M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela suscite inévitablement des effets pervers !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous devons donc être très attentifs aux mécanismes que nous instituons.
Par ailleurs, comme M. le ministre l’a souligné à juste titre, d'une part, ni l’ARF ni aucune autre association n’ont été interrogées sur cette disposition, ce qui, pour le coup, fait une différence avec l’amendement n° II-195 rectifié, et, d'autre part, le Comité des finances locales n’a pas été consulté (M. le rapporteur spécial se récrie) ou du moins n’a pas donné son accord, même s’il a beaucoup travaillé sur ce sujet difficile, tout comme vous d'ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, je vous en donne acte.
Enfin, et je rejoins ici les propos de M. le ministre, il me paraît très difficilement acceptable, en l’espèce, qu’un décret définisse les modalités d’une péréquation censée bénéficier à quatorze régions mais pas aux huit autres.
Les critères en la matière relèvent de la loi et non du décret : ce doit être pour nous une exigence absolue.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Dans certains cas, le législateur ne peut déléguer sa compétence au pouvoir réglementaire, et l’inverse est vrai aussi.
En l’occurrence, le législateur doit fixer la proportion de cette péréquation et ne pas se contenter de renvoyer à un décret. De ce point de vue, l’amendement n° II-12 rectifié ne me semble pas conforme aux règles constitutionnelles aujourd'hui en vigueur.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Comme nous devons nous réunir samedi prochain pour évoquer un certain nombre de sujets, j’ai pris le soin de relire un amendement, qui doit être présenté par M. Philippe Marini, au nom de la commission des finances, et dont l’une des dispositions est ainsi rédigée :
« Avant le 1er juin 2010, le Gouvernement transmet à l’Assemblée nationale et au Sénat un rapport qui […] étudie l’architecture et l’articulation des dispositifs de péréquation verticale abondés par des dotations de l’État et de péréquation horizontale entre collectivités […] ».
Ne serait-il pas dommageable de traiter de cas particuliers aujourd'hui, alors que nous allons demander au Gouvernement de réaliser pour nous une analyse générale des problèmes de péréquation tant horizontale que verticale dont, si j’ai bien compris, M. le ministre nous a déjà apporté quelques éléments, notamment en termes de simulations ?
Dans le même amendement, nous préciserons également que : « Au vu de ce rapport, et avant le 31 juillet 2010, la loi précise et adapte le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales […] »
Mes chers collègues, peut-être faudrait-il patienter encore six mois pour régler les problèmes de l’Auvergne ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-12 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. J’ai bien entendu les arguments tenant à l’inconstitutionnalité du dispositif. Surtout, je comprends le point de vue de M. le président de la commission des lois, pour qui il faudrait éviter de renvoyer au décret le soin de fixer une telle proportion.
Toutefois, je le rappelle, cet amendement de la commission des finances est issu d’un rapport parlementaire, qui s’appuyait sur six mois de travaux au cours desquels nous avons pu constater que les critères d’attribution posaient de véritables difficultés !
Mes chers collègues, aujourd'hui, c’est l’Auvergne qui est perdante, mais, demain, avec les critères actuels, d’autres régions seront victimes de ce dispositif : si elles ont le malheur de voir leur population augmenter plus lentement que la moyenne nationale, elles bénéficieront d’une moindre péréquation régionale. C’est un simple constat auquel je voudrais vous rendre attentifs.
Il faut donc trouver une solution, me semble-t-il. Monsieur le ministre, n’oublions pas que nous aurons aussi à examiner bientôt un collectif budgétaire. Peut-être pourrions-nous, ensemble, en lien avec vos services, réfléchir à une solution viable, qui pourrait être proposée à cette occasion ?
Comme j’ai entendu les arguments qui m’étaient opposés, je retire cet amendement, monsieur le président, mais le problème subsiste et, pour l’Auvergne, ce sont 11 millions d'euros de perdus !
M. le président. L'amendement n° II-12 rectifié est retiré.
Madame André, l'amendement n° II-195 rectifié est-il maintenu ?
Mme Michèle André. D’ici à six mois, nous aurons peut-être eu le temps de réfléchir utilement.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-195 rectifié est retiré.
Article 58 bis (nouveau)
Le 5° de l’article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° La première phrase est complétée par les mots : «, y compris, le cas échéant, les communes insulaires situées dans les surfaces maritimes classées en parc naturel marin, mentionné à l’article L. 334-3 du code de l’environnement » ;
2° La deuxième phrase est complétée par les mots : « ou lorsqu’il s’agit de la part d’une commune insulaire située dans une surface maritime classée en parc naturel marin, mentionné à l’article L. 334-3 du code de l’environnement ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 58 bis
M. le président. L'amendement n° II-182, présenté par MM. Patient, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport relatif aux modalités de prises en compte, pour la répartition de la dotation de base de la dotation globale de fonctionnement, de la population réelle des départements d'outre mer. Le rapport précise les possibilités de prise en compte des populations habitants dans des logements illégaux et des personnes en situations irrégulières.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis pour l’occasion spécialiste de l’outre-mer, puisque, comme vous le savez, nos collègues originaires de ces territoires sont retenus par des débats dans leurs collectivités !
D'ailleurs, si vous le voulez bien, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos II-182 et II-183 rectifié, dont les dispositions sont proches.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
J’appelle donc également en discussion l’amendement n° II-183 rectifié, présenté par MM. Patient, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport précisant les possibilités de prise en compte, pour la répartition de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement des collectivités territoriales de Guyane, du revenu moyen par habitant, des dépenses scolaires ainsi que des particularités géographiques de ces collectivités.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Pierre-Yves Collombat. Je vais m’attirer les foudres de M. Sueur et de M. Doligé, puisqu’il sera question ici, une fois de plus, de critères et, nous le savons, il y en a déjà beaucoup. Mais nous nous efforçons de tenir compte des particularités territoriales, qui sont fortes outre-mer.
Si l’amendement n° II-82 était adopté, un rapport serait établi, afin de nous éclairer sur la meilleure prise en compte de la population de ces territoires, où de nombreuses personnes vivent dans des logements plus ou moins légaux. Cette situation n’est pas propre à ces territoires, mais le phénomène prend là-bas des proportions tout à fait considérables.
L’amendement n° II-183 traite de manière plus spécifique de la situation de la Guyane, puisque ce département présente la particularité, malheureusement, d’être celui où le produit intérieur brut par habitant est le plus faible et le taux de pauvreté le plus élevé.
Il s'agirait donc de retenir des critères plus spécifiques, comme le revenu moyen par habitant, les dépenses scolaires, compte tenu de l’augmentation forte de la population en âge d’aller à l’école, et certaines particularités géographiques, puisque 58 % de la population guyanaise sont concentrés sur 6 % du territoire, les autres habitants du département se trouvant dispersés dans des zones très difficiles d’accès, que l’on rejoint essentiellement par voie fluviale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos II-182 et II-183 rectifié ?
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Les auteurs de l’amendement n° II-182 proposent que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les modalités de recensement de la population réelle des départements d’outre-mer, qui sert notamment de base au calcul de la DGF.
En soulevant ce problème, les auteurs de cet amendement reprennent l’une des propositions de la mission commune d’information sénatoriale sur la situation des DOM, dont notre collègue Éric Doligé était le rapporteur.
Dans ses conclusions, cette mission préconisait en effet d’améliorer les modalités de recensement de la population, afin de garantir que les dotations de l’État soient ajustées à la situation réelle des collectivités territoriales.
De fait, la remise d’un rapport par le Gouvernement serait de nature à éclairer la représentation nationale sur la situation et les moyens de remédier aux problèmes de recensement des populations en situation irrégulière ou vivant dans des logements illégaux.
La commission des finances n’a pu examiner cet amendement. Toutefois, à titre personnel, j’estime qu’il convient d’y être favorable.
J’en viens à l’amendement n° II-183 rectifié. S’il était adopté, le Gouvernement devrait remettre au Parlement un rapport sur les possibilités de prise en compte de critères de répartition de la DGF propres aux collectivités territoriales de Guyane.
La mission sénatoriale sur la situation des DOM a formulé des propositions sur deux questions : d'une part, le recensement exhaustif de la population ; d'autre part, le plafonnement de la dotation superficiaire des communes de Guyane.
La commission des finances n’a pas pu examiner cet amendement. Cependant, à titre personnel, il me semble qu’il convient à ce stade d’en rester aux demandes précises formulées à travers l’amendement n° II-182 et l’amendement n° II-185, qui va être présenté dans quelques instants, plutôt que d’ouvrir un débat infini sur la prise en compte de critères spécifiques pour la répartition de la DGF, alors que nous ne disposons d’aucun élément chiffré sur les conséquences d’une telle réforme.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Comme le Comité des finances locales l’a rappelé à plusieurs reprises, notamment dans son rapport du mois de mai 2004, la DGF, dotation globale et libre d’emploi, n’a vocation ni à répondre à des politiques particulières, si légitimes soient-elles, ni à couvrir des charges également particulières. Il a également insisté sur la nécessité de faire reposer la répartition de la DGF sur des critères simples, fiables et suffisamment significatifs.
Ce sont ces principes qui ont guidé le Comité des finances locales sur la réforme des dotations. Le rapport du mois de mai 2004 souligne qu’il est impératif de restaurer la lisibilité de la dotation forfaitaire ainsi que la simplicité et « l’équité des dotations de péréquation ». Or, par définition, ni la population en situation irrégulière ni celle qui habite des logements illégaux ne peuvent être connues de façon fiable et incontestable.
En conséquence, la prise en compte d’un tel critère, et d’une population aussi difficile à recenser, nuirait à la lisibilité de la DGF et à la fiabilité de sa répartition. En effet, les critères de population pris en compte pour la répartition de la DGF sont fondés sur les données fournies par l’INSEE.
En outre, modifier la définition de la population prise en compte pour la répartition de la DGF induirait des effets de transfert potentiellement importants entre collectivités, en particulier entre les collectivités d’outre-mer qui se partagent une quote-part spécifique de la DGF, répartie notamment en fonction de leurs populations respectives.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. J’ai participé à l’élaboration de deux rapports d’information, l’un sur la situation des départements d'outre-mer, l’autre sur la sécheresse. Tous deux ont été l’occasion de formuler un certain nombre de propositions, jusqu’à cent pour l’outre-mer.
Au fil des budgets, ces préconisations sont égrenées les unes après les autres, alors qu’elles forment un tout.
Les dispositions que visent à instaurer ces amendements sont intéressantes. Il va de soi qu’il faut prendre en compte les spécificités locales : il suffit de se rendre outre-mer pour en saisir l’ampleur. C’est d’ailleurs pour cette raison que M. le président du Sénat a souhaité un comité de suivi du rapport d’information sur la situation des départements d'outre-mer, qui s’intéressera sans doute également aux réflexions du comité interministériel de l’outre-mer, le CIOM.
Il ne faut pas prendre ces préconisations isolément, pour tenter d’apporter une réponse limitée à un problème précis, en laissant les autres dans l’ombre : il faut les envisager comme un ensemble indissociable. Je souhaite que, au cours de l’année à venir, nous leur donnions une traduction globale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ces deux amendements, comme les deux amendements suivants, posent une question essentielle, celle des dotations aux collectivités territoriales et, surtout, de l’évidente inadaptation des critères de répartition au regard des situations particulières, notamment en Guyane, département à l’immense superficie et à la très faible densité de population.
Dès lors que ne sont pas suffisamment prises en compte les réalités locales, les règles propres aux dotations budgétaires sont difficiles à appliquer.
M. le président. Monsieur Collombat, les amendements nos II-182 et II-183 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut un peu de cohérence. Nous ne pouvons pas multiplier les rapports, formuler des préconisations dont tout le monde reconnaît la pertinence et ne pas en tenir compte !
Certes, je suis d’accord avec M. le secrétaire d'État, la DGF n’est peut-être pas le meilleur support pour régler ce type de problème. Il n’en reste pas moins qu’il faut trouver le dispositif adéquat, fonds ou dotation.
L’argument de la complexité de la DGF est un peu court. Certes, c’est une difficulté réelle, mais, au point où nous en sommes, un peu plus ou un peu moins, cela ne changerait pas grand-chose.
À quoi bon rédiger des rapports s’ils ne trouvent pas leur traduction en actes ?
Je maintiens ces deux amendements, parce que je les ai présentés au nom de mes collègues domiens, mais, sur le fond, M. Doligé a raison, il faut trouver des véhicules plus satisfaisants pour sinon régler tous les problèmes du moins améliorer la situation.
M. Paul Blanc. Oui !
M. le président. L'amendement n° II-184, présenté par MM. Patient, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans la dernière phrase du 2° de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, le mot : « triple » est remplacé par le mot : « quadruple ».
II. - Ce même 2° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le solde est attribué à l'établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre. »
III. - Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de l'augmentation de la part de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement proportionnelle à la superficie, sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
IV. - Les conséquences financières résultant pour l'État du III ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai également l’amendement no II-185.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° II-185, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport présentant le bilan du plafonnement de la part de la dotation globale de fonctionnement proportionnelle à la superficie, applicable aux communes de Guyane ainsi que les propositions d'adaptation de ce dispositif dans un sens plus favorable aux communes disposant de faibles ressources.
Veuillez poursuivre, monsieur Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Ces amendements portent sur la dotation globale de fonctionnement, en particulier sa part superficiaire, c'est-à-dire proportionnelle à la superficie.
En Guyane, où les communes peuvent avoir des superficies extrêmement importantes, ce problème se pose avec une acuité particulière.
En moyenne, la superficie des communes guyanaises est de cinquante kilomètres carrés, contre quinze kilomètres carrés en métropole. Mais la commune de Maripasoula s’étend sur plus d’un million d’hectares, ce qui n’est pas rien !
Pour éviter que ces communes ne perçoivent des dotations trop importantes, la dotation globale de fonctionnement a été plafonnée à trois fois la dotation forfaitaire, ce qui constitue un manque à gagner pour les communes concernées.
L'amendement n° II-184 vise à porter ce plafonnement de trois fois à quatre fois la dotation forfaitaire. L'amendement n° II-185, amendement de repli, tend à demander que soit soumis au Parlement un rapport présentant le bilan du plafonnement de la part de la dotation globale de fonctionnement proportionnelle à la superficie, applicable aux communes de Guyane, ainsi que les propositions d’adaptation de ce dispositif dans un sens plus favorable aux communes disposant de faibles ressources.
Si le dispositif de la DGF fonctionne à peu près en métropole, ce n’est pas le cas en Guyane, en raison des particularités de ce département. Il convient donc de trouver des modalités mieux adaptées aux situations locales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Fort des propos de M. Doligé, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Monsieur Collombat, les amendements nos II-184 et II-185 sont-ils maintenus ?
M. Pierre-Yves Collombat. Oui, je les maintiens, monsieur le président !
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avance aux collectivités territoriales ».
Administration générale et territoriale de l’État
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Michèle André, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » s’appuiera en 2010 sur une enveloppe budgétaire de 2,6 milliards d’euros en crédits de paiement, soit un niveau quasi stable par rapport à 2009.
La mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques continuera de caractériser l’année prochaine cette mission. La perspective fixée consiste en une centralisation au sein des préfectures du contrôle de légalité, tandis que les sous-préfectures sont orientées vers les missions de conseil aux collectivités territoriales.
Cette réforme se traduit dans le projet de loi de finances pour 2010 par une réduction significative des effectifs de la mission, de l’ordre de 736 équivalents temps plein travaillé. Ces suppressions d’emplois se répartissent entre les missions relatives aux titres d’identité pour 73 équivalents temps plein travaillé, au système d’immatriculation des véhicules pour 140 équivalents temps plein travaillé, au contrôle de légalité pour 156 équivalents temps plein travaillé et aux fonctions supports pour 367 équivalents temps plein travaillé.
Eu égard à ces suppressions de postes, on peut s’interroger et même s’inquiéter, c’est d’ailleurs mon cas. Les réductions de personnels ne doivent pas en effet s’opérer au détriment de la qualité du service public, notamment dans le cadre du contrôle de légalité et du conseil.
Dans ce contexte, le budget du programme 307 « Administration territoriale » comprend 1,79 milliard d’euros. Il enregistre une baisse de 2,2 % par rapport à 2009. Son plafond d’emplois est fixé à 29 039 équivalents temps plein travaillé, soit une diminution de 759 emplois par rapport à l’exercice précédent.
J’en viens au réseau préfectoral. M. le ministre de l’intérieur a récemment affirmé son attachement au maintien du réseau des sous-préfectures. Cette déclaration est importante, en particulier ici, au Sénat, qui est la « Maison des collectivités territoriales ». Cependant, monsieur le secrétaire d'État, comment un sous-préfet aura-t-il la capacité de continuer à assurer dans de bonnes conditions un conseil de qualité s’il ne lui reste plus qu’un cadre A et un cadre B ? Cette question se pose dans de nombreuses sous-préfectures.
L’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS, voit, pour sa part, son budget réduit de 19,1 %, avec une enveloppe de 212,5 millions d’euros. Cette baisse s’explique par l’arrivée à maturité de certains projets, à savoir le système d’immatriculation des véhicules et les investissements liés au programme des titres électroniques sécurisés.
Sur la délivrance du passeport biométrique, un audit vient d’être engagé sur le coût de fonctionnement des stations d’enregistrement à la charge des communes. Les conclusions de cet audit devraient être rendues au mois de janvier 2010. Elles permettront assurément de servir de base à une révision du mode de calcul de la dotation versée aux communes équipées de ces stations, afin de couvrir les dépenses liées à la délivrance de titres pour les demandeurs extérieurs au territoire de la commune.
L’arrivée de la prochaine carte nationale d’identité sera également l’occasion de recalibrer cette dotation, comme de repenser le système de prise des photos d’identité et de transmission dématérialisée.
Le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » bénéficie d’une augmentation de 13,3 % de ses crédits de paiement, avec un budget de 269,5 millions d’euros. Cette évolution à la hausse est en phase avec le cycle électoral.
Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » enregistre, quant à lui, une hausse de 2,2 % de ses crédits de paiement.
Cette année encore, il convient de souligner la fragilisation de ce programme par l’évolution des frais de contentieux. Au 1er septembre 2009, le rythme des dépenses était en augmentation de 5 % par rapport à 2008, pour un montant de 72,2 millions d’euros.
Se pose donc la question du respect de l’autorisation budgétaire accordée pour l’exercice 2009 – 87,4 millions d’euros, dont une enveloppe de 80,2 millions d’euros pour les frais de contentieux –, d’une part, d’une éventuelle sous-évaluation de ce poste de dépenses pour 2010, d’autre part.
En conclusion, et sous ces réserves, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de cette mission et de chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après l’exposé très exhaustif de Mme le rapporteur spécial, je me limiterai à quatre observations.
Ma première observation sera pour vous redire, monsieur le secrétaire d’État, notre inquiétude face aux difficultés liées à la lutte contre les dérives sectaires. Ce sentiment n’est pas nouveau. Nous avons rencontré les responsables de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES : la solitude à laquelle ils sont confrontés les empêche de mener à bien leur mission.
Alors qu’ils devraient bénéficier de l’appui des groupes spécifiques mis en place auprès des préfectures, ceux-ci n’ont pas tous été mis en place. Et lorsque c’est le cas, la MIVILUDES n’est pas toujours associée aux travaux, si bien qu’une douzaine de réunions seulement ont eu lieu dans les préfectures au cours de l’année 2009.
Par ailleurs – et c’est un paradoxe ! –, depuis la suppression des Renseignements généraux, la MIVILUDES est privée de toute information du ministère de l’intérieur, comme de toute information en matière judiciaire. Ses responsables n’ont donc plus les moyens de mener à bien cette mission, qui reste pourtant une priorité de votre ministère de tutelle, monsieur le secrétaire d'État.
Ma deuxième observation a trait à l’accueil des administrés et, en particulier, des étrangers dans les locaux des préfectures et des sous-préfectures.
J’ai pu le constater personnellement à l’occasion de certains déplacements : ici, on reçoit les étrangers dans une simple coursive, dans des conditions misérables, et le terme n’est pas excessif ; là, une longue file d’attente se forme dès huit heures du matin, et même avant, les personnes dormant parfois sur les lieux pour ne pas perdre leur place dans la queue, avec l’espoir d’obtenir la régularisation de leur titre de séjour.
Tout cela n’est ni humain ni digne de la République. On pourrait peut-être améliorer les choses, ne serait-ce qu’en recourant, par exemple, à des techniques modernes d’informatisation. Certains n’y sont pas sensibles, certes, mais pourquoi ne pas permettre à ceux qui le souhaiteraient d’effectuer leurs démarches ou de prendre leurs rendez-vous par Internet ? Ce serait dans l’intérêt à la fois de ces populations et des agents, dont les conditions de travail sont parfois difficiles.
Ma troisième observation rejoint l’intervention du rapporteur spécial, Mme Michèle André, sur le contentieux persistant en matière d’indemnisation des communes accueillant des stations d’enregistrement des passeports biométriques.
D’une part, l’indemnisation ne tient compte que des demandes de titre émanant de citoyens ne résidant pas dans la commune d’implantation de la station.
D’autre part, la durée comptabilisée est insuffisante : le chronomètre ne commence à courir réellement qu’une fois l’accueil achevé et les explications données. De plus, les scanners fonctionnent assez mal, de sorte que les imprimés édités par le CERFA, le Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs, doivent être souvent corrigés manuellement. Par ailleurs, la période de remise des documents à l’issue de la délivrance du passeport devrait être intégrée dans les calculs.
Si certains de ces éléments commencent à être pris en compte, un travail complémentaire est néanmoins nécessaire. Un audit est d’ailleurs engagé.
Enfin, dernière observation, j’ai bien noté le souhait du ministère de l’intérieur de redéployer ses moyens et de restructurer sa présence sur le territoire dans un souci de rationalisation. Pour autant, monsieur le secrétaire d’État, gardons-nous de confondre économie et mesquinerie.
Je pense, par exemple, à l’idée de supprimer des sous-préfets et de les remplacer par des conseillers d’administration. Actuellement, l’expérience est limitée, puisque seulement trois postes de sous-préfets sont concernés. Il est également question de transformer les sous-préfectures en « Maisons de l'État ».
Dans le premier cas, les conseillers d’administration occupent le poste de sous-préfet sans en avoir les attributs. Ils se voient privés, notamment, du véhicule de fonction, ainsi que du logement de fonction. Certaines situations sont parfois ubuesques. Je pense à un exemple précis, où l’un de ces conseillers d’administration est envoyé à l’hôtel en face de la sous-préfecture, alors que le logement de fonction est là, occupé par les mouches en été, par les fourmis en hiver... Mais ce serviteur de l'État, particulièrement loyal, est obligé de plier bagage et d’aller loger à l’hôtel !
Nous pourrions sans doute avoir une autre vision des économies de l’État...
Quelle est votre doctrine en la matière, monsieur le ministre ? Avez-vous la volonté de poursuivre dans la voie actuelle, ou bien l’idée n’est-elle plus d’actualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)