M. le président. L'amendement n° II-52, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 13, première phrase
Rédiger ainsi le début de cette phrase :
Après avis du ministre chargé du domaine, le ministre en charge des monuments historiques désigne...
II. - En conséquence, alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à substituer le ministre au préfet de région dans le pouvoir décisionnaire, et ce pour deux raisons. D’une part, parce que cela nous paraît conforme au décret relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication, qui prévoit qu’« il conduit la politique de sauvegarde, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel ». D’autre part, parce que c’est la garantie d’une politique nationale cohérente de protection du patrimoine.
Il revient donc au ministre, après avis et instruction du préfet de région saisi par la collectivité qui souhaite un transfert, de donner ou non son accord sur le transfert.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission ne voudrait pas troubler l’harmonie qui règne entre MM. Nachbar et Renar… (Sourires.) Je retire l’amendement n° II-6.
M. le président. L'amendement n° II-6 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos II-70 et II-52 ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Pour ce qui concerne l’amendement n° II-52, le Gouvernement y est… – laissons planer un léger suspens ! (Sourires.) – évidemment favorable.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Ah !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Vous comblez ainsi entièrement mes vœux pour conduire l’action que je souhaite mener conformément aux annonces que j’ai faites tout à l'heure.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est également favorable à l’amendement n° II-70, qui a le même objet.
M. le président. Je vais mettre aux voix par un seul vote les amendements nos II-70 et II-52 car bien que rédigés de manière différente, ils sont identiques sur le fond.
Je mets donc aux voix les amendements nos II-70 et II-52
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
L'amendement n° II-51, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa
II. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
e) La deuxième phrase du premier alinéa du I est supprimée.
La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Non, monsieur le président, je m’exprime au nom de la commission de la culture !
M. le président. Effectivement ! Veuillez m’excuser, mon cher collègue, mais cette confusion est due à la fatigue : j’étais à ce fauteuil hier soir et c’est la quatrième séance d’affilée que je préside.
Je vous retire cette promotion d’aller à la commission des lois et vous rends à la culture. (Sourires.)
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Pour l’avocat que je suis, c’était très flatteur, mais, dès mon arrivée au Sénat, j’ai choisi d’être membre de la commission de la culture, et j’entends bien y rester, malgré vos souhaits, monsieur le président.
M. le président. C’était une boutade, mon cher collègue.
Veuillez présenter l’amendement n° II-51, je vous prie.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer deux dispositions de l’article 52 qui permettent, d’une part, de scinder un monument en plusieurs morceaux, si j’ose dire, et, d’autre part, de vendre des objets mobiliers indépendamment du monument qui les abrite.
En termes clairs, il s’agit d’empêcher qu’un monument historique ne soit dépecé ou vendu « à la découpe ».
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission des finances est tout à fait favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Comme vous pouvez vous y attendre, et là je ne ferai pas durer le suspens, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Mon explication de vote est une forme de clin d’œil.
Je suis très heureux de constater que vous n’êtes pas favorables à la vente à la découpe dans ce domaine. Aussi, je vous demande d’élargir votre vision des choses et de nous soutenir lorsque nous nous battons contre la vente à la découpe d’immeubles où vivent nos concitoyens.
M. le président. L'amendement n° II-71, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces transferts entraînent l'inaliénabilité des biens qui ne pourront faire l'objet d'une cession de la part d'une collectivité. »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Cet amendement introduit des limites nécessaires au transfert. Les établissements publics et les monuments historiques sont transférés aux collectivités à titre gratuit. Mais, une fois transférés, il n’est pas dit que ces collectivités ne peuvent pas les vendre à des opérateurs privés, notamment pour se décharger des frais importants que la conservation et la mise en valeur d’un monument ne manquent pas d’entraîner.
En l’état actuel du texte, rien n’empêche en effet une collectivité de réclamer le transfert d’un monument, puis de décider éventuellement, par la suite, de le vendre.
Cela pourrait être le cas pour le Mont-Saint-Michel, dont parlait Jack Ralite tout à l'heure, le Panthéon, les Invalides ou des biens plus modestes ayant fait l’objet de travaux importants financés par l’argent public.
M. David Assouline. Le Parc de Saint-Cloud !
M. Ivan Renar. Je prendrai un exemple parmi tant d’autres. Le château de Chareil-Cintrat situé en Auvergne n’accueille pas plus de 1 500 visiteurs par an, un fait qu’on ne peut pas lui reprocher. Sa toiture vient d’être restaurée pour un montant de 800 000 euros grâce, il faut le dire, à l’intervention de l’État.
Au regard de la gestion des deniers publics, il est important de prévoir des mesures de protection afin d’éviter que des biens ayant bénéficié d’investissements importants financés par l’État ne fassent l’objet d’une demande de transfert pour être ensuite cédés au meilleur prix à un acteur privé, qui, lui, pourra disposer librement de ce monument pourtant constitutif d’un bien public.
Ces établissements sont en effet des biens collectifs dont la conservation relève de l’intérêt général. Ils doivent donc rester en possession d’entités publiques : l’État ou, effectivement, cher Jacques Legendre, les collectivités territoriales.
Il est indispensable d’empêcher que des éléments emblématiques du patrimoine national ou entrant dans le cadre du pilotage stratégique de la politique nationale d’investissement patrimonial puissent être cédés à des entreprises privées dans un seul but mercantile.
C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de voter en faveur de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission n’est pas favorable à cet amendement, qui fait peser une suspicion sur les collectivités.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur Renar, si le Gouvernement partage vos préoccupations, il émet néanmoins un avis défavorable, non pour les raisons avancées par M. le rapporteur spécial, mais parce qu’il semblerait que cet amendement soit inconstitutionnel, dans la mesure où il mettrait à la charge des collectivités territoriales une contrainte incompatible avec le principe de leur libre administration.
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Nous avons été heureux de constater que les amendements nos 70 et 52 ont été adoptés à l’unanimité. Mais le refus de prise en compte de l’amendement n° II-71 présenté par mon collègue Ivan Renar invalide concrètement la signification du premier vote.
Dès que l’on peut vendre, dès que l’on introduit le marché dans ce domaine où il n’est pas, et où il est normal qu’il ne soit pas, toutes les dérives sont possibles.
J’ai écouté avec intérêt l’argumentaire de M. le ministre. Je ne sais pas si cet amendement est inconstitutionnel, mais je ne saurais cautionner un tant soit peu la possibilité de dire : j’achète, je vends ; j’achète, je vends ! Ces considérations sont extérieures à la question de l’art et, en tout cas, du patrimoine national !
Mes chers collègues, en l’occurrence, vous mettez un doigt dans le processus qui se cache derrière cet amendement de cavalerie – mon collègue Ivan Renar a raison, il s’agit non pas de cavalerie légère, mais de cavalerie lourde ! – et, rapidement, nous verrons sur quoi cela débouchera.
J’aurais aimé que certains soient, comme nous, soucieux jusqu’au bout de l’intégrité du statut des monuments.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Monsieur Gaillard, je respecte beaucoup l’État. Je souhaite un État fort de sa légitimité historique, qui prenne des mesures justes et assure la protection du peuple tout entier rassemblé. Mais je suis aussi pour des collectivités territoriales fortes de leur proximité, qui assument des devoirs de solidarité dans l’ensemble de l’Hexagone.
C’est dire que je refuse, dans l’amendement que j’ai proposé, toute idée de suspicion envers les collectivités. Il s’agit au contraire de prendre des assurances.
Quand on construit une route et que celle-ci emprunte un pont, on met des garde-fous, et ce n’est pas faire preuve de suspicion à l’égard de la collectivité concernée. Il en est de même pour la SNCF : on ne se contente pas de poser des rails, on met également en place des garde-fous.
Le terme de « suspicion » que vous avez employé, cher Yann Gaillard, est tout de même un peu exagéré. Sans doute avez-vous été emporté par votre passion…
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-7 est présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-53 est présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-7.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de revenir au texte initial de l'article 52, que l'Assemblée nationale a un peu troublé en précisant, au titre des missions incombant aux collectivités et groupements bénéficiaires d'un transfert de monument, la « réutilisation éventuelle [du monument] dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural ». C’est du charabia ! Je ne comprends pas le sens de cette formulation.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-53.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. L’alinéa introduit par l’Assemblée nationale est flou. Or, pour qu’une disposition puisse s’appliquer dans de bonnes conditions, elle doit être précise.
Par ailleurs, la rédaction proposée laisse planer un doute sur les intentions des collectivités. La convention qui sera signée monument par monument entre l’État et la collectivité suffit largement à prévoir les obligations de chacun.
M. le président. Le sous-amendement n° II-118, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° II-7
Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment au regard des enjeux de conservation du monument, de son histoire ou de son intérêt architectural et patrimonial
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je comprends fort bien les arguments avancés par MM. Gaillard et Nachbar pour proposer la suppression de l’alinéa qui a été ajouté par l’Assemblée nationale.
Mais, afin de tenir compte de l’enjeu de qualité notamment patrimoniale qui s’attache au projet proposé par les collectivités locales, ce que l’Assemblée nationale avait voulu souligner par son ajout, je vous propose de compléter l’alinéa 13 par les mots : « notamment au regard des enjeux de conservation du monument, de son histoire ou de son intérêt architectural et patrimonial. »
Ainsi, avant d’autoriser le transfert, il sera à chaque fois nécessaire de vérifier si le projet de la collectivité est effectivement respectueux de l’histoire du monument ou de son intérêt architectural et patrimonial.
Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques nos II-7 et II-53.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° II-118 ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-7 et II-53, modifiés.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° II-54 rectifié, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pendant un délai de vingt ans à compter du transfert de propriété, la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaires doit, avant tout projet de cession de tout ou partie de l'immeuble à un tiers, en informer l'État qui peut s'opposer à la cession. »
La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Aux termes de cet amendement, que j’ai déposé et que la commission de la culture a approuvé, pendant un délai de vingt ans à compter du transfert de propriété, la collectivité ou le groupement bénéficiaires doit, avant tout projet de cession de l'immeuble, en informer l'État, qui peut s'opposer à la cession.
Nous apportons, une fois encore, des garanties pour le patrimoine.
M. le président. Le sous-amendement n° II-117, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° II-54 rectifié
Compléter le texte proposé par cet amendement par les mots :
et, le cas échéant, résilier unilatéralement la convention de transfert en cas de non respect de ses clauses et ses conditions.
La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Nous retrouvons ici, et c’est heureux, la notion de garde-fou, chère à M. Ivan Renar.
L’amendement n° II-54 rectifié vise à concilier le principe de libre administration des collectivités locales et le nécessaire encadrement des conditions de cession éventuelles du monument transféré.
À la nécessité d’informer l’État, qui constitue d'ailleurs une obligation de droit commun pour tout propriétaire de monument historique classé, s’ajoute ainsi la possibilité pour l’État de s’opposer à la cession pendant un délai de vingt ans à compter de la date du transfert.
Toutefois, il est normal également que l’État puisse résilier unilatéralement la convention dans l’hypothèse où les clauses et conditions de celle-ci ne seraient pas respectées par la collectivité repreneuse. C'est pourquoi le Gouvernement a déposé, en complément, le présent sous-amendement.
Sous réserve de l’adoption de cette disposition, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° II-54 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° II-117 et sur l’amendement n° II-54 rectifié ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission est favorable à l’amendement n° II-54 rectifié et peut-être au sous-amendement n° II-117...
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° II-117.
Mme Maryvonne Blondin. La série d’amendements et de sous-amendements que nous sommes en train d’examiner montre combien était justifié le point de vue de notre collègue Ivan Renar. Celui-ci réclamait des garde-fous : en voici !
Toutefois, je ne comprends pas pourquoi de telles dispositions n’ont pu être introduites plus tôt dans cet article relatif à la cession des immeubles. J’exprime mon incompréhension devant la multiplication des amendements et des sous-amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il nous semblait que la possibilité pour l’État de s’opposer à la cession, comme l’a prévu la commission de la culture, était suffisante…
Par ailleurs, le libellé du sous-amendement n° II-117 est ambigu : le droit laissé à l’État de résilier la convention vaut-il seulement en cas de projet de cession par une collectivité…
M. Serge Lagauche. Non, c’est général !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … ou bien est-il ouvert de façon générale ? Et peut-il s’exercer à tout moment, dès lors que les clauses de la convention seraient réputées violées ?
La commission des finances serait donc portée à considérer que la faculté laissée ainsi à l’État est excessive. Monsieur le ministre, vous évoquiez tout à l'heure le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ; il me semble, après concertation avec mes collègues présents au banc des commissions,…
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Je me rallie au point de vue du président de la commission à laquelle j’appartiens ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … que le Gouvernement va ici un peu loin dans la remise en cause de la cession.
Les bonnes conventions appellent la confiance. Naturellement, s’il est violé, l’accord doit être résilié, mais nous ne pouvons aller plus loin, sauf à prévoir une clause qui donnerait à l’État, en cas de cession, une priorité, et encore peut-il déjà exercer cette dernière en toutes circonstances.
Nous sommes donc finalement plutôt défavorables à ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Au risque de faire de la peine à M. le ministre, ce qui n’est pourtant pas mon objectif ce soir, je serai, moi aussi, défavorable à ce sous-amendement, parce que ses dispositions me semblent exorbitantes du droit commun.
La convention est la loi des parties ; c’est ce que j’ai cru apprendre autrefois et ce que j’ai enseigné moi-même. Comment pourrions-nous, dès lors, instituer une résiliation unilatérale sans aucune garantie ?
Cette disposition pose plus de problème qu’elle n’en résout.
Premièrement, qui constatera la violation de la convention ? Si nous prévoyons que l’État, unilatéralement, constate le viol de l’accord, puis résilie ce dernier, nous nous situons totalement en dehors des règles qui sont à la base du droit des contrats !
Deuxièmement, quelles seront les conséquences de cette situation si le monument dont il s'agit a été transféré plusieurs années auparavant et si la collectivité y a réalisé des travaux importants ? Ce n’est pas là une hypothèse d’école, comme on l’a constaté avec plusieurs des édifices transférés au cours des derniers mois. Qu’adviendra-t-il alors des crédits engagés par la collectivité pour embellir ce monument ? Ces quelques questions me viennent à l’esprit, mais il y en aurait sans doute beaucoup d’autres.
Cette disposition, dans sa rédaction actuelle, va très loin dans la remise en cause des principes juridiques et, je le répète, elle crée davantage de problèmes qu’elle n’en résout. C'est pourquoi, à titre personnel, puisque la commission de la culture ne s’est pas réunie, j’y suis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Les travaux engagés par la collectivité territoriale le seraient forcément en conformité avec la convention, ou alors ils ne pourraient être réalisés ! C’est tout le sens du respect de l’accord par les deux parties.
Par conséquent, l’État peut toujours considérer que les travaux mis en œuvre ne correspondent pas à la convention, par exemple parce qu’ils entraînent le monument historique dans la voie d’une exploitation commerciale contraire aux stipulations de l’accord conclu.
Dès lors qu’elle n’est plus respectée par l’une des parties, la convention n’a plus d’objet et l’État a la liberté – ce n’est pas une obligation, bien entendu – de reprendre le monument pour ce motif.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Mes chers collègues, j’avoue éprouver un certain embarras, tout comme, je le suppose, un certain nombre d’entre vous.
Imaginons qu’une convention a déterminé les conditions dans lesquelles un monument a pu être transféré par l’État à une collectivité. Si l’esprit de cet accord est respecté, il n’est évidemment en aucun cas possible de remettre en cause la cession. Si l’État, qui est l’une des parties, a le sentiment que la convention n’est pas respectée, il doit pouvoir revenir sur la dévolution du monument, me semble-t-il.
Toutefois, peut-il le faire lui-même ou doit-il saisir un juge, qui constatera la violation de la convention ? Telle est précisément la question que je me pose.
Si je comprends tout à fait dans quel esprit le Gouvernement a déposé ce sous-amendement, je suis un peu plus perplexe quant à la forme d’une telle disposition.
Toutefois, peut-être est-il préférable, au point où nous en sommes, de marquer notre détermination à ne tolérer aucune violation de la convention du point de vue de l’État, quitte à trouver, quand nous nous entendrons avec nos collègues de l’Assemblée nationale, une meilleure formulation ? Du moins le problème est-il posé et comprenons-nous les intentions du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, ce sous-amendement me paraît superflu.
J’imagine que la convention prévoira un tel cas de figure. Dès lors, pourquoi préciser ce point dans la loi ? Nous devons être économes des textes normatifs !
La convention stipulera que, en cas de non-respect de la vocation ou de l’histoire du monument, l’État sera amené à remettre en cause la cession.
Toutefois, introduire dans le projet de loi une telle disposition permettant à l’État de résilier unilatéralement la convention de transfert en cas de non-respect de ses clauses serait franchement superfétatoire.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Une telle disposition mériterait d’être inscrite dans la convention, mais pas dans la loi !
M. le président. La parole est à M. Joseph Kergueris.
M. Joseph Kergueris. Aux termes du droit des contrats, une partie qui craint le non-respect des engagements pris peut introduire dans la convention une clause résolutoire.
Néanmoins, l’application de cette clause, tout comme la résiliation de la convention, relève des tribunaux, et d’eux seuls ! Tel est le droit des contrats, publics comme privés.
M. Serge Lagauche. Le Gouvernement ne souhaite pas s’exprimer ?
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-117.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-8, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéas 16 et 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Le présent amendement a pour objet de revenir au texte initial du projet de loi.
L'Assemblée nationale a souhaité que les collectivités et groupements bénéficiaires d'un transfert remettent au ministre chargé des monuments historiques, dans les dix ans suivant cette dévolution, un rapport détaillant la mise en œuvre du projet de conservation et de mise en valeur du monument.
Or, jusqu’à présent, on n’a jamais vu les collectivités locales adresser un rapport au Gouvernement ! Cette disposition nous semblant quelque peu excessive, nous proposons de la supprimer.
M. le président. L'amendement n° II-55, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’avoue ne pas comprendre l’attitude du Gouvernement. On ne va pas attendre dix ans pour connaître la situation d’un monument historique ! Monsieur le ministre, j’espère que vos services sur le terrain seront vigilants.
Exiger sans cesse des rapports, c’est sombrer dans la bureaucratie, c’est à la limite de la caricature !
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas ne pas voter cette disposition.