M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 742, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, ma question porte, une nouvelle fois, sur la fiscalité des vins de liqueur soumis à appellation d’origine contrôlée, AOC.
En effet, à la suite du décès d’un élu de ma commune, je n’ai pu intervenir lors de l’examen de la mission « Agriculture » du projet de loi de finances, le 3 décembre, mais notre éminent collègue Gérard César a bien voulu relayer nos préoccupations auprès de M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. M. Le Maire ayant alors indiqué qu’il avait demandé à ses services d’analyser, en lien avec ceux du ministère du budget, les conditions d’un éventuel rééquilibrage de la fiscalité, il m’est apparu judicieux de déposer cette question.
En France, les produits issus de la vigne sont soumis à une fiscalité variable selon leur mode d’élaboration. Les produits dits « intermédiaires », comme le Pineau des Charentes, le Floc de Gascogne, le Macvin du Jura, sans oublier le Pommeau de Normandie, cher à M. le président du Sénat et à mes collègues des régions concernées, sont soumis à une fiscalité différenciée.
En revanche, les produits industriels concurrents sur ce marché des apéritifs, élaborés sans contraintes d’origine ou de production, ont su faire évoluer la fiscalité en leur faveur, en modifiant leur procédé technique, ce qui est impossible pour le Pineau. Depuis 2003, certains d’entre eux sont taxés comme un vin, soit soixante-trois fois moins que le Pineau. Le résultat est que, depuis trois ans, les ventes totales de Pineau ont baissé de plus de 15 %.
La loi de financement de la sécurité sociale de 2009 a mis en œuvre un principe d’indexation systématique des produits soumis à accises, contre lequel je me suis élevé avec de nombreux collègues, mais en vain.
Ainsi, en 2009, les accises ont augmenté de 1,50 % et, pour 2010, elles devraient croître de 2,80 %, comme l’a confirmé l’arrêté du 19 octobre 2009, fixant pour 2010 les tarifs des droits d’accises sur les alcools et les boissons alcooliques.
La seule hausse pour 2010 des droits d’accises sur les produits intermédiaires équivaut au double de la taxation totale de ces apéritifs concurrents. Vous comprenez dès lors l’ire de nos viticulteurs ! Depuis de nombreuses années, mon collègue et ami Michel Doublet nous battons à leurs côtés pour interpeller les pouvoirs publics sur l’iniquité de cette fiscalité. On ne compte plus les questions écrites, orales, les courriers aux ministres, les rendez-vous ministériels, dont le prochain est programmé en février au ministère de l’agriculture.
En 2004, lorsque Dominique Bussereau était secrétaire au budget et à la réforme budgétaire, la profession avait réussi à obtenir des aides annuelles aux vins de liqueur, preuve que la demande de la profession est légitime. Depuis, nous n’avons plus avancé. Je sais que M. le président du Sénat est à nos côtés pour défendre ce dossier, et nous lui en savons gré.
Nous sommes en train de perdre toute crédibilité, et la profession s’exaspère. Une réunion générale qui s’est tenue le 15 janvier a rassemblé près de deux cents viticulteurs et négociants. Tous se sont élevés avec fermeté contre le niveau de la taxation frappant leur produit, aggravé par l’application de l’indexation.
À l’unanimité, ils ont décidé, dans un premier temps, de reprendre le mouvement collectif de paiement partiel des droits, suspendu en 2004. Ainsi, les opérateurs régleront aux douanes les 45 euros correspondant au minimum communautaire de taxation des produits intermédiaires, et le solde des sommes dues sera déposé auprès de la Confédération nationale des producteurs de vins et de liqueurs.
Après vingt-cinq ans de démarches et de lutte, la détermination de la filière est entière. D’autres actions plus dures sont envisagées, en complément de ce mouvement.
J’ai bien conscience que le poids économique du Pineau des Charentes n’est rien à côté de celui des géants industriels, mais vous comprendrez aisément que cet état de fait ne peut perdurer. Il devient impérieux de clore cette affaire, d’y apporter une réponse immédiate.
Je sais que, depuis quelques semaines, une attention particulière est consacrée à ce dossier. Gageons qu’elle aboutisse enfin à des mesures concrètes !
Je souhaite savoir ce qu’envisage M. le ministre du budget pour mettre fin à cette inégalité fiscale qui pénalise la compétitivité de ces produits.
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Éric Woerth qui doit aujourd’hui rencontrer son homologue allemand, à Berlin. Faute de pouvoir vous répondre directement, comme il l’aurait souhaité, il m’a demandé de vous transmettre certaines données.
Les différences de taxation que vous avez soulignées résultent de définitions issues de la réglementation communautaire, laquelle prévoit spécifiquement un cadre pour la fiscalité des boissons alcooliques.
La structure de la fiscalité des boissons alcooliques issues de la vigne repose en effet sur une différence de taxation selon que l’alcool provient de la fermentation ou qu’il a été obtenu par distillation. Les boissons contenant de l’alcool provenant à la fois de la fermentation et de la distillation sont qualifiées de « produits intermédiaires ».
Les produits tels que le Floc de Gascogne ou le Pineau des Charentes, élaborés par mutage de moûts à l’alcool distillé – provenant respectivement de l’Armagnac ou du Cognac – et titrant environ 18 degrés sont contraints à des processus précis de fabrication découlant de traditions anciennes et formalisés par un cahier des charges fondant leur appellation d’origine. Ils répondent à la définition fiscale des produits intermédiaires et sont taxés à 223,29 euros par hectolitre.
Certains produits industriels, non tenus aux exigences spécifiques des appellations d’origine, ont vu leur processus de fabrication modifié. Cette astuce leur a permis de bénéficier d’une fiscalité moins élevée. Il s’agit de boissons fermentées dont le taux d’alcool est augmenté par concentration partielle par le froid ou par d’autres procédés techniques qui provoquent la concentration de l’alcool par élimination de l’eau.
Ces boissons conservent toutes les qualités organoleptiques des produits fermentés de base, mais, titrant moins de 15 degrés et ne faisant pas l’objet d’un ajout d’alcool distillé, elles sont fiscalement assimilées à des vins et taxées seulement à 3,55 euros par hectolitre. En l’état actuel de la réglementation communautaire, le classement fiscal de ces produits ne peut pas être remis en cause.
Conscient de la distorsion de concurrence provoquée par cette différence de classement fiscal, le Gouvernement a saisi la Commission européenne afin que la question soit abordée dans le cadre du comité des accises. Doit notamment être étudiée la possibilité d’assimiler les procédés de concentration de l’alcool à une distillation. Cela permettrait de réserver la fiscalité du vin aux seuls produits dont l’alcool provient exclusivement d’une fermentation et dont la teneur n’a pas été augmentée par des pratiques destinées à concentrer l’alcool.
Parallèlement à cette action, l’administration continue de privilégier le dialogue avec la profession, en particulier avec les producteurs de Pineau des Charentes, dont les représentants ont été reçus le 6 janvier dernier à la Direction générale des douanes et droits indirects. Les professionnels seront naturellement tenus informés de l’avancement des travaux menés au sein des instances communautaires.
Enfin, en ce qui concerne les effets de l’indexation des droits d’accises sur les prix à la consommation, il a été proposé aux représentants de la profession d’étudier la possibilité de plafonner l’impact monétaire de cette indexation sur les boissons les plus fortement taxées. Une telle évolution, si elle était souhaitée, nécessiterait cependant une adaptation de la loi, à l’issue d’une concertation interministérielle associant notamment le ministère en charge de l’agriculture, d’une part, et le ministère en charge de la santé, d’autre part.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Le plafonnement est une piste très intéressante. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une indexation qui n’était pas souhaitée. C’est donc sur ce point qu’il faut intervenir, et c’est sur ce sujet que nous avons sollicité le Gouvernement.
Les viticulteurs concernés sont tous las de cette situation qui dure depuis de nombreuses années. Cela touche un pan de la production viticole nationale, et il est impératif de se montrer actif sur cette question.
Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de la réponse que vous m’avez apportée au nom de M. Woerth. J’espère qu’elle sera suivie d’actions concrètes.
enseignement de la langue arabe
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 639, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Yannick Bodin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, concerne l’enseignement de la langue arabe dans l’enseignement public.
Le nombre d’élèves suivant des cours d’arabe dans l’enseignement public est en constante diminution. Alors que l’enseignement de langues dites « rares » ne cesse de se développer, puisque 15 000 élèves de l’enseignement secondaire étudient le chinois, 12 000 le portugais, 14 000 le russe, à peine 7 300 collégiens et lycéens suivent des enseignements de langue arabe. Et encore faut-il préciser que, parmi ces élèves, 1 800 suivent les cours du centre national d’enseignement à distance, le CNED, et 1 500 résident à la Réunion et à Mayotte.
Pourtant, la demande est forte, motivée autant par des raisons culturelles que par la réalisation de projets professionnels.
L’arabe est en effet l’une des dix langues les plus parlées au monde, et certains pays arabes, en plein développement économique, sont des partenaires commerciaux importants, comme l’actualité nous le montre tous les jours. Plusieurs États européens l’ont d’ailleurs fort bien compris. Ainsi, le Danemark développe l’enseignement de cette langue dès le collège. Ce pays n’a pourtant pas, de par son histoire, des relations privilégiées avec des pays arabophones, comme c’est par exemple le cas de la France.
À l’éducation nationale, les créations de poste ne suivent pas. Pourquoi ?
On nous dit que certains chefs d’établissement seraient réticents à ouvrir des classes d’arabe, aussi bien dans l’établissement défavorisé, où l’on craint que cette langue ne contribue à la ghettoïsation de ce dernier, que dans les lycées de centre-ville, où l’on redoute que l’ouverture de cette option n’attire des « populations à problèmes ».
Cela concerne aussi la politique gouvernementale puisque, en quatre ans, le nombre de postes d’enseignant de la langue arabe proposé au concours du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, le CAPES, a été divisé par quatre : vingt postes en 2002 contre cinq seulement en 2006.
En revanche, comme vous l’avez sans doute remarqué, monsieur le ministre, l’enseignement privé de l’arabe est en pleine croissance. Entre les cours dispensés par des associations privées financées par des États étrangers et ceux, dispensés dans les lieux cultuels, qui donnent souvent lieu à du prosélytisme, 100 000 personnes seraient concernées. Ces formations se développent au détriment de l’enseignement laïc, avec des risques évidents de dérive communautariste.
Sous la pression de l’opinion publique, les assises de l’enseignement de la langue et de la culture arabes ont été organisées le 9 octobre 2008 à l’Assemblée nationale. À l’issue de cette journée, votre prédécesseur, M. Xavier Darcos, avait annoncé cinq grands axes de développement pour l’enseignement de la langue arabe : une généralisation des classes de sixième « bilangues » dès la rentrée 2009, l’identification et la création d’établissements pilotes pour l’arabe afin d’éviter la dispersion des moyens, la généralisation des regroupements inter-établissements en centre-ville dans les grandes agglomérations, le développement des sections internationales et de langues orientales, dont l’ouverture était d’ailleurs prévue en 2009, ainsi que le développement de l’arabe dans l’enseignement professionnel, notamment dans l’hôtellerie, le tourisme et la restauration.
Plus d’un an après ces assises, il semble que rien n’ait été concrétisé. Où en êtes-vous, monsieur le ministre, dans la mise en œuvre d’une véritable politique d’enseignement de la langue et de la culture de l’arabe dans nos écoles publiques, afin de répondre à la demande des élèves, arabophones ou non, et, surtout, pour s’assurer de son encadrement par l’enseignement public laïc, seul garant de la défense des valeurs de la République ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Je partage votre sentiment, monsieur le sénateur, sur le fait que l’arabe est l’une des langues-clés de notre monde multipolaire.
L’arabe bénéficie déjà d’une place privilégiée dans notre système éducatif, puisqu’il fait partie des vingt-deux langues vivantes étrangères susceptibles d’être choisies à l’épreuve écrite du baccalauréat.
En 2009, 6 400 élèves suivaient un enseignement d’arabe en LV1, LV2 ou LV3, dans les collèges et les lycées d’enseignement général, technologique ou professionnel. De surcroît, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, 50 000 élèves, en particulier les enfants scolarisés dans le primaire, choisissent également de suivre cet enseignement dans un cadre associatif, le plus souvent confessionnel.
Dans l’enseignement supérieur, c’est vrai, la langue arabe reste encore trop cantonnée aux établissements d’excellence. Elle attire, dans les classes préparatoires et les grandes écoles, des élèves qui viennent parfois du monde entier.
L’arabe semble toutefois quelque peu délaissé par les générations nouvelles. Le ministère de l’éducation nationale comptait en 2009 203 enseignants de langue arabe, dont certains sont en sous-service, contre 236 en 2006.
Il est souhaitable – je pense que nous pourrons nous rejoindre sur ce point, monsieur le sénateur – que l’arabe soit enseigné au sein de l’éducation nationale, par des enseignants bien formés, bien préparés, plutôt que par des organismes ou des associations qui ne disposent pas des mêmes moyens pédagogiques et qui peuvent être influencés par divers groupes ou groupuscules.
C’est pourquoi le Président de la République a souhaité donner un nouvel élan à la langue arabe : nous développerons davantage l’arabe dans l’enseignement technologique et professionnel, ainsi que dans le lycée d’enseignement général au titre de la LV3 ; nous rééquilibrerons l’offre d’enseignement de l’arabe entre les académies et à l’intérieur même de chacune des académies ; nous renforcerons les sections « bilangues », en particulier anglais-arabe ; enfin, nous remettrons à plat l’enseignement des langues et cultures d’origine, ou ELCO, dispensé à l’école primaire.
Le dispositif ELCO, qui relève aujourd’hui de la responsabilité des autorités des trois États du Maghreb, pourra être ouvert à d’autres États et, surtout, devra mieux s’articuler avec l’enseignement des langues au collège.
Enfin, pour accompagner le développement de la langue arabe, je vous indique, monsieur le sénateur, comme je l’avais fait lors de mon audition pour la préparation du budget, que des postes seront créés, en fonction de la demande des élèves.
Vous voyez donc que, sur cette question, le ministère de l’éducation nationale prend toute la mesure de sa mission.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Si j’en note les aspects positifs et volontaristes, vous comprendrez néanmoins que je reste inquiet.
Vous prétendez que cette langue n’est pas délaissée par l’éducation nationale. Dans mon agglomération, je constate pourtant qu’il est impossible d’en faire l’apprentissage dans l’enseignement public, et que de plus en plus de jeunes vont l’apprendre ailleurs.
Il y a urgence, au nom du nécessaire respect de la laïcité et des valeurs de la République. En effet, malheureusement, certains de ces jeunes qui apprennent l’arabe dans d’autres lieux que ceux de l’école publique viennent ensuite défendre en son sein des thèses incompatibles avec les enseignements qui y sont dispensés, tels le créationnisme ou certaines vérités révélées. Le mysticisme l’emporte alors sur la raison.
Face aux défaillances de l’éducation nationale, je lance un cri d’alarme, et je vous encourage à accélérer vos efforts, monsieur le ministre, pour les besoins de la cohésion nationale.
sensibilisation des jeunes aux risques résultant de l'usage des nouvelles technologies
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 700, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont aujourd’hui devenues un outil communément utilisé, dont beaucoup de personnes auraient autant de mal à se passer que de la voiture ou du téléphone.
Les adolescents, et même les jeunes enfants, sont presque nés avec internet au bout des doigts, et naviguent sur la toile avec une aisance qui déconcerte parents et grands-parents – je parle d’expérience !
Face à certaines dérives, qu’il ne faut certes pas diaboliser mais qu’il ne faut pas non plus minimiser, l’éducation nationale a introduit un brevet informatique et internet, ou B2i, au niveau de l’école à la fin de l’année 2000, qui a été généralisé à tout l’enseignement scolaire à partir de 2006.
Personne ne saurait critiquer l’instauration de cette attestation du niveau acquis par les élèves dans la maîtrise des outils multimédias et de l’internet. Néanmoins, si l’on prend la peine d’interroger les élèves et leurs enseignants, on mesure combien cet enseignement reste avant tout centré sur l’apprentissage matériel de l’outil internet, sans véritablement identifier, ce qui était pourtant l’un des objectifs premiers, les contraintes juridiques et sociales dans lesquelles s’inscrivent les utilisations d’internet.
Avec l’extraordinaire engouement des jeunes et des moins jeunes pour les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, ne vous paraît-il pas indispensable de réorienter le contenu de ce B2i, monsieur le ministre, de sorte qu’il permette véritablement aux plus jeunes des internautes de se prémunir contre d’éventuels risques de violation de leur vie privée ?
Co-auteur, avec mon collègue Yves Détraigne, d’un rapport intitulé La vie privée à l’heure des mémoires numériques et d’une proposition de loi en ce sens, je souhaiterais que vous puissiez nous indiquer, monsieur le ministre, les mesures que vous envisagez de prendre pour protéger nos élèves d’une utilisation irréfléchie d’internet, et pour les garantir contre le danger de violation de leur vie privée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, vous attirez mon attention sur la formation et la sensibilisation des élèves à un usage civique des nouvelles technologies, en particulier de l’internet.
J’avais naturellement pris connaissance de votre rapport, co-écrit avec le sénateur Yves Détraigne, intitulé La vie privée à l’heure des mémoires numériques, ainsi que de la proposition de loi que vous venez d’évoquer.
L’éducation à la citoyenneté en ligne est, bien entendu, l’une des missions de l’éducation nationale. C’est la raison pour laquelle l’éducation aux nouvelles technologies a été intégrée dans le socle commun des connaissances que tout élève doit maîtriser à l’issue de la scolarité obligatoire.
Comme vous le mentionnez, il est important de distinguer la maîtrise technique des outils numériques de leur usage éthique et responsable.
Le brevet informatique et internet, le B2i, qui s’adresse à l’ensemble des élèves des trois niveaux – école, collège et lycée –, tente déjà de répondre à ces deux enjeux. En effet, il s’agit non pas uniquement d’apprendre à se servir des outils, mais bien de former des utilisateurs avertis, capables de percevoir les possibilités et les limites d’un traitement automatique des données personnelles.
Le domaine 2 du B2i est particulièrement axé sur « l’adoption d’une attitude responsable et citoyenne ». L’objectif est que l’élève apprenne à connaître et à respecter les règles juridiques élémentaires associées à sa pratique, à protéger sa personne et ses données, ou à faire preuve d’esprit critique face à l’information et à son traitement.
Par ailleurs, les documents dont disposent les enseignants pour le B2i leur recommandent d’expliquer comment protéger sa vie privée, par exemple en ne diffusant sur internet que des renseignements en accord avec un responsable légal.
Autre signe de l’importance politique que nous accordons à cette question, le B2i collège a été intégré au diplôme national du brevet, et la validation des compétences est indispensable à l’obtention du diplôme.
Si l’on fait le bilan à la fin du collège, les résultats sont plutôt satisfaisants puisque, sur l’année scolaire 2008-2009, le domaine 2 du B2i, axé sur l’attitude responsable à adopter sur internet, a été validé par 78 % des élèves de troisième. On peut noter dans le même temps qu’un enseignant sur trois s’implique dans la validation des compétences du B2i par les classes de troisième, ce qui met en lumière leur engagement dans l’éducation au numérique.
Tout l’enjeu de cette intégration du B2i au cœur des enseignements est de passer d’une logique de stigmatisation des risques de l’internet à une logique d’usage civique raisonné, quotidien, à travers un certain nombre de mesures de prévention.
C’est bien par cette approche du numérique que l’usage pourra se déployer, non seulement à l’école, mais aussi à la maison.
Je serai donc très attentif à cette question, madame la sénatrice, et je pense que les propositions que vous avez formulées constituent une bonne base pour améliorer notre système.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je crains simplement que, aujourd’hui, notre approche ne soit plus théorique que pratique.
Mon collègue et moi-même, invités à visiter des écoles, avons demandé aux élèves de sixième s’ils étaient sur Facebook. « Bien entendu ! », nous ont-ils répondu. Sachant que l’on ne peut s’inscrire sur ce réseau social qu’à partir de treize ans, nous les avons interrogés quant à leur façon d’y parvenir. « En changeant notre date de naissance ! », nous ont-ils indiqué tout simplement en riant. Voilà un exemple très concret ! (Mme Marie-Thérèse Hermange s’exclame.)
Monsieur le ministre, en lisant la presse et en écoutant la radio, hier, j’ai bien noté l’affirmation très claire de la part de Facebook de l’impossibilité de sécuriser les informations qui lui sont communiquées. Voilà qui ne peut que nous inquiéter.
postes d’internes non pourvus en médecine générale
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, auteur de la question n° 711, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur le nombre de postes d’internes de médecine générale qui n’ont pas été pourvus.
J’ai constaté en 2009 que 612 postes d’internes de médecine générale n’avaient pas été choisis. Depuis trois ans, le nombre de postes d’internes de médecine générale non choisis s’élève à 1 673. En parallèle, les effectifs d’enseignants, s’ils sont en légère hausse cette année, restent insuffisants pour accueillir et bien encadrer les internes qui arrivent dans certains services.
Face à ce problème, quelles mesures comptez-vous prendre, madame la ministre, pour augmenter le nombre d’enseignants et donner un statut plus incitatif à celles et ceux qui encadrent les stages des internes de médecine générale, afin d’enrayer la tendance actuelle à la désaffection de la médecine générale sur l’ensemble du territoire, notamment en zone rurale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.