M. Jean Louis Masson. ... et sur lesquelles je reviendrai tout à l’heure. En fait, vous avez voulu véritablement réaliser une opération de billard à deux bandes.
Mais les séquelles de votre découpage seront graves pour l’avenir, car, dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, la création des conseillers territoriaux vous conduira à découper des grands cantons en respectant les limites des circonscriptions. Nous serons pénalisés à deux reprises : une première fois suite au charcutage actuel et une seconde fois à l’occasion de la réforme des collectivités territoriales.
Le charcutage d’aujourd’hui servira donc deux fois et, finalement, les gens que vous aurez « massacrés », au sens électoral du terme, seront doublement victimes.
M. Jean Louis Masson. Faute de temps, je reviendrai tout à l’heure sur le cas de Metz, qui est tout de même emblématique, au point d’avoir été cité dans Le Monde et dans Le Canard enchaîné...
M. Jean Louis Masson. ... comme figurant parmi les quatre ou cinq cas les plus flagrants en France. Une carte a même été publiée dans Le Monde.
M. Jean Louis Masson. Cela prouve quand même qu’il existe pour le moins des anomalies importantes.
Je terminerai avec le cas de Thionville, qui, s’il ne présente pas l’ampleur de celui de Metz, n’en est pas moins symptomatique des méthodes utilisées en Moselle.
Mme la présidente. Il va falloir conclure, monsieur Masson.
M. Jean Louis Masson. Le découpage que vous nous proposez correspond à l’arrondissement, à l’exception d’une petite commune de 6 000 habitants, en l’occurrence la commune de Terville. A priori, on se demande ce qui justifie cette curieuse séparation, nullement imputable, je tiens à le dire, à la députée UMP de Thionville, qui n’y est strictement pour rien.
En fait, cela est dû au reliquat de vos premières tentatives de charcutage qui consistaient à redécouper l’ensemble du secteur Metz-Thionville au profit de M. François Grosdidier, votre ami, monsieur le secrétaire d’État,...
M. Jean Louis Masson. ... laissant cette séquelle de Terville.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas très digne, tout cela !
M. Jean Louis Masson. En effet, pour aider l’intéressé, vous aviez envisagé de faire tourner les cinq circonscriptions du secteur de Metz-Thionville afin de les placer à cheval sur les limites d'arrondissements. Mais c’était tellement énorme que tous les députés, de droite comme de gauche, ont protesté. Vous avez alors dû vous rabattre sur un charcutage encore plus scandaleux à l’intérieur de la ville de Metz ; j’y reviendrai tout à l’heure.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui, six minutes vingt-deux, déjà !
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, je termine mon paragraphe, mais, de toute manière, je dirai ce que j’en pense tout à l’heure !
D’ores et déjà, je tiens à préciser que l’idée bizarre de séparer Terville du reste de l’arrondissement a subsisté et qu’il ne s’agit pas d’une simple coïncidence. Il y a là des arrière-pensées politiques...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous n’en avez pas ?
M. Jean Louis Masson. ... dues au fait que le maire de Terville s’était présenté dans la circonscription de Thionville-Est contre le député UMP sortant aux dernières législatives et qu’il veut se présenter à nouveau lors des prochaines élections. Mais je reviendrai tout à l’heure sur la suite de cette affaire quelque peu affligeante ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Affligeante, en effet !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui invités à ratifier l’ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.
Ce projet de ratification constitue l’aboutissement d’un travail rigoureux,…
Mme Catherine Troendle. … courageux et équilibré, engagé il y a maintenant près de dix-huit mois.
J’observe que, sur ce point, comme à propos de bien d’autres réformes engagées, c’est grâce à l’action du président de la République et à celle de son Gouvernement (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Bravos ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste où M. Pierre-Yves Collombat applaudit à tout rompre)...
M. Bernard Frimat. Distribution de bons points !
Mme Catherine Troendle. ... que l’exercice difficile du redécoupage des circonscriptions a été lancé.
Je tiens à saluer l’équilibre, la sincérité et la rigueur du travail opéré par M. Alain Marleix, secrétaire d’État chargé des collectivités territoriales. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Oh là là !
M. Guy Fischer. La brosse à reluire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La pommade !
Mme Catherine Troendle. Il résulte de ce travail un projet de redécoupage nécessaire et transparent, destiné à rendre notre démocratie plus représentative et plus efficace. (M. Daniel Reiner s’exclame.)
Ce projet de redécoupage est tout d’abord nécessaire car, comme l’a souligné le Conseil constitutionnel dans ses observations répétées des 15 mai 2003 et 7 juillet 2005, le redécoupage était devenu indispensable pour remédier aux écarts démographiques.
La délimitation actuelle a été arrêtée en 1986 sur la base d’un recensement effectué en 1982. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) Depuis lors, malgré les recensements de 1990 et de 1999, il n’y a pas eu d’ajustement des circonscriptions, d’où des différences parfois importantes entre elles et des demandes de plus en plus pressantes du Conseil constitutionnel.
À titre d’exemple, la 2e circonscription de la Lozère compte six fois moins d’habitants que la 6e circonscription du Var. Il était donc grand temps, pour nous législateur, d’autoriser le Gouvernement à procéder à un ajustement de la carte des circonscriptions.
Cette réforme s’inscrit, par ailleurs, dans la logique de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a plafonné l’effectif global des députés à 577 et qui a décidé de créer des représentants des Français établis hors de France à l’Assemblée nationale.
M. Christian Cointat. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. Grande avancée !
Mme Catherine Troendle. Mes chers collègues, le Gouvernement a fait preuve de transparence et je tiens à insister sur ce point.
L’objet même de la réforme et l’extraordinaire difficulté des questions à résoudre justifiaient le recours à la procédure des ordonnances : ce faisant, nous sommes, comme l’indiquait à juste titre M. Marleix, dans la tradition de la Ve République, cette procédure ayant été employée en 1958, comme en 1986, même si l’ordonnance a alors été transformée au dernier moment en projet de loi.
La transparence du projet présenté par le Gouvernement ne fait aucun doute et ne peut être contestée.
L’ordonnance a, tout d’abord, fait l’objet d’un contrôle sans précédent lors de son élaboration : elle a été habilitée dans les conditions fixées à l’article 38 de la Constitution et elle est aujourd’hui soumise à notre ratification.
Ce projet a fait l’objet d’un avis favorable de la Commission de contrôle prévue par la révision constitutionnelle à l’article 25 de la Constitution.
M. Bernard Frimat. Ce n’est pas vrai !
Mme Catherine Troendle. Cette dernière a donné son accord à l’utilisation de la méthode de « la tranche » et son avis public a été largement suivi par le Gouvernement.
M. Bernard Frimat. Non !
Mme Catherine Troendle. La composition de cette Commission, au sein de laquelle siègent d’éminents juristes dont l’intégrité et la compétence ne sauraient être remises en cause, a été validée par les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Elle a consacré vingt-quatre séances à sa mission et les avis ont été publiés au Journal officiel. Tous les partis ont été consultés.
Vous l’aurez donc compris, mes chers collègues, il s’agit d’un redécoupage contrôlé,...
M. Bernard Frimat. Oh oui, il est vraiment contrôlé, et ce point n’est contesté par personne !
Mme Catherine Troendle. ... public et équitable.
En outre, ce projet de redécoupage répond parfaitement aux critères d’objectivité.
M. Bernard Frimat. Cela, c’est moins vrai !
Mme Catherine Troendle. Il respecte les exigences de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui affirme que l’élection des députés doit se faire essentiellement sur des bases démographiques, selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l’égalité devant le suffrage.
Aux membres de l’opposition, qui s’offusquent en prétendant qu’il s’agit d’un texte de circonstance, je réponds que, loin d’avantager tel ou tel parti, ce redécoupage vise à renforcer la démocratie (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG)...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais oui !
Mme Catherine Troendle. ... en rétablissant l’égalité du vote de tous les Français, principe quelque peu affaibli par le contexte démographique. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit ostensiblement.)
L’Assemblée nationale n’a adopté aucun amendement sur ce projet de loi. Nos collègues députés ont, en effet, estimé que l’ordonnance devait être ratifiée sans modification, dès lors que les critères posés par la loi d’habilitation et les principes établis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel étaient respectés.
Le groupe UMP souscrit à la position de l’Assemblée nationale.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela vous étonne ?
M. Guy Fischer. Surprenant !
Mme Catherine Troendle. De plus, comme l’a très justement rappelé notre excellent rapporteur, l’ordonnance est conforme à la perspective d’équilibre mise en avant par le législateur lui-même : elle n’apporte pas de modifications excessives à la carte actuelle des circonscriptions législatives, mais permet que les voix de tous les citoyens aient un poids similaire.
Eu égard à la traditionnelle réserve du Sénat sur les textes qui concernent exclusivement les députés, notre rapporteur nous propose aujourd’hui d’adopter sans modification le présent projet de loi. Le groupe UMP suivra cette position et votera ainsi ce projet de ratification destiné à rendre notre démocratie plus représentative, plus transparente et plus efficace. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Un bon soldat !
MM. Guy Fischer et Bernard Frimat. En service commandé !
Mme Catherine Troendle. Non, par conviction personnelle !
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après cette présentation lyrique de l’ordonnance,...
Mme Nathalie Goulet. Et idyllique !
M. Richard Yung. ... je reste coi !
Mme Nathalie Goulet. Il y a de quoi ! (Rires.)
M. Richard Yung. Je vais quand même essayer d’avancer quelques idées. Il faut qu’il y ait débat ; nous allons donc discuter les propositions de cette ordonnance.
En ce qui me concerne, et pour des raisons que vous comprendrez aisément, je centrerai mon intervention sur les députés représentant les Français établis hors de France.
Nous nous félicitons de cette création, nous l’avons dit. C’était l’une des propositions de notre candidat à l’élection présidentielle ; c’était également celle du candidat qui a été élu.
En revanche, nous l’avons dit aussi, nous n’aimons pas le recours à l’ordonnance qui réduit le débat à sa plus simple expression (M. le rapporteur conteste), empêche en grande partie l’exercice du droit d’amendement et est, en quelque sorte, réducteur du point de vue de la démocratie. J’espère qu’à l’avenir nous aurons d’autres méthodes de travail.
Deux millions et demi de Français établis hors de France seront enfin représentés à l’Assemblée nationale ! La France rejoint ainsi l’Italie, le Portugal, la Roumanie, actuellement les seuls États membres de l’Union européenne qui ont une représentation pour leurs citoyens expatriés, et la Croatie suivra sans doute à l’avenir, tout comme l’Espagne.
Nous avons eu l’occasion de le dire, l’introduction de ce principe dans la Constitution est une bonne chose. En effet, notre population de Français établis hors de France représente environ un million d’inscrits sur les listes électorales consulaires, c’est-à-dire l’équivalent du dix-huitième département français.
Ce principe instaure donc une égalité réelle entre les citoyens de métropole et ceux qui résident à l’étranger. Enfin, nous sommes des citoyens à part entière !
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Richard Yung. Tout comme les autres députés de la métropole, ceux qui représenteront les Français établis hors de France représenteront la nation tout entière, je le souligne, et non la population de leur circonscription.
Je verse cet élément au débat sur l’identité nationale, car on peut très bien appartenir à la nation sans avoir les pieds sur le sol national ! Pour ma part, j’ai vécu trente-cinq ans à l’étranger et j’ai toujours été un Français à part entière.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Richard Yung. De nombreux Français de l’étranger qui ne votent pas, des binationaux pour l’essentiel, seront incités à s’inscrire sur les listes électorales consulaires pour participer aux élections. De ce point de vue, nous constaterons une augmentation significative des inscriptions. En 2008, elle fut déjà de 10 %.
En revanche, nous l’avons dit, nous avons eu la tristesse de constater que nous n’avions pas été entendus sur la question du mode de scrutin.
Bien que aucun principe constitutionnel n’interdise la combinaison du scrutin majoritaire et de la représentation proportionnelle – cette maison en est d’ailleurs l’illustration –, vous avez refusé, monsieur le secrétaire d’État, que les députés représentant les Français établis hors de France soient élus selon un mode de scrutin différent de celui des députés de métropole, à savoir la représentation proportionnelle. Celle-ci aurait pourtant permis une représentation juste des différents partis qui regroupent les Français de l’étranger. Elle aurait également grandement facilité l’organisation du scrutin.
J’aurais énormément de choses à dire sur les modalités du vote, notamment le nombre de bureaux ou le vote par correspondance. Mais nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen d’une deuxième ordonnance, puisque nous sommes malheureusement contraints d’en passer par cette voie pour légiférer !
Je relève d’ailleurs au passage que la commission électorale, dont plusieurs orateurs ont cité des extraits, suggère que « le ministère des affaires étrangères et les consulats soient mis en garde sur ces difficultés d’organisation du scrutin et appellent l’attention du Gouvernement sur l’importance qui s’attache à ce que ces services reçoivent en temps utiles des instructions précises ».
Avouez-le, qu’en termes pudiques ces choses-là sont dites ! La commission, qui mesure très prudemment son expression, souligne toutefois clairement que le scrutin sera difficile à organiser à l’étranger. Selon moi, elle prend date.
Quant au nombre de circonscriptions attribuées aux Français établis hors de France, vous avez dû, après la décision du Conseil constitutionnel, le faire passer de sept à onze, ce qui correspond au poids démographique réel de cette population. Vous vous êtes réjoui de cette évolution, monsieur le secrétaire d’État. Pour notre part, nous pensons qu’il s’agit simplement de l’application d’un principe démocratique juste.
Le problème, c’est que vous avez fait graver dans les textes, par populisme, le chiffre de 577 députés. Ainsi, ces onze nouvelles circonscriptions sont « enlevées » à la métropole, ce qui, bien évidemment, n’est pas perçu favorablement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est sûr !
M. Christian Cointat. C’est l’Assemblée nationale elle-même qui a voté cette disposition !
M. Richard Yung. Cela prouve que les députés n’ont pas bien réfléchi à ce qu’il faisait ! On nous regarde aujourd’hui de travers, nous considérant comme des « voleurs » de circonscriptions. Telle est la réalité !
Raison de plus, monsieur le secrétaire d’État, pour organiser le scrutin d’une façon tout à fait indiscutable. Sinon, tous les manquements et erreurs susceptibles d’entacher l’élection des députés des Français de l’étranger seront exploités.
J’en viens à la délimitation des circonscriptions. La lecture du tableau n°1 ter, qui figure en annexe de l’ordonnance, montre que les craintes que nous avions exprimées étaient justifiées. La délimitation de plusieurs d’entre elles ne respecte ni la règle d’un écart maximal de 20 % entre la population concernée et la population moyenne ni le principe de la continuité territoriale.
Je déplore que l’Assemblée des Français à l’étranger, qui est élue au suffrage universel direct, n’ait pas été consultée sur ce projet de découpage, préalablement à sa transmission à la commission consultative, d’autant que nous avions, avec certains de mes collègues sénateurs représentants les Français de l’étranger, élaboré un premier projet, qui, je le crois, répondait à la plupart des critiques.
Cela a été dit, mais je le redis : il s’agit d’un découpage « à la carte ». À l’étranger, lors du deuxième tour de l’élection présidentielle – nous manquons de bases de référence –, les résultats étaient les suivants : 52 % contre 48 %.
Par conséquent, six des députés élus par les Français de l’étranger devraient appartenir à la majorité, tandis que cinq d’entre eux devraient rejoindre les bancs de l’opposition. Or, en se fondant sur la délimitation opérée par l’ordonnance, on s’aperçoit que seulement deux élus appartiendront à l’opposition, tandis que les neuf autres seront de droite. Fort heureusement, les campagnes électorales permettent de corriger les choses !
Vous avez donc un avantage « comparatif » de six ou sept députés !
M. Guy Fischer. Un avantage organisé !
M. Richard Yung. Je m’interroge tout d’abord sur les critères ayant présidé à la délimitation des 1re et 2e circonscriptions, qui couvrent l’intégralité du continent américain : l’une correspond à l’Amérique du Nord, l’autre à l’Amérique latine. Ces deux zones sont affectées par les écarts démographiques les plus importants : +38,53 % pour l’Amérique du Nord et -30,83 % pour l’Amérique du Sud.
En outre, monsieur Frassa, la délimitation de la 5e circonscription, qui englobe la péninsule ibérique et la principauté de Monaco, n’est pas non plus acceptable. On découvre en effet que cette dernière appartient tout à la fois au monde espagnol et portugais.
M. Christophe-André Frassa. Elle a été occupée par l’Espagne jusqu’en 1641 !
M. Richard Yung. Or il me semblait que Monaco avait été rattachée à la France par référendum voilà une centaine d’années. Au demeurant, entre l’Espagne et Monaco, il y a la France ! On voit donc bien la finalité de ce découpage : il vise à contrebalancer, par un gros apport de voix de droite, les voix de gauche de l’Espagne.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est intéressant !
M. Richard Yung. Je m’apprête à le faire, madame la présidente, même si j’avais encore beaucoup de choses à dire, en particulier sur la circonscription de Beyrouth et l’étonnant rattachement d’Israël à l’Afrique de l’Est. On peut en effet se demander quels liens les unissent.
Telles sont les principales observations que je souhaitais formuler. Dans ces conditions, mes chers collègues, nous présenterons deux amendements visant à modifier le découpage de ces circonscriptions. En tout état de cause, nous ne sommes pas en position de voter en faveur de ce projet de loi injuste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que nous nous apprêtons à examiner l’ordonnance de redécoupage des circonscriptions législatives, vous comprendrez, du moins j’ose l’espérer, qu’il m’est impossible de m’abstenir d’exprimer toute la déception que je partage avec la population de Saint-Barthélemy quant au sort réservé à notre collectivité.
Et ce n’est pas tant l’ordonnance que vous nous soumettez aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, que je vise, mais l’ensemble du processus qui nous a conduits à ce débat.
En effet, l’article L.O. 479 du code électoral adopté en 2007 dans le cadre de la loi organique érigeant Saint-Barthélemy en collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie prévoyait la création d’un siège de député.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !
M. Michel Magras. Le Conseil constitutionnel avait admis cette création, sous réserve d’un redécoupage général, afin de corriger les disparités démographiques.
Certes, je comprends l’intention de l’Assemblée nationale, qui a souhaité, en 2008, fixer à 577 le nombre de députés, dans le but de garantir une stabilité du format des organes institutionnels, considérant qu’ils ne devaient pas être remis en cause en fonction des aléas politiques.
Néanmoins, je ne peux admettre que le siège prévu pour Saint-Barthélemy ne lui ait pas été attribué dans la nouvelle répartition ni que le nombre de députés n’ait pas été porté à 579 au moment de la révision constitutionnelle de 2008.
À l’Assemblée nationale, le député André Laignel avait lancé cette formule désormais célèbre : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires ! » J’ai le sentiment que celle-ci a guidé la vision de nos collègues s’agissant de Saint-Barthélemy.
En l’occurrence, notre collectivité ne bénéficiera pas d’une représentation à part entière à l’Assemblée nationale, parce que sa population constitue numériquement une minorité au sein de la République.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi cependant de penser que la citoyenneté n’est pas quantifiable ! C’est d’ailleurs bien le principe posé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et le titre Ier de notre Constitution. Certes, je dois le reconnaître, cela est à double tranchant. En effet, dès lors que la souveraineté appartient à la nation et que la République est indivisible, n’importe quel député, qu’il soit élu à Saint-Barthélemy ou dans les Ardennes, représente, je l’admets, les citoyens français vivants à Saint-Barthélemy.
Dès lors, constitutionnellement et en tant que républicain, je ne peux que m’incliner. Loin de moi l’idée de remettre en cause la décision du Conseil constitutionnel relative aux lois organiques et ordinaires portant application de l’article 25 de la Constitution.
En revanche, d’un point de vue politique et connaissant la réalité de la pratique parlementaire, je maintiens qu’un procès en légitimité a été fait à Saint-Barthélemy. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !
M. Michel Magras. En privant la population de Saint-Barthélemy de la possibilité d’élire un député, les citoyens qui la composent ont été privés du droit de faire entendre leurs préoccupations particulières à l’Assemblée nationale.
Chacun sait bien que le principe d’indivisibilité ne se vérifie qu’imparfaitement dans la pratique. Et s’il fallait en apporter une preuve, les conditions d’examen des lois organiques et ordinaires qui président au présent redécoupage nous la fournissent.
Chacun le sait, chaque député est dépositaire de la voix de la nation tout entière mais, en pratique, il est aussi, voire surtout, le porte-parole de son territoire d’élection.
Une telle situation peut s’expliquer. Il est en effet bien difficile, pour chaque député, de connaître les subtilités, l’actualité locale de l’ensemble des départements de France, qui seront bientôt au nombre de 101, des 5 collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie. Lorsqu’il s’agit plus spécifiquement de l’outre-mer, certains vont jusqu’à admettre que ces territoires présentent des particularismes qu’ils connaissent mal.
De plus, parallèlement au droit du citoyen à être entendu, c’est également la représentation nationale qui se prive du droit d’être informée de ce qui se passe dans chacun des territoires de la République.
Par ailleurs, en application de la décision du Conseil constitutionnel en date du 8 janvier 2009, le Gouvernement a considéré que la fusion en une seule circonscription des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin était un moindre mal.
Toutefois, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, leur proximité géographique ne légitime en rien cette fusion. Ces deux collectivités se distinguent par bien des aspects et une représentation commune imposera un exercice schizophrénique à leur député, qui devra souvent soutenir dans le même temps une chose et son contraire.
Pour ne citer qu’un seul exemple, Saint-Barthélemy a demandé que le processus de passage au statut de PTOM soit engagé, alors que Saint-Martin prône le maintien du statut de RUP. Je n’évoquerai pas l’amalgame constant qu’une telle situation favorisera, alors même que Saint-Barthélemy est une collectivité autonome.
Aussi, au risque de porter tort à Saint-Martin, qui devrait s’assurer du siège en raison de son poids démographique – ils sont trois fois plus nombreux que nous à être inscrits sur les listes électorales –, cette fusion, sachez-le, se justifierait tout autant avec la Guadeloupe, conformément au critère de proximité géographique, ou, pourquoi pas, avec la Lozère – puisque la République est indivisible – ou encore avec un député représentant les Français établis hors de France, puisque nous sommes établis, si j’ose dire, en plein milieu des Amériques.
D’ailleurs, il n’est pas certain que le Conseil constitutionnel, s’il est saisi de cette ordonnance, valide cette circonscription commune, car sa décision semblait tendre davantage vers un maintien des deux collectivités au sein de la 4e circonscription de la Guadeloupe.
En outre, notre déception est d’autant plus grande – je me tourne vers mes collègues et amis – que la même majorité parlementaire, à laquelle j’appartiens, avait entériné en 2007 la création d’un siège, pour se dédire en 2008.
À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, et c’est pour moi l’occasion de vous le dire publiquement, je sais que vous vous êtes personnellement impliqué en faveur de la création d’une circonscription à Saint-Barthélemy. Je vous en suis particulièrement reconnaissant, en dépit d’une issue que je déplore.
Je me trouve donc face à un dilemme. Juridiquement, si je puis dire, je devrais ratifier cette ordonnance. Mais politiquement, cela m’est impossible. Je choisis donc de ne pas prendre part au vote.