M. Michel Charasse. …et qu’il serait bon que vous puissiez vous dégager de cette contrainte à laquelle il est très impossible de déroger puisque c’est un élément automatique. La norme, c’est quand on vient nous dire, par exemple, que, dans les prochains trois ans, tous les incinérateurs des crematoriums, y compris ceux qui existent, devront être mis aux normes. Cela, c’est une invention qui vient de je ne sais où, et ce n’est pas une directive européenne !
J’ajouterai que beaucoup de normes sont la traduction de décisions ou de suggestions du comité des normes à Bruxelles, comité qui n’est pas intégré dans les traités et qui ne relève pas de l’autorité européenne et des institutions de l’Union. Il a été créé par des industriels qui se réunissent régulièrement pour décider, par exemple, qu’il est temps cette année de changer les poignées de lavabos ou les boutons électriques. (Sourires.) On fait alors une nouvelle norme de poignées de lavabos ou de boutons électriques, et nous retrouvons cela à la commission d’évaluation des normes !
Cela a pour conséquence, monsieur le ministre – en tant que maire, vous le savez bien, et vous n’êtes pas le seul dans cet hémicycle – que, entre le moment où est posée la première pierre d’un bâtiment et le moment où l’on coupe le ruban pour l’inaugurer, le bâtiment n’est déjà plus aux normes puisque celles qui ont permis d’obtenir le permis de construire ont été abrogées ou remplacées ! (Nouveaux sourires.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
M. Michel Charasse. Le problème, c’est que, si l’on nous donne toujours un délai de deux ou trois ans pour effectuer la mise aux normes, en cas d’accident, le juge peut très bien nous reprocher de ne pas avoir mis aux normes immédiatement, en faisant valoir le principe de précaution.
C'est la raison pour laquelle je pense qu’un moratoire d’un an sur les normes ne serait pas exagéré. Je vise, bien entendu, les normes qui n’ont pas un caractère obligatoire ou mécanique, contrairement aux traitements de la fonction publique que vous avez cités.
Vous ne m’avez pas répondu, monsieur le ministre, et vous non plus, monsieur le rapporteur général, sur l'amendement n° I-433 rectifié que j’ai présenté en même temps, qui recommande de ne plus imposer aux collectivités locales aucune dépense par voie réglementaire à compter du 1er janvier 2010.
En effet, les ministères bricolent leurs petits trucs dans leur coin, prennent des arrêtés ou des circulaires augmentant le tarif de ceci ou de cela. Tout cela, bien entendu, fait des petites sommes ou des sommes moyennes, mais, en fin d’année, cela finit quand même par faire une addition ! Cela me rappelle, monsieur le président, cette formule de François Mitterrand, à qui un jour, un écrivain disait : « monsieur le président, je vous ai envoyé mon dernier livre ; cela fait le quarantième » ; François Mitterrand avait alors répondu : « Mis bout à bout, cela finira par faire une œuvre ! ». (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon, pour explication de vote.
M. Alain Chatillon. J’approuve tout à fait les propos de notre collègue Michel Charasse.
Pour une ville de 10 000 habitants, les mises aux normes – j’entends par là les équipements sportifs, les aires de jeu pour enfants, les jardins publics – représentent un coût d’environ 100 000 à 200 000 euros chaque année ; cela ne peut pas durer !
J’ajoute qu’il serait également nécessaire de demander aux fédérations, notamment à la fédération française de football qui, chaque année, nous impose des normes nouvelles – relatives à la distance entre le terrain et les balustrades, par exemple – de faire preuve d’un peu de modération en ce domaine. Pour des clubs qui évoluent en première ou en deuxième division amateur, nous ne pouvons pas nous prévaloir des normes du Stade vélodrome de Marseille ! Que l’on n’impose pas ces normes aux territoires ruraux ! Je souhaiterais que, sur ce plan-là aussi, il soit fait preuve d’un peu plus de bon sens, car ces mises aux normes coûtent très cher aux collectivités.
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je suis prêt à retirer mon amendement n° I-432 rectifié, provisoirement, parce que c’est un sujet sur lequel je reviendrai. Je regrette d’ailleurs qu’Alain Lambert ne soit pas là, car nous avions décidé cet amendement quasiment ensemble ; mais j’en reparlerai avec lui.
Je souhaiterais au moins que le ministre nous indique que, désormais, aucune norme ne pourra sortir d’un ministère sans son accord. En effet, la plupart du temps, on nous envoie des textes, notamment des arrêtés ou des circulaires sans le contreseing du ministre du budget et qui coûtent un argent fou à l’État et aux collectivités locales, donc sans que le ministre du budget ait eu son mot à dire dans cette affaire !
Alors, monsieur le ministre, si vous demandiez déjà au Premier ministre d’adresser une circulaire à tous les ministres pour leur signifier que cette comédie doit cesser, je serais relativement satisfait et je pourrais provisoirement retirer mon amendement n° I-432 rectifié.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Nous sommes nombreux à partager le point de vue de M. Charasse sur ce sujet. Il importe donc de trouver un système réaliste qui fonctionne.
Il faut progresser dans le domaine des normes. Celles-ci se traduisent par des coûts supplémentaires parfois imprévus. Les élus locaux s’aperçoivent souvent de l’inutilité de la norme.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Éric Woerth, ministre. De plus, il faut parfois trois ou quatre ans pour réaliser la mise aux normes, et la quatrième année, on vous annonce que les normes ont subitement changé.
Puis, il y a les mises aux normes que l’on n’effectue jamais. L’accessibilité « handicapés » est réalisée au fur et à mesure. Tout le monde est évidemment convaincu que nos bâtiments, nos rues doivent être accessibles aux handicapés. Mais il arrive que l’application stricte de la norme se révèle totalement inadaptée sur le terrain. Ainsi, des ascenseurs sont installés dans des conditions extravagantes parce que l’architecte des Bâtiments de France a décidé que cela ne pouvait pas se faire autrement. Certains conflits parfois nous étonnent, coûtent très cher, et nous devons donc réfléchir d’une manière très positive à ces questions.
Je suis très sensible aux propos de M. Charasse. Comme je l’ai déjà indiqué, je pense que les règles des finances publiques doivent rendre le lien entre l’État et les collectivités plus facile, plus transparent et plus efficace. C’est un vaste sujet.
Il a déjà été beaucoup question de l’augmentation des dépenses des collectivités. Nous voulons tous maîtriser ces dépenses, comme celles de l’État d'ailleurs. Mais on ne peut pas à la fois imposer des coûts supplémentaires aux collectivités et reprocher à ces dernières d’augmenter leurs dépenses ! Sur ce sujet des normes et, plus généralement, du rapport entre les collectivités et l’État, nous avons besoin d’un certain nombre de règles simples de finances publiques. Ce sera très important pour la sortie de crise.
Je voudrais intégrer tout le chapitre des normes dans un ensemble de règles simples, dont nous pourrions parler si vous le voulez, et les faire porter par les plus hautes instances de l’État, pour qu’elles aient un poids politique et marquent l’engagement de l’État.
Nous pourrions, dans le cadre de la RGPP, diffuser aux ministères une sorte d’avis ou d’avertissement sur la publication de tout texte engageant les finances des collectivités locales ou d’un tiers…
M. Michel Charasse. Ou de l’État !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je me réjouis beaucoup des orientations que vient d’exposer M. le ministre.
Il faudrait également, monsieur le ministre, que vos collègues du Gouvernement n’allèguent pas la norme pour s’opposer à des innovations en matière d’organisation des services publics locaux.
Vous serez sans doute présent au banc du Gouvernement demain matin pour présenter les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je me permettrai de revenir sur un point particulier qui illustre la contradiction dans laquelle se trouve le Gouvernement : les normes doivent être financièrement soutenables. De cela, nous reparlerons demain matin, monsieur le ministre, si vous le voulez bien.
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° I-432 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Je voudrais juste préciser, concernant les normes – monsieur le ministre, vous le savez d’ailleurs sûrement –, que certaines de nos normes sont inapplicables !
Lorsqu’il est exigé que les portes de la cathédrale de Clermont-Ferrand, laquelle date des XIIe-XIIIe siècles, soient mises aux normes afin qu’elles s’ouvrent, pour des raisons de sécurité, vers l’extérieur et non vers l’intérieur comme cela se faisait au Moyen Âge (Sourires.), cela ne peut se faire parce que l’architecte des Bâtiments de France ne le veut pas. Normalement, le maire de Clermont-Ferrand devrait donc fermer la cathédrale puisqu’elle n’est pas aux normes. Cela ne me gênerait pas, mais ma tolérance naturelle trouverait quand même cela choquant ! (Rires sur plusieurs travées de l’UMP.) C’est vous dire jusqu’où l’on peut aller ! (M. Jacques Gautier applaudit.)
Sur l’amendement n° I-432 rectifié, je n’insiste pas ; mais je compte vraiment sur M. Woerth pour demander au Premier ministre d’envoyer une directive précise à tous les ministres afin qu’ils arrêtent de pondre tous les matins des normes inutiles simplement pour satisfaire un instant d’intense émotion de leurs bureaux !
Sur l’amendement n° I-433 rectifié – on ne m’a pas répondu, mais peut-être va-t-on le faire –, je voudrais préciser que, parmi les dépenses sournoises, figurent celles qui émanent des bureaux des ministères sans jamais passer par la direction du budget dont la vigilance nous épargne beaucoup de choses ! Ainsi, par exemple, lorsque nous recevons une circulaire précisant que, pour telle catégorie de personnels, – aides médicales, pompiers, etc. –, le nombre de visites médicales obligatoires passera de deux à cinq par an, il nous faut embaucher des médecins supplémentaires au conseil général, ce qui nous est ensuite reproché par le Premier ministre ! Par conséquent, si le ministre du budget mettait le holà à ce genre de fantaisie, ce serait une bonne chose.
Une simple circulaire peut faire beaucoup de mal, mes chers collègues ! Je voudrais rappeler que, lorsqu’est intervenue la séparation des églises et de l’État, le drame a explosé dans les églises à l’occasion des inventaires, tout simplement parce qu’une circulaire de la direction des domaines du 2 janvier 1906 avait prescrit dans un discret paragraphe l’inventaire et l’ouverture des tabernacles et que, bien entendu, le ministre avait signé sans regarder ! (Très bien et applaudissements sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Cela étant dit, je retire l'amendement n° I-432 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-432 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° I-433 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit probablement d’un amendement d’appel qui vise à provoquer un débat en séance publique.
M. Michel Charasse. Notamment !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous ne pouvons effectivement qu’aller dans le sens de Michel Charasse. L’expérience quotidienne du maire de Revel rejoint celle du maire de Puy-Guillaume ; nous sommes, très sensibles à ces sujets.
Cela dit, est-il juridiquement possible de mettre entre parenthèses le pouvoir réglementaire ? Cet article – et je m’adresse à un orfèvre – est-il constitutionnel ? Le voter équivaudrait à un coup d’État républicain. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Charasse. Pas vraiment !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce serait une vraie décision politique, et il est vrai que nos assemblées ne sont pas souvent en mesure de prendre des décisions ayant une telle portée.
Je me pose donc la question de l’applicabilité du dispositif proposé. À mes yeux, il s’agirait non pas d’une prise de pouvoir par le Parlement,…
M. Michel Charasse. N’exagérons rien !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … mais de quelque chose d’approchant, car toucher au pouvoir réglementaire en matière de normes…
M. Michel Charasse. Ce ne sont plus des normes, ce sont des dépenses en général !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Certes…Mais, en interdisant l’augmentation par voie réglementaire des charges incombant aux collectivités territoriales, on touche aux domaines respectifs de la loi et du règlement. Nous devons nous demander s’il est possible de prévoir un tel dispositif. La commission s’en remet donc à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. J’ai déjà en partie abordé cette question. Effectivement, il s’agit d’une limitation du pouvoir réglementaire, qui peut poser problème, mais certains d’entre vous sont meilleurs juristes que moi.
Monsieur Charasse, il me semble que tout cela peut faire l’objet d’un partenariat. Je suis prêt à prendre assez rapidement une circulaire pour centraliser les dépenses rendues obligatoires par des textes réglementaires et en limiter leur nombre.
M. Alain Chatillon. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Nous le savons bien, ces derniers sont pris par les ministères sans qu’il y ait nécessairement un contrôle approfondi ou, en tout cas, sans qu’en soient réellement mesurés les enjeux, lesquels peuvent s’avérer épouvantables sur le terrain.
Il suffit pour s’en rendre compte, d’en parler avec les préfets. Ces derniers se disent terriblement accablés par le nombre important de textes réglementaires qu’ils reçoivent sur un sujet : le droit évolue sans cesse, ce qui est très pénible pour eux.
Je suis donc disposé à examiner de près la question de l’augmentation exogène des charges et à cristalliser le résultat de nos travaux dans une circulaire, à la rédaction de laquelle vous pourriez être associé, monsieur Charasse.
En ce qui concerne l’interdiction de la signature de contrats entre l’État et les collectivités qui auraient pour effet d’augmenter les charges de ces dernières, je vous rappelle qu’il faut être deux pour signer un contrat ! La situation est plus compliquée lorsque l’un des deux seulement en exprime l’envie. Je ne parle pas de certains contrats comme les contrats de plan. Si l’État souhaite, à un moment donné, conclure un contrat ou une convention avec une collectivité sur tel ou tel point, les possibilités sont extrêmement larges et ne relèvent que de la volonté des parties, sauf si la loi l’impose. Mais, en général, si la loi l’a imposé, c’est que cela a été voté.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Monsieur Charasse, vos deux amendements soulèvent la très vive sympathie de l’ensemble des sénateurs, qui sont par ailleurs des élus locaux. Nous adhérons totalement à votre démarche.
Mais je suis très sensible, et effrayé d’ailleurs, à la perspective d’un coup d’État républicain évoqué par M. le rapporteur général ! Je me demande si la bonne solution ne serait pas d’appliquer, pour la première fois, la possibilité d’adopter une résolution, qui figure dans la réforme constitutionnelle de juillet 2008.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Bonne idée !
M. Gérard Longuet. L’amendement n° I-433 rectifié pourrait être utilement transformé en résolution le moment venu, selon la procédure prévue dans la Constitution. Notre démarche serait d’ailleurs certainement assez largement partagée à l’Assemblée nationale. La « résolution Charasse » exprimerait la volonté du législatif s’adressant avec vigueur à l’exécutif. Pour autant, nous n’empiéterions pas sur les responsabilités spécifiques de ce dernier et nous ne succomberions pas au risque de coup d’État républicain évoqué par M. le rapporteur général et théorisé, en son temps, par le président Mitterrand dans des ouvrages anciens que nous avons lus lorsque nous étions étudiants pour les uns et militants pour les autres ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Pas assez !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Tout comme M. le rapporteur général, je considère que l’amendement de notre collègue Michel Charasse est avant tout un amendement d’appel. Il nous conduit à nous interroger sur l’efficacité d’organismes ayant à suivre l’évolution des charges supportées par les collectivités locales compte tenu de l’évolution des normes.
D’une part, il me semble qu’un observatoire est chargé de faire le point entre les charges et les recettes des collectivités. Que fait-il ? Quelles remarques a-t-il formulées ?
D’autre part, il existe une Conférence nationale des finances publiques, qui, me semble-t-il, ne s’est pas réunie depuis déjà un certain temps. Je me souviens m’être rendu au moins deux ou trois fois à Bercy pour faire le point sur l’évolution des finances avec des représentants des conseils généraux, des conseils régionaux, du Sénat et de l'Assemblée nationale. Monsieur le ministre, n’y aurait-il pas lieu de réactiver cette instance ?
Enfin, il me semble que nous devrons profiter de la réforme des finances locales, sur laquelle nous avons travaillé, pour s’interroger une nouvelle fois sur la dynamique de nos recettes par rapport à celle de nos dépenses. La forte augmentation des dépenses des collectivités locales est la plupart du temps liée à l’évolution des normes. Les recettes dont nous bénéficions ne suffisent pas pour suivre cette tendance. M. Charasse a soulevé cette question, laquelle mérite effectivement que nous nous y intéressions. La résolution est sans doute une formule qui permettra à notre collègue de « sortir par le haut » et de retirer son amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. J’ai bien entendu les propos très intéressants tenus par les uns et les autres.
Monsieur le rapporteur général, sont seules obligatoires pour les collectivités territoriales les dépenses décidées et imposées par la loi. À partir du moment où la loi dispose que telle dépense ne peut être augmentée, le législateur est dans son rôle. C’est l’un des rares domaines dans lesquels le pouvoir réglementaire est relativement encadré. Je n’ai donc pas le sentiment de commettre un coup d’État républicain, ce qui serait contraire à ma nature !
Mais mon amendement était en fait – on l’aura compris – un amendement d’appel ! Chaque année, certaines dépenses tant de l’État que des collectivités locales dérapent ou glissent silencieusement uniquement parce que, dans un certain nombre de ministères, des initiatives ne nécessitant pas un contreseing du ministère du budget sont prises par les bureaux, entraînant des augmentations considérables, plus ou moins mécaniques et sournoises, des dépenses, notamment locales.
Monsieur le ministre, à l’instar de ce que je vous ai demandé tout à l’heure pour les normes, je souhaite que toute instruction administrative ou tout arrêté créant une obligation pour une collectivité territoriale ou pour l’État ne parte pas vers ses destinataires sans l’accord et le visa du ministre du budget ou éventuellement, en cas de désaccord après arbitrage du Premier ministre. J’ai cru comprendre que c’est ce que vous m’avez indiqué voilà un instant. (M. le ministre acquiesce.) Si désormais la direction du budget fait la police comme elle doit le faire et si on oblige à tout transmettre au ministère du budget, je peux vous assurer, mes chers collègues, que cela va largement freiner les ardeurs ! Certaines directions ou sous-directions de ministères, considérant qu’il n’y a aucune chance que leur proposition soit acceptée, ne la soumettront même pas et y renonceront !
Monsieur le ministre, quand je suis arrivé au ministère du budget, j’avais décidé de signer moi-même les instructions adressées par la Direction générale des impôts aux services – c’est tout ce qui paraît au Bulletin officiel, le BO, en matière de doctrine de l’administration. Dès que j’ai décidé cela, le nombre d’instructions a diminué de moitié, et leur longueur aussi ! (Sourires.) Par conséquent, une telle mesure réfrénerait beaucoup les ardeurs !
J’ai bien noté que M. le ministre a indiqué tout à l’heure qu’il ferait adresser des instructions aux divers ministères pour que cesse ce genre de pratique. Permettez-moi de vous dire que ce sera sûrement efficace et que nous allons sans doute faire des économies considérables !
Monsieur le président, j’ai peut-être fait perdre un peu de temps au Sénat mais, pour ma part, j’ai le sentiment de ne pas avoir perdu mon temps ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Et vous en avez fait gagner à la République !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Chers collègues de la majorité, permettez-moi de vous faire remarquer que vous êtes en train de vous défouler sur une question qui relève du pouvoir réglementaire, puisque les normes ne sont pas fixées par le Parlement !
Et pourtant, alors que vous évoquez, certainement à bon droit, le transfert de charges sur les collectivités locales, vous allez voter tout à l’heure sans barguigner la première partie de projet de loi de finances qui ampute les collectivités locales de leurs recettes principales !
Nous allons avoir tout à l’heure un débat sur la dette, qui s’élève à 1 450 milliards d’euros. Nous pourrions tout de même y consacrer quelques minutes !
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° I-433 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Non, je le retire au bénéfice de l’engagement du Gouvernement, monsieur le président ! L’idée d’une résolution défendue par M. Longuet est très bonne.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous allons la mettre en œuvre !
M. le président. L'amendement n° I-433 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-441, présenté par MM. Revet, Duvernois, Ferrand, Gélard, Lefèvre, Magras et Bécot, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les sociétés mères ayant des filiales à l'étranger peuvent déduire de leur déclaration d'impôt les sommes versées à la Fondation de France ou à d'autres fondations similaires en vue de subventionner les établissements scolaires à programmes français dans les pays où s'exerce l'activité de leurs filiales.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visées aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. J’ai déposé cet amendement avec plusieurs collègues particulièrement concernés par cette question, dont M. Duvernois qui exprimera certainement son point de vue en explication de vote.
Cet article vise à favoriser le développement d'écoles à programmes français dans les pays étrangers où des sociétés françaises sont implantées. Ces écoles rencontrent de plus en plus de difficultés de financement pour les investissements qu'elles ont à réaliser. Le soutien financier apporté par ces sociétés peut constituer un élément déterminant pour favoriser le maintien et le développement de l’enseignement de la langue française, ainsi que les échanges, et pour contribuer à renforcer l'influence de la France dans chacun de ces pays. Il est donc proposé aux sociétés mères, basées en France, de ces sociétés établies à l'étranger de déduire de leur déclaration d'impôt en France les sommes investies par l'intermédiaire de la Fondation de France ou de fondations similaires et destinées à des établissements scolaires à programmes français à l'étranger.
En France, ce sont les collectivités qui financent ce type d’investissements. Le transfert de l’État à ces collectivités a d’ailleurs permis un renforcement des investissements. Mais, à l’étranger, ces établissements relèvent de la responsabilité de l’État, lequel y consacre des crédits, certes, mais des crédits insuffisants pour véritablement réaliser les investissements indispensables.
Au début du mois de septembre, je me suis rendu avec le président Legendre et quelques collègues au Nigéria. En visitant des écoles, nous avons pu constater le travail extraordinaire effectué par les enseignants français. Et pourtant, l’image que renvoyons n’est pas forcément excellente.
Dès lors, si l’on veut que des sociétés françaises aillent s’implanter en Afrique, mais également ailleurs, il faut pouvoir assurer un accueil de qualité aux jeunes des familles françaises qui s’installeront là-bas. Pour ce faire, il faut des établissements scolaires équipés qui puissent les recevoir. C’est dans cet esprit que nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur Revet, comment ne pas souscrire aux deux objectifs que vous cherchez à atteindre avec votre amendement, l’implantation internationale des sociétés d’origine française et le maintien ou le développement de la langue française ?
Cela étant dit, aux termes de l’article 238 bis du code général des impôts, les entreprises bénéficient d’une réduction d’impôt égale à 60 % du montant de leurs versements lorsque ces derniers sont effectués au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général qui concourent notamment à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.
L’amendement tend à prévoir un avantage supplémentaire qui serait fléché. Selon moi, il faudrait progresser dans la définition de ce mécanisme, mais je serai très attentif à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je suis du même avis que M. le rapporteur général. (Rires.) Les investissements visés par cet amendement ne sont pas déductibles des charges de l’entreprise parce qu’ils bénéficient du régime de réduction d’impôt sur le mécénat, qui est très important, quand de telles dépenses contribuent à la diffusion de la culture et de la langue françaises. Ce régime, qui s’applique à 60 % des dépenses dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires, est plus favorable que la déduction de charges, laquelle, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, ne réduit l’impôt qu’à hauteur de 33 % des dépenses.
Pour bénéficier du mécénat, l’entreprise verse de l’argent à une fondation ou à une association déclarée d’utilité publique, qui le reverse ensuite à tel lycée à l’étranger.
Le régime du mécénat est plus intéressant que la simple déduction des charges, et sa mise en œuvre n’est pas très compliquée.
Je pense donc que cet amendement est satisfait.