M. Simon Sutour. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question concerne le mode de calcul du financement du service d’élimination des déchets et ordures ménagères.
Aujourd’hui, les collectivités financent la collecte et le traitement des déchets et ordures ménagères via la redevance d’enlèvement des ordures ménagères, la REOM, ou la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la TEOM.
La REOM est calculée sur la base de critères définis par la collectivité et n’est autorisée que pour les collectivités dont la population est inférieure à 3 500 habitants. La TEOM est calculée par l’application d’un taux sur les bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; elle est autorisée pour l’ensemble des collectivités.
Le transfert des compétences collecte et traitement des déchets et ordures ménagères à des communautés de communes, communautés d’agglomération ou syndicats de communes a obligé bon nombre de collectivités à passer de la REOM à la TEOM. Cette modification a eu pour effet pervers l’augmentation considérable de la participation de personnes, souvent âgées, qui, bien que disposant de faibles revenus, occupent une grande habitation, par exemple une maison de famille.
De plus, l’augmentation des coûts de collecte et surtout de traitement, l’augmentation très sensible de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, et, demain peut-être, l’application de la taxe carbone obligent les collectivités à augmenter les prélèvements via la TEOM et renforcent un peu plus encore le sentiment d’une fiscalisation excessive, alors que sont demandés des efforts supplémentaires, notamment en matière de tri sélectif.
Afin de garantir à l’ensemble des citoyens un mode de calcul alliant solidarité et équité, il serait intéressant de créer une TEOM dont le montant serait calculé pour 50 % par l’application d’un taux sur les bases du foncier bâti, et pour les 50 % restants en fonction de critères choisis par la collectivité, notamment la composition du foyer. Un tel calcul aurait le mérite de rendre plus acceptable et plus compréhensible le financement du service par les usagers.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, connaître la position du Gouvernement sur cette proposition et, le cas échéant, savoir si celui-ci serait prêt à engager une réforme du mode de financement du service d’élimination des déchets et ordures ménagères.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur Simon Sutour, vous avez interrogé Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, qui vous prie de bien vouloir l’excuser, sur le mode de calcul du financement du service d’élimination des déchets et ordures ménagères.
Comme vous l’avez indiqué, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes peuvent instaurer soit une redevance d’enlèvement des ordures ménagères, la REOM, et ce quelle que soit leur population, soit une taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, dont la gestion, contrairement à celle de la redevance, est assurée par l’administration fiscale.
Le financement par la taxe présente quelques inconvénients. En particulier, étant adossée à la taxe foncière sur les propriétés bâties, elle n’a pas de rapport direct avec le service rendu, contrairement à la redevance, pour laquelle les usagers se voient facturer explicitement le coût du service qui correspond aux déchets ménagers dont ils sont directement responsables.
La proposition du Grenelle de l’environnement visant à créer dans la taxe une part incitative variable en fonction de la composition du foyer a donné lieu à de très nombreuses discussions. Il apparaît que la mise en œuvre de cette mesure demanderait un très gros travail à l’administration fiscale ainsi qu’aux collectivités elles-mêmes. En effet, celles-ci devraient fournir chaque année des éléments d’assiette relatifs aux 44 millions de locaux assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties, le tout pour un effet incitatif très réduit.
La loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement fixe toutefois comme objectif la création d’un cadre législatif permettant l’instauration par les collectivités territoriales d’une tarification incitative pour le financement de l’élimination des déchets des ménages et assimilés. Son article 46 précise en effet que « la redevance d’enlèvement des ordures ménagères et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères devront intégrer, dans un délai de cinq ans, une part variable incitative devant prendre en compte la nature et le poids et/ou le volume et/ou le nombre d’enlèvements des déchets ».
Un groupe de travail réunissant les différents services compétents sera prochainement mis en place afin de répondre à cet objectif. Bien entendu, monsieur le sénateur, vous pourrez apporter votre contribution.
Tels sont les éléments de réponse que j’étais en mesure de vous fournir ce matin, au nom du ministère de l’économie.
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’insiste cependant sur le fait que ce problème patent, que nos populations ressentent profondément, est accentué par le développement de l’intercommunalité.
Vous avez fait allusion à l’article 46 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Je souhaite qu’il ne reste pas lettre morte.
Je souhaite également que les travaux du groupe de travail dont vous avez annoncé la constitution débouchent bientôt sur des propositions concrètes et que nous serons amenés à les discuter. Ma question était en quelque sorte une participation au débat qui va s’engager en son sein !
situation financière de la ville de grigny dans l’essonne
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la question n° 703, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Bernard Vera. Monsieur le secrétaire d’État, Grigny est l’une des villes de banlieue auxquelles les gouvernements successifs ont reconnu que la collectivité nationale devait « réparation ».
Ville de l’Essonne dont la population est la plus jeune, elle est aussi la ville la plus pauvre du département. Elle fait face à une demande sociale et à des exigences éducatives parmi les plus élevées de l’Île-de-France, alors que ses ressources sont parmi les plus faibles.
En l’an 2000, elle a signé avec l’État un protocole « grand projet de ville » qui portait prioritairement sur l’enfance et la jeunesse. Des dépenses nouvelles ont donc été engagées d’un commun accord avec l’État.
Le plan de redressement pluriannuel établi par la chambre régionale des comptes, la CRC, est fondé sur l’encadrement des dépenses de la ville et sur une subvention supplémentaire de l’État.
En 2003 et en 2004, une subvention de 4 millions d’euros, puis de 3 millions d’euros, a donc été attribuée à la ville. Mais, à partir de 2005, l’État n’a plus honoré ses engagements, abandonnant la ville de Grigny à ses difficultés. Depuis, le déficit de son budget de fonctionnement ne cesse de se creuser.
Pour autant, la ville réussit à maintenir ses services aux habitants tout en réduisant ses charges courantes et ses dépenses de personnel. Ses efforts de gestion sont reconnus par la chambre régionale des comptes, qui note dès 2006 que « la commune a perdu une recette cumulée de près de 5 millions d’euros en 2006 par rapport aux prévisions du plan de redressement ».
En 2007, la fiscalité locale est augmentée de 3 %, puis de 10 % en 2008, « effort fiscal supplémentaire le plus extrême qui puisse être sollicité [des] habitants », selon les propres termes de la CRC.
Pourtant, en septembre 2009, le préfet de l’Essonne décide d’augmenter les impôts à Grigny, de 44,25 % pour la taxe d’habitation et de 50 % pour la taxe foncière. Cette décision est extrêmement lourde de conséquences pour des habitants qui ont déjà consenti d’importants efforts contributifs. Elle fait peser le risque que l’on ne voie certaines catégories de la population partir, et menace ainsi la cohésion sociale de la ville.
Dans ces conditions, il est urgent de mettre en place une structure de concertation, un groupe de travail État-commune visant à élaborer des mesures permettant le retour progressif à l’équilibre.
Des pistes existent. Ainsi, chacun sait que le nombre d’habitants est sous-évalué : Grigny compte en réalité entre 3 000 et 4 000 habitants de plus que les 27 000 qu’a recensés l’INSEE. Cette sous-évaluation fait perdre chaque année 3 millions d’euros à Grigny, au titre de la DGF.
Autre exemple : la ville dépense chaque année 2 millions d’euros en frais financiers liés aux emprunts qu’elle est obligée de contracter. Ne pourrait-elle accéder à des prêts à taux zéro ou, au moins, à des prêts à taux bonifiés ?
Vous pouvez le constater, monsieur le secrétaire d’État, des solutions sont envisageables. Ma question est donc simple : qu’entendez-vous faire pour que s’ouvre enfin entre toutes les parties concernées une véritable concertation qui pourrait déboucher, par exemple, sur un « contrat d’objectifs » liant toutes les parties autour d’une vraie ambition pour la ville de Grigny ?
Votre intervention est déterminante pour permettre à cette ville de se doter des moyens pérennes qui lui garantiront la réussite des objectifs de transformation sociale et éducative dont la population a besoin.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous avez tenu à me faire part de votre préoccupation quant à la situation financière bien connue de la ville de Grigny.
La détérioration qui s’est produite ces dernières années est très préoccupante. Depuis sept ans, le budget municipal n’est plus équilibré, ce qui conduit à une spirale d’endettement et à un déficit de plus de 15 millions d’euros.
Compte tenu des propositions, voire des injonctions de la chambre régionale des comptes, le préfet s’est trouvé dans l’obligation d’augmenter le taux des taxes locales afin de ramener le déficit à 10 millions d’euros. Cette mesure sauvera ainsi la ville de ce qu’il faut bien appeler une faillite.
J’en suis conscient, cela implique un effort considérable de la part des contribuables de Grigny. Le préfet a par conséquent demandé à la trésorerie générale d’examiner avec la plus grande bienveillance les demandes de délais permettant un étalement sans frais des paiements.
Je ne suis pas sans connaître les difficultés que rencontre la ville de Grigny du fait de sa pauvreté. Toutefois, la dégradation financière qu’elle connaît, et qui est exceptionnelle en France, ne peut être mise uniquement sur le compte de sa situation socio-économique, sans quoi bien d’autres cas de ce genre auraient été constatés ! Elle résulte en effet d’un double mouvement en ciseaux : d’une part, les taux de la fiscalité locale étaient restés inchangés depuis vingt ans ; d’autre part, la commune, comme le souligne la chambre régionale des comptes, n’a pas su maîtriser ses dépenses.
Je voudrais aussi rappeler que Grigny est la commune la plus aidée du département de l’Essonne. Des sommes particulièrement importantes lui sont octroyées, que ce soit au titre de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, complétée depuis 2009 par la dotation de développement urbain, la DDU, du Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le FSRIF, ou des aides de la politique de la ville. Au total, cela représente chaque année plus de 8 millions d’euros.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la ville bénéficie en outre d’un programme considérable et tout à fait exceptionnel de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, d’un montant de 370 millions d’euros sur dix ans.
Enfin, rappelons-le, les collectivités s’administrent librement et ne peuvent être placées sous tutelle. C’est pourquoi il revient désormais à la ville d’entreprendre les réformes de fond nécessaires pour maîtriser ses dépenses. Le préfet et le trésorier-payeur général, le TPG, pourront bien entendu apporter aide et conseils ; le maire a d’ailleurs d’ores et déjà été reçu plusieurs fois en préfecture. En outre, la chambre régionale des comptes a entrepris un contrôle approfondi de la gestion de la ville.
J’en conviens avec vous, monsieur le sénateur, il n’est plus acceptable que cette ville s’enfonce davantage dans la voie du déficit : un plan de redressement doit être mis en œuvre sans attendre.
Je le répète, le préfet, en liaison avec le TPG et en accord avec le ministère de l’intérieur, est bien décidé à poursuivre la concertation avec le maire et l’ensemble des élus de cette ville.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.
Vous indiquez que Grigny est la ville la plus aidée de l’Essonne : c’est bien le moins que l’on puisse faire pour la commune la plus pauvre et, en même temps, la plus jeune du département !
Vous avez suggéré que l’une des raisons majeures de la situation de la ville serait liée à sa gestion. Or, je vous le rappelle, la chambre régionale des comptes admet que des efforts considérables ont déjà été réalisés par la commune en matière de réduction des dépenses publiques, qu’il s’agisse des charges courantes ou des dépenses de personnel. Si ces dépenses devaient continuer d’être réduites d’une manière aussi drastique, cela risquerait de remettre tout simplement en cause le grand projet de ville.
J’illustrerai mon propos par un seul exemple. La préfecture le reconnaît, Grigny doit supporter un « surcoût scolaire » : comme elle est, je le répète, la commune la plus jeune du département, elle voit sa population scolaire augmenter plus vite qu’ailleurs. Pour faire face aux besoins, la ville est en train de réaliser, grâce aux crédits débloqués par l’ANRU, que vous avez évoqués, un nouveau groupe scolaire, dont la construction devrait être achevée en 2010. Mais, faute de moyens, elle ne pourra pas ouvrir les portes de cet établissement et assumer son coût de fonctionnement, qui s’élève à environ 500 000 euros. Il y a là une forte contradiction au sein même de la politique de la ville !
Monsieur le secrétaire d’État, Grigny ne demande pas à être assistée ! Elle s’est déjà engagée dans une dynamique de projets d’intérêt général. Le maire et son conseil municipal, soutenus par un très large collectif d’habitants, mais aussi par de très nombreux parlementaires, de droite comme de gauche, demandent simplement à disposer de moyens suffisants pour faire vivre les services à la population et mener les actions qui sont précisément prévues dans les dispositifs contractualisés avec l’État dans le cadre de la politique de la ville.
Vous m’indiquez que le préfet est tout à fait disposé à poursuivre une concertation avec la commune. Je m’en réjouis, et je suivrai avec intérêt l’évolution des groupes de travail susceptibles de voir le jour.
Pour conclure, je dirai que Grigny mérite d’être soutenue. Il s’agit, pour cette commune, de réussir un projet ambitieux et solidaire, sur un territoire en grande difficulté, certes, mais riche d’un très important potentiel humain et économique.
réalisation du futur hôtel de police de gap
M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond, auteur de la question n° 717, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Pierre Bernard-Reymond. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite évoquer le projet de construction d’un nouvel hôtel de police à Gap.
C’est en 1994 que le préfet des Hautes-Alpes a fait connaître pour la première fois au maire de Gap – j’occupais alors cette fonction – l’intention de l’État de construire un nouvel hôtel de police sur le territoire de sa commune.
Plus récemment, avant de quitter mon poste en raison des dispositions de la loi relative à la limitation du cumul des mandats – j’étais devenu sénateur –, j’ai signé 19 février 2007, dernier jour d’exercice de mon mandat, une convention d’échange de terrains entre la commune et l’État qui rend ce dernier propriétaire de l’espace sur lequel il avait jeté son dévolu afin de construire cet hôtel de police rassemblant au chef-lieu du département des Hautes-Alpes l’ensemble des services départementaux de police.
Par la suite, l’étude de faisabilité a été réalisée.
Par lettre en date du 22 octobre 2007, le ministre de l’intérieur de l’époque me faisait savoir que des études de programmation seraient engagées dans les semaines suivantes afin qu’un concours d’architecture puisse être organisé au cours du premier semestre de l’année 2008. Le 19 mai 2008, il m’était signalé qu’une autorisation d’engagement de 100 000 euros avait été prévue à cet effet et qu’une enveloppe de 800 000 euros était réservée pour le marché de conception.
Il m’a été également indiqué que, dans ces conditions, les travaux devraient commencer en 2010, ce dont il est aujourd’hui permis de douter. Une telle situation est tout à fait regrettable compte tenu de l’exiguïté et de la vétusté des locaux actuels.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer l’état d’avancement de ce dossier et vos intentions dans ce domaine ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur le calendrier de réalisation du futur hôtel de police de Gap. Je me trouvais dans cette ville voilà quelques semaines, à l’occasion du congrès de l’ANEM, l’Association des élus de la montagne, ce qui m’a permis de me rendre compte par moi-même de la situation.
Comme vous le savez, les services de police de Gap sont actuellement installés au sein de la cité administrative Desmichels, propriété de l’État, dans des locaux qui présentent un bon état général, mais dont la superficie est effectivement très insuffisante. Le projet envisagé vise à regrouper l’ensemble des services sur un site unique et à améliorer les conditions de travail des fonctionnaires de police.
L’État a ainsi acquis en 2007 auprès de la ville de Gap une emprise d’une superficie de 5 600 mètres carrés, échangée contre une emprise domaniale attenante à la cité administrative. L’étude de programmation se poursuit actuellement, car elle doit faire l’objet d’une réactualisation pour tenir compte d’une modification en cours des documents d’urbanisme et intégrer les besoins engendrés par la création du service départemental d’information générale, le SDIG, et de la direction départementale du renseignement intérieur, la DDRI.
Un dernier point d’urbanisme reste cependant en suspens. Il concerne le retrait d’un droit accordé à titre précaire et révocable à la copropriété voisine et autorisant la présence de châssis en pignon du bâtiment adjacent. Ces ouvertures, qui provoqueraient des vues directes sur la cour du service, ne peuvent en effet être maintenues, car elles sont contraires aux règles de sécurité d’un commissariat. La mairie, saisie par le Secrétariat général pour l’administration de la police, le SGAP, a demandé au syndic de copropriété l’obstruction de ces ouvertures. Bien que relancé à plusieurs reprises, celui-ci n’a pas, à ce jour, fait connaître sa réponse. Peut-être le sénateur des Hautes-Alpes pourrait-il, en « mettant un peu de pression », obtenir une réponse plus rapide ?…
En raison de l’état actuel du dossier, le projet d’hôtel de police de Gap n’a pu être inscrit au schéma immobilier de la police nationale pour 2010. Toutefois, monsieur le sénateur, M. le ministre de l’intérieur sait tout l’intérêt que vous portez à ce dossier, que vous lui avez signalé à plusieurs reprises. Il sera pris en compte, soyez-en sûr, au sein d’une programmation immobilière ultérieure, en fonction de son état d’avancement et du contexte budgétaire du moment.
M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir saisi l’occasion de votre venue dans les Hautes-Alpes pour le congrès de l’Association nationale des élus de la montagne à L’Argentière-La-Bessée pour passer par Gap et vous instruire de ce dossier. Je ne peux toutefois m’empêcher de vous faire observer que vous seriez parvenu plus facilement dans ce département si une autoroute reliait Grenoble à Gap ! (Sourires.) Malheureusement, nous attendons cette réalisation depuis plus longtemps encore que celle de l’hôtel de police…
En ce qui concerne le petit détail d’urbanisme que vous invoquez pour justifier les délais, je m’interroge tout de même sur les pouvoirs respectifs de l’État et de la mairie de Gap pour convaincre le syndic de cet immeuble qu’une ouverture plus petite pourrait, en tout état de cause, résoudre le problème.
Monsieur le secrétaire d’État, un détail si minime est-il vraiment à l’origine de tout le retard pris ? Pouvez-vous me promettre que, une fois la question réglée, ce projet sera véritablement débloqué et pourra être mis en œuvre rapidement ?
législation sur l’action de groupe
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 690, adressée à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
M. Richard Yung. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur ce que l’on appelle les actions de groupe, c’est-à-dire la protection des victimes de dommages non corporels et, en général, de faibles montants commis par un même professionnel.
À un moment ou à un autre, nous avons tous eu des démêlés avec notre pourvoyeur de téléphone portable ou de chaînes de télévision, pour des montants de 10 ou 20 euros. Nous hésitons alors à agir, au regard de la lourde procédure à engager. Cependant, des dizaines, voire des centaines de milliers de clients sont ainsi lésés.
En l’état actuel de la législation, ces personnes ne sont pas suffisamment protégées, l’action en représentation conjointe n’étant pas satisfaisante : la preuve en est que, depuis 1992, on a recensé moins de dix procédures.
Il paraît donc urgent d’améliorer le droit en vigueur, le nombre de plaintes des consommateurs ayant explosé au cours des dernières années – l’augmentation a même atteint près de 50 % entre 2006 et 2007 ! Pour ce faire, il me paraîtrait judicieux de créer une procédure de recours collectif s’inspirant, notamment, de la législation québécoise, qui remonte à 1978.
Ce sujet est devenu un véritable serpent de mer. Depuis les vœux prononcés par le Président Chirac en 2005, tous les gouvernements successifs ont promis d’introduire ce mécanisme dans notre droit, mais aucun engagement n’a été tenu.
Les citoyens, les consommateurs, et les parlementaires, sont, si je puis dire, menés en bateau. En 2008, M. Chatel, secrétaire d’État alors chargé de la consommation, avait formulé des propositions tout à fait intéressantes sur lesquelles nous étions prêts à débattre. Mais rien ne s’est produit, et la question est restée pendante.
Contrairement à l’exécutif, les parlementaires ont exploré de nombreuses pistes de réforme, souvent pertinentes. Ma collègue Nicole Bricq et moi-même avons ainsi déposé dès 2005 une proposition de loi qui, j’ai la faiblesse de le penser, ne doit pas être totalement inopportune puisqu’elle suscite l’hostilité à la fois du MEDEF et de l’UFC-Que Choisir ! (Sourires.) En outre, avec mon collègue Laurent Béteille, je réunis ici même, au Sénat, un groupe de travail sur cette question de l’action de groupe.
Du côté du Gouvernement, M. Novelli, secrétaire d’État chargé de la consommation, s’est récemment déclaré favorable à la mise en place d’une action de groupe, mais en subordonnant son introduction à plusieurs conditions, notamment la fin de la crise économique, la réorganisation du mouvement consumériste et la transposition de la directive européenne sur la médiation.
Madame la secrétaire d’État, dans ce domaine, la société française doit à l’évidence évoluer comme la société européenne. Ma question est donc simple : comment se fait-il que notre pays n’avance pas sur ce sujet ? Quels sont les blocages ? Que compte faire le Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. Monsieur Yung, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Christine Lagarde, qui m’a chargée de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Tout le monde le sait, les litiges de consommation constituent un domaine privilégié des contentieux de masse, en particulier dans le secteur des services. Vous l’avez rappelé, les nouvelles technologies, tels la téléphonie mobile et internet, ou encore les cartes de crédit, sont autant de phénomènes qui ont complexifié et multiplié les contrats de consommation et les techniques de vente, impliquant des moyens de résolution des litiges proportionnés et efficaces.
Les dispositifs dits d’« action de groupe » font actuellement l’objet de nombreuses réflexions au niveau aussi bien national, y compris de la part des parlementaires, qu’européen, notamment au sein de la direction générale Concurrence et de la direction générale Marché intérieur et services. Ces réflexions montrent – c’est le point que Christine Lagarde me demande de souligner auprès de vous – que les effets pervers de ce système d’action de groupe ont été largement occultés, ce qui nous amène effectivement à agir avec une certaine prudence.
En effet, la création d’une telle procédure, s’inspirant directement du modèle en vigueur outre-Atlantique, pourrait avoir de fâcheuses conséquences pour les entreprises : non seulement celles-ci se verraient fragilisées, mais en outre, sous prétexte qu’elles risqueraient de devoir faire face à des procédures judiciaires très coûteuses, elles seraient amenées à enregistrer un certain nombre de provisions, en clair à augmenter leurs tarifs. Le système se retournerait finalement contre le consommateur.
Au-delà des enseignements tirés de l’analyse de l’expérience menée outre-Atlantique, et comme vous l’ont rappelé Luc Chatel, en son temps, et Hervé Novelli, plus récemment, un certain nombre de conditions ou de préalables ne sont pas remplis.
D’une part, en ces temps de crise économique, ce n’est franchement pas le moment d’ajouter à une inquiétude économique une inquiétude juridique : ce serait mal compris, notamment par les salariés des entreprises concernées.
D’autre part, le mouvement consumériste n’est pas organisé, comme il peut l’être dans d’autres pays, pour piloter des procédures aussi complexes. À long terme, des effets défavorables en même temps aux consommateurs et aux salariés risquent donc de se produire.
Pour toutes ces raisons, nous préconisons plutôt le développement de la médiation civile, qui nous semble être de nature à résoudre bien plus sûrement les petits litiges, pour lesquels une résolution extrajudiciaire est parfaitement adaptée et moins coûteuse.
Cette réflexion rejoint celle qui est menée sur la directive 2008/52/CE, qui porte sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale et dont l’objet est d’« apporter une solution extrajudiciaire économique et rapide aux litiges en matière civile et commerciale ». Les services de Christine Lagarde et ceux de la Chancellerie sont en train de travailler à sa transposition la plus rapide possible dans notre droit national.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la secrétaire d’État, tout en vous remerciant de votre réponse, je me permettrai de formuler trois remarques.
Premièrement, les arguments sur la fragilisation des entreprises et les coûts supplémentaires nous sont parfaitement connus. Il existe un certain nombre de dispositifs qui permettent de ne pas tomber dans ces travers.
Nous n’avons nullement l’intention de copier le système américain. De nombreux autres fonctionnent, à l’image du système québécois que j’ai évoqué. Il est donc tout à fait possible de « border » le système, et nous ne pouvons nous satisfaire d’une réponse se limitant à souligner les prétendus risques pour les entreprises et à insister sur le contexte de crise actuel. On trouvera toujours une raison pour s’opposer à une telle procédure !
Deuxièmement, si nous sommes favorables au développement de la médiation – tout ce qui peut éviter le recours aux tribunaux et les procédures coûteuses qu’il implique est une excellente initiative –, nous ne voyons pas en quoi cela pourrait empêcher la mise en place, en parallèle, de l’action de groupe. À mon avis, ces deux systèmes, loin d’être opposés, sont complémentaires.
Troisièmement, enfin, au niveau européen, Bruxelles est en fait en train d’élaborer deux projets de directives, l’un émanant de la direction générale Concurrence, l’autre de la direction générale Marché intérieur et services. Nous avons pour l’instant du mal à comprendre comment ces deux projets peuvent cheminer conjointement. Nous serons donc intéressés de voir comment le gouvernement français répond aux propositions de Bruxelles. En tout cas, il est clair que la France devra agir en la matière.