compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Jean-Pierre Godefroy.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Création d’une commission spéciale
M. le président. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 16, alinéa 2 du règlement, la proposition de M. le président du Sénat tendant à créer une commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n° 123, 2009-2010).
Je soumets donc cette proposition au Sénat.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
4
Loi de finances pour 2010
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (nos 100 et 101).
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les intervenants qui se succèderont ce matin au cours de la discussion des crédits de la mission « Agriculture » sont nombreux. Aussi me permettrez-vous de centrer mon intervention sur sept points principaux, concernant les crédits que vous nous demandez, monsieur le ministre, pour 2010.
Le premier point porte sur le calibrage global de la mission. Je le souligne, notre discussion a pour toile de fond une crise de l’ensemble des filières agricoles qui, comme l’a observé le Président de la République dans son discours de Poligny du 27 octobre 2009, est sans précédent par son ampleur et son caractère généralisé.
La mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » n’est pas en mesure de surmonter par elle-même cette crise. Je rappelle que les montants de ses crédits sont modestes et ne représentent qu’un peu plus de 10 % de l’ensemble des concours publics à l’agriculture.
Doté de 3,424 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3,448 milliards d’euros en crédits de paiement, le projet de budget pour 2010 de la mission présente des évolutions contrastées par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2009 : les autorisations d’engagement progressent de 6,1 %, tandis que les crédits de paiement sont en baisse de 0,8 %.
Les crédits pour 2010 se caractérisent surtout par une forte dérogation aux plafonds fixés au niveau pluriannuel : au lieu de décroître, comme le prévoyait la loi de programmation des finances publiques, ils sont supérieurs de 10,3 % au plafond défini pour 2010. Cet écart se justifie pleinement par les difficultés traversées par l’ensemble des filières agricoles que j’évoquais à l’instant.
Surtout, j’observe que, dans le contexte de crise généralisée du monde agricole, l’Assemblée nationale a majoré de 228,89 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 163,43 millions d’euros en crédits de paiement les crédits de la mission, principalement au titre du plan exceptionnel en faveur de l’agriculture annoncé par le Président de la République.
Le budget 2010 de la mission est donc porté à 3,653 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,611 milliards d’euros en crédits de paiement.
Je sais que les crédits de cette mission sont, année après année, « budgétés au plus juste ». Ce plan exceptionnel devrait donc apporter un peu d’air au cours de l’exécution, même si je vous redis, monsieur le ministre, que notre commission des finances préfère une prévision la plus fiable possible plutôt que des redéploiements en cours d’exercice ; il est toujours difficile pour les parlementaires d’assurer un suivi rigoureux de ces mouvements en gestion.
Je rappelle d’ailleurs qu’il est malheureusement d’usage d’abonder de nouveau en gestion la mission « Agriculture », souvent au gré d’événements exceptionnels, comme les crises subies par le monde agricole, de nature climatique, économique ou sanitaire. L’exécution budgétaire en 2008 et en 2009 présente ainsi, une fois de plus, un profil perturbé, résultant de la survenue de crises, mais aussi de la budgétisation insuffisante de certains postes.
La question des aléas ne fait pas l’objet d’une prise en charge satisfaisante par les différents programmes de la mission. Je regrette notamment que, une fois de plus, il ne soit pas prévu de doter en loi de finances initiale le Fonds national de garantie des calamités agricoles.
Je relève que l’examen du projet de loi de modernisation agricole devrait être l’occasion d’un enrichissement des dispositifs de gestion des aléas.
Le projet de loi de finances pour 2010 a cependant déjà ouvert la voie, puisqu’un amendement de l’Assemblée nationale tend à élargir aux risques économiques la déduction pour aléas. Notre commission des finances s’est déclarée avant-hier favorable à un tel dispositif.
Le deuxième point a trait aux dépenses fiscales. En dépit de la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport spécifique sur la fiscalité agricole, dont nous avons pris connaissance avec intérêt, j’observe que les dépenses fiscales, concentrées sur le programme 154, ne sont toujours pas récapitulées à l'échelle de la mission. Leur présentation doit donc encore être améliorée dans le projet annuel de performance.
De manière plus générale, il me semble que l’évaluation de ces dispositifs est lacunaire et qu’un effort considérable doit être fourni à cet égard. Leur coût, de l’ordre de 3 milliards d’euros, est sujet à caution selon la Cour des comptes. Leur efficacité reste à démontrer, à l’image du crédit d’impôt pour le remplacement des agriculteurs en congé. C’est pourquoi notre commission des finances a souhaité limiter la prorogation de ce dispositif à un an, au lieu de trois.
Le troisième point concerne le programme 154 et ses opérateurs. Monsieur le ministre, lors de votre audition devant notre commission, le 14 octobre 2009, vous êtes largement revenu sur les crédits de ce programme, qui est le support privilégié de la politique d’intervention de votre ministère et qui reçoit, à lui seul, la moitié des crédits de paiement de la mission.
Vous vous êtes montré rassurant sur l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, sur la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, sur les aides à l’installation ou encore sur le fonds d’allégement des charges. Nous reviendrons sur certains de ces dispositifs lors de la discussion des amendements et je ne m’y attarderai donc pas.
Monsieur le ministre, le montant des subventions allouées aux opérateurs du programme augmente en 2010. La révision générale des politiques publiques, ou RGPP, appelait des fusions, qui ont été réalisées sous l’égide de votre ministère, mais je note l’augmentation marquée en 2010 des subventions allouées à l’Agence de services et de paiement, soit plus 11,5 millions d’euros ; à FranceAgriMer, soit plus 2,1 millions d’euros, et à l’Office de développement de l’économie agricole dans les départements d’outre-mer, l’ODEADOM, soit plus 820 000 euros.
Seule la dotation destinée aux Haras nationaux est en baisse ! Cette observation montre que la réforme des principaux opérateurs du programme doit se poursuivre et, surtout, permettre de réaliser des économies.
Le quatrième point porte sur le programme 149, « Forêt », qui vise un double objectif : valoriser la ressource « bois » et préserver la biodiversité.
Je retiens que, en 2010, le renforcement du soutien à cette filière aura principalement pour objet de surmonter les graves conséquences du passage de la tempête Klaus. Une grande partie des dépenses du programme est destinée à son opérateur principal, l’Office national des forêts, l’ONF.
Notre commission des finances a confié cette année à la Cour des comptes une enquête sur l’office. Or, comme nous avons pu le constater lors de l’audition pour suite à donner à cette enquête, le 21 octobre dernier, la situation financière de l’ONF est préoccupante.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très préoccupante !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. J’estime toutefois qu’elle ne doit pas conduire à abandonner la trajectoire définie par la RGPP s’agissant de l’amélioration de la gestion de l’office ; nous aurons l’occasion de revenir sur ce point.
Le cinquième point a trait au programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ». La nouvelle priorité donnée à l’alimentation par le ministère se traduit par une hausse de 33 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2009, de l’action 8 « Qualité de l’alimentation et offre alimentaire ».
J’ai cru comprendre, et vous nous le confirmerez peut-être, monsieur le ministre, que la réduction des crédits du programme, de l’ordre de 10 %, n’était qu’apparente : la plupart des actions bénéficient en fait de moyens renforcés en 2010.
Cette diminution apparente semble surtout résulter de l’extinction progressive de la dotation consacrée à l’élimination des farines animales, en raison de la baisse annuelle des stocks à détruire. Je m’inquiète tout de même du montant attendu pour la lutte contre les maladies animales, en particulier contre la fièvre catarrhale ovine.
Une somme d’un peu plus de 11 millions d’euros sera-t-elle suffisante pour assurer, en 2010, la poursuite de la politique de vaccination, que l’État s’est engagé à prendre de nouveau en charge ?
Si tel n’était pas le cas, ce serait la quatrième année que notre commission devrait regretter la sous-budgétisation affectant le financement de la lutte contre les maladies animales, en particulier contre la fièvre catarrhale ovine.
L’autre facteur de réduction des crédits du programme 206, même si c’est dans une moindre mesure, réside dans la réforme du service public de l’équarrissage, qui était réclamée depuis longtemps par notre commission des finances.
La libéralisation du service public de l’équarrissage, effective depuis le 18 juillet 2009, devait conduire les filières à assurer elles-mêmes la gestion et le financement de l’équarrissage. Or il semble que cette réforme connaisse quelques difficultés à aboutir. En 2010, L’État ne devrait rester payeur que du seul service public résiduel.
Monsieur le ministre, je serais heureux que vous puissiez éclairer le Sénat sur le calendrier de résorption de la dette du service public de l’équarrissage, ainsi que sur les négociations en cours au sein des filières concernant l’instauration des cotisations volontaires utilisées pour financer, à l’avenir, les missions d’équarrissage.
Les crédits restent assez importants en 2010, en raison de la poursuite du paiement par l’État de la dette des éleveurs auprès des équarisseurs. Pour ma part, je plaide pour que cet apurement se fasse le plus rapidement possible, de manière à réduire substantiellement les dépenses consacrées au service public de l’équarrissage.
Le sixième point concerne le programme 215, qui est en fait le programme support de la mission. Je souligne la stabilité des crédits qui lui sont consacrés, à l’exception de la hausse liée au financement du recensement général agricole, dont le coût devrait toutefois rester faible. Le plafond d’emplois baisse de 613 équivalents temps plein travaillé en 2010, après avoir été réduit de 1 124 équivalents temps plein travaillé en 2009. La démarche de suppressions d’emplois est donc poursuivie.
J’observe en outre que la concentration des crédits du titre 2 de la mission au sein d’un unique programme ne se justifie pas. Une ventilation des dépenses de personnel entre les différents programmes serait donc souhaitable pour la présentation du projet de loi de finances pour 2011.
Le septième et dernier point porte sur le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », dit « CAS-DAR ». Évaluées à 114,5 millions d’euros en 2010, ses recettes augmentent année après année, alors que les dépenses du compte leur sont toujours inférieures. Cet écart persistant plaide pour une meilleure utilisation des crédits ou pour une baisse de la fraction du produit de la taxe affectée au CAS-DAR.
Enfin, monsieur le ministre, je maintiens que la justification des crédits de ce compte d’affectation spéciale est insuffisante pour avoir l’assurance que ces ressources ne sont pas distribuées en vertu d’une logique d’abonnement des organisations par lesquelles ils transitent, en l’espèce les chambres d’agriculture et les instituts techniques agricoles. Il faut, à tout le moins, accroître la part des actions financées par le biais de procédures d’appel à projets.
En conclusion, je souhaite aborder la question de la politique agricole commune. L’accord européen sur le bilan de santé de la PAC, signé il y a un an, le 20 novembre 2008, a permis d’exprimer le refus par les États membres de l’Union européenne d’une transformation de la PAC en une simple politique de développement rural. L’accord a donc finalement garanti le maintien des instruments de régulation des marchés. Surtout, il a instauré une plus grande flexibilité dans la mise en œuvre des règles en fonction des choix nationaux. Monsieur le ministre, cette inflexion révèle-t-elle une évolution vers la renationalisation de la PAC ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela y ressemble beaucoup !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cette perspective peut paraître séduisante à certains qui imaginent que notre pays disposera de plus grandes marges d’action, mais je dois reconnaître que, pour ma part, elle a plutôt tendance à m’inquiéter. Je rappelle que notre pays reçoit, à lui seul, 75 % des crédits de la PAC. Nous sommes en effet, et de loin, les premiers bénéficiaires de cette politique en Europe. Au regard du montant des dépenses communautaires agricoles engagées en France, de l’ordre de 10 milliards d’euros, je me demande comment nos finances publiques pourront absorber ce choc.
La commission des finances recommande l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ». Je souligne que je préférerais que cette mission s’intitule « Alimentation et agriculture ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la présentation habituellement brillante du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Joël Bourdin, je formulerai, au nom de la commission de l’économie, quelques observations sur la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Tout d’abord, ce budget s’inscrit dans un contexte très différent du précédent. Comme vous le faites souvent remarquer, monsieur le ministre, l’agriculture française traverse certainement la plus grave crise depuis trente ans. Fait nouveau, celle-ci touche à peu près toutes les filières en même temps et se traduit par une chute spectaculaire du revenu agricole, de l’ordre de 20 % en un an, ainsi que le soulignait le Président de la République à Poligny voilà un peu plus d’un mois.
Au moment de son dépôt, le projet de budget était déjà un budget de réponse à la crise, dans la mesure où, avec 3,4 milliards d’euros, il se situait au-dessus des engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
Certaines lignes de ce budget s’expliquaient déjà par une logique d’aide exceptionnelle en situation de crise. Ainsi, les crédits du programme 149 « Forêt » sont en forte augmentation – de l’ordre de 25 % en autorisations d’engagement –, dans le but de faire face aux conséquences de la tempête Klaus qui a balayé le sud-ouest le 24 janvier dernier : 234 000 hectares de parcelles ont été ravagés, alors même que les dégâts de la tempête de 1999 n’ont pas encore été tous réparés.
En cours de discussion à l’Assemblée nationale, ce budget a évolué avec l’adoption de 200 millions d'euros de crédits supplémentaires, sans compter quelques moyens ajoutés au programme d’opération spécifique à l’éloignement et à l’insularité des DOM, POSEIDOM, qui entrent dans le cadre du plan du Président de la République pour l’outre-mer.
Pour l’agriculture, ce sont au total 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et 50 millions d'euros en crédits de paiement dans le cadre du dispositif AGRIDIFF et 100 millions d'euros de plus dans le cadre du fonds d’allégement des charges, le FAC, qui ont été débloqués. Toutes ces mesures pour 2010 sont complétées par des crédits de bonifications de prêts de consolidation ou de trésorerie et par des allégements de charges sociales dues à la Mutualité sociale agricole, la MSA, qui figurent dans le collectif budgétaire de 2009.
Mais le projet de budget pour 2010 n’est pas seulement conçu pour faire face à la crise. Il se fixe les objectifs traditionnels de notre politique agricole : soutien à l’installation des jeunes agriculteurs, malgré une baisse préoccupante des crédits pour les associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA, appui économique aux filières, soutien à l’agriculture extensive.
Le projet de budget pour 2010 est également destiné à préparer l’avenir avec un soutien plus marqué à l’assurance récolte, dans le droit-fil de l’accord européen sur le bilan de santé de la PAC. Je note aussi que les mesures adoptées à l’Assemblée nationale permettront de renforcer le système de la déduction pour aléas en l’étendant à l’aléa économique.
Bien sûr, tout n’est pas parfait. Certes, en 2010, la nouvelle contribution carbone est redistribuée aux agriculteurs à 75 % sous forme de remboursement d’impôt et à 25 % par l’abondement des crédits du plan de performance énergétique, mais rien n’est garanti en 2011.
La fin de l’exécution du plan pêche conduit à une baisse significative des crédits de la pêche, filière qui ne se porte pourtant pas très bien en France, comme le précisera certainement Charles Revet.
M. Charles Revet. Oui !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Le plan de modernisation des bâtiments d’élevage voit ses crédits baisser, ce qui est surprenant en pleine crise laitière.
Cette analyse a conduit la commission de l'économie à déposer trois amendements. Le premier vise à minorer cette réduction, le deuxième tend à préserver le financement des associations foncières pastorales, le troisième a pour objet d’établir un reversement de ressources des chambres départementales d’agriculture vers les chambres régionales d’agriculture et à permettre aux chambres départementales d’agriculture, comme en 2009, d’augmenter de 1,5 % au maximum le produit de la taxe pour frais qui les finance.
Enfin, le projet de budget pour 2010, dans la continuité des précédents, fait participer le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche aux efforts demandés à l’ensemble des administrations en termes de modernisation et de maîtrise budgétaire, mais de manière raisonnable. Il est vrai que quelques charges supplémentaires interviendront en 2010, notamment avec le recensement général agricole.
Je ne conclurai pas mon intervention sans évoquer la filière vitivinicole, durement affectée par la crise économique mondiale. Ses exportations sont en baisse de 12 % en volume et de 18 % en valeur. Des mesures énergiques, notamment un soutien à l’exportation, doivent permettre de redresser la barre.
En outre, je souhaite mettre l’accent sur deux chantiers importants pour la filière.
D’une part, il faut accroître les efforts en matière de lutte contre les aléas climatiques. Les deux épisodes de grêle du mois de mai dernier dans le Bordelais ont montré la nécessité de mettre en place une combinaison de solutions assurantielles et d’épargne individuelle, chère à M. le président de la commission de l'économie, Jean-Paul Emorine.
D’autre part, la lutte contre les maladies de la vigne, par exemple l’esca, nécessite des efforts supplémentaires de recherche de la part de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, pour aboutir à des solutions adaptées.
Monsieur le ministre, vous nous présentez un bon budget. Dans quelques semaines, vous nous soumettrez un non moins bon projet de loi de modernisation agricole. Attendu par la profession, en particulier par les jeunes, ce texte sera l’occasion de dresser des perspectives nouvelles pour le monde agricole, aujourd’hui un peu déboussolé.
La commission de l'économie émet un avis favorable sur les crédits de la mission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis.
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement sur les crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ».
Pour la deuxième année consécutive, ce programme est intégré pleinement au sein de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et non plus dans une mission interministérielle précédemment intitulée « Sécurité sanitaire ». Avec 540 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 560 millions d'euros de crédits de paiement, il se situe à peu près au même niveau que l’année dernière.
La sécurité sanitaire est en effet devenue un enjeu essentiel des politiques agricoles. Comme en matière de santé humaine, la santé animale est surveillée et la prévention constitue désormais un outil essentiel de gestion des risques.
Le budget pour 2010 solde la crise de la vache folle, qui avait débuté en 1996, à travers l’extinction de deux dispositifs. Le stockage des farines animales s’achèvera en 2010 par l’élimination des derniers stocks de farine, qui coûtaient 50 millions d’euros par an jusqu’en 2009, coûteront encore 15 millions d'euros en 2010 et ne coûteront plus rien en 2011.
Le transfert de la gestion de l’équarrissage aux filières, sauf outre-mer, et le recentrage de la mission de service public sur les animaux morts abandonnés sur la voie publique constituent aussi un retour à la normale, prouvant que la confiance est revenue dans ce secteur.
La vigilance est cependant toujours indispensable pour faire face à l’apparition et à la propagation de nouvelles maladies.
Plus récente que l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB, la fièvre catarrhale ovine, la FCO, qui, ne l’oublions pas, touche aussi les bovins, a eu des effets économiques dévastateurs : les pertes pour les filières ovine et bovine ont atteint 530 millions d’euros en 2008 et 97 000 têtes de bétail bovin et 70 000 caprins et ovins ont été abattus. Je salue l’efficacité de la stratégie de vaccination obligatoire mise en œuvre pour maîtriser l’épidémie, qui a donné des résultats spectaculaires : seulement 73 foyers d’infection en 2009 contre 24 000 foyers en 2008. La vaccination est une dépense intelligente, qui en évite d’autres, liées aux indemnisations pour l’abattage des troupeaux infectés.
La vaccination obligatoire est reconduite pour la campagne hivernale 2009-2010 et des crédits supplémentaires sont prévus dans le projet de loi de finances rectificative. Cependant, certaines inquiétudes ont été exprimées, qui portent notamment sur le coût des visites vétérinaires.
Pour réussir pleinement dans la lutte contre la FCO, il faudrait rassurer les éleveurs et, si cette action revenait chaque année, prévoir peut-être des crédits suffisants dès le projet de loi de finances initiale.
La gestion des risques passe aussi par une attention accrue à la santé des végétaux. Nous avons voté dans les lois Grenelle I et Grenelle II des dispositions qui transforment les conditions des productions végétales, avec un objectif de moindre usage de pesticides, ce qui signifie aussi une plus grande sensibilité aux parasites. Or nous ne pouvons laisser les producteurs sans solutions techniques. Une grande vigilance est donc également nécessaire sur les risques sanitaires touchant les végétaux.
Une part importante du budget du programme 206 est consacrée à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, dont le ministère de l’agriculture fournit 85 % de la subvention pour charges de service public. Cette subvention augmente de 5 % pour passer à 55,5 millions d’euros. Il s’agit là d’un rattrapage de la sous-dotation de 2009 qu’il faut saluer. La fusion de l’AFSSA avec l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, programmée par la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, devrait intervenir l’année prochaine. Si cette fusion conduit à des économies, ce qui est souhaitable, il est tout aussi souhaitable que celles-ci ne se fassent pas au détriment des missions indispensables d’alerte et de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments, socle de la confiance des consommateurs.
Enfin, ma dernière remarque porte sur le fonds sanitaire de 40 millions d’euros de crédits communautaires créé en application de l’accord européen sur le bilan de santé de la PAC. Il est utile de prévoir des crédits en cas de crises, celles-ci étant désormais récurrentes. Aucun crédit d’État n’est prévu en complément dans le budget pour 2010. Monsieur le ministre, vous avez affirmé en commission qu’un tel fonds ne serait constitué que si une crise survenait, ce que nous pouvons parfaitement comprendre. Nous voudrions cependant en savoir un peu plus sur les conditions de gestion de ce nouveau dispositif. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le modèle agricole à la française se caractérise, outre la notion d’exploitation familiale qui est en train d’évoluer, par un amont, le monde de la production, et un aval comprenant non seulement la distribution, mais aussi des consommateurs.
Comme vous l’avez dit en commission, monsieur le ministre, l’harmonisation ne peut se faire que par une véritable régulation des marchés, une baisse des coûts d’exploitation par des équipements en commun et une sécurisation plus forte par une réassurance publique.
Ce sont là des propos nouveaux que nous prônons depuis toujours et qui, en période de crise, apparaissent comme la seule voie de sortie.
Parfait, mais où retrouve-t-on tout cela dans le budget pour 2010 ?
Ferez-vous l’impasse sur 2010 pour reprendre toutes les incantations pieuses relatives à la loi de modernisation agricole à venir sans mise en pratique immédiate, alors qu’il y a urgence dans ce domaine ?
Curieusement, vous présentez un budget très orienté sur l’alimentaire. Il est vrai que les consommateurs sont plus nombreux que les agriculteurs – je le comprends bien – et qu’évoquer la voie agricole à travers l’alimentaire n’est pas aberrant, loin de là.