Mme Catherine Troendle. … effectué par M. Alain Marleix (Applaudissements sur les travées de l’UMP.), secrétaire d’État chargé des collectivités territoriales, ainsi que par le rapporteur, notre collègue M. Jean-Jacques Hyest.
Ce texte est scrupuleusement conforme, n’en déplaise à certains, à la mission qui avait été assignée au Gouvernement lors de l’adoption de la loi d’habilitation du 13 janvier 2009.
Quatre objectifs avaient été fixés : prendre en compte de manière homogène les chiffres du dernier recensement ; procéder à la modification de la répartition des sièges entre les départements et les collectivités d’outre-mer ; délimiter les circonscriptions dans les départements et collectivités d’outre-mer où le nombre de sièges a été modifié ; enfin, créer les sièges destinés à la représentation des Français établis hors de France, conformément à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Force est de constater que ces objectifs ont été atteints.
Je ne reviendrai donc pas sur ces caractéristiques, qui sont toujours d’actualité. Elles résultent d’un travail nécessaire et transparent, destiné à rendre notre démocratie plus représentative et plus efficace.
Aucun gouvernement, depuis plus de vingt ans, ne s’était attelé à cette question, ignorant par là même les évolutions de la démographie et les observations réitérées du Conseil constitutionnel en 2003 et en 2005. Depuis 1986, malgré les recensements de 1990 et de 1999, aucun ajustement des circonscriptions n’avait été entrepris.
De plus, cette réforme s’inscrit dans la logique de la révision constitutionnelle votée en 2008, qui a plafonné l’effectif global des députés à 577 et prévu que les Français établis hors de France seraient représentés à l’Assemblée nationale.
L’objet même de la réforme et l’extraordinaire difficulté des problèmes à résoudre justifiaient le recours à la procédure des ordonnances.
L’ordonnance a fait l’objet d’un contrôle sans précédent lors de son élaboration. Le Gouvernement a été habilité à y recourir dans les conditions fixées par l’article 38 de la Constitution, et un projet de loi de ratification nous est aujourd’hui soumis. Celui-ci a également fait l’objet d’un avis favorable de la commission de contrôle prévue par la révision constitutionnelle à l’article 25 de la Constitution.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit d’un redécoupage contrôlé, public et équitable. C’est pourquoi le groupe UMP soutiendra avec détermination le projet de loi soumis aujourd’hui à notre vote. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Bernard Frimat. Pour être contrôlé, il est contrôlé !
M. Daniel Raoul. Quel scoop !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce second débat sur la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés nous donne l’occasion de remettre notre ouvrage sur le métier et de développer un certain nombre d’arguments nouveaux.
Avant de faire quelques remarques sur la création des circonscriptions des Français établis hors de France, je voudrais revenir sur l’intervention de M. le secrétaire d’État à l’Assemblée nationale le 12 janvier dernier, car elle nous a profondément choqués. Il s’agissait d’une attaque directe contre le Sénat, et ce n’est pas moi qui le dis puisqu’un hebdomadaire bien connu a publié un article intitulé : « Quand Alain Marleix s’en prend au Sénat… »
M. Charles Revet. Ce n’est pas possible ! (Sourires.)
M. Richard Yung. Je tiens cet article à votre disposition, mon cher collègue.
M. Richard Yung. Il s’agit d’un hebdomadaire spécialisé et très sérieux.
M. Richard Yung. On nous a opposé l’argument de la « tradition républicaine ». J’ai donc relu la Constitution : je n’y ai rien trouvé de tel ! Il n’y est question que de deux chambres délibérant également, même si, bien sûr, pour les raisons que nous connaissons, l’Assemblée nationale a le dernier mot. Il s’agit donc peut-être d’une tradition, mais qui n’est pas républicaine ; dans le cas qui nous occupe, ce serait même plutôt l’inverse.
Il serait compréhensible, d’un point de vue éthique, que soit posée une règle interdisant aux députés d’intervenir dans le débat sur le découpage de leurs circonscriptions, puisqu’ils seraient à la fois juges et parties. Mais écarter le Sénat d’un tel débat, les bras m’en tombent !
J’ajoute que le projet de loi qui nous est soumis vise à créer onze circonscriptions pour les Français établis hors de France, Français qui jusqu’aujourd’hui n’étaient représentés par aucun député. Par conséquent, nous sénateurs, qui les avons jusqu’ici représentés – bien, je l’espère ! –, sommes tout de même légitimement fondés, nous semble-t-il, à intervenir sur ce sujet.
Enfin, ce débat intéresse également le Sénat dans la mesure où l’intégralité des cantons a été maintenue dans les circonscriptions.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est la loi !
M. Richard Yung. Cela a évidemment des effets pour les sénateurs.
Votre intervention était malvenue, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez voulu rabaisser le Sénat en le qualifiant de chambre de deuxième ordre.
M. Richard Yung. Si, vous l’avez dit ! Vous avez souligné que nous n’étions pas élus au suffrage universel direct.
M. Richard Yung. Ce n’était pas élégant. En fait, tout cela sert à masquer le véritable débat de fond.
J’en viens maintenant au découpage des onze circonscriptions des Français établis hors de France.
Je commencerai par évoquer l’équilibre démographique des première et deuxième circonscriptions, la première couvrant l’Amérique du Nord, la deuxième l’Amérique du Sud. La première circonscription compte 30 % d’habitants de plus que la moyenne, la deuxième 30 % de moins. Or un autre découpage était possible. Ainsi, mon collègue Christian Cointat et moi-même avions proposé de rattacher la Californie et le Texas à la circonscription de l’Amérique du Sud. Mais vous ne nous avez pas suivis, monsieur le secrétaire d’État !
En outre, je m’interroge sur la cinquième circonscription, qui englobe la péninsule Ibérique – le Portugal et l’Espagne – et ce curieux objet qu’est Monaco. En termes de continuité territoriale, vous avouerez qu’il y a mieux ! Pourquoi rattacher Monaco à l’Espagne, monsieur le secrétaire d’État ?
M. Richard Yung. Certes, mais, pour des raisons à la fois géographiques et historiques, Monaco regarderait plutôt du côté de l’Italie !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Problème de géographie !
M. Richard Yung. Ce rattachement paraît plutôt curieux, mais un peu d’attention permet de mieux le comprendre : 83 % des Français résidant dans la principauté monégasque ont voté pour le candidat Sarkozy au second tour de la dernière élection présidentielle, alors que l’Espagne vote plutôt à gauche – les Français d’Espagne, mais aussi les Espagnols, d’ailleurs.
M. Pierre-Yves Collombat. Ils sont socialistes, c’est normal !
M. Richard Yung. La huitième circonscription pose elle aussi un problème de continuité territoriale. Elle comprend notamment Rome et Athènes, mais aussi Tel-Aviv. Cependant, Beyrouth en a été disjointe : le député qui représentera les Français du Liban représentera également nos concitoyens d’Afrique méridionale et de l’océan Indien.
Pour justifier cette situation, monsieur le secrétaire d’État, vous avez argué de l’existence d’une forte communauté franco-libanaise en Afrique. L’argument me laisse pantois ! On trouve aussi une très forte communauté franco-indienne, très active dans le commerce, sur la côte est de l’Afrique et à Madagascar : pourquoi ne pas l’avoir, en toute logique, rattachée à l’Inde ? Il y a là quelque chose qui ne va pas !
Vous arguez également des difficultés auxquelles se heurteraient les candidats et le futur député pour circuler entre Israël et les pays arabes. C’est en partie vrai ; cependant, monsieur le secrétaire d’État, vous semblez oublier qu’il existe tout de même deux points de passage entre Israël et la Jordanie.
Pour ma part, j’estime que ce n’est pas une bonne idée, même d’un point de vue politique, que de séparer Israël de son environnement. Cela donne l’impression qu’on traite ce pays à part, qu’on le stigmatise, en quelque sorte. C’est là envoyer un bien mauvais message !
Je crois surtout que, dans ce cas également, vous avez une arrière-pensée : plus de 90 % des Français d’Israël ont voté pour le candidat Sarkozy lors de l’élection présidentielle. Il est vrai qu’autrefois ils étaient plus de 80 % à voter pour François Mitterrand…
M. Richard Yung. Votre idée était donc de « sortir » le vote des Français d’Israël.
Enfin, l’Afrique est divisée en deux circonscriptions : l’Afrique de l’Ouest, qui inclut les pays du Maghreb et compte 126 000 inscrits, et l’Afrique de l’Est, qui compte 93 000 électeurs. On retrouve ici la pratique du confinement qu’évoquait tout à l’heure mon collègue : vous isolez les voix de gauche pour éviter qu’elles ne « débordent », et ce petit noyau de gauche vous permet de réserver une circonscription à la droite, en l’occurrence celle de l’Afrique de l’Est, dont feront partie des villes comme Tananarive ou Nairobi. Il me semble qu’il était possible de procéder à un autre découpage, plus fair-play et plus conforme à la réalité !
À vrai dire, mes chers collègues, le déséquilibre que l’on constate tient également au fait que le découpage des circonscriptions de l’Assemblée des Français de l’étranger est lui-même contraire aux principes fixés par le Conseil constitutionnel. Ainsi, le continent européen, où vivent la moitié des Français expatriés, compte seulement 52 élus sur les 155 membres de cette assemblée, soit un tiers. La moitié des expatriés pour seulement un tiers des représentants : c’est une injustice que nous subissons depuis des dizaines d’années !
Nous déposerons donc un certain nombre d’amendements visant à modifier votre projet de découpage des circonscriptions des futurs députés élus par les Français établis hors de France. Nos propositions s’inspirent notamment du compromis que nous avions négocié avec notre collègue Christian Cointat et qui tenait compte de l’équilibre démographique et de la continuité territoriale.
Par conséquent, à moins que nos amendements ne soient adoptés, je voterai contre le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est des moments politiques qui marquent des engagements. Le mien fut marqué, dans ma jeunesse, par un gigantesque charcutage électoral, en l’occurrence celui auquel procéda Charles Pasqua. À l’époque, j’étais révolté, car on touchait à l’essence même de la démocratie.
Vingt-trois ans après, voilà que cela recommence ! Certes, vous avez adopté un style moins spectaculaire, afin qu’il n’y ait pas trop de scandale…
Vous n’avez jamais voulu du débat, ce fut votre ligne de conduite. Je parle du débat politique, démocratique, celui où les principes sont posés, où le mode de calcul de la représentation est clair et accepté par tous, et où, ensemble, nous cherchons les moyens de faire en sorte que, dans le respect des territoires – vous ne vous êtes même pas donné cette peine ! –, il faille être majoritaire en voix dans le pays pour être majoritaire en sièges à l’Assemblée nationale ! L’Assemblée nationale, c’est la nation tout entière !
En d’autres termes, il faut respecter le principe de la démocratie : « un homme – ou une femme –, une voix » ! Or, avec votre charcutage électoral, une voix de gauche comptera moins qu’une voix de droite.
En 2007, la gauche devait obtenir 50,4 % des voix pour être majoritaire en sièges à l’Assemblée. En 2012, selon l’étude précise, qui ne fut jamais réellement contredite, de mon ami l’excellent député Bruno Le Roux, elle devra obtenir au moins 51,4 % des voix !
Dans votre rapport, y a-t-il un équilibre ? Sur les trente-trois circonscriptions qui disparaissent, vingt-trois touchent la gauche et seulement dix la droite : ce n’est manifestement pas ce que l’on peut appeler un équilibre ! Sur les trente-trois circonscriptions créées, neuf auraient un député de gauche et vingt-quatre un député de droite : là encore, nous sommes très loin d’un équilibre !
Résultat : il n’y a qu’un seul gagnant, l’UMP, qui aura vingt sièges de plus ! Tous les autres groupes auront moins de députés.
Bruno Le Roux a également apporté une autre démonstration en se fondant sur le résultat des élections législatives de 2007. Avec le découpage actuel, c’est-à-dire, monsieur le secrétaire d’État, avant votre « retricotage », si la gauche avait recueilli 50 % des voix, elle aurait obtenu 279 sièges sur 577, contre 298 pour la droite, soit un différentiel de 9 sièges. Avec votre découpage, elle n’obtiendrait que 260 sièges, contre 317 pour la droite, qui serait ainsi largement majoritaire en sièges.
Bien entendu, tout cela est noyé, submergé même. Vous espérez que votre manœuvre passera inaperçue dans un contexte où les Français ont bien d’autres préoccupations, en particulier à cause de la politique économique injuste et inefficace de ce gouvernement. Manque de chance, la machine s’est grippée à différentes étapes ! La presse a examiné la situation de plus près, l’opinion a été alertée. Et je pourrais évoquer le dérapage qui a eu lieu ici, au Sénat, lorsque votre texte a été rejeté.
Vous aviez un mandat : faire triompher l’UMP aux élections coûte que coûte, même si les électeurs ne lui donnent pas la majorité, même si elle n’arrive pas à convaincre. C’est incroyable !
Et vous ne manquez pas d’imagination. Aux législatives, on charcute, on redécoupe les circonscriptions. Les conseils généraux et les conseils régionaux sont majoritairement à gauche ? On les supprime et on crée des conseillers territoriaux élus au scrutin uninominal à un tour ! L’UMP arrive en tête au premier tour en faisant l’unité de son camp, mais reste très loin des 50 % nécessaires à une majorité et n’a pas de réserve de second tour ? On invente le scrutin à un tour, qui permet d’être élu avec 30 % des voix, voire moins ! Vous nous présentez des projets que l’on peut qualifier « de convenance UMP ». Notre belle démocratie ne mérite pas de telles humiliations !
L’exemple de Paris est instructif. En effet, Paris, où je suis élu, mérite une attention particulière de la part du Gouvernement et, bien entendu, de l’Élysée. Que ce soit avec ce découpage ou avec le projet de Grand Paris, vous cherchez à regagner le pouvoir par des moyens autres que la conviction et l’adhésion des électeurs à vos projets.
Paris perd 3 députés et aura une moyenne de 181 187 habitants par circonscription, soit l’un des taux les plus élevés de France. Pourtant, si vous n’aviez supprimé que deux sièges, la moyenne parisienne se serait établie à 114 809 habitants, soit un niveau équivalent à la moyenne nationale.
Le choix d’autres méthodes statistiques aurait abouti à un résultat beaucoup plus juste et aurait même permis de garantir l’égalité des électeurs devant le suffrage universel.
Je tiens à souligner et à regretter la pulvérisation qu’a subie la première circonscription, détenue par Martine Billard, alors que sa population était au niveau de la moyenne parisienne avant le redécoupage ! Je note aussi votre tentative de déstabilisation de la onzième circonscription, détenue par Patrick Bloche, consistant à l’étendre vers le nord et vers les quartiers du sixième arrondissement acquis à la droite, tout en lui retirant les quartiers du sud du quatorzième, qui votent traditionnellement plus à gauche.
Monsieur le secrétaire d’État, dès la communication du premier projet à la commission Guéna, vous avez montré votre volonté de faire payer à la gauche, et exclusivement à la gauche, la suppression de ces trois circonscriptions parisiennes. Pour cela, vous n’avez pas hésité à « surpeupler » les circonscriptions de l’est de la ville, qui avaient voté pour des députés socialistes et Verts, et à « sous-peupler » celles de l’ouest, détenues par l’UMP.
Pour arriver à vos fins, vous n’avez eu d’autre choix que de mépriser totalement la jurisprudence du Conseil d’État, selon laquelle les frontières des circonscriptions parisiennes doivent le plus possible respecter celles des arrondissements et des quartiers administratifs. Dans votre projet, vingt et un de ces quartiers sur quatre-vingts se voyaient ainsi à cheval sur deux circonscriptions, alors qu’il n’y en a que six actuellement.
Après la première et la onzième circonscription, votre troisième cible était la dix-septième circonscription, qui englobe une partie des dix-septième et dix-huitième arrondissements et que détient Annick Lepetit. Ce que vous avez tenté d’y faire est un exemple éloquent de vos pratiques et de vos véritables objectifs.
Puisque les circonscriptions du seizième arrondissement n’étaient pas assez peuplées, vous deviez en supprimer une. Mais pour ne pas faire perdre un siège à l’UMP, vous avez inventé un découpage alambiqué afin de noyer les voix de la seule circonscription de gauche du nord-ouest parisien. Heureusement, vous n’avez pas réussi ! Finalement, après deux avis négatifs de la commission Guéna et un autre du Conseil d’État, vous avez fini par céder en ne rattachant pas le huitième arrondissement à cette circonscription. Il était temps !
Sachez, monsieur le secrétaire d’État, que, si le Conseil constitutionnel valide votre projet, nous continuerons à alerter les Français, et les Parisiens, pour qu’ils entendent bien votre appel, car c’est bien un appel que vous adressez aux électeurs.
Les Français devront encore plus qu’auparavant voter à gauche s’ils veulent une alternance. Et ils la voudront, à n’en pas douter, pour sanctionner non seulement votre politique économique et sociale, mais aussi votre mépris de la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, M. le rapporteur Jean-Jacques Hyest est revenu à juste titre sur les contraintes auxquelles nous avons dû faire face pour procéder à ce découpage.
D’abord, le nombre de députés est plafonné. Il s’agit d’une contrainte totalement nouvelle, liée à la révision constitutionnelle de l’année dernière. Cela revient en réalité à une diminution, du fait – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – de la création de sièges pour les Français de l’étranger et pour deux petites collectivités d’outre-mer.
Ensuite, l’ajustement de la carte électorale est apparu comme une urgence, car il était réclamé avec insistance par le Conseil constitutionnel.
Enfin, il fallait respecter les critères fixés par la loi d’habilitation et prendre en compte la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel – vous l’avez évoquée – sur la représentation des petits départements métropolitains et des petites collectivités d’outre-mer.
Vous avez également rappelé, monsieur le rapporteur, les exigences du bicamérisme, et je souscris bien entendu entièrement à vos propos. Le Gouvernement a donc souhaité que le Sénat discute. Sans cela, il aurait engagé la procédure accélérée pour l’examen de ce texte ! Pour ma part, j’ai alimenté vos débats en répondant systématiquement aux motions de procédure et aux interventions des membres de votre assemblée, et ce sans oublier quiconque.
Monsieur Frimat – et mes observations vaudront aussi pour M. Assouline –, pardonnez-moi de vous le dire, votre intervention a, me semble-t-il, été marquée par l’esprit partisan que j’évoquais dans mon introduction. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. C’est un état d’esprit que vous connaissez bien !
Mme Catherine Tasca. Les « partisans » ne sont pas seulement à gauche !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. La méthode de la tranche est traditionnelle et a été validée à maintes reprises par le Conseil constitutionnel. Les trente-trois circonscriptions qui sont supprimées sont partagées entre dix-huit circonscriptions de gauche et quinze circonscriptions de droite. Voilà la réalité ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est faux !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je peux vous en donner la liste, puisqu’elle a été établie par M. Charles de La Verpillière, rapporteur à l’Assemblée nationale du présent projet de loi, et figure dans son rapport. L’exercice est peut-être un peu fastidieux, mais il vous permettra de constater qui dit la vérité.
Vous prétendez que le découpage électoral est plus favorable à la droite qu’à la gauche. C’est faux ! Sur les trente-trois circonscriptions supprimées, dix-huit sont aujourd’hui détenues par la gauche et quinze le sont par la droite.
Je vous renvoie au rapport de M. de La Verpillière :
Page 130, troisième circonscription de l’Allier, député socialiste ; page 135, quatrième circonscription de la Charente, député socialiste ; page 136, troisième circonscription de la Corrèze – c’était celle du président Jacques Chirac –, député UMP ; page 137, la première et la deuxième circonscription de la Creuse fusionnent, c’est celle du député UMP qui disparaît ; page 143, troisième circonscription de l’Indre, député socialiste ; page 146, sixième circonscription de la Loire, député UMP, M. Pascal Clément ; page 147, les deux circonscriptions de la Lozère fusionnent, c’est forcément un UMP qui perdra son siège puisque les deux sortants sont UMP ; page 147, quatrième circonscription de la Manche, député UMP, M. Claude Gatignol ; page 148, troisième circonscription de la Marne, député UMP ; page 149, troisième circonscription de Meurthe-et-Moselle, député UMP ; …
M. Jean-Marc Todeschini. Et M. Féron ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. … page 150, huitième circonscription de la Moselle, député socialiste, j’en conviens ; page 150, troisième circonscription de la Nièvre, député socialiste ; page 151, troisième circonscription du Nord, député socialiste ; page 151, douzième circonscription du Nord, député socialiste ; page 152, vingt-troisième circonscription du Nord, députée UMP, Mme Christine Marin ; page 153, troisième circonscription du Pas-de-Calais, député socialiste ; page 154, onzième circonscription du Pas-de-Calais, député socialiste ; page 154, deuxième circonscription du Puy-de-Dôme, député socialiste ;…
M. Jean-Marc Todeschini. C’est Alain Néri !
M. Jean-Marc Todeschini. Ah bon ?
M. Jean-Marc Todeschini. Il sera bien obligé, avec votre redécoupage !
M. Jean-Marc Todeschini. C’est un excellent député !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je poursuis mon énumération : page 155, première circonscription des Hautes-Pyrénées, député socialiste ; page 158, troisième circonscription de la Haute-Saône, député UMP ; page 158, quatrième circonscription de Saône-et-Loire, député socialiste ; page 159, première circonscription de Paris, député de gauche mais écologiste ; page 159, deuxième ou troisième circonscriptions de Paris, dont l’une disparaît puisqu’elles fusionnent, député UMP ; page 161, seizième circonscription de Paris, député UMP ; page 161, sixième circonscription de la Seine-Maritime, député communiste, il n’y en a qu’un ; page 162, douzième circonscription de la Seine-Maritime, député UMP ; …
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … page 164, troisième circonscription des Deux-Sèvres, député UMP ; page 164, quatrième circonscription de la Somme, député socialiste ; page 164, première circonscription du Tarn, député socialiste ; page 166, première circonscription de la Haute-Vienne, député socialiste ; page 169, troisième circonscription de la Seine-Saint-Denis, député socialiste ; page 170, septième circonscription du Val-de-Marne, député UMP. Voilà !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez oublié la Moselle !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous ferez les comptes et vous constaterez que c’est bien 18-15.
M. David Assouline. Et les trente-trois nouvelles circonscriptions ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Depuis le début, vous essayez de faire croire que ce redécoupage crée un avantage en faveur de l’UMP au détriment du parti socialiste : c’est faux, et le rapport de M. le rapporteur à l’Assemblée nationale en fait la preuve !
J’en viens à la deuxième partie de l’intervention de M. Frimat. Pour ce qui est du recensement, le Gouvernement avait consulté le Conseil d’État, qui avait clairement répondu par un avis du 2 juillet 1998 : « Il importe donc que la détermination des bases démographiques fondant cette révision [de la carte électorale] s’appuie sur des données comparables et afférentes à la même année ». Nous avons suivi l’avis du Conseil d’État.
Monsieur Frimat, je suis heureux que vous ayez soulevé la question des écarts démographiques, car elle illustre parfaitement le travail du Gouvernement.
Dans mon intervention présentant en première lecture le projet de loi de ratification, j’ai donné les raisons pour lesquelles, selon moi, l’ordonnance du 29 juillet 2009 respecte parfaitement les critères fixés par la loi d’habilitation et les principes énoncés par le Conseil constitutionnel.
J’ai notamment précisé à quel point nous étions parvenus à un équilibre démographique des circonscriptions bien meilleur que la situation actuelle. (M. Bernard Frimat s’exclame.)
S’agissant tout d’abord des écarts de population dans l’ensemble des circonscriptions délimitées dans les départements, ils se situaient, entre les 577 circonscriptions législatives, dans un rapport de 1 à 3,6 pour le découpage de 1986 (M. Bernard Frimat s’exclame de nouveau) et dans un rapport de 1 à 6 au vu des chiffres du dernier recensement démographique. Ces disparités s’étaient donc profondément aggravées. À titre d’exemple, il y a moins de 36 000 habitants dans la deuxième circonscription de la Lozère et plus de 210 000 habitants dans la sixième circonscription du Var.
Monsieur Frimat, avec le nouveau découpage, ces écarts se situeront dans un rapport de 1 à 2,4. Il s’agit d’un progrès considérable, qui a été récemment relevé par la presse, y compris dans des journaux qui ne sont pas favorables à la majorité, tant s’en faut ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. Il n’y en a pas beaucoup !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Aujourd'hui, la plus petite des circonscriptions est la deuxième circonscription des Hautes-Alpes, qui compte 60 903 habitants, et la plus importante, la sixième circonscription de la Seine-Maritime, qui comporte 146 025 habitants. En chiffres bruts, les écarts ont été très sensiblement réduits.
S’agissant, monsieur le sénateur, des écarts démographiques entre les circonscriptions d’un même département, la marge de 20 %, en plus ou en moins, avait été largement utilisée dans le découpage de 1986. Elle dépassait alors 17,5 % dans sept circonscriptions.
Au vu des chiffres du dernier recensement, soixante-neuf circonscriptions sont dans ce cas. Pire, quarante-quatre circonscriptions présentent un écart de plus de 20 % et sont donc illégales au regard du critère démographique fixé par la loi de 1986 sur le découpage.
Avec l’ordonnance que nous vous présentons, aucune des circonscriptions autres que trois des circonscriptions des Français de l’étranger – nous y reviendrons – ne s’écarte de plus de 17,5 % par rapport à la moyenne. (M. Bernard Frimat s’exclame.) Là aussi, nous avons profondément corrigé les disparités.
J’en viens à l’équité du redécoupage. Vous avez invoqué également l’article 4 de la Constitution, en affirmant que le découpage n’était pas équitable puisqu’il faudrait, à l’avenir, plus de 50 % des voix à la gauche pour obtenir la majorité des sièges. Vous aviez déjà dit cela en 1986,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est exact !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas lui qui l’avait dit !