compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une commission spéciale
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des 37 membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif au Grand Paris créée par le Sénat le 3 décembre 2009, en application de l’article 16, alinéa 2, du règlement, sur proposition de M. le président du Sénat.
Conformément à l’article 10 de notre règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
3
Droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité
Rejet d'une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG (n° 461 rectifié, 2008-2009 ; n° 114).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la proposition de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le pacte civil de solidarité, ou PACS, fête cette année ses dix ans.
En effet, la loi du 15 novembre 1999 a créé une nouvelle forme d’union aux côtés du concubinage et du mariage : le pacte civil de solidarité, que pouvaient contracter des personnes de même sexe mais aussi de sexe opposé.
Je ne reviendrai pas sur les débats houleux qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale au moment de l’examen du texte ni sur l’opposition farouche de la majorité sénatoriale : heureusement, cela appartient, je veux le croire, au passé.
Si le PACS a bien constitué une avancée majeure pour les homosexuels, privés du droit de se marier et donc de se voir reconnaître des droits et une protection mutuelle dans leur vie quotidienne, il ne s’est pas résumé à une forme d’union réservée aux homosexuels, bien au contraire. Si les homosexuels constituaient 25 % des pacsés en 2000, ils n’en représentent plus que 5,6 % en 2008.
Le PACS connaît un véritable succès, reconnu de tous. Ainsi, 146 084 PACS ont été signés en 2008, soit une augmentation de 43 % par rapport à 2007. Au total, près de 526 000 PACS ont été signés : plus de 1 million de personnes ont ainsi choisi de se pacser.
Ce succès tient au fait que le PACS a répondu aux aspirations de couples qui, ne désirant pas se marier, ou n’en ayant pas le droit, comme nous l’avons vu, n’en souhaitaient pas moins bénéficier d’un statut juridique protecteur et davantage organisé que le concubinage.
Le PACS permet ainsi à deux personnes d’organiser juridiquement leur vie commune. Il établit des droits et des obligations entre les deux partenaires en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d’impôts et de droits sociaux.
C’est ainsi que l’on n’hésite plus à parler du PACS, plus souple que le mariage mais plus protecteur que le concubinage, comme d’un « troisième mode de conjugalité ».
Dès 1997, puis en 1999, mon groupe et moi-même avons déposé des propositions de loi et des amendements tendant à renforcer les droits des couples non mariés. À l’époque, toute avancée a été balayée d’un revers de la main. Pourtant, les faits nous donnent raison.
Les dix années d’existence du PACS ont connu deux temps forts, qui ont nettement contribué à son succès. Le premier, c’est l’adoption de la loi de finances pour 2005, qui a instauré, dès le 1er janvier 2005, le principe de l’imposition commune pour les partenaires pacsés dès la première année.
Le second temps fort, c’est l’adoption de la loi sur les successions et les libéralités. Cette loi du 23 juin 2006 a profondément modifié la nature même du PACS, puisqu’elle en fait un véritable statut du couple, intégrant l’état de la personne : le PACS n’est désormais plus restreint à un simple contrat.
La loi de 2006 a bouleversé le régime patrimonial du PACS, en faisant de la séparation de biens le régime de droit commun et en octroyant de nouveaux droits aux partenaires. Elle a ainsi renforcé la solidarité entre les partenaires : ils doivent désormais s’apporter une aide matérielle et une assistance réciproques, et sont solidaires des dettes de la vie courante.
Un droit au maintien dans le logement a également été reconnu au partenaire survivant, sur le modèle du droit reconnu au conjoint survivant, sans qu’il y ait pour autant assimilation avec le statut de ce dernier.
Sur ces différents aspects, la loi du 23 juin 2006 a donc rapproché de façon considérable le statut du PACS de celui du mariage.
La proposition de loi que nous présentons aujourd’hui se situe dans cette voie mais ne prévoit pas, comme vous l’indiquez dans votre rapport, madame le rapporteur, une assimilation du PACS au mariage.
L’évolution du droit, marquée par la loi de finances pour 2005 et la loi sur les successions et les libéralités, a en réalité accompagné l’évolution de la société en instaurant l’égalité des couples homosexuels avec les autres couples, qui expriment des besoins parce qu’ils vivent ensemble selon leur choix.
Cette union est d’ailleurs devenue de plus en plus stable, même si l’on peut la rompre selon une procédure simplifiée. Il serait imprudent de dire que le PACS est un choix d’instabilité.
En effet, même si le recul est faible et si la durée des PACS dans le temps n’est que de dix ans, les chiffres viennent démontrer le contraire, comme nous l’apprend le ministère de la justice, en la personne de Joël Creusat, chef du bureau des dispositifs statistiques et des études. Il confirme ainsi que le PACS est bel et bien une union stable, avec un taux de dissolution de 15 % environ, alors que le taux de dissolution des divorces est de 30 %. Parmi ces ruptures, près d’un quart sont provoquées par des couples qui souhaitent, après s’être pacsés, se marier.
Ces chiffres montrent que le mode de rupture ne constitue pas la première motivation des couples qui décident de se pacser, si toutefois quelqu’un en doutait.
En outre, le nombre des divorces a connu un pic en 2005, suite à la réforme du divorce de 2004, qui en a simplifié la procédure. Le nombre de divorces par consentement mutuel est d’ailleurs toujours important aujourd’hui. Dès que la procédure de rupture a été simplifiée, les divorces ont augmenté : le mariage ne protège donc pas plus de la rupture.
Dix ans après la création du PACS, le bilan que l’on peut établir est finalement assez éloigné de ce que prédisaient ses détracteurs. Le PACS a acquis un statut juridique à part entière, conférant des droits et des obligations aux partenaires et il est plutôt synonyme de stabilité. Il n’est pas devenu ce mariage bis que certains craignaient, puisqu’il conserve une différence fondamentale avec le mariage : il ne crée aucun droit en matière de filiation et d’adoption, ou encore de procréation médicalement assistée.
C’est pourquoi, quelle que soit mon opinion personnelle et celle de nombreux parlementaires, je n’ai pas choisi de proposer une modification de la législation en matière de filiation pour les couples pacsés. Je propose seulement d’améliorer les droits sociaux afférents à l’union par PACS.
Cependant, si, force est de le reconnaître, le régime juridique du PACS a nettement été amélioré ces dernières années, il reste encore des domaines où un renforcement des droits des pacsés doit être envisagé.
Le PACS n’est plus simplement un contrat signé entre deux personnes. Toutefois, sa conclusion s’effectue toujours au greffe du tribunal d’instance. Mon groupe et moi-même avions, dès 1999, demandé que la conclusion d’un PACS s’effectue en mairie. En effet, l’établissement d’un certificat de concubinage est assuré par un officier d’état civil : pourquoi n’en serait-il pas de même pour le PACS ?
Un autre argument est venu, entre-temps, appuyer cette demande. La loi du 23 juin 2006 sur les successions et les libéralités a prévu que, désormais, il serait fait mention du PACS sur l’acte de naissance, avec mention de l’identité des partenaires. Cette nouveauté a été introduite dans la loi sur l’initiative du Gouvernement, en la personne de Pascal Clément, alors garde des sceaux.
Celui-ci ne voulait pas qu’il soit fait mention de l’identité du partenaire afin, d’une part, de préserver la vie privée des partenaires et, d’autre part, de ne pas conférer au PACS la qualité d’acte d’état civil. Je le dis sans porter de jugement.
Deux amendements avaient alors été proposés dans cet hémicycle, l’un, par Robert Badinter et ses collègues socialistes et, l’autre, par vous-même, madame Troendle, et plusieurs de vos collègues, afin de prévoir que l’inscription du PACS en marge de l’acte de naissance mentionne l’identité du partenaire. Ces amendements ont finalement été adoptés, contre l’avis de Pascal Clément qui s’exprimait ainsi : « à partir du moment où vous ajoutez le nom, vous faites du PACS un nouvel acte d’état civil »,
Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois. Non, ce n’est pas un acte d’état civil !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … avis qui était partagé par le rapporteur, M. Henri de Richemont. Je n’ai pas pour habitude de considérer les propos tenus par Gouvernement comme parole d’évangile, mais, force est de le constater, la modification du système antérieur du PACS, entraînée par la loi de 2006 et prévoyant que la déclaration de PACS sera mentionnée en marge de l’acte de naissance avec l’identité des partenaires, fait du PACS non plus seulement un contrat enregistré au tribunal d’instance, mais également un acte d’état civil.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Absolument pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’inscription du PACS en marge de l’état civil, sans mention de l’identité du partenaire, était d’ailleurs l’une des recommandations de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants, présidée par Patrick Bloche et dont le rapporteur était Valérie Pécresse, dans son rapport du 25 janvier 2006. Le législateur est allé plus loin et nous nous en félicitons.
Cette question a donc dépassé les clivages politiques. J’en veux pour preuve le dépôt, le 15 octobre 2008, par le député et président du conseil général des Alpes-Maritimes Éric Ciotti, d’une proposition de loi visant à permettre la conclusion du PACS dans les mairies.
Selon l’exposé des motifs de cette proposition de loi, « le PACS est actuellement enregistré au greffe du tribunal d’instance qui, bien qu’il ait des compétences administratives n’en demeure pas moins un tribunal donc un lieu inadapté à la signature d’une convention établissant et organisant la vie commune d’un couple ».
Il est aujourd’hui totalement légitime de demander que le PACS soit enregistré par un officier d’état civil et non plus par le greffier du tribunal d’instance.
La mairie est un lieu symbolique, plus accessible et plus proche des citoyens, surtout depuis la réforme de la carte judiciaire qui prévoit la suppression de 178 tribunaux d’instance.
Tous les actes importants de la vie y sont enregistrés : naissance, mariage, décès et même, je le disais, certificat de concubinage ; le baptême républicain est lui aussi effectué en mairie.
Seul le PACS est enregistré au tribunal. Vous nous dites que les maires sont opposés à cette mesure : les mentalités évoluent,…
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Ce n’est pas une question de mentalités !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … puisque de plus en plus de mairies organisent des cérémonies de PACS.
Nonobstant de telles évolutions, soyons clairs, à part la position constante depuis dix ans du bureau de l’AMF, les maires n’ont pas été consultés sur la question.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Bien sûr que si !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’évolution de la nature même du PACS nécessite donc que soient repensées les conditions de son enregistrement : nous proposons par conséquent de l’enregistrer en mairie.
De cela découle notre proposition de créer, à l'article 2, une procédure de « PACS in extremis », à l’image de celle qui existe pour le mariage, en cas d’empêchement grave ou de péril imminent de décès.
Vous indiquez, madame le rapporteur, que cet article serait satisfait grâce à la modification apportée par le biais de l’article 37 de la loi pénitentiaire à l’article 515-3 du code civil, aux termes duquel « le procureur de la République requiert le greffier du tribunal d’instance de se transporter au domicile » du partenaire qu’un empêchement grave interdit de se déplacer. C’est une procédure qui n’existait pas auparavant.
Mais l’article 2 relevant de la même logique que l’article 1er, nous demandons, par cohérence que, à la différence du droit nouvellement en vigueur, ce soit l’officier d’état civil qui se déplace, et non le greffier. Je crois cependant deviner que vous n’y êtes pas favorable.
Je n’évoquerai que brièvement la question de la reconnaissance en France des partenariats conclus à l’étranger, puisque la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures a fort opportunément remédié à cette lacune de la législation. C’était une demande ancienne, et je me réjouis qu’aujourd’hui elle soit entrée en vigueur.
En revanche, le PACS ne confère pas de droit en termes d’acquisition de la nationalité française. La question s’est néanmoins posée dans le passé, puisque la commission des lois de l’Assemblée nationale avait prévu, en octobre 1998, la prise en compte du pacte civil de solidarité dans l’examen d’une demande de naturalisation, avec une condition de durée du PACS fixée à un an, proposition finalement rejetée par les députés.
Sur ce point, notre position n’a pas varié. La proposition de loi que le groupe communiste avait alors déposée au côté de celle de nos collègues socialistes prévoyait déjà ceci : « L’étranger lié à un Français par un pacte civil de solidarité bénéficie de droits plus larges : il est considéré comme ayant des liens personnels en France de nature à lui ouvrir un droit au séjour et il peut acquérir la nationalité française par déclaration un an après la conclusion du pacte […] ».
Aujourd’hui, le droit applicable aux étrangers a été considérablement durci, notamment en ce qui concerne l’acquisition de la nationalité. Désormais, la condition de durée du mariage est fixée à quatre ans avant qu’un conjoint étranger de Français puisse demander sa naturalisation.
Nous n’avons pas voulu être provocateurs en abaissant ce délai à un an, comme le droit le prévoyait en 1998 : nous avons donc repris notre proposition initiale, en fixant la durée du PACS à quatre ans, comme le prévoit l’article 21-2 du code civil pour les conjoints étrangers de Français.
La facilité avec laquelle deux personnes peuvent conclure un PACS, sans contrôle du ministère public alerté par l’officier d’état civil, comme c’est le cas pour le mariage, laisserait à penser qu’après les mariages blancs et les mariages gris nous verrions apparaître les PACS blancs et – pourquoi pas ? – les PACS gris !
Ne partageant pas, comme vous vous en doutez, cette vision suspicieuse des unions entre une personne française et une personne étrangère, nous avons proposé d’étendre aux personnes liées par un PACS le droit à l’acquisition de la nationalité des conjoints.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’en viens maintenant à la deuxième partie de notre proposition de loi, qui tend à élargir un certain nombre de droits sociaux aux partenaires.
À cet égard, la question de la pension de réversion est emblématique. Elle se pose depuis maintenant plusieurs années sans jamais avoir reçu de réponse pour l’instant, alors que, dans le même temps, je l’ai dit, le droit, notamment le droit patrimonial, a considérablement évolué en faveur des personnes liées par un PACS.
Le droit a créé des droits et obligations réciproques : le principe de solidarité entre les partenaires s’applique durant leur vie commune. Les partenaires sont ainsi soumis à trois types d’obligation : une obligation d’assistance, impliquant une aide morale et psychologique ainsi que matérielle, à l’égard du partenaire en difficulté ; une obligation solidaire aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante ; une obligation de vie commune. Enfin, le principe de présomption de pouvoir pour les biens meubles détenus individuellement leur est applicable.
Le principe de solidarité s’applique du vivant des partenaires : pourquoi ne serait-ce pas le cas après le décès de l’un d’entre eux ? Prévoir l’attribution de la pension de réversion au partenaire survivant, c’est simplement répondre à cette simple question. Il convient de noter que de nombreuses personnes et institutions s’y sont déclarées favorables.
Je pense en tout premier lieu au Président de la République, qui, durant la campagne électorale, avait tenu l’engagement suivant : « Je suis donc pour une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d’instance, mais par la mairie. C’est logique. Et je vais ajouter ceci que je n’ai jamais dit encore : cette union civile, à la mairie, entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés, qui ira, par exemple, jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel ».
Mais Nicolas Sarkozy n’a pas été le seul à se prononcer en faveur d’une telle évolution du droit. Pour notre part, nous la défendons depuis la création du PACS. Nous l’avons donc proposée dès 1999, puis nous avons déposé des amendements en ce sens à l’occasion des projets de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi qu’une proposition de loi en mars dernier.
En janvier 2006, la mission d’information de l’Assemblée nationale, citée précédemment, préconisait l’extension de la pension de réversion au partenaire survivant pacsé depuis au moins cinq ans.
La justice européenne s’est également prononcée sur la question du bénéfice de la pension de réversion dans le cadre d’un partenariat civil. Dans son arrêt Maruko du 1er avril 2008, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que le refus de verser une pension de réversion à des partenaires de même sexe constituait une discrimination indirecte en raison de l’orientation sexuelle prohibée par la directive 2000/78/CE.
La HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, s’inspirant de cet arrêt, a rendu, le 19 mai 2008, une délibération qui va encore plus loin que la jurisprudence européenne. S’appuyant sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et non plus sur la directive de 2000, elle a considéré que « les dispositions législatives issues du code de la sécurité sociale constituent une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle en excluant du droit à pension de réversion les partenaires survivants ».
Je citerai également rapidement – ma collègue Isabelle Pasquet y reviendra tout à l’heure – les prises de position du Conseil d’orientation des retraites ou encore de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS : tandis que le premier s’est prononcé en faveur de l’ouverture d’un débat, la seconde s’est dite favorable à l’extension de la réversion aux partenaires liés par un PACS, sous la condition d’une durée de PACS de cinq ans.
C’est enfin le Médiateur de la République qui préconise une telle extension, en diminuant la condition de durée à deux années.
L’Allemagne a été condamnée pour discrimination en ne prévoyant pas le bénéfice de la pension de réversion au partenaire survivant. Madame le rapporteur, l’un de vos arguments pour refuser aujourd’hui d’inscrire ce principe dans notre législation est de considérer l’Allemagne comme un cas particulier puisque le PACS n’y a été institué que pour les homosexuels, ceux-ci étant dans l’impossibilité de se marier.
Contrairement à ce que vous affirmez, plusieurs pays européens ont étendu leur législation en matière de réversion aux personnes liées par un PACS, et ce quel que soit leur sexe.
Au Royaume-Uni, les régimes complémentaires professionnels accordent une réversion au partenaire survivant, droit qui est parfois étendu aux concubins. Au Danemark, le régime de retraite complémentaire ATP et le régime complémentaire des fonctionnaires appliquent ce droit à la réversion, y compris aux concubins notoires. En Suède, le régime national d’assurance vieillesse lui-même prévoit un tel bénéfice, y compris aux concubins avec enfants, ainsi que le régime complémentaire professionnel des salariés du secteur privé. Aux Pays-Bas, un droit à la réversion est accordé par les régimes complémentaires professionnels, y compris aux concubins ayant déclaré leur concubinage par acte notarié.
Vous l’aurez compris, les différences de législations relatives aux retraites observées d’un pays à l’autre ne sauraient entraîner le refus d’un droit à pension de réversion pour des personnes qui bénéficient de l’assurance vieillesse d’un régime légal.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est toute la question !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tous ces pays européens ont adopté des législations bien plus favorables que la nôtre en matière de droit à la pension de réversion pour les partenaires survivants, certains d’entre eux accordant même ce droit aux concubins.
Cette évolution est finalement assez logique : elle correspond à l’évolution du couple. Pour les pays que je viens de citer, c’est finalement et avant tout l’existence d’une communauté de vie qui constitue le critère d’octroi de droits sociaux, et non la forme juridique de l’union choisie. L’exemple de l’Europe est donc très intéressant, mais c’est toujours la même chose : vous le citez uniquement lorsque cela vous arrange !
L’argument de la jurisprudence du Conseil d’État, que vous reprenez dans votre rapport afin de démontrer qu’il n’y a pas de justification à aligner les droits des pacsés en matière de réversion sur les droits des conjoints, n’est pas recevable. L’arrêt du 28 juin 2002 n’interdit pas de traiter deux situations juridiques différentes de manière identique : le principe d’égalité n’impose simplement pas un traitement identique. Mais le législateur peut tout à fait prévoir une égalité de traitement. Quant à l’arrêt du 6 décembre 2006, il a été rendu avant l’entrée en vigueur de la loi sur les successions et les libéralités, qui crée des droits et obligations en faveur des personnes pacsées quasiment identiques à ceux qui concernent les personnes mariées.
Le droit ayant été modifié dans un sens plus favorable aux personnes liées par un PACS, la question de l’extension du bénéfice de la pension de réversion se pose avec d’autant plus de pertinence et ne doit plus être reportée, comme vous nous le proposez, à plus tard.
Comment le Gouvernement peut-il, lorsqu’il s’agit de lutter contre les violences conjugales par exemple, mettre sur le même plan les couples pacsés, voire les concubins, et les couples mariés et refuser cette égalité s’agissant de droits sociaux ? Cette contradiction est incompréhensible et, à mon sens, injustifiée.
Enfin, je ne m’étendrai pas sur la question des congés pour événements familiaux, ma collègue Isabelle Pasquet aura également l’occasion de développer ce point. Il s’agit pour nous d’accorder des droits plus favorables aux personnes liées par un PACS que ce que prévoit le code du travail ou même certaines conventions collectives, dont ne bénéficient que très peu de salariés.
En conclusion, je ne peux que regretter la position de la commission des lois, qui invite à rejeter ce texte. Pour ce qui est du PACS en mairie, il ne fait pourtant que prolonger une évolution du droit dont le Parlement est lui-même à l’origine, puisque le PACS peut d’ores et déjà être considéré comme un acte d’état civil. S’agissant des droits sociaux, plus précisément du droit à la pension de réversion, il correspond à une évolution des attentes et des besoins des personnes pacsées, pour l’instant privées d’une juste contrepartie des obligations auxquelles elles sont soumises durant leur vie commune.
Mes chers collègues, j’en appelle donc à vous tous pour franchir une étape décisive dans l’histoire du pacte civil de solidarité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis la création du PACS voilà maintenant dix ans, plus de 1 million de personnes ont choisi cette forme d’union. En 2008, 146 030 PACS ont été conclus, contre 273 500 mariages, soit environ un PACS pour deux mariages.
Le pacte civil de solidarité trouve son origine dans la volonté d’offrir à tous les couples, aussi bien hétérosexuels qu’homosexuels, un statut juridique plus organisé que le simple concubinage. Il établit des droits et des obligations entre les deux partenaires, en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d’impôts et de droits sociaux.
Il se situe donc à un stade intermédiaire entre le mariage et le concubinage, en cherchant à concilier la protection apportée par le premier avec la souplesse de formation et de dissolution permise par le second.
Il ne constitue pas, loin de là, une première étape avant le mariage : il intervient au moment où, pour d’autres couples, la solution du mariage est privilégiée. En outre, avec un recul de dix ans, il apparaît que le PACS n’est pas incompatible avec une certaine stabilité dans l’engagement.
C’est la raison pour laquelle le législateur a fait évoluer le PACS dans les dernières années, afin de renforcer la position réciproque des deux partenaires. En particulier, il a fait du PACS un véritable statut du couple, intégrant l’état de la personne, et a renforcé la solidarité dans le couple : les partenaires doivent s’apporter une aide matérielle et une assistance réciproques.
Pour autant, le PACS n’est pas et ne peut pas devenir un « mariage bis ».
En premier lieu, il reste un contrat essentiellement lié à la sphère patrimoniale. Juridiquement, il s’analyse comme un contrat à visée patrimoniale, destiné à protéger le couple formé par les partenaires et à régler les conditions matérielles de leur vie commune.
Même s’il obéit à quelques formalités de publicité spécifiques, puisque l’existence du partenariat est désormais mentionnée en marge de l’acte de naissance de chacun des partenaires, il ne peut être assimilé à un acte d’état civil.
S’agissant des effets personnels, il ne crée aucun droit particulier en matière de filiation, d’adoption, de délégation d’autorité parentale ou de recours à la procréation médicalement assistée. Les partenaires sont placés, de ce point de vue, dans la même situation que les concubins.
En second lieu, le PACS est un contrat au formalisme réduit pour sa conclusion, sa modification ou sa dissolution.
En tant qu’institution, le mariage répond à un certain nombre de contraintes procédurales qui s’imposent aux parties et qui leur interdisent d’en disposer librement. Au contraire, dès sa création, le PACS a été conçu comme un contrat à la libre disposition des partenaires.
Pour conclure un PACS, il suffit ainsi aux partenaires de se présenter en personne au greffe du tribunal d’instance du lieu où ils souhaitent fixer leur résidence commune – ou au consulat, s’ils résident à l’étranger – pour y faire enregistrer une déclaration conjointe mentionnant leur volonté de conclure un PACS.
Le texte présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et le groupe CRC-SPG a deux objets principaux : d’une part, rapprocher le PACS du mariage quant à ses modalités de conclusion et d’acquisition de nationalité ; d’autre part, renforcer l’égalité entre les personnes pacsées en matière de droits sociaux.
S’inspirant de préconisations du Médiateur de la République et de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, il prévoit d’améliorer le régime de la pension de réversion et celui des droits à congés pour événements familiaux en faveur des personnes liées par un PACS.
Je tiens néanmoins à souligner que, d’ores et déjà, le PACS permet aux partenaires de jouir de nombreux droits sociaux.
Il en est ainsi, notamment, de la couverture sociale par l’assurance maladie et l’assurance maternité lorsque l’un des partenaires n’est pas lui-même directement affilié à un organisme de sécurité sociale. Il en va de même s’agissant du droit à congés du salarié, puisque, en cas de décès de l’un des partenaires, l’autre bénéficie d’un congé de deux jours.
Par ailleurs, dans la fonction publique, un agent peut se voir accorder un maximum de cinq jours ouvrables lors de la conclusion de son PACS. Ce droit n’est toutefois pas applicable aux salariés du secteur privé, sauf conventions collectives en ce sens.
Dans le cadre de la fonction publique, l’existence d’un PACS permet de bénéficier d’un droit de priorité afin que le fonctionnaire puisse être affecté dans un emploi lui permettant de se rapprocher de son partenaire.
De même, le partenaire survivant d’un PACS peut obtenir le versement à son profit du capital décès prévu au titre de la sécurité sociale. Les fonctionnaires de l’État, un temps écartés, en bénéficient depuis le 21 novembre dernier, à condition que le PACS ait été conclu plus de deux ans avant le décès du de cujus.
Votre commission des lois a examiné cette proposition de loi le 25 novembre dernier. À cette occasion, elle a constaté que deux dispositifs de ce texte sont satisfaits par le droit en vigueur. C’est ainsi que la question du droit applicable aux partenariats enregistrés à l’étranger, qui pouvait effectivement soulever des difficultés d’appréciation, a été réglée par le législateur à l’article 1er de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit. Sur l’initiative du Sénat, notre droit prévoit désormais l’application de la loi de l’État d’enregistrement du partenariat.
Par ailleurs, la possibilité, mentionnée à l’article 2 de la proposition de loi, d’assurer l’enregistrement du PACS hors du greffe du tribunal d’instance en cas d’empêchement grave est satisfaite par l’article 37 de la loi pénitentiaire, promulguée le 24 novembre 2009.
Quant à la disposition de l’article 2 tendant à déclarer l’ordre public local inopposable à l’enregistrement par les autorités consulaires françaises de PACS à l’étranger, votre commission fait observer qu’elle est contraire à l’article 5 de la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires, qui prévoit explicitement cette opposabilité. Pour cette raison, elle doit être écartée.
D’une manière générale, votre commission a estimé que les indéniables rapprochements intervenus entre le PACS et le mariage n’imposaient pas, pour autant, ni en droit ni en pratique, une assimilation de principe entre ces deux formes de conjugalité.
Comme l’a indiqué le Conseil d’État en 2002, les liens juridiques qui unissent les signataires d’un PACS ayant été organisés par le législateur de manière différente de ceux qui sont applicables dans le cadre du mariage, le principe d’égalité n’impose pas qu’elles soient traitées, dans tous les cas, de manière identique.
Il n’y a donc aucune obligation juridique à traiter de manière identique le PACS et le mariage et, en conséquence, à faire découler de ces deux dispositifs les mêmes droits.
Dans ce contexte, rien n’impose d’aligner les conditions actuelles d’enregistrement des PACS sur la procédure suivie pour le mariage ; je pense, en particulier, à la substitution de la compétence du maire à celle du greffier du tribunal d’instance.
La procédure suivie fonctionne de manière satisfaisante au quotidien et ne constitue pas, en soi, une entrave à l’exercice, par les membres d’un couple, du droit de s’engager dans le cadre d’un PACS.
Sur un plan pratique, l’accomplissement de cette formalité, si elle était imposée aux maires, notamment dans les plus petites communes, constituerait pour eux une charge matérielle nouvelle. Elle viendrait en outre s’ajouter aux transferts récemment opérés dans des conditions financières difficiles pour les communes, à commencer par le recueil et la délivrance des titres d’identité ou, plus récemment, la mise en place, dans les mairies, de dispositifs destinés à favoriser l’accès au droit et à la justice.
Par ailleurs, vous avez, madame Borvo Cohen-Seat, dénoncé le fait que les maires n’avaient plus été consultés sur ce sujet depuis dix ans. Je vous rappelle que le bureau de l’Association des maires de France, l’AMF, s’est prononcé contre la conclusion des PACS en mairie en 2008. Or il me semble que l’AMF est tout à fait habilitée et détient toute la légitimité pour représenter les maires ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat fait un signe dubitatif.)
La souplesse inhérente au PACS – souvent recherchée par les personnes qui voient justement dans l’institution du mariage un cadre juridique trop rigide et contraignant – justifie même, dans certaines hypothèses, un traitement différencié par rapport au mariage.
Tel est le cas, notamment, en matière de règles d’acquisition de la nationalité. La facilité de conclusion et de rupture du PACS, de même que le contenu plus limité que dans le mariage des obligations réciproques des partenaires, s’opposent par nature à ce que des effets pérennes, tels que l’attribution de la nationalité, puissent en découler nécessairement.
L’équilibre sur lequel repose le PACS, entre souplesse et protection, est fragile. Toute amélioration de la protection qu’il offre au couple peut sembler fondée. Cependant, il n’est pas exclu qu’elle ait pour conséquence une limitation de la liberté de chacun des partenaires, voire qu’elle rende nécessaire un contrôle plus poussé de l’autorité publique sur le partenariat conclu. Le danger est alors celui d’une dénaturation du PACS, ce qui justifie le refus de calquer son régime juridique sur celui du mariage.
L’initiative de notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat pose toutefois la question légitime de savoir s’il convient d’aller plus loin encore dans le renforcement de la protection des personnes qui ont fait le choix de s’engager dans le cadre d’un PACS.
Les auditions que j’ai conduites ont mis en relief la faible protection dont jouissent les partenaires d’un PACS lorsqu’il est mis un terme à ce dernier, non seulement en cas de décès de l’un d’entre eux, mais également en cas de séparation. Dans ces situations, le partenaire « délaissé » ou survivant apparaît dans une situation sans doute moins favorable que celle d’un conjoint divorcé ou survivant. Dans ces conditions, il n’est pas illégitime de souhaiter une amélioration de la situation.
La question du renforcement des droits sociaux accordés aux partenaires d’un PACS doit donc légitimement être posée. À l’évidence, elle recouvre, en premier lieu, la question de l’extension du bénéfice de la réversion au partenaire survivant d’un PACS. Dans une moindre mesure, elle concerne également les droits à congés pour évènements familiaux. Pour autant, ce questionnement doit être replacé dans le contexte plus large de la réforme des retraites et du renforcement du dialogue social.
Tout comme l’a jugé en 2007 la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, ou MECCS, de la commission des affaires sociales, la commission des lois estime que l’extension du bénéfice de la réversion au partenaire survivant serait légitime, à la condition qu’elle réponde à des conditions particulières de durée d’union et, surtout, qu’elle s’intègre dans une réforme plus globale du système actuel.
Or, le Gouvernement a annoncé pour 2010 une réforme globale des systèmes de retraite, y compris des dispositifs de réversion. C’est pourquoi votre commission estime préférable que la question de la réversion au profit du partenaire survivant soit examinée dans ce cadre. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir nous confirmer aujourd’hui que cette question importante sera bien traitée à l’occasion de cette réforme.
S’agissant de l’extension au PACS du congé octroyé aux salariés en cas de mariage, votre commission a jugé important que cette mesure fasse l’objet d’un examen préalable par les partenaires sociaux. Or, à ce stade, il semble que cette question n’ait pas encore été pleinement explorée par les organisations syndicales et patronales, seuls certains accords de branche ayant prévu des droits en la matière, dans des conditions souvent moins favorables que pour la célébration d’un mariage. Votre commission est donc d’avis qu’il convient d’attendre que des négociations se soient engagées sur ce point avant que le législateur ne statue.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission a décidé non pas de rejeter votre texte, madame Borvo Cohen-Seat, mais de ne pas adopter de texte sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.-Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)