Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi visant à améliorer les qualités « urbaines, architecturales et paysagères des entrées de villes ».
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ne peut que souscrire au constat établi par notre collègue Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste sur les entrées de villes, comme par tous les Français et aussi par beaucoup de visiteurs étrangers, ainsi que cela vient d’être dit.
Je rappelle toutefois que ce constat avait été dressé dès 1994 par notre collègue Ambroise Dupont dans un rapport remarqué.
M. Dominique Braye, rapporteur. Depuis trente ans, les entrées de villes ont subi une logique d’occupation et non d’aménagement, occupation très souvent caractérisée par un développement à outrance de surfaces commerciales de piètre qualité architecturale, comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur. À l’inverse des centres anciens, relativement bien préservés, ces périmètres intermédiaires situés le long des voies publiques, entre les zones urbaines et les espaces ruraux, ont trop rarement fait l’objet de prescriptions urbanistiques ou architecturales.
Les causes de la suroccupation commerciale de ces zones sont connues : la présence d’un foncier abondant à un coût abordable, un effet vitrine lié à la proximité des voies à grande circulation rendant facile l’accès de ces zones aux consommateurs, des créations d’emplois et des rentrées fiscales pour les communes.
Malheureusement, la protection de ces zones n’a été que trop peu prise en compte par le législateur à l’occasion de l’élaboration des lois relatives à l’urbanisme commercial, dans lesquelles il a plus été question de commerce que d’urbanisme, il faut bien le reconnaître.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Il y a eu une confusion permanente !
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous pouvons nous féliciter qu’une partie du problème ait été récemment traitée, dans le cadre du Grenelle II, sur l’initiative, encore et toujours, de notre collègue Ambroise Dupont : nous avons apporté d’importantes modifications relatives à la publicité et aux enseignes, qui permettront aux élus locaux de mieux contrôler le paysage visuel de leurs entrées de villes.
Il faut également rappeler que les communes qui souhaitent intervenir en la matière disposent aujourd’hui d’au moins deux outils.
D’une part, si elles veulent échapper à la règle d’inconstructibilité dans la bande de soixante-quinze ou cent mètres située de part et d’autre des routes aux entrées de villes, elles doivent réaliser une étude prenant en compte les nuisances, la sécurité et la qualité architecturale, urbaine et paysagère : il s’agit du dispositif plus connu sous le nom d’« amendement Dupont » de 1995.
D’autre part, les plans locaux d’urbanisme peuvent comporter des orientations d’aménagement sur les entrées de villes qui sont opposables aux tiers.
Autrement dit, les communes disposent déjà de nombreux outils. Encore faut-il que les élus aient la volonté de s’en emparer et de les utiliser…
Le texte qui nous est soumis va beaucoup plus loin et même beaucoup trop loin dans la contrainte, en imposant un plan préétabli à toutes les entrées de villes de France, sans que l’on sache d’ailleurs selon quels critères les communes délimiteraient leurs entrées de villes.
En outre, ce texte privilégie une logique réglementaire, fondée sur des pourcentages d’occupation des sols applicables quel que soit le territoire considéré. Or, comme l’ont souligné de nombreuses personnes auditionnées par notre commission, il faut abandonner l’urbanisme réglementaire et le quantitatif, au bénéfice de l’urbanisme de projet et du qualitatif.
De plus, en proposant une solution uniforme pour les quelque 17 000 communes couvertes par un plan local d’urbanisme et les 4 200 communes dotées d’une carte communale, le texte va à l’encontre de notre philosophie selon laquelle il ne peut y avoir de modèle unique pour toutes les entrées de villes. Enfin, il ne s’inscrit pas non plus dans l’esprit de l’amendement adopté en 1995 sur l’initiative de notre collègue Ambroise Dupont et qui visait à obliger les communes à mener une réflexion, sans préjuger le contenu de celle-ci.
M. Jean-Pierre Sueur. Malheureusement, il n’a pas produit d’effets !
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission de l’économie donne toutefois acte à M. Sueur de ce qu’il soulève un vrai problème. Elle a jugé en conséquence inopportun de rejeter purement et simplement le présent texte. Au demeurant, le très récent dépôt d’une proposition de loi sur les entrées de villes par nos collègues députés atteste la nécessité de s’attaquer à ce problème.
La commission de l’économie proposera en conséquence un dispositif, qui sera utilement complété par celui que nous présentera, à l’article 2, M. le rapporteur pour avis de la culture. Dans notre esprit, ces propositions ont vocation à être intégrées dans une réflexion plus globale qu’il est indispensable de mener dans le cadre de la prochaine réforme de l’urbanisme commercial. Il faudra, à cette occasion, définir des solutions pour traiter les entrées de villes existantes, comme le préconise le rapport remis par notre ancien collègue député Jean-Paul Charié.
À l’article 1er, notre commission proposera de conserver le I, qui ajoute une référence utile à la qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de villes dans les objectifs généraux des documents d’urbanisme. Cette mention vise aujourd’hui uniquement les SCOT. Il est plus cohérent de la faire figurer dans l’article concernant tous documents d’urbanisme.
Elle vous soumettra ensuite un amendement visant à remplacer les paragraphes II, III et IV par un dispositif incitant les communes à mener une véritable réflexion sur l’aménagement de leurs entrées de villes.
S’agissant de l’article 2, qui tend à transformer toutes les routes nationales situées dans les entrées de villes en voies urbaines, je rappellerai plusieurs éléments aux auteurs du texte.
Tout d’abord, de très nombreuses routes sont désormais non plus nationales, mais départementales.
Ensuite, les communes qui le souhaitent peuvent déjà, aujourd’hui, passer des conventions avec les départements ou avec l’État pour exercer tout ou partie des compétences de voirie sur une portion de route nationale ou départementale.
Aller plus loin en imposant ce dispositif partout, comme le prévoit l’article 2 de la présente proposition de loi, ne me paraît pas opportun et pose même de véritables problèmes de constitutionnalité puisque les moyens correspondant aux nouvelles charges qui seraient transférées ne sont pas inscrits dans ce texte. Or je sais, cher collègue Sueur, pour vous l’avoir entendu dire à plusieurs reprises, que vous tenez particulièrement à ce que les transferts de charges aux communes soient compensés…
Ensuite, l’article 3 semble en grande partie satisfait par les dispositions du Grenelle II relatives aux SCOT. En effet, ceux-ci devront désormais préciser « les conditions permettant le désenclavement par transport collectif des secteurs habités qui le nécessitent ».
Monsieur le secrétaire d'État, je dois reconnaître qu’il pourrait être utile, à l’occasion de l’examen du Grenelle II à l’Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire, de remplacer le terme « habités » par le mot « urbanisés », ce qui correspondrait plus directement à l’objectif visé par l’article 3.
M. Dominique Braye, rapporteur. En conclusion, je souhaiterais insister sur deux points.
Premièrement, le rétablissement d’une véritable qualité des zones périurbaines suppose la constitution d’équipes pluridisciplinaires, composées d’architectes, de paysagistes et d’urbanistes-conseils.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !
M. Dominique Braye, rapporteur. De ce point de vue, monsieur le secrétaire d'État, il est indispensable que la réflexion intercommunale se développe très largement en matière de documents d’urbanisme : comme vient de le montrer l’auteur de la présente proposition de loi, c’est bien à cette échelle qu’il faut réfléchir.
Deuxièmement, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur les modalités et le contenu de la réforme à venir de l’urbanisme commercial. Dans son rapport, Jean-Paul Charié énonçait un certain nombre de pistes, visant notamment à replacer l’urbanisme commercial dans le droit commun en la matière. Pouvez-vous nous préciser quelles suites vous comptez donner à ce rapport ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne puis que souscrire à l’ambition affichée par les auteurs de la présente proposition de loi, qui se fixent pour objectif de déterminer « un projet pour la ville du futur », cette dernière devant être caractérisée par une mixité à la fois sociale et fonctionnelle.
La même ambition m’avait animée lorsque j’avais été chargé, en 1994, de la rédaction d’un rapport sur les entrées de villes, que j’avais intitulé : « Les entrées de villes ou redonner le goût de l’urbanisme ». Il s’agissait d’éclairer l’État sur les actions à entreprendre, en partenariat avec les collectivités territoriales, afin de revaloriser les abords des villes et d’éviter que ne se reproduisent à l’entrée de nos bourgs les méfaits que nous déplorons.
La prise de conscience de la détérioration des entrées de villes n’est pas récente : elle occupe le champ de la réflexion depuis près de vingt ans. Initialement concentré aux abords des grandes agglomérations, ce problème s’est déplacé et il concerne aujourd’hui l’ensemble de notre territoire, y compris les villes moyennes et les zones rurales.
En effet, cette urbanisation anarchique s’est réalisée aux dépens de l’espace rural et sans aucune réflexion préalable. La confusion dans l’occupation de l’espace fait qu’il est parfois difficile de percevoir la délimitation entre la campagne et la ville.
Or les entrées de villes sont le reflet de nos cités, car elles participent de l’image que nous en donnons à voir, en tant qu’élus et en tant que citoyens. Tout comme vous, monsieur Sueur, je suis frappé du contraste qui s’est accentué entre des centres-villes de mieux en mieux restaurés et mis en valeur et des abords de villes qui sont marqués par une forme de déshérence architecturale et urbanistique.
Les entrées de villes constituent donc un enjeu essentiel de la qualité des paysages et du cadre de vie de nos concitoyens ; elles exercent une influence sur le développement du secteur touristique dans notre pays.
Je ne puis donc que saluer l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui partage depuis longtemps les mêmes préoccupations que moi en ce qui concerne les entrées de ville.
Cependant, je n’adhère pas à la démarche qu’il propose, qui fixe de strictes prescriptions en matière d’élaboration des documents d’urbanisme. En effet, selon moi, la mise au point d’un dispositif visant à améliorer la qualité des entrées de villes doit privilégier des procédures de réflexion et de collaboration plutôt que des dispositions contraignantes purement législatives ou réglementaires, comme l’a très bien souligné M. le rapporteur.
J’ai pu constater, moi aussi, que le règlement ne réglait rien, ou du moins qu’il ne faisait pas disparaître tous les problèmes.
Je voudrais saisir l’occasion de l’examen de cette proposition de loi pour rappeler l’esprit de l’amendement que j’avais déposé lors du débat sur la future loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement.
Cette disposition, devenue depuis lors l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme, n’a pas toujours été bien comprise. Elle s’inscrivait dans la suite donnée à la proposition phare de mon rapport sur les entrées de villes, qui préconisait d’édifier une zone d’insertion paysagère aux abords immédiats des grandes infrastructures routières, dans une stratégie de restauration de la prérogative publique.
Afin de freiner l’urbanisation désordonnée des principaux axes routiers, avait été votée alors une mesure d’interdiction des constructions et installations nouvelles en dehors des espaces déjà urbanisés, sur une bande de cent mètres de part et d’autre de l’axe des autoroutes, des routes express et des déviations, et de soixante-quinze mètres de part et d’autre de l’axe des autres routes classées à grande circulation. Ces distances n’avaient pas grand sens par elles-mêmes : elles étaient une « obligation à réfléchir », qui pouvait être levée quand la réflexion pluridisciplinaire préalable avait été menée.
Cette mesure avait donc pour principale ambition de susciter une véritable réflexion urbanistique et d’amorcer une démarche plus vaste en faveur des entrées de villes. Les communes peuvent ainsi modifier ce dispositif dans le cadre de leur compétence en matière d’urbanisme et réglementer de façon spécifique les conditions d’aménagement des zones concernées. C’est la grandeur de la loi de décentralisation de 1982, qui a confié au maire la responsabilité de l’urbanisme.
Par ailleurs, l’affichage publicitaire contribuant également à la dégradation du paysage, lors de l’examen du projet de loi dit « Grenelle II », le Sénat a adopté à l’unanimité – j’y ai été très sensible –, sur l’initiative de notre commission, des dispositions visant à améliorer l’insertion paysagère des dispositifs publicitaires qui seraient autorisés dans les entrées de villes.
Certes, l’effet d’une telle mesure ne devrait être visible qu’à moyen terme, mais il me semble indispensable de faire naître des dynamiques de ce type, afin que la réflexion urbanistique et paysagère devienne une habitude, notamment pour les entrées de ville.
En outre, la réflexion sur les entrées de villes impliquant généralement plusieurs communes limitrophes, comme l’a rappelé M. Sueur, la concertation peut s’envisager dans le cadre de plans locaux d’urbanisme intercommunaux, conformément aux dispositions votées par le Sénat dans ce même projet de loi.
Je précise que j’approuve la position retenue par la commission de l’économie sur cette proposition de loi, ainsi que l’amendement qu’elle a adopté, car celui-ci tend à s’inscrire dans la dynamique que j’ai décrite.
Par ailleurs, mes chers collègues, je vous proposerai tout à l’heure, au nom de la commission de la culture, un amendement visant à renforcer l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme par l’élargissement de son champ d’application.
En effet, il me semble que les schémas de cohérence territoriale seraient tout à fait appropriés pour définir, le cas échéant, les routes devant faire l’objet d’une réflexion relative à la constructibilité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, monsieur Sueur, mesdames, messieurs les sénateurs, les entrées de ville constituent un véritable enjeu, qui dépasse bien entendu les clivages politiques.
Il est temps de réinvestir des zones qui étaient clairement laissées à l’abandon, car le constat est net : ces territoires en manque de considération ont été aménagés sans réelle vue d’ensemble. Mal organisées, mal agencées, les entrées de villes sont dédiées à la voiture, les espaces verts y étant largement résiduels. Leur aménagement s’est fait selon une logique économique, instantanée : le terrain foncier avait la caractéristique d’être suffisamment abordable pour y faire pousser de façon anarchique les installations commerciales et publicitaires.
Sans vision esthétique, sans vision environnementale et durable, la périphérie n’intéressait ni les habitants, ni les élus, ni l’État. Toutefois, je tiens à saluer la contribution d’Ambroise Dupont, ce « Malraux moderne » (Sourires.), qui fut l’un des premiers à appeler notre attention sur le devenir de ces zones.
Monsieur le sénateur, votre engagement n’a jamais faibli depuis le rapport que vous avez remis au Gouvernement en 1994 et l’amendement qui a été voté en 1995. Je tiens aussi à souligner vos nombreux travaux au sein du Conseil national du paysage et, plus récemment, dans le cadre du Grenelle II, sur la question de la publicité dans ces zones.
Une nécessité s’impose aujourd’hui : nous devons réinvestir ces territoires. Ils sont à l’opposé de la ville que nous voulons promouvoir, celle de la mixité urbaine et de la proximité, privilégiant les moyens de transport sont sobres en émissions de carbone.
Pour toutes ces raisons, ces territoires peuvent constituer la « nouvelle frontière » de nos urbanistes. Le défi n’est pas de défricher des territoires encore vierges, mais bien de réinventer ces espaces sans qualité en définissant de véritables projets urbains.
Je crois, monsieur Sueur, que nous dressons tout à fait le même constat, qui est sans appel. Cependant, une partie des réponses que vous apportez ne peut nous convenir.
C’est d’abord une question de méthode : la philosophie générale de ce texte est fondamentalement éloignée de celle que Jean-Louis Borloo et moi-même avons souhaité mettre en œuvre dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
Globalement, vous voulez imposer une série de règles systématiques, totalement uniformes,…
M. Jean-Pierre Sueur. C’est faux !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … là où le Grenelle propose de raisonner par objectifs et par outils.
Là où vous développez des réponses réglementées, qui seront les mêmes partout,…
M. Jean-Pierre Sueur. Mais non !
M. Dominique Braye, rapporteur. Mais si ! Il suffit de lire le texte !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … nous apportons une réponse en termes de projet.
Tel est le sens du plan « Ville durable » et des appels à projets lancés par Jean-Louis Borloo.
En particulier, le défi d’un projet d’éco-cité a été brillamment relevé à Montpellier : il permettra de réinvestir les emprises commerciales situées le long de la route de la mer, qui présente des densités faibles et des paysages de qualité, pour inventer des lieux de vie et de mixité urbaine le long de la ligne de tramway. Voilà un exemple de ce que nous souhaitons développer, à savoir un urbanisme de projet, et non une norme unique pour tous, imposée depuis Paris !
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne s’agit pas de norme ! Il s’agit de la règle de droit !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Tel est aussi l’esprit de propositions intéressantes formulées notamment dans le cadre du Grand Paris, à travers le travail proposé sur les lisières et plus généralement sur les seuils et axes d’entrée dans l’agglomération parisienne.
Tel est enfin le sens du projet de loi Grenelle II, déjà adopté au Sénat, dont plusieurs mesures traitent de cette question. C’est ainsi le cas de la réforme de la réglementation de l’affichage publicitaire, sur la base des propositions formulées par M. Ambroise Dupont, ou encore, plus globalement, de celle des documents d’urbanisme, dans une logique de développement durable, de lutte contre l’étalement urbain et d’essor des transports collectifs, comme M. Braye vient de le rappeler.
Je souhaite d’ailleurs, avant de conclure, répondre aux interrogations que celui-ci m’a adressées.
Monsieur Braye, j’ai été très attentif à votre rapport et à vos conclusions, et je tiens à vous en remercier parce que vous avez mis l’accent sur deux questions essentielles.
Tout d’abord, les entrées de villes sont des territoires situés à cheval sur plusieurs communes. Vous avez donc raison de souligner qu’une approche urbanistique nouvelle de ces zones nécessitera l’élaboration de documents de niveau intercommunal. Cet aspect important de la question, nous l’avons abordée ici même lors de l’examen du projet de loi Grenelle II. Je sais que vos collègues députés souhaitent y revenir et poser clairement la question du PLU, ou plan local d’urbanisme, intercommunal.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. Nous pouvons le faire !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je souhaite que, dans les semaines à venir, nous discutions avec le Sénat et les commissions que vous représentez, messieurs les rapporteurs, pour étudier la façon dont nous pourrions avancer dans cette direction, qui me paraît très intéressante.
De même, l’intégration de l’urbanisme commercial au droit commun en la matière est un sujet qui mérite qu’on s’y attache. Les zones dont nous parlons sont généralement dédiées au commerce, ce qui pose donc un problème de cadre de référence. Cette intégration pourrait permettre, à terme, de ne plus traiter les secteurs commerciaux comme des territoires particuliers, obéissant à d’autres lois et d’autres logiques.
Si nous souhaitons promouvoir une approche décloisonnée, les zones commerciales pourraient être considérées comme des morceaux de ville banalisés, appelés à respecter les règles du jeu urbain dans le cadre de projets de qualité.
Là encore, je sais que des réflexions sont menées, ici même comme à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement est prêt, bien entendu, à examiner comment, par exemple dans le cadre d’une proposition de loi, l’attente justifiée des députés et des sénateurs pourrait être satisfaite.
Le Gouvernement avait d'ailleurs pris l’engagement, à l'occasion de la LME, la loi de modernisation de l’économie, d’intégrer rapidement l’urbanisme commercial dans le droit commun en la matière. Nous avions pris l’engagement de le faire dans les six mois suivant la promulgation de la loi ; cela fera donc bientôt deux ans… Il était temps pour le Gouvernement de tenir cet engagement auprès du Parlement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de cette proposition de loi, il convient de mettre en lumière toute notre détermination à ne plus laisser ce dossier en friche.
Je partage la philosophie qui sous-tend votre texte, monsieur Sueur, mais pas les moyens qu’il prévoit. C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à son adoption. En revanche, il est favorable aux amendements présentés par les deux commissions saisies. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà quinze ans, notre collègue Ambroise Dupont, en charge d’une mission de réflexion et de proposition sur les entrées de ville, avait dressé un bilan alarmant.
Afin de reconquérir ces espaces périurbains, que nous préférerions appeler « portes de ville », car les entrées sont aussi des sorties de ville, le législateur avait enrichi le code de l’urbanisme d’un article L. 111-1-4, qui prévoyait notamment, sous réserve de quelques exceptions, qu’« en dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d’autre de l’axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière et de soixante-quinze mètres de part et d’autre de l’axe des autres routes classées à grande circulation ».
Aujourd’hui, nous examinons la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur relative à l’amélioration des qualités urbaines, architecturales et paysagères des entrées de ville. Ce texte s’inscrit dans un double contexte.
D’une part, nous constatons que ce souci esthétique est partagé par l’ensemble des parlementaires. Nous l’avons vérifié, dans le cadre du Grenelle II, à l’occasion de l’adoption d’un amendement déposé par notre collègue Ambroise Dupont, qui visait à modifier l’article L. 581-19 du code de l’environnement afin de fixer une date butoir au-delà de laquelle les préenseignes dites « dérogatoires » devraient être supprimées et remplacées à l’entrée des villes.
Cependant, un tel consensus ne doit pas faire écran à une réalité qui est tout autre quand il s’agit du contenu des politiques de la ville.
D’autre part, un bilan catastrophique de la réglementation en vigueur est unanimement dressé pour dénoncer son inefficacité. En effet, la réglementation issue du code de l’urbanisme reste très permissive à l’égard de la construction dans ces zones périurbaines. Le rapport de simple compatibilité des documents d’urbanisme entre eux en constitue un élément parmi d’autres.
Là encore, si le constat est unanime, les solutions sont diverses.
Ainsi, les alinéas 1 et 2 de l’article 1er de la proposition de loi, qui échappent aux larges coups de ciseaux du rapporteur, complètent l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, qui pose les principes généraux du droit de l’urbanisme avec lesquels doivent être compatibles les SCOT, les PLU et les documents en tenant lieu, les cartes communales et les directives territoriales d’aménagement, ou DTA. Il est proposé d’y ajouter le principe suivant : assurer « la qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de villes ».
L’intention est louable. Cependant, il faut bien avoir à l’esprit que, les objectifs assignés aux documents d’urbanisme ayant tous la même valeur juridique, une obligation de conformité à chacun de ces objectifs n’est pas requise.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Odette Terrade. C’est seulement le non-respect manifeste de l’un des principes qui peut être sanctionné.
L’opposabilité individuelle des principes doit donc être relativisée. Il faut souligner que cette disposition du code de l’urbanisme, qui vise à assurer un équilibre, prend en compte tellement d’éléments différents qu’une grande marge de manœuvre est laissée aux collectivités locales.
Par votre amendement, monsieur le rapporteur, vous souhaitez, dans l’esprit de l’amendement d’Ambroise Dupont, « que les communes soient davantage incitées à réfléchir à l’aménagement de leurs entrées de ville », pour reprendre les termes mêmes du rapport. Il s’agit de compléter l’article L. 123-12 de l’urbanisme et d’offrir au préfet la possibilité, et non l’obligation, de proposer à la commune les modifications nécessaires si le plan local d’urbanisme entre en contradiction avec un certain nombre de réglementations énumérées par l’article.
Je formulerai deux remarques sur cet amendement.
D’une part, si les modifications proposées par les alinéas 1 et 2 de l'article 1er de la proposition de loi sont adoptées, le préfet aura la faculté de demander des modifications dans l’hypothèse où le plan local d’urbanisme compromettrait gravement les principes de qualité urbaine, architecturale et paysagère. Il est vrai que l’amendement ne fait pas mention d’une infraction manifeste à ces principes, mais, sur le fond, il s’agit, à deux exceptions près, de la méconnaissance des mêmes principes. On peut d’ailleurs se demander, au regard du rapport de compatibilité exigé, si le juge, en cas de litige, traiterait différemment les alinéas 3 et 4 de cet article tels qu’ils résulteraient de l’adoption de l’amendement.
D’autre part, cet amendement fait mention, comme l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme, de la « prise en compte des nuisances » et « de la sécurité ». Cela nous semble un peu large. Ne risque-t-on pas de créer ainsi une trop grande insécurité juridique pour les communes ?
Enfin, nous avons des doutes sur l’opportunité d’instaurer certaines procédures – enquêtes publiques, concours d’architectes –, non seulement en raison de la rigidité qu’elles présentent, laquelle n’est pas forcément utile, mais également au regard du coût induit pour les collectivités locales.
Nous ne sommes pas non plus favorables à l’article 2 de la proposition de loi, qui risque d’alourdir les charges des collectivités locales, déjà mises en difficultés par les politiques du Gouvernement. En réalité, nous considérons que la proposition de loi, comme l’amendement du rapporteur, ne saurait régler le problème immense de la dégradation architecturale et paysagère des entrées de villes.
Car, en toile de fond, il y a la politique de la ville menée par le Gouvernement. Chers collègues de la majorité, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie, n’avez-vous pas voté la réforme de l’urbanisme commercial ? Vous vous souciez de l’urbanisation hideuse des entrées de villes, mais vous avez relevé le seuil de déclenchement de l’autorisation préalable imposée aux grandes surfaces pour toute nouvelle implantation ou extension !