M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du budget de la mission « Immigration, asile et intégration » ne peut naturellement être détaché du débat initié par le Président de la République sur l’identité nationale.
En qualité d’élu ultramarin, vous comprendrez que je considère cette question avec une acuité particulière, tant la question de l’identité lato sensu a agité la Guadeloupe au printemps dernier.
Certes, mon île est, historiquement, une terre d’immigration, parfois libre, mais le plus souvent forcée au travers de la traite des esclaves.
L’enracinement, la construction d’un socle de valeurs communes et la définition d’un projet collectif de société constituent des problématiques fondamentales pour comprendre la place qu’occupe la Guadeloupe dans la République.
Or l’immigration continue de nous pousser à nous interroger sur notre identité. Selon les statistiques disponibles, parmi les départements d’outre-mer, la Guadeloupe est la seconde terre d’accueil d’immigrés derrière la Guyane. En outre, elle apparaît de plus en plus fragilisée par la pression migratoire, notamment en provenance d’Haïti et de la Dominique.
Ainsi, entre 2005 et 2007, le nombre des infractions à la législation des étrangers et des éloignements a progressé de 67 %. Cette forte augmentation peut s’expliquer, en partie, par les moyens nouveaux qui ont été mis en œuvre pour lutter contre l’immigration clandestine.
En 2008, on recensait 1 600 interpellations, soit une diminution de 11 % par rapport à 2007. Le nombre d’étrangers en situation irrégulière dans mon département est actuellement évalué à 15 000. On constate, par ailleurs, un regain des demandes d’asile, dont 95 % émanent de ressortissants haïtiens. Ainsi, le nombre des dossiers traités par l’antenne de l’OFPRA de Basse-Terre a augmenté, en 2008, de 57% par rapport à 2007.
Monsieur le ministre, je souhaitais vous rappeler ces quelques éléments propres à la Guadeloupe afin de vous montrer que notre éloignement de la métropole ne nous empêche pas de partager avec celle-ci certains traits communs quant au sujet qui nous intéresse aujourd’hui.
Les crédits de la présente mission ne rendent compte que très partiellement de l’ensemble de cette politique transversale. Votre ministère ne concentre que 15,6 % des crédits de paiement, soit 560 millions d’euros sur le milliard et demi d’euros que votre gouvernement consacre à la politique d’immigration et d’intégration.
Les crédits sont éclatés sur onze missions budgétaires. Il en résulte une complexité et un manque de lisibilité qui nuisent à une gestion rigoureuse des deniers publics.
Ce grief, souligné par M. le rapporteur spécial et pointé par la Cour des comptes, s’applique particulièrement à la gestion des centres de rétention administrative, dont le pouvoir décisionnaire est divisé entre votre ministère et le ministère de l’intérieur.
L’impératif de bonne gestion s’impose à vous de manière d’autant plus impérieuse que votre ministère est en charge du sort de milliers de personnes qui ont choisi de venir dans notre pays bien souvent pour fuir la misère, les persécutions, ou tout simplement l’absence d’avenir. Il ne faut pas laisser la démarche répressive, même si elle est nécessaire, occulter les principes humanistes qui doivent présider à la décision publique.
Plusieurs de mes collègues du RDSE ont cosigné, au printemps dernier, une proposition de loi déposée par MM. Michel Charasse et Yvon Collin, tendant à supprimer les poursuites au titre de l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers à l’encontre des personnes physiques ou morales qui mettent en œuvre, jusqu’à l’intervention de l’État, l’obligation d’assistance à personne en danger.
Je sais que des collègues d’autres groupes ont également déposé des propositions de loi visant à abroger le délit dit de solidarité.
Pour ma part, je me félicite que Mme le garde des Sceaux ait publié, le 20 novembre dernier, une circulaire interprétative visant à définir le champ d’application de l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, incriminant le délit d’aide à un étranger en situation irrégulière.
Je constate, toutefois, que cette circulaire ne résout en rien le problème de fond, en raison tant de la valeur juridique intrinsèque de ce texte, soumise de surcroît au contrôle du juge administratif, que de la persistance d’une incohérence législative entre l’article L. 622-4 du CESEDA et l’article 223-6 du code pénal qui définit l’obligation d’assistance à personne en danger.
Plus globalement, monsieur le ministre, je tiens à attirer votre attention sur les dangers d’une politique migratoire – j’y inclus l’intégration – trop largement fondée sur le chiffre.
Je comprends la situation difficile dans laquelle vous vous trouvez du fait des objectifs chiffrés, soit 29 000 reconduites à la frontière, que vous devez atteindre coûte que coûte. Pour autant, vous ne pouvez, et nous non plus, faire fi des dommages collatéraux qui peuvent en résulter.
En y regardant de plus près, on s’aperçoit que la réalité ne correspond pas nécessairement aux discours. En comptabilisant les réadmissions sur le territoire d’un État membre de l’espace Schengen et les reconduites à la frontière des ressortissants bulgares et roumains séjournant dans notre pays au-delà des trois mois réglementaires, le chiffre des reconduites est artificiellement majoré. En réalité, seules 46 % de ces reconduites s’effectuent hors d’une zone de libre circulation avec la France.
Exiger que soit privilégiée, à hauteur de 50 % du total, une immigration de travail au profit des secteurs économiques manquant de main-d’œuvre semble avoir placé votre administration dans l’embarras, en particulier pour ce qui concerne l’utilisation des statistiques : les demandeurs d’asile sont exclus des chiffres de l’immigration ; des régularisations relevant de la catégorie « Vie privée et familiale » se trouvent transférées vers la catégorie « Travail ».
Votre récente circulaire sur la régularisation des travailleurs en situation irrégulière, pour importante et opportune qu’elle soit, démontre les incohérences qu’engendre la politique suivie.
Enfin, la nouvelle procédure de naturalisation, qui déconcentre la décision vers les préfectures, nous rapproche dangereusement de la rupture d’égalité en favorisant les différences de traitement des dossiers d’une préfecture à l’autre.
Cette complexité et ces incohérences ont un coût budgétaire, alors que l’on demande à nos compatriotes rigueur et efforts pour redresser nos comptes publics.
Je prendrai l’exemple des centres d’accueil des demandeurs d’asile, les CADA. Le nombre de places mis à disposition dans ces centres est passé de 17 000 en 2002 à 24 000 aujourd’hui, alors que 29 000 personnes y sont éligibles, soit un déficit de 9 000 places. Les 1 000 places supplémentaires budgétisées en 2008 et 2009, et prévues dans le projet de budget pour 2010, restent insuffisantes.
Pourtant, le rôle des centres d’accueil est essentiel. Non seulement ils accompagnent de manière plus efficace les demandeurs d’asile lors de leurs démarches, mais, en outre, le coût d’une place en CADA revient bien moins cher à l’État qu’un hébergement en centre d’hébergement d’urgence ou à l’hôtel.
Je regrette donc que le projet de budget pour 2010 ne prévoie que 30 millions d’euros pour ce dispositif d’urgence, alors même que son coût en 2009 aura été supérieur à 67 millions d’euros. Cet écart devra être comblé une nouvelle fois dans le cadre de la loi de finances rectificative.
Je m’interroge par ailleurs sur l’envolée des dépenses de fonctionnement du ministère, tandis que votre collègue Éric Woerth déclarait dans la presse, voilà deux jours, qu’il était nécessaire de renforcer l’encadrement des règles de dépenses de l’État. Je pourrais citer de nombreux exemples à ce sujet.
Monsieur le ministre, pour l’ensemble de ces raisons, la majorité de mes collègues du groupe du RDSE votera contre les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». Pour ma part, faisant confiance à votre bonne foi et souhaitant vous encourager, je m’abstiendrai.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément aux objectifs du Président de la République et du Premier ministre, notre politique d’immigration doit être guidée par la recherche d’un équilibre entre la fermeté, la justice et l’humanité : fermeté à l’endroit de ceux qui ne respectent pas les règles de la République, fermeté dans la lutte contre l’immigration clandestine et ses filières criminelles ; justice pour les étrangers en règle, justice pour ceux qui font des efforts pour s’intégrer et réussir leur installation durable en France en se conformant aux règles d’admission que nous fixons ; humanité, enfin, dans l’accueil des immigrants, en apportant toute l’attention requise à l’égard de la singularité de chaque situation personnelle.
Fermeté, justice et humanité sont trois principes qui s’appliquent non pas à des chiffres, à des statistiques, mais à des réalités humaines, individuelles et collectives.
Cette fermeté et cette humanité sont indissociables : elles sont le visage même de l’État républicain.
Le budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, est en hausse de 10 %. Cette forte progression traduit la volonté du Gouvernement de conforter une politique migratoire volontariste et ambitieuse.
La France entend ainsi marquer sa politique d’accueil et d’intégration des étrangers en situation régulière tout en menant, en contrepartie, pour permettre la meilleure intégration possible des immigrés, une politique de lutte contre l’immigration clandestine et les filières mafieuses de passeurs.
Monsieur le ministre, la politique d’immigration que vous menez enregistre de bons résultats qu’il convient de souligner.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Jean-René Lecerf. On peut citer deux exemples : d’une part, les résultats très encourageants obtenus en matière de lutte contre l’immigration illégale, notamment en ce qui concerne le démantèlement de ce que j’appellerai les filières de la honte ; d’autre part, le rééquilibrage entre immigration professionnelle et immigration familiale, puisque l’immigration professionnelle a doublé en 2008 par rapport aux années 2004 et 2005.
Monsieur le ministre, les crédits de votre mission reposent sur quatre piliers.
Premier pilier, cette mission budgétaire, dont la moitié des moyens sont consacrés à l’asile, nous permet de réaffirmer notre tradition d’accueil pour les opprimés et les persécutés.
Le droit d’asile est l’un des plus beaux principes de notre République, l’un de ceux qui honorent le plus notre nation et qui participent de son aura sur la scène internationale.
Le droit d’asile demeure pour notre pays une exigence morale.
La garantie du droit d’asile et l’amélioration de l’accueil et de l’hébergement des réfugiés demeurent au cœur de vos préoccupations, puisque 54 % des crédits du ministère, soit 318 millions d’euros, y seront consacrés.
Il s’agit du premier poste de dépenses, qui traduit bien la volonté du Gouvernement de voir la France, fidèle à sa tradition humaniste, demeurer une terre d’accueil pour tous les persécutés du monde.
Les crédits qui sont affectés à l’asile progressent de 10 % en raison de l’importante augmentation du nombre de demandeurs.
En effet, depuis plus d’un an, une forte reprise de la demande d’asile est observée : après une progression de 19,9 % en 2008, la tendance s’est prolongée en 2009 au-delà de ce qui était escompté, avec une augmentation de 13,9 % au cours des neuf premiers mois de l’année.
Cette recrudescence crée des difficultés de gestion pour l’OFPRA en allongeant notamment la durée d’examen des dossiers.
Le budget pour 2010 prend en compte cette situation et entend y répondre dans les meilleures conditions.
Il va, en effet, permettre la création de 1000 places supplémentaires dans les centres d’accueil pour les demandeurs d’asile, les CADA, tout en visant un objectif ambitieux : la réduction des délais de traitement des demandes d’asile et le financement de l’allocation temporaire d’attente.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour rendre hommage, à mon tour, au travail des personnels de l’OFPRA et témoigner de la qualité des travaux du conseil d’administration, où j’ai l’honneur et le plaisir de représenter notre assemblée.
C’est ainsi que le dernier conseil d’administration a réexaminé la liste des pays dits d’origine sûre, ajoutant certains États et en retirant d’autres, après des débats nourris et en fonction de l’évolution de la situation internationale.
Je m’inquiète, en revanche, des divergences qui existent entre les décisions de l’OFPRA et la jurisprudence de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA. Il n’est pas sain que celle-ci annule un nombre aussi important de décisions de l’OFPRA, et une certaine unification de la jurisprudence serait souhaitable, sous l’autorité du Conseil d’État, juge de cassation. D’ailleurs, sur ce point, l’appréhension de l’Office devrait évoluer.
Le deuxième pilier est le renforcement de la lutte contre l’immigration clandestine.
Dans ce domaine, la loi républicaine doit s’appliquer avec humanité, mais aussi avec fermeté, conformément à la pratique d’un État de droit.
Nous savons comment opèrent les réseaux de passeurs clandestins en France, comme sur l’ensemble du territoire européen. Ils organisent une véritable traite d’êtres humains. C’est un fléau qu’il faut combattre avec la plus grande détermination.
L’immigration clandestine contrevient à la dignité et au respect de la personne humaine. Les premières victimes sont, avant tout, les immigrés clandestins eux-mêmes, qui sont de plus en plus déterminés et prennent de plus en plus de risques pour passer coûte que coûte.
L’immigration clandestine dégrade également la situation des immigrés légaux. Elle renforce les discriminations dont ils sont ensuite victimes et nuit à leur intégration.
Vous avez donc engagé une lutte sans merci contre tous ceux qui exploitent, sans le moindre scrupule, la misère humaine, en vous attaquant avec la plus grande fermeté aux passeurs, aux fraudeurs et aux marchands de sommeil.
Les résultats obtenus récemment sont encourageants, notamment avec la hausse des interpellations d’étrangers en situation irrégulière, des arrestations de passeurs et des constatations d’emploi d’étrangers sans titre de travail.
Il est, toutefois, du devoir de la République de faire en sorte que les victimes des trafiquants soient traitées dans des conditions convenables, notamment lorsqu’elles se trouvent dans les centres de rétention administrative.
C’est pourquoi le groupe UMP se félicite du transfert, au ministère de l’immigration, des crédits relatifs à la rénovation et à la construction des centres de rétention administrative, et des moyens importants qui seront consacrés aux travaux de construction et d’aménagement de ces centres.
La fermeté dans la lutte contre l’immigration irrégulière est d’autant plus juste et légitime que la France conduit parallèlement une politique volontariste visant à mieux organiser l’immigration légale, en portant l’effort sur l’immigration professionnelle.
Le troisième pilier de ce budget est la politique d’intégration des immigrés réguliers, complément indispensable de la politique de maîtrise des flux migratoires.
La politique d’intégration est loin d’être oubliée, puisque ce sont près de 80 millions d’euros qui y sont affectés, soit 8,7 millions d’euros de plus qu’en 2009.
L’immigration n’a de sens que si elle débouche sur une vraie intégration, une intégration réussie.
L’intégration des étrangers s’établissant sur le territoire national est devenue, au cours de ces dernières années, un objectif particulièrement essentiel.
Grâce à ce budget, de nombreuses actions innovantes pourront être engagées en direction de l’insertion, en favorisant l’intégration des migrants légaux par la mise en œuvre d’un parcours individuel spécifique.
Les modalités d’accompagnement professionnel des étrangers seront, en outre, modernisées grâce à la signature de nouveaux accords de branche et l’attribution de nouveaux labels « diversité » dans les entreprises ou les collectivités territoriales.
Surtout, le ministère s’est doté d’un opérateur unique, pleinement opérationnel, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui permet d’unifier la politique en matière d’intégration, de la coordonner à l’échelon local et de la financer grâce à des ressources propres.
Enfin, dernier pilier, le développement solidaire constitue un autre axe d’action essentiel.
L’objectif fixé par le Président de la République et le Premier ministre est de parvenir, avant 2012, à la signature d’une vingtaine d’accords, neuf ayant déjà été conclus.
Mes chers collègues, ce budget, en très nette augmentation, s’explique donc par un renforcement des moyens de toutes les composantes de la politique d’immigration et d’intégration.
Il témoigne de la détermination du Gouvernement à poursuivre la nouvelle politique migratoire attendue par nos concitoyens : à la fois efficace et équilibrée, humaine et pragmatique, juste et cohérente.
Le groupe UMP le votera donc avec conviction. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les différentes interventions au cours desquelles beaucoup de choses ont été dites, après M. le rapporteur spécial et M. Jean René Lecerf, qui ont souligné les principaux points de la politique de l’immigration, je me contenterai de revenir sur quelques points précis.
Monsieur le ministre, il apparaît très clairement que vous êtes en train de réussir dans une mission qui est difficile, parce qu’il s’agit d’un nouveau ministère et d’un sujet sensible qui touche tous les Français, et qu’il n’est pas évident, compte tenu des crises et des crispations qu’il suscite, d’obtenir du premier jet l’équilibre dont tout le monde parle.
Les propos des intervenants prouvent bien que votre politique est une réussite. Au fond, que vous reproche-t-on ? On dénonce de prétendus échecs, mais la gauche se félicite du fait que la France reste une terre d’immigration et d’accueil. On dit que c’est votre échec. Non, pas nécessairement ! C’est votre succès, notre succès !
En effet, au-delà de sa diabolisation, la politique ainsi menée montre qu’il est possible d’allier raison, modération et, comme l’a souligné le rapporteur spécial, humanisme.
Tout d’abord, comme l’a très bien dit Jean-René Lecerf, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est en augmentation dans un contexte difficile de crise. C’est une première réalité.
Nous n’avons pas grand-chose à reprocher à ce budget, dont l’augmentation en volume correspond à une hausse du nombre de demandes d’asile. Rappelons-le, la France est à la tête des pays destinataires de demandeurs d’asile en Europe ; aucun autre pays ne suscite autant de demandes.
Quant aux critiques qui font état du risque d’explosion de cette hausse, je réponds que le projet de loi de finances rectificative pourra éventuellement en tenir compte.
En réalité, cette mission se porte bien sur le plan budgétaire.
Ensuite, je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, pour la part que vous prenez dans la lutte contre l’immigration clandestine, point essentiel et difficile, qui concerne également d’autres ministères, mais qu’il est important de personnaliser
Je pense, en particulier, à l’action que vous avez menée à Calais, où, contrairement à ce qu’on a pu écrire ici ou là, vous avez pris le soin, habilement, de faire en sorte que les migrants les plus fragiles soient assistés sur place par une aide humanitaire et par les associations. C’était une mesure difficile et courageuse, qui mérite d’être soulignée.
Enfin, il est évidemment nécessaire que la politique d’intégration connaisse des évolutions importantes et qu’un véritable parcours individuel soit mis en place.
On a parlé de la régularisation de mille sans-papiers. Il est évident que, dans ce domaine, il faut agir dans la mesure du possible à l’échelle humaine, soit au cas par cas, soit catégorie par catégorie. Cela a été dit, il importe de ne pas procéder à des régularisations massives.
Je rappelle d’ailleurs que tous les pays d’Europe, à l’unanimité, ont suivi la politique initiée récemment par la France et interdisent désormais ce genre de pratiques. Les dirigeants espagnols, qui les avaient prônées, les récusent aujourd’hui. C’est également une réalité sur laquelle il faut mettre l’accent.
S’agissant de la gestion de ce nouveau ministère, je ne peux que me féliciter des mesures techniques retenues, notamment la création de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, point qui a été abondamment commenté, ainsi que la décentralisation, aux préfectures, de l’instruction des demandes de naturalisation et des décisions défavorables, qui permet une rationalisation et une humanisation des procédures.
Par ailleurs, des améliorations budgétaires ont été apportées en ce qui concerne les centres de rétention administrative. Dans ce domaine, beaucoup a été fait ces derniers temps, après de nombreuses années d’existence de ces centres. Il faut voir d’où l’on vient et où l’on va. Il convient de le rappeler.
L’essentiel est là, vous prenez des mesures ou des circulaires qui sont adaptées à la situation du moment.
À cet égard, je rappellerai la circulaire que vous avez adressée aux préfets et aux magistrats concernant la possibilité, pour tous les citoyens qui aident en urgence une personne étrangère en situation irrégulière, d’invoquer l’aide humanitaire. Vous avez ainsi précisé quelle était la part du réel et de l’irréel, quelles étaient les responsabilités, comment notre pays répondait à ses traditions d’accueil et d’humanisme, et qu’il fallait se garder de lancer de vieux démons sur ce sujet.
Je vous félicite là encore, monsieur le ministre, pour votre pragmatisme.
Comme l’a indiqué M. le rapporteur spécial dans sa conclusion personnelle, la difficulté ne réside pas dans les chiffres. Votre bilan, qu’il soit budgétaire ou statistique, démontre bien que, en réalité, vous êtes en passe de réussir la mission difficile qui est affectée à ce nouveau ministère, celle de maintenir un juste équilibre, dans un domaine extrêmement sensible, notamment à l’égard de la jeunesse française, car le moindre dérapage est problématique.
Je citerai brièvement un exemple.
J’ai été sollicité par un jeune Français d’une trentaine d’années qui souhaitait recevoir son père, lequel n’était jamais venu en France et ne voyait que très rarement son fils. Pour faire une démarche aussi simple, ce Français doit d’abord aller en mairie présenter, dans la mesure du possible, un titre de propriété. Vous me direz que, s’il a la chance à trente ans d’être propriétaire, c’est bien ! Mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’avis de taxe foncière ne suffit pas ; il doit fournir une attestation notariée. En outre, il doit produire son avis d’imposition, ses trois derniers bulletins de salaire, une quittance d’EDF et, pour compléter le tout, il doit apporter trois timbres à 15 euros chacun, ce qui représente 45 euros.
Que des Français, qui veulent simplement s’adapter, qui ont entendu vaguement parler d’une politique d’immigration, soient contraints à effectuer des démarches aussi compliquées et rigides, me semble nuisible à une certaine politique de compréhension, de modération. Il faut y être attentif et faire preuve de vigilance.
Monsieur le ministre, c’est par votre travail que vous réussirez sans doute à maintenir l’équilibre fragile dans ce domaine. En tout cas, vous l’avez compris, comme mes collègues du groupe UMP, je vous apporte tout mon soutien. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, tout en répondant aux questions qui m’ont été posées, je souhaite rappeler brièvement les axes prioritaires de mon action et les grandes lignes du projet de budget pour 2010.
Comme l’a relevé très justement M. Jean-René Lecerf, le Gouvernement conduit en matière d’immigration une politique à la fois équilibrée et ambitieuse – et je remercie les sénateurs de la majorité présidentielle de l’avoir soutenue.
Cette politique est équilibrée, parce qu’elle est soucieuse d’accueillir et d’intégrer les étrangers en situation régulière et généreuse à l’égard des demandeurs d’asile. En contrepartie, et pour permettre la meilleure intégration possible de celles et ceux qui viennent sur notre sol, notre devoir est de conduire une politique déterminée de lutte contre l’immigration clandestine et les filières mafieuses qui exploitent ces migrants.
Cette politique est également ambitieuse. La création de ce ministère, qui répondait à la nécessité de mieux coordonner des politiques conduites jusqu’alors par divers acteurs ministériels, en est l’illustration. Plusieurs intervenants ont souligné combien il avait trouvé sa place dans le paysage politique et administratif français. Je m’en réjouis, et je veux associer Brice Hortefeux au succès que M. Philippe Dominati vient, avec beaucoup de gentillesse, d’évoquer.
L’ambition de cette politique apparaît aussi dans ses objectifs et dans les moyens qu’elle se donne.
Le projet de budget pour 2010 qui vous est présenté aujourd’hui me semble être la marque d’un engagement fort du Gouvernement. Il avoisinera les 600 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de plus de 60 millions d’euros par rapport à 2009, soit 11,5 %.
J’en évoquerai les quatre axes forts : l’asile, dans la tradition de générosité de la France ; la lutte contre l’immigration irrégulière ; l’intégration ; et enfin, même s’il relève d’une autre mission budgétaire, le développement solidaire et nos liens avec certains pays d’émigration.
Premier axe, près de 320 millions d’euros, soit plus de la moitié des crédits, seront consacrés en 2010 à l’accueil des demandeurs d’asile. Ce chiffre, trop méconnu, donne la mesure de l’engagement de notre pays à l’égard des réfugiés. Je dis parfois que l’intitulé du ministère dont j’ai la responsabilité est déjà long : « immigration », « intégration », « identité nationale », « développement solidaire ». Pourtant, il y manque un mot : « asile ».
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons faire face, depuis plus d’un an, à une forte reprise de la demande d’asile : après une progression de 19,9 % en 2008, la tendance s’est prolongée en 2009 au-delà de ce que nous escomptions : plus 13,9 % au cours des neuf premiers mois de l’année. Le projet de loi de finances pour 2010 prend en compte cette évolution.
Nous disposerons donc de 29 millions d’euros supplémentaires au titre de l’asile. Une partie sera consacrée à l’ouverture de 1 000 places supplémentaires en centres d’accueil pour les demandeurs d’asile, les CADA, l’autre à l’augmentation de l’enveloppe destinée à l’allocation temporaire d’attente, l’ATA.
Je veux rappeler, madame Assassi, que le nombre de places en CADA a été multiplié par quatre par rapport à 2001, ce qui témoigne de l’importance et de la continuité de l’effort de l’État dans ce domaine.
Plusieurs orateurs ont exprimé leur crainte que ces crédits ne soient insuffisants si la demande d’asile continuait à progresser en 2010. Je souhaite répondre dès à présent à cette inquiétude.
Nos prévisions budgétaires pour 2010 prennent en compte l’objectif de réduction des délais de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et des recours par la CNDA, la Cour nationale du droit d’asile. Nous maintenons l’objectif global de passer d’un délai moyen d’un an et demi à un an.
Cet objectif, nous devons l’atteindre pour trois raisons. Sur le plan humain, tout d’abord, le demandeur d’asile a besoin d’une réponse rapide. Nous devons aussi décourager tout « détournement » de la procédure : plus le délai est long, plus il est tentant d’y recourir abusivement. Enfin, sur le plan budgétaire, il a été souligné que la réduction des délais permettait de réduire nos dépenses : des délais raccourcis d’un mois représentent une économie de l’ordre de 8 millions d’euros pour le budget de l’État.
Des progrès ont été réalisés depuis deux ans par l’OFPRA, même s’ils sont aujourd’hui contrariés par la forte augmentation du nombre de demandes. Nous réunirons prochainement le comité de pilotage du contrat d’objectifs et de moyens de l’Office pour voir ensemble comment aborder l’année 2010.
Dans son avis lu par M. Robert del Picchia, le rapporteur pour avis André Trillard a suggéré de renforcer les effectifs de l’OFPRA. Je comprends sa préoccupation, mais elle est à mes yeux prématurée. Un nouvel agent de protection ne peut pas être pleinement opérationnel dès son arrivée : le bénéfice que l’on peut en attendre est donc nécessairement différé. Aussi, je crois que nous devons d’abord agir auprès de la CNDA, tout simplement parce que le délai moyen y était en 2008 de 13,7 mois, contre un peu plus de 3 mois pour l’OFPRA.
J’attends aussi beaucoup en 2010 de l’amélioration du fonctionnement de la CNDA liée à sa professionnalisation. L’arrivée cet automne de dix magistrats professionnels commencera à porter ses fruits l’an prochain. Il faudra peut-être aller plus loin et prévoir un plus grand nombre de magistrats professionnels, en remplacement notamment de magistrats vacataires.
Beaucoup de progrès sont également à attendre de la coopération européenne et de l’harmonisation de nos politiques en matière d’asile. Vous avez noté, mesdames, messieurs les sénateurs, que lors du dernier Conseil des chefs d’État et de gouvernement, à la demande du Président de la République, c’est une commande explicite qui a été passée en ce sens à la Commission.
Dernière observation, si les prévisions de dépenses étaient dépassées, le Premier ministre m’a garanti que les besoins nécessaires seraient couverts en gestion 2010. Cet engagement figure dans la lettre plafond du projet de loi de finances pour 2010.
Je conclurai sur ce point en rappelant que l’État, et vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, n’a jamais manqué à ses devoirs en matière d’asile.
J’en viens maintenant, c’est le deuxième axe, à la lutte contre l’immigration irrégulière, et je suis reconnaissant à beaucoup de sénateurs d’avoir bien voulu souligner qu’elle constituait un autre axe essentiel de l’action de ce ministère.
Je veux donner la priorité à la mise en œuvre des objectifs qui m’ont été clairement fixés dans la lettre de mission du Président de la République et du Premier ministre. Vous l’avez relevé, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi républicaine doit s’appliquer avec humanité, mais aussi avec fermeté. Elle est le symbole de l’État de droit.
Le budget pour 2010 consacrera à la lutte contre l’immigration irrégulière 104,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 94,4 millions d’euros en crédits de paiement.
Il comporte une nouveauté, puisque les crédits relatifs à la rénovation et à la construction des centres de rétention administrative, les CRA, sont transférés au ministère de l’immigration ; c’est dans la logique de sa création. Des moyens importants seront consacrés à ces travaux. Nous avons déjà engagé la reconstruction du CRA de Vincennes, détruit en 2008, et celle des centres du Mesnil-Amelot. Ces opérations se poursuivront en 2010. J’ai aussi décidé la construction d’un nouveau centre à Mayotte, parce que les conditions de rétention n’y sont pas actuellement acceptables.
Je me réjouis aussi de la récente décision du Conseil d’État d’autoriser l’exécution de sept des huit marchés passés en matière d’assistance juridique pour les étrangers placés en rétention.
Enfin, je veux évoquer le cas des mineurs étrangers isolés, qui, je le sais, préoccupe à juste titre plusieurs d’entre vous.
Je le répète, la France se caractérise en Europe, et même dans le monde, par sa générosité à leur égard. Elle fait partie des très rares pays qui ne procèdent à aucune mesure d’éloignement contraint, elle est l’un des rares pays au monde à ne jamais reconduire à la frontière un mineur étranger isolé, alors même que le Haut Commissariat pour les réfugiés n’impose pas une telle exigence. Elle est également l’un des seuls pays à leur faire bénéficier des mêmes prestations que ses propres mineurs isolés. (Mme Catherine Dumas approuve.)
J’ai tenu à ce que les cent vingt mineurs qui vivaient dans des conditions détestables, insupportables, dans la « jungle » de Calais, comme la désignaient les migrants, soient accueillis dans des centres prévus à leur intention. L’expérimentation de ce que l’on a appelé un « dispositif-sas », transitoire, d’évaluation des mineurs étrangers isolés, conduite depuis la fin du mois de septembre à Vitry-sur-Orne, sera prolongée au-delà de 2009.
Enfin, le groupe de travail sur les mineurs étrangers isolés que j’avais constitué en mai dernier vient de me transmettre ses propositions. Certaines mesures seront mises en œuvre très rapidement : la séparation complète des mineurs et des majeurs dans les zones d’attente ; le renforcement du nombre et de la formation des administrateurs chargés d’accompagner les mineurs non admis à la frontière et la mise en place à Roissy d’une permanence des administrateurs, ceux que l’on appelle les administrateurs ad hoc ; le remplacement de l’actuel procédé de détermination de l’âge par examen osseux par une nouvelle méthode, qui devra être élaborée par consensus médical et reste donc encore à déterminer. D’autres mesures seront mises à l’étude. Nul ne peut contester qu’il s’agisse là d’ores et déjà d’une véritable avancée.
Le troisième axe concerne la politique d’intégration.
Nous disposerons, en 2010, de près de 80 millions d’euros, soit une progression sensible par rapport à l’année dernière. Cependant, les rapporteurs l’ont souligné, il faut bien sûr, pour avoir une vision complète, prendre en compte également une partie importante des ressources de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII – l’opérateur du ministère –, de l’ordre de 75 millions d’euros.
Le rapporteur pour avis de la commission des lois, François-Noël Buffet, et le rapporteur spécial, Pierre Bernard-Reymond, ont très judicieusement démontré que les crédits de l’État sont majoritairement dépensés pour des politiques d’accueil.
L’intégration, c’est le complément indispensable de notre politique de maîtrise des flux migratoires. Nous sommes un pays très accueillant : nous accordons chaque année 2 millions de visas de court séjour et 180 000 visas de long séjour, et je suis heureux, monsieur Yung, que la France reste une terre d’immigration et d’accueil. Toutefois, notre devoir est d’offrir aux étrangers venus légalement qui souhaitent s’installer durablement sur notre territoire les meilleures conditions d’intégration.
Je redirai tant que je serai à ce ministère combien je crois que la lutte contre l’immigration irrégulière et la politique d’intégration sont les deux faces d’une même médaille, et je ne connais pas d’exemple dans le monde ni dans l’histoire où une politique laxiste en matière d’accueil ait débouché sur autre chose que l’échec de l’intégration et la montée de la xénophobie. Si vous connaissez des exemples autres, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai preneur !
Cette politique de lutte contre l’immigration irrégulière, malheureusement, est rarement mise en valeur, et je souscris tout à fait aux regrets exprimés par le rapporteur spécial Pierre Bernard-Reymond à cet égard.
Nous mettons pourtant en œuvre des actions innovantes et de grande qualité. N’ayant pas le temps de les détailler, j’en citerai trois : le dispositif « Ouvrir l’école aux parents », par lequel nous dispensons aux parents étrangers des cours d’éducation civique, d’éducation citoyenne, afin qu’ils comprennent les fondements de notre organisation administrative et politique et ce qui est enseigné à leurs enfants ; le « label diversité », destiné à promouvoir la diversité dans les entreprises ou les collectivités territoriales ; enfin, les « parcours de réussite professionnelle » relatifs à des bourses que nous avons accordées à de jeunes étudiants étrangers afin qu’ils puissent venir en France.
Je compte également présenter dans les prochaines semaines de nouvelles mesures en matière à la fois de formation linguistique, au titre du contrat d’accueil et d’intégration, et d’accès à l’emploi.
Dernier domaine d’action du ministère dont j’ai la charge, le développement solidaire – c’est le quatrième axe – bénéficie des crédits du programme 301.
L’objectif fixé par le Président de la République et le Premier ministre, cela a été rappelé, est de parvenir d’ici à 2012 à la signature d’une vingtaine d’accords, dont neuf ont déjà été conclus. Je disposerai, à cette fin, de moyens qui seront accrus de 13 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 9,5 millions d’euros en crédits de paiement.
En 2010, mon objectif sera de parvenir à la conclusion d’au moins trois nouveaux accords. J’ai engagé des négociations dans trois directions : les pays de l’Afrique sub-saharienne, les grands pays émergents tels que le Brésil, la Chine ou le Vietnam, et la zone des Balkans occidentaux.
J’ai proposé cette semaine, dans le cadre du dialogue dit « 5 + 5 » – cinq pays de la rive nord, cinq pays de la rive sud de la Méditerranée –, un partenariat migratoire pour la prospérité de l’espace méditerranéen qui comporterait trois volets : coopération Nord-Sud renforcée contre l’immigration irrégulière ; possibilité de prendre en compte des demandes d’asile dans les pays de transit ; surtout, un projet pilote pour la mobilité des jeunes dans l’espace méditerranéen.
Je me rends la semaine prochaine dans les Balkans pour conclure trois accords sur la mobilité des jeunes – Macédoine, Monténégro, Serbie – et pour renforcer la coopération avec le Kosovo dans la lutte contre l’immigration irrégulière et la traite des êtres humains.
J’ai signé il y a quelques semaines, lors de la visite du Président de la République au Brésil, un arrangement administratif avec ce pays et, ce matin-même – c’est la raison pour laquelle je ne pouvais pas être en séance, monsieur le président –, j’ai participé au séminaire gouvernemental franco-russe, au cours duquel j’ai signé avec mon homologue russe un accord migratoire à vocation professionnelle.
Par ailleurs, des contacts ont été pris avec l’Inde pour envisager des négociations en 2010, ainsi qu’avec le Vietnam en vue de négocier un accord de réadmission et un accord sur la mobilité des jeunes.
J’ai également conclu il y a quelques semaines un accord avec la Banque africaine de développement portant sur la création d’un fonds fiduciaire. Nous en attendons beaucoup.
Vous pouvez donc constater que l’action internationale de ce ministère est importante, même s’il faut parfois faire preuve de patience.
Voilà les quelques traits marquants de ce budget. Nul ne pourra contester, me semble-t-il, de bonne foi, dans le contexte difficile que nous connaissons, qu’il s’agit d’un bon budget qui témoigne des ambitions du Gouvernement en matière d’immigration et d’intégration.
Permettez-moi, pour conclure, dans le prolongement des préoccupations de M. le rapporteur spécial, de me réjouir de l’adoption fin octobre par le Conseil européen de plusieurs propositions françaises pour renforcer la lutte contre les filières d’immigration irrégulière.
J’en retiendrai au moins trois : l’adoption de règles d’engagements claires pour les opérations maritimes ; une coopération opérationnelle accrue entre l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, Frontex, et les pays d’origine et de transit tels que la Libye ou la Turquie ; l’affrètement de vols conjoints financés par Frontex.
Les flux migratoires sont un sujet mondial que nous ne pouvons plus traiter à l’échelle de notre seul pays. Il est important que la France continue de ce point de vue à jouer un rôle moteur au sein de l’Union européenne et je crois sincèrement qu’elle le joue.
J’aborderai maintenant les questions posées par les différents intervenants.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez à très juste titre évoqué le caractère transversal de cette politique et vous avez souhaité le renforcement des capacités d’analyse et de contrôle du ministère. C’est effectivement une question cruciale.
Le document de politique transversale établi depuis deux ans est, me semble-t-il, un progrès incontestable. Vous avez dit – je suis à votre écoute – qu’il fallait l’améliorer et nous pourrons évoquer ensemble un certain nombre de suggestions.
Il est important de compléter cette approche par des études transversales. Je vous rappelle à cet égard que, m’étant engagé devant votre commission des finances à commander une étude à l’inspection générale de l’administration sur le coût de la politique d’éloignement et des reconduites à la frontière, je vous l’ai fait parvenir dès que j’en ai pris connaissance.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois, m’a interrogé sur les prévisions en matière de demandes d’asile et sur les outils de connaissance de l’immigration irrégulière. Il sait mieux que quiconque que les facteurs à prendre en compte sont multiples : crise dans les pays d’origine, impact des communautés d’accueil, effet psychologique et réel de nouvelles dispositions législatives et réglementaires, modifications réglementaires chez nos voisins européens. Lorsqu’un État décide que tel pays est sûr et n’accueille plus de réfugiés politiques, il s’ensuit, bien évidemment, un effet de déplacement de la demande d’asile.
Je partage au demeurant votre souhait d’améliorer le dispositif actuel de prévision et je vais demander à mes services et à ceux de l’OFPRA de me faire des propositions en ce sens.
Par ailleurs, une harmonisation de l’information et des prévisions à l’échelon communautaire par le biais du bureau d’appui est nécessaire. La France se bat pour que ce bureau d’appui, prévu par le pacte signé sous présidence française, devienne opérationnel le plus rapidement possible car il nous sera indispensable.
Monsieur Buffet, vous avez évoqué également la question de l’immigration professionnelle. C’était l’un des objectifs fixés par le Président de la République et par le Premier ministre. Nous partions d’un peu plus de 10 %, l’objectif pour 2012 est ambitieux – peut-être trop eu égard à la crise –, puisqu’il s’agit d’atteindre 50 %.
Nous avons développé plusieurs mesures pour y parvenir, notamment la délivrance de cartes de séjour triennales, la fixation par arrêté de listes de métiers ouverts sans que puisse être opposée la situation de l’emploi.
Comme vous l’avez souligné, cette politique commence à porter ses fruits malgré la conjoncture difficile. La tendance est une croissance soutenue du flux d’immigration professionnelle salariée : plus 33 % en 2008.
J’en viens à l’intervention de Mme Éliane Assassi.
Je veux vous dire, madame, sobrement, sans hausser le ton, que je regrette la caricature à laquelle vous vous êtes prêtée : je vous avais trouvée plus nuancée lors d’autres débats.
Je regrette notamment ce que vous avez dit sur le lien entre l’identité nationale et l’immigration.
Ce débat sur l’identité nationale ne porte pas en priorité sur l’immigration. Il traite quantité d’autres sujets de cohésion sociale qui concernent tous les Français, tous les étrangers présents sur notre sol, mais aussi – je le constate avec plaisir – nombre de francophones et de francophiles qui s’intéressent à notre débat et qui se sentent héritiers de nos valeurs. Le débat est bien plus large que la question de l’immigration.
Mais, lorsque vous niez la possibilité de lier identité nationale et immigration, vous balayez allègrement toute l’histoire de France. En effet, la France n’a été historiquement qu’une terre d’invasions, avec cette particularité que les envahisseurs trouvant la terre de France fertile, tempérée et agréable, y sont restés. Il n’y a pas de peuple premier en France, madame, il n’y a pas de Français de souche. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention, essayez de faire de même pour moi, quelques instants !