lourdes à mettre en place, si l’on en croit le ministère du budget ou les opérateurs, elles sont cependant proportionnées, me semble-t-il, au bouleversement du monde du jeu que la mise en œuvre de ce projet de loi va entraîner.
En conclusion, les jeux de hasard et d’argent ne sont pas des loisirs comme les autres. Ils ne doivent donc pas être traités comme tels. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous abordons l’examen suscite inquiétude et incertitude chez les parlementaires, mais également chez nombre de nos concitoyens.
Je ne reviendrai pas ici sur l’ensemble des dispositions de ce projet de loi, les excellents rapporteurs l’ayant déjà fait.
Fallait-il légiférer, monsieur le ministre ? Il me semble que oui. Dès lors que le débat était lancé, il n’était plus possible d’ignorer ce qui se passe dans ce domaine et à notre époque : je veux parler des possibilités offertes par internet, ainsi que des risques qui y sont indissociablement liés.
Fallait-il légiférer maintenant ? Oui, également. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de vous le dire, monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des finances. Le calendrier sportif imposait de légiférer – personne n’en doute – avant qu’il ne soit trop tard. Mais ce calendrier reste très difficile, et nous devons avoir conscience du fait que nous jouons un jeu dangereux, sans filet. Un grain de sable suffirait pour perturber l’horlogerie législative et réglementaire et pour mettre en péril toute régulation crédible et pérenne du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
L’Assemblée nationale et notre excellent rapporteur, M. François Trucy, ont effectué un travail très approfondi, dont on peut les féliciter. Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur de l’attention qu’il a accordée à mes amendements et des réponses qu’il y apportera.
La commission de la culture, quant à elle, s’est penchée principalement sur deux aspects de ce projet de loi : l’éthique du sport, d’une part, et les conséquences de la fin du monopole du PMU sur la filière équine, d’autre part, filière dont tout un chacun sur ces travées, et dans ma région, connaît l’importance.
Notre souci est d’assurer la pérennité de la filière équine, qui représente près de 90 000 emplois directs et indirects – M. le rapporteur l’a dit, nos chiffres divergent –, répartis sur l’ensemble du territoire français et – c’est mon côté agricole – sur de nombreux hectares agricoles sans droit à produire. C’est pourquoi nous avons proposé de différencier la fiscalité sur le pari hippique et celle sur le pari sportif. J’ai conscience des problèmes que poserait une telle différenciation. Néanmoins, aucune raison ne me semble justifier l’alignement de ces fiscalités, alignement qui rendrait plus difficile leur pilotage différencié à l’avenir. Une réduction de la taxation des paris hippiques permettrait à ces derniers de rester concurrentiels par rapport aux paris sportifs. Le différentiel de prélèvement, lié à l’importance de la redevance en faveur de la filière équine, se répercute en effet sur les taux de retour au joueur, ce qui risque d’inciter les adeptes du pari hippique à s’orienter vers le pari sportif et, par contrecoup, d’assécher les ressources de la filière équine – à moyen terme sans doute, mais il ne faut pas négliger ce risque.
Par ailleurs, soucieuse de l’éthique du sport, la commission de la culture souhaite, dans la droite ligne des travaux qu’elle mène depuis plusieurs années, le renforcement des moyens consacrés à la lutte contre le dopage. L’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, a clairement besoin d’une ressource propre. Le Gouvernement, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2010, avait d’ailleurs souhaité affecter, dans la limite de 4 millions d’euros, la contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives, dite « taxe Buffet ».
Très favorable au principe d’une taxe affectée, qui renforçait l’indépendance de l’AFLD et la pérennité de son financement, le Sénat avait toutefois supprimé cette disposition afin de prendre en compte les difficultés du sport professionnel, notamment après la suppression du dispositif du droit à l’image collective. La commission de la culture considère qu’un prélèvement sur les mises des paris sportifs, à hauteur de 0,3 % et dans la même limite de 4 millions d’euros, constituerait une excellente alternative.
Enfin, la commission de la culture proposera plusieurs amendements visant à renforcer l’indépendance et les pouvoirs de l’autorité de régulation des jeux en ligne. L’octroi de la personnalité morale lui permettrait, sur le modèle de l’Autorité des marchés financiers, de gagner une pleine capacité juridique et d’asseoir sa crédibilité vis-à-vis des opérateurs. J’ajoute que cette position est conforme à la doctrine élaborée depuis quelques années par la commission de la culture, ce qui l’a conduite à soutenir l’octroi de la personnalité morale à l’Agence française de lutte contre le dopage et à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, la HADOPI.
Mes chers collègues, la commission de la culture a accompli un travail sérieux et approfondi, guidé par le double souci de préserver la filière équine, essentielle en termes d’aménagement du territoire, et l’éthique sportive. J’espère que le texte final que nous adopterons portera sa marque, tout en conservant – j’y serai très attentif, monsieur le ministre – les grands équilibres de votre projet de loi.
Sous réserve de l’adoption des amendements que je vous présenterai, la commission de la culture est favorable à l’adoption du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.