M. Alain Anziani. Soit. Est-il besoin d’en créer un cinquante-neuvième ? En l’état, ce cinquante-neuvième fichier serait-il entouré de toutes les garanties nécessaires ? Nous craignons que non.
Autre question : ce fichier est-il utile ? Nous disposons déjà d’un nombre considérable de fichiers. La justice elle-même dispose de systèmes informatiques, notamment CASSIOPEE, chaîne applicative supportant le système d’informations opérationnel pour le pénal et les enfants, même si cette application ne semble pas, aujourd’hui, rencontrer un succès fabuleux.
D’autres systèmes aujourd’hui existent en la matière ; la numérisation des pièces de procédure, par exemple, est en cours et l’on peut donc se demander si tout cela n’était pas suffisant.
Enfin, se pose la question du fonctionnement pratique du système ? Un fonctionnement correct suppose que les greffes disposent des moyens nécessaires. Or l’ensemble des organisations que nous avons entendues nous disent que ce n’est pas le cas. Elles ont calculé que, compte tenu des effectifs actuels, les greffes ne peuvent pas prendre en compte 35 000 dossiers de plus par an, qu’il leur faudrait ensuite transmettre pour permettre la mise en place de ce fichier. Ils ne se voient pas manipuler autant de dossiers, auxquels il faudrait peut-être aussi ajouter les 41 000 actes de violences conjugales qui ont été enregistrés en 2007.
Nous ne voyons donc pas la pertinence de ce fichier, qui, comme tout fichier, recèle par ailleurs des dangers, même si l’on essaie de les limiter. Il ne paraît pas utile dans la mesure où d’autres systèmes existent et, de surcroît, il ne pourra peut-être pas être mis en œuvre. La sagesse devrait donc nous inciter à renoncer à la création de ce qui n’est ni utile ni nécessaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 71 rectifié.
M. Jacques Mézard. J’en appelle tout simplement, par cet amendement de suppression, à l’esprit cartésien de notre rapporteur.
En effet, après avoir incité la commission à encadrer ce fichier qui sera réservé à la seule autorité judiciaire, il nous indique, ayant entendu les représentants des organisations de magistrats, que ceux-ci « se sont interrogés sur l’intérêt de ce répertoire ». Je lis le rapport de M. Lecerf : « Ils ont d’abord relevé que la connaissance des expertises antérieures n’éviterait pas de recourir à de nouvelles expertises requises en particulier par la loi pour toutes les infractions de nature sexuelle visées par l’article 706-47-1 du code de procédure pénale.
« En outre, selon la contribution de l'Union syndicale des magistrats, l’USM, avec l'implantation de CASSIOPEE – du moins lorsque cet outil sera opérationnel, car il ne l’est pas encore, comme l’a rappelé le président de la CNIL – “toute juridiction, tout enquêteur et même l'administration pénitentiaire au stade de l'exécution de la peine pourront, à l'échelon national, à moindre frais, être informés de l'ensemble des investigations ordonnées dans le cadre des procédures concernant la personne soupçonnée ou condamnée, à charge pour eux de solliciter la communication du rapport”. »
La conclusion de notre cartésien rapporteur est néanmoins : « les dispositions proposées devraient contribuer à limiter la déperdition des informations ».
Je suis extrêmement étonné par cette conclusion compte tenu des trois paragraphes qui la précèdent. Cela justifie amplement la suppression de cet article. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le rapporteur craint que son cartésianisme n’ait à souffrir ! (Sourires.)
Le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires, répertoire qui a été créé par les députés, centralise des expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires des personnes poursuivies ou condamnées pour l’une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru.
Le répertoire proposé devrait contribuer à limiter la déperdition des informations que beaucoup des experts psychiatriques que j’ai entendus ont constatée lorsque la même personne était poursuivie dans des procédures distinctes ou même lors des étapes successives d’une même procédure.
Notre commission a, en outre, et vous l’avez reconnu, apporté certaines clarifications et surtout proposé de réserver l’accès direct aux informations contenues dans le répertoire à la seule autorité judiciaire.
Les experts judiciaires et les personnes devant procéder à une évaluation de la dangerosité dans le cadre d’une procédure judiciaire n’accéderaient à ces informations que par l’intermédiaire des magistrats.
J’ai visité, voilà peu, la maison d’arrêt de Rouen : dans cet établissement, deux détenus ont été tués par leurs codétenus à un an d’intervalle.
M. Charles Revet. C’est exact !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Si certains renseignements avaient pu être communiqués, ce drame aurait peut-être été évité. Je n’en suis pas sûr, mais c’est une possibilité.
Il existe des établissements pénitentiaires où le partenariat, l’échange d’informations opérationnelles se déroulent convenablement entre le corps médical et l’administration pénitentiaire. Dans d’autres établissements – et ces problèmes sont d’abord profondément humains –, cette transmission d’informations ne se fait absolument pas. Par conséquent, si ce répertoire peut éviter certains drames, il serait dommage de s’en priver.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Tout d’abord, sur la forme, je souligne que, si le Conseil d’État et la CNIL n’ont pas été consultés sur la création de ce répertoire, c’est que celui-ci a été introduit par voie d’amendement. Mais la CNIL et le Conseil d’État seront bien entendu consultés dans le cadre du décret d’application qui est prévu par le texte. De toute façon, la CNIL n’est saisie que des décrets.
Ensuite, sur le fond, je précise que le répertoire a effectivement pour objet, comme vient de le dire le rapporteur, de faciliter l’évaluation de la personne par le juge. Cela permettra aussi de respecter le principe de la personnalité des peines et facilitera le suivi socio-judiciaire. À cet outil nouveau correspond donc bien une fonction tout à fait spécifique, et toutes les garanties nécessaires ont été apportées.
L’application CASSIOPEE, quant à elle, n’a rien à voir avec la chaîne pénale. L’utilisation de CASSIOPEE, que certaines préconisent, poserait par ailleurs un problème puisque, comme vous l’avez dit vous-même, ce système est accessible à un plus grand nombre de consultants et, dès lors, nous ne pourrions, comme nous le voulons, réserver l’information aux seuls juges.
Par conséquent, c’est au rejet de ces amendements que la rationalité doit conduire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25, 44 et 71 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 45, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
poursuivies ou
II. - Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Je présenterai en même temps les amendements nos 45, 46 rectifié et 47.
Il s’agit d’amendements de repli puisque nous conservons le fichier. Ils visent à en préciser le contenu.
Dans l'amendement n° 45, nous proposons que ne figurent dans le fichier que les informations relatives aux personnes condamnées. Nous pourrions tous souscrire à cet amendement. Mais je vois bien l’argument qui va nous être opposé et qui consiste à dire : « Ne vous inquiétez pas ! Les personnes poursuivies seront fichées, mais dès qu’elles seront mises hors de cause, cela figure dans le texte, elles feront ensuite l’objet d’un effacement. »
Franchement, pouvez-vous nous donner aujourd’hui l’assurance que cet effacement sera automatique ? Cela nécessite des moyens matériels que l’administration n’aura peut-être pas. Nous connaissons d’autres cas dans lesquels l’effacement devait avoir lieu et n’est jamais intervenu.
C’est pourquoi il me semble beaucoup plus sage de réserver l’inscription dans ce fichier uniquement à des personnes condamnées, ce qui devrait d'ailleurs aller de soi.
Dans l'amendement n° 46 rectifié, nous demandons que soient exclues du répertoire créé par l’article 5 bis les personnes qui ont été dispensées de peine pour cause d’irresponsabilité pénale. En effet, si ces personnes ont été dispensées de peine pour irresponsabilité pénale, c’est qu’elles ont été reconnues comme malades. Dans ce cas, les données les concernant sont relatives à leur maladie et doivent figurer dans un dossier médical, non dans un dossier judiciaire. Là aussi, j’en appelle au cartésianisme évoqué tout à l’heure par M. Mézard.
Enfin, l'amendement n° 47 vise à exclure du fichier les personnes condamnées non inscrites au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Toutes les personnes condamnées sont inscrites au bulletin n° 1, mais seulement certaines le sont au bulletin n° 2. C’est l’autorité judiciaire qui opère la distinction. Elle peut considérer que les personnes qui ont été condamnées à des peines légères pour des infractions mineures ne doivent pas être handicapées par leur passé judiciaire dans la recherche d’un emploi, notamment dans la fonction publique.
L’autorité judiciaire veut ainsi marquer qu’il y a un devoir d’oubli. Dès lors, pourquoi ce devoir d’oubli voulu par l’autorité judiciaire ne se traduirait-il pas ensuite sur le plan administratif ? Pourquoi devrait-on lui opposer un devoir de perpétuité s’agissant d’une infraction mineure. Cela peut concerner, par exemple, un jeune militant qui, un jour, lors d’une manifestation, commet une infraction mineure et sera finalement dispensé de peine : le voilà pourtant fiché dans le répertoire des personnes qui peuvent présenter une certaine dangerosité. Cela ne correspond pas à notre conception de la démocratie !
M. le président. L'amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 11 et 12
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéa 13
Supprimer les mots :
hormis les cas où cette décision est fondée sur le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal,
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 47, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après les mots :
de relaxe ou d'acquittement,
insérer les mots :
ou pour les condamnés non inscrits au bulletin n°2 du casier judiciaire
Cet amendement a également été défendu.
L'amendement n° 96, présenté par M. Türk, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La conservation des données concernant les personnes poursuivies ou condamnées pour l'une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru ne peut excéder une période de trente ans.
La parole est à M. Alex Türk.
M. Alex Türk. L’objet de cet amendement est de prévoir une durée de conservation maximale des données, conformément à la règle d’or observée dans tous les pays de l’Union européenne, y compris en France. Il ne peut donc s’agir que d’un oubli, car on fixe toujours une limite à la conservation des données.
Ce qui est préoccupant dans cette affaire, c’est que, si nous ne le faisions pas, nous nous distinguerions de nos partenaires européens et nous rejoindrions les États-Unis, qui, précisément, s’opposent au principe européen en affirmant qu’il n’est pas nécessaire de fixer une telle limite.
J’ajoute que, dans la proposition de loi de M. Détraigne et Mme Escoffier, la préoccupation du droit à l’oubli est partout présente et que c’est également une priorité affichée par le secrétariat d’État chargé du développement l’économie numérique.
Je propose donc que l’on s’aligne sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a considéré que, en vertu du principe de proportionnalité, une durée de trente ans était raisonnable. J’ai le sentiment qu’une telle durée ne devrait pas remettre en cause l’efficacité du fichier.
Cette durée doit incontestablement être fixée dans la loi elle-même, de manière à encadrer l’ensemble du dispositif. Cela est d’autant plus important que nous assistons aujourd'hui à une multiplication des fichiers. C’est une évidence que l’on ne peut nier. Si le pouvoir exécutif juge nécessaire de mettre en place ce fichier, il doit donc, en même temps, s’assurer qu’il est parfaitement encadré.
Il faudra également mettre en place les moyens d’assurer la maintenance, car il faut bien reconnaître que c’est souvent par là que pèche le traitement de données personnels dans notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. À propos de l'amendement n° 45, qui est un amendement de repli tendant à réserver le répertoire des données à caractère personnel aux seules personnes condamnées, la commission estime qu’il faut distinguer deux aspects : la consultation des données et la conservation des données.
La consultation des données est surtout – pour ne pas dire exclusivement – pertinente pour les personnes poursuivies. En effet, à quoi sert la consultation des données si la personne est déjà condamnée ?
S’agissant de la conservation des données, des dispositions précises sont prévues au treizième alinéa de l’article 5 bis afin de permettre l’effacement des données en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 46 rectifié tend à supprimer la référence aux décisions d’irresponsabilité pénale lorsqu’elles sont assorties de mesures de sûreté. Les expertises réalisées dans ce cadre peuvent toutefois être utiles pour permettre une meilleure connaissance de la personnalité de l’intéressé, ce qui est le principal objet du répertoire.
C'est la raison pour laquelle la notion de droit à l’oubli ne peut pas être invoquée dans une hypothèse où le contenu du répertoire peut servir la personne concernée, par exemple un malade mental qui bénéficierait tout à fait naturellement de l’irresponsabilité. La commission est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 47 vise à écarter du répertoire les données concernant des personnes dont les condamnations ne figurent pas au bulletin n° 2 du casier judiciaire, c'est-à-dire celui qui est également accessible aux administrations. Cependant, le casier et le répertoire n’obéissent pas aux mêmes finalités : le premier doit permettre une meilleure connaissance du passé pénal de l’individu, tandis que le second vise à mieux cerner la personnalité de la personne poursuivie, ce qui, il ne faut pas l’oublier, peut aussi être utilisé pour sa défense. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 96 prévoit de fixer dans la loi la durée de conservation des données du répertoire. En la matière, le législateur a appliqué jusqu’à présent des règles différentes. Ainsi, les durées de conservation pour le fichier national des empreintes génétiques ont été renvoyées au décret. En revanche, celles visant le fichier des auteurs d’infractions sexuelles sont déterminées dans la partie législative du code de procédure pénale. Il est vrai que, dans ce cas, l’inscription au FIJAIS est source d’obligations pour la personne, ce qui n’est pas le cas d’une mention au répertoire prévu par l’article 5 bis.
Devant ces contradictions, la commission a décidé de s’en remettre à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. En préambule, je voudrais préciser à M. Anziani un point qui me paraît essentiel : le répertoire des données personnelles ne vise pas toutes les infractions, mais seulement celles pour lesquelles un suivi socio-judiciaire est encouru, autrement dit les meurtres, les viols et les agressions sexuelles. Il n’est donc ni dans la logique du texte ni dans nos intentions d’inscrire dans ce répertoire les personnes ayant participé à des manifestations !
En ce qui concerne l’amendement n° 45, je précise que toutes les données relatives à des personnes ayant fait l’objet d’un classement sans suite, d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement seront bien entendu immédiatement effacées. Faut-il pour autant interdire l’inscription dans le répertoire des expertises et des analyses relatives à des personnes poursuivies et en attente de jugement ?
Prenons le cas d’une personne poursuivie dans différentes procédures pour faits de viols. Ne serait-il pas absurde qu’un magistrat instruisant l’une de ces affaires ne puisse avoir accès, par le biais de ce répertoire, aux expertises psychiatriques réalisées dans une autre procédure menée en parallèle ? C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne les amendements nos 46 rectifié et 47, auxquels le Gouvernement est défavorable, les explications de M. le rapporteur étaient parfaitement claires et je les reprends à mon compte.
En ce qui concerne l’amendement de M. Türk, je voudrais rappeler, à la suite de M. le rapporteur, que la durée de conservation des données enregistrées dans un fichier ne relève normalement pas du domaine de la loi. Comme les assemblées seront amenées à débattre d’ici peu de la procédure pénale, cette question sera réexaminée en tenant compte de la réalité et des droits ou obligations qui peuvent en résulter.
Bien légiférer implique de distinguer ce qui relève du domaine législatif de ce qui relève du domaine règlementaire ; sinon, nous serons confrontés à un envahissement législatif qui rendra la loi illisible.
De la même façon, le législateur n’a pas à se substituer à la CNIL, qui doit pouvoir, en la matière, jouer son rôle. J’entendais tout à l’heure des propositions qui tendaient à substituer le Sénat et l’Assemblée nationale à cette autorité ! Cela n’est pas une bonne chose, car chacun doit faire son travail.
Sur le fond, la durée de trente ans proposée ne me semble pas acceptable, car elle n’est pas cohérente avec la durée d’inscription au casier judiciaire des faits criminels, qui est de quarante ans.
Imaginons une personne condamnée à une peine de trente ans pour des faits de nature sexuelle, qui ont forcément été particulièrement graves. Si elle commet de nouveaux faits à sa sortie de prison, devons-nous nous priver d’un accès simple et rapide aux expertises qui avaient été réalisées avant et qui peuvent donner un éclairage sur la personnalité de l’intéressé ? De nouvelles expertises seront sans doute menées, mais les anciennes peuvent être utiles pour le juge.
C’est la raison pour laquelle je demanderai à M. Türk de bien vouloir retirer son amendement, d’autant que la CNIL sera saisie des dispositions relatives au fichier. Nous devrons examiner les cas que je viens d’évoquer, mais, je le répète, l’amendement ne me semble pas s’accorder avec le texte. À défaut d’un retrait, je serais obligée d’y être défavorable.
M. le président. Monsieur Türk, maintenez-vous l'amendement n° 96 ?
M. Alex Türk. J’accepte de retirer mon amendement, car il me semble difficile d’arriver à mes fins !
Je précise que la durée de trente ans que j’ai proposée fait référence à la jurisprudence de la CEDH. En vertu du principe de proportionnalité, qui est tout de même un principe cardinal en la matière, elle a considéré que cette durée était raisonnable pour le FIJAIS. Ma proposition n’est donc pas extravagante ! Il serait donc bon que, dans le cadre réglementaire, la durée soit aussi limitée que possible ; en tout cas, elle ne devrait pas atteindre quarante ans.
Certes, le droit à l’oubli ne peut être le même pour celui qui n’a rien à se reprocher et pour celui qui a commis des actes tels qu’il représente un danger pour la société. En revanche, il faut admettre qu’il est légitime si, au bout de trente ans, on n’a plus entendu parler de la personne. De toute manière, en cas de récidive à l’issue de la peine, le dossier sera entièrement revu et les expertises faites trente ans auparavant n’auront plus guère de valeur scientifique.
C'est la raison pour laquelle j’estime qu’il serait bon de reprendre dans la partie réglementaire ce délai raisonnable de trente ans.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous examinerons très prochainement une proposition de loi de nos collègues Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne qui donnera l’occasion à M. Türk de déposer un amendement ou d’intervenir pour fixer une règle générale en la matière et ainsi éviter que les décisions ne soient prises au coup par coup.
M. Alain Anziani. Nous reprenons l’amendement, monsieur le président.
M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 96 rectifié.
Vous avez la parole pour explication de vote, monsieur Anziani.
M. Alain Anziani. Nous sommes tout à fait favorables à la proposition d’Alex Türk, dont les propos devraient, mes chers collègues, tous vous convaincre. J’entends bien les arguments de M. le rapporteur, mais ce qui pourrait être bon demain l’est déjà aujourd'hui. Pourquoi attendre pour clarifier une situation inacceptable, alors que nous avons la possibilité de le faire dès ce soir ?
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer le mot :
, examens
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Chacun reconnaît l’intérêt du répertoire proposé, mais le terme trop vaste d’« examens » laisse planer une ambiguïté sur la nature des documents susceptibles d’y figurer. Mon amendement tend donc à le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La référence aux « examens » est sans doute excessivement large. Il semble suffisant de s’en tenir aux expertises ordonnées dans le cadre de la procédure pénale, ainsi qu’aux évaluations telles que celles qui peuvent être établies par exemple par le centre national d’observation.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le terme « examens » revêt une signification très précise dans le code de procédure pénale. Les articles 60 et 77-1 précisent que le procureur ou les officiers de police judiciaire peuvent faire procéder à tout « examen » technique ou scientifique dans le cadre d’une enquête. Le code prévoit également que les juges d’instruction peuvent ordonner des « examens » médicaux ou psychologiques.
La suppression de ce terme, qui ne me semble pas recouvrir une notion trop large, risquerait d’empêcher, pour des raisons purement formelles, le versement au répertoire d’un certain nombre de données utiles. Sans être dirimante, elle serait dommageable pour la précision et l’exactitude de notre droit.
Je demande donc à M. About de bien vouloir retirer son amendement, même si je comprends tout à fait son point de vue. Il pourrait éventuellement être envisagé de préciser que le terme d’« examens » doit s’entendre au sens du code de procédure pénale.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Si l’on doit entendre le mot « examens » dans un sens large, il faut alors supprimer les autres termes, car il les englobe tous. Madame le garde des sceaux, vous avez indiqué que les examens couvraient notamment les évaluations et les expertises. Cela prouve que le terme « examens » doit être interprété dans son acception médicale.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 72 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes visées par le présent répertoire disposent d'un droit d'accès aux informations les concernant, et de rectification de celles-ci, notamment lorsqu'une donnée nouvelle permet de modifier l'appréciation de leur situation et de leur dangerosité potentielle.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Le droit fondamental pour chacun d'accéder aux données à caractère personnel doit a fortiori être ouvert aux personnes contre lesquelles une mesure de sûreté peut être prononcée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement rappelle un principe essentiel déjà posé par la loi informatique et libertés et qu’il ne semble donc pas indispensable de mentionner dans le présent projet de loi.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Cette précision sera inscrite dans le décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL.
En conséquence, monsieur Mézard, je vous invite à retirer votre amendement.
M. Jacques Mézard. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 72 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 66, présenté par M. Türk, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les modalités et conditions de fonctionnement du répertoire sont déterminées par décret en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en application des dispositions des articles 26 et 29 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée.
II. - Alinéa 17
Après le mot :
précise
insérer le mot :
également
La parole est à M. Alex Türk.
M. Alex Türk. Ce matin, en commission, le rapporteur de la proposition de loi « Détraigne-Escoffier » m’a demandé si j’accepterais de le retirer, sous le bénéfice qu’il prendrait les initiatives nécessaires afin que l’avis de la CNIL soit publié. Si cette publication est une question de principe, j’admets bien volontiers que la proposition de loi serait un meilleur véhicule législatif.
Mme le ministre d’État a indiqué à l’instant qu’il n’était pas nécessaire de rappeler le droit de chaque personne à accéder à des données à caractère personnel la concernant, à en demander la rectification ou éventuellement l’effacement. Ces dispositions figurent en effet dans la loi de 1978, modifiée en 2004.
C’est pourquoi mon amendement se borne à indiquer qu’il faut se référer à l’article 26 de ladite loi, qui concerne la publication de l’avis motivé de la CNIL, et à l’article 29, qui a plus précisément trait au droit d’accès. Or ce dernier n’est pas visé dans le présent projet de loi. Il ne s’agit pas là d’une simple argutie juridique, il y a un vrai problème d’articulation.
Quoi qu’il en soit, je reconnais que cette question peut aisément être réglée dans le cadre du décret. Je vais donc retirer mon amendement, d’autant que le principe sera examiné dans le cadre de la proposition de loi qui doit venir prochainement en discussion.