Mme Anne-Marie Escoffier. Madame le ministre d’État, chacun sait que nous vivons une nouvelle révolution de notre société et – c’est le sujet qui me préoccupe aujourd'hui – une révolution sexuelle. Les sociétés, les technologies, en particulier le téléphone portable et internet, les mentalités et les mœurs évoluent très rapidement actuellement.
La sexualité, tout comme l’utilisation des outils modernes de communication, suppose une première expérience, une éducation et surtout une pratique responsable. Aussi, sans diaboliser le phénomène d’échange de photos et d’images à caractère sexuel par téléphone portable, plus connu sous le nom de sexting, appréhendé à l’origine comme un jeu coquin entre adultes consentants, nous nous devons de prévenir les dangers et les dérives de cette pratique, déjà relevés et étalés dans la presse, et d’établir des règles de bonne conduite.
Il s’agit non pas de confondre apprentissage de la sexualité, même virtuelle, et diffusion pornographique, mais bien de protéger les jeunes adultes dans l’éducation du jeu amoureux. Certes, les études montrent que, si un jeune sur cinq fait l’objet d’avances sur le net, 90 % de celles-ci se font entre adolescents consentants du même âge. Mais combien de ces mêmes jeunes acceptent de telles avances sous la contrainte, craignant des représailles ou une vengeance ? N’existe-t-il pas déjà des sites spécialement conçus pour « se venger de son ex » ? Combien faudra-t-il de victimes dépressives ou suicidaires ? Combien faudra-t-il de Jessica Logan pour nous faire prendre conscience de nos responsabilités de parents, d’élus et surtout d’éducateurs expérimentés ?
Certains argueront que la loi Grenelle II apporte un élément de réponse en interdisant les téléphones portables dans les écoles et les collèges. Certes ! Mais qu’en est-il des lycéens, bien souvent plus vulnérables ? D’autres se fonderont sur les articles du code pénal, particulièrement sur l’article 226-1 et sur l’article 226-2, qui punissent la diffusion, la conservation et l’enregistrement de l’image et des paroles d’une personne sans son consentement. Mais dans la mesure où le consentement et la volonté de nuire sont des éléments constitutifs de l’infraction, seront-ils réellement suffisants et efficaces pour sanctionner les dérives du sexting ? L’article 227-23, quant à lui, ne vise qu’à réprimer la pornographie. N’est-il pas restrictif à l’égard de nos jeunes de réduire leurs jeux amoureux à la seule pornographie ?
Au regard de ces éléments, madame le ministre d’État, je voudrais que vous puissiez nous dire si les articles du code pénal permettent à eux seuls la répression du sexting. J’aimerais également que soient définis des moyens légaux suffisamment performants pour préserver l’équilibre indispensable entre éducation sexuelle et préservation de la vie privée et intime. Enfin, voyez-vous d’autres moyens d’améliorer la prévention et la répression dans ces domaines ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Escoffier, je partage votre analyse et votre préoccupation.
Si les nouvelles technologies, notamment internet, ouvrent de formidables espaces de liberté, elles constituent aussi des dangers potentiels, en particulier pour ceux qui maîtrisent le moins les conséquences importantes d’actes apparemment légers et de divertissement.
À ce titre, le sexting, phénomène nouveau consistant, pour des adolescents, à transmettre des images érotiques personnelles par le biais de téléphones portables, présente un certain nombre de risques de dérives.
Les textes actuels nous donnent déjà des moyens de lutter contre ce phénomène. Il nous faut néanmoins voir si ces textes recouvrent toutes les hypothèses, non seulement pour qu’il puisse y avoir sanction, mais également – j’insiste sur ce point, car telle doit aussi être notre préoccupation – pour que la perspective de sanction joue un rôle dissuasif, et donc préventif.
Le sexting peut tout d’abord faire l’objet de poursuites sous l’angle de l’atteinte à l’intimité de la vie privée, réprimée par l’article 226-1 du code pénal. Est ainsi incriminé le fait de fixer, d’enregistrer ou de transmettre, sans son consentement, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
Cette infraction est caractérisée dès lors que la personne qui est objet de l’image n’a pas consenti à la réalisation ou à la transmission par la suite de cette dernière.
Le caractère pornographique ou érotique de l’image n’est pas un élément constitutif de l’infraction mais renforce la preuve de l’atteinte à l’intimité de la vie privée. Il suggère que l’intimité a effectivement été violée. Ce fait peut aussi être pris en compte sur le plan civil et donner lieu à des demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la victime.
Par ailleurs, la poursuite des personnes qui transmettent une image sans en être les auteurs – ainsi, une personne peut s’être photographiée elle-même, sans intention de diffusion, et l’image peut être transmise par quelqu’un en ayant eu connaissance, et c’est ce que vous évoquiez en parlant des « ex » et des ruptures – est permise par l’article 226-2 du code pénal, qui réprime la conservation, la divulgation ou l’utilisation de l’image obtenue de manière illicite.
Une plainte préalable de la victime est nécessaire pour que les poursuites puissent être engagées, et, à cet égard, madame Escoffier, vous évoquiez tout à l’heure la crainte que pouvait éprouver une victime au moment d’engager des poursuites. Mais, compte tenu de certains dispositifs de la loi pénale, c’est l’auteur qui devrait avoir des craintes ! En effet, la Cour de cassation a estimé que, compte tenu du caractère occulte de l’action, la prescription de ces infractions ne pouvait commencer à courir avant que ces dernières aient pu être pleinement constatées en tous leurs éléments par la victime. Cet élément, qui repousse le début de la prescription, peut ainsi permettre des poursuites bien après la transmission des images. Celui qui pense aujourd’hui pouvoir menacer la victime devrait par conséquent songer à ce qu’il risque par la suite.
Ces dispositions permettent de protéger efficacement les victimes puisque des poursuites peuvent être engagées contre la personne à l’origine de la diffusion d’une image, mais également contre des personnes qui ne font que transmettre, voire détenir cette dernière.
Enfin, la protection des victimes peut se trouver assurée par des poursuites engagées sous l’angle de l’enregistrement ou de la transmission de l’image ou de la représentation d’un mineur quand cette dernière revêt un caractère pornographique. En tant que ministre de l’intérieur, j’ai eu l’occasion d’agir beaucoup contre la pédopornographie sur internet. C’était d’ailleurs l’une de mes préoccupations. Nous nous trouvons là dans un cas un peu similaire, et l’article 227-23 du code pénal permet d’agir à ce niveau. Cette qualification est d’ailleurs d’autant plus pertinente que certaines des images qui font l’objet de sexting sont mises en ligne sur des sites à caractère pédopornographique.
À quelles conditions l’infraction peut-elle être reconnue ?
Elle suppose d’abord la présence d’une image à caractère pornographique. De ce point de vue, la jurisprudence a estimé que la simple photographie d’un mineur nu n’était pas suffisante. Il faut autre chose, c’est-à-dire une ou des attitudes particulières du mineur, un rôle de celui-ci auprès d’autres sujets. Le caractère pornographique peut d’ailleurs être conféré par le cadre général de l’image.
En revanche, l’âge de l’auteur de l’enregistrement de l’image n’a pas d’incidence, ce qui signifie – c’est un point important – que ce délit peut être reproché à une personne mineure. C’est exactement l’une des situations que vous visiez tout à l’heure, madame le sénateur. Le seul élément nécessaire est que l’intention délictueuse de la personne mineure puisse être caractérisée. C’est le cas notamment lorsque l’auteur a conscience de la minorité du sujet présent à l’image, c’est-à-dire – disons-le puisqu’il s’agit bien de cela – du fait qu’il s’agit d’un gamin.
Cependant, les situations dans lesquelles un mineur visionne ou enregistre des photographies d’un autre mineur d’un âge proche doivent être évidemment appréciées au cas par cas, surtout du fait de la facilité d’utilisation des téléphones portables dont vous parliez tout à l’heure, madame le sénateur. Compte tenu de l’âge des enfants qui disposent d’un téléphone portable, la part de jeu est importante. C’est la raison pour laquelle le principe de l’opportunité des poursuites peut conduire le procureur de la République, dans un certain nombre de cas, à ne pas engager de poursuites.
J’ai donc le sentiment que la loi pénale, à la fois dans sa généralité et dans son application possible à des cas particuliers, recouvre à peu près la totalité des situations.
Bien entendu, madame le sénateur, tout cela n’empêche pas la prévention, qui passe notamment par l’éducation, et je suis entièrement d’accord avec vous sur ce point. Vous comprendrez néanmoins que cet aspect éducatif ne relève pas du ministère de la justice. Si ce dernier peut jouer un rôle en donnant une certaine publicité à des condamnations, ce qui peut permettre de faire réfléchir, il a aussi besoin d’un relais : celui des parents et des familles – c’est important –, ainsi que celui de l’éducation nationale et des associations, qui peuvent également jouer un grand rôle en la matière.
M. le président. Merci pour votre fidélité aux séances de questions orales, madame le ministre d’État.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame le ministre d’État, merci pour cette réponse très étayée qui permet effectivement de nous rassurer sur le dispositif existant : je craignais en effet que ce dernier ne puisse pas toujours être appliqué, compte tenu de l’âge tant de la victime que de l’auteur de ces actes.
Ma conclusion rejoint pleinement la vôtre : c’est toute notre société – et je le dis en présence, au banc du Gouvernement, de votre collègue secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité – qui doit être très vigilante sur ces dérives de plus en plus évidentes.
difficultés des structures de service à la personne et d’aide à domicile
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 738, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
M. Martial Bourquin. Le secteur des services à la personne et d’aide à domicile connaît une croissance très dynamique de près de 10% par an. Les personnes âgées dépendantes, mais aussi les personnes handicapées ou en situation de handicap temporaire font de plus en plus appel à ces professionnels qui leur permettent de rester plus longtemps chez elles, ce qui constitue un confort de vie appréciable.
Ce secteur représente deux millions de personnes, pour la plupart des femmes, au travers d’une vingtaine de métiers différents. Depuis plusieurs années, ces structures d’aide à la personne « autorisées » se sont engagées vers une plus grande professionnalisation et la pérennité de leurs emplois. Il est rassurant pour les bénéficiaires de ces prestations, déjà fragilisés par la vie, de savoir que leur aide à domicile dispose d’une formation de qualité et pourra être pleinement efficace à leurs côtés.
Cette exigence de qualité a bien évidemment un coût, qui n’a plus rien à voir avec le tarif fixé par la caisse nationale d’assurance vieillesse.
Aujourd’hui, ces structures ayant fait le choix de la qualité, d’une attention particulière pour leurs personnels, se trouvent pénalisées par une situation financière catastrophique. Le collectif franc-comtois regroupant des associations d’aide à domicile m’indique devoir faire face à un déficit cumulé de 2,4 millions d’euros, qui menace sérieusement non seulement la suite de l’activité, mais aussi la qualité de la présence sur le territoire. En Seine-et-Marne, 490 licenciements ont déjà eu lieu, et plus de 3 000 bénéficiaires restent sans aide à domicile.
Cette situation est due à deux raisons principales.
Tout d’abord, elle tient au désengagement de l’État : ce dernier a réduit sa participation à l’allocation personnalisée d’autonomie de 50 % à 30 %, ce qui conduit mécaniquement les conseils généraux à chercher le moindre coût.
Par ailleurs, dans le secteur social que je pensais plus épargné par ce phénomène, la concurrence est rude. En 2005, le plan Borloo pour les services à la personne a créé à côté des structures « autorisées » des structures dites agréées. Or ces dernières se sont majoritairement implantées dans des niches urbaines, permettant la rentabilité de court terme au mépris d’une politique salariale de qualité. Pour survivre, les associations ayant fait le choix de la qualité envisagent de diminuer leur présence dans le monde rural, le week-end, et de réduire les formations ainsi que la rémunération proposée aux personnels.
Madame la ministre, je ne me résous pas à attendre sans rien faire qu’une sélection naturelle s’opère et que des structures disparaissent dans l’année, faute d’un soutien actif à ces secteurs porteurs d’emplois non délocalisables, à la ruralité mais aussi à la lutte contre les exclusions. Je vous demande quelles mesures vous entendez prendre maintenant pour soutenir ces associations et en particulier pour soutenir la mise en place d’un fond d’urgence.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur Bourquin, vous vous interrogez sur les difficultés financières rencontrées par des services d’aide à domicile, en particulier de celles qui appartiennent au réseau UNA.
Xavier Darcos est conscient de ces difficultés, et c’est la raison pour laquelle il a demandé à ses services d’organiser une table ronde sur le financement de l’aide à domicile.
Cette table ronde, dont les travaux ont débuté le 21 décembre 2009, réunit l’ensemble des acteurs du champ de l’aide à domicile : les fédérations gestionnaires de services, les financeurs publics, mais aussi les organisations syndicales et les représentants des usagers, ainsi que les administrations et établissements publics concernés.
L’objectif est de recenser, de quantifier, d’analyser et de partager les difficultés rencontrées par les services et les autres acteurs pour aboutir à un état des lieux commun.
Dans un deuxième temps, il s’agira de dégager des pistes de travail et d’action pour les prochains mois.
Parmi les sujets abordés figurent les questions de tarification, les questions d’articulation entre les différents financeurs, en particulier les conseils généraux et les caisses de retraites, la valorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, la question du coût d’un service et du degré de qualification des intervenants.
Un équilibre doit être trouvé entre l’objectif de qualification et sa « soutenabilité » financière, que ce soit pour les personnes ayant besoin d’une aide ou pour les finances publiques, nationales et locales.
À ce sujet, je me permets de vous rappeler que le Sénat s’était opposé au projet de loi instituant l’APA en 2001, car le financement du nouveau dispositif n’était pas assuré ; je vous renvoie aux débats de l’époque.
Il n’en demeure pas moins que l’augmentation importante de la dépense implique un réexamen des conditions de financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie. Nous en convenons tout à fait. D’ailleurs, c’est l’un des points qui seront abordés lors du débat sur le grand âge et la perte d’autonomie au printemps prochain.
Il nous paraît important de souligner également que les motifs des difficultés rencontrées par les associations sont multiples et qu’elles peuvent également, dans certains cas, résulter de problèmes internes de gestion des services ou d’une politique de qualification n’intégrant pas suffisamment la réalité des moyens financiers disponibles localement.
Le ministre du travail attend de la concertation ouverte par la table ronde et de l’état des lieux partagé qui sera dressé une meilleure identification des responsabilités incombant à chaque partie prenante et des contributions respectives à apporter dans la recherche des solutions.
Une meilleure utilisation des moyens disponibles, par une meilleure organisation et un contrôle d’effectivité réel, fait évidemment partie des pistes de solutions à explorer.
M. Martial Bourquin. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de vos explications.
Je voudrais simplement formuler quelques remarques sur la tarification.
Il faut savoir ce que l’on veut. Veut-on un personnel de qualité ? Voilà quelques années, l’ensemble des aides ménagères préféraient faire de l’intérim dans de grandes entreprises – je l’ai constaté au sein du groupe PSA Peugeot Citroën –, compte tenu de la rémunération et de la flexibilité.
Si l’on veut que les services à la personne et les aides à domicile constituent un secteur économique à part entière, avec de véritables formations et des rémunérations correctes, il faut les rémunérer de façon satisfaisante ; or, pour cela, il importe que l’État ne se désengage pas comme il le fait ! Il est en effet inadmissible qu’il fasse passer sa participation à l’APA de 50 % à 30 % !
Certes, il est bon de se réunir, de se concerter et de communiquer, mais il faut surtout agir ! Et il faut agir dans les semaines qui viennent, afin d’empêcher la moitié de ces associations en difficulté de disparaître ou de licencier en masse. À défaut, certains secteurs ruraux ou urbains ne seraient plus couverts par ces services.
Madame la secrétaire d’État, le temps presse. Il faut investir pour l’emploi. Notre pays compte 3 millions de chômeurs. Or le secteur des services à la personne et des aides à domicile représente un gisement de milliers d’emplois et pourrait constituer demain l’un des leviers des politiques publiques en la matière.
extension à la réunion d'un numéro spécifique gratuit pour le traitement des pds
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 554, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
Mme Anne-Marie Payet. Je souhaite aujourd’hui appeler l’attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur la nécessité de créer un numéro d’appel spécifique gratuit à la Réunion pour le traitement des demandes de soins relevant de la médecine générale. Je suis certaine que Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité saura très bien relayer ma demande.
Je souligne que le système actuel de numéro unique, c'est-à-dire le 15, engendre parfois une attente trop longue pour les demandeurs. La création d’un numéro spécifique d’appel gratuit permettrait aux assistants de régulation médicale de mieux gérer les appels en traitant prioritairement les aides médicales d’urgence, les AMU, avant les demandes de permanences de soins, les PDS.
Alors que de nombreux départements de France métropolitaine sont déjà équipés du dispositif du numéro spécifique – c’est le cas des départements franciliens, du Jura, de la Haute-Saône, du Doubs et de bien d’autres –, les centres d’appel d’urgence réunionnais sont, pour leur part, toujours saturés.
Dans ce contexte, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour remédier à une telle situation ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Madame Payet, vous avez bien voulu interroger Roselyne Bachelot-Narquin sur l’opportunité de créer un numéro d’appel spécifique gratuit à la Réunion pour le traitement des soins relevant de la médecine générale.
Nous sommes bien conscients de l’affluence des appels vers les SAMU-Centre 15. Le centre 15 de La Réunion connaît, comme d’autres centres de métropole, des pics ponctuels d’activité. Victime de son succès, comme d’autres services hospitaliers ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il devient par la force des choses un interlocuteur majeur quant aux problèmes de santé de nos concitoyens.
Il n’est pas souhaitable que le recours aux urgences, et en premier lieu aux appels d’urgence, soit la solution de « droit commun » applicable à toutes les situations. C’est pourquoi Mme la ministre de la santé et des sports a décidé d’engager des expérimentations sur plusieurs territoires en métropole, comme celle de la plate-forme de réponse téléphonique dénommée « Info-Santé », à Bordeaux.
À la Réunion, la mise en place d’un projet semblable, le projet de « centre d’appels avancé », est en cours de réflexion. Plusieurs régions expérimentent donc la faisabilité d’un véritable centre d’appel unique qui regrouperait tous les appels relatifs à la santé sur une même plate-forme d’appels implantée au SAMU. Il s’agit de proposer un aiguillage au patient, qui aura le choix entre plusieurs numéros en fonction de son problème. L’appel reçu par le centre d’appels sera ainsi interconnecté avec d’autres numéros, comme ceux des associations de permanence des soins des médecins libéraux.
De telles évolutions prennent nécessairement du temps. Aussi Roselyne Bachelot-Narquin a-t-elle décidé de renforcer dans un premier temps le nombre de permanenciers auxiliaires de régulation médicale, afin d’améliorer les conditions de réponse téléphonique des centres 15.
Par ailleurs, une modernisation de l’outil technique des centres de réception des appels a été engagée. Ils bénéficient en effet d’un investissement de 10 millions d’euros spécifiquement consacrés à cette modernisation.
À cet égard, la Réunion s’est vu notifier sur la période 2007-2009 un montant de 335 000 euros de subventions provenant du fonds pour la modernisation des établissements publics et privés. Une enveloppe de rattrapage est par ailleurs prévue en 2010.
J’ajoute qu’une enveloppe de 275 000 euros a été consacrée pour la période 2007-2009 au recrutement de nouveaux permanenciers auxiliaires de régulation médicale. Une enveloppe supplémentaire est également prévue cette année pour permettre de financer un renforcement des équipes du SAMU de Saint-Denis.
Ces financements sont une réponse immédiate pour répondre à l’affluence des appels.
Ils seront complétés, dans un second temps, par l’optimisation de l’organisation générale de la régulation médicale, dont je vous ai ici décrit les principes, qui découlent des mesures prévues par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.
La situation est vraiment préoccupante, en particulier dans les parties de l’île très éloignées des hôpitaux. C’est le cas de mon village, Cilaos, que j’ai d’ailleurs eu le plaisir de faire visiter à M. le président Guy Fischer.
M. le président. En effet, ma chère collègue. Mme Patricia Schillinger, ici présente, participait d’ailleurs à cette visite ! (Mme Patricia Schillinger acquiesce.)
Mme Anne-Marie Payet. Récemment, une femme est décédée, faute de soins, sur la célèbre « route aux 400 virages », pendant son transfert vers l’hôpital. En effet, le dispositif de permanence n’étant plus en vigueur, aucun médecin n’était présent dans le village.
Madame la secrétaire d’État, je retiens que le projet est en cours de réflexion et qu’il viendra compléter les financements spécifiques accordés par le Gouvernement. J’espère que ce numéro d’appel spécifique sera mis en place rapidement.
accueil des malades d'alzheimer en seine-maritime
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 743, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
M. Thierry Foucaud. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les disparités qui existent en Seine-Maritime en matière d’accueil des malades d’Alzheimer.
En 2008, 1 000 000 habitants de notre pays souffraient de cette affection dégénérative. Selon une étude parue en 2005, 19 795 malades de plus de soixante-cinq ans avaient été détectés en Haute-Normandie, dont 16 753 âgés de plus de soixante-quinze ans. Ce sont le plus souvent les familles qui décèlent les troubles de leurs proches laissant penser à une affection. Il s’ensuit généralement une consultation chez le médecin généraliste, qui est de fait le premier acteur du dépistage, mais, surtout, le pivot de la prise en charge à suivre.
Cela étant, encore faudrait-il que le territoire comporte suffisamment de structures d’accueil pour que les soins nécessaires au malade, son accompagnement et un suivi efficace et continu soient dispensés ! En effet, s’il est humain et compréhensible que les proches d’un malade souhaitent son maintien dans un cadre familial le plus longtemps possible, il n’empêche que le patient doit être pris en charge vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Or, d’un point de vue géographique, de graves disparités existent.
Ainsi, en Seine-Maritime, si, dans l’agglomération de Rouen, il existe des consultations mémoire et des unités cognitivo-comportementales, il n’en va pas de même dans d’autres parties du département. On peut même parler de véritables déserts médicaux en la matière.
Sur la partie du littoral comprise entre l’agglomération dieppoise et la ville du Tréport, soit une population totale de 146 000 habitants, il n’existe qu’un seul lieu d’accueil, et il ne dispense que des consultations mémoire.
Pour l’agglomération du Havre, qui totalise plus de 250 000 habitants, il n’existe en tout et pour tout qu’un seul établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, un EHPAD, d’une capacité d’accueil de 12 places et 4 ateliers de stimulation cognitive, créés sur l’initiative de l’association France Alzheimer. Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour rendre hommage à l’action de cette dernière.
Dans ces conditions, vous comprendrez aisément, je pense, le désarroi des familles confrontées aux manques de prise en charge de proximité pour leurs proches affectés par la maladie d’Alzheimer. C’est pourquoi je vous demande quelles mesures vous comptez mettre en œuvre pour corriger les graves disparités existant en Seine-Maritime. Je souhaite également savoir si vous comptez répondre favorablement aux familles qui demandent une prise en charge financière des transports pour l’accueil de ces malades.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu interroger Roselyne Bachelot-Narquin sur les disparités d’accueil des patients atteints de la maladie d’Alzheimer en Seine-Maritime.
Vous soulignez que l’offre sanitaire, notamment dans la région de Rouen, est satisfaisante. En effet, l’une des mesures phares du plan présidentiel 2008-2013 est d’améliorer le diagnostic, et, pour cela, d’offrir un maillage territorial de qualité des consultations mémoire.
Ce point est désormais acquis avec 402 consultations mémoire et 27 centres mémoire de ressources et de recherche, qui permettent d’offrir un diagnostic précoce. La Seine-Maritime dispose de 9 consultations mémoire avec un ratio pour sa population de plus de soixante-quinze ans légèrement supérieur à la moyenne nationale.
Une autre réalisation importante du plan dans le domaine sanitaire est l’ouverture en 2009 à l’hôpital de Rouen d’une unité cognitivo-comportementale pour les patients ayant des troubles graves du comportement.
Enfin, il faut souligner la participation de l’équipe de recherche en génétique du professeur Thierry Frebourg de Rouen aux travaux récemment publiés sur les gènes impliqués dans la maladie d’Alzheimer.
Comme vous le soulignez, la situation dans le domaine médico-social est plus difficile dans certaines zones du département. Cependant, un effort d’équipement au profit de ces villes a été lancé afin de permettre un rééquilibrage au sein du département.
Globalement, le taux d’équipement en EHPAD, en structures spécialisées ou en services de soins infirmiers à domicile, s’améliore nettement et de manière continue. Ainsi, dans la région de Dieppe, 667 places d’EHPAD et 22 places d’accueil de jour sont ouvertes avec une augmentation de plus de 50 places prévue en 2010. Dans la région du Havre, où sont installés 9 EHPAD et une unité de soins de longue durée pour un total de 1 205 places d’hébergement, 186 places sont dédiées à des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. En 2010, 45 places supplémentaires d’hébergement complet s’ajouteront à l’offre actuelle, ainsi que 7 places d’hébergement temporaire et 17 places d’accueil de jour réparties sur deux nouveaux établissements.
L’équipement des régions de Dieppe et du Havre, notamment en ce qui concerne les structures d’accueil plus particulièrement destinées à la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, est un objectif prioritaire de l’ensemble des programmes locaux d’investissement, repris dans le programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le début de la mise en œuvre des mesures du plan Alzheimer apporte déjà un réel soutien aux patients, à leurs familles, ainsi qu’aux professionnels.
Je peux vous garantir que l’ensemble des ministres concernés continuent à travailler, sous l’impulsion du Président de la République, à la réalisation effective la plus rapide possible de toutes les mesures du plan.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la secrétaire d'État, je souhaite que ce qui est prévu pour 2010 et dont vous vous êtes fait l’écho soit effectivement réalisé. Il ne suffit pas d’indiquer que des places d’EHPAD supplémentaires seront créées. Il faut également prévoir des unités spécialisées pour l’accueil de ces malades, notamment des unités cognitivo-comportementales, ce qui est le cas à Rouen, mais n’est pas forcément le cas dans les agglomérations dieppoise et havraise.
D’après votre réponse, des dispositions sont prises pour le département. Nous souhaitons néanmoins, avec les familles et les associations, que des unités et des lits pour l’accueil des malades soient réellement créés.