M. Jacques Blanc. Je suis favorable à ce plancher de vingt membres ; j’avais moi-même proposé de le fixer à quinze. Vingt, c’est encore mieux ! La discussion a été renvoyée à plus tard ; nous verrons bien ce qu’il adviendra.
Mais je suis très troublé par la première partie de cet amendement, car elle est complètement irréaliste ! Je vais prendre un exemple, celui de la Lozère, département de 75 000 habitants, dans la région Languedoc-Roussillon, dont par ailleurs, certains des départements comptent de 800 000 à 900 000 habitants, voire plus d’un million. Il serait dans ce cas très dangereux de prévoir, comme vous le faites dans cet amendement, que « le nombre de représentants au conseil régional du département le moins peuplé rapporté à la population ne peut être supérieur à deux fois et demie celui du département le plus peuplé » !
Nous avons dit tout à l’heure qu’il fallait tenir compte des territoires, et le Gouvernement nous a soutenus sur ce point. Or chacun sait que la densité de population diffère selon les territoires. Dans mon département, la Lozère, la densité de population est ainsi de douze habitants par kilomètre carré. Nier cette réalité en adoptant cet amendement conduirait à une catastrophe !
M. Jean-Claude Peyronnet. Si vous ne fixez pas de limite, la proportion pourrait être du simple au décuple !
M. Jacques Blanc. J’ai pris note des engagements qu’a pris le Gouvernement !
Je suis favorable, pour ma part, au minimum de vingt membres, mais nous en débattrons lors de l’examen du projet de loi électorale. M. le secrétaire d’État avait d’ailleurs évoqué, devant les élus des zones de montagne, l’idée d’un tel seuil. Pour ma part, j’ai réuni le groupe « Montagne » ; malgré nos divergences, nous sommes tombés d’accord sur un point : il faut assurer une représentation forte des territoires. Or un tel coefficient bloquerait cette représentativité !
Chers collègues, j’aurais volontiers voté la seconde partie de votre proposition, mais elle est en contradiction avec la première. En conséquence, je voterai contre l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour reprendre le mot d’un sénateur célèbre, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
M. Jacques Blanc. Ce n’est pas moi ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Je crains que vous ne déchantiez, cher collègue.
M. Jacques Blanc. Si le Gouvernement ne tient pas ses promesses, je ne voterai pas son texte ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Mais vous ne le saurez pas le jour où vous devrez voter ! (Marques d’approbation sur les mêmes travées.)
Pour ceux d’entre nous qui ne sont pas des croyants, comme vous qui ajoutez foi à tout ce que l’on vous dit, le problème est très simple : il s’agit de trouver une solution viable et acceptable par le Conseil constitutionnel. Précisément, croyez-vous vraiment que le Conseil acceptera de tels écarts de représentativité – de 1 à 6 ! – d’un département à l’autre ? Cela me paraît bien improbable...
La seule façon de sortir de cet imbroglio est de fixer un nombre minimum de vingt membres pour la représentation des départements de montagne et des départements ruraux. Et même avec un minimum de vingt membres, si le système est retenu, cela fait seize cantons : ce n’est pas grand-chose ! Dans les Hautes-Alpes, par exemple, la gestion ne sera pas évidente. Ce seuil de vingt nous paraît donc raisonnable.
M. Jacques Blanc. On est d’accord !
M. Pierre-Yves Collombat. À L’Argentière-La Bessée, dans les Hautes-Alpes, j’ai entendu M. Marleix promettre que les conseils généraux compteraient vingt membres, même s’il est ensuite revenu au seuil de quinze.
Nous souhaitons que l’on fixe une règle. On nous dira que cette mesure relève du projet de loi électorale. Libre à vous, chers collègues qui croyez tout ce que disent le Gouvernement et le Président de la République, votre guide, libre à vous de leur faire confiance en tous points ! Nous aimerions, pour notre part, obtenir des précisions et des engagements.
Notre proposition me paraît tout à fait réaliste. S’il vous paraît impossible de la mettre en pratique, c’est que le couplage des modes d’élection du conseiller général et du conseiller régional ne tient pas la route d’un point de vue constitutionnel. Il faut donc trouver un autre système que celui qui est proposé : voilà un sujet de méditation extrêmement intéressant !
Pour l’instant, vous ne vous posez pas de questions et vous vous contentez de voter dans le sens indiqué par le Gouvernement. (M. Jean-Jacques Mirassou approuve.) On se croirait dans Le Livre de la jungle revu par Walt Disney, lorsque le serpent dit : « Aie confiance... ».
Mais nous ne sommes pas tous des adeptes de Walt Disney ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cher Jacques Blanc, nous ne voulons aucun mal aux départements ruraux ! (M. Jacques Blanc manifeste son scepticisme.) Mon cher collègue, je suis élu d’un de ces départements !
Nous cherchons ici à prévenir le risque d’inconstitutionnalité. En effet, si nos propositions ne sont pas retenues, le Conseil constitutionnel censurera le texte pour non-respect du principe de l’égalité devant le suffrage, car votre système entraîne de trop grands écarts de représentation entre les départements ; et le Gouvernement ne pourra rien y faire. Il n’est pas suffisant de prévoir un nombre plancher de membres au sein des assemblées départementales ; il faut aussi prévoir un plafond.
Notre proposition vaut ce qu’elle vaut, mais elle est honnête et a pour seul objectif d’améliorer le dispositif. Vous ne pouvez pas la balayer d’un revers de la main : nous devons en parler sereinement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. L’argumentation de Jacques Blanc m’a amusée. Il n’existe pas de réponse simple au problème posé par la place accrue des départements au sein des conseils régionaux.
L’amendement proposé par Jean-Claude Peyronnet et les membres du groupe socialiste tend à garantir une représentation minimale des départements les moins peuplés. Il a le même objet que celui que je défendrai tout à l’heure et qui vise à interdire que plus de la moitié des membres du conseil régional viennent du même département, par hypothèse le plus peuplé.
J’y vois une raison de plus de remettre en cause le principe même de la création du conseiller territorial. Il sera en effet difficile d’assurer une représentation équitable des territoires au moment même où les missions des conseillers généraux et des conseillers régionaux seront en pratique confondues.
J’ai trouvé les arguments du rapporteur et du secrétaire d’État assez incohérents. Sur chaque amendement, M. le rapporteur nous rétorque, par une pirouette, que la question des modes de scrutin n’est pas à l’ordre du jour. Or nous n’avons pas oublié qu’il a réservé, jeudi dernier, dans cet hémicycle, un traitement bien plus favorable à l’amendement de M. About, qui concernait ce même sujet !
Les propos de M. le secrétaire d’État sont également incohérents. Il nous demande d’attendre la validation ou le rejet par le Conseil constitutionnel du charcutage des circonscriptions législatives avant d’entamer la discussion des modes d’élection du conseiller territorial. Or nos amendements ne concernent pas le découpage ou le regroupement des cantons ! Nous proposons simplement d’arrêter un certain nombre de principes, comme cela a été fait jeudi dernier, d’ailleurs à notre corps défendant, lors de l’examen de l’amendement de M. About.
Vous vous engagez, dites-vous, sur le mode de scrutin proportionnel et sur la parité. Pourquoi serait-il alors impossible de s’engager aussi, dès à présent, sur le principe d’une juste représentation des territoires, quelle que soit la densité de leur population ? Nous souhaitons entendre la position du Gouvernement sur cette question de l’équilibre de la représentation. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je pense, comme Jacques Blanc, que quinze élus ne font pas un effectif suffisant pour gérer un département, surtout si ces élus doivent siéger à la fois au sein du conseil général et au sein du conseil régional. J’ai bien noté que la question serait réglée plus tard, mais je crois vraiment qu’elle mérite réflexion.
Il est nécessaire de fixer un seuil minimum. Le département et la région dont je suis l’élu comptent au total cinquante-trois élus ; ils ne sont donc pas vraiment concernés par cette mesure. Mais d’autres départements, sans la fixation de ce seuil, ne seront plus gérables ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Si l’amendement n’a pas été adopté, c’est de justesse !
Mme la présidente. L'amendement n° 356 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un même département, l'écart entre la population du canton le plus peuplé et celle du canton le moins peuplé ne peut excéder trente pour cent.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le conseiller territorial est donc né ce jour, mercredi 27 janvier 2010, à dix-sept heures cinquante-cinq. Parce que nous ne sommes pas complètement idiots, nous avons bien compris que les modalités du scrutin pour son élection seront fixées ultérieurement.
Nous avons aussi noté, avec la même clairvoyance, qu’il était possible de déterminer des principes généraux relatifs à ce mode d’élection. Cet amendement n’a pas d’autre objet.
Les sénateurs socialistes, profondément attachés à la décentralisation – faut-il le rappeler ? –, estiment que la représentation locale doit tenir compte de la diversité de nos territoires. Elle doit aussi être adaptée aux dynamiques, différentes, de chaque niveau de collectivité. En créant aujourd’hui le conseiller territorial, sous prétexte de clarification, vous avez au contraire délibérément brouillé l’architecture institutionnelle des collectivités.
Je le répète une fois encore, n’en déplaise à certains, les Français sont profondément attachés au département. De nombreux collègues siégeant sur les différentes travées de cet hémicycle l’ont d’ailleurs rappelé. Nos concitoyens identifient parfaitement les missions du département. Après le maire, le conseiller général est l’élu de proximité par excellence, notamment en zone rurale, mais aussi en zone urbaine, où la situation n’est pas radicalement inverse, contrairement à ce que l’on nous décrit. La création du conseiller territorial va modifier cet état de fait.
Néanmoins, il importe que ce nouvel acteur soit élu le plus légitimement possible, selon des modalités qui seront fixées ultérieurement, dans un projet de loi que nous examinerons.
Or, nous le savons, l’application de la stricte règle de la proportionnalité, combinée à la réduction de moitié du nombre d’élus départementaux et régionaux, aura des effets paradoxaux dans les régions constituées de départements de taille très différente. Cela a été souligné à maintes reprises précédemment. Je le répète, car tel est bien le rôle de l’opposition sénatoriale, mes chers collègues, que de vous placer face à vos responsabilités et de vous rappeler les risques évidents, décrits voilà encore quelques instants.
Quels que soient les hypothèses et les critères retenus, le redécoupage des cantons sera extrêmement complexe. À cet égard, l’étude d’impact effectuée à la demande du Gouvernement n’est pas rassurante. De toute évidence, le problème vous embarrassait. Vous l’avez évacué en renvoyant son traitement à une ordonnance, qui ne sera connue que bien après nos présentes discussions. Le désormais fameux tableau n° 7 reste encore inconnu du public, et des parlementaires !
Comment le Gouvernement va-t-il concilier les trois impératifs qu’il s’est fixés, à savoir le découpage des cantons sur des bases démographiques, la réduction par deux du nombre d’élus, une représentation acceptable des départements les moins peuplés ? De toute évidence, le futur découpage ne pourra qu’entraîner une baisse du nombre d’élus beaucoup plus forte dans les départements peu peuplés, généralement plus vastes que les autres.
Le Gouvernement va, en réalité, affaiblir la légitimité des élus départementaux.
Avec l’amendement n° 356 rectifié, visant à instaurer un écart maximal de 30 % entre la population du canton le plus peuplé et celle du canton le moins peuplé, nous vous proposons de garder une certaine cohérence. Vous ne pourrez pas refuser, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, d’inscrire ce principe dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement porte sur un sujet de droit électoral, et il n’a donc pas sa place dans le présent texte. Il peut d’ailleurs être considéré comme un cavalier. Cette disposition devra être examinée lors de la discussion du projet de loi n° 61, spécifiquement dédié à ces questions.
M. Jean-Pierre Sueur. Et l’amendement de M. About ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce texte visait des grands principes.
En tout état de cause, le respect des exigences relatives à la représentation suffisante des territoires et de la population – une assurance a été donnée tout à l’heure à notre collègue Jacques Blanc sur ce point – fait partie des éléments qui seront pris en compte dans la discussion du projet de loi n° 61.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je voudrais rappeler la situation.
Monsieur Peyronnet, selon la carte cantonale actuelle, l’écart maximal entre la population des différents cantons d’une même circonscription est de 1 à 45 ! Ce record est enregistré dans le Var, département cher à M. Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas le problème !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Sans aucun esprit polémique, je rappelle que cette carte électorale résulte d’une série de 134 découpages cantonaux effectués à l’époque où la gauche était au pouvoir, entre 1980 et 1985, puis entre 1988 et 1992. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je ne vous adresse aucun reproche : j’énonce un fait ! Et je peux vous fournir la liste de ces redécoupages !
La majorité, quant à elle, n’a procédé qu’à une dizaine de redécoupages, et l’un d’eux concernait un département complet.
Le Gouvernement devra bien entendu effectuer un nouveau découpage, afin de réduire les disparités choquantes existant au sein d’un même département, en tenant compte de la population et des territoires, comme il l’a fait lors du découpage des circonscriptions législatives, diminuant ainsi fortement l’écart, puisque de 1 à 7, à l’époque, il n’est plus que de 1 à 2,1.
Mais, je l’admets volontiers, les disparités actuelles à l’intérieur d’un même département sont choquantes.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. La proposition formulée par nos collègues socialistes me surprend. Depuis hier, chers collègues, vous n’avez eu de cesse d’évoquer la représentation des territoires, à laquelle vous êtes très attachés, tout comme nous.
Or, si l’amendement que vous nous proposez était adopté, donc avec un écart maximal de 30 % entre la population du canton le moins peuplé et celle du canton le plus peuplé, c’en serait fini de nos territoires ruraux !
Certes, aujourd’hui, comme vient de le rappeler M. le secrétaire d’État, certains écarts ne sont pas acceptables. Sans même prendre en considération les extrêmes, ces écarts peuvent aller de 1 à 15, ce qui n’est pas acceptable. Il faut donc aller encore beaucoup plus loin si l’on ne veut pas porter préjudice à l’ensemble des territoires ruraux.
Pour ma part, je souhaite que le nombre d’élus soit augmenté considérablement. Tout à l’heure, je voulais intervenir lorsque nous avons examiné la question du nombre minimal de conseillers territoriaux, fixé à quinze. Or il est impossible de gérer un département à quinze, pas plus qu’à vingt ou à vingt-cinq, en raison de toutes les compétences désormais dévolues au département.
J’ai voté pour la création du conseiller territorial, mais ma position est la même que celle notre collègue Pierre Jarlier : demain, comment pourra-t-il gérer les collectivités concernées ? Un nombre minimal d’élus est nécessaire. Et je souhaite également que ces élus aient, en quelque sorte, les mains dans le cambouis, autrement dit qu’ils soient présents dans l’entreprise, dans l’atelier, dans la ferme, bref, qu’ils soient des actifs.
Pendant de nombreuses années, j’ai exercé concomitamment les fonctions de conseiller régional et de conseiller général. Cette expérience m’a appris qu’un élu ayant une telle casquette – ce sera bien le cas du conseiller territorial –, assume fort bien sa fonction.
Cependant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, lorsque nous serons amenés ultérieurement à statuer sur le nombre de ces élus, lors du vote, vous ne recueillerez sans doute pas les 181 voix « pour » de tout à l’heure ! En effet, certains d’entre nous considèrent qu’au sein d’un département qui compte, en moyenne, entre 500 et 700 communes, les conseillers territoriaux doivent être en nombre suffisant afin de représenter toutes les parcelles de la circonscription, même les plus éloignées. Or un élu ne pourra pas gérer correctement soixante ou soixante-dix communes ; il ne pourra pas être présent au chef-lieu de département, au chef-lieu de région, dans toutes ces communes et, dans le même temps, avoir les mains dans le cambouis, pour reprendre mon image.
De grâce, chers collègues du groupe socialiste, retirez vite votre amendement n° 356 rectifié !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il est protecteur !
M. Gérard Bailly. S’il était adopté, en pratique, dans des départements comme celui du Doubs ou de la Côte-d’Or, notamment, voisins de ma circonscription, la moitié des élus représenteraient la ville principale. Pauvres territoires ruraux ! Par qui seraient-ils représentés ?
Le présent amendement est en totale contradiction avec les principes que nous défendons. Je souhaitais également profiter de cette intervention pour bien faire passer le message au Gouvernement : que les élus, notamment des territoires ruraux, soient en nombre suffisant, et qu’ils soient encore en activité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. M. Daudigny, que je peux comprendre, a rappelé un certain nombre de faits marquants relatifs au découpage des cantons. Un grand nombre d’entre nous se sont également exprimés avec beaucoup de conviction sur ce point.
La création des cantons date de 1790. Depuis, ils ont connu une certaine évolution, dont nous devons prendre conscience. On relève d’importants écarts dans certains de nos départements : il existe ainsi de très petits cantons, urbains ou non, et les disparités peuvent être fortes.
Tout à l’heure, le département de l’Hérault a été pris en exemple ; dans certains de ses cantons, on dénombre 1 000 habitants, tandis que, dans d’autres, on en recense 45 000. Sans vouloir donner un tour trop personnel à mon intervention, je peux constater que, dans le département des Ardennes, le plus petit canton, que je représente, compte 1 232 habitants, alors que d’autres cantons comprennent près de 20 000 habitants. Dans le bourg-centre, la gendarmerie et le bureau de poste ont disparu depuis trente ans, sans parler d’un certain nombre d’autres services.
La création des conseillers territoriaux peut représenter une avancée significative pour les territoires. Faisons confiance à M. le rapporteur. Un autre texte sera soumis à notre examen.
Nous sommes tous tournés vers les intercommunalités, qui participent à la vie de nos territoires, et soucieux de voir s’y développer les services que les populations attendent, en particulier en secteur rural. Nous devons avoir confiance dans les évolutions. Je m’associe ici aux propos de M. Bailly.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l’amendement n° 356 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Manifestement, nous ne nous comprenons pas très bien, chers collègues !
M. le secrétaire d’État nous a indiqué que, dans certains départements, l’écart entre la population des différents cantons peut aller de 1 à 45. Pour notre part, nous proposons de retenir un écart de 30 %, afin de faciliter le découpage. Et on nous reproche d’être scandaleusement inégalitaires à l’égard des territoires ? C’est à n’y rien comprendre ! Au contraire, cette mesure les protégera.
M. Rémy Pointereau. Non !
M. Dominique de Legge. Mais non !
M. Jean-Claude Peyronnet. C’est pourtant l’évidence ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Vous ferez bien comme vous voudrez. Néanmoins, je ne suis pas sûr que vous ayez tout compris. (Protestations sur les mêmes travées.)
Vous vous déclarez défavorables à la professionnalisation, mais vous voulez aussi que les élus conservent une activité. Dans ces conditions, il ne fallait pas voter la création du conseiller territorial ! En effet, cet élu travaillera à plein temps, au département comme à la région. Il sera forcément un professionnel. Vous semblez donc avoir voté en méconnaissance de cause.
Monsieur le secrétaire d’État, je sais qu’il existe des écarts de 1 à 45. Vous m’avez indiqué que la gauche avait fait je ne sais combien de découpages. Pour ma part, j’en ai réalisé trois dans mon département.
Une règle très simple avait été proposée par Gaston Defferre : procéder au découpage des cantons dont la population est supérieure au double de la moyenne de la population des cantons du département. Si cette règle était appliquée régulièrement, à chaque élection, les écarts ne seraient pas énormes. Dans ma circonscription, l’écart maximal est de 1 à 3.
Sur la forme, j’accepte difficilement le renvoi, une fois de plus, à un texte ultérieur, alors que le présent amendement tend à fixer un principe. Il serait souhaitable de poursuivre la discussion à ce niveau.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Je le dis sans agressivité, chers collègues socialistes, j’ai l’impression que nous ne vivons pas dans le même monde. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Dans un département rural peu peuplé, en particulier en montagne, vous ne pouvez pas prendre comme référence le nombre d’habitants. Vous devrez prendre en considération une unité géographique de vie – une vallée, par exemple.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous sommes d’accord !
M. Jacques Blanc. La limitation des écarts de population me paraît donc correspondre à une vision absolument fausse.
M. Gérard Bailly. Eh oui !
M. Jacques Blanc. Si vous voulez les limiter à 30 %, la plupart des conseillers territoriaux représenteront les villes. On va pleurer, dans nos campagnes ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
Je ne veux pas faire un numéro, mais il faut bien que vous compreniez que, dans un département rural comme le mien, si vous prenez quinze ou vingt territoires en appliquant la règle des 30 %, il ne va rien rester. Dans les Cévennes, chaque vallée, qu’il s’agisse de la vallée Longue ou de la vallée Française, forme un territoire. Je vous invite à venir voir sur place pour vous en convaincre.
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela veut dire que la loi n’est pas bonne !
M. Jacques Blanc. L’écart maximal de 30 % que vous proposez ne permettra nullement de prendre en compte la réalité territoriale.
Je voudrais vraiment faire passer le message suivant : cessons d’être sous la tutelle de la démographie et regardons la réalité des territoires ! Dès lors, on pourra redécouper les cantons avec une vision objective. Bien sûr, il faudra faire attention à ce qu’il n’y ait pas de différences énormes, mais il y en aura ; et je peux vous dire que, si on les limite à 30 %, ce sera une catastrophe. Réalisez des simulations et vous verrez qu’il ne restera plus que des territoires urbains.
À cela, nous disons non ! (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Trop tard : il ne fallait pas voter l’article 1er !
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Voilà un de ces débats rituels qu’affectionne le Sénat, sans qu’aucune solution concrète ne découle de ces grandes envolées entendues au fil des ans.
Que n’avez-vous voté, chers collègues sénateurs, le mode de scrutin que je vous ai proposé par voie d’amendement ? Il s’agit d’adopter, pour le département, le mode de scrutin en vigueur pour les élections régionales et municipales, à savoir un scrutin de liste permettant une juste représentation des hommes et des femmes, chaque conseiller général étant non pas seulement le représentant de son canton mais également le garant de l’intérêt général et de la cohérence du territoire départemental.
J’ai écouté avec l’attention qu’elle mérite votre intervention passionnée, monsieur Bailly. Cependant, nous sommes l’un et l’autre élus du même département, le Jura, et je ne me souviens pas vous avoir entendu déplorer les inégalités de représentation à l’époque où, conseillère générale, je représentais une population près de dix fois supérieure à celle du canton le moins peuplé, qui était évidemment représenté par un conseiller de votre majorité…
Votre attachement au canton tel qu’il est actuellement ne vous a pas empêché de perdre des bureaux de poste, des gendarmeries, des collèges, et j’en passe. Il est stupide et déraisonnable d’opposer les cantons des villes aux cantons des champs. En réalité, dans nos quartiers, qui sont pour la plupart plus peuplés que vos cantons, nous avons tout comme vous perdu nos bureaux de poste, nos gendarmeries, nos collèges…
Cessons donc de nous opposer et essayons de rechercher la cohérence des territoires (Exclamations sur les travées de l’UMP) et la mutualisation des moyens avec un mode de scrutin qui évite que l’on soit pris en otage par des préoccupations qui ne peuvent être réglées qu’au niveau du département ou de la région, dans le cadre de politiques négociées avec l’État et les établissements publics, et pas au niveau du canton.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.