Mme Nicole Bricq. Ce sera pour la prochaine fois !
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° II-383 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-383 est retiré.
Je mets aux voix l'article 45.
(L'article 45 est adopté.)
Article additionnel après l'article 45
M. le président. L’amendement n° II-255 rectifié, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa du II de l'article 1408, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Les habitants des logements sociaux des zones sensibles bénéficiant du programme national de rénovation urbaine prévu par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, exonérés auparavant de taxe d'habitation et relogés pour cause de destruction et rénovation de quartiers. »
2° L'article 1414 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« V. - Les contribuables dont la résidence principale était située dans les logements sociaux en zone sensible bénéficiant du programme national de rénovation urbaine prévu par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et relogés pour cause de destruction et rénovation de leur quartier bénéficient d'un dégrèvement égal à la différence entre le montant de la nouvelle taxe d'habitation exigée et le montant dont ils s'acquittaient. »
II. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une augmentation des taxes locales.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
M. Michel Charasse. Très bon amendement, qui pose un vrai problème !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’ai envisagé un instant de le reprendre.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Nous avons été confrontés, hier, à un cas similaire : on nous a expliqué que, pour être repris, un amendement devait être présenté. En l’occurrence, cet amendement ne peut être repris, car son auteur ne l’a pas soutenu !
M. le président. Je vous rappelle, madame Bricq, que la commission peut déposer des amendements à tout moment.
Mme Nicole Bricq. Alors, ce n’est pas une reprise d’amendement !
M. le président. C’est inscrit dans le règlement, et vous pouvez compter sur moi pour l’appliquer !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Article 45 bis
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À l’article 80 quinquies, les mots : « qui, mentionnées au 8° de l’article 81, sont allouées aux victimes d’accidents du travail et de celles » sont supprimés ;
2° Au 8° de l’article 81, après le mot : « temporaires, », sont insérés les mots : « pour la part qui excède la fraction du gain journalier de base mentionné à l’article L. 323-4 du code de la sécurité sociale, les ».
II. – Le I s’applique aux indemnités versées à compter du 1er janvier 2010.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l’article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en arrivons à l’examen d’un article qui a déjà fait couler beaucoup d’encre ; au Sénat, le débat n’est pas nouveau, mais je dois avouer qu’il me choque toujours autant, comme il choque nos concitoyens : il suffit pour s’en convaincre de lire le sondage publié ce matin dans Le Parisien.
Il s’agit, en l’occurrence, de fiscaliser les indemnités journalières perçues par les victimes d’accidents du travail, au nom d’une prétendue équité fiscale. Le gain attendu est de 150 millions d’euros, c’est-à-dire une goutte d’eau.
Cette mesure est d’autant plus choquante que, depuis 2007, notre système fiscal n’a jamais été aussi injuste : le bouclier fiscal remet en cause l’un de ses principes fondamentaux, celui de l’universalité de l’impôt ; il protège les plus riches de nos concitoyens alors que, dans le même temps, les salariés malades ne cessent d’être taxés, au travers notamment des franchises médicales, de la hausse du forfait hospitalier et des déremboursements de médicaments, autant de mesures qui pèsent de plus en plus sur les ménages modestes.
Mais, en fait, le problème n’est pas fiscal, il est juridique. Comme l’a justement écrit notre collègue Gérard Dériot dans son rapport relatif aux accidents du travail et maladies professionnelles, à propos du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, « l’idée de soumettre à l’impôt sur le revenu les indemnités journalières perçues au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle repose sur une analogie que l’on peut qualifier de trompeuse car le régime applicable aux indemnités servies par l’assurance maladie ne peut être de la même nature que celui qui est applicable aux sommes versées par la branche AT-MP ».
En effet, l’assurance maladie indemnise un risque social, sans faute imputable, et a pour but de maintenir un niveau de revenu jusqu’à la guérison et le retour à un emploi rémunéré. La branche AT-MP a été créée, quant à elle, pour rembourser un préjudice dont la responsabilité est présumée imputable à l’employeur. Il est apparemment bon de vous rappeler ce principe, qui est l’un des piliers de notre système de protection sociale depuis la loi de 1898, texte qu’il faudra peut-être moderniser. C’est la garantie d’une indemnisation sans recours à une procédure contentieuse qui justifie son caractère forfaitaire.
Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que les victimes d’accidents du travail sont bien des victimes ; en conséquence, les indemnités qu’elles perçoivent à ce titre ne doivent pas, même lors d’une interruption temporaire d’activité, relever d’un traitement fiscal différent de celui des autres indemnités obtenues, par exemple, à l’occasion d’un accident de la circulation.
C’est d’ailleurs ce que prévoit explicitement l’article 885 K du code général des impôts, qui dispose : « La valeur de capitalisation des rentes ou indemnités perçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie est exclue du patrimoine des personnes bénéficiaires ou, en cas de transmission à titre gratuit par décès, du patrimoine du conjoint survivant ». Il est donc contraire à la nature de ces indemnités versées au titre de la branche AT-MP qu’elles soient soumises à l’impôt sur le revenu, à l’inverse des autres prestations de sécurité sociale.
Je pourrais m’arrêter là, mais puisque vous voulez parler d’équité, mes chers collègues, je souhaite tout de même vous rappeler que les indemnités journalières visées par cet article 45 bis présentent un caractère forfaitaire limité à 60 % du salaire plafonné, et à 80 % à partir du 29e jour, alors que les autres victimes de dommages corporels ont droit à une réparation intégrale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne le savent pas !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ces indemnités ne compensent donc que très partiellement la perte de rémunération due à l’accident, et leur défiscalisation contribue à atténuer la perte de revenu ainsi engendrée. C’est ça, l’équité !
À l’inverse, et comme le note très justement M. Marini dans son rapport, « [...] le dispositif adopté par l’Assemblée nationale pourrait entraîner de fortes disparités de traitement entre les assurés. En effet, compte tenu des différences de calcul [...], la part de l’indemnité journalière-accident du travail équivalant à l’indemnité journalière maladie qui sera in fine imposée variera fortement d’un assuré à l’autre. Ainsi, par exemple, selon les données transmises par le ministère du budget, un salarié touchant une rémunération inférieure au plafond de la sécurité sociale sera fiscalisé à hauteur de 83 % du montant de l’indemnité journalière-accident du travail qu’il recevra, contre 28 % s’agissant d’un salarié dont la rémunération est trois fois supérieure à ce plafond ».
Une fois de plus, les salariés dont les revenus sont les plus faibles seront les plus pénalisés. Bien souvent, ces mêmes salariés sont les plus exposés au risque d’accident du travail, que ce soit dans le secteur des travaux publics, de la manutention, etc. Comment peut-on parler d’équité, alors qu’il s’agit en fait d’une double peine pour ces travailleurs ?
Je conclus en vous rappelant que votre projet fait l’unanimité contre lui. Comme l’a reconnu le MEDEF lui-même – que je cite pourtant rarement ! –, si ces indemnités devaient être soumises à l’impôt, les organisations syndicales paraîtraient fondées – et elles le seront ! – à revendiquer une hausse du montant alloué aux salariés, ce qui ne manquerait pas d’engendrer un accroissement des cotisations des employeurs et, partant, – pour reprendre votre credo, monsieur le ministre ! – une perte de compétitivité des entreprises. Voilà pourquoi le MEDEF est contre ce projet, de même que l’ensemble des organisations syndicales, les associations de victimes et le Conseil économique, social et environnemental !
Alors que, sur tous les sujets, le Gouvernement prône le développement du dialogue social et de la concertation avec les partenaires sociaux, en l’occurrence, aucune concertation n’a été engagée avec eux. Vous me permettrez, en tant que président de la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail, de me demander ce qu’il y a de cohérent dans la démarche consistant à annoncer que l’on veut travailler « main dans la main » avec les partenaires sociaux sur la question du mal-être au travail et, dans le même temps, à ne pas les concerter sur la principale conséquence de la souffrance au travail : l’arrêt de travail.
Nous souhaitons donc que l’article 45 bis soit supprimé et que s’ouvre un véritable dialogue avec toutes les organisations professionnelles concernées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Thierry Foucaud. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l’article.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le ministre, vous avez déclaré devant l’Assemblée nationale, s’agissant de l’imposition des indemnités journalières des accidentés du travail, ne pas comprendre « pourquoi toutes les indemnités sont fiscalisées et pas celles-ci ».
L’incompréhension que vous manifestez ici ne peut être, de mon point de vue, qu’un symptôme de fatigue, de surmenage ou les effets secondaires de l’action en service commandé. Dans un souci de bonne pratique républicaine, je vais donc à mon tour rappeler les raisons de cette exonération.
À la différence des indemnités versées en cas d’arrêt maladie ou de congé maternité, les indemnités pour accidents du travail ne sont pas fiscalisées, car ce sont non pas des revenus de remplacement du travail, comme vous l’affirmez, mais bien des revenus de réparation. Quand vous subissez un préjudice – et les accidents du travail sont clairement un préjudice ! –, vous obtenez une réparation ; ce qui n’est pas le cas pour la maladie ou la grossesse. Il y a là une différence de nature (M. le ministre fait un signe de dénégation) et, en France, la réparation n’est pas fiscalisée.
Dans son avis, le bureau du Conseil économique, social et environnemental ne s’y est pas trompé : « [...] les victimes d’accidents du travail demeurent des victimes et les indemnités qu’elles perçoivent à ce titre ne doivent pas [...] relever d’un traitement fiscal différent de celui des indemnités obtenues, par exemple, à l’occasion d’un accident de la circulation ». On ne peut être plus clair !
C’est d’ailleurs en cela que votre projet est moralement scandaleux, et j’y insiste : vouloir taxer les indemnités des accidentés du travail revient à nier leur statut de victimes. Et nier ce statut, c’est tenter de remettre en cause la responsabilité a priori de l’entreprise, telle qu’elle est définie dans notre droit depuis la loi de 1898. Ainsi, au détour de ce petit amendement budgétaire, dont on claironne qu’il est l’incarnation même de l’équité,...
Mme Nicole Bricq. Quelle honte !
Mme Raymonde Le Texier. ... ce n’est rien de moins que l’un des principes fondamentaux de notre droit social que vous attaquez.
Comme nous le savons tous, le régime des indemnités pour accident du travail est un régime forfaitaire qui ne couvre que 60 % à 80 % du salaire plafonné. Cela signifie que, dans un contexte difficile, souvent chargé de souffrances physiques et psychologiques, qui s’accompagnent d’une large augmentation des frais médicaux et, quelquefois, des frais d’aménagement de vie, l’on ne perçoit plus qu’une fraction de ses revenus habituels. Dès lors, le Conseil économique, social et environnemental estime qu’il serait « injuste de stigmatiser » les accidentés du travail et rappelle que « la défiscalisation contribue à atténuer la perte de revenu » due à l’accident. Ce n’est donc ni par hasard ni par iniquité que les indemnités d’accidents du travail ne sont pas imposables ! Cette exonération est à la fois une compensation et une partie essentielle de la réparation.
En outre, ce que l’on sait moins, c’est que les accidentés du travail sont également pénalisés en matière de droits à retraite, car les périodes d’arrêt consécutives à un accident du travail sont exclues de l’assiette des cotisations. À la perte de revenus s’ajoute donc la perte de temps cotisé.
Enfin, si tous ces arguments ne suffisaient pas à vous éclairer, monsieur le ministre, je vous en présente un dernier.
Reprenant les chiffres transmis par votre ministère, le rapport de notre collègue Philippe Marini est sans équivoque : « [...] un salarié touchant une rémunération inférieure au plafond de la sécurité sociale sera fiscalisé à hauteur de 83 % du montant de l’indemnité journalière-accident du travail qu’il recevra, contre 28 % s’agissant d’un salarié dont la rémunération est trois fois supérieure à ce plafond ».
Autrement dit, les moyens et bas salaires seront trois fois plus imposés que les hauts revenus ! Cette mesure, à l’opposé de toute équité, est d’une injustice sociale patente ! Ce sont encore les petits revenus et ce qu’il reste des classes moyennes, cette France qui se lève tôt, que vous entendez ponctionner, quand les détenteurs du sacro-saint bouclier fiscal continueront de bénéficier de leur immunité !
Force est de noter qu’en l’an III de la présidence Sarkozy, ce n’est plus seulement la droite décomplexée qui est à l’œuvre, c’est aussi l’injustice sociale qui est célébrée.
Les élus socialistes vous demandent solennellement, monsieur le ministre, de retirer cette mesure du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l’article.
M. Martial Bourquin. À travers cet article, nous avons un aperçu très significatif de vos priorités budgétaires.
Je dois vous le dire, je suis outré par le cynisme dont vous faites preuve.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. N’en faites pas trop ! (M. François Trucy opine.)
M. Martial Bourquin. Il n’y a pas de petites économies, me direz-vous.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il y a des mots vraiment excessifs !
M. Martial Bourquin. Oui, je suis outré, monsieur Marini, quand je pense à toutes celles et ceux qui sont victimes d’accidents du travail et qui apprennent de telles nouvelles !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Alors, c’est vous qui avez le monopole du cœur ; c’est toujours la même histoire ! (Sourires.)
M. Martial Bourquin. Nous parlons de questions très sérieuses ! Je trouve assez scandaleux qu’une telle mesure arrive aujourd’hui au Sénat...
Vous dites qu’il faut rétablir l’égalité entre les salariés. Or un salarié peut-il imaginer, un seul instant, qu’une telle mesure a pour objectif d’instaurer une quelconque égalité ?
Cette mesure ne servira qu’à financer les très coûteuses priorités budgétaires défendues par le candidat à la présidence de la République en 2007.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Pour financer le bouclier fiscal, bien sûr ! Et la loi TEPA, tant qu’on y est...
M. Martial Bourquin. Mais évidemment !
Mme Raymonde Le Texier. Et les niches fiscales !
M. Martial Bourquin. De même que les niches fiscales, en effet !
Monsieur le ministre, nous sommes tout prêts à vous aider à y voir clair et à faire des économies. Nous vous proposons, par exemple, de remettre en cause le bouclier fiscal.
Je suis élu d’un bassin d’activité industrielle où les pertes d’emplois et les licenciements sont très nombreux. Et, pendant ce temps, la défiscalisation des heures supplémentaires – qui est un authentique scandale ! – est toujours à l’œuvre...
S’il y a des économies à trouver, c’est bien en supprimant ces lois iniques, et non en s’en prenant aux salariés victimes d’accidents du travail !
La France qui vous intéresse, ce n’est pas la France qui se lève tôt et qui travaille plus, c’est la France qui se tait et accepte, la France qui se résigne.
Ce qui me préoccupe encore plus, c’est que cet article tend ni plus ni moins à banaliser complètement les accidents du travail, en soumettant les indemnités compensatrices y afférentes au même régime fiscal que les autres revenus. Cette banalisation en elle-même est insupportable.
Les professions les plus fréquemment touchées par les accidents du travail sont souvent très dangereuses, comme celles du bâtiment. Quant aux salariés qui exercent ces métiers, ils sont souvent usés avant l’âge et travaillent dans des conditions déplorables...
M. Martial Bourquin. C’est à eux que l’on s’attaque aujourd’hui ! (M. le ministre soupire.) Adopter cet article reviendrait à s’en prendre à ceux qui travaillent le plus durement, dans des conditions qui sont, je le répète, déplorables.
Nicole Bricq a fait des propositions, tout à l’heure, pour dégager de véritables économies, en s’attaquant au bouclier fiscal et à la loi TEPA. Or personne, à droite, ne l’a suivie, car il faut respecter les engagements du Président de la République.
Cette proposition est une honte ! J’ai eu des mots assez durs, tout à l’heure ; j’ai parlé notamment de cynisme... Cet article 45 bis, en tout état de cause, s’apparente bel et bien à du cynisme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai ! Il dit la vérité !
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. Par cet article, vous voulez supprimer la défiscalisation des indemnités journalières versées par la sécurité sociale aux salariés victimes d’un accident de travail.
Cette suppression est à la fois une mesure indécente et très injuste, ainsi qu’un message de mépris envers les victimes du travail. Elle pourrait même se révéler être une erreur politique, si l’on en croit un sondage paru ce matin, selon lequel 65 % de nos concitoyens, dont plus de 70 % des salariés, toutes professions confondues, y sont opposés.
De plus, elle est relayée par une communication basée sur une analyse délibérément tronquée du dispositif. En effet, pour justifier cette réforme, vous n’hésitez pas à parler de « mesure d’équité » envers l’ensemble des salariés, ou encore « d’anomalie fiscale » qu’il faut au plus vite corriger. Et pour étayer votre raisonnement, vous soulignez que les indemnités journalières versées en cas de maladie ou de maternité sont déjà fiscalisées. Ainsi, les accidentés du travail seraient des privilégiés !
Cependant, en raisonnant ainsi, vous feignez d’oublier que les salariés qui se voient attribuer ces indemnités journalières ont été victimes d’un accident du travail et que ces femmes et ces hommes ont subi un dommage corporel ou un préjudice ouvrant droit à réparation.
Les indemnités journalières acquittées en raison d’un accident du travail ne sont pas de simples « revenus de remplacement », comme le sont celles qui sont versées en cas de maladie ou de maternité. Elles revêtent un double caractère : il s’agit d’un revenu de remplacement et de la réparation d’un préjudice subi. Vouloir les aligner sur le régime des autres indemnités journalières, c’est nier cette réparation ; cela revient aussi à vous en prendre aux victimes plutôt qu’aux personnes responsables des conditions de travail.
Faut-il vous rappeler que depuis la mise en place du régime d’indemnisation des « mutilés du travail » en 1898 les victimes d’accident du travail n’ont droit qu’à une réparation forfaitaire ? C’est le résultat d’un compromis : la preuve de l’accident sur le lieu de travail est facilitée, mais l’indemnisation n’est que forfaitaire. Comme ces indemnités ne réparaient que partiellement les préjudices subis, il avait alors été décidé de ne pas les fiscaliser. Voila la raison d’être de cette mesure : compenser une inégalité d’indemnisation !
Si maintenant vous entendez intégrer ces indemnités dans le calcul de l’impôt sur le revenu, il faudrait alors que les entreprises assument la réparation intégrale du préjudice subi.
Mme Raymonde Le Texier. C’est pour ça que le MEDEF est contre !
M. Bernard Vera. De plus, vous ne pouvez pas oublier que derrière un accident du travail, il y a une faute, une négligence ou, en tout cas, une très mauvaise organisation du travail imputable à l’employeur ; c’est une situation très différente de la maladie ou de la maternité. Or selon les principes de la responsabilité civile, celui qui subit un préjudice causé par la faute d’un autre a droit à une réparation intégrale de son dommage.
Votre méthode est bien rodée : présenter partiellement le dispositif pour mieux faire accepter la réforme, sous couvert d’équité, d’égalité ! Mais vous invoquez toujours ces notions à sens unique, pour réduire un droit, dans un perpétuel nivellement par le bas.
Vous avez utilisé le même raisonnement pour remettre en cause la majoration des durées d’assurance dont bénéficient les femmes en matière de retraite : réduire leur droit, pour, prétendument, faire avancer celui des hommes...
Alors que les niches fiscales et sociales représentent encore 120 milliards à 130 milliards d'euros, alors que la mesure proposée ne devrait rapporter que 150 millions d’euros, pourquoi lancer un tel signal de mépris envers les travailleurs et les victimes du travail ? Est-ce vraiment ainsi que vous pensez récompenser la valeur travail ?
En revanche, et toujours au nom de la valeur travail, vous défiscalisez les revenus obtenus suite à l’accomplissement d’heures supplémentaires. Dans ce cas, la défiscalisation vous convient. Vous avez l’égalité sélective !
On l’aura bien compris : selon la politique que vous menez, tant que l’on peut travailler et que l’on est en bonne santé, on est intéressant et encouragé. Mais si un jour on est malade ou accidenté, même si c’est à la suite d’un trop long travail ou de l’exercice de son métier dans des conditions dangereuses pour la santé, on perd alors toute valeur !
Il existait pourtant un consensus à l’égard du régime que vous voulez remettre en cause. Vouloir le modifier est indécent. Décidément, ce gouvernement ose tout ! C’est pourquoi les membres du groupe CRC-SPG voteront contre l’article 45 bis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° II-105 est présenté par Mme David, M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° II-172 rectifié quater est présenté par MM. Collin, Charasse, Mézard, Plancade, Tropeano, Alfonsi, Vendasi et Chevènement.
L'amendement n° II-261 est présenté par MM. Godefroy, Sueur et Patriat, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud pour présenter l’amendement n° II-105.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement tend à la suppression de l’article 45 bis qui, comme l’ont rappelé nos collègues, comporte une mesure particulièrement injuste, obscène et inacceptable : la fiscalisation des indemnités journalières perçues en cas d’accident du travail.
D’un côté, vous voulez faire adopter cette mesure et, de l’autre, vous refusez de taxer les parachutes dorés.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ah !
M. Thierry Foucaud. Telle est la réalité, monsieur le rapporteur général !
Le salarié blessé, accidenté était déjà perdant, ce qui est anormal. Aujourd’hui, la droite va plus loin que la droite, si je puis dire, et durcit sa politique ultralibérale en proposant de taxer l’accidenté, alors que ce dernier devrait toucher davantage que son indemnité en guise de réparation.
Selon nous, votre proposition est une véritable provocation. Nous en sommes outrés. Cette mesure rapporterait 150 millions d’euros. Or parallèlement, comme l’a rappelé Bernard Vera, les niches fiscales, dont le nombre dépasse cent soixante, représentent plus de 70 milliards d’euros de recettes qui pourraient être ajoutées au budget.
Bernard Vera a également rappelé le sondage paru aujourd’hui dans un journal. Relevons aussi la position de la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, la position, unanime, des organisations du travail et la position de certaines personnalités de droite. Ainsi Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, considère que cette mesure est « une erreur politique, humaine et sociale ». Je partage ce point de vue.
En 2007, chaque jour, deux salariés ont péri à la suite d’un accident du travail. Depuis 1995, le nombre des maladies professionnelles reconnues a doublé. D’ici à 2020, on dénombrera, selon certaines estimations, le décès de 80 000 à 100 000 salariés exposés à l’amiante et qui auront développé de ce fait un cancer.
Je voudrais maintenant vous citer un propos entendu lors de l’inhumation d’un salarié tué sur son lieu de travail. Le prêtre citait la Jeunesse ouvrière chrétienne : « la vie d’un travailleur vaut mieux que tout l’or du monde ». Bien sûr, je fais mienne cette citation, loin des pensées de certains, et qui se suffit à elle-même.
Je veux également souligner les propos mensongers tenus par M. Copé.
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas perdre de vue la vie, tout simplement. Or souvent, la vie n’est plus jamais comme avant lorsqu’une personne a eu la jambe ou les bras broyés lors d’un accident du travail, a dû faire face à un cancer, aux douleurs, aux opérations. Des couples se défont. La mort survient parfois.
Dans notre société, les conditions de travail tuent en toute impunité. Face à cela, vous voulez taxer les accidentés du travail.
La mesure rapportera 150 millions d’euros. La défiscalisation des heures supplémentaires coûte, quant à elle, 4 milliards d’euros. Vous savez que les heures supplémentaires ont un coût pour la sécurité sociale en raison de la survenance d’accidents du travail supplémentaires. (Mme Catherine Procaccia s’impatiente.)
On pourrait croire que votre proposition consiste à taxer de 150 millions d’euros les salariés accidentés pour donner toujours aux mêmes et augmenter, en quelque sorte, leurs profits.
Malgré le scandale que provoque cette disposition, vous semblez vouloir l’adopter par pure idéologie, pour montrer que vous êtes capables de tout oser.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC-SPG s’opposent à cette proposition et demandent la suppression de l’article 45 bis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)