M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voudrais rappeler en quelques mots le dispositif de l’article 45 quater adopté à l'Assemblée nationale.
À l’article 9 bis, nous avons porté à trois ans le délai de reprise de la réduction d’impôt pour l’acquisition de résidences de tourisme dans les ZRR en cas de rupture de l’engagement de location liée à la défaillance de l’exploitant. Pendant ce délai, l’administration fiscale ne requalifiera pas les investissements de ceux qui, entrés dans cette niche fiscale, ne s’y épanouissent pas. Sur l’initiative de notre commission, l’assouplissement du régime de reprise en faveur des propriétaires de bonne foi a été étendu à la réduction d’impôt pour travaux.
La commission des finances de l'Assemblée nationale, sur l’initiative de notre excellent collègue Michel Bouvard, a complété ce régime de protection de l’investisseur en supprimant la reprise de la réduction d’impôt pour investissement dans une résidence de tourisme en ZRR dès lors que les copropriétaires substituent au gestionnaire défaillant une ou plusieurs entreprises.
Par ailleurs, l’article 45 quater introduit la notion de pluralité d’exploitants : il précise que l’exonération de la TVA ne s’applique pas aux prestations d’hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classés et villages de vacances classés ou agréés, ainsi que dans les résidences de tourisme classées lorsque ces dernières sont destinées à l’hébergement des touristes et qu’elles sont louées par contrat d’une durée d’au moins neuf ans à un ou plusieurs exploitants. Comme vous le voyez, ce régime est d’une simplicité biblique !
L’amendement n° II-262 vise à encadrer la constitution d’une structure de remplacement du gestionnaire défaillant et à accorder une année supplémentaire pour la mise en place du nouveau gestionnaire.
Je n’ai pas très bien compris comment s’enchaînent ou se coordonnent les différents délais, à savoir ceux de l’article 9 bis, de l’article 45 quater dans sa version initiale et, le cas échéant, du présent amendement.
En outre, la notion de « structure adaptée » me paraît floue d’un point de vue juridique.
Je souhaiterais donc connaître l’avis du Gouvernement avant de livrer un avis définitif sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. L’article 45 quater a pour objet de faire en sorte, en cas de difficultés rencontrées par les propriétaires pour l’exploitation en vue de la location de résidences de tourisme situées en ZRR, qu’un délai d’une année leur soit accordé pour trouver d’autres gestionnaires, constituer une société et remettre à la location ces résidences.
À titre liminaire, j’indiquerai qu’il est de l’intérêt de tous que l’opération s’effectue le plus rapidement possible. Si l’on ajoute du temps au temps, les résidences en question finiront par être inexploitées, laissées en déshérence ou utilisées à d’autres fins.
Même si l’intention de ses auteurs est bonne, je ne suis pas favorable à l'amendement n° II-262 qui tend à ajouter une année supplémentaire pour la constitution de la société.
Tout d’abord, dans la rédaction actuelle de l’amendement, il doit avoir été constaté qu’aucun repreneur ne s’est manifesté pour permettre au copropriétaire de s’organiser en vue de substituer au gestionnaire défaillant des prestataires de services locaux. Il s’agit d’une condition supplémentaire. Je ne pense pas que tel soit l’objectif recherché !
Ensuite, les copropriétaires disposent d’une année de plus pour constituer la nouvelle entité. Or, comme je l’ai souligné au début de mon propos, il est de l’intérêt de tous que l’opération s’effectue le plus rapidement possible. Il ne me paraît donc pas souhaitable de rajouter une année. Dans un délai de douze mois, les copropriétaires peuvent tout à fait constituer une société et substituer un nouveau gestionnaire au gestionnaire défaillant.
Par conséquent, je vous propose de retirer cet amendement, monsieur Todeschini. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Au regard de l’explication donnée par le Gouvernement, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Jean-Marc Todeschini, l’amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Todeschini. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. L'amendement n° II-173, présenté par MM. Collin et Charasse, Mme Escoffier et MM. Mézard, Plancade, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
1° bis L'article 199 decies E est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les classements touristiques visés par le présent article doivent être demandés dans le délai d'un mois. Ils doivent être obtenus dans un délai compatible avec les exigences administratives et au maximum neuf ans après le début de l'activité. »
II. - Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les classements touristiques visés par le présent article doivent être demandés dans le délai d'un mois. Ils doivent être obtenus dans un délai compatible avec les exigences administratives et au maximum neuf ans après le début de l'activité. »
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. En application de la loi Demessine, des particuliers ont investi dans des résidences de tourisme principalement situées dans les zones de montagne. D’autres dispositifs prévoient également l’obligation de l’obtention d’un classement touristique.
Dans le cadre du régime Demessine, les investisseurs se sont engagés à louer des logements acquis dans une résidence de tourisme classée. Mais il s’avère que, dans de nombreux cas, les demandes de classement n’ont pu être obtenues rapidement pour des raisons totalement indépendantes de la volonté des investisseurs concernés.
Dans ce contexte, il semble opportun d’éviter des rappels fiscaux qui seraient fondés sur une interprétation littérale du texte imposant un classement quasi immédiat des résidences. De tels rappels remettent en cause la pérennité de ces résidences ou incitent les propriétaires et les exploitants à renoncer à obtenir les classements.
Il est pourtant dans l’intérêt des territoires concernés, de leurs populations et de la situation de l’emploi, que ces investissements puissent se concrétiser par l’exploitation de résidences de qualité garantie par les classements.
L’amendement n °II-173 tend donc à préciser que l’obligation de classement se comprenne comme imposant une demande de classement dans le premier mois d’exploitation, un classement dans des délais compatibles avec les procédures et demandes de l’administration, avec, bien entendu, comme objectif, l’obtention d’un classement dans un délai maximum de neuf ans après le début d’activité de la résidence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission craint que ce dispositif ne soit facteur d’insécurité juridique pour les investisseurs. Le régime Demessine est déjà assez pousse-au-crime pour un certain nombre d’intermédiaires, crime économique, s’entend, et présumé, et les investisseurs se retrouvent alors pris au dépourvu. Si l’on ne fait pas très attention à la nature des biens qui vont être acquis et que l’on n’est pas exigeant quant au classement, on ouvre une zone de risque supplémentaire.
Nous observons, au travers de divers exemples, que des personnes ont été prises au piège. Le procédé dont elles sont victimes est d’ailleurs toujours le même : une prospection active sur le fondement de l’avantage fiscal, soit une vente de défiscalisation.
Si l’on ne resserre pas les critères, le danger ne fera que s’accroître. C’est la raison pour laquelle la commission n’a pas été très convaincue et souhaiterait le retrait de l’amendement, sauf dans l’hypothèse où le Gouvernement nous indiquerait qu’il s’agit d’une bonne initiative.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement et en sollicite également le retrait.
En effet, les délais d’obtention de classement sont bien souvent le fait non pas de l’administration elle-même, mais des gestionnaires qui tardent à fournir les informations. Étendre le délai ne les incitera pas à se mettre aux normes et à fournir les documents plus rapidement.
M. le président. Monsieur Charasse, l’amendement est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. À la lumière de ces indications, je suggérerai à ceux qui m’ont aidé à rédiger l’amendement de trouver une formule un peu plus convaincante pour le collectif budgétaire.
Par conséquent, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-173 est retiré.
Je mets aux voix l'article 45 quater.
(L'article 45 quater est adopté.)
Article 45 quinquies
À la fin de la première phrase du premier alinéa du II de l’article 199 terdecies-0 A du code général des impôts, l’année : « 2010 » est remplacée par l’année : « 2012 ».
M. le président. L'amendement n° II-263, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. L’article 45 quinquies prévoit de prolonger jusqu’à la fin de l’année 2012 la validité du dispositif d’investissement en fonds propres dans les PME ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu, plus connu depuis plusieurs années sous le nom de dispositif Madelin ; celui-ci devait s’interrompre à la fin de l’année 2010.
Ce matin, le groupe socialiste a présenté un amendement visant à proroger le crédit d’impôt concernant les travaux nécessaires à l’adaptation des logements pour les handicapés, et il a essuyé un refus ; il s’agissait d’une dépense fiscale à hauteur de 30 millions d’euros. Dans le cas présent, la dépense fiscale s’élève à 185 millions d’euros.
Le dispositif Madelin date de près d’une vingtaine d’années. Depuis lors est intervenue, précisément dans la loi TEPA, une disposition consistant à orienter une part de l’impôt de solidarité sur la fortune, qui est certes un impôt sur le patrimoine, vers le financement des PME.
Du reste, on y revient chaque année, car ce dispositif permet une importante optimisation fiscale et les intermédiaires se « sucrent » au passage. Il n’a plus de raison d’être et fait partie des dépenses fiscales qui méritent d’être regardées de près. Il n’y a donc pas lieu de le prolonger.
En acceptant une dépense fiscale de 185 millions d’euros, alors que vous avez adopté tout à l’heure l’amendement de M. le rapporteur général qui vise à fiscaliser une partie des indemnités du travail, pour 135 millions d’euros, vous faites clairement une lecture sélective des dépenses fiscales. On ne peut comparer l’indemnité journalière pour accident du travail à une niche fiscale !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le droit existant prévoit que le dispositif Madelin est applicable jusqu’à la fin de l’année 2010. Faut-il, comme le prévoit l’article 45 quinquies, le prolonger dès maintenant jusqu’au 31 décembre 2012 ? La commission, soucieuse de maintenir de bonnes relations avec l’Assemblée nationale, a exprimé un avis plutôt défavorable, mais, je l’avoue, rapide à l’encontre de votre amendement, ma chère collègue.
Cela étant, faut-il décider, un an à l’avance, la reconduction du régime ?
Mme Nicole Bricq. Il faut l’évaluer !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas évident !
Et puis, on peut dire qu’un régime proche de son terme est un régime plus incitatif. Si l’on pense que l’État a de grandes chances de ne pas renouveler le régime, on va se précipiter puisqu’il est avantageux. Ce sera peut-être profitable pour les entreprises, madame le ministre. Cet argument n’a pas été utilisé par Mme Bricq.
Mme Nicole Bricq. Mais il est bon !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. À l’expérience, c’est un argument qui fonctionne.
Pourquoi reconduire le dispositif dès cette année ? Après tout, les investisseurs verront bien s’il est prorogé ou non !
J’ai de la peine à comprendre ces lois de finances où l’on prend des mesures qui seront appliquées dans un autre contexte. Que seront les finances publiques dans un an ? Serons-nous sur le chemin de la convergence ? Quel sera le déficit proposé pour l’année 2011 ? Nous rapprocherons-nous des 3 % ? De tout cela, il est assez difficile de préjuger.
Nos collègues députés, dont je partage la vision et notamment celle de Nicolas Forissier, nous rappellent que ce régime est utile au renforcement des fonds propres des petites et moyennes entreprises. C’est incontestable ! Mais faut-il pour autant anticiper ? Après tout, à chaque jour suffit sa peine !
Par conséquent, madame la ministre, après ces quelques considérations dont j’ai conscience qu’elles sont un peu contradictoires, je me tourne vers vous pour connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement avait donné un avis favorable à cette proposition à l’Assemblée nationale et, bien entendu, il maintient son avis, tout simplement parce que l’argument invoqué par M. Forissier correspond bien à la réalité économique : les entreprises, on ne cesse de le répéter, ont besoin d’un renforcement de leurs fonds propres.
Un certain nombre de canaux sont utilisés pour renforcer les fonds propres des entreprises, en particulier des PME. Or, pour ces dernières, la mesure représente environ 1 milliard d’euros de fonds propres supplémentaires, c’est-à-dire à peu près autant que ce que la mesure « ISF-PME » leur a rapporté.
Il me paraît important de prolonger le dispositif, car cela permet à chacun d’anticiper et de vérifier auprès des apporteurs de fonds, qui sont généralement les mêmes dans les PME du fait de la relation de confiance qui s’instaure, qu’il s’agisse du dispositif « Madelin » ou de la mesure « ISF-PME », que la consolidation des fonds propres se poursuit.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à cette extension dès maintenant.
M. le président. L'amendement n° II-106, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les dispositions de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts sont abrogées.
La parole est à M. Thierry Foucaud
M. Thierry Foucaud. Comme ma collègue Nicole Bricq, je pense que la dépense fiscale prend parfois un caractère surprenant. L’article 199 terdecies-0A du code général des impôts, est l’un des exemples les plus intéressants d’une dépense fiscale importante, puisque supérieure à 300 millions d’euros, dont l’efficacité économique reste à prouver. En effet, l’effet levier des investissements visés est sans doute assez faible.
Bien sûr, nous ne mettons pas en cause les épargnants qui participent aux fonds d’investissement de proximité et aux fonds commun de placement dans l’innovation, structures qui sont concernées par le dispositif.
Mais force est de constater que le coût pour les finances publiques de ce faible dispositif, qui représente un peu moins d’un milliard d’euros de ressources pour nos PME, et au mieux 8 à 10 milliards d’euros en levier, équivaut à celui qui est constaté pour la collecte des livrets défiscalisés, qui drainent, pour leur part, plus de 260 milliards d’euros de crédits à l’économie.
Une solution plus efficace à tous points de vue serait sans doute de concevoir, s’agissant de la collecte du livret de développement durable, une ligne prioritaire destinée à financer les entreprises cibles des fonds d’investissement de proximité et les FCPI.
Au demeurant, cela ne serait pas impossible au moment où la banalisation du livret A a conduit à mettre en œuvre une centralisation plus importante des dépôts, tant du livret A que du livret de développement durable.
Cette solution, nettement moins coûteuse que la disposition que nous proposons de supprimer, serait la bienvenue dans un contexte économique marqué par la raréfaction des crédits aux PME.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cette fois-ci, je n’ai pas d’états d’âme. Il n’est pas souhaitable, surtout sans examen, de supprimer une mesure si utile du jour au lendemain.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 45 quinquies.
(L'article 45 quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 45 quinquies
M. le président. L'amendement n° II-271, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 45 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, il est inséré un 2 ter ainsi rédigé :
« 2 ter. À compter du 1er janvier 2011, pour l'application du 1 et du 2 du présent article, les charges d'intérêts liées à l'émission d'emprunts par une société sont admises, en déduction pour le calcul du bénéfice net, dans la limite de 50 % du montant émis et de 50 % du bénéfice avant charges d'intérêts liées à l'émission d'emprunts. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Le système fiscal actuel encourage les entreprises à la sous-capitalisation en leur permettant de déduire les intérêts d’emprunt de leur bénéfice imposable, sans plafonnement. Pour bénéficier d’une telle déduction, l’acquisition d’une société par de la dette remboursable est financée par les résultats futurs de la société acquise au travers des distributions de dividendes, ce qui limite les capitaux propres.
Avec un tel système, un entrepreneur a tout intérêt à ne pas réinvestir ses bénéfices et à s’endetter afin de réduire l’assiette de son impôt. Ce phénomène a été mis en évidence depuis longtemps, dans les années quatre-vingt.
Plus récemment, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires d’octobre 2009 a montré que les solutions proposées jusqu’à maintenant n’étaient pas suffisantes pour renforcer les fonds propres des entreprises. Les réductions fiscales mises en place pour inciter les particuliers à investir dans les PME n’ont pas permis à celles-ci d’augmenter leurs fonds propres. L’afflux de capitaux a davantage bénéficié aux cessions et aux successions qu’aux créations d’entreprises ou à leur développement.
L’amendement que nous présentons vise donc à limiter les avantages d’un financement lié à l’emprunt à compter de 2011 – il faut en effet laisser le temps nécessaire aux agents économiques de s’adapter – en plafonnant à 50 %, d’une part, la déductibilité des sommes empruntées et, d’autre part, la réduction d’assiette liée à cet emprunt.
En résumé, pour bénéficier de la déduction des intérêts d’emprunt du bénéfice imposable sans plafonnement, cet amendement prévoit que l’acquisition d’une société par de la dette remboursable ne soit plus financée par les résultats futurs de la société acquise au travers de distribution de dividendes et qu’un mécanisme permettant de renforcer les capitaux propres lui soit préféré. Il s’agit de rendre moins intéressant l’emprunt et la déductibilité des intérêts qui y est attachée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est un peu perturbée : tantôt il faut interrompre le régime des investissements en fonds propres, tantôt il faut éviter de trop avantager fiscalement le financement par l’emprunt.
Mme Nicole Bricq. Mais ce régime est pervers !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Dans ces conditions, que doit faire la malheureuse entreprise ? Doit-elle se tourner vers les investissements ou vers l’emprunt ?
M. Claude Haut. Elle n’est pas malheureuse !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout dépend lesquelles, mon cher collègue ! Après tout, il vaudrait peut-être mieux que les taux de fiscalité soient beaucoup plus bas et que tous ces régimes particuliers disparaissent.
Je reviens à la question posée par Mme Bricq, qui est fort intéressante.
Si ma mémoire est bonne, madame la ministre, ce sujet a dû être examiné, parmi d’autres, dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires, dont vous avez été chargée.
La déductibilité des intérêts versés peut créer un biais dans les modes de financement et renforcer la tendance, très fréquente en France, notamment dans les petites ou moyennes entreprises, de se tourner davantage vers la banque pour trouver un bon endettement plutôt que d’ouvrir son capital et donc de partager son pouvoir avec d’autres. Ce régime n’est-il pas légèrement pervers ?
En outre, dans un contexte de concurrence fiscale accrue, la déductibilité telle qu’elle est pratiquée incite effectivement les multinationales à sous-capitaliser leurs filiales dans les pays où le taux d’impôt sur les sociétés est le plus élevé dans la mesure où les charges d’intérêt viendront en déduction de leurs résultats imposables.
On peut imaginer que des politiques d’allocation des fonds propres dans les groupes soient influencées par cette réalité. À telle enseigne que certains États ont modifié leur législation. Si je ne me trompe, l’Allemagne a mis en place, en 2008, simultanément à la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, un plafonnement à hauteur de 30 % de la déductibilité des charges d’intérêt net des produits au-delà d’un montant de 1 million d’euros.
À ce stade, la commission n’a pas de conviction bien établie. Elle souhaiterait donc vous entendre, madame la ministre, tout en considérant que la question posée est utile et qu’elle pourrait alimenter des réflexions ultérieures.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Madame Bricq, la question que vous posez mérite en effet une réflexion approfondie. En attendant, je ne suis pas favorable à votre amendement pour deux raisons.
La première est que notre droit fiscal dispose déjà d’un certain nombre d’armes anti-abus. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2007, applicable à compter du 1er janvier 2008, a créé un dispositif appelé « anti sous-capitalisation », qui limite la déductibilité des charges financières supportées par les entreprises sous-capitalisées. En outre, l’amendement « Charasse », aménagé en 2005 et 2006, limite également cette déductibilité en cas d’achat par l’entreprise de ses propres titres et dans certaines conditions.
Comme vous le voyez, il existe déjà des outils permettant d’éviter à une entreprise de s’endetter excessivement au détriment du renforcement de ses fonds propres.
La seconde raison est que votre amendement fait référence à un plafonnement de « 50 % du montant émis ». Je suppose que votre intention était plutôt de viser « 50 % des intérêts ». L’amendement tel qu’il est rédigé ne me paraît donc pas correspondre exactement à l’objectif que vous poursuivez.
Je suis tout à fait ouverte à l’idée d’un débat pour approfondir la question, monsieur le rapporteur général, à la lumière de notre souhait, à savoir privilégier le renforcement des fonds propres au détriment d’un endettement parfois excessif.
Quoi qu’il en soit, cette année, les entreprises ont fait beaucoup moins appel à l’endettement et davantage au marché obligataire, y compris les petites et moyennes entreprises pour lesquelles l’accès au marché Alternext en particulier a constitué une bonne alternative. Il en est bien souvent résulté un renforcement de leurs fonds propres.
M. le président. Madame Bricq, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. Mme la ministre s’oppose à cet amendement, notamment parce qu’il ne lui paraît pas techniquement parfait. Je veux bien en convenir, car mon objectif était avant tout de souligner un problème et de tenter d’y voir clair. C’est en effet notre rôle de parlementaire d’évaluer les dispositifs et de les contrôler.
Cela étant, j’accepterai de retirer cet amendement si j’ai l’assurance que nous travaillerons ensemble sur ce sujet au sein de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je confirme à Mme Bricq que ce sujet pourrait en effet s’intégrer dans notre programme de travail des prochains mois.
M. le président. Que décidez-vous finalement, madame Bricq ?
Mme Nicole Bricq. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-271 est retiré.
L'amendement n° II-272, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 45 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport d'évaluation du crédit d'impôt recherche est transmis au Parlement avant le 30 juin 2010.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, quand vous êtes arrivée aux responsabilités, vous avez engagé une réforme en profondeur du crédit d’impôt recherche, mécanisme qui existait depuis fort longtemps, en expliquant que c’était essentiel.
Notre collègue Christian Gaudin, rapporteur spécial de la commission des finances, nous a présenté un rapport d’étape sur le crédit d’impôt recherche. Malheureusement, en raison du secret fiscal, il n’a pas eu accès à l’identité des bénéficiaires et a dû se contenter d’interroger quelques entreprises et administrations. Il nous a également indiqué que la mesure de remboursement anticipé du crédit d’impôt recherche inscrite dans le plan de relance brouillait un peu la vision de la situation.
Nous lisons régulièrement dans des journaux économiques sérieux que le crédit d’impôt recherche bénéficierait davantage aux grandes entreprises de services ayant des filiales industrielles. Cette mesure coûte quand même 2 milliards d’euros environ. M. le rapporteur général a même estimé que, en période de croisière, elle reviendrait à 4 milliards d’euros. Or est-ce que le crédit d’impôt recherche bénéficie vraiment à l’industrie ? Rien ne nous permet de le dire aujourd’hui. À quelles industries ? On ne le sait pas.
Même si nous avons certainement besoin de recul, nous devons avoir une vision claire de ce dispositif et savoir à qui il profite. Voilà pourquoi un rapport d’évaluation doit être remis au Parlement. Au reste, Mme Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, s’est engagée à rédiger tous les ans un rapport concernant le crédit d’impôt recherche.
Ce rapport nous sera certainement bien utile, même s’il ne doit pas nous empêcher de mener notre mission de contrôle et d’évaluation, comme l’a fait notre collègue Christian Gaudin.
Il faudra aussi que le débat sorte du seul cadre et la commission des finances et devienne public.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai déposé cet amendement au nom du groupe socialiste.