outre-mer
Article 54 quater (nouveau)
Le Gouvernement présente, lors de la discussion du budget 2011, un rapport indiquant les mesures qu’il entend prendre ou proposer pour répondre à la situation financière préoccupante des communes d’outre-mer, dont les villes capitales, pour leur permettre d’assumer pleinement les charges et responsabilités qui leur incombent.
Dans le cas des villes capitales de l’outre-mer, ce rapport vise plus particulièrement à identifier les mesures de nature à compenser les conséquences financières des charges dites de centralité dont la réalité est aujourd’hui établie comme le montrent les rapports transmis aux autorités de l’État.
Mme la présidente. L'amendement n° II-50, présenté par M. Lise, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er octobre 2010, un rapport indiquant les mesures qu’il entend prendre ou proposer pour répondre à la situation financière préoccupante des collectivités territoriales d’outre-mer, dont les villes capitales, et leur permettre d’assumer pleinement les charges et responsabilités qui leur incombent, notamment en matière sociale.
Dans le cas des villes capitales, ce rapport vise plus particulièrement à identifier les mesures de nature à compenser les conséquences financières des charges dites de centralité dont la réalité est aujourd’hui établie par les rapports transmis aux autorités de l’État.
La parole est à M. Claude Lise, rapporteur pour avis.
M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. Les députés ont adopté un amendement portant article additionnel au projet de loi de finances pour 2010.
L’article 54 quater, rattaché à la mission « Outre-mer », prévoit que le Gouvernement présente, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, un rapport relatif à la situation financière des communes d’outre-mer, notamment des « villes capitales », et aux mesures destinées à répondre à cette situation.
Dans le cas des « villes capitales », le rapport devrait préciser les mesures visant à compenser les « charges de centralité » qui pèsent sur elles.
Le vote dudit amendement constitue une prise de conscience de la situation alarmante des collectivités territoriales d’outre-mer, dont mon collègue vient de faire état et que souligne notamment le rapport de la mission d’information sénatoriale sur la situation des départements d’outre-mer.
Cependant, l’article 54 quater ne vise que les communes, et non les autres échelons de collectivités, comme les conseils généraux des départements d’outre-mer, qui restent dans une situation extrêmement difficile.
Le présent amendement de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire vise notamment à ce que le champ du rapport prévu par l’article 54 quater soit étendu à l’ensemble des collectivités territoriales d’outre-mer.
Il vise à préciser que les mesures proposées par le Gouvernement devront permettre aux collectivités d’assurer leurs compétences en matière sociale : je rappelle, à ce titre, que le nombre de RMIstes est quatre à cinq fois supérieur dans les départements d’outre-mer à la moyenne métropolitaine, et que la part des allocataires du minimum vieillesse dans la population des personnes âgées de soixante ans et plus est sept fois supérieure à celle qui est constatée dans l’Hexagone.
Le rapport prévu par cet article permettrait ainsi d’avoir une vue d’ensemble de la situation financière des collectivités territoriales d’outre-mer et permettrait d’aboutir à des mesures complémentaires à celles qui ont été annoncées en conclusion du conseil interministériel de l’outre-mer.
Il ne nous paraît pas souhaitable que l’on établisse un rapport portant sur une seule catégorie de collectivités territoriales : il serait normal, à nos yeux, qu’il fasse état de la situation de l’ensemble des collectivités territoriales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Tout à l’heure, le président Gérard Larcher me rappelait que le Sénat avait mis en place un comité de suivi à l’issue de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer. Je n’en avais pas parlé jusqu’à présent, mais la discussion de cet amendement m’en fournit l’occasion. Le fait que ce soit la première fois que notre assemblée instaure un tel comité au terme d’une mission sénatoriale constitue un signal fort à l’adresse de l’outre-mer.
Mme la ministre a rappelé que 137 propositions avaient fait suite au comité interministériel de l’outre-mer. Pour ce qui la concerne, la mission sénatoriale en avait formulé 100. J’aurais d’ailleurs apprécié, soit dit en passant, que le Président de la République mentionne notre rapport, puisque vous avez reconnu, madame la ministre, que les deux tiers de nos 100 propositions avaient été reprises, sous une forme ou sous une autre, par le conseil interministériel de l’outre-mer. Je me permets de le dire, pour que vous puissiez lui rapporter directement mon propos ! Le Sénat est parfois en droit de tirer une certaine fierté du travail de fond qu’il peut accomplir, surtout quand son utilité est reconnue au plus haut niveau de l’État.
Quoi qu’il en soit, nous suivrons avec beaucoup d’attention ce qu’il adviendra des 137 mesures qui ont été proposées.
En ce qui concerne cet amendement, la commission des finances a émis un avis favorable.
Les communes d’outre-mer rencontrent effectivement un certain nombre de difficultés. Nous avons entendu à l’instant le cri poussé par notre collègue Serge Larcher sur la situation très particulière que connaissent ces communes, dans certains territoires peut-être plus que dans d’autres. Nous ne saurions la laisser perdurer, et il convient donc de procéder à une analyse approfondie dans les plus brefs délais possibles. C’est sans doute la raison pour laquelle notre collègue Claude Lise a fixé l’échéance, pour la remise du rapport, au 1er octobre 2010. Il faudra travailler d’arrache-pied pour élaborer des propositions d’ici à cette date. Nous suivrons avec beaucoup d’attention ce travail.
Par ailleurs, la commission de l’économie a souhaité élargir le champ de ce rapport à d’autres collectivités territoriales que les communes. Il faut rappeler que la spécificité de l’outre-mer, principalement des départements d’outre-mer, est de ne pas compter un très grand nombre de communes, à la différence des départements métropolitains. En effet, il y a autant de communes dans un département moyen de l’Hexagone que dans l’ensemble des DOM réunis. La charge de travail ne devrait donc pas être insoutenable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. La situation des collectivités d’outre-mer est certes préoccupante. Même si les mesures présentées paraissent insuffisantes à certains, ce fait a été pris en compte par le conseil interministériel de l’outre-mer, comme en témoigne l’effort consenti par le Gouvernement, notamment en ce qui concerne le soutien à l’investissement en vue de la réalisation d’équipements publics que les collectivités devront mettre en place dans les prochaines années, en particulier pour faire face à la poussée démographique.
Lors de la discussion, à l’Assemblée nationale, de l’amendement déposé par M. Serge Letchimy, le Gouvernement a considéré qu’il fallait prendre en compte la situation des communes. La démarche nous paraissait être bonne et aller dans le sens tant des conclusions du rapport sénatorial que de la réflexion du Gouvernement.
Néanmoins, dans la mesure où le statut des départements-régions d’outre-mer est très spécifique, notamment en termes d’autonomie fiscale, et diffère grandement de celui des communes, il nous semble préférable d’établir des rapports distincts, les réponses ne pouvant être identiques.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur le présent amendement.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 54 quater est ainsi rédigé.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale.
Conseil et contrôle de l’État
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l’État » présente, depuis l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, une architecture inchangée, avec trois programmes : « Conseil d’État et autres juridictions administratives », « Cour des comptes et autres juridictions financières » et « Conseil économique, social et environnemental ».
Cette mission s’appuie sur une enveloppe budgétaire totale de 569,9 millions d’euros, consacrée à hauteur de 56,4 % à la justice administrative, les juridictions financières représentant 37 % de ces crédits et le Conseil économique, social et environnemental, « seulement » 6,6 %.
Le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » comporte 322 millions d’euros de crédits de paiement, soit un budget en progression de 5,7 % par rapport à 2009. Dans le contexte budgétaire tendu que nous connaissons, cette progression confirme l’importance attachée aux moyens de la justice administrative. Les tribunaux administratifs bénéficient tout particulièrement de cette hausse et voient leurs crédits croître de 8,7 %. L’effort budgétaire porte également sur les effectifs des juridictions, puisque 53 emplois en équivalent temps plein travaillé sont créés en 2010, dont 20 postes de magistrat et 30 de greffier.
Depuis plusieurs années, l’un des enjeux de ce programme réside dans la réduction des délais de jugement. À cet égard, le cas de la région d’Île-de-France est particulièrement sensible. Ainsi, en 2008, les tribunaux administratifs de la région parisienne ont enregistré, à eux seuls, 32 % du total des nouvelles affaires introduites devant les juridictions de première instance.
Outre le renforcement des effectifs permis par la loi d’orientation et de programmation pour la justice, une autre décision forte a été prise : la création d’un nouveau tribunal administratif en région parisienne. Installé depuis le 1er septembre 2009 à Montreuil-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, ce tribunal devrait contribuer au désengorgement des juridictions parisiennes.
Intégrée au programme depuis le 1er janvier 2009, la Cour nationale du droit d’asile s’est, elle aussi, engagée dans une démarche volontariste de diminution de ses délais de jugement. La CNDA s’appuie pour ce faire sur une réorganisation de son fonctionnement, une amélioration de ses procédures d’instruction et de déroulement des audiences, ainsi que sur un renforcement de ses effectifs, avec notamment 10 magistrats affectés à temps plein depuis le 1er septembre dernier.
Il va de soi que les efforts budgétaires consentis en faveur de ce programme imposent, en retour, une amélioration notable des délais de traitement des contentieux. De ce point de vue, l’objectif fixé par la loi d’orientation et de programmation pour la justice de ramener ces délais à un an n’est pas encore atteint, sauf pour le Conseil d’État, mais il ne me paraît pas non plus hors de portée.
Le programme « Conseil économique, social et environnemental » disposera en 2010 d’un budget de 37,5 millions d’euros, en progression de seulement 0,6 million d’euros, soit une hausse de 1,63 % par rapport à 2009.
Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le souligner lors de la discussion budgétaire de l’an dernier, mais aussi à l’occasion de la présentation des conclusions de ma récente mission de contrôle sur cette institution, le Conseil économique, social et environnemental se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins et s’engage dans une étape clef de son histoire. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a étendu ses compétences au domaine environnemental et ouvert une possibilité de saisine par voie de pétition ainsi que de consultation sur les projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques. Le Parlement peut désormais également consulter le Conseil sur tout problème à caractère économique, social ou environnemental.
Dans l’attente de la prochaine réforme du Conseil économique, social et environnemental, qui devrait intervenir dans les mois à venir – c’est la raison pour laquelle le mandat des conseillers a été prorogé d’un an par la loi organique du 3 août 2009 –, il faut rappeler une nouvelle fois que l’évolution de cette institution devra intervenir à « budget presque constant ». On ne peut d’ailleurs que se réjouir du consensus régnant sur cette question.
Seul restera ensuite à traiter le problème du financement de la caisse de retraites du Conseil, dont l’équilibre fragile pourrait être remis en cause par l’inévitable rajeunissement et la féminisation qui résulteront de la réforme et des nouvelles nominations.
Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est doté de 210,7 millions d’euros en crédits de paiement, en progression de 1,5 % par rapport à 2009.
Mais ce chiffre est trompeur, car les dépenses de fonctionnement augmentent de 9,6 % du fait, notamment, de dépenses de loyers budgétaires. Pour sa part, l’enveloppe consacrée à l’investissement est pratiquement divisée par deux pour les crédits de paiement et par trois pour les autorisations d’engagement.
Cette réduction très significative des crédits d’investissement s’explique notamment par la fin des travaux de rénovation de la tour des archives, devenue « tour Chicago », située rue Cambon, sur le site même de la Cour des comptes.
Caractérisé par une quasi-stabilité de ses effectifs, à 1 841 équivalents temps plein travaillé, le programme présente une originalité, du fait de la politique de recrutement d’« experts extérieurs à la Cour des comptes ».
Ces « experts », au nombre de 45 et recrutés par contrat pour une durée de trois ans, contribuent aux missions de certification des comptes de l’État et de la sécurité sociale. Ils donnent pleinement satisfaction aux autorités de la Cour et, en particulier, à son Premier président, dans la mesure où ils permettent de diffuser au sein de cette juridiction les techniques les plus modernes du métier de l’audit.
Bien évidemment, il est encore difficile d’évaluer, dans le cadre de ce programme, l’impact financier de la réforme des juridictions financières qui se profile à l’horizon. On peut toutefois penser que cette réforme présentera un coût d’adaptation et de structure qui pourrait, sur une échéance d’une dizaine d’années, être compensé par une réduction des effectifs de l’ordre d’une centaine d’équivalents temps plein travaillé.
Il faut, enfin, mettre l’accent sur la reconnaissance internationale que nos juridictions financières se sont acquise pour leur capacité d’expertise. Je souhaite ainsi rappeler que la Cour des comptes mène plusieurs missions de commissaire aux comptes auprès d’organismes internationaux tels que l’ONU, l’OTAN, l’UNESCO, INTERPOL, l’OMC, et bien d’autres encore.
En conclusion, et sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de la mission et de chacun de ses trois programmes. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Simon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l’État », en cette période de restrictions budgétaires et de dégradation des finances publiques, est correctement abondé.
En effet, l’effort engagé depuis des années pour adapter la justice administrative à l’évolution du contentieux se traduit, cette année encore, par une hausse importante du budget alloué, avec une progression de 11,9 % des autorisations d’engagement, à 347,03 millions d’euros, et de 5,71 % des crédits de paiement, à 321,7 millions d’euros.
Cet effort correspond à un réel besoin, non seulement pour assurer de manière satisfaisante le service public de la justice, mais aussi pour préparer l’avenir et faire face aux contentieux issus de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires dont les conséquences juridiques sont mal – ou pas du tout – évaluées en amont, comme pour le revenu de solidarité active, le droit au logement opposable ou encore le permis à point.
L’année 2010 verra se poursuivre les efforts en matière de création d’emplois, avec une hausse de 6,1 % des crédits de personnel et la création de 20 emplois supplémentaires de magistrat, qui vont permettre d’atteindre l’objectif fixé par la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, qui prévoyait la création de 210 emplois de magistrat pour la période de 2002 à 2007, avec malgré tout un retard de trois années, il faut le souligner. Le projet de budget triennal pour les années 2009 à 2011 prévoit également le recrutement de 80 agents de greffe.
Concernant l’investissement, les efforts consentis ces dernières années avec la création des tribunaux administratifs de Nîmes et de Toulon et l’ouverture, en septembre de cette année, du tribunal administratif de Montreuil-sous-Bois, ont permis – et vont permettre – de réorganiser la « géographie » de la justice administrative pour conjuguer efficacité et délais de jugement raisonnables.
À ce sujet, comme je l’avais déjà souligné l’année dernière, il est nécessaire de poursuivre nos efforts en région parisienne. L’ouverture du tribunal administratif de Montreuil-sous-Bois est le symbole de cette volonté.
Autorisée par la loi de finances initiale pour 2009, cette création vise, d’une part, à faire face à la progression du contentieux issue du département de la Seine-Saint-Denis, qui a augmenté de 73 %, et, d’autre part, à permettre le rééquilibrage de l’activité des tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Versailles et le redécoupage du ressort des autres juridictions d’Île-de-France. Ainsi, dès 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise traitera des affaires des Hauts-de-Seine et du Val-d’Oise, le tribunal administratif de Versailles, des affaires de l’Essonne et des Yvelines, et celui de Montreuil-sous-Bois, des affaires de la Seine-Saint-Denis.
Il faut savoir qu'en région parisienne les délais de jugement ne sont plus supportables, dépassant parfois cinq ans dans certaines matières. La création du tribunal administratif de Montreuil-sous-Bois, dont je me félicite, permettra donc d’améliorer sensiblement la situation dans les départements bordant la capitale, mais il convient de ne pas négliger le tribunal administratif de Paris, d'ores et déjà dans une situation critique. Le stock d'affaires à juger y est en effet très important, et la situation risque de se dégrader avec le développement du contentieux relatif au droit au logement opposable, dont une partie se concentrera sur la capitale.
Je souhaite, pour cette raison, une augmentation des moyens alloués au tribunal administratif de Paris, notamment par des créations de postes significatives. Il est également nécessaire de renforcer les effectifs des cours administratives d’appel, à Paris et à Versailles en particulier. La création d’une nouvelle chambre semble assurée à la cour administrative de Versailles en 2010, et j’aimerais que cela soit également le cas pour celle de Paris.
Plus au sud, si la création des tribunaux administratifs de Nîmes et de Toulon a permis de soulager ceux de Montpellier et de Marseille, je tiens à vous alerter sur la situation de la cour administrative d’appel de Marseille, au bord de la saturation. Alors que le projet de création d'une nouvelle cour administrative d’appel dans le Grand Sud ne semble plus d’actualité, je me permets néanmoins d'insister sur la nécessité de créer une nouvelle chambre à la cour administrative d’appel de Marseille.
Le renforcement des moyens alloués à la justice administrative vise à améliorer le service rendu.
Les indicateurs de performance à notre disposition, comme le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, le délai moyen de jugement pour les affaires ordinaires ou encore la proportion d'affaires en stock, font apparaître des délais beaucoup trop longs, même si, il faut le noter pour s'en féliciter, les valeurs cibles fixées chaque année sont atteintes.
Entre 2000 et 2008, le nombre d'affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs a progressé de 55,46 %, et devant les cours administratives d’appel, de 64,40 %. Devant ces deux types de juridictions, les contentieux les plus inflationnistes, en volume comme en pourcentage de progression, sont le contentieux des étrangers et celui de la police.
À titre d’exemple, la hausse du contentieux de la police devant les cours administratives d’appel a crû de plus de 131 % depuis 2004.
Cette augmentation est, bien évidemment, dû à l'importance du contentieux du permis à points. C'est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, que l'outil statistique relatif aux affaires de police administrative soit complété, afin d'assurer la comptabilisation précise des contentieux liés au permis à points.
Un contentieux qui explose, des moyens renforcés, une productivité accrue et, in fine, une amélioration des délais de jugement et une diminution du stock des affaires : cette situation vertueuse pourrait vite se dégrader face à l'émergence progressive de nouveaux contentieux tels que le DALO et le RSA.
De septembre 2008 à août 2009, 3 155 requêtes déposées devant les tribunaux administratifs concernaient le DALO. Selon les projections retenues, ce contentieux devrait à terme représenter un flux annuel de 5 000 à 7 000 affaires, concentrées comme prévu sur les quatre juridictions d'Île-de-France.
À la différence du RMI, le revenu minimum d’insertion, et de l'API, l’allocation de parent isolé, le contentieux suscité par le RSA, le revenu de solidarité active, entré en vigueur le 1er juin 2009, relève en première instance des tribunaux administratifs. Au regard des recours suscités par les prestations auxquelles le RSA se substitue, ce nouveau contentieux pourrait générer 12 000 affaires par an, dont la moitié pourrait disparaître si la procédure de recours administratif préalable obligatoire auprès du président du conseil général institué en la matière se révèle efficace.
Au-delà des questions essentielles relatives aux moyens matériels et humains, la justice administrative connaît également depuis plusieurs années des réformes de son organisation interne, au niveau tant des attributions que des compétences et de la procédure.
Par le décret du 7 janvier 2009, modifiant le code de justice administrative, le commissaire du gouvernement est ainsi devenu le « rapporteur public ». Ce changement de nomination clarifie le rôle joué par ce dernier dans la procédure administrative. En revanche, le Parlement, à l’initiative du Sénat, a refusé que la réforme du code de justice administrative se fasse par la voie des ordonnances de l'article 38 de la Constitution. Ce rejet concerne notamment les dispositions relatives au statut des magistrats, qui devront donc être examinées par le Parlement sous la forme d'un projet de loi.
De même, le projet de dispense de conclusions du rapporteur public ne pourra faire l'économie d'une discussion devant le Parlement. En effet, afin d'accélérer le traitement de certains contentieux répétitifs, le Conseil d’État envisage, dans certaines matières, de permettre au rapporteur public de se dispenser de prononcer ses conclusions à l'audience. Cette idée suscite de vives inquiétudes. Un tel dispositif doit faire l'objet d'une réflexion approfondie, et ce afin d'éviter toute rupture d'égalité dans le traitement des contentieux.
En conclusion, je souhaite que l’effort fourni pour donner à la justice administrative les moyens d’exercer correctement et prioritairement sa mission juridictionnelle soit maintenu et amplifié lors des prochaines échéances budgétaires.
Au nom de la commission des lois, je vous invite, mes chers collègues, à approuver ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE et de l’Union centriste.)
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l'État » constitue une avancée significative dans la vie démocratique de la nation. Elle permet d'imposer une logique de performance en conformité avec l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, et ce au bénéfice tout à la fois des citoyens et des agents de l'État. Nous avons donc tout lieu de nous féliciter de ce système.
Cette mission comprend trois programmes. Le premier concerne le Conseil d'État et les autres juridictions administratives, qui doivent mettre à profit l’augmentation significative de leur budget, à hauteur de 5,7 %. Il leur appartient de réduire les délais de jugement au sein de l'ordre administratif à un an, terme fixé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002. Le délai moyen actuel demeure en effet quelque peu supérieur.
Nous notons à ce sujet le souci que l'État attache aux moyens de la justice administrative et nous espérons que cette augmentation budgétaire, légèrement majorée de surcroît par nos collègues députés, permettra de satisfaire une exigence de résultats et de manifester ainsi que les administrations respectent le droit, tout en maîtrisant les dépenses.
Permettez-moi aussi d’évoquer la réorganisation de la Cour nationale du droit d'asile, rattachée au présent programme depuis le 1er janvier 2009. La réduction de ses délais de jugement constitue également un impératif, mais ne doit pas empêcher la garantie les droits de l'homme les plus élémentaires dans un État de droit. Il convient – pour reprendre une formule du rapporteur – de faire en sorte que « les progrès accomplis au niveau des délais de jugement ne s'effectuent pas au détriment de la qualité des décisions rendues ».
Le deuxième programme concerne les spécificités inhérentes au rôle et aux fonctions du Conseil économique, social et environnemental. Cette institution a encore quelques progrès à faire pour satisfaire aux impératifs fixés par la LOLF, d'autant plus que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 lui attribue de nouvelles missions. En augmentation de 1,6 million d’euros par rapport à l'année dernière - soit une enveloppe globale de 37,55 millions d'euros – son budget permettra-t-il au Conseil économique, social et environnemental de remplir ses missions ?
Certes, j'en ai bien conscience, 2010 sera une année de transition pour cette institution à laquelle le Parlement en général et le Sénat en particulier sont très attachés, dans la mesure où une loi organique doit achever la définition de ses missions.
Mais, rappelons-le, la représentation des activités économiques et sociales concentre 68,5 % des crédits du présent programme, le fonctionnement de l'institution en absorbe 26 %, et la communication et l'international en utilise 5,5 %. Dès lors, le CESE risque de ne pouvoir assurer toutes ses missions si une trop grande maîtrise budgétaire lui est imposée, ce qui serait dommageable à sa fonction même. À cela s’ajoute le problème spécifique de sa caisse de retraites, dont l'équilibre fragile pourrait être remis en cause par ladite réforme.
Le troisième programme, enfin, concerne la Cour des comptes et les autres juridictions financières, actuellement engagées dans un processus d'adaptation et de modernisation. La prochaine étape sera la réforme des chambres régionales et territoriales des comptes, dont les crédits sont en légère progression - de 1,5 % - par rapport à 2009.
D’une part, je note avec intérêt la volonté affichée des juridictions financières de poursuivre la rationalisation de leurs moyens. D’autre part, je prends acte de la volonté du Gouvernement de faire de la Cour des comptes le grand organisme d'audit et d'évaluation des politiques publiques dont la France a sans nul doute besoin. Cependant, faute de connaître les détails de la réforme envisagée, il m’est difficile de me prononcer sur le budget de la Cour des comptes.
En définitive, près de dix ans après la mise en œuvre de la LOLF, on ne peut que se féliciter des effets bénéfiques du contrôle de gestion imposé à ces trois institutions. Dans un contexte budgétaire tendu, ce contrôle apporte transparence et efficacité. En conséquence, le groupe RDSE votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)