M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la commission des finances demande l’appel par priorité de l’amendement no II-3 rectifié, tendant à insérer un article additionnel avant l’article 51.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. L'amendement n° II-3 rectifié, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. - Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Nonobstant l'octroi de bourses à caractère social, la prise en charge par l'État des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger ne peut excéder un plafond fixé par décret, pris après avis de l'Assemblée des Français de l'étranger et, au plus tard, le 31 juillet 2010.
II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :
Action extérieure de l'État
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Cet amendement n’étonnera pas le Sénat, car il est conforme au vote que la Haute Assemblée avait émis l’année dernière lors de l’examen des crédits de la même mission.
Monsieur le ministre, je connais votre volonté de sortir d’une situation difficile. Je ne vais pas en dire trop afin de ne pas vous mettre mal à l’aise.
J’ai bien entendu vos propos quant au lancement d’un audit dont les résultats devront être incontestables. La présence de parlementaires, choisis de la manière que vous souhaiterez, en garantira la totale impartialité des conclusions.
Cet amendement vise à plafonner la prise en charge qui nous est proposée. La commission des finances considère qu’il s’agit d’une nécessité.
Monsieur le ministre, vous avez traité cette question dans votre intervention. Il n’est donc pas nécessaire que j’y insiste longuement. Il suffit de se rendre dans quelques postes à l’étranger pour constater certaines anomalies, telles des prises en charge paraissant ne correspondre ni à l’équité ni à la bonne gestion des deniers publics.
C’est pourquoi la commission des finances, sur mon initiative, a déposé cet amendement. J’espère que le Sénat la suivra.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre. Je ne vous surprendrai pas, puisque je me suis déjà exprimé sur ce sujet, en vous disant que le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et ce pour une raison assez simple.
Nous nous sommes déjà expliqués sur le fond. L’État prend en charge les frais de scolarité des élèves des classes de terminale, de première et de seconde. Mais avant toute extension du dispositif, il convient d’examiner très soigneusement – ce sera fait à partir du mois de juillet – les conséquences d’une telle mesure.
Toutes les bourses ne vont pas disparaître, au contraire. Mais, vous avez tout à fait raison, l’équité devra être trouvée, à partir du bilan nécessaire, entre la gratuité, d’une part, et une compensation par les bourses, d’autre part.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable, au moins jusqu’à l’établissement de ce bilan.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. J’ai le devoir de dire au Sénat que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a apporté son soutien à l’amendement n° II-3 rectifié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Ferrand, pour explication de vote.
M. André Ferrand. Je suis également favorable à cet amendement, qui devrait permettre de dégager les crédits nécessaires à l’accomplissement de deux engagements que le Président de la République, lorsqu’il était candidat, avait pris en faveur des Français de l’étranger.
Dans la lettre qu’il leur avait écrite, il a bien entendu parlé, à propos de l’enseignement français, de la prise en charge, mesure généreuse s’il en est qui a été reçue avec beaucoup de reconnaissance par nos compatriotes de l’étranger. Il a également indiqué que les bourses devaient être abondées et qu’un sérieux effort devait être fait en faveur des infrastructures et des équipements immobiliers.
Les trois angles d’attaques sont clairs. Le premier a été assumé, et c’est bien. Mais, depuis la crise, on se rend compte que l’argent public est devenu très rare. Par conséquent, si nous voulons, d’une part, pérenniser cette mesure, et, d’autre part, appliquer les deux autres, il est nécessaire de commencer sans plus tarder une régulation qui est maintenant, je le crois, acceptée par tout le monde.
Monsieur le ministre, je suis très inquiet, car vous nous dites que cet audit aura lieu au mois de juillet. Cela signifie que nous n’aurons pas les moyens d’appliquer cette régulation à la rentrée prochaine. Et si nous nous référons à la discussion qui avait eu lieu ici même l’année dernière, nous constatons que nous disons à peu près les mêmes choses cette année !
Je suis très favorable à cet amendement, grâce auquel, je le répète, nous pourrons répondre aux priorités.
L’une des priorités est l’accès aux bourses. Une obligation d’autofinancement pèse sur l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Or les frais de scolarité – cela a été largement évoqué – ont augmenté de 20 % à la dernière rentrée. Les familles modestes ont donc véritablement besoin d’avoir accès aux bourses.
L’immobilier est aussi devenu une priorité. On le sait, 5 000 enfants supplémentaires se présentent à chaque rentrée. En outre, la gestion et la prise en charge du patrimoine immobilier ont été dévolues à l’AEFE sans compensation. Enfin, l’AEFE doit être attractive et compétitive sur le plan international.
Il est par conséquent nécessaire, pour pouvoir répondre à ces trois axes – la prise en charge des frais de scolarité, les bourses et l’immobilier –, de mettre en place une régulation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Je me suis sans doute mal expliqué.
J’ai dit qu’il y aurait un moratoire ; c’est assez clair ! Il n’est pas question, avant que le bilan soit fait, d’étendre la gratuité aux élèves des classes de troisième, de quatrième, etc.
Le moratoire qui a été accepté par le Président de la République devrait permettre de trouver un équilibre et d’ajuster au plus près les besoins et les demandes de bourses, car, si la gratuité a été acceptée avec bonheur, elle a, pour les raisons que vous venez d’exposer, entraîné certains déséquilibres. Je sais que, si elle était étendue à tout le secteur, cette gratuité coûterait 750 millions d’euros !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Si la priorité n’avait pas été demandée, mon amendement n° II-57 rectifié aurait été examiné en même temps que l’amendement n° II-2 de la commission des finances, et donc avant l’amendement n° II-3 rectifié. C’est une façon élégante d’essayer d’éliminer mon amendement… J’aurais préféré une discussion commune honnête sur les deux amendements.
Mon amendement n° II-57 rectifié est très simple : il vise à revenir à ce que le Gouvernement avait proposé, c’est-à-dire à l’attribution de 10 millions d’euros en faveur de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français des classes de lycée français à l’étranger. J’ai expliqué tout à l’heure, lors de la discussion générale, les raisons qui m’ont amené à déposer cet amendement, cosigné par MM. Cointat, Duvernois, Frassa, Guerry et de Mme Kammermann.
On nous reproche de parler d’un report du bilan. Mes chers collègues, l’audit ne peut pas être fait avant que soit mise en place l’aide à la scolarité pour les classes de seconde, et cela dans les deux hémisphères ; il faut donc attendre l’hémisphère sud. Ce bilan pourrait par conséquent être réalisé dans les prochains mois, en février-mars 2010.
Ce que j’ai demandé lors de la discussion générale, c’est la réalisation d’un audit. On peut certes, monsieur le ministre, le commencer au mois de janvier, car une partie de la classe de seconde est déjà prise en charge. Mais on devra le terminer au mois de juin.
Votre proposition de nommer deux parlementaires est très importante, puisqu’elle implique le Parlement. Cela permettra de prendre en considération la position des Français établis hors de France, qui sont représentés au Sénat et qui le seront bientôt à l’Assemblée nationale.
Cette mission parlementaire pourra aboutir à conforter l’audit. Elle devra en tout cas donner les moyens de fixer, pour l’avenir, un encadrement de la prise en charge, avec un maximum par établissement, au-delà duquel les parents d’élèves paieront la différence. Voilà comment nous pourrons contrôler et prendre des décisions contraignantes.
D’aucuns s’inquiètent que les mesures prises ne soient pas appliquées avant l’automne. Or la mission parlementaire peut très bien proposer au Gouvernement, dans le prochain projet de loi de finances rectificative qui pourrait intervenir à l’automne, un montant issu de l’audit – minimum ou maximum – qui serait alloué pour le fonctionnement de cette prise en charge.
Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi mon amendement ne pourrait pas être accepté. Nous avons tenu compte de tout ce qui a été fait ainsi que des décisions futures.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mon cher collègue, nous nous inscrivons dans la continuité de notre réflexion. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, nous avons voté mercredi dernier dans la soirée un article d’équilibre qui portait le déficit à 117,5 milliards d’euros.
Nous devons donc être attentifs à la situation des finances publiques. Cette contribution nous amène à reprendre un débat qui a eu lieu ici même l’an dernier.
Je voudrais dire au Gouvernement que nous voulons l’accompagner et l’aider dans sa tâche. Néanmoins, nous discernons quelques effets pervers de cette décision.
On nous dit, par exemple, que les entreprises qui participaient jusqu’à présent au financement de la scolarité des enfants d’expatriés ne le font plus du fait de cette prise en charge. Cette évolution, que l’on constate au lycée de New York, est préoccupante et doit nous obliger à une extrême vigilance.
À ce propos, nous avons eu un débat mardi dernier, lors de l’examen d’un amendement de Charles Revet, soutenu par Christian Cointat, à l’issue duquel nous avons considéré que des dispositions permettaient à des entreprises ayant leur siège en France de participer, par la voie du mécénat, au financement des établissements.
Soyons conscients que cette innovation, aussi intéressante soit-elle pour les familles, peut avoir certains effets pervers, et que la tension extrême sur les finances publiques nous obligera à réexaminer certaines des dispositions que nous avons prises.
Par ailleurs, lorsque des élèves français résidant à San Francisco fréquentent un lycée dont les frais de scolarité sont de 15 000 dollars par an, la prise en charge pèse lourd dans votre budget, monsieur le ministre !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà pourquoi je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Cet amendement est habile, mais pernicieux. Cela ne me choque pas que les frais de scolarité soient bloqués pour de très hauts salaires, ni que la question de la participation des entreprises, dont certaines d’entre elles ont tendance à se dégager, soit réexaminée.
Mais, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, la précipitation va nuire. Le Président de la République s’était engagé vis-à-vis des Français de l’étranger à la gratuité dans les lycées (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s’exclame.), c’est-à-dire en seconde, en première et en terminale. (M. Robert Badinter fait un signe de dénégation.)
Un certain nombre d’effets qui n’étaient pas prévus sont apparus, comme le désengagement des entreprises. La question mérite d’être étudiée avec attention : il faudrait voir si des mesures permettraient de compenser ce processus et d’inciter les entreprises qui s’étaient engagées à participer au dispositif à apporter de nouveau leur concours.
Monsieur Gouteyron, l’amendement n° II-3 rectifié prévoit que l’Assemblée des Français de l’étranger rendra un avis, ce qui est extrêmement positif. Encore faut-il que l’avis soit significatif ! Or l’Assemblée des Français de l’étranger ne pourra pas se réunir avant le mois de mars et ne disposera pas alors des éléments suffisants, provenant des deux hémisphères, lui permettant de rendre un avis autorisé.
Je souhaite que nous mettions le dossier sur la table, ainsi que vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre. Comme le Président de la République, vous avez dit qu’il y aurait un moratoire ; il n’est donc pas question de continuer de la même façon sans rien changer.
À partir du moment où nous avons ces engagements, n’allons pas trop vite, car cela pourrait empêcher les acteurs d’obtenir les informations requises pour se prononcer en connaissance de cause.
M. Ferrand a dit tout à l’heure que le problème devait être réglé pour la rentrée de septembre, ce que j’ai trouvé très préoccupant. Il a déjà rendu à lui seul l’avis de l’Assemblée des Français de l’étranger ! J’estime au contraire qu’il faut donner le temps aux élus responsables, afin qu’ils puissent disposer des informations suffisantes pour prendre leurs responsabilités.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, tout en comprenant cet amendement et en partageant sa philosophie, je suivrai le Gouvernement. (M. Robert del Picchia applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je voudrais formuler quelques brèves observations.
En tant que parlementaires, nous sommes comptables des deniers de l’État, de l’effort du contribuable pour faire fonctionner nos institutions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est bien, ça !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. De ce fait, nous ne devons prendre d’engagement que sur des dépenses qui sont expertisées et dont nous pouvons contrôler raisonnablement l’évolution.
Or les écoles françaises à l’étranger sont, à quelques exceptions près, des écoles privées, qui sont soumises à des contraintes de fonctionnement extrêmement différentes des écoles françaises, contraintes sur lesquelles l’État français n’a aucune prise.
Ainsi, les coûts de scolarité augmentent sans que l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger puisse les contrôler.
Notre devoir de parlementaires est de légiférer au plus tôt sur le principe d’un plafonnement des prises en charge, de façon que le niveau de ce plafonnement puisse être fixé à la fin de l’été et être applicable dès la rentrée de 2010. Si nous ne prenons pas dès maintenant cet engagement de principe, le plafonnement ne pourra intervenir qu’à la rentrée de 2011. D’ici là, les dépenses auront continué de filer et de déséquilibrer tout le système au profit d’environ 8 000 élèves et au détriment de 200 000 autres.
Dans l’intérêt à la fois du contribuable français et de la majorité des élèves du réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger, je voterai donc, avec mon groupe, pour le principe du plafonnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je formulerai plusieurs observations.
L’un des effets pervers du dispositif actuel – cela a été clairement expliqué – est que les entreprises, qui assumaient jusque-là tout ou partie des frais de scolarité des enfants de leurs cadres, se désengagent progressivement. Nous sommes inquiets, car ce mouvement s’accentuera au fur et à mesure du renouvellement des contrats de travail, qui ne se produit pas tous les six mois ou tous les ans, mais tous les deux ou trois ans.
Le second effet pervers, qui est la conséquence de l’augmentation des frais de scolarité que vient de pointer ma collègue, est que de plus en plus d’élèves étrangers se trouvent exclus du système. On aboutit donc exactement à l’inverse de la politique que nous voulions suivre.
Pour notre part, nous avions dès l’origine prévu cette évolution, ce qui nous avait conduits à demander un double plafonnement. Nous souhaitions tout d’abord que soient plafonnés les frais de scolarité eux-mêmes : ils s’élèvent à 18 000 dollars à New York et à 22 000 dollars à San Francisco. Ce sont là les niveaux les plus élevés, mais ils restent très significatifs. Nous voulions également que soient pris en compte les revenus des familles concernées.
Nous estimons que la mesure qu’a proposée, dans sa grande sagesse, la commission des finances va dans ce sens.
J’ajouterai, au sujet du calendrier, que la discussion à l’Assemblée des Français de l’étranger aura lieu au mois de mars. Les conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger savent ce qui se passe dans les pays qu’ils représentent et dans les établissements français implantés dans ces derniers : ils n’ont pas besoin de six ou huit mois supplémentaires ! Si l’amendement est adopté, des mesures pourront être prises pour le mois de septembre 2010 et non pas pour le mois de septembre 2011 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je m’exprimerai en qualité de président du groupe UMP.
Le candidat élu au suffrage universel par la majorité des Français a pris un engagement. Son souhait a été ratifié par la majorité de nos compatriotes.
Pour autant, devons-nous abandonner notre mission de parlementaires, qui est de voter la loi, notamment la loi de finances ? La réponse est évidemment non. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP est extrêmement attentif à ce débat. Nous souhaitons mettre en œuvre la volonté de nos concitoyens, exprimée à travers l’élection du Président de la République, et nous voulons la mettre en œuvre conformément à la fois aux contraintes de nos finances publiques et à la gestion opportune et pertinente de notre effort national au bénéfice de nos compatriotes de l’étranger.
Nous avons donc le devoir de réfléchir, d’approfondir, et il n’y a rien de choquant à ce que, sur un sujet complexe, nous puissions être d’un avis différent.
Je voudrais cependant lever une première ambiguïté. Le débat que nous menons en ce moment sur l’amendement no II-3 rectifié présenté par notre collègue Adrien Gouteyron, au nom de la commission des finances dont je fais partie, n’exclut en rien, cher ami Robert del Picchia, la discussion de votre amendement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Exact !
M. Gérard Longuet. En effet, l’amendement de la commission n’interdit pas de voter le rétablissement des crédits prévus dans le projet de loi de finances initial, qui ont été modifiés par un amendement de l’Assemblée nationale, puisqu’il vise à introduire un plafonnement des interventions.
Pour ma part, cher Adrien Gouteyron, je combats à cet instant ce plafonnement, non pas dans son esprit, mais parce qu’il me semble impossible de mener à son terme dans des conditions raisonnables la réflexion qu’il exige, au moment même où l’exécutif tente une coopération, une collaboration avec le législatif pour approfondir en commun un sujet d’une extraordinaire complexité.
D’une part, il y a la volonté de la France à l’égard de ses établissements à l’étranger. Cette volonté – et notre collègue Richard Yung a raison de s’interroger – s’adresse-t-elle exclusivement aux enfants de nos compatriotes résidant à l’étranger, ou bien s’adresse-t-elle aussi aux très nombreux étrangers dont nous espérons que, fréquentant nos établissements et connaissant notre culture, ils deviennent un jour des alliés objectifs, c’est-à-dire des jeunes qui, plus tard, seront désireux de poursuivre leurs études supérieures et leur vie professionnelle en liaison avec notre pays ?
D’autre part, il y a l’immense diversité des situations que l’on peut rencontrer parmi les Français de l’étranger. Comme nos moyens sont limités, il faut en effet organiser des péréquations et, certainement, fixer des plafonnements pour tenir compte de cette diversité.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure l’idée de confier une mission à deux parlementaires. Je crois que nous sommes là vraiment au cœur de nos responsabilités, ce qui implique de mettre enfin à plat un sujet ayant certes été déjà examiné par des spécialistes et par l’Assemblée des Français de l’étranger, mais n’ayant jusqu’à présent fait l’objet d’aucune mission ministérielle confiée à des parlementaires.
S’agit-il d’un report sine die ? Non, naturellement ! Il s’agit de pouvoir présenter au Parlement, à l’issue de cette mission gouvernementale, une solution d’ensemble dans un délai assez bref, au printemps prochain.
Je pense que s’offre à nous la possibilité de faire un réel travail de parlementaires. La volonté présidentielle s’est exprimée, et nous la soutenons. Cela ne signifie pas que nous la soutenons dans n’importe quelles conditions ! Ces conditions doivent être compatibles avec la politique budgétaire que nous défendons par ailleurs et qui s’impose à nous.
La possibilité nous est donnée – nous y sommes sensibles, monsieur le ministre – de faire sortir cette question sinon du secret, sinon de la confidentialité, en tout cas du professionnalisme de votre administration : c’est la partager que de confier aux députés et aux sénateurs la responsabilité d’une telle mission.
Saisissons cette opportunité, mes chers collègues ! Accordons-nous les quelques mois qui nous permettront d’établir un diagnostic partagé et d’aboutir, j’en suis persuadé, à un vote très largement majoritaire sur un sujet qui nous rassemble.
C’est la raison pour laquelle je demande que le sujet ne soit pas traité dans l’immédiat et que nous acceptions la proposition qui nous est présentée par M. le ministre : parce que nous serons enfin responsables de la réflexion, donnons-nous, avant de décider, le temps de conduire celle-ci jusqu’à son terme. (Applaudissements sur de nombreuses travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. Jean-Louis Carrère. Alors, ils votent quoi, finalement, à l’UMP ?
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je pensais que la discussion des amendements sur cette mission, notamment des amendements de la commission des finances, serait un long fleuve tranquille. Apparemment, tel n’est pas le cas !
Je voudrais tout d’abord dire à nos collègues que, dans cette affaire, la commission des finances est dans son rôle.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Michel Charasse. Elle constate, et tout le monde avec elle, qu’il y a un dérapage important et imprévu des charges publiques, qui ne peut d’ailleurs que s’accroître. Il serait injuste de lui reprocher d’avoir cherché un moyen de maîtriser une situation que nous déplorons tous, les uns et les autres, et pas seulement pour ce budget, mais pour beaucoup d’autres !
Je voudrais signaler que le plafond dont il est question dans l’amendement no II-3 rectifié n’a pas été fixé par la commission des finances. Cette dernière aurait pu le faire, mais elle ne retient que le principe et renvoie à un décret pour arrêter le montant, lequel, de surcroît, sera le résultat d’une concertation avec l’Assemblée des Français de l’étranger.
Mes chers collègues, ce n’est pas la peine de s’éterniser là-dessus ! Ou il y aura un accord ou un quasi-accord, on sentira qu’il y a des points d’accord, et, dans ce cas-là, le Gouvernement en tirera les conséquences dans le décret que demande la commission. Ou alors il y aura un blocage absolu, et, dans ces conditions, je ne vois pas comment le Gouvernement pourrait ne pas revenir devant le Parlement : il se trouvera en effet dans une impossibilité politique ou morale de prendre son décret.
J’ajoute qu’il n’y a pas d’obligation pour le Gouvernement de prendre un décret : l’amendement de la commission n’empêche en effet pas d’exécuter normalement le budget si le décret n’est pas pris.
Je ne pense pas que la commission des finances ait cherché, dans cette affaire, à heurter l’Assemblée des Français de l’étranger, ou à se heurter à elle, de manière à ouvrir un front dans ce domaine, alors que nous avons sans doute tous bien d’autres choses à faire.
Je n’incite pas, naturellement, le Gouvernement à ne pas prendre le décret. Mais s’il ne le prend pas, il ne le prendra pas ; et s’il ne le prend pas, ce sera parce que l’Assemblée des Français de l’étranger aura soulevé des objections qui mériteront d’être à nouveau soumises au Sénat, comme d’ailleurs à l’Assemblée nationale.
J’ajouterai que, pour ma part, j’ai toujours été très vigilant sur les engagements du candidat à l’élection présidentielle.
M. Jean-Louis Carrère. Lequel ?
M. Michel Charasse. Et le candidat à l’élection présidentielle, dans cette affaire, a effectivement pris un engagement. Avait-il, à l’époque, mesuré les conséquences ? Sûrement pas !
M. Didier Boulaud. Pas plus que sur l’Afghanistan !
M. Michel Charasse. Il a pris une position de principe ! Ce n’est pas dans un engagement présidentiel, à l’occasion d’un discours de campagne, que l’on fixe les modalités pratiques ! Il ne faut pas exagérer ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous avons tous fait des campagnes présidentielles, et nous savons comment cela se passe !
M. Daniel Reiner. Pas nous, non !
M. Michel Charasse. J’ajoute que, à l’époque, si je me souviens bien – j’avais suivi cela avec beaucoup d’attention –, il pensait certainement et en priorité aux familles. Et voilà qu’en réalité les bénéficiaires sont d’abord des entreprises ! Or, il ne pensait sans doute pas aux entreprises ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Boulaud. Travailler plus pour gagner plus !
M. Michel Charasse. Le mouvement a été engagé timidement au départ, mais, à partir du moment où il y a un financement de l’État, les entreprises ont naturellement tendance à se retirer progressivement du système.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Évidemment !
M. Jean-Louis Carrère. On leur fait des cadeaux tous les jours !
M. Michel Charasse. Monsieur le ministre, quel que soit le sort que le Sénat réservera à l’amendement no II-3 rectifié, je note, à propos du mouvement de crédits qui a eu lieu à l’Assemblée nationale et dont parlait notre ami M. del Picchia tout à l’heure, que vous n’en avez pas demandé la suppression à l’Assemblée en seconde délibération ! (M. le rapporteur spécial manifeste son approbation.) Vous auriez pu le faire, vous ne l’avez pas fait, ce qui prouve que vous étiez sans doute vous-même un peu préoccupé par cette question !
Parallèlement aux négociations avec l’Assemblée des Français de l’étranger, le Gouvernement doit à mon avis absolument rechercher une voie d’accord avec le MEDEF international en ce qui concerne les entreprises. Il faut qu’un accord de bonne conduite soit conclu afin que les financements des entreprises acquis jusqu’à présent soient maintenus ou rétablis et permettent ainsi d’alléger les charges de l’État.
Telles sont, monsieur le président, les observations que je voulais formuler. Mais, comme membre de la commission des finances, je ne me sens pas du tout honteux de cet amendement, parce que, je le répète, la commission est dans son rôle.