M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Buffet, vous avez rappelé avec pertinence la nécessité de lutter contre les conservatismes de tous ordres.
Je prends note du soutien de votre groupe à l’ensemble du processus de réforme engagé par le Gouvernement, et je m’en réjouis. Vous avez parfaitement compris les enjeux liés à la création du conseiller territorial, qui permettra de prendre en compte, de manière intégrée, les intérêts communs et convergents des départements et des régions, alors que, trop souvent, c’est la concurrence entre ces deux niveaux de collectivités qui domine, et qui coûte plus de 20 milliards d'euros chaque année à l’État…
M. Pierre-Yves Collombat. C’est faux !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est d’ailleurs l’une des raisons de cette réforme.
Monsieur Collombat, si vous doutez même des travaux de la Cour des comptes !
M. Pierre-Yves Collombat. Les 20 milliards d'euros, ce sont les compétences croisées ! Cela n’a rien à voir !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce chiffre apparaît dans des rapports intéressants et convergents, dont je vous conseille d'ailleurs la lecture !
Monsieur Buffet, je vous remercie d’avoir exprimé si clairement l’impératif qui s’attache à l’adoption de ce texte avant les prochaines élections régionales.
Mme Gourault doit savoir que je porte trop de respect à la Haute Assemblée pour penser un seul instant obtenir de sa part un « chèque en blanc ».
Je veux aussi l’assurer de ce que la réforme de la fiscalité locale n’est pas défavorable au bloc communal ; après une période où des propos de toute sorte ont été tenus sur ce sujet, chacun en convient à présent. Le Gouvernement s’est engagé à garantir le principe constitutionnel d’autonomie financière.
M. Roland du Luart. N’oubliez pas le département !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La constitutionnalité même du conseiller territorial n’est pas susceptible d’être mise en cause : il n’y aura aucune tutelle d’une collectivité sur une autre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Vous institutionnalisez cette tutelle !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Et qui peut sérieusement prétendre le contraire ? De tels propos n’ont aucun fondement juridique ! D'ailleurs, le Conseil d’État a validé le principe d’un élu unique, destiné à siéger dans les deux assemblées.
Pour répondre complètement à Mme Gourault, je rappelle que la réforme des collectivités territoriales se compose en effet d’un ensemble de quatre textes : un projet de loi électoral, un projet de loi organique, un projet de loi institutionnel et le présent projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.
Le respect du principe de sincérité du scrutin nous impose de présenter ce dernier projet de loi en priorité et, bien entendu, avant la tenue des élections régionales de mars 2010, afin que les électeurs puissent se prononcer en toute connaissance de cause.
Monsieur Krattinger, vous avez mal lu l’intitulé de notre projet de loi, me semble-t-il, et guère écouté M. le rapporteur.
Vous étiez rapporteur de la mission Belot, et vous savez combien j’apprécie votre modération. Néanmoins, permettez-moi de vous le dire, dans votre exposé vous avez poussé un peu loin la caricature de ce projet de loi !
Faire œuvre de réforme, ce n’est pas se comporter en « apprenti sorcier ». Au contraire, c’est savoir tirer les conséquences de la complexité de l’ensemble des échelons qui composent notre millefeuille territorial. C’est de cette démarche que découle l’institution du conseiller territorial.
Par ailleurs, de même que votre collègue Jacques Mézard, vous avez cru trouver une contradiction entre l’exposé des motifs du projet de loi et la présentation générale que j’en ai faite dans mon propos liminaire. J’ai simplement souligné qu’il y avait, indépendamment de la création des conseillers territoriaux, bien des justifications à la concomitance. J’ai donc fait référence à l’une et aux autres. Votre rapporteur a d’ailleurs adopté la même démarche dans son intervention.
Vous avez également abordé le calendrier de 2014 et les cinq élections qui sont programmées cette année-là. Mais c’est justement là un des motifs de notre projet ! Il en allait de même pour la loi d’origine socialiste du 11 décembre 1990, que vous avez évoquée, monsieur le sénateur, et que j’ai moi-même mentionnée tout à l'heure.
Avec notre projet, en 2014, se tiendront les élections dites « territoriales », les élections municipales et les élections européennes. Il va de soi que nous ne pouvons compter le renouvellement sénatorial, qui n’est pas une élection au suffrage universel direct. Ce sont donc trois scrutins, et non cinq, qui seront organisés, soit exactement la même situation qu’en 2004.
Monsieur le sénateur, nous n’avons pas de leçon à recevoir de votre part sur les modifications des conditions des scrutins. Avez-vous oublié les 134 découpages cantonaux effectués par Gaston Defferre et Pierre Joxe pendant les années quatre-vingt ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Adrien Gouteyron. Bravo !
M. Pierre-Yves Collombat. Ils étaient justifiés !
M. Jean-Claude Peyronnet. Et très judicieux !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Certains départements ont été découpés en 1981, en 1982, en 1983, en 1984 et en 1985 ! C’est en particulier le cas du Cantal – je prends M. Mézard à témoin –, mais je pourrais citer de nombreux autres départements ! Il faut mettre en regard ces 134 découpages organisés par la gauche quand elle était au gouvernement et la douzaine de découpages, auxquels s’ajoutent quelques découpages partiels, décidés par la majorité.
Avez-vous également oublié les nombreux décrets publiés au mois de janvier 1982, moins de deux mois avant les élections cantonales ? Dois-je vous aussi rappeler – je m’adresse là également à M. Patriat, qui reproche au Gouvernement de faire preuve de « précipitation » – que c’est au mois de juillet 1985 qu’a été décidé un changement radical – historique, même ! – du mode de scrutin pour les élections législatives, alors que celles-ci étaient prévues moins de neuf mois plus tard ?
Monsieur Mézard, je note avec intérêt votre volonté d’approuver un certain nombre d’aspects de la réforme. Notre ambition est d’agir au profit des collectivités territoriales, et non contre elles, en mettant fin à l’enchevêtrement administratif dont elles souffrent aujourd’hui, afin qu’elles aient véritablement les moyens de leur politique. Notre intention n’est pas de « désespérer » – je reprends vos propres termes – le groupe du RDSE, bien au contraire. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. On passe la pommade ! C’est du racolage !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Concernant l’étude d’impact, je vous rappelle que le cadre qui la régit est fixé par la loi organique du 15 avril 2009. Elle n’a pas vocation à être une compilation des avis et opinions des uns et des autres. Vous trouverez néanmoins dans les annexes 7 et 8 la liste des personnes auditionnées par la commission Balladur, puis par la mission Belot.
Enfin, vous avez critiqué la durée du mandat des prochains conseillers régionaux retenue dans le projet, car vous estimez que quatre ans, c’est trop court. Vous oubliez que c’est la durée du mandat du président des États-Unis et des parlementaires américains. Cela les empêche-t-il d’agir ? (Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
M. Yannick Bodin. Chiche !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Quatre ans, c’est long.
Madame Assassi, vous avez parlé de « coup de force » contre l’institution parlementaire. Permettez-moi de m’étonner de ces propos excessifs. Nous sommes ici pour débattre d’un projet de loi et il me semble que, depuis près de trois heures maintenant, nous avons entendu nombre d’interventions et d’opinions. Je suis l’un de ceux qui rendent régulièrement hommage au dévouement des élus locaux. Je suis fier de compter moi-même parmi les conseillers généraux de ce pays, et je connais le rôle ô combien indispensable qu’ils jouent auprès de nos concitoyens. (Mêmes mouvements.)
M. Martial Bourquin. Gardez-les, alors !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce n’est certainement pas nous qui achetons des pages de publicité dans les journaux nationaux pour proférer des contre-vérités sur la réforme !
Décidément, nous n’avons pas la même lecture des textes !
M. Pierre-Yves Collombat. J’espère bien !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, nous sommes attachés autant que vous aux valeurs de la République !
Michel Mercier ayant souhaité répondre personnellement à Muguette Dini, je lui laisserai ce soin. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Raffarin. À chacun son cheptel !
Mme Dominique Voynet. Ce n’est pas de très bon goût !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Collombat, le projet du Gouvernement a fait l’objet de larges débats. Les quatre textes déposés ont donné lieu à de nombreuses consultations – vous le savez pour y avoir participé – et d’importantes auditions, notamment au sein de la commission de lois, qui a reçu quatre ministres pendant plus de quatre heures ; elle a d’ailleurs organisé deux séances élargies sur ce sujet.
L’article 14 du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale encadre l’habilitation donnée au Gouvernement de modifier les effectifs dans les cantons : « Dans chaque région, les effectifs des conseils généraux sont fixés dans le respect du principe d’égalité devant le suffrage tout en tenant compte notamment des impératifs de permettre la bonne administration du département et de la région par leur assemblée délibérante respective et d’assurer une représentation effective des territoires au sein des conseils régionaux. »
M. Pierre-Yves Collombat. Et comment fait-on tenir tout cela ensemble ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cela va s’emboîter !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cela doit s’emboîter dans la réforme des élections législatives. C’est ce qu’ont demandé le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.
Je ne pourrai vous communiquer les chiffres définitifs que lorsque le Conseil constitutionnel aura validé l’ordonnance du Gouvernement.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est dommage !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Reconnaissez que, hier soir, vous n’avez pas vraiment fait avancer les choses. Il fallait voter la ratification de l’ordonnance relative aux circonscriptions des députés : cela nous aurait permis d’aller plus vite !
Je rappellerai à M. Patriat que, depuis 2003, grâce à l’impulsion donnée par M. Raffarin, alors Premier ministre, la Constitution dispose que l’organisation de la République est décentralisée. Déconcentration et décentralisation sont donc compatibles : c’est le principe même de la loi Defferre de 1982.
Il s’agit de mieux organiser et non de recentraliser. Non, ce que nous vous présentons n’est pas l’acte I de la recentralisation (Si ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) ; c’est bien plutôt l’acte I de la simplification. Il n’a jamais été question de jeter l’opprobre sur les élus locaux. Je l’ai déjà souligné, mais je le répète, car M. Patriat a beaucoup insisté sur ce point.
J’indique à Mme Michèle André que, pour les élections municipales, l’abaissement du seuil de 3 500 habitants à 500 habitants permettra une stricte parité puisque le mode de scrutin exigera une liste bloquée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Cela fera entrer 40 000 femmes dans les conseils municipaux ! (Mmes les sénatrices du groupe socialiste s’exclament.)
Mme Gisèle Printz. Oui, pour apporter le café, tourner les pages, faire la vaisselle !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. De la même façon, 25 000 conseillères communautaires seront élues. La parité s’appliquera également au sein des exécutifs, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
Toutefois, je ne suis pas entièrement satisfait des dispositions de ce projet sur ce point. Nous avons ouvert des discussions avec vous, Madame André, ainsi qu’avec Mmes Marie-Jo Zimmermann et Jacqueline Panis. Trois réunions de travail ont déjà eu lieu ; d’autres suivront. Je ne doute pas qu’elles contribueront à améliorer le dispositif. En tout cas, je le répète, le Gouvernement est ouvert à toutes les propositions, qu’elles viennent du Sénat ou de l’Assemblée nationale.
Madame Voynet, vous avez employé des mots extrêmement durs, à la limite du supportable : « en trafiquant les règles du jeu », « hold-up ». Ce n’est pas tolérable ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Dominique Voynet. Petite nature ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nous ne faisons qu’appliquer la loi et suivre les recommandations du Conseil constitutionnel. Ce découpage électoral attend depuis vingt-six ans ! La France comptait alors à peine 60 millions d’habitants, contre 67 millions aujourd’hui. Ce découpage aurait dû avoir lieu quand vous étiez au gouvernement, en 1999, voire au début des années quatre-vingt !
M. Pierre-Yves Collombat. Cela fait un certain temps que nous n’y sommes plus, au Gouvernement ! Vous allez utiliser cet argument longtemps ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Par deux fois, les gouvernements de gauche n’ont pas assumé leurs responsabilités. Aujourd'hui, le Gouvernement le fait, à la demande du Président de la République, et je suis fier de présenter ce texte devant le Parlement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Monsieur Mauroy, l’instauration de conseillers territoriaux n’est pas une attaque contre les assemblées locales, bien au contraire ! Nous nous félicitons de la contribution que vous avez apportée au sein du comité Balladur et des propositions que vous avez formulées. Je ne doute pas que vous enrichirez les débats parlementaires qui viennent de commencer et qui se poursuivront l’année prochaine. Sachez que le Gouvernement sera particulièrement attentif à vos suggestions.
Mme Dominique Voynet. Justement, il suggère de tout arrêter !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous m’avez égratigné sur le découpage électoral, ce que je n’apprécie guère. Mais, comme tout homme politique, j’ai déjà quelques cicatrices et, à soixante ans passés, je ne crains pas d’en avoir une de plus.
Le redécoupage des cantons se fera bien entendu sous contrôle.
Mme Dominique Voynet. Sous le contrôle de M. Sarkozy !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est prévu par les textes et j’appliquerai scrupuleusement la méthode qu’ont indiquée le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.
D’autres débats auront lieu, notamment avec les présidents de conseils généraux, quelle que soit leur étiquette politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai à Mme Dini (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) et, à travers elle, à toutes celles et à tous ceux qui ont abordé la question de la parité.
Je tiens d’abord à féliciter Mme Dini de la qualité de son intervention et de son plaidoyer en faveur des femmes dans la vie publique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, le bon ministre que voilà !
M. Michel Mercier, ministre. C’est pour elle le combat de toute une vie politique.
La question de la parité mérite que l’on s’y attarde et elle doit être étudiée avec sérénité. Je souhaite que nous parvenions à une solution acceptable pour tous.
Des progrès ont été accomplis pour assurer aux femmes une meilleure place dans la vie politique,...
Mme Gisèle Printz. Meilleure ?
M. Michel Mercier, ministre. ... même si elle n’est pas aussi grande qu’elle le devrait. Quoi qu'il en soit, il n’est pas question pour le Gouvernement de revenir sur les avancées qui ont été accomplies à cet égard.
M. Guy Fischer. Ah !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Un peu tout de même, non ?
M. Michel Mercier, ministre. Mme Dini sait aussi bien que moi que la parité ne dépend pas du mode de scrutin. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Dominique Voynet. La Constitution dit le contraire !
M. Michel Mercier, ministre. Mesdames, messieurs, je vous ai écoutés avec attention. Peut-être pourriez-vous m’accorder quelques minutes pour que je vous réponde ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes tout ouïe, monsieur le ministre !
Mme Dominique Voynet. Je ne suis pas sûre qu’elle en soit fière !
M. Michel Mercier, ministre. Madame Voynet, nous pouvons tout de même nous parler ! Nous ne sommes pas en guerre civile ! Ma conception de la vie publique n’est pas celle-là : je crois au dialogue et à l’échange. Certes, nous ne serons pas toujours tous d’accord, mais nous progresserons !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Laissez-le parler ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Michel Mercier, ministre. D’ailleurs, vous n’êtes pas obligée de m’écouter ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.)
Je le répète, sur cette question, le mode de scrutin n’est pas la clef de tout.
Madame Dini, nous avons commis tous deux une erreur dans le passé : lors d’une élection à la proportionnelle, vous avez présenté une liste sur laquelle ne figuraient que des femmes ; je n’ai guère été plus malin puisque la mienne était entièrement masculine ! Cela a eu pour conséquence l’élection de M. Fischer ! (Rires. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Voilà qui n’est pas très élégant vis-à-vis de notre collègue !
M. Michel Mercier, ministre. Nous pouvons donc faire mieux. La solution se trouve certainement dans les modalités du scrutin.
Alain Marleix l’a rappelé, nous sommes tout prêts à travailler avec vous pour trouver la solution qui permettra aux femmes d’occuper une place normale au sein des instances représentatives.
Mme Dominique Voynet. Une place normale, c’est un siège sur deux !
M. Alain Gournac. Bravo !
Mme Dominique Voynet. Volontiers !
M. Michel Mercier, ministre. Vous et, bien sûr, toutes celles et ceux qui souhaitent que, ensemble, nous trouvions la solution. Sans coopération, nous n’y parviendrons pas. J’ai la certitude qu’il nous faut engager le dialogue.
Mme Dominique Voynet. Vous vous enlisez !
M. Michel Mercier, ministre. Il n’est qu’un seul mode de scrutin qui ne permettra pas une meilleure parité, c’est le scrutin uninominal majoritaire à deux tours partout.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !
Mme Dominique Voynet. Il faut étendre le scrutin régional !
M. Michel Mercier, ministre. Nous sommes prêts à travailler avec tous les parlementaires qui le souhaitent, car il nous faut continuer dans cette voie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi, par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (n°132, 2009-2010) (Procédure accélérée).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, je voudrais développer devant vous cinq arguments qui tendent à montrer que ce texte, tant par son objet que par ses conséquences, est manifestement contraire à notre Constitution.
Le premier argument est assez évident et a été beaucoup évoqué : ce texte n’existe que par rapport à des projets de loi qui n’existent pas.
Mme Maryvonne Blondin. Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur. Il n’a d’existence que rapport à des projets de loi futurs, qui, par définition, n’existent pas ! Et, par définition, monsieur le ministre, le Parlement a le droit de les rejeter. Nous espérons qu’il le fera.
Par conséquent, il n’y a pas de fondement à établir un changement des dates d’élection en vertu d’une loi qui est purement virtuelle.
Autrement dit, le motif pour changer la date des élections manque assurément. D’ailleurs, vous en êtes tellement convaincus que, tout à l’heure, vous avez répété que le présent projet de loi n’était pas lié à la création des conseillers territoriaux.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai même entendu M. Marleix expliquer que, si le conseiller territorial n’était pas institué, on pourrait néanmoins sans inconvénient conserver la date prévue dans ce texte pour les élections régionales et cantonales ! Vous affirmez vouloir simplement le bien du peuple, qui n’aurait ainsi à se déplacer qu’une seule fois pour voter…
Mais, vous le savez, monsieur le ministre, ces précautions inutiles, comme eût dit Beaumarchais, tombent par terre dès la première phrase de l’exposé des motifs du présent texte, où il est précisé que celui-ci « prévoit qu’à l’avenir les conseillers généraux et les conseillers régionaux formeront un ensemble unique d’élus, les conseillers territoriaux… »
Vous faites effectivement cette loi pour les conseillers territoriaux, mais les conseillers territoriaux n’existant pas, il n’y a plus de raison de la faire !
Le deuxième argument découle du précédent. Vous ne voulez donc faire adopter cette loi que pour rendre possible le conseiller territorial. Or, comme cela a été très bien dit par beaucoup de collègues, cette confusion entre le département et la région – c'est-à-dire le fait que la même personne soit à la fois l’élu du département et de la région – pose un nouveau problème constitutionnel.
En effet, par cette confusion, monsieur le ministre, non seulement vous institutionnalisez le cumul des mandats, mais vous portez atteinte à l’autonomie des collectivités. Nous nous en souvenons tous, les grandes lois de décentralisation présentées par Pierre Mauroy et que nous avons votées imposaient un principe très fort : l’absence de tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre. Cela suppose des assemblées et des élus distincts ; cela suppose que celui qui parle pour le département ne parle pas pour la région et inversement !
D’ailleurs, ce grand principe de non-tutelle et d’autonomie est maintenant inscrit dans notre Constitution. Or, avec la confusion des fonctions, c’est indubitable, vous institutionnalisez la tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre.
Le Conseil constitutionnel ne s’y est pas trompé. Ainsi, selon sa décision du 6 juillet 1994, dans le cas d’un texte prévoyant la concomitance de deux scrutins – nous y sommes –, le principe de sincérité impose que le choix opéré par le législateur en faveur d’un regroupement dans le temps de consultations s’accompagne de modalités matérielles d’organisation destinées à éviter toute confusion dans l’esprit des électeurs.
Or, en l’espèce, vous n’évitez pas toute confusion : vous l’organisez, vous l’institutionnalisez !
À l’évidence, nous trouvons là, au regard des grands principes de la décentralisation qui figurent maintenant dans notre Constitution, un deuxième motif d’inconstitutionnalité.
J’en arrive au troisième argument. Mmes Dini, André et Voynet ont parlé avec éloquence de la parité. J’avoue avoir été quelque peu perplexe devant les propos de M. Mercier.
Si je comprends bien, le futur scrutin auquel on songe est un scrutin d’arrondissement, de canton et de territoire. Et M. Mercier nous assure que l’on va trouver un système tel que ce mode de scrutin respectera la parité. Mais comment ? Peut-être pense-t-il à cette forme de parité un peu funèbre qui existe dans les conseils généraux : la suppléante ne peut espérer devenir conseillère générale que s’il arrive malheur au titulaire ou s’il est promu au Gouvernement ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ou l’inverse !
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, monsieur le président, mais l’inverse est beaucoup moins fréquent, vous me le concéderez.
Je dois le confesser, je n’ai rien compris aux propos de M. Mercier, et j’espère que notre amitié n’aura pas à en souffrir. En revanche, je comprends bien notre Constitution, qui prévoit, depuis 1999, « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Voilà qui est clair !
Mon quatrième argument est tout à fait limpide. Après avoir lu l’excellent et lumineux article de notre ami Guy Carcassonne…
M. Gérard Longuet. C’est notre ami à tous !
M. Jean-Pierre Sueur. … paru dans le journal Libération et traitant du mode de scrutin que vous proposez, je m’étonne que vous persistiez !
M. Patrice Gélard. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous verrons ce qu’en dira le Conseil constitutionnel !
Il est clair qu’un mode de scrutin permettant d’être élu avec 23 %, 22 % ou même 21 % des suffrages – puisque c’est le candidat ou la liste qui arrive en tête qui est élu – est profondément injuste. Il permet en effet à un représentant d’une minorité d’être élu et, éventuellement, de gouverner. Or, selon un principe constant dans notre République, les élus représentent la majorité du corps électoral.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi, qu’il s’agisse de proportionnelle ou de scrutin uninominal, les deux tours garantissent la bonne représentation de la majorité des citoyens.
En 1873, le député Savary – un homonyme de notre ami Alain Savary, pour lequel nous avions aussi beaucoup de respect –, défendant à la tribune de l’Assemblée nationale le scrutin à deux tours, déclarait ceci : « Il me suffit aujourd’hui de constater, avec l’appui de presque tous les précédents législatifs, avec l’opinion de tous les publicistes, avec celle du public tout entier, que la règle fondamentale du Gouvernement représentatif est que les élus représentent la majorité du corps électoral, et que, s’ils ne représentent que la minorité,… » – ce que vous voudriez, monsieur le ministre ! – « …l’existence du Gouvernement représentatif, les droits des Assemblées délibérantes ont perdu leur raison d’être. Je dis que se contenter d’élections de minorité,… » – ce que vous voulez ! – « …c’est faire une œuvre contraire au but même du Gouvernement représentatif ; que les droits que nous apportons tous dans cette enceinte dérivent du mandat que nous a donné la majorité… » – et non pas une minorité ! – « …de nos concitoyens ; que les décisions des Assemblées n’ont de valeur que parce que ces Assemblées représentent l’opinion de la majorité du pays exprimée par des électeurs libres et non celle d’une fraction… » – ce que vous voulez ! – « …qui constituerait une minorité plus ou moins considérable. »
Voilà ce que disait un grand républicain. Avec beaucoup d’autres, il a fondé l’idée républicaine selon laquelle il n’y a de République que si c’est la majorité qui s’exprime ! (Mme Odette Herviaux applaudit.)
Votre texte est gravement inconstitutionnel ; il est contraire au principe d’égalité. Nous ne pouvons y souscrire. (M Bernard Frimat applaudit.) J’espère vraiment que cette loi ne verra jamais le jour ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
J’en viens enfin au comble de la bizarrerie : le mode de scrutin auquel vous pensez pour les éventuels conseillers territoriaux. Hier, Jean-Pierre Bel, Jean-Claude Peyronnet et moi-même avons exposé votre système à un ensemble de journalistes ; ils nous ont demandé de le réexpliquer une seconde fois tant il leur paraissait complexe !