M. Guy Fischer. M. Mercier l’a dit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … Elle sera la conséquence logique des divers regroupements et de la combinaison des transferts au sein du couple région-départements et des départements et régions vers les métropoles.
Vous avez commencé à configurer la réforme en transformant les services de l’État, puisque le pilotage des politiques publiques est confié à l’échelon régional, les départements devenant des sous-divisions, autrement dit des administrations transversales pilotées par des « managers », comme l’a dit le Premier ministre.
M. Guy Fischer. Comme dans les hôpitaux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes loin des grands commis de l’État qui avaient tout de même leurs avantages.
Vous inventez pour notre pays un scrutin uninominal à un tour à l’anglo-saxonne, totalement inconnu en France sous la République.
Ce n’était pas la proposition du comité Balladur – vous vous en éloignez quelquefois – lequel concluait à un scrutin de liste proportionnel à deux tours assorti d’une prime majoritaire – comme dans les régions actuelles – dans le cadre de circonscriptions infradépartementales tenant compte de la population de chaque département. C’est d’ailleurs l’une des rares propositions non retenues par le Gouvernement, c’est dommage…
Dans le document présentant les « propositions de l’UMP pour la réforme des collectivités locales », vous proposiez, monsieur le rapporteur, un scrutin uninominal à deux tours en milieu rural et proportionnel en milieu urbain. Pourquoi avez-vous changé d’avis depuis ? Vous êtes-vous livré à de savants calculs démontrant que le mode de scrutin uninominal à un tour était favorable à l’UMP ? De toute évidence, il donne la suprématie au parti majoritaire, mettant en cause le pluralisme.
Les 20 % de proportionnelle n’y changeront rien, cela vient d’être dit et je partage ce sentiment. Ils laisseront peu de place aux autres formations politiques, même à celles qui ont obtenu plus de 5 % des suffrages.
En supprimant la proportionnelle dans les régions, qui comptent aujourd’hui 47,7 % de femmes, vous mettez en cause l’obligation de parité inscrite dans la Constitution. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Je ne m’y attarderai pas, ma collègue Josiane Mathon-Poinat en parlera.
Monsieur le secrétaire d’État, vous vous dites ouvert à toute proposition permettant de sécuriser la parité. Mais la seule sécurisation qui vaille – on peut le regretter mais c’est ainsi –, c’est précisément la proportionnelle.
Derrière votre réforme se cache aussi une volonté de refondre notre système électif. Il est manifeste que votre objectif est de réduire les consultations à deux moments : un moment national et un moment local, en plus des élections européennes. C’est ce que confirme M. le rapporteur en évoquant une nécessaire déconnexion entre les enjeux locaux et nationaux.
Vous voulez éviter que les électeurs ne soient tentés d’élire des assemblées à majorités différentes et, à terme, vous entendez conforter votre majorité dans toutes les assemblées.
Votre prochaine étape sera-t-elle le scrutin à un tour pour les élections législatives, voire toutes les élections ? Ce serait un recul historique dans notre pays.
Je le disais, ce projet de loi n’est pas anodin. Il représente un véritable coup de force contre l’institution parlementaire, contre les départements et l’ensemble des collectivités territoriales, et contre nos concitoyens.
Vous escomptez rencontrer la faveur du peuple en mettant au ban les élus, en les accusant de coûter cher et d’être trop nombreux. Que je sache, aujourd'hui, nos concitoyens sont loin d’être convaincus.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer quelques mots, au nom du groupe UMP.
Chaque fois que l’on souhaite réformer, moderniser, modifier, en clair avancer, il y a toujours…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Des conservatismes !
M. François-Noël Buffet. … de bonnes raisons de ne pas le faire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Il est vrai que la force des habitudes s’accommode mal de l’ivresse de l’action… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Catherine Troendle. Bravo !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Attention à l’ivresse, c’est dangereux !
M. François-Noël Buffet. … et que les conservatismes se trouvent là où on ne les attend pas. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’ivresse, c’est dangereux !
M. François-Noël Buffet. Mes chers collègues, les propos que vous avez tenus aujourd’hui témoignent d’un grand conservatisme.
En 2008, le Président de la République a souhaité engager le pays dans la réforme des collectivités territoriales. Pour ce faire, plusieurs commissions ont été mises en place.
L’une d’elles, présidée par un ancien Premier ministre, M. Balladur, a compté parmi ses membres un ancien Premier ministre issu de vos rangs, mes chers collègues socialistes.
Une autre, ici-même, au Sénat, la mission Belot,…
M. Yannick Bodin. Qu’en reste-t-il ?
M. François-Noël Buffet. … qui comprenait des représentants de tous les groupes, a travaillé sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales.
Enfin, le groupe UMP a étudié ce sujet avec les députés. Et j’ai entendu prétendre voilà quelques minutes que cette réforme serait faite dans la précipitation.
Que ne dit-on pas lorsque l’on veut s’opposer à tout crin à ce qui est attendu !
Nos concitoyens, quelle que soit leur tendance politique, souhaitent une organisation de notre territoire qui soit plus lisible, plus efficace, empreinte d’une légitimité mieux reconnue.
M. Yannick Bodin. Ce ne sera pas le cas !
M. François-Noël Buffet. Qui peut prétendre que son conseiller régional est parfaitement connu ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Mais si, on les connaît !
M. François-Noël Buffet. Qui peut prétendre que, dans un milieu urbain, dense, le conseiller général est parfaitement connu ? Et pourtant nous savons – les débats l’ont montré – qu’en milieu rural le conseiller général est utile et nécessaire, et que des politiques intéressantes sont menées à l’échelon régional ?
M. le Président de la République a rappelé à ce sujet devant les maires, le 20 novembre dernier,…
M. Yannick Bodin. Devant quelques maires !
M. François-Noël Buffet. … que, au regard du devenir du département et de la région, il serait absurde, voire impossible, de supprimer l’un des niveaux, mais que, au lieu de la concurrence, il devrait y avoir la complémentarité.
C’est de là et des débats qui ont suivi qu’est issue l’idée de créer le conseiller territorial, réunissant tous ces avantages : ancrage sur le terrain, légitimité évidente, lisibilité et responsabilité.
La clarification des compétences est absolument nécessaire, nous le savons tous ici. Les textes seront soumis à notre assemblée au mois de janvier. Dans cette perspective, nous devons aujourd’hui aborder le sujet de la réduction des mandats des futurs conseillers généraux et des futurs conseillers régionaux.
À quoi bon nous cacher derrière notre petit doigt ? (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Nous sommes, mes chers collègues, dans l’acte I de la réforme, et il faut avancer. Or la règle veut que chaque année, en France, nous ayons des élections, ce qui fournit, chaque année, un excellent prétexte pour ne rien faire sur le sujet !
Eh bien, cette fois-ci, nous refusons l’inertie ! Parce que l’année prochaine, nous voterons pour élire les conseillers régionaux, parce que dans deux ans, nous voterons pour élire les conseillers généraux, c’est maintenant qu’il convient de délibérer. Ainsi, les choses seront claires et parfaitement transparentes.
M. Gérard Longuet. Évidemment ! Vous avez raison !
M. François-Noël Buffet. Alors, nous délibérons maintenant. Nous délibérons pour pouvoir mettre en place un dispositif efficace en 2014, dispositif que nos concitoyens attendent.
Cessez cette polémique qui attise la peur des uns et des autres, qui joue sur l’inquiétude des élus locaux ! Ce procédé, que vous avez expérimenté sur la taxe professionnelle, vous voudriez l’utiliser sur les compétences respectives des départements et des régions. Cette méthode est scandaleuse ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. -Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Parce qu’il la dénonce, c’est avec un vif enthousiasme, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que le groupe UMP votera ce texte ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Mes chers collègues, comme un certain nombre d’entre vous, je pense que la discussion sur la réforme territoriale a commencé non aujourd’hui mais au moment du débat sur la suppression de la taxe professionnelle. Il est bon de le rappeler car, en dépit des améliorations apportées par le Sénat sur le sujet, le problème de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales demeure posé.
Certes, le bloc communal s’en sort moins mal, mais les départements et a fortiori les régions perdent – elles totalement – leur autonomie fiscale. C’est un vrai problème qui marque, à mon sens, la première véritable étape de la réforme territoriale.
J’ai écouté attentivement M. le rapporteur : il a pris soin de nous démontrer que nous ne nous engagions que sur la concomitance des élections.
Mais ce qui me gêne, c’est justement la succession des textes : d’abord, cette loi sur la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, puis, la loi portant création du conseiller territorial, suivie de celle qui portera sur le mode d’élection, alors que les découpages des territoires se feront par décret !
La démarche suivie ne nous permet donc pas de maîtriser l’ensemble du problème. Elle me donne l’impression de signer une sorte de chèque en blanc, de mettre le doigt dans l’engrenage sans savoir jusqu’où cela va nous mener.
Je crois donc qu’il eût été préférable, sinon de tout regrouper dans une même loi, du moins de dégager préalablement un accord global sur l’ensemble d’une réforme dont le Président Larcher a dit qu’elle ne pourrait pas se faire contre le Sénat. C’est mon sentiment et je crois que le Gouvernement aurait été bien inspiré de ne déposer ce projet de loi qui, aux termes de la Constitution, doit être soumis en premier lieu au Sénat, qu’une fois actée la globalité des choses. La méthode aurait été à la fois plus subtile et plus sûre pour la réforme des collectivités territoriales.
Sur la création du conseiller territorial, je confirme ce que j’ai dit, ce matin même, devant Michel Mercier et devant le groupe de l’Union centriste : cette innovation me paraît poser un problème sur le plan constitutionnel. En effet, vont subsister deux collectivités territoriales, le département et la région, puisque le Président de la République a bien précisé que le cadre constitutionnel actuel serait maintenu. Pourtant, il n’y aura qu’un seul et même élu pour les deux échelons.
Comment concilier la création du conseiller territorial avec l’interdiction, posée par la Constitution, de la tutelle d’une collectivité sur une autre ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
J’ajoute que le système électoral tel qu’il est annoncé pour le conseiller territorial n’est évidemment pas acceptable. En effet, il est affecté de trois défauts.
D’abord, le mode de scrutin proposé, pratiqué au niveau exclusivement départemental, porte atteinte à l’existence même de la région. J’ai gardé de mes dix années d’exercice d’élue de la région Centre un profond attachement pour cette collectivité territoriale. Or ce mode d’élection ôte à la région, déjà privée d’autonomie fiscale, un système électoral à sa dimension.
Ensuite, ce système, dont on nous vante la mixité au motif qu’il associe le scrutin uninominal à un tour à la proportionnelle, n’est mixte que sur le papier : dans les départements faiblement peuplés, la représentation proportionnelle disparaît au profit du seul scrutin uninominal. Faute de correctif au système, le pluralisme ne pourra pas être respecté.
M. Gérard Longuet. Il existe des solutions simples !
Mme Jacqueline Gourault. Enfin, il sera incontestablement impossible de respecter la parité. Monsieur le ministre, je vous le dis gentiment parce que vous avez toujours été à mon écoute, cessez de faire du scrutin de liste aux élections municipales un label de parité ! Il ne saurait me faire oublier que vous sabrez la parité aux élections régionales ! Vous ne pouvez pas soutenir le contraire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Par ailleurs, je tiens à dire à M. Buffet, qui m’a précédée à la tribune, que la défense de la parité ne me paraît pas relever du conservatisme ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
J’appartiens à une famille politique qui a toujours défendu le scrutin mixte : un scrutin territorial pour représenter les territoires et un scrutin proportionnel pour représenter les différentes sensibilités politiques, y compris minoritaires. Encore faut-il procéder de façon équilibrée. Il ne s’agit pas d’instiller une petite dose de proportionnelle dans l’espoir d’attraper quelques voix !
Je pense, messieurs les ministres, qu’il faut donc que nous discutions longtemps encore, notamment sur le mode de scrutin. Sinon, je vois venir au-devant de vous des difficultés et, cette fois, comme je l’ai entendu dire, « on ne trompera pas mon vote ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous nous soumettez un projet de loi en deux articles, qui prévoit de raccourcir deux mandats : celui de conseiller général à trois ans et celui de conseiller régional à quatre ans, pour élire tout le monde en 2014.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Jusque-là, je suis d’accord !
M. Yves Krattinger. Je voudrais tout d’abord m’interroger sur la remarquable absence de participation à ce débat de nos collègues de l’UMP. Où êtes-vous passés, messieurs ?
M. Josselin de Rohan. On travaille !
M. Yves Krattinger. Alors que cette discussion concerne l’ensemble des élus locaux, l’ensemble des territoires – les régions, les départements – la participation de l’UMP dans la discussion générale se limite au rapporteur et à un seul orateur inscrit !
Auriez-vous peur de tenir des propos qui contrediraient ceux du Gouvernement ? À moins que vous ne craigniez, en obéissant au Gouvernement, de mécontenter les élus des territoires, les grands électeurs, par exemple ?
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai entendu appuyer votre argumentation sur quelques motifs. Et j’ai lu attentivement l’exposé des motifs du projet de loi qui nous est soumis.
D’abord, vous évoquez la création d’un ensemble unique d’élus, les conseillers territoriaux. C’est votre premier argument, inscrit au premier paragraphe de votre exposé des motifs.
Cette réforme qui, aujourd'hui, n’est pas votée, ne saurait avoir la moindre existence légale. Le premier motif que vous invoquez est donc dépourvu de fondement juridique, notamment d’un point de vue constitutionnel. C’est imparable ! Vous ne pouvez pas vous adosser à ce motif pour justifier le report ou le décalage des élections.
Le deuxième motif figure dans le deuxième paragraphe : c’est l’entrée en vigueur de cette réforme prévue en mars 2014. Or, comme la création des conseillers territoriaux, elle n’est pas davantage votée ; le motif est juridiquement toujours aussi infondé ! Les deux premiers motifs que vous avez évoqués ne tiennent pas juridiquement.
Ensuite, vous faites référence à la réintroduction de la concomitance de l’élection des conseillers généraux et des conseillers régionaux, prévue par la loi du 11 décembre 1990 – votée, il est vrai, sur proposition d’un gouvernement de gauche, on se le rappelle – qu’un certain nombre d’entre vous ont combattue et que vous avez supprimée par la loi du 18 janvier 1994, sur proposition d’un gouvernement que vous souteniez.
Le texte de 1990 avait pour motif de faire en sorte que les conseillers généraux soient élus en une seule fois tous les six ans. Un souhait que je ne renie pas ! Vous donnez satisfaction à une vieille revendication de notre part qui, depuis, a été reprise à l’unanimité par l’Assemblée des départements de France et qui figure dans la plateforme de cette association depuis plusieurs années.
Ce motif pourrait être fondé – nous aurions quelque peine à le contester ! – mais ce n’est pas celui qui est invoqué dans l’exposé des motifs du projet de loi.
Même si vous vous y êtes raccroché devant nous, lors de l’épreuve orale, les intentions qui vous animent sont tout autres ! Pour les comprendre, il faut lire le premier paragraphe de l’exposé des motifs, celui qui annonce la création des conseillers territoriaux.
Par ailleurs, on ne trouve aucune justification au raccourcissement du mandat des élus régionaux à quatre ans hors une hypothétique plus forte participation des électeurs au scrutin, justification dont le bien-fondé est lui-même bien difficile à démontrer !
Chaque scrutin, en effet, a lieu dans un contexte différent : ou c’est le premier de l’année, et les électeurs se déplacent, ou il y en a déjà eu plusieurs et, petit à petit, l’esprit civique s’effiloche… Bref, en matière de participation aux scrutins, on ne peut strictement rien prévoir, toute démonstration fondée sur une année et un calendrier électoral donnés pouvant être contredite par une démonstration fondée sur une autre année et un autre calendrier électoral.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, cet élément de votre démonstration ne convainc pas, et d’ailleurs l’ensemble des réformes que vous essayez de justifier – réformes qui ne sont pas encore adoptées – fait l’objet d’une très vive contestation dans la sphère des collectivités locales, toutes collectivités confondues, et même, depuis plusieurs mois, dans l’opinion.
Vous évoquez l’organisation simultanée des élections au conseil régional et au conseil général, mais vous savez que votre décision va surcharger électoralement l’année 2014, au cours de laquelle, avec cinq types d’assemblée à renouveler concomitamment et donc cinq élections, on atteindra un record absolu : le calendrier électoral 2014 risque d’être très complexe et, en préparation du débat parlementaire, le Gouvernement aurait donc dû présenter au Parlement une étude d’impact.
Au lieu de cela, vous nous présentez, en même temps que ce projet de loi qui compte six lignes pour deux articles, une longue démonstration complètement hors sujet puisque portant sur l’élection des délégués communautaires, celle des nouveaux conseillers municipaux et celle des conseillers territoriaux – sans d’ailleurs préciser combien ils seront dans chaque département –, ainsi que sur les effets du scrutin à la proportionnelle pour 20 % des sièges, ce qui n’est pas l’objet de ces six lignes pour deux articles que vous mettez en débat.
Alors qu’à ce stade nous ne savons ni si la réforme du conseiller territorial sera votée ni sous quelle forme celui-ci sera élu, il me semble que vous allez trop loin dans vos anticipations.
Je reviens au calendrier électoral pour 2014 auquel, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, il faut tout de même être attentif.
En 2014 en effet, sauf changement que vous n’auriez pas annoncé, nous aurons en France des élections municipales et, traditionnellement, ces élections – auxquelles nos concitoyens, vous le savez, sont très attachés – ont lieu en mars.
Je rappelle cependant qu’elles auront lieu après une réforme du mode de scrutin, sur laquelle, j’en conviens, il y a une certaine forme de consensus...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Yves Krattinger. … puisque les communes de 500 à 3 500 habitants passeraient au scrutin de liste à la proportionnelle à deux tours avec prime majoritaire et que, pour toutes les communes de plus de 500 habitants, serait mis en œuvre le fléchage des délégués communautaires.
Nous assisterons donc en 2014 à la mise en place des nouveaux exécutifs communautaires et, si l’on s’en tient au texte que vous mettez aujourd'hui en débat, à un chamboulement de la représentation communale qui soulèvera tout de même un certain nombre de questions !
Peut-être ces exécutifs communautaires auront-ils de nouvelles compétences et il serait bon que l’on nous présente avant 2014 un texte à ce propos, texte par lequel on aurait dû commencer ! On nous dit maintenant que l’on finira par là, au point que l’on en vient à se demander s’il ne s’agit pas de l’Arlésienne et si ce texte nous sera bien présenté un jour…
Ces changements ne seront pas anodins et, comme toujours quand il s’agit des élections municipales, ils intéresseront beaucoup nos concitoyens, qui sont très attachés à ce qui passe dans leur commune et, de plus de plus, dans l’intercommunalité, notamment parce que les services publics de proximité sont en jeu.
En 2014, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous aurons aussi des élections au Parlement européen.
D’habitude, ces élections ont lieu en juin : comme elles ont lieu en même temps partout en Europe, il faut bien fixer une date… En outre, elles sont généralement précédées d’une campagne nationale spécifique, qui devra bien trouver sa place dans le calendrier électoral assez chargé en 2014…
Puis, toujours en 2014, nous aurons des élections sénatoriales, fin septembre ou début octobre, avant la session budgétaire…
M. Yves Krattinger. Elles concerneront la moitié des sièges au Sénat et pourraient avoir un effet déterminant sur la nature de la majorité de notre assemblée.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mais non !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y aura les élections municipales entre-temps !
M. Yves Krattinger. On peut penser que ces élections seront serrées…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. On va les gagner !
M. Yves Krattinger. Les sénateurs, comme d’habitude, seront élus par les délégués des conseils municipaux, les conseillers régionaux et les conseillers généraux.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout récemment élus, ils auront une légitimité toute fraîche !
M. Yves Krattinger. Des questions, à ce sujet aussi, restent en suspens – un mandat, deux mandats, deux fonctions, cumul ou non en termes de voix... –, mais, ce qui est certain, c’est que tous les étages des institutions locales seront bouleversés, ceux des conseils régionaux et des conseils généraux en particulier,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mon cher collègue, vous avez dépassé votre temps de parole !
M. Yves Krattinger. … car nous aurons cet élu nouveau, le conseiller territorial, dans le cadre de grands cantons redécoupés avec votre adresse magique, monsieur le secrétaire d'État,…
M. Claude Bérit-Débat. Aux ciseaux !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut conclure !
M. Yves Krattinger. … redécoupages que nos concitoyens découvriront d’ailleurs peut-être avec surprise : ces nouveaux cantons risquent de leur apparaître comme des « objets » électoraux particuliers, d’autant que s’y appliquera une règle électorale, nouvelle elle aussi, qui va certainement les éblouir si c’est celle que vous proposez qui est retenue, quoique j’aie cru comprendre qu’elle n’« emballait » pas tout le monde,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez déjà dépassé votre temps de parole de deux minutes !
M. Yves Krattinger. … cette règle voulant que la ou le candidat arrivé en tête au premier tour soit élu quoi qu’il arrive, quel que soit le pourcentage de voix obtenu, ce qui me semble quelque peu en contradiction avec les principes fondamentaux qui sont les nôtres en matière électorale.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Krattinger !
M. Yves Krattinger. Je suis presqu’au bout de mon propos ; permettez-moi de le terminer !
Cette nouvelle règle électorale entraîne, je le dis, un recul choquant de la parité, dans les conseils régionaux en particulier,…
Mme Maryvonne Blondin. Absolument !
M. Yves Krattinger. … en contradiction avec la Constitution. La parité sera laminée, vous le savez et vous ne parviendrez pas à prouver le contraire ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Cette règle électorale va avoir pour effet d’introduire une nouvelle catégorie d’élus, ceux qui figurent sur des listes ayant recueilli zéro voix mais qui pourtant comptent des élus, ce qui est franchement original – et assez difficilement explicable à nos concitoyens –,…
M. Yves Krattinger. … rien n’interdisant accessoirement à ces élus à zéro voix de devenir président de conseil régional ou général puisque, une fois élus, ils peuvent postuler !
M. Yves Krattinger. L’année 2014 verrait se mettre en place des assemblées où le cumul serait la règle imposée.
Je veux tout de même aborder un point supplémentaire.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Vous avez épuisé votre temps de parole !
M. le président. Il faut conclure, monsieur Krattinger !
M. Yves Krattinger. Les assemblées régionales seront sous la tutelle des assemblées départementales ou l’inverse, ne serait-ce, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que pour des raisons de calendrier, par exemple de dates de réunions ou de composition des exécutifs,…
M. Yves Krattinger. … ce qui sera une innovation constitutionnelle également originale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Presque quatre minutes de dépassement !
M. Yves Krattinger. Vous êtes aujourd'hui pressés par le temps et condamnés, encore une fois, à mettre la charrue avant les bœufs, les élections régionales étant si proches…Vous prenez le risque de mettre en panne en 2014, pendant un an, l’ensemble des collectivités territoriales de notre pays.
Notre pays ne mérite pas cela ! Vous vous comportez, comme vous en avez d’ailleurs pris l’habitude, comme des apprentis sorciers et, bien sûr, nous ne vous suivrons pas : nous voterons contre le projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le respect d’une assemblée commence par le respect de son temps de parole !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la fin précède le commencement…