M. le président. L’amendement n° 66 est retiré.
Les amendements nos 48 et 74 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 48 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 74 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
rendu public
La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l’amendement n° 48.
M. Charles Gautier. L’article 5 bis, introduit par l’Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, crée un répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires.
Il faut rappeler que les modalités de recueil et d’effacement des informations ainsi que les conditions du droit d’accès de la personne concernée ne figuraient pas dans le texte issu de l’Assemblée nationale et étaient renvoyées à un décret. Il s’agit pourtant de données sensibles concernant la santé ou les préférences sexuelles.
La commission des lois du Sénat a procédé à une nouvelle rédaction de cet article afin de la clarifier et de renforcer les garanties en matière de libertés publiques. Il est ainsi précisé que les données concernant les personnes ayant bénéficié d’une décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement sont immédiatement effacées. En outre, les experts et les médecins ne pourront accéder aux données du répertoire qu’au travers de l’autorité judiciaire et non pas directement. Elle a également mieux encadré l’intervention du pouvoir réglementaire.
Nous regrettons toutefois que la commission n’ait pas retenu la préconisation de notre collègue Alex Türk, par ailleurs président de la CNIL, qui proposait que l’avis de cette dernière, qui doit précéder le décret en Conseil d’État, soit rendu public.
Tel est l’objet de notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 74 rectifié.
M. Jacques Mézard. Je fais miennes les observations de M. Gautier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ces amendements visent à préciser que l’avis de la CNIL doit être motivé et rendu public.
Le principe de la publicité des avis de la CNIL fait l’objet d’une proposition de loi qui a été déposée par M. Türk, ce qui explique notamment pourquoi il a retiré son amendement. Il n’est donc peut-être pas souhaitable d’anticiper ce débat au détour d’amendements qui réserveraient la publicité de l’avis à un cas précis.
Cela étant, la commission souhaite entendre le Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. L’article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose déjà que l’avis de la CNIL doit être publié. Il est inutile d’inscrire que la loi doit être respectée : c’est une évidence !
Ces deux amendements sont donc sans objet. C’est pourquoi le Gouvernement en demande le retrait. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Nous voterons ces amendements.
Oui, la loi de 1978 prévoit que les avis de la CNIL doivent être publiés chaque année dans un rapport écrit. Mais celui-ci paraît parfois un an, voire plus, après que la CNIL a remis ses avis.
Nous, nous demandons que l’avis devienne public le jour même où il est rendu, ce qui change tout !
M. le président. La parole est à M. Alex Türk, pour explication de vote.
M. Alex Türk. Pour répondre à M. Michel, je vais être conduit à prendre la défense du Gouvernement. (Sourires.)
Lorsque Mme le ministre d’État évoque la publication, elle parle du décret spécifique et non du rapport. (Mme la ministre d’État opine.)
Vous avez mille fois raisons, madame le garde des sceaux, l’article 26 vise la publication et la motivation. C’est précisément pourquoi je suis intervenu. J’aurais souhaité en effet que le présent texte fasse référence à cet article afin de bien montrer que l’on est dans son champ d’application.
Si j’ai retiré mon amendement, notamment à la suite de la demande qui m’a été faite ce matin en commission, c’est parce que je sais que cette question sera abordée dans le cadre de la proposition de loi.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 et 74 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 67 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Détraigne et Maurey et Mmes Férat et Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les données concernant les mineurs font l'objet d'une durée de conservation spécifique, inférieure à celle applicable aux majeurs.
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Cet amendement vise à inscrire dans la loi le principe d’une durée de conservation spécifique pour les données relatives aux mineurs, inférieure à celle prévue pour les majeurs.
Cette mesure s’inspire directement de l’article 29 bis de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit déposée par M. Warsmann, député, et qui a pour objet de modifier l’article 26 de la loi du 6 janvier 1978 afin de préciser que, s’agissant des fichiers liés à la prévention des atteintes à la sécurité publique ou destinés à la réalisation des enquêtes administratives liées à la sécurité publique, les durées de conservation des données relatives aux mineurs doivent être inférieures à celles applicables aux majeurs, sauf à ce que leur enregistrement ait été exclusivement dicté par l’intérêt du mineur.
La distinction entre les données relatives aux majeurs et aux mineurs résulte du principe de proportionnalité, instauré par la loi du 6 janvier 1978. La CNIL, chargée de veiller au respect et à l’application de cette loi, considère que le recueil d’informations relatives aux mineurs doit avoir un caractère exceptionnel et une durée de conservation spécifique.
En référence à ces principes, le projet de décret en Conseil d’État portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique prévoit des durées de conservation plus courtes pour les mineurs.
Si la proposition de loi de M. Warsmann ne concerne que les fichiers de prévention des atteintes à la sécurité publique et non les fichiers de police judiciaire, il convient néanmoins de rappeler que le cadre réglementaire de certains fichiers de police judiciaire prévoit une différence de durée de conservation. Ainsi, le décret relatif au STIC, le système de traitement des infractions constatées, prévoit que les données seront conservées pendant vingt ans pour les majeurs et cinq ans pour les mineurs.
Enfin, il convient de rappeler que les articles 3-1 et 40 de la Convention internationale des droits de l’enfant disposent que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions des autorités administratives ou des organes législatifs, et reconnaissent à tout enfant convaincu d’infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur le fond, la détermination d’une durée de conservation spécifique pour les mineurs répond à une préoccupation légitime. Faut-il pour autant en poser le principe dans la loi ? La question mérite d’être posée. Sur ce point, la commission souhaite solliciter l’avis du Gouvernement.
Sur la forme, un problème se pose. En effet, aux termes de l’amendement n° 96 rectifié, qui vient d’être adopté, la conservation des données concernant les personnes poursuivies ou condamnées pour l’une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru ne peut excéder une période de trente ans.
Notre collègue Amoudry devrait donc insérer un alinéa ainsi rédigé : « Pour les mineurs, cette durée de conservation ne peut excéder vingt ans » – je dis vingt ans, mais ce pourrait être une autre durée de même ordre. Sans une telle rectification, son amendement ne serait plus cohérent.
Quoi qu’il en soit, nous attendons du Gouvernement une première réponse sur le fond.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Sur le fond, je rappelle que les fichiers judiciaires ne prévoient pas une durée de conservation moindre pour les mineurs. De même, les condamnations en matière correctionnelle ou criminelle prononcées à l’encontre d’un mineur demeurent au casier judiciaire aussi longtemps que les condamnations prononcées contre un majeur.
Il ne s’agit pas des données relevant de la loi du 2 décembre 2009. Ici, nous sommes sur des faits d’une particulière gravité et pour lesquels, je le répète, il n’y a pas de distinction de la durée dans le cadre du casier judiciaire. Il y a donc une certaine logique à ce qu’il n’y ait pas non plus de distinction quand il s’agit d’un répertoire de données qui permettent à un juge – et uniquement à un juge, je le rappelle – de porter une appréciation sur la personnalité.
Sur la forme, il me paraît que cette précision relève davantage du décret que de la loi.
Pour ces deux raisons, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Amoudry. Je souhaiterais donner mon avis sur la proposition de M. le rapporteur visant à ramener à vingt ans la durée de conservation spécifique aux mineurs. Pourquoi pas quinze ans ? Pourquoi pas vingt-cinq ans ? Décider de cette durée de manière quelque peu hâtive me semble hasardeux.
J’accéderai à la demande de retrait de Mme le ministre d’État si elle veut bien nous assurer que, dans les décrets à venir, le principe d’une durée plus courte que pour les majeurs sera acquis.
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Non, je ne peux pas vous donner satisfaction en la matière.
Nous sommes bien obligés de faire un certain parallèle avec le casier judiciaire. Or la législation concernant le casier judiciaire n’opère pas de distinction dans la durée d’inscription des condamnations criminelles. N’oubliez pas que le casier judiciaire sera plus largement ouvert que le répertoire.
Je veux bien que nous réfléchissions à ce problème : nous en aurons le temps au moment de la préparation du décret, et je suis tout à fait prête à en discuter avec vous.
Les dispositions que nous examinons concernent des personnes qui ont commis des actes particulièrement graves ; il s’agit de cas exceptionnels. Le fichier n’est pas destiné à les stigmatiser, mais à permettre à un juge, et uniquement à un juge, de porter un regard éclairé dans le cas où interviendraient d’autres événements de même nature.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je prie mon collègue M. Amoudry de m’excuser de lui donner un problème complexe à résoudre sur l’heure, en lui demandant de fixer une durée de conservation des données concernant les mineurs au cas où il ne retirerait pas son amendement.
Si ce n’était pas fait, nous nous retrouverions avec un texte incohérent puisque nous aurions fixé dans la loi la durée de conservation pour les majeurs tout en renvoyant aux décrets la durée de conservation pour les mineurs : ce serait quand même un peu surréaliste !
M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Mme la ministre d’État a fait référence aux règles qui régissent le casier judiciaire. Or je dois rappeler que le raisonnement que je me suis permis de développer repose sur deux références législatives : le principe de proportionnalité, issu de la loi de 1978, et la convention internationale des droits de l’enfant, laquelle fait état d’infractions à la loi pénale dont des mineurs peuvent s’être rendus coupables et pose le principe de la facilitation de leur réintégration dans la société.
Madame le ministre d’État, dans la hiérarchie des normes, la loi en vigueur sur le casier judiciaire l’emporte-t-elle sur les deux autres références législatives que je viens de citer ?
M. Guy Fischer. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Je vous rappelle qu’il s’agit ici des délits sexuels et que l’objectif, en la matière, n’est pas de poser un problème aux jeunes ou de les empêcher de se réinsérer. L’objectif est simplement de permettre à un magistrat, confronté à une nouvelle action, d’avoir accès à des données existantes propres à l’éclairer.
Je le répète, ces données ne seront pas diffusées à l’extérieur ! Il ne s’agit pas ici de mettre en cause la protection des mineurs, ou plutôt des « anciens mineurs », car ils ne le sont évidemment plus au bout de vingt ou trente ans. Il s’agit simplement d’aider un magistrat éventuellement amené à choisir entre plusieurs décisions de pouvoir le faire en étant totalement éclairé, et cela éventuellement dans l’intérêt de l’intéressé
Il faut aussi s’en remettre avec confiance au juge qui, en possession de données, saura mesurer si elles peuvent l’éclairer ou non dans sa décision. Voilà comment je vois les choses.
M. Jean-Paul Amoudry. Au vu des explications de Mme la ministre, je retire mon amendement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 67 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 5 bis, modifié.
(L'article 5 bis est adopté.)
Chapitre Ier bis
Dispositions relatives à l’injonction de soins et à la surveillance judiciaire
Article 5 ter
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 706-47-1 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes condamnées pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 peuvent être soumises à une injonction de soins prononcée soit lors de leur condamnation, dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire, conformément aux dispositions de l’article 131-36-4 du code pénal, soit postérieurement à celle-ci, dans le cadre de ce suivi, d’une libération conditionnelle, d’une surveillance judiciaire ou d’une surveillance de sûreté, conformément aux dispositions des articles 706-53-19, 723-30, 723-37, 731-1, 763-3 et 763-8 du présent code, dans les cas et conditions prévus par ces articles.
« L’injonction de soins peut également comprendre un traitement anti-hormonal prescrit par le médecin traitant conformément aux dispositions de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique.
« Les personnes poursuivies pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 du présent code doivent être soumises, avant tout jugement au fond, à une expertise médicale. L’expert est interrogé sur l’opportunité d’une injonction de soins. » ;
2° L’article 706-53-19 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue une méconnaissance par la personne sous surveillance de sûreté des obligations qui lui sont imposées susceptible de justifier son placement en rétention de sûreté, dans les conditions prévues par le troisième alinéa, le fait pour celle-ci de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;
3° L’article 712-21 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui incombent, pouvant donner lieu, selon les cas, à la délivrance des mandats prévus par l’article 712-17, à la suspension de la mesure d’aménagement prévue par l’article 712-18, à l’incarcération provisoire prévue par l’article 712-19, ou au retrait ou à la révocation de la mesure prévue par l’article 712-20, le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;
4° Le quatrième alinéa de l’article 717-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce traitement peut être celui prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique. » ;
5° (Supprimé)
6° (Supprimé)
7° L’article 723-29 est ainsi modifié :
a) Le mot : « dix » est remplacé par le mot : « sept » ;
b) Les mots : « ou aux réductions » sont remplacés par les mots : « et aux réductions » ;
8° Après l’article 723-31, il est inséré un article 723-31-1 ainsi rédigé :
« Art. 723-31-1. – La situation de tous les condamnés susceptibles de faire l’objet d’une surveillance judiciaire conformément à l’article 723-29 doit être examinée avant la date prévue pour leur libération.
« Le juge de l’application des peines ou le procureur de la République peut, à cette fin, demander le placement du condamné, pour une durée comprise entre deux et six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et saisir la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.
« Le juge de l’application des peines ou le procureur de la République peut également ordonner que l’expertise prévue par l’article 723-31 soit réalisée par deux experts. » ;
9° (Supprimé)
10° L’article 723-35 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La décision prévue au premier alinéa peut également être prise, après avis du juge de l’application des peines, par la juridiction de jugement en cas de condamnation de la personne placée sous surveillance judiciaire pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru.
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;
11° (Supprimé)
12° La dernière phrase du dixième alinéa de l’article 729 est ainsi rédigée :
« La personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ne peut bénéficier d’une libération conditionnelle qu’après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, rendu à la suite d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues et assortie d’une expertise médicale ; s’il s’agit d’un crime pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, cette expertise est réalisée par deux experts et se prononce sur l’opportunité, dans le cadre d’une injonction de soins, du recours à un traitement utilisant des médicaments qui entraînent une diminution de la libido, mentionné à l’article L. 3711-3 du code de la santé publique. » ;
13° Après l’article 732, il est inséré un article 732-1 ainsi rédigé :
« Art. 732-1. – Lorsque la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’un des crimes visés à l’article 706-53-13, et qu’elle a fait l’objet d’une libération conditionnelle avec injonction de soins, la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut, selon les modalités prévues par l’article 706-53-15, décider de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte la personne, au-delà de la période de libération conditionnelle, en la plaçant sous surveillance de sûreté avec injonction de soins pour une durée de deux ans.
« Le placement sous surveillance de sûreté ne peut être ordonné qu’après expertise médicale constatant que le maintien d’une injonction de soins est indispensable pour prévenir la récidive.
« Les deuxième à cinquième alinéas de l’article 723-37 sont applicables, ainsi que l’article 723-38. » ;
14° Après l’article 723-38, il est inséré un article 723-38-1 ainsi rédigé :
« Art. 723-38-1. – La surveillance judiciaire est suspendue par toute détention intervenant au cours de son exécution et ne découlant pas d’un retrait de tout ou partie de la durée des réductions de peine décidé en application de l’article 723-35, et elle reprend, pour la durée restant à courir, à l’issue de cette suspension. » ;
15° Après le premier alinéa de l’article 733, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins, conformément à l’article 731-1 du présent code. » ;
16° Après le deuxième alinéa de l’article 763-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;
17° Le dernier alinéa de l’article 763-6 est ainsi rédigé :
« Après avis du procureur de la République, le juge de l’application des peines peut, après audition du condamné et avis du médecin coordonnateur, décider par ordonnance motivée de mettre fin de manière anticipée au suivi socio-judiciaire comportant une injonction de soins, sans qu’il soit nécessaire de saisir la juridiction de jugement, dès lors qu’il apparaît que le reclassement du condamné est acquis et qu’un traitement n’est plus nécessaire. » ;
18° La deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 763-7 est ainsi rédigée :
« Si elle ne consent pas à suivre un traitement, cette information est renouvelée au moins une fois tous les ans.
19° L’article 763-8 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable y compris si la personne placée sous suivi socio-judiciaire avait fait l’objet d’une libération conditionnelle. » ;
20° Au deuxième alinéa de l’article 786, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 3711-1, les références : « les articles 131-36-4 et 132-45-1 » sont remplacées par la référence : « l’article 131-36-4 » ;
2° (Supprimé)
III. – (Non modifié) L’article 132-45-1 du code pénal est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. Avec cet article 5 ter, vous entendez aller encore un peu plus loin dans ce que de nombreux professionnels de la santé, notamment les psychiatres, appellent « l’instrumentalisation de la médecine ». Ce risque a d’ailleurs déjà été pointé par notre collègue M. About dans le rapport pour avis qu’il a remis au nom de la commission des affaires sociales.
Avec cette injonction de soins, vous êtes parvenus fort habilement à contourner les obstacles législatifs qui vous faisaient face. Vous n’imposez aucun soin aux personnes condamnées, vous les laissez libres de les accepter ou de les refuser. Sauf que leur refus pourrait avoir pour conséquence le placement en rétention de sûreté. Aussi le condamné est-il « libre » d’accepter, ou d’être placé en rétention de sûreté…
Si cette disposition vous permet de satisfaire aux engagements fondamentaux de la France, et d’éviter notamment une sanction de la Cour européenne des droits de l’homme, elle pose tout de même la question de l’efficacité de cette politique. En effet, comme tous les experts le disent, spécialement en prison, un véritable lien de confiance est nécessaire entre le soignant et le soigné.
La rédaction actuelle de l’article L. 131-36-4 du code pénal, comme celle de cet article 5 ter nous semblent créer une ambiguïté entre les missions des magistrats, des soignants et des gardiens. II suffit pour s’en convaincre de lire le quatrième alinéa de cet article et de s’apercevoir que le magistrat est devenu, de fait, un prescripteur de soins.
En réalité, sous couvert de cette approche thérapeutique, le chantage que je viens de dénoncer vise encore une fois à limiter les risques sociaux. Le recours à la rétention de sûreté en est le parfait exemple. Ce faisant, vous accentuez ce qui constitue pour nous l’une des faiblesses de notre système pénal, à savoir la prédominance, pour ne pas dire l’exclusivité, qui est donnée à sa mission de protection de la société, en refusant de donner à la réinsertion et au traitement médical des personnes condamnées la place que ces deux missions devraient avoir dans un système équilibré.
Dans notre groupe, nous sommes convaincus qu’il faut nécessairement agir sur ces deux domaines que sont la réinsertion et l’accompagnement médical et psychologique pour réduire le risque de récidive. Telle n’est pas votre conception, et l’action thérapeutique que vous proposez sert plus à justifier une accentuation des contrôles et des sanctions.
L’accompagnement des personnes condamnées, notamment pour des violences sexuelles, exige que nous inventions, loin des logiques d’affichage, un accueil et un accompagnement médical et psychologique de qualité.
C’est pourquoi nous saluons le rapport remis par M. About. Nous partageons sa conviction de la nécessité de tout mettre en œuvre pour permettre une meilleure prise en charge de la souffrance et de la maladie mentale. Je voudrais rappeler à ce titre que, par deux fois, le manque d’encadrement médical et les conditions d’incarcération des détenus psychiques ont été qualifiés par la Cour européenne des droits de l’homme de « traitements inhumains et dégradants ».
L’article 5 ter n’entraîne en rien une amélioration de l’offre de soins en milieu carcéral. Il n’est que la consécration d’une réponse unique, le traitement inhibiteur de libido, à toutes les personnes visées dans ce projet de loi. Nous y reviendrons par la suite, dans la discussion des amendements que nous présenterons.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, sur l'article.