M. Gérard Collomb. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement a présenté son projet. Nous avons donc cherché, avec l’ensemble des élus, représentés notamment par l’Association des maires de France, l’Association des maires des grandes villes de France, l’Association des communautés urbaines de France et la Fédération des maires des villes moyennes de France, les moyens de l’améliorer.
Quelle a été l’évolution du texte et quelles positions avons-nous défendues ?
Par exemple, le projet de loi initial prévoyait que toutes les compétences seraient dévolues à la métropole, laquelle en déléguerait ensuite certaines aux communes. Nous nous sommes opposés à une telle démarche : il faut continuer à procéder dans l’autre sens, du bas vers le haut ; c’est la commune qui doit déléguer des compétences à la structure intercommunale.
Le Grand Lyon représente soixante années d’expérience de l’intercommunalité. Nous avons pu constater, au fil du temps, que, progressivement, un rapport de confiance s’établissait, amenant la commune à ne plus hésiter à déléguer un certain nombre de compétences à l’intercommunalité.
Dans le même esprit, le texte d’origine prévoyait logiquement que la métropole lèverait les impôts et centraliserait les recettes, avant d’en rétrocéder une partie aux communes en fonction des compétences très limitées qu’elles exerceraient. Sur ce point également, nous avons marqué notre opposition.
Je tenais à rappeler cela, afin d’éclairer le débat que nous aurons sur l’article 2, puis sur l’article 3.
L’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct, comme le prévoit le texte, politisera-t-elle le scrutin ? Cela est vrai dans une large mesure, mais ce n’est pas moi qui ai inséré une telle disposition dans le texte ! On peut encore envisager, pour les communes les plus petites, des adaptations ; mais, pour les plus importantes, un minimum de concordance est nécessaire entre les personnes désignées par le suffrage universel et celles qui seront appelées à diriger l’intercommunalité. Sinon, si le décalage était trop important, l’injustice serait criante ! Je l’ai dit tout à l’heure, le Conseil constitutionnel sera vigilant sur ce point.
C'est la raison pour laquelle, en concertation avec les associations d’élus, nous avons déposé des amendements sur l’article 3 pour que soient prises en compte, sur le plan électoral, deux réalités : la démographie et le territoire, toutes les communes, même les plus petites, devant être représentées.
M. Michel Charasse. C’est gentil !
M. Gérard Collomb. Avec l’ensemble des associations d’élus, nous sommes parvenus, me semble-t-il, à des solutions équilibrées, que nous souhaitons voir préserver. Il est assez rare que les groupes politiques de cette assemblée parviennent à s’accorder sur des propositions communes.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.
M. Claude Bérit-Débat. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les débats sur l’article 1er ne se sont pas déroulés dans la plus grande sérénité… Je ne reviendrai ni sur la forme ni sur le fond de cette discussion. Je souhaiterais, en revanche, établir un parallèle entre l’article 1er et l’article 2, dont nous allons maintenant débattre.
Ces deux articles font partie du titre Ier, intitulé « Rénovation de l’exercice de la démocratie locale ». De ce point de vue, l’article 1er s’avère pour le moins discutable, ce qui n’est pas tout à fait le cas de l’article 2.
En effet, même si je n’en approuve pas toutes les dispositions, cet article manifeste néanmoins une certaine volonté de renforcer la représentativité des assemblées intercommunales : il s’agit là d’une véritable tentative de rénovation – dans le bon sens, cette fois ! – de la démocratie locale.
J’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises dans cet hémicycle, il faut rapprocher encore davantage les intercommunalités des citoyens. Dans cette perspective, l’élection des délégués communautaires directement par les citoyens me paraissait être une étape nécessaire et complémentaire de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité.
On ne peut pas, en effet, d’un côté, constater la réalité du fait communautaire et se réjouir de le voir prendre une place croissante dans le quotidien des Français, et, de l’autre, ne pas en tirer les conséquences qui s’imposent en termes de renforcement de la légitimité des délégués communautaires. De ce fait, la question du mode de désignation de ces derniers était posée : il fallait choisir entre une élection au suffrage universel direct, le maintien du mode de désignation actuel ou le fléchage.
C’est le fléchage qui a été retenu, ce qui, à mes yeux, permet de trouver un moyen terme acceptable. Je rappelle que la totalité des associations d’élus, dont la mission Belot a entendu des représentants, y étaient favorables. Assez paradoxalement, c’est sur le mode de désignation de ses représentants au sein de l’intercommunalité que ce texte est le plus favorable à la commune, quand les autres dispositions la concernant remettent son existence même en cause. Mais nous y reviendrons, notamment à l’article 3.
Le fléchage interviendra donc sur la base des listes établies pour les élections municipales. L’avancée est réelle. Cela permettra notamment de respecter les objectifs en termes de parité, en compensant très légèrement la régression à laquelle nous condamne la création du conseiller territorial en la matière. Le recours au fléchage donnera également une meilleure lisibilité, une plus grande transparence au mandat de délégué communautaire, ce qui renforcera mécaniquement sa légitimité.
Pour autant, je l’ai déjà dit à différentes reprises, on aurait pu aller plus loin, notamment en appliquant le fléchage à toutes les communes, sans distinction de nombre d’habitants, contrairement à ce que pensent certains de nos collègues. Si les élections municipales dans les toutes petites communes présentent effectivement des spécificités, elles ne sont pas nécessairement contradictoires, me semble-t-il, avec le fléchage. De toute manière, dès lors que l’on veut renforcer la légitimité du délégué communautaire et démocratiser son mode d’élection, il ne peut être question d’établir une distinction entre les citoyens selon la taille de leur commune de résidence.
Au final, cet article 2 ne va, globalement, pas assez loin. Il révèle les contradictions du texte sur la place des communes dans notre paysage institutionnel, eu égard notamment à certaines dispositions figurant à l’article 3. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voterai cet article, qui correspond à une vieille revendication de l’Association des maires ruraux de France. Nous étions alors bien seuls à proposer ce mode de scrutin, qui semblait à d’autres parfaitement révolutionnaire et contraire aux intérêts de la ruralité…
Aujourd'hui, les intercommunalités ont pris un tel poids, avec les compétences multiples qu’elles exercent et l’importance des budgets qu’elles gèrent, que l’on ne pouvait pas les laisser éternellement souffrir d’un déficit démocratique.
Ceux d’entre nous qui, comme moi, sont issus de petites ou de moyennes communes, n’auront sans doute pas manqué d’être frappés par le fait que l’intercommunalité n’est jamais évoquée lors des campagnes municipales. Seule l’opposition en parle, pour la dénigrer, avant d’ailleurs, en cas de victoire, de se hâter de chausser les bottes de l’équipe précédente ! Cette loi devrait au moins permettre de placer le sujet de l’intercommunalité au cœur du débat démocratique.
Cela étant, nous sommes nombreux à penser que l’intercommunalité est non pas une collectivité, mais, pour reprendre l’excellente formule de notre collègue Jean-Pierre Chevènement, une « coopérative de communes ». Dans ces conditions, il ne peut y avoir de concurrence avec la commune en matière de légitimité, les délégués au sein de l’intercommunalité devant être ceux de la commune, et ne pas exercer leur mandat à titre personnel.
C'est la raison pour laquelle la formule du fléchage – le terme n’est pas très heureux, mais il est compréhensible par tous – qui a été finalement adoptée permet de résoudre la quadrature du cercle. Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous trouverez une formule aussi satisfaisante pour la désignation des conseillers territoriaux.
Certains redoutent que ce mode d’élection politise le scrutin dans les petites communes. Mais n’y fait-on pas déjà de la politique ? (Mme Dominique Voynet applaudit.) Je suis élu d’un département dans lequel la gauche n’exerce pas une domination écrasante : si seules les voix de gauche se portaient sur mon nom, je ne serais pas ici et je n’aurais pas été maire pendant vingt-deux ans ! Les électeurs votent aussi pour vous parce que vous défendez des projets, parce qu’ils vous font confiance, parce qu’ils vous ont vu à l’œuvre. Je ne vois pas en quoi ce mode d’élection changera les choses. L’argument me paraît fallacieux !
C'est pourquoi nous estimons qu’il n’y a pas de raison de réserver un sort particulier aux communes de moins de 500 habitants. Pour autant, des aménagements pratiques sont envisageables dans leur cas. On pourrait par exemple admettre la présentation de listes incomplètes, ce qui, soit dit par parenthèse, règlerait le problème de la parité.
Cet article correspond à mon sens à un assez large consensus, et je souhaite son adoption. Si, par la suite, les communes appartenant à de grandes intercommunalités décidaient, à une écrasante majorité qualifiée, d’aller plus loin et d’envisager d’autres modalités de coopération, cela ne me choquerait pas, mais il ne faut pas que, sous couvert de mettre en place des structures intercommunales, on cherche à faire disparaître les communes. (M. Jean-René Lecerf applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. Je n’avais pas prévu d’intervenir à ce stade du débat, mais un certain nombre de propos que j’ai entendus m’incitent à prendre brièvement la parole.
Je voudrais tout d’abord dire à M. Sueur qu’il n’a pas le monopole de la défense des petites communes.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Hervé Maurey. Il est important de le préciser, car, depuis l’annonce de cette réforme, on cherche à faire croire aux élus que ce projet de loi viserait à remettre en cause l’existence même des communes. C’est totalement faux ! En adressant ses vœux aux parlementaires, le Président de la République a clairement indiqué qu’il voulait une réforme ambitieuse afin de renforcer les communes.
M. Michel Charasse. « C’est pour mieux te manger, mon enfant ! »
M. Hervé Maurey. Il a également rappelé à plusieurs reprises que la commune était la cellule de base de la démocratie.
Pour ma part, j’ai déposé un amendement, qui sera examiné à l’article 5, tendant à inscrire dans la loi que, quelque nécessaire que soit la coopération intercommunale, l’échelon de base de la démocratie reste la commune. Je tiens à réaffirmer très clairement, à ce stade du débat, que la réforme ne remet pas en cause l’existence des communes. Tous ceux qui tentent de faire croire le contraire cherchent à faire peur aux élus et à nos concitoyens.
En matière de coopération intercommunale, je suis d’accord avec MM. Sueur et Collombat pour souligner que la coopération intercommunale, quel que soit le nom qu’on lui donne, ne doit pas entrer en rivalité avec les communes. Elle doit au contraire les fédérer, être un outil à leur service.
En revanche, je ne suis pas du tout mes collègues sur la question du mode de scrutin dans les petites communes : il n’y a pas de politisation de la vie municipale dans les communes de moins de 500 habitants.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais si !
M. Hervé Maurey. Ceux qui prétendent le contraire mentent effrontément ou n’ont jamais rencontré un maire de petite commune ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Arrêtez !
M. Hervé Maurey. Je connais un maire socialiste, par ailleurs conseiller général, dont la commune franchira prochainement le seuil des 3 500 habitants. Il en est très malheureux, car, à l’avenir, deux listes devront nécessairement s’affronter : l’une dite de droite, l’autre dite de gauche, alors que, jusqu’à présent, il constituait une liste unique regroupant des personnes venues de tous horizons politiques et mues par le seul intérêt général.
Pour l’heure, je le répète, dans les communes de moins de 500 habitants, il n’y a pas de politisation de la vie municipale. Tous les nombreux maires que je rencontre – je ne crois pas que ceux de l’Eure soient très différents des autres – sont résolument opposés à un abaissement du seuil prévu. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà annoncé, je proposerai au contraire de le relever de 500 à 1 500 habitants.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Hervé Maurey. Je vous invite instamment, chers collègues de l’opposition, à aller sur le terrain à la rencontre des maires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Peut-être rencontrez-vous moins d’élus de terrain que moi parce que vous avez été élus à la proportionnelle. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Dominique Voynet. C’est nul !
Mme Annie David. C’est de la provocation gratuite !
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, sur l'article.
M. Dominique Braye. Ce débat très intéressant reflète la diversité de nos expériences.
Il a été dit et répété en de nombreuses occasions, ici même et en d’autres lieux, que la commune est la cellule de base de la démocratie,…
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Dominique Braye. … certains allant jusqu’à affirmer que la commune est à la démocratie ce que la cellule biologique est au corps humain, c'est-à-dire sa composante vitale. Le président Larcher se plaît d’ailleurs à dire que les Français connaissent et plébiscitent deux élus : le Président de la République et le maire. Je crois que c’est la réalité.
Cela étant, encore faut-il que les dispositions que nous allons voter correspondent bien à cette pétition de principe. Or, toutes les simulations qui ont été faites, en particulier par l’Assemblée des communautés de France, qui représente tout de même 1 100 EPCI regroupant 35 millions d’habitants, monsieur Collomb,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et l’Association des maires de France ? Elle représente plus de 60 millions de Français !
M. Dominique Braye. … montrent que si le dispositif de l’article 3, dans sa rédaction actuelle, s’applique très bien aux grosses intercommunalités, telles que les communautés urbaines ou les futures métropoles, ou à celles dont les communes membres ne présentent pas de différences de population trop fortes – je pense par exemple à la communauté d’agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz ou à la communauté de communes de notre collègue Guéné, qui compte quelque 3 200 habitants répartis de manière équilibrée dans seize communes –, il n’en va pas du tout de même pour les communautés d’agglomération et les communautés de communes dont la ville-centre pèse très lourd par rapport à la quarantaine ou à la cinquantaine de communes qui l’entourent. C’est le cas à Aurillac, chez notre collègue Mézard, ou à Saint-Flour, chez notre collègue Jarlier, ainsi que dans la communauté de communes du président Larcher : la ville-centre y détient actuellement sept sièges sur trente-six ; avec le nouveau système, vingt-trois sièges sur quarante-six lui reviendront, et toutes les autres communes n’auront plus qu’un siège. Autrement dit, il suffira à la ville-centre de rallier une autre commune pour pouvoir imposer sa volonté. Ce n’est pas l’esprit de l’intercommunalité !
J’en veux pour preuve, mes chers collègues, que tous les maires de ville-centre ici présents ont minoré le poids de celle-ci quand ils ont voulu créer une intercommunalité, afin de rassurer les petites communes, en leur montrant qu’il ne s’agissait pas de les écraser. Va-t-on maintenant changer les règles du jeu et restreindre leur représentation au sein de l’intercommunalité, au profit de la ville-centre ? Elles seront alors prises au piège, et réduites à l’impuissance.
Si le dispositif demeure en l’état, l’alternative sera la suivante : soit les maires des petites communes se désintéresseront complètement de l’intercommunalité et ne viendront plus y siéger ; soit, au contraire, ils se regrouperont et s’organiseront pour s’opposer à la ville-centre. Monsieur le secrétaire d’État, vous allez susciter, entre les villes-centres et leur périphérie, des oppositions qui n’existaient pas auparavant. J’appelle votre attention sur ce problème particulièrement important.
Mes chers collègues, est-ce nous sénateurs, défenseurs des territoires, des élus locaux et des collectivités territoriales,…
Mme Nathalie Goulet. Et renouvelables !
M. Dominique Braye. … qui allons faire subir cela aux maires des petites communes ? Allez donc le leur expliquer si vous y tenez, mais alors vite, avant 2014 ! (M. Michel Charasse applaudit.)
Mme Nathalie Goulet. Avant 2011 !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, sur l'article.
M. Jean-Claude Peyronnet. Concernant l’élection des délégués communautaires dans les communes de moins 500 habitants, je ne partage pas du tout le sentiment de M. Maurey.
M. Hervé Maurey. Allez à la rencontre du terrain !
M. Jean-Claude Peyronnet. Le scrutin uninominal dans lequel on peut rayer des noms sur une liste est plus favorable à ceux qui ne font rien qu’à ceux qui travaillent beaucoup, dont il est toujours facile de dénigrer l’action.
En tout état de cause, on constitue déjà des listes dans les petites communes.
M. Michel Charasse. Elles ne sont pas complètes !
M. Jean-Claude Peyronnet. En effet, et pour notre part nous proposerons de maintenir la possibilité de présenter des listes incomplètes, tout en éliminant celle d’être élu sans avoir été candidat.
Cela étant dit, là n’est pas l’essentiel : la question de l’éventuelle suppression des communes est autrement importante.
Il est vrai qu’il n’est nulle part écrit que l’on va supprimer les communes. Au contraire, chacun se pose en défenseur de la proximité et y va de sa louange aux maires et aux 550 000 conseillers municipaux de notre pays. Pourtant, notre conviction profonde est que cela ne correspond pas à la logique de ce texte. Il en va de même pour les départements : en dépit de l’attachement unanimement proclamé à cet échelon territorial, nous pensons que leur suppression est inscrite en filigrane dans le projet de loi, d’ailleurs inspiré par le rapport Balladur, lequel évoque l’ « évaporation » des départements et prône en outre clairement la constitution de « communes nouvelles ». Ne subsisteraient alors plus que deux niveaux : l’intercommunalité et les communes nouvelles, d’une part, la région, d’autre part.
Je suis conscient que le projet du Gouvernement ne va pas jusque-là. Il ne sera pas très facile de créer des communes nouvelles, l’obligation de recourir à un référendum en l’absence de consensus entraînant un blocage définitif du processus. Cependant, imaginez que l’on mette en place une incitation financière, comme en prévoyait la loi Chevènement – certes, l’État est actuellement plutôt impécunieux, mais cette situation peut changer d’ici à quelques années, par exemple grâce à une montée de l’inflation –, et si elle se conjugue à un étranglement budgétaire des communes, les maires se précipiteront dans une voie qui mènera à la disparition de celles-ci. Telle est, j’en suis convaincu, la logique ultime du présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, sur l’article.
M. Jean-Pierre Chevènement. Je viens d’entendre tous les arguments des partisans de l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel par la voie du fléchage. Apparemment, ce système est plus démocratique que la désignation directe des délégués par les conseils municipaux.
Je voudrais attirer l’attention sur l’esprit de l’intercommunalité. Jusqu’à présent, l’intercommunalité était une coopérative de communes. Avec l’élection des délégués communautaires selon le système du fléchage et la multiplication des communes où s’appliquera le scrutin proportionnel de liste, vous allez introduire dans les conseils communautaires les divergences idéologiques et politiques séparant les différentes listes. C’est inévitable.
Cela est plus démocratique, nous dit-on, mais je voudrais souligner que si les états-majors décident très vite, il faut du temps pour percevoir les conséquences de ce que l’on veut.
La désignation des conseils communautaires selon ce système va entraîner une politisation, pas forcément au bon sens du terme. Certes, la politisation peut évidemment être positive, lorsqu’elle a trait aux grandes options idéologiques, mais en l’occurrence on verra apparaître, s’agissant de projets très concrets, tels que la création d’un gymnase ou la définition d’un intérêt communautaire sur telle ou telle voirie, des majorités quasiment automatiques, qui obéiront beaucoup plus à des présupposés politiques qu’à des considérations de terrain. Cela aussi est inévitable.
Je reconnais n’y avoir pas moi-même spontanément pensé. C’est au fil du temps que je suis arrivé à cette conclusion : ce mode de scrutin par fléchage va transformer l’esprit de l’intercommunalité, qui ne sera plus une coopérative de communes, mais deviendra un quatrième niveau de collectivité. Tel est bien l’objectif visé, au fond, par le projet de loi.
En effet, je ne suis pas convaincu par l’argument développé par M. Maurey tout à l’heure, selon lequel nul ne conteste que la commune est l’échelon de base de la démocratie et est à ce titre intangible. En réalité, les communes nouvelles constituent une innovation déjà inquiétante à cet égard, parce qu’une telle structure pourra être créée sur l’initiative d’un préfet ou d’un EPCI désireux d’absorber les communes qui le constituent.
Au-delà, c’est l’intercommunalité même, dont vous aurez transformé l’esprit, qui va inéluctablement diminuer la légitimité des maires. Jusqu’à présent, ces derniers choisissaient dans une très large mesure les délégués communautaires qui allaient les assister pour défendre leur commune. À partir du moment où l’élection de ces délégués se fera par fléchage, ils seront désignés dans l’ordre des listes. Des majorités ou des minorités de rencontre se formeront donc forcément à l’échelon du conseil communautaire. Vous aurez alors pollué, sans l’avoir voulu, l’esprit de l’intercommunalité.
En diminuant la légitimité des maires, vous ferez inévitablement s’estomper le rôle des communes. Je ne pense pas que ce soit ce que vous voulez, mais je vous garantis que c’est le résultat auquel vous aboutirez en faisant adopter en l’état le dispositif.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Si cette discussion a parfois tendance à s’égarer, cela est dû à l’organisation du projet de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout !
M. Yves Daudigny. Par exemple, sauf erreur de ma part, la mention du seuil de 500 habitants ne figure pas dans le texte. Cela étant, il sera toujours possible, dans une petite commune, de présenter une liste d’intérêt local, comme cela se pratique déjà souvent, un scrutin de liste ne se traduisant pas obligatoirement par un affrontement dur entre deux sensibilités politiques. Tel n’est pas, cependant, l’objet de mon intervention.
Je préside le conseil général d’un département comptant 535 000 habitants et 816 communes. Il s’agit du deuxième département français par le nombre de communes, après le Pas-de-Calais. Je veux réaffirmer ici mon attachement à l’échelon communal en tant qu’échelon de base de l’organisation territoriale dans notre pays. La commune est bien, comme cela a déjà été dit, l’unité de base de la démocratie, l’unité de base du fonctionnement social, le lien entre les habitants et le premier niveau d’initiative, à la condition bien sûr que le maire ait toute sa légitimité et dispose d’un pouvoir réel, dans le cadre d’institutions qui demeureraient semblables à ce qu’elles sont aujourd’hui.
C’est là, monsieur Maurey, que je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Je voudrais bien vous croire, quand vous affirmez que ce projet de loi tend à protéger et à renforcer la commune. Mais son article 8 instaure la commune nouvelle, qui sera certes constituée sur la base du volontariat, mais aussi sur l’initiative du représentant de l’État dans le département !
On nous explique qu’il s’agit seulement de remplacer la loi Marcellin et que le nouveau dispositif ne fonctionnera pas davantage que cette dernière. En ce cas, et si vous ne voulez pas que ce texte soit le vecteur de la fusion des communes, le plus simple est de voter contre l’article 8 ou de le retirer du projet de loi. Si vous le maintenez et si vous l’approuvez tel qu’il est, cela signifie bien que ce texte est sous-tendu par la volonté de supprimer l’échelon communal et de fusionner les communes au sein de communes nouvelles.
J’en reviens à la défense de la commune comme cellule de base de notre organisation territoriale. La commune est moderne, elle n’appartient pas au passé, mais elle ne pourra s’inscrire dans l’avenir que si elle participe à une intercommunalité. Si un projet de loi était nécessaire, c’était bien pour clarifier le lien entre communes et intercommunalités, s’agissant en particulier de l’élection des conseillers communautaires. Comme cela a déjà été dit, plusieurs options étaient possibles à cet égard. Certains allaient jusqu’à préconiser l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires. Pour ma part, j’estime que la proposition qui nous est ici présentée peut être une solution de compromis. Elle permettrait de rendre plus simple et plus lisible la désignation des conseillers communautaires, tout en sauvegardant la légitimité et le pouvoir des maires.
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, sur l’article.