Mme la présidente. L'amendement n° I-209, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le III est ainsi rédigé :
« III. - Le taux de la taxe est fixé à 0,08 % à compter du 1er janvier 2010 » ;
2° Le IV est supprimé.
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’amendement n° I-209 de nos collègues Thierry Foucaud, Marie-France Beaufils et Bernard Vera tend à créer un article additionnel après l’article 12, afin d’instituer une taxe de 0,08 % sur les transactions sur devises.
En d’autres termes, il s’agirait de créer une taxe « Tobin », proposition que le Sénat a déjà eu l’occasion de repousser à plusieurs reprises.
Certes, l’idée est séduisante, mais elle risque d’être totalement inopérante. Si la France appliquait seule un tel dispositif, elle prendrait le risque de voir partir toutes les transactions hors du territoire national, ce qui constituerait un grave préjudice.
Par conséquent, si de telles dispositions devaient un jour être mises en œuvre, il faudrait que ce soit en application d’un accord international, faute de quoi le dommage pour la France serait majeur.
Il se trouve que le directeur général du Fonds monétaire international est présent en ce moment en France. Peut-être pourrait-on lui demander son avis sur l’opportunité d’instituer en France un tel dispositif...
La commission n’est pas favorable à cet amendement et en sollicite le retrait, dans l’attente de jours meilleurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Avis défavorable !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’entends bien l’argumentaire de M. le président de la commission des finances, qui lui est d’ailleurs habituel.
Mais une taxe « Tobin » de 0,08 % sur les transactions financières productives aurait un taux suffisamment faible pour n’être pas dissuasive, tout en nous permettant de dégager des sommes importantes.
Au demeurant, l’intérêt d’une telle taxe, notamment dans le contexte de la crise financière que nous venons de connaître, est justement de contribuer à faire réagir contre des échanges financiers qui ne représentent aucun apport positif pour l’ensemble de notre économie.
Cette taxe, nous dites-vous, devrait être appliquée dans tous les pays. Mais il faut bien, me semble-t-il, commencer à un moment ou à un autre. Or une taxe sur les transactions financières purement spéculatives a déjà été mise en application dans plusieurs pays, comme la Suède, la Finlande, l’Allemagne, l’Australie et la Belgique, et les expériences se sont révélées intéressantes.
L’Union européenne a avancé dans la mise en place de cette taxe en son sein. Les freins existent encore, mais, si tous les pays de la zone euro introduisaient un tel dispositif dans leur droit national, son entrée en application serait très rapide.
La France prétend vouloir donner l’exemple sur certains sujets, par exemple en prenant l’initiative de la contribution carbone, mais elle refuse de s’engager sur d’autres. Cela prouve bien que les blocages sont idéologiques, voire dogmatiques. C’est, du moins, ce que nous ressentons en la matière.
La communauté internationale semble de plus en plus prête à franchir le pas. Je pense d’ailleurs que la crise financière de 2008 et de 2009 a relancé le débat.
Nous sommes d'accord avec vous, monsieur le président de la commission, cette taxe, pour être véritablement efficace, devrait être généralisée. Mais il me semble tout de même important de nous engager dans un mouvement qui a déjà commencé.
M. Bernard Vera. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° I-421 rectifié, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le deuxième alinéa du IV de l'article 302 bis KG du code général des impôts est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Pour l'ensemble des redevables, jusqu'à l'année d'extinction en métropole de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision, le taux de la taxe est fixé à :
« - 0,5 % en cas de baisse de l'assiette de la taxe de 5 % ou plus, constatée pour l'année civile au titre de laquelle la taxe est due par rapport à 2008 ;
« - 1 % en cas de baisse de l'assiette de la taxe de moins de 5 % ou d'augmentation de moins de 2 %, constatée pour l'année civile au titre de laquelle la taxe est due par rapport à 2008 ;
« - à 50 % de l'accroissement de l'assiette de la taxe en cas d'augmentation de l'assiette de plus de 2 % et de moins de 6 %, constatée pour l'année civile au titre de laquelle la taxe est due par rapport à 2008. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Thiollière, au nom de la commission de la culture.
M. Michel Thiollière, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous vous en souvenez, au début de cette année, lorsque nous avons réformé la télévision, nous avons cherché à établir un équilibre entre le service public et les chaînes privées, afin de disposer d’une offre importante sur l’ensemble du territoire.
De la même manière, nous nous étions efforcés de garantir le budget de France Télévisions, ce qui est effectif aujourd’hui. Nous avions également indiqué que nous vérifierions si les hypothèses envisagées par la commission pour la nouvelle télévision publique, dite « commission Copé », étaient confirmées.
Le contexte de crise dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui permet de constater qu’à la fin de l’année 2009 les hypothèses de départ ne sont pas avérées. Il n’y a pas eu de transfert de publicité des chaînes publiques sur les chaînes privées et la crise a même aggravé le fossé entre les deux en matière de recettes publicitaires. Alors que les recettes publicitaires des chaînes privées étaient censées augmenter de 350 millions d’euros, elles ont baissé de 400 millions d’euros !
Au sein de la commission de la culture – je vous prie d’ailleurs de bien vouloir excuser l’absence de son président, M. Jacques Legendre, retenu par un colloque organisé dans cette maison sur l’archéologie –, nous avons toujours souhaité un équilibre entre les chaînes privées et le service public.
Cet amendement vise donc à apporter davantage de sécurité aux chaînes privées, qui sont aujourd’hui très fragilisées par l’absence de recettes publicitaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est le point de vue de la commission des finances que je vais exprimer, mais je dois reconnaître que l’avis le plus pertinent sur ces questions est sans doute celui de la commission de la culture.
Les arguments qu’invoque M. Michel Thiollière, et qu’invoqueront sans doute Catherine Morin-Desailly et Philippe Dominati dans quelques instants – ils ont déposé des amendements similaires –, prennent en compte le recul du chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées, ainsi que l’absence d’effet d’aubaine lors de la suppression de la publicité après vingt heures sur les chaînes de service public.
La commission des finances émettra donc le même avis sur cet amendement que sur les amendements identiques nos I-273 et I-380, dont nous débattrons tout à l’heure, et invite les auteurs de ces amendements à les retirer, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Lorsque le dispositif est venu en discussion, le législateur avait prévu un éventuel retournement du marché publicitaire, puisqu’il avait fixé un taux à 1,5 %, au lieu de 3 %, en cas de recul des recettes publicitaires. Ce mécanisme sera à l’œuvre en 2010, pour l’hypothèse où la situation viendrait malheureusement à s’aggraver en matière de publicité à la télévision.
Faut-il aller plus loin dès maintenant ? Le constat de la baisse des recettes concerne seulement, semble-t-il, le premier trimestre. Il serait donc intéressant d’avoir des précisions sur l’évolution du marché des recettes publicitaires à la télévision aux deux trimestres suivants.
La tendance, nous dit-on, serait plutôt à l’amélioration, et le phénomène n’a pas joué de la même manière dans chacune des chaînes. Certaines ont vu progresser leurs recettes de publicité, tandis que d’autres ont subi un recul. Cela doit sans doute tenir aux politiques menées par les différentes chaînes, qui sont également un facteur déterminant pour capter des budgets publicitaires.
Aussi, la commission des finances souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Thiollière, comme M. le président de la commission des finances vient de le souligner, nous devons tenir compte des circonstances économiques.
La suppression partielle de la publicité sur les chaînes publiques n’a pas entraîné une forte augmentation des recettes correspondantes des chaînes privées, tout simplement parce que la crise est passée par là et que le marché publicitaire s’est effondré.
Toutefois, comme l’a indiqué également M. le président de la commission des finances, nous remarquons une remontée des recettes publicitaires dans la période récente. S’agit-il d’un indicateur avancé de la reprise économique ? Je n’en sais rien, même si nous pouvons le rêver ou l’espérer fortement ! Du reste, ce redressement est inégal selon les chaînes et dépend peut-être de leurs politiques commerciales respectives.
Toujours est-il qu’en 2009 les résultats n’ont pas été ceux que l’on pouvait prévoir avant la crise. Le Gouvernement est prêt à en tenir compte – nous devons agir en fonction de la réalité, non de façon théorique ! –, mais seulement pour l’année 2009 : je ne souhaite pas remettre en cause la législation, ces règles du jeu qui, de toute façon, entraîneront à un moment ou à un autre un transfert de publicité depuis les chaînes du service public vers celles du secteur privé.
Nous ne savons pas très bien d'ailleurs à quel média profiteront ces transferts. Il est évident que la publicité se dirige de plus en plus vers Internet ; les dirigeants de chaînes ne le cachent pas.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement serait donc prêt à faire un geste et à examiner la situation des chaînes de télévision que vous évoquez, mais uniquement pour l’année 2009 et sans modifier la législation ; nous verrons ce qu’il en sera en 2010. Je crois qu’il est plus raisonnable de procéder ainsi.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, dans sa rédaction actuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote sur l'amendement n° I-421 rectifié.
M. Jack Ralite. Premièrement, cet amendement me pose problème sur le plan législatif. Un texte de loi a été voté après une discussion dont on se rappelle qu’elle a été longue, malgré l’emploi de la procédure d’urgence. Sa rédaction plaît ou non, mais elle ne peut être soumise à révision au moindre soubresaut du marché publicitaire ! Ce serait, me semble-t-il, un curieux procédé.
Il est vrai que certaines lois sont parfois amendées, mais ces modifications sont d’une autre ampleur et, entre le texte original et sa version corrigée, il s’écoule un temps suffisant, qui évite l’arbitraire conjoncturel et l’autoritaire ajustement économique.
Deuxièmement, quand on connaît les auteurs de cet amendement, et je ne parle pas de M. Thiollière, on s’aperçoit qu’il a un goût de revanche. Il est l’expression de lobbies déçus, qui ont le droit de l’être et de le manifester, mais que nous avons le devoir de récuser. Le travail législatif ne doit pas se faire à la corbeille !
Troisièmement, ces dispositions ne rendent pas compte de la réalité telle qu’elle est. Certes, TF1 n’a pas obtenu les recettes publicitaires escomptées, mais M6 a enregistré de bons résultats, et Canal Plus de meilleurs encore.
TF1 est toujours le champion en ce qui concerne les recettes publicitaires, mais la chaîne a connu des failles dans son fonctionnement. Elle accueille moins de publicité que prévu, mais ce n’est pas la taxe qui est responsable des difficultés d’organisation de la chaîne « du temps de cerveau humain disponible ». Le marché et l’audience ont connu des variations qui ne doivent rien au hasard !
J'ajoute que, au moment du vote de la loi, la taxe était fixée à 3 % ; elle a été ramenée à 1,5 %. Grâce à cette modification, TF1, qui aurait dû payer 28 millions d’euros, n’a versé que 14 millions d’euros, mais cette chaîne veut sans vergogne « gagner tous les millions » !
Enfin, les dispositions de cet amendement doivent être encore davantage analysées. La loi votée ne prévoit de taxer que les « en plus » de publicité ; aux termes de l’amendement dont je discute le bien-fondé, l’imposition diminuerait s’il y a un « en moins » de publicité !
Si les recettes publicitaires ont baissé de 19 % au premier semestre 2009, toutes chaînes de télévisions confondues, elles n’ont diminué que de 6 % au troisième trimestre de 2009. La publicité a augmenté de 23 % entre octobre 2008 et octobre 2009. La presse a évoqué cette amélioration significative.
Nous ne pouvons ni ne devons écouter la plainte de TF1 et de ses amis, réels ou conjoncturels.
Je participais vendredi et samedi derniers au Forum d’Avignon, où l’on discutait sur la stratégie d’une nouvelle politique culturelle.
Or un intervenant, heureusement peu écouté et vivement combattu, notamment par une personnalité importante de l’industrie culturelle, a réclamé une modification de la pratique des subventions et des taxes diverses sur les industries culturelles, pour leur substituer « un nouveau modèle économique » et « poser le profit comme un but et encourager tout mouvement en ce sens par un financement spécifique ». Ce serait, ni plus ni moins, « l’échelle mobile des profits » !
Les amendements qui nous sont proposés ici sont la conséquence de cette doctrine.
Mes chers collègues, c’est de responsabilité publique que nous avons besoin aujourd'hui ! Nous refusons d’étendre la logique du marché financiarisé à la société tout entière, y compris à l’intime.
De toute manière – nous y reviendrons vendredi prochain, lors de l’examen du budget des médias –, le véritable problème réside non pas dans cette mise en scène mélodramatique au service de lobbies, mais dans la réalité fragile et aléatoire du financement de France Télévisions, qui devrait être pérenne et dynamique.
Mes chers collègues, je vous demande de rejeter cet amendement, comme ceux qui suivent : à quelques nuances près, ils sont de même nature et visent à supprimer, en tout ou partie, la taxe sur la publicité, c'est-à-dire une partie du financement de la radio et de la télévision.
Je note d'ailleurs que, en ce moment, on tente de remettre en cause à Bruxelles la taxe sur les fournisseurs d’accès, c'est-à-dire qu’on prépare une mesure qui ne serait pas très heureuse pour le service public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement présenté au nom de la commission des affaires culturelles par notre collègue Michel Thiollière, de même que les deux amendements suivants – je les évoque également, car M. le président de la commission des finances les a rassemblés dans un même « paquet » –, ne peut être expliqué par l’activisme de certains lobbies auprès des parlementaires qui les ont déposés.
Ces initiatives s’inscrivent tout simplement dans la logique de la réflexion que nous conduisons, depuis un an maintenant, sur le financement de l’audiovisuel, et pas seulement public, d'ailleurs : l’audiovisuel comprend également la TNT et les chaînes historiques privées. C’est cet ensemble qui contribue, de façon dynamique, au financement de la création et de la production audiovisuelles. Il convient donc de veiller aux équilibres de ce secteur.
Je vous le rappelle, mes chers collègues, quand nous avons décidé d’instaurer cette taxe l’année dernière, nous nous étions promis de réfléchir à son éventuelle révision, en fonction de l’évolution du marché. (M. Michel Thiollière approuve.) Consultez dans le compte rendu des débats les propos que nous avons tenus sur ce sujet l’an dernier : vous verrez que tel était l’engagement pris devant le Sénat. D’ailleurs, un comité de suivi devait se mettre en place, de même qu’un groupe de travail sur la redevance, dont je déplore, ainsi que Michel Thiollière, qu’il ne soit toujours pas réuni, parce qu’il nous aurait permis de mener un travail approfondi et affiné sur cette question.
Monsieur le ministre, que constatons-nous ? Comme vous l’avez reconnu vous-même, les recettes publicitaires des chaînes historiques privées n’ont pas augmenté fortement, c’est le moins que l’on puisse dire ! Elles ont même connu une diminution assez importante, de 19,5 % en moyenne, avec tous les effets que cette baisse entraîne à un moment où les chaînes dans leur ensemble, je le rappelle, doivent financer le passage au numérique et remplir des obligations extrêmement contraignantes en matière d’aménagement du territoire, un sujet qui, me semble-t-il, nous préoccupe tous ici.
À travers ces amendements, nous entendons bien sûr faire réfléchir. N’est-il pas nécessaire de faire une pause ? Nous vivons une situation tout à fait exceptionnelle. Le législateur est en droit de se poser de nouveau les questions qu’il avait déjà formulées voilà un an et de mettre en application ce qu’il avait proposé alors. En outre, je le rappelle, le financement de l’audiovisuel public est garanti grâce à l’indexation et à la revalorisation de la redevance, que nous devons à la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je pense que le raisonnement qui sous-tend cet amendement aurait beaucoup amusé la Cour de Louis XIV, où l’on aimait particulièrement ce genre de démonstrations par l’absurde. (Sourires.)
Si j’ai bien compris, les ressources des chaînes privées évoluent négativement, comme les recettes publiques. Si cet amendement était voté, les dépenses des bénéficiaires du service public devraient donc baisser dans les mêmes proportions, sauf si l’État compense le manque à gagner afin de maintenir les dépenses du service public.
En effet, tout le monde le sait, il y a des dépenses que l’on ne peut jamais baisser sans commettre un crime impardonnable, comme celles du service public. Lui, il fait partie des intouchables !
Or, si l’État compense, on ne voit pas pourquoi il ne compenserait pas également pour tous les autres organismes publics qui sont dans la même situation. Mais alors, il va creuser un peu plus son déficit, car personne ne compensera, sauf erreur de ma part, la baisse dramatique des recettes de l’État et la montée de ses dépenses.
M. Gérard Longuet. Si, les générations futures !
M. Michel Charasse. La conclusion, mes chers collègues, quelle que soit la sympathie que j’ai pour vous, et elle est grande, c’est que, quand vous aurez trouvé quelqu'un pour compenser les pertes de recettes de l’État, je voterai votre amendement !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Puisque nous discutons en même temps de l’amendement n° I-421 rectifié et des deux suivants, je soulignerai que ces trois dispositions relèvent d’une même morale. En effet, il n'y a pas si longtemps – c’était il y a moins d’un an –, nous nous sommes trompés, ou nous avons été trompés, et ce quelle que soit notre sensibilité politique.
Nous avons institué cette taxe parce que, nous disait-on, il y aurait un effet d’aubaine et des recettes supplémentaires. Tel a été l’objet du débat qui, dans cet hémicycle, a vu l’opposition et la majorité s’affronter.
Pour ma part, je présentais un amendement tendant à empêcher la création de cette taxe, parce que je ne croyais pas à l’effet d’aubaine. Depuis, les simulations dont nous disposions ainsi que les orientations qui guidaient le Gouvernement ont été démenties par la réalité économique : cette taxe n’était pas fondée et les recettes escomptées n’ont pas été au rendez-vous.
Monsieur Charasse, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, France Télévisions ne connaît pas la même baisse de recettes que les chaînes privées.
M. Michel Charasse. Et qui compense pour les URSSAF ?
M. Philippe Dominati. Au contraire, le groupe a dégagé un surplus de 120 millions d'euros et les sombres perspectives qui avaient été annoncées ne se sont pas concrétisées.
En ce qui concerne la création artistique, comme Mme Morin-Desailly l’a parfaitement souligné, les chaînes privées ont une importance capitale dans ce secteur, au financement duquel elles contribuent à hauteur de 50 %. Veut-on, ou non, maintenir cette activité à l'échelle nationale ? C’est peut-être ce point qui différencie nos amendements.
Monsieur le ministre, j’ai été heureux de vous entendre répondre que le Gouvernement, pour l’année en cours, c'est-à-dire pour 2009, considérerait avec une attention particulière les distorsions que provoque la taxe, afin de les corriger.
Pour ma part, comme je l’ai fait lors de l’examen de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, je contesterai l’existence même de cette taxe, tant que la preuve n’aura pas été faite qu’il existe un effet d’aubaine.
Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais il nous faut tout de même être logiques : reprenez le compte rendu des débats dans leur intégralité et vous verrez qu’à aucun moment, lors de l’examen de ce texte, nous n’avons envisagé, moi compris, que la situation serait aussi catastrophique !
Nous avons eu du mal l’année dernière à évaluer le surplus potentiel de recettes publicitaires. Aujourd'hui, à peine neuf mois après avoir introduit cette taxe, nous constatons que nous sommes nettement en dessous de nos prévisions ! Monsieur Charasse, il y a une vraie différence à cet égard entre France Télévisions et les chaînes privées !
M. Michel Charasse. Quand on perd de l’argent, on perd de l’argent !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne suis membre ni de la commission des finances ni de la commission de la culture, mais je suis un parlementaire attentif et une téléspectatrice, aussi.
Je rappelle que la suppression de la publicité sur les chaînes publiques nous a été imposée avant même d’avoir été votée par le Parlement ; elle devait entraîner, nous disait-on à l’époque, un report de publicités sur les chaînes privées.
Aujourd'hui, nous tirons la morale de l’histoire : les chaînes du service public survivent très bien à la suppression des écrans publicitaires après vingt heures.
M. Jack Ralite. Absolument pas ! Elles sont en déficit !
M. Philippe Dominati. Tout de même, 120 millions d’euros de plus !
Mme Nathalie Goulet. Elles s’en sortent en tout cas mieux que prévu.
Il n’y a donc aucune raison de toucher au dispositif en place. C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Revenons quelques mois en arrière, mes chers collègues.
Lorsque nous avons décidé de supprimer la publicité sur les chaînes de France Télévisions, il était prévu de compenser à hauteur de 450 millions d'euros. La convention qui a été scellée ce jour-là instituait une taxe sur la publicité à la charge des autres chaînes, celles du secteur privé.
Si le premier trimestre s’est révélé décevant, avec une forte chute des recettes publicitaires, les statistiques font apparaître un redressement assez sensible au deuxième trimestre pour le groupe M6, même s’il est assez fragile. Certes, pour TF1, la situation est moins favorable, puisque la baisse se poursuit, mais sur une pente moins importante.
Si vraiment les résultats définitifs de l’année 2009 le justifient, nous pourrons revoir cette question à l’occasion du collectif budgétaire.
Mes chers collègues, nous devons avoir à l’esprit la situation de nos finances publiques !
M. Michel Charasse. Oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons tenté une équation difficile au moment de la réforme de l’audiovisuel public. Évitons aujourd'hui de faire montre d’une excessive fébrilité. (M. Philippe Dominati s’exclame.) Le dispositif n’est pas encore enclenché que vous voulez déjà modifier le barème !
Je vous mets en garde : si nous procédons ainsi, nous nous condamnons à une session de rattrapage tous les six mois, à chaque loi de finances.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Thiollière.
M. Michel Thiollière, au nom de la commission de la culture. Ce débat montre que les certitudes d’hier ne sont pas les réalités d’aujourd'hui. Nous avons travaillé, voilà plus d’un an, sur un périmètre qui est désormais obsolète. Il a évolué en raison non seulement de la crise, qui frappe le secteur audiovisuel comme l’ensemble des entreprises, dans notre pays et dans le reste du monde, mais aussi d’Internet, qui a détourné une part importante des publicités, avec une domiciliation fiscale qui n’est pas toujours hexagonale, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.
Ces considérations nous invitent au pragmatisme. Il nous faut reconnaître que ce que nous imaginions hier ne s’est pas réalisé aujourd'hui.
Cela étant, la commission de la culture a la conviction qu’il ne faut pas fragiliser davantage le secteur audiovisuel privé : les entreprises ont besoin de moyens pour faire face à leurs obligations, notamment dans le domaine de la création.
M. Michel Charasse. Il y a deux entreprises qui sont dans la mouise !
M. Michel Thiollière, au nom de la commission de la culture. Sinon, cela peut avoir des conséquences en cascade et toucher d’autres entreprises, notamment dans le secteur de la production.
L’audiovisuel public a été sécurisé ; les recettes publicitaires en journée se portent plutôt bien, et tant mieux. L’État en a d’ailleurs tiré profit, puisqu’il a pu ponctionner une partie des recettes substantielles de France Télévisions.
Pour l’audiovisuel privé, nous proposons avec l'amendement n° I-421 rectifié non pas d’abandonner la taxe mais de la rendre progressive, en fonction du volume de recettes publicitaires, ce qui permet de tenir compte d’une baisse éventuelle de chiffre d’affaires.
Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir entendu nos arguments. La démarche de la commission de la culture est cohérente et, sur cette question, sa position n’a pas varié, Catherine Morin-Desailly l’a rappelé.
Madame la présidente, par souci de pragmatisme, je me propose de rectifier cet amendement, et de remplacer les mots « jusqu’à l’année d’extinction en métropole de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision » par les mots « pour l’année 2009 ».
Ainsi, les années 2010 et 2011 ne sont pas préemptées. Nous vérifierons en 2010 et en 2011 si la tendance récente se confirme et si l’augmentation des recettes publicitaires se poursuit. Nous le souhaitons, car il s’agit d’un voyant important du tableau de notre économie.