M. François Marc. Je veux, moi aussi, apporter mon soutien à l’amendement n° 350 rectifié.
En effet, – c’est mon sentiment – en matière de décentralisation, la philosophie qui était celle de notre pays depuis de nombreuses années se trouve aujourd'hui complètement remise en cause – nous avons changé de chemin ! – alors qu’elle guidait encore les choix réalisés quand M. Raffarin était Premier ministre.
À l’époque, il s’agissait de rapprocher la décision des citoyens. On nous avait d'ailleurs promis qu’après l’inscription dans la Constitution du principe de l’autonomie des collectivités territoriales seraient adoptées deux lois d’orientation relatives respectivement à l’autonomie financière et à la péréquation… Nous savons ce qu’il en est advenu !
La question de l’autonomie financière a été longuement débattue dans le cadre du projet de loi de finances lors de la réforme de la taxe professionnelle, et tout le monde a reconnu que l’on était très loin des engagements pris. De même pour la péréquation : alors que l’on nous avait promis une loi d’orientation sur cette question, rien n’est encore venu !
Nous avons donc le sentiment que l’on entend remettre en cause ce qui avait été imaginé en 2004 et, en outre, que nous avons complètement changé de trajectoire. La logique suivie est désormais celle de la recentralisation, et ce à travers un discours bien connu, qui consiste à affirmer que les élus locaux sont trop nombreux et, surtout, gaspillent l’argent public !
Nous avons encore entendu de tels propos ces derniers jours, notamment dans les déclarations de M. Xavier Bertrand qui, de ville en ville, bat les estrades en affirmant que les élus locaux gaspillent l’argent public, suscitant par là une augmentation des impôts ! Bien sûr, nous dénonçons ce discours : chacun le sait, les dépenses publiques et les recettes des collectivités territoriales sont victimes d’un effet de ciseaux.
Bien entendu, ce qui nous est proposé aujourd’hui, c'est-à-dire la mise en place du conseiller territorial, qui, de surcroît, siégera dans deux assemblées distinctes, s’inscrit tout à fait dans la perspective de cette recentralisation.
Mes chers collègues, si les élus éprouvent aujourd'hui des difficultés à gérer la collectivité – département ou région – dont ils sont les responsables, alors qu’ils peuvent lui consacrer tout leur temps, seront-ils capables de faire mieux demain, quand on leur demandera de siéger dans deux assemblées différentes et de répartir leur temps entre elles, ce qui les rendra nécessairement moins disponibles pour assumer leurs charges ?
Chers collègues de la majorité, j’attire votre attention sur ce point : n’utilisez pas l’argument selon lequel les collectivités seront mieux gérées après cette réforme, car c’est l’inverse qui se produira. Les élus sont incontestablement déjà très sollicités aujourd'hui. Requis de toutes parts, ils n’auront plus le temps, demain, de prendre à leur compte les décisions qu’ils doivent élaborer.
Dès lors, ce sont les technostructures décisionnelles qui interviendront, à la place des élus. La conséquence de ce processus est claire : le modèle discrétionnaire de la technostructure s’imposera partout en France. Nous sommes bien loin de l’esprit de la décentralisation, de ce souffle nouveau que nous avons tenté d’apporter à la République !
C’est pourquoi nous devons soutenir cet amendement, qui vise à apporter une garantie tout à fait nécessaire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 350 rectifié de M. Peyronnet.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est également défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.
Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.
Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
………………………………………………………
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 139 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Mme Monique Papon remplace M. Jean-Léonce Dupont au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. L'amendement n° 603 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Par dérogation au Titre 1er du Livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, cet article s'applique au département de Paris.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Il paraît difficile d’évoquer dans cet hémicycle un problème parisien alors que la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif au Grand Paris auditionne en ce moment même le président du conseil régional d’Île-de-France. On ne peut que regretter la concomitance des débats. (M. Bernard Frimat s’exclame.)
Pour ma part, malgré les longs débats que nous avons consacrés au projet de loi de réforme des collectivités territoriales, je considère qu’il s’agit d’une avancée majeure pour l’organisation administrative de notre pays et pour les collectivités territoriales. Ce texte a ceci d’original qu’il fait confiance aux futurs conseillers territoriaux : il appartiendra à ces nouveaux élus de trouver le bon degré de proximité et d’efficacité régionale pour les collectivités territoriales.
Par conséquent, Je suis un fervent partisan de ce texte. Toutefois, en tant qu’élu parisien, je vis un régime d’exception.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ceci explique cela !
M. Philippe Dominati. Ce système dérogatoire a connu une évolution institutionnelle.
Ainsi, en 1977, un jeune Président de la République, réformateur, a réconcilié Paris avec le reste de la France en donnant à la capitale un maire. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
Puis, en 1982, le Président François Mitterrand, après certaines hésitations, sous la pression du Sénat, est allé plus loin avec la loi relative à l’organisation administrative de Paris, Lyon, Marseille et des établissements publics de coopération intercommunale, dite « loi PLM ».
Comme, dans leur grande sagesse, les Parisiens avaient élu un futur Président de la République, cette évolution s’est ensuite poursuivie sous la présidence de Jacques Chirac.
En d’autres termes, tous les présidents de la Ve République ont apporté leur pierre pour réconcilier Paris avec le reste du pays et pour faire en sorte que Paris devienne une collectivité territoriale de droit commun.
Aussi, je ne comprends pas comment la ville-capitale et le département de Paris pourraient être exclus d’une réforme qui serait bénéfique à l’ensemble du pays !
Je sais bien qu’il n’est pas question d’évoquer ici le mode de scrutin. Il n’en reste pas moins que se posera le problème de l’équité de la représentation au conseil régional d’Île-de-France. C’est pourquoi je ne partage pas la position de certains de mes collègues qui soutiennent que Paris bénéficiera, systématiquement, d’un statut d’exception. Certes, je peux le concevoir à l’échelon du département. Cependant, pour que la représentation au conseil régional soit légitime, nous serons amenés à adopter un mode de scrutin uniforme entre Paris et les autres départements, les Hauts-de-Seine par exemple.
Comment exclure Paris de la réforme des collectivités territoriales alors que, sur l’initiative du Président de la République, nous avons l’ambition de créer le Grand Paris, objectif nécessaire et justifié, et que nous en débattons dans le cadre de cette commission spéciale ? C'est pourquoi je propose que Paris rejoigne le droit commun.
Il nous faut poursuivre l’évolution institutionnelle engagée voilà quelque trente ans afin d’achever la réconciliation entre la première collectivité territoriale de France et le reste du pays.
Tel est le sens de cet amendement. Je reconnais qu’il est complexe et que son objet, parce qu’il exige un changement de mentalités, peut provoquer une certaine frilosité et des réticences. Mais, depuis plus de trente ans, les Parisiens ont démontré que la France n’avait plus rien à craindre de la capitale et que Paris était en harmonie totale avec le reste du territoire ! (MM. Yves Pozzo di Borgo et Éric Doligé. applaudissent.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement, présenté par notre collègue Dominati, a pour objet d’appliquer à Paris le futur système des conseillers territoriaux. Un tel dispositif entraînerait une modification très importante du régime actuel, puisque les conseillers de Paris ne seraient plus des élus départementaux et que de nouveaux élus s’y substitueraient.
Sans méconnaître les problèmes que rencontre Paris et l’intérêt qu’il y aura à trouver un statut pour Paris qui corresponde à celui du reste de la France, la commission des lois a considéré qu’une telle évolution devait être appréciée dans la perspective de la réforme engagée du Grand Paris – une réunion a d’ailleurs lieu en ce moment même sur ce sujet, ce que vous n’avez pas manqué de déplorer, cher collègue Dominati. De ce point de vue, la proposition formulée par les auteurs de cet amendement intervient à un stade trop précoce.
C’est pourquoi, tenant compte de la position du Gouvernement, la commission demande le retrait de cet amendement. En revanche, il sera possible d’intégrer dans le projet de loi relatif au Grand Paris les dispositions préconisées, qui permettraient aux conseillers territoriaux de Paris d’avoir un statut juridique identique à celui de leurs homologues sur le reste du territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Dominati, j’entends bien votre argument selon lequel, depuis 1977, on fait entrer Paris dans le droit commun. On ne peut que partager une telle position et se réjouir de cette évolution.
Toutefois, dans le même temps, vous rappelez que vous siégez à la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif au Grand Paris, lequel est extrêmement dérogatoire par rapport au droit commun ! (M. Nicolas About rit.)
Si vous parveniez à étendre à toute la France le financement de l’État sur les transports en commun tel qu’il est prévu pour le Grand Paris, ce serait un bon moyen de mettre l’ensemble de notre pays au diapason de la capitale ! Il s’agit bien sûr d’une plaisanterie, qui vise à souligner qu’un certain nombre de spécificités et de dispositifs dérogatoires sont nécessaires pour la ville-capitale et la région-capitale.
J’ignore quelle sera l’issue du débat sur le Grand Paris, mais il est certain qu’il faut faire cadrer le souhait d’intégrer Paris dans le droit commun du point de vue institutionnel, ce qui faciliterait sûrement l’action du conseil régional d’Île-de-France, et la volonté de tenir compte des nombreuses spécificités de Paris et du Grand Paris.
À l’instar de la commission, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. La disposition que vous proposez pourra être réexaminée lorsque la question du Grand Paris aura été réglée. Nous serons alors à même de voir comment cette disposition peut s’intégrer dans le dispositif. À défaut de retrait de l’amendement, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne voterai pas cet amendement, pour plusieurs raisons.
D’abord, nous sommes toujours dans le même cas de figure : cet amendement vise à régler une question qui ne concerne pas le texte qui nous est aujourd'hui soumis mais sur laquelle il conviendra de statuer lors de l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris. Là encore, nous sommes en pleine confusion. On ne peut donc pas légiférer sur ce point aujourd’hui.
Ensuite, vous souhaitez que Paris rejoigne le droit commun. Or le projet de Grand Paris du Président de la République tend au contraire à revenir sur l’autonomie des collectivités territoriales, donc sur l’autonomie de Paris, acquise de fraîche date. Ce projet, que vous soutenez, instaure en effet le pilotage par l’État de l’ensemble des collectivités des départements de la région parisienne. Vous imaginez bien que nous ne soutiendrons pas une telle proposition !
Enfin, monsieur Dominati, vous affirmez que Paris doit acquérir un véritable statut de droit commun. Or c’est déjà le cas grâce à l’autonomie dont elle bénéficie à l’échelon communal. Mais Paris est aussi un département ; c’est la seule collectivité qui soit à la fois ville et département. Aussi, la disposition que vise à instaurer cet amendement ne pourrait s’inscrire que dans le cadre de la suppression des départements, que certains souhaitent et qui se trouve en filigrane dans le texte que nous discutons aujourd’hui. À l’heure actuelle, c’est tout à fait impossible. En outre, la majorité parisienne, dont vous ne faites pas partie, monsieur Dominati, est très hostile à une révision « à la sauvette » du statut de Paris.
Cela étant dit, il y a un problème, que j’ai eu l’occasion de soulever lors d’une réunion ouverte de la commission des lois devant certains membres du Gouvernement. À cette occasion, M. Marleix a précisé que les élus parisiens qui siégeraient à la région ne seraient pas issus du conseil général de Paris. En d’autres termes, il s’agira de conseillers territoriaux qui ne seront que des conseillers régionaux et qui ne siégeront donc pas au sein du conseil général de Paris. Il faudra réfléchir attentivement à la solution à trouver, car il paraît difficile d’accepter que les conseillers régionaux issus de Paris soient totalement déconnectés du département de Paris !
Nous aurons l’occasion d’en débattre ultérieurement, lorsque le texte sur le mode de scrutin nous sera soumis. Je vous invite néanmoins à la prudence quant à l’avenir que vous souhaitez réserver à la ville de Paris et au département de Paris.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. J’ai cosigné cet amendement et j’ai également déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er qui est de même nature.
Le statut de la ville de Paris date de Napoléon, en 1800. Napoléon craignait énormément Paris, puisqu’il avait fait sa fortune politique en tirant au canon sur les Parisiens.
M. Jean-Pierre Chevènement. C’était contre les Royalistes !
M. Yves Pozzo di Borgo. C’est pourquoi il avait fait en sorte que Paris ne dispose pas de pouvoirs de police.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas seulement cela ! Chacun refait l’histoire comme il veut !
M. Yves Pozzo di Borgo. La capitale vit encore en partie la situation résultant de la crainte de Napoléon à l’égard de Paris.
C’est également pour cette raison que les institutions ont longtemps été spécifiques, avec un conseil général et un conseil municipal communs, et surtout pas de pouvoirs. Les Versaillais ont conforté cette singularité. Heureusement, à partir de 1977, la situation a évolué.
Le présent amendement et celui que je défendrai tout à l’heure ont un double objet. D’une part, il s’agit de séparer le conseil municipal du conseil général. D’autre part, il s’agit de faire en sorte que, conformément à ce qui est prévu dans le projet de loi, les futurs conseillers territoriaux de Paris soient non seulement représentants du conseil général et du conseil régional mais également élus par un mode de scrutin qui ne soit pas spécifique, c’est-à-dire à la proportionnelle.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir nous apporter des précisions sur cette matière. Vous affirmez que la question de la séparation du conseil municipal et du conseil général sera intégrée dans la logique du Grand Paris ; c’est d’ailleurs la réponse qu’avait apportée M. le secrétaire d'État devant la commission des lois. Or, pour avoir assisté à une partie de la réunion de la commission spéciale, je puis vous assurer que le projet de loi de loi relatif au Grand Paris n’abordera pas la question des institutions.
D’ailleurs, dans son discours du 29 avril 2009 sur le Grand Paris – discours très dense et très intéressant, qui a constitué un apport important –, le Président de la République a affirmé que la gouvernance du Grand Paris n’était pas d’actualité. Et le texte de Christian Blanc n’aborde pas du tout le problème de la gouvernance du Grand Paris, il ne traite que la question du transport.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le ministre, pourriez-vous répondre sur ce point, si ce n’est pas maintenant, du moins tout à l’heure ? Renvoyer cette question à un texte qui n’existe pas n’est pas la meilleure réponse…
Par ailleurs, concernant l’élection du conseiller territorial, je suis d’accord avec la commission et le Gouvernement pour renvoyer cette question à l’examen du statut électoral des conseillers territoriaux.
Néanmoins, je ne suis pas totalement satisfait de votre réponse à ma première question. Vous disposez de deux ou trois heures avant de répondre à propos de l’amendement que je présenterai alors sur ce point. Je vous remercie par avance des précisions que vous pourrez m’apporter.
Mme la présidente. Monsieur Dominati, l’amendement n° 603 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Peut-être M. le ministre souhaite-t-il répondre à mon collègue Yves Pozzo di Borgo ?...
J’ai noté, monsieur le ministre, un début de réponse. Je reste néanmoins un peu sur ma faim. Ainsi, concernant l’allusion au financement des transports parisiens, je reprendrais très volontiers le débat avec le Gouvernement sur ce sujet, car il y aurait beaucoup à dire. Comme de nombreux élus parisiens, j’ai une vision décentralisée en ce domaine. Le monopole, d’ailleurs maintenu avec l’appui de la gauche, ne fait pas nécessairement l’unanimité parmi les élus parisiens, car il s’agit d’une exception en Europe. Nous reviendrons sur ce débat à une autre occasion.
Vous introduisez, au nom du Gouvernement, un volet institutionnel dans le projet du Grand Paris tel que nous allons bientôt l’étudier dans cet hémicycle. Effectivement, nous pourrons reprendre le débat à ce moment-là. Mais le projet du Grand Paris concerne aussi les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis et les autres départements de la région d’Île-de-France.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas vraiment !
M. Philippe Dominati. Pourquoi ne pas les exclure du présent débat sur les collectivités territoriales ?
Quelle différence y a-t-il entre, d’une part, M. Yves Pozzo di Borgo, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et moi-même et, d’autre part, M. Christian Cambon ou un certain nombre de nos collègues d’Île-de-France, dans le débat sur les collectivités territoriales ?
Si, pour ce département, l’on reporte ces questions au débat sur le Grand Paris, il serait logique de prévoir un périmètre plus large. La vision d’avenir que nous inspire le Président de la République est un Grand Paris allant au-delà du périphérique.
Malgré ce que M. le ministre a dit voilà quelques instants, le Président de la République, le Gouvernement et les architectes travaillent dans cette perspective. On propose un projet d’avenir pour le pays. Or ce projet de loi reste confiné dans des frontières administratives !
Je retire mon amendement en raison de sa complexité. J’ai compris les problématiques et la cascade de questions qu’il suscite mais, d’ores et déjà, que ce soit pour le débat sur le Grand Paris, pour la seconde lecture du présent texte ou pour les prochaines lois concernant les collectivités territoriales, je souhaiterais que le Gouvernement affine sa réflexion sur cette question.
Mme la présidente. L’amendement n° 603 rectifié est retiré.
L'amendement n° 661, présenté par MM. Bernard-Reymond, Doublet, Laurent, Milon et Laménie, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La fonction de conseiller territorial est incompatible avec celles de président de communauté de communes, de communauté d'agglomération ou de métropole, ainsi qu'avec celle de maire d'une commune de plus de 30 000 habitants ».
La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Au moment où nous créons un nouvel élu territorial, il me paraît important de préciser son statut au regard du cumul des mandats.
En effet, en siégeant à la région et au département, en représentant souvent un territoire plus important que les anciens cantons, le conseiller territorial devra exercer son mandat quasiment à plein temps. Nous avons entendu cette observation à plusieurs reprises dans cet hémicycle au cours des derniers jours.
Ce mandat ne lui laissera pas le loisir d’exercer sérieusement un autre mandat local, sans que ce soit au détriment de l’un ou de l’autre.
Par ailleurs, c’est l’occasion de faire un pas de plus vers moins de cumuls de mandats et d’offrir ainsi à un nombre plus important de nos concitoyens la possibilité de s’engager dans la vie publique.
Aussi, je propose que la fonction de conseiller territorial soit incompatible avec celles de président de communauté de communes, de communauté d’agglomération ou de métropole, ainsi qu’avec celle de maire d’une commune de plus de 30 000 habitants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à préciser certains éléments du régime juridique du mandat des conseillers territoriaux.
Cette question relève du projet de loi n° 61, qui sera examiné plus tard et qui porte spécifiquement sur l’élection des conseillers territoriaux et le renforcement de la démocratie locale.
Je demande à notre collègue Bernard-Reymond de retirer son amendement, puisqu’il s’agit d’une question de fond que nous aborderons lors de l’examen d’un autre projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Bernard-Reymond, votre amendement pose un problème important : celui du temps dont dispose chaque élu pour remplir son mandat.
Le conseiller territorial sera très occupé par la gestion du département et de la région. Néanmoins, le Gouvernement a choisi de faire un mandat unique. Cette question, comme vient de le dire M. le rapporteur, se posera lors de l’examen du projet de loi électoral, qui aura lieu dans quelques jours en commission des lois.
Aussi, je vous propose, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement et de reprendre la discussion lorsque nous en viendrons à ce texte.
Mme la présidente. Monsieur Bernard-Reymond, l'amendement n° 661 est-il maintenu ?
M. Pierre Bernard-Reymond. Dans la mesure où j’ai désormais, par la voix de M. le ministre et de M. le rapporteur, la certitude que cette question sera évoquée dans la loi à venir, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 661 est retiré.
L'amendement n° 663, présenté par MM. Bernard-Reymond, Alduy, Milon, Laménie et Leclerc, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut exercer plus de trois mandats successifs de conseiller territorial ».
La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Je retire également cet amendement, car il concerne la même question.
M. le président. L’amendement n° 663 est retiré.
La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote sur l'article 1er.
M. Alain Anziani. Il s’agit d’un article fondateur pour cette loi. De notre point de vue, je devrais plutôt parler d’article « défondateur » de la décentralisation.
Nous sommes contre le conseiller territorial, nous vous l’avons expliqué longuement et en détail depuis le début de ce débat. Je me contenterai de résumer nos propos.
Nous sommes contre parce que, la dernière intervention le montre, ce conseiller territorial est un être hybride. On ne sait pas exactement ce qu’il fera. Il doit à la fois remplacer l’élu régional et l’élu du conseil général mais il n’aura sans doute pas le temps de le faire.
Monsieur Bernard-Reymond, à la question que vous avez posée tout à l’heure, il y a une réponse, inscrite dans le texte, qui montre, d’ailleurs, toute la fragilité de ce conseiller territorial : il s’agit du remplaçant.
On veut diminuer le nombre d’élus mais on crée un remplaçant du conseiller territorial, parce qu’il n’aura pas le temps d’aller du sud au nord et de l’ouest à l’est pour siéger à la fois dans les lycées, dans les collèges ou dans bien d’autres endroits !
On ne sait rien du statut ni des indemnités du remplaçant. On ne sait rien non plus du coût du conseiller territorial et vous nous le vendez comme une source d’économies pour nos collectivités ! Vous ne nous avez pas donné d’indications sur le coût total du conseiller territorial, qui doit intégrer également le coût du conseiller remplaçant.
Bien plus, le conseiller territorial est un coup mortel porté non seulement au département, donc à la proximité, mais aussi à la région, qui deviendra, pour l’essentiel, une assemblée de conseillers cantonaux et qui perdra sans doute sa vocation. Quant au département, il sera ballotté entre des majorités différentes avec des membres élus au scrutin de liste ou au scrutin de canton. Il verra ses compétences rognées. (M. Alain Fouché s’exclame.)
J’attire l’attention de notre assemblée : le conseiller territorial, c’est un élu qui porte en lui le germe de la mort de la décentralisation ! Vous allez voter aujourd’hui sa création, sans grande solennité. Nous tous le regrettons, personne n’est vraiment d’accord, personne dans cet hémicycle n’a demandé cette création.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si !
M. Alain Anziani. Et pourtant, vous allez la voter, comme si cela allait de soi alors que chacun de nous, en son for intérieur – il suffit de discuter avec les uns et les autres, ici et sur le terrain –, ignore l’utilité de ce nouvel élu hybride à deux têtes. C’est une erreur que nous regretterons dans les années à venir, si ce texte aboutit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je répondrai d’abord à MM. Sueur et Peyronnet. Contrairement à ce qu’ils ont sous-entendu et même dit, je n’ai pas changé d’avis d’un jour à l’autre concernant le conseiller territorial.
Si vous voulez bien, chers collègues, vous donner la peine de relire mes propos au cours de la discussion générale – il y a déjà un peu plus d’une semaine, puisque nous avons passé beaucoup de temps à débattre avant d’aborder l’article 1er –, vous constaterez que je suis favorable à la création du conseiller territorial parce qu’il permettra de mettre en cohérence les politiques du département et de la région et de parvenir à une meilleure optimisation de l’action publique et, par là même, des moyens et des finances publics.
Lors de la discussion générale, j’ai dit que nous manquions d’éléments pour nous prononcer sur le conseiller territorial. En effet, on ne nous avait donné, à l’origine, aucune information, excepté celle qui figure dans l’article 1er précisant que le conseiller territorial siège au conseil général et au conseil régional.
Au terme de ces débats assez longs, force est de constater que nous en savons un peu plus. Nous avons obtenu l’adoption d’un amendement déposé par le groupe de l’Union centriste. Cet amendement est extrêmement important puisqu’il tue définitivement le mode de scrutin que voulait nous imposer le Gouvernement, à savoir un scrutin uninominal, une machine à broyer le pluralisme et destinée à instaurer, à marche forcée, le bipartisme, dont nous ne voulons pas.
L’amendement que nous avons fait adopter pose très clairement le principe d’un scrutin mixte : d’une part, un scrutin majoritaire, en partie, pour assurer une bonne représentation des territoires, et, d’autre part, un scrutin avec une vraie dose de proportionnelle, afin de permettre la représentation du pluralisme politique et une bonne représentation démographique, et d’assurer la parité. Ce n’est pas anodin !
Aujourd’hui, au cours des débats, j’ai enfin obtenu du Gouvernement quelques éléments de réponse sur une question qui me paraissait fondamentale, ce qu’on appelle le « statut » de l’élu – le terme n’est d’ailleurs pas forcément bien choisi, j’en conviens, monsieur le ministre.
Le conseiller territorial, qui aura une charge de travail et des compétences importantes, pourra bénéficier de temps, pour exercer son mandat et pour être candidat. J’ai obtenu des précisions sur ce point.
Autre point important qui a été mis en exergue aujourd'hui dans les réponses apportées aux amendements de M. Jacques blanc : le conseiller territorial devra représenter les territoires. Ce point, qui peut paraître anodin, est essentiel. En effet, comme je l’ai dit hier, pour un conseiller territorial en milieu rural, le nombre de communes et la taille du territoire qu’il aura à représenter sont bien plus importants que le nombre d’habitants de sa circonscription. (M. Jean-Marc Juilhard applaudit),…
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. Hervé Maurey. … afin que la notion de canton ait encore un sens. Ne vous en déplaise, mes chers collègues, un certain nombre d’éléments ont donc d’ores et déjà été apportés, qui nous permettent d’y voir tout de même plus clair aujourd'hui qu’au début de ce débat la semaine dernière, et c’est heureux compte tenu des nombreuses heures que nous avons passées dans cet hémicycle.
Aussi, je voterai sans aucun état d’âme en faveur de la création du conseiller territorial. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste. – MM. Jean-Marc Juilhard et René Beaumont applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.