Sommaire
Secrétaires :
Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Michelle Demessine.
2. Loi de finances pour 2010. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Article additionnel après l'article 1er
Amendement n° I-283 de M. Philippe Dominati. – MM. Philippe Dominati, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État ; Michel Charasse. – Retrait.
Article additionnel avant l'article 2
Amendement n° I-223 de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre. – Rejet.
Articles additionnels après l'article 3
Amendement n° I-436 de M. Christian Cambon. – MM. Christian Cambon, le rapporteur général, le ministre. – Retrait.
Article additionnel avant l'article 4
Amendement n° I-228 de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre, Jean Desessard. – Rejet.
Amendements nos I-186 de M. Thierry Foucaud et I-281 de M. Philippe Dominati. – MM. Thierry Foucaud, Philippe Dominati, le rapporteur général, le ministre, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Fourcade, Jean Arthuis, président de la commission des finances, Jean Desessard. – Retrait de l’amendement no I-281 ; rejet de l’amendement no I-186.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 4
Amendement n° I-300 de Mme Nicole Bricq. – Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur général, le ministre, le président de la commission, François Marc, Gérard Longuet, Mme Michèle André. – Rejet.
Amendement n° I-303 de Mme Nicole Bricq. – MM. François Marc, le rapporteur général, le ministre, Mme Nicole Bricq. – Rejet.
Amendement n° I-301 de Mme Nicole Bricq. – MM. François Marc, le rapporteur général, le ministre, Mme Nicole Bricq. – Rejet.
Amendements nos I-187 de M. Thierry Foucaud et I-302 de M. François Rebsamen. – MM. Thierry Foucaud, François Marc, le rapporteur général, le ministre, Mme Michèle André, M. le président de la commission. – Rejet des deux amendements.
Amendements nos I-203 rectifié bis de M. Thierry Foucaud, I-427 rectifié de M. Yvon Collin et I-419 rectifié bis de Mme Nicole Bricq. – MM. Thierry Foucaud, Michel Charasse, François Marc, le rapporteur général, le ministre, le président de la commission, Mme Nicole Bricq. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° I-305 de M. François Rebsamen. – MM. Bernard Angels, le rapporteur général, le ministre, François Marc. – Rejet.
Amendements nos I-194 rectifié de MM. Thierry Foucaud et I-344 rectifié de M. François Rebsamen. – MM. Thierry Foucaud, Bernard Angels, le rapporteur général, le ministre, Jean-Pierre Fourcade, Jean Desessard, Mme Nicole Bricq, M. le président de la commission. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° I-278 de M. Philippe Dominati. – MM. Philippe Dominati, le rapporteur général, le ministre, Michel Charasse, Gérard Longuet. – Retrait.
Amendements nos I-149 rectifié à I-151 rectifié de M. Gérard César. – MM. Gérard César, le rapporteur général, le ministre, le président de la commission. – Retrait des trois amendements.
Amendement n° I-304 rectifié de Mme Nicole Bricq. – Mme Nicole Bricq, MM. le président de la commission, le ministre. – Réserve.
Suspension et reprise de la séance
3. Engagement de la procédure accélérée sur un projet de loi
5. Loi de finances pour 2010. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Article 4 bis et article additionnel après l’article 4 (suite)
Amendement n° I-428 rectifié bis de M. Michel Charasse. – MM. Michel Charasse, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mmes Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; Nicole Bricq. – Retrait.
Amendement n° I-138 rectifié de la commission. – M. le rapporteur général, Mme la ministre. – Retrait.
Amendements nos I-304 rectifié (précédemment réservé) de Mme Nicole Bricq et I-518 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mme Nicole Bricq, M. Thierry Foucaud. – Rejet de l’amendement no I-304 rectifié ; adoption de l’amendement no I-518.
Adoption de l'article modifié.
MM. Thierry Foucaud, Jean Desessard, Mme Nicole Bricq.
Amendement n° I-188 de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement no I-247 rectifié de M. Jacques Muller et sous-amendement no I-550 de la commission ; I-445 de Mme Catherine Morin-Desailly. – MM. Jacques Muller, Yves Détraigne, le rapporteur général, Mme la ministre, MM. Nicolas About, Gérard Longuet, Mmes Fabienne Keller, Nicole Bricq, MM. Jean Desessard, le président de la commission. – Retrait de l’amendement no I-445 ; adoption du sous-amendement no I-550 et de l'amendement no I-247 rectifié modifié.
Amendements nos I-415 rectifié de Mme Fabienne Keller, I-251, I-252 rectifié de M. Jacques Muller et I-339 de Mme Nicole Bricq. – Mme Fabienne Keller, M. Jacques Muller, Mme Nicole Bricq, M. le rapporteur général, Mmes la ministre, Michèle André, MM. Gérard Longuet, Michel Charasse. – Retrait des amendements nos I-251, I-339 et I-252 rectifié ; rejet de l’amendement no I-415 rectifié.
Amendements nos I-248 rectifié à I-250 de M. Jacques Muller, I-337, I-336 rectifié de Mme Nicole Bricq, I-140 rectifié de la commission et I-417 de Mme Fabienne Keller. – MM. Jacques Muller, Jean-Claude Frécon, le rapporteur général, Mmes Michèle André, Fabienne Keller, la ministre, M. René Beaumont, Thierry Foucaud. – Rejet des amendements nos I-250, I-337, I-248 rectifié, I-249 rectifié, I-336 rectifié et I-417 ; adoption de l’amendement no I-140 rectifié.
Amendement n° I-253 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, le rapporteur général, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° I-254 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, le rapporteur général, Mme la ministre, M. Thierry Foucaud, Mme Fabienne Keller. – Rejet.
Amendement n° I-255 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos I-256 de M. Jacques Muller et I-338 rectifié de Mme Nicole Bricq. – M. Jacques Muller, Mme Nicole Bricq, M. le rapporteur général, Mme la ministre, M. Bernard Vera. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° I-185 de Mme Françoise Henneron. – Mme Françoise Henneron, M. le rapporteur général, Mme la ministre. – Adoption.
Amendement n° I-440 de M. Charles Revet. – MM. Michel Magras, le rapporteur général, Mme la ministre. – Retrait.
Amendements nos I-257 de M. Jacques Muller, I-387 de M. René Beaumont, I-420 de M. Alain Lambert et sous-amendement no I-549 rectifié de M. François Marc. – MM. Jacques Muller, René Beaumont, Alain Lambert, Jean-Claude Frécon, le rapporteur général, Mme la ministre, MM. Jean Desessard, Michel Magras. – Retrait de l’amendement no I-387 ; rejet de l’amendement no I-257 et du sous-amendement n° I-549 rectifié ; adoption de l’amendement n° I-420.
Amendement n° I-141 rectifié de la commission. – M. le rapporteur général, Mmes la ministre, Fabienne Keller, M. Bernard Angels. – Adoption.
Amendement n° I-442 de M. Charles Revet. – MM. Yves Détraigne, le rapporteur général, Mme la ministre, M. le président de la commission. – Retrait.
Amendement n° I-258 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur général, Mme la ministre, MM. Jacques Muller, Thierry Foucaud. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
6. Mises au point au sujet de votes
MM. Hervé Maurey, le président.
MM. Albéric de Montgolfier, le président.
7. Loi de finances pour 2010. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Amendement n° I-416 rectifié de Mme Fabienne Keller. – Mme Fabienne Keller, M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; M. Jacques Muller, Mme Nathalie Goulet, M. Albéric de Montgolfier. – Rejet.
Amendement no I-554 rectifié bis du Gouvernement. – Mme la ministre, M. le rapporteur général. – Adoption.
Amendements nos I-341 rectifié de Mme Nicole Bricq et I-259 de M. Jean Desessard. – MM. Bernard Angels, Jacques Muller, le rapporteur général, Mmes la ministre, Nicole Bricq. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° I-340 de Mme Nicole Bricq. – MM. Jean-Claude Frécon, le rapporteur général, M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État ; Mme Nicole Bricq. – Retrait.
Amendement n° I-390 rectifié de M. Hervé Maurey. – MM. Hervé Maurey, le rapporteur général, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° I-391 rectifié de M. Hervé Maurey. – MM. Hervé Maurey, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Mme Nicole Bricq, MM. Gérard Longuet, Thierry Foucaud, Jacques Muller, le rapporteur général, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mme la ministre, M. Hervé Maurey.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 5
Amendement n° I-392 de M. Hervé Maurey. – MM. Hervé Maurey, le rapporteur général, le ministre, MM. le président de la commission, Gérard Longuet. – Rejet.
Amendement n° I-342 de M. François Rebsamen. – MM. Jean-Claude Frécon, le rapporteur général, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement no I-370 rectifié de M. Marcel Deneux ; amendements identiques nos I-519 de la commission et I-367 rectifié de M. Marcel Deneux. – MM. Yves Détraigne, le rapporteur général, Mme la ministre. – Retrait de l’amendement no I-370 rectifié ; adoption des amendements identiques nos I-159 et I-367 rectifié insérant un article additionnel.
Amendement no I-371 rectifié de M. Marcel Deneux. – Retrait.
Amendement n° I-426 rectifié de M. Robert Tropeano. – MM. Michel Charasse, le rapporteur général, Mme la ministre, M. le président de la commission. – Retrait.
Amendement n° I-343 rectifié de M. Yannick Botrel. – MM. Gérard Miquel, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Demande de priorité des amendements nos I-181 à I-184. – MM. le ministre, le président de la commission des finances. – La priorité est ordonnée.
Articles additionnels après l’article 8 bis (priorité)
Amendements nos I-181 à I-184 de M. Jean-Jacques Jégou. – MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ; le président de la commission, le ministre, Michel Charasse, Mmes la ministre, Nicole Bricq, MM. Thierry Foucaud, Hervé Maurey, Gérard Longuet. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no I-181 ; rejet des amendements nos I-182 à I-184.
Amendement n° I-142 de la commission. – M. le rapporteur général, Mme la ministre. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
M. Jacques Muller.
Amendement n° I-189 de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre. – Rejet.
Amendements nos I-345, I-346 de Mme Nicole Bricq, I-190 à I-192 de M. Thierry Foucaud, I-260 et I-261 de M. Jean Desessard. – Mme Nicole Bricq, MM. Thierry Foucaud, Jacques Muller, Gérard Miquel, le rapporteur général, le ministre. – Rejet des sept amendements.
M. Jacques Muller.
Adoption de l'article.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Guy Fischer
vice-président
Secrétaires :
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
Mme Michelle Demessine.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2010
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (nos 100 et 101).
Dans la discussion des articles, nous en revenons à l’article 1er, les articles 2 à 3 et 13 à 20 ayant été examinés en priorité.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A. – Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er
I. – La perception des impôts, produits et revenus affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d’être effectuée pendant l’année 2010 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.
II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :
1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de 2009 et des années suivantes ;
2° À l’impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2009 ;
3° À compter du 1er janvier 2010 pour les autres dispositions fiscales.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° I-283, présenté par M. P. Dominati et Mlle Joissains, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les documents émanant du gouvernement et engageant les fonds publics, les rapports budgétaires ministériels et les formulaires d'envoi concernant les déclarations d'impôt doivent être assortis de la mention suivante : « Le crédit nous engage, il doit être remboursé. L'État vérifie ses capacités de remboursement avant de s'engager ».
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de nombreux orateurs l’ont souligné, l’année à venir s’annonce exceptionnelle par l’ampleur de l’emprunt qu’il sera nécessaire d’émettre pour combler le déficit de nos finances publiques.
Par exemple, pour protéger les consommateurs des difficultés liées au surendettement, le législateur, lors de la réforme du crédit à la consommation, a prévu de faire figurer un message d’avertissement sur les publicités concernées.
Par analogie, je propose que l’État informe, d’une manière ou d’une autre, ses agents de la situation particulièrement délicate dans laquelle se trouvent nos finances publiques.
Pour cette action de sensibilisation, quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre ? Avez-vous l’intention, comme le ministre de l’intérieur pour les questions de sécurité ou le ministre de la santé pour les problèmes de santé publique, d’organiser des réunions semestrielles, trimestrielles, mensuelles ou hebdomadaires ?
Il serait particulièrement ardu, j’en suis bien conscient, de sélectionner les documents administratifs concernés par une telle mention. Au demeurant, en déposant cet amendement, je me suis contenté de reprendre une idée de M. le président de la commission des finances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission estime qu’une telle initiative relève d’une heureuse pédagogie, bien que l’on puisse douter de sa valeur juridique. Pour autant, la prise de conscience des méfaits et des risques de la dette étant une nécessité, la commission considère cet amendement avec sympathie. Elle s’en remet toutefois à l’avis du Gouvernement sur les aspects opérationnels notamment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Pour ma part, je ne suis pas favorable à votre amendement, monsieur Dominati.
Bien entendu, on ne peut être hostile à l’état d’esprit qui le gouverne. Le crédit tue, pour reprendre les propos de M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. À petit feu !
M. Éric Woerth, ministre. Mais, au fond, envers qui devons-nous faire œuvre de pédagogie ? La pédagogie n’est-elle pas d’abord à faire entre nous ?
La véritable question est de savoir si les responsables publics prendront, à un moment donné, le taureau par les cornes, en adoptant un discours pédagogique sur le problème de la dette.
Bien sûr, c’est d’ores et déjà ce que nous nous efforçons de faire ; la crise masque les choses. Au fur et à mesure du temps, nous devrons le faire par obligation, comme la plupart des pays du monde très endettés. Le recours à l’endettement massif appelle une réponse massive des gouvernants.
Je pense que l’on se trompe de pédagogie, monsieur le sénateur. Des coups de tampon portant la mention « Attention ! Le crédit nous engage tous ! » sur les documents publics permettront-ils de changer la situation ? Bien que je partage votre état d’esprit, je ne suis pas sûr qu’une telle mesure soit appropriée.
M. le président. L’amendement n° I-283 est-il maintenu, monsieur Dominati ?
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, peut-être n’est-ce pas le bon moment, la bonne méthode ? Mais, avant de retirer mon amendement, j’attends votre réponse sur les mesures que vous comptez prendre. Je le répète, des réunions seront-elles organisées dans le courant de l’année avec les principaux agents de l’État, comme lorsque le ministre de l’intérieur réunit les préfets sur un sujet particulier ? Quelle action comptez-vous mener, en cette année historique, pour mettre en place un mécanisme de prévention ?
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Comme nous l’avons d’ailleurs estimé en commission, l’intention me paraît tout à fait louable.
Simplement, cela relève du domaine réglementaire ! Après tout, le ministre du budget, depuis de très nombreuses années, envoie une lettre explicative de deux pages à l’appui des formulaires de déclarations de revenus, dans laquelle il donne toute une série d’explications et d’indications. Il suffirait que le Gouvernement s’engage à apporter, à cette occasion, les mentions nécessaires aux documents concernés.
À mon avis, cela donnerait satisfaction à la commission, qui a examiné cet amendement dans un esprit favorable, tout en jugeant qu’il était difficile d’insérer une telle disposition dans une loi de finances.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. M. Charasse a raison, il est parfaitement envisageable d’ajouter cette mention au document qui sera transmis l’année prochaine.
Pour les rendez-vous prévus, le Président de la République a indiqué aux maires, réunis à l’Élysée, qu’il souhaitait organiser une conférence nationale des finances publiques, qui rassemble les différents acteurs des finances publiques. Cette instance ne s’étant pas réunie depuis l’année dernière, nous allons préparer sa tenue.
Je pense également aux prochaines échéances parlementaires, particulièrement importantes.
La première, c’est le moment où nous allons débattre ensemble du grand emprunt faisant l’objet du collectif budgétaire qui sera présenté en conseil des ministres dans le courant du mois de janvier prochain. Ce sera aussi l’occasion de nous pencher de nouveau sur l’endettement de notre pays. Nous nous apprêtons à structurer le débat.
La seconde échéance à laquelle je tiens beaucoup, c’est lorsque nous allons revoir la projection trisannuelle de nos finances publiques. Les questions de l’endettement et de l’assainissement des finances publiques seront posées dans des termes nouveaux, du moins je l’espère, comme la réduction de la dépense publique et les règles de finances publiques.
M. le président. Dans ces conditions, monsieur Dominati, l’amendement est-il retiré ?
M. Philippe Dominati. Absolument, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-223, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 278 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 278. - À compter du 1er janvier 2009, le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 17,60 %. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement du taux de l'impôt sur les sociétés.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La taxe sur la valeur ajoutée, véritable impôt indirect, est sans doute l’une des taxes les plus injustes, car elle s’applique à tous les consommateurs, c'est-à-dire à tous les contribuables, quels que soient leurs revenus. On pourrait même dire que la TVA est un impôt proportionnel à la consommation, mais paradoxalement dégressif, puisque cette taxe représente en moyenne 10 % à 12 % du salaire pour une personne au SMIC, alors qu’elle n’affecte que 6 % à 7 % des revenus d’une personne gagnant 10 000 euros, mais n’en consommant pas l’intégralité.
Cette situation de fait explique sans doute les raisons pour lesquelles la TVA rapporte au budget de la nation le double du produit de l’impôt sur le revenu, notamment à cause du bouclier fiscal.
Déjà, en 2008, M. Fillon avait refusé de baisser le taux de la TVA, au motif que, en période de crise, il ne fallait se priver d’aucune ressource. On ne saurait qu’être d’accord avec cette analyse, à la condition que toutes les ressources soient incluses, y compris celles des plus riches.
Selon le Premier ministre, pour faire baisser les prix, il fallait faire jouer la concurrence entre les acteurs de la grande distribution. Aujourd’hui, on sait ce qu’il en est : les prix des produits de première nécessité n’ont pas baissé et les prix des marques des distributeurs ont explosé, alors même qu’elles sont achetées par les ménages les plus modestes. Il semblerait même que les acteurs vers lesquels le Gouvernement renvoyait les consommateurs se seraient entendus entre eux pour ne pas baisser leurs prix, conserver leurs marges et rémunérer grassement leurs actionnaires. Voilà les conséquences du libéralisme !
C’est pourquoi, loin d’une logique qui renvoie la hausse du pouvoir d’achat à des comportements individuels, nous entendons, par cet amendement, permettre un mouvement collectif, fondé sur l’action de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur Foucaud, je ne vous surprendrai pas en vous disant que l’analyse économique et politique de la majorité de la commission est diamétralement opposée à la vôtre. La commission est donc tout à fait défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, il est rare que les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG vous invitent à reproduire en France les mesures prises Outre-Manche.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Alors, il faut tout prendre !
M. Michel Charasse. Y compris la reine ! (Sourires.)
M. Thierry Foucaud. Nous ferons toutefois une exception, puisque, l’année dernière, le 20 novembre pour être précis, le Premier ministre britannique Gordon Brown avait précisément consenti à une baisse de la TVA de 2,5 points, qu’il annonçait vouloir accompagner d’une hausse de 5 % de l’imposition des plus hauts revenus.
Nous considérons qu’il faut impérativement réformer cet outil de taxation pour le rendre plus juste, d’autant plus que, depuis sa création en 1954, les choses ont bien changé. Tout le monde reconnaîtra que la valeur ajoutée n’est plus répartie de la même manière. Il suffit pour s’en convaincre de constater le glissement progressif des salaires vers les dividendes des actionnaires, qui, rappelons-le, ne sont pas assujettis à l’impôt, comme cela devrait être le cas.
Par ailleurs, comment refuser une baisse généralisée de la TVA sur l’ensemble des produits alors que votre majorité a consenti, sans aucune contrepartie obligatoire, une réduction de la TVA au secteur de la restauration ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En l’occurrence, nous avons fait preuve d’une grande faiblesse…
M. Thierry Foucaud. Rien ne justifierait ce refus, et cette mesure de baisse de la TVA que nous proposons est, je crois, attendue par l’immense majorité de nos concitoyens, à commencer par les ménages les plus modestes.
M. le président. Les articles 2, 2 bis et 3 ont été précédemment examinés par priorité.
Articles additionnels après l'article 3
M. le président. L'amendement n° I-436, présenté par M. Cambon et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au huitième alinéa du 1° de l'article 1382 du code général des impôts, après les mots : « les hospices », sont insérés les mots : « à hauteur de 90 % de leur base d'imposition »
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, après avoir, samedi soir, attiré votre attention sur la situation fiscale des communes proches des aéroports, je voudrais, à travers cet amendement, vous intéresser à la fiscalité, à vrai dire inexistante, qui relie les hôpitaux – particulièrement les anciens hospices convertis en hôpitaux publics – et les communes.
Vous connaissez les sujétions qui pèsent sur les communes accueillant sur leur territoire des équipements hospitaliers. Dans le département du Val-de-Marne, c’est notamment le cas de villes comme Le Kremlin-Bicêtre, Villejuif ou Limeil-Brévannes. Quant à ma commune, elle est occupée à plus de 33 % par des hôpitaux.
Or, depuis la suppression de la taxe sur les salaires, les collectivités accueillant des hôpitaux ont vu les quelques recettes générées par cette taxe disparaître, alors qu’elles supportent des charges importantes. Elles doivent répondre aux demandes de logements – plus de deux cents chaque année dans ma commune qui ne peuvent être affectés ni sur le 1 % logement, ni sur les quotas du préfet – offrir des places en crèches, entretenir la voierie, etc.
Mon propos est évidemment non pas de remettre en cause le principe d’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, mais de l’atténuer légèrement, pour prendre en compte ce phénomène nouveau qui consiste, pour les hôpitaux – souvent d’ailleurs dans le cadre de la RGPP –, à céder des terrains à des opérateurs privés ou à percevoir des subventions lorsqu’ils sont traversés par des canalisations ou des équipements de ce genre. Certains hôpitaux vendent une partie de leur foncier pour y accueillir des résidences hôtelières, voire des PME ou des laboratoires. Ces terrains ont donc une valeur vénale, et ne peuvent pas seulement être considérés comme une propriété publique.
C’est pourquoi cet amendement vise à limiter à 90 % de la base imposable l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cela permettrait de générer une ressource qui, bien que modeste, constituerait malgré tout un encouragement pour les collectivités confrontées à cette lourde charge.
Les différents contacts que nous avons pris avec les hôpitaux montrent, à l’évidence, qu’ils sont disposés à participer sous cette forme à la vie publique locale. Il faudrait simplement que les textes leur en offrent la possibilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En tant que maire d’une commune dotée d’un centre hospitalier, je ne peux qu’être sensible à la démarche de notre collègue. Comme lui, je connais bien ce problème.
Cela étant, le Gouvernement avancera probablement l’argument des vases communicants, cette charge nouvelle pour l’assurance maladie devant, selon les règles en vigueur, être compensée par le budget de l’État.
Nous devrions peut-être attendre que les comptes de la sécurité sociale soient revenus à l’équilibre pour envisager l’application du droit commun.
Je comprends votre préoccupation, mon cher collègue, mais la vision consolidée des finances publiques semble rendre difficile cette approche, du moins dans l’immédiat.
Bien entendu, si le Gouvernement émettait un avis différent, je m’y rallierais bien volontiers.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Des explications ont été données avec beaucoup de mesure par le rapporteur général.
Bien évidemment, le Gouvernement n’a pas d’opposition de principe à votre argumentation, monsieur Cambon. Je comprends bien le problème qui se pose aux collectivités locales concernées. La présence de ce type d’établissements sur leur territoire les prive d’une base foncière importante, alors même que leurs charges continuent de courir.
Cependant, je ne peux pas être favorable à cet amendement. En dernier ressort, il faut bien que quelqu’un paye. Si l’on impose les hôpitaux, le prix de journée, qui, selon les cas, est pris en charge par le conseil général ou par l’assurance maladie, va augmenter. On ne peut pas faire porter une charge sur des établissements qui, eux aussi, ont des difficultés à équilibrer leur budget.
M. le président. Monsieur Cambon, l'amendement n° I-436 est-il maintenu ?
M. Christian Cambon. J’ai été sensible aux propos de M. le rapporteur général, et je comprends la logique comptable développée par M. le ministre.
Il s’agissait surtout d’un amendement d’appel. Je ne m’attendais pas à ce qu’une solution sorte comme par magie du chapeau ce matin, mais je voulais évoquer ce phénomène nouveau qui consiste, pour des établissements hospitaliers, à vendre leurs terrains pour en tirer des bénéfices. Je ne vois pas pourquoi le profit que les hôpitaux tirent directement de la vente de ces terrains ne pourrait pas être versé indirectement, sous la forme d’une contribution, au budget des collectivités locales. Il s’agit de ressources considérables.
Je suis d’ailleurs à votre disposition pour établir la liste de tous les terrains que les hôpitaux ont vendus à des acquéreurs privés, y compris pour réaliser des opérations immobilières. Il s’agit de terrains à bâtir et il est choquant de voir que les collectivités n’y trouvent aucun intéressement.
Cela étant dit, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-436 est retiré.
L'amendement n° I-82, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 1595 quater du code général des impôts est abrogé.
II. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la majoration du prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale.
III. - la perte de recettes résultant pour l'État du II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article additionnel avant l'article 4
M. le président. L'amendement n° I-228, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - A compter du 1er janvier 2010, pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée conformément au deuxième alinéa de l'article 37 du code général des impôts, les personnes morales sont assujetties à une contribution égale à 10 % de l'impôt sur les sociétés, calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219 du même code.
II. - La contribution est payée spontanément au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, au plus tard à la date prévue au 2 de l'article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés.
Pour les entreprises dont l'exercice est clos en 2010 avant le 1er juin, la contribution due au titre de cette année est payée au plus tard le 15 septembre 2010.
Pour les exercices arrêtés au cours des mois de mars à décembre ou pour la période d'imposition mentionnée au I, la contribution donne lieu, au préalable, à un versement anticipé à la date prévue pour le paiement du dernier acompte d'impôt sur les sociétés, avant la clôture dudit exercice ou la fin de ladite période ; la somme due est alors égale à 10 % du montant de l'impôt sur les sociétés calculé sur les résultats de l'exercice ou de la période qui précède, imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219 du code général des impôts.
Lorsque la somme due au titre d'un exercice ou d'une période d'imposition en application de l'alinéa précédent est supérieure à la contribution dont l'entreprise prévoit qu'elle sera finalement redevable au titre de ce même exercice ou de cette même période, l'entreprise peut réduire ce versement à concurrence de l'excédent estimé. Elle remet alors au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, avant la date d'exigibilité du versement anticipé, une déclaration datée et signée.
Si la déclaration mentionnée à l'alinéa précédent est reconnue inexacte à la suite de la liquidation de la contribution, la majoration prévue au 1 de l'article 1762 du code général des impôts est appliquée aux sommes non réglées.
III. - La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
IV. - Pour les personnes mentionnées au I qui sont placées sous le régime prévu à l'article 223 A du code général des impôts, la contribution est due par la société mère. Elle est assise sur l'impôt sur les sociétés afférent au résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B et 223 D du même code.
V. - Pour les personnes mentionnées au I qui sont placées sous le régime prévu à l'article 209 quinquies du code général des impôts, la contribution est calculée d'après le montant de l'impôt sur les sociétés, déterminé selon les modalités prévues au I, qui aurait été dû en l'absence d'application de ce régime. La contribution n'est ni imputable ni remboursable.
Les avoirs fiscaux ou crédits d'impôt de toute nature ainsi que la créance visée à l'article 220 quinquies du code général des impôts et l'imposition forfaitaire annuelle mentionnée à l'article 223 septies du même code ne sont pas imputables sur cette contribution.
VI. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La proposition que nous formulons à travers cet amendement s’appuie sur l’analyse de la situation réelle des comptes publics et de la nécessité de concevoir des solutions adaptées en la matière.
Nous avons, dans le passé, maintes fois discuté de la pertinence des baisses d’impôts dont ont bénéficié les entreprises dans notre pays. Aujourd’hui, l’état des lieux n’est pas satisfaisant, qu’il s’agisse de la situation des comptes publics ou de celle des prélèvements obligatoires.
Disons les choses clairement : la réduction continue, depuis plus de vingt ans, de la contribution des entreprises au financement des dépenses de l’État et de la sécurité sociale a conduit, dans les deux cas, à aggraver les déficits.
De ce point de vue, l’exercice 2009 n’est pas en reste, bien au contraire. Il a fallu attendre le 1er juillet pour que l’État commence à percevoir effectivement des recettes d’impôt sur les sociétés.
Des milliards d’euros ont été distribués aux entreprises, dans le cadre du plan de relance, sous toutes les formes possibles et imaginables, et l’on a remboursé des acomptes d’impôt sur les sociétés sans limite et sans contrôle excessif ; il semble que des instructions en ce sens aient été données aux services de la direction générale des finances publiques.
Faisons le bilan : 24 milliards d’euros d’acomptes d’impôt sur les sociétés remboursés, 4 milliards d’euros de crédits d’impôt, plus de 20 milliards d’euros en deux ans d’exonérations d’impôt au titre de la suppression de la taxation des plus values de long terme… Certes, toutes ces mesures ont amélioré la trésorerie des entreprises. En revanche, elles ne semblent ni avoir résolu les questions de sous-emploi en France, ni avoir enrayé la chute des investissements productifs, alors même qu’elles ont dégradé profondément la situation des comptes publics.
L’ampleur du déficit budgétaire, qui excède largement le coût du seul service de la dette, appelle des décisions importantes, parmi lesquelles figure la nécessité de relever le taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés, en réinstaurant le dispositif que la majorité sénatoriale avait dû voter, en des temps tout aussi troublés, à l’été 1995.
Le redressement des comptes publics est nécessaire, et la mesure que nous proposons permettrait de dégager plus de 6 milliards d’euros de ressources nouvelles, ce qui n’est pas négligeable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous connaissez par avance notre réponse, monsieur Foucaud.
J’apprécie certes la constance et la cohérence des positions doctrinales du groupe CRC-SPG. Mais vous savez que celles de majorité de la commission sont tout aussi établies, monsieur le sénateur.
En conséquence, l’avis est très défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Notre taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés est déjà plus élevé que dans la plupart des pays voisins et, de manière générale, le taux de prélèvement qui pèse sur les entreprises est supérieur de plusieurs points à celui que supportent les entreprises des États membres de l’Union européenne.
En conséquence, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Avec les 6 milliards d’euros de recettes fiscales nouvelles que nous lui proposons d’engranger, l’État pourrait davantage lutter contre le chômage, notamment en renonçant aux réductions massives d’emplois publics que prévoit ce projet de loi de finances.
Il pourrait également éviter d’émettre de nouveaux titres de dette publique destinés à lui procurer des ressources de trésorerie. Alors que l’on parle de plus en plus du grand emprunt, on semble oublier que, durant le seul mois de juin 2009, plus de 50 milliards d’euros de bons du Trésor à court terme ont été émis.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai en faveur de cet amendement, mais je souhaiterais également poser une question à M. le ministre.
Vous prétendez que vous ne pouvez pas augmenter l’impôt sur les sociétés en raison de la concurrence des autres pays européens. Mais votre ministère a-t-il engagé des démarches pour encourager une harmonisation fiscale au niveau européen ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je rappellerai que l’Union européenne travaille déjà depuis plusieurs années à l’harmonisation des assiettes des impôts sur les sociétés.
Bien n’étant pas un farouche défenseur du fédéralisme fiscal, il me semble qu’il faut se rapprocher progressivement d’une même méthode d’appréciation des bases d’imposition.
Alors que l’Europe est maintenant dotée d’un président et d’une gouvernance plus claire qu’auparavant, on peut espérer que le nouveau commissaire en charge de la fiscalité sera une force d’impulsion et de proposition pour s’approcher du résultat.
Je peux donc souhaiter, en faisant au moins un peu de chemin dans le même sens que M. Desessard, que cette démarche reparte et devienne enfin opérationnelle.
M. Michel Charasse. M. Desessard est très européen.
M. Jean-Pierre Fourcade. Tant mieux !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-228.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4
L’article 199 ter B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les huitième et neuvième alinéas du I sont supprimés ;
2° Il est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. – Par exception à la troisième phrase du premier alinéa du I :
« 1° Les entreprises ayant fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à compter de la date du jugement qui a ouvert ces procédures. Ce remboursement est effectué sous déduction d’un intérêt appliqué à la créance restant à imputer. Cet intérêt, dont le taux est celui de l’intérêt légal applicable le mois suivant la demande de l’entreprise, est calculé à compter du premier jour du mois suivant la demande de l’entreprise jusqu’au terme des trois années suivant celle au titre de laquelle la créance est constatée ;
« 2° La créance constatée par les petites et moyennes entreprises mentionnées à l’article 220 decies au titre des années au cours desquelles elles bénéficient de la réduction d’impôt prévue au même article ou celle constatée par les jeunes entreprises innovantes mentionnées à l’article 44 sexies-0 A est immédiatement remboursable ;
« 3° Le crédit d’impôt pour dépenses de recherche engagées au titre de l’année 2009 s’impute sur l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2009 et l’excédent est immédiatement remboursable.
« Les entreprises peuvent obtenir, sur demande, le remboursement immédiat d’une estimation de la différence positive entre, d’une part, le montant du crédit d’impôt calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l’année 2009 et, d’autre part, le montant de l’impôt sur le revenu dû au titre de 2009.
« Le montant de crédit d’impôt calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l’année 2009 et utilisé pour le paiement de l’impôt sur le revenu dû au titre de cette année est diminué du montant du remboursement mentionné au deuxième alinéa du présent 3°.
« Si le montant du remboursement mentionné au même deuxième alinéa excède le montant du crédit d’impôt prévu au troisième alinéa, le montant de l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2009 est majoré de cet excédent.
« Lorsque le montant du remboursement mentionné au même deuxième alinéa excède de plus de 20 % la différence positive entre, d’une part, le montant du crédit d’impôt à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l’année 2009 et, d’autre part, le montant de l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2009, cet excédent fait l’objet :
« a) De la majoration prévue, selon le cas, à l’article 1730 ou à l’article 1731 ;
« b) D’un intérêt de retard dont le taux correspond à celui mentionné à l’article 1727. Cet intérêt de retard est calculé à partir du premier jour du mois qui suit le remboursement mentionné au deuxième alinéa du présent 3° jusqu’au dernier jour du mois du dépôt de la déclaration de crédit d’impôt calculé à raison des dépenses engagées au titre de 2009. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-186, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles 69 et 70 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 sont abrogés.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à supprimer les dispositions adoptées en décembre 2007 réformant le crédit d’impôt recherche, le CIR.
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2008, l’assiette du CIR est étendue à l’intégralité des dépenses de recherche des entreprises. De même n’est désormais plus prise en compte la part en accroissement des dépenses en recherche et développement. Enfin, le taux de crédit d’impôt a été majoré jusqu’à 50 %, puis de 40 % la deuxième année pour les entreprises qui en bénéficiaient pour la première fois et pour celles qui n’en avaient pas bénéficié depuis cinq ans.
Si la Cour des comptes soulignait que la réforme du CIR allait « dans le sens de ses recommandations, en assurant la simplification du système et en améliorant sa sécurité juridique », elle demandait une évaluation sérieuse des effets du CIR, notamment sur les PME.
Force est de constater que les premières études d’impact du CIR étaient peu probantes quant au caractère incitatif du dispositif. Outre les ratios extrêmement limités - un euro de CIR ne générait qu’un euro de dépenses en recherche et développement supplémentaires - ces études démontrent que le dispositif profite essentiellement aux entreprises de plus de 250 salariés, et ne suscite guère la prise de risques, l’engagement de recettes sur le moyen ou long terme, ou l’embauche de docteurs.
Par ailleurs, les seules évaluations économétriques dont nous disposons portent sur le dispositif antérieur à 2008 et ne peuvent être légitimement extrapolées au CIR dans sa forme actuelle.
Autant dire qu’une nouvelle fois le Parlement est invité à voter une mesure dont on ignore totalement les effets.
Plus préoccupant encore, le rapport de M. Carrez, rapporteur général de l’Assemblée nationale, établissait que les deux tiers du CIR profitaient au secteur tertiaire, notamment aux banques, assurances et conseils en entreprise. Selon le Gouvernement, ce constat serait faussé par un changement de nomenclature de l’INSEE depuis 2008. Il n’en reste pas moins qu’une analyse de la ventilation sectorielle du CIR sur les années 2004 et 2007 permet de conclure que la recherche industrielle, qui réalise 90% de la recherche privée en France, ne bénéficie qu’à la marge du dispositif, tandis que la recherche tertiaire a vu son crédit d’impôt recherche tripler!
En fait, le droit fiscal permet de faire remonter le CIR des filiales industrielles d’un groupe à sa tête. Le soutien financier à la recherche privée se transforme alors en subventions aux holdings financières, sans maintenir de lien avec le terrain où se mène réellement la recherche. Je n’ai pas le temps de développer les avis exprimés par les instances européennes, mais je pense avoir résumé la philosophie de notre amendement. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° I-281, présenté par M. P. Dominati, Mlle Joissains et M. Revet, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 7, 8, 9, 10 et 11
Supprimer l'année :
2009
II. - Alinéas 8 et 13, seconde phrase
Remplacer les mots :
au titre de 2009
par les mots : au titre de l'année
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Le crédit d’impôt recherche est un incontestable succès. Non seulement il sert d’amortisseur pendant la crise, mais il servira de tremplin pour la relance. C’est ainsi que le Gouvernement nous a proposé dans le plan de relance un dispositif particulier pour l’année 2009, notamment pour les PME.
J’ai eu l’occasion, dans la discussion générale, d’évoquer les effets extrêmement positifs de ce dispositif sur l’économie nationale au cours de l’année 2009. Forte de ce succès, cette mesure incitative doit être prorogée pour l’année 2010, mais également, il me semble, être pérennisé dans l’avenir. C’est l’objectif de cet amendement, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En vérité, la commission n’est convaincue par aucune des deux approches qui viennent d’être exposées. In medio stat virtus.
La réforme du crédit d’impôt recherche a été globalement efficace. Quant aux mesures du plan de relance, il n’est pas souhaitable, en tant que telles, qu’elles soient pérennisées.
Sur ces deux amendements et pour des raisons opposées, la commission souhaite un retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est favorable ni à l’un ni à l’autre des amendements, pour des raisons différentes.
Le crédit d’impôt recherche a tenu ses promesses. À ce jour, nombre d’entreprises en ont bénéficié, ce qui montre en réalité que nous avons encouragé la recherche française. Certaines entreprises projettent même aujourd’hui de relocaliser leurs activités de recherche en France, parce que le bénéfice fiscal est très important. Nous sommes donc très compétitifs sur ce plan.
Si des holdings ont bénéficié de la mesure, c’est simplement parce qu’à un moment donné le crédit remonte des filiales vers la holding à la tête du groupe, et apparaît par la suite dans les comptes de celle-ci.
Les holdings dont il est question ne sont donc pas uniquement financières ; elles détiennent des parts d’entreprises éligibles au CIR, lesquelles sont souvent, en principe, des entreprises du secteur industriel. On trouve également des activités de recherche dans certaines entreprises du secteur des services, dans le domaine de l’informatique, par exemple.
Il n’y a donc pas de détournement ou d’abus de droit dans le domaine du crédit d’impôt recherche. Il y a bien une incitation, une émulation pour le secteur économique. Cela est reconnu par presque tous les milieux économiques, et important pour les entreprises qui en bénéficient.
L’amendement de M. Dominati vise à rendre pérenne le dispositif du plan de relance. Nous avons également un avis défavorable sur ce point, puisqu’une telle mesure aurait un coût très lourd pour les finances de l’État.
Nous avons adopté ce dispositif en 2009, nous le reconduisons, monsieur le sénateur, vous le savez, en 2010, pour mettre du carburant dans la machine économique !
Pérenniser le dispositif, faire en sorte d’écraser la période de quatre ans - une année plus trois - définitivement, c’est différent. C’est évidemment un débat que nous aurons à la sortie de crise, à un moment donné, comme toujours sur les dispositifs fiscaux.
Pour ces deux raisons, je ne suis pas favorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. M. le ministre est bien allant sur le bénéfice qu’apporterait le crédit d’impôt recherche.
C’est un vieux dispositif, qui remonte aux années 1980, même peut-être avant…
M. Jean Desessard. Néfaste !
Mme Nicole Bricq. … et qui a été remodelé à l’occasion de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, au nom de la compétitivité et de l’attractivité du territoire.
Rapporteur spécial pour la recherche et l’enseignement supérieur, notre collègue Christian Gaudin s’intéresse évidemment au CIR. Il nous a fait la semaine dernière, en commission des finances, un point d’étape. Il est quand même moins allant que vous ne l’êtes pour la bonne raison qu’avec le retard nous n’avons pas d’évaluation de ce qui va représenter en année de croisière quatre milliards d’euros de dépenses fiscales.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Nicole Bricq. C’est une dépense très importante ! J’attire donc votre attention, monsieur le ministre, sur le sujet général des dépenses fiscales.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très juste !
Mme Nicole Bricq. Nous ne sommes pas systématiquement opposés à un tel type de dépenses, mais il faut que celles-ci aient une utilité économique ou une utilité sociale.
Dans la mesure où l’on retarde une telle évaluation, nous sommes bien obligés de constater que certaines entreprises qui devraient bénéficier du CIR n’en profitent pas, quand d’autres en bénéficient alors qu’elles ne se sont pas particulièrement investies dans le domaine industriel ou dans l’innovation.
Dans les modalités du CIR tel qu’il a été reformaté en 2007 avec début d’effet en 2008, certaines dépenses prises en compte par le dispositif sont des dépenses de marketing, par exemple, et ne sont donc pas forcément des dépenses utiles à l’innovation et à la recherche.
Il faut donc être beaucoup plus prudent sur cette dépense fiscale. Je souhaite qu’à un moment donné, monsieur le ministre, nous ayons un débat sur ce sujet, afin de savoir si ce qu’on nous dit est vrai.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Dans le département que j’ai l’honneur de représenter, les nouvelles dispositions sur le CIR ont permis d’attirer des très grandes ou des très petites entreprises ; très grandes, Microsoft ; très petites, une douzaine d’entreprises de biotechnologie qui étaient situées dans la région de Londres et qui sont venues s’installer dans le département des Hauts-de-Seine.
M. François Marc. Ce n’est pas ce qui les attire !
M. Jean-Pierre Fourcade. Cela étant dit, je crois que l’effet de rattrapage de 2009 était un élément de relance, mais qu’il ne faut pas toucher trop vite aux réglementations sur le crédit d’impôt recherche dans ce domaine si important. Nous avons là un élément d’attractivité du territoire.
Une fois de plus, la stabilité de la législation me paraît nécessaire. On n’arrive à rien en matière fiscale si on change les règles du jeu tous les ans. Je suis donc, comme M. le ministre, défavorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je suis également défavorable à ces deux amendements.
Cependant, monsieur le ministre, à l’occasion d’une communication de notre collègue Christian Gaudin, qui est le rapporteur spécial pour la recherche et l’enseignement supérieur, nous avons constaté que ce crédit d’impôt recherche est un puissant levier pour développer les activités de recherche.
Nous voudrions évaluer la corrélation entre la recherche et la production. Autrement dit, avoir sur son territoire des sites accueillant des activités de recherche est formidable. Mais, si toutes les transformations industrielles, si tout le développement doit se faire en Europe centrale ou en Asie, il y a alors un vrai sujet de discussion. Nous souhaiterions que les dispositions prises par le Gouvernement prennent en compte l’ensemble des activités.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Je suis content de savoir que ces deux amendements suscitent un débat et d’entendre notre collège M. Fourcade dire qu’une douzaine d’entreprises qui étaient à Londres se sont établies dans son département.
La majorité sénatoriale change de position en fonction de ce qui l’arrange. Elle défend une mesure en prétendant que celle-ci attire les entreprises ; elle prend prétexte des délocalisations pour demander plus d’argent afin de dissuader les entreprises de s’installer à l’étranger.
Bien sûr, nous ne sommes pas dupes, et nous avons compris la manœuvre.
J’en reviens à l’amendement n °I-186. Dans son rapport annuel, le Conseil des prélèvements obligatoires écrit : « L’OCDE sur la base d’études empiriques juge que les CIR ont un impact faible sur le niveau des dépenses de recherche et de développement et la productivité globale des facteurs ». Il précise également : « Alors qu’entre 2002 et 2006 le montant du crédit impôt recherche a doublé en France, […] la part du financement privé de la recherche et du développement dans le PIB a fortement baissé en France – 54,2% en 2002 contre 52,22% en 2006 – alors même que cette part est déjà inférieure de 10 points, en France, à la moyenne des pays de 1’OCDE. »
Ainsi l’effort de l’État pour augmenter les dépenses de recherche et de développement en France - soit plus deux points de financements publics supplémentaires dans la dépense totale de la recherche et du développement entre 2002 et 2006 - ne parvient-il pas à contrebalancer la diminution de ces dépenses, alors qu’en moyenne, dans les pays de l’OCDE, ces dernières augmentent.
Se pose alors pleinement la question de la pertinence d’un dispositif qui, d’année en année, voit son coût augmenter. Faut-il rappeler que, en tenant compte du plan de relance, le crédit d’impôt recherche progressera, en 2010, de 1,53 milliard d’euros ?
Au regard des divers rapports et études qui ont été publiés, il apparaît de manière évidente que le crédit d’impôt recherche est utilisé par les grandes entreprises comme un outil d’optimisation fiscale. D’ailleurs, nombre d’entre elles ont supprimé des postes de chercheurs au cours de l’année 2009 et continuent pourtant à toucher leur part du crédit d’impôt recherche.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai l’amendement de M. Foucaud. Le crédit d’impôt recherche représente un cadeau de 4 milliards d’euros aux entreprises et son efficacité n’est pas prouvée.
Monsieur Fourcade, vous affirmez que ce dispositif a produit des effets positifs dans votre département ; or aucune étude précise ne démontre en quoi ce cadeau aux entreprises a bénéficié à la collectivité nationale.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Je retire mon amendement, puisque le dispositif sera prorogé en 2010.
Je voudrais revenir sur les propos qu’ont tenus notre collègue Jean-Pierre Fourcade et M. le président de la commission.
J’ai suivi attentivement le dossier Microsoft, puisque cette entreprise compte plusieurs sites dans Paris intra-muros. Cette société voulait développer à l’échelle mondiale, d’une part, son centre de recherche, d’autre part, ses activités commerciales. Or Paris était en compétition avec des villes allemandes ou avec Londres. Sachez, monsieur le président de la commission, que c’est grâce au crédit d’impôt recherche que Microsoft, au terme de deux ans de compétition au niveau européen, a finalement décidé d’implanter ces différentes activités sur le territoire français, et non au Royaume-Uni ou en Allemagne. Grâce à cet avantage fiscal, 1 700 emplois ont été créés non dans le secteur de la production, mais dans le secteur commercial.
M. le président. L'amendement n° I–281 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-186.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
M. le président. L'amendement n° I-300, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, il est inséré un 2 ter ainsi rédigé :
« 2 ter. Pour l'application du 1 et du 2 de cet article, les charges d'intérêts liées à l'émission d'emprunts par une société sont admises, en déduction pour le calcul du bénéfice net, à condition que le rapport entre les capitaux propres et la dette financière ne soit pas inférieur à 66 %.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Chacun sait que la pratique du leveraged buy-out, le LBO, permet de racheter une entreprise, souvent beaucoup plus importante que celle qui sert de base à l’opération, sans moyens correspondants, d’où le recours à l’emprunt.
Généralement, ce type de rachat n’est pas motivé par un projet industriel, mais, plus souvent, par le seul projet financier qui consiste à rémunérer les investisseurs au taux le plus fort, le plus vite possible, afin de dégager une forte rentabilité à très court terme.
Ce type de financement a largement contribué à détruire le tissu industriel de notre pays. Nous avions dénoncé le caractère périlleux de ces opérations dès avant la crise, et, depuis que celle-ci a éclaté, nous nous sentons moins solitaires dans cette dénonciation.
Depuis l’éclatement de la crise, le LBO a eu pour effet d’entraîner de nombreuses sociétés dans des situations de surendettement, souvent insupportables.
Si les premiers bénéficiaires de ces opérations sont les fonds d’investissement, les banques n’oublient pas de se faire généreusement rétribuer, au détriment de leurs activités, plus restreintes, de financement de l’économie réelle.
Selon l’assureur crédit COFACE, sur les 1 600 entreprises en LBO en France, 900 d’entre elles sont en zone de surveillance et plusieurs en zone d’alerte. Certes, les LBO ne sont pas, en soi, à l’origine des difficultés des entreprises, mais ils en constituent bel et bien un facteur aggravant.
Les banques ont octroyé des crédits allant jusqu’à 70 % à 80 % de la valeur de la société cible. L’entreprise rachetée par un fonds est censée rembourser la dette grâce au résultat qu’elle génère ; mais, avec le ralentissement de l’économie, cette dette devient insupportable.
Notre amendement vise donc à décourager les opérations de LBO les plus risquées, en supprimant l’avantage fiscal dû à la déductibilité des intérêts d’emprunts lorsque le rapport entre les capitaux propres et la dette financière est inférieur à 66 %.
Tout le monde constate les dégâts causés par cette pratique. Notre amendement est raisonnable, car il ne vise pas à supprimer le LBO, mais à le limiter dans sa partie la plus risquée, dont la nocivité n’est plus à démontrer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mme Bricq soulève un sujet intéressant, mais la commission ne pense pas que la solution qu’elle préconise soit vraiment opérationnelle.
Si l’on traduit autrement l’idée qui sous-tend cet amendement, il faudrait considérer que, pour une dette d’un montant de 66, on devrait disposer au bilan de capitaux propres d’un montant de 33.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non ! Le rapport est de 60 pour 40 !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez raison.
Poser que le rapport entre les capitaux propres et la dette financière ne doive pas être inférieur à 66 % ne me paraît pas très clair.
Mme Nicole Bricq. Je l’admets !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Si je comprends bien, pour un montant total de 100 de capitaux propres et de dettes inscrits au passif d’un bilan, votre amendement vise à imposer un ratio de 60 en dettes et de 40 en capitaux propres.
Cette norme de portée générale conviendrait-elle à tous les secteurs d’activité ? Je n’en suis pas certain. Surtout, d’où proviendront les 40 de capitaux propres ? L’adoption de votre amendement, me semble-t-il, n’empêcherait aucunement que ces capitaux propres soient, entièrement ou partiellement, apportés par une holding, qui elle-même peut s’endetter pour être en mesure de souscrire au capital d’une autre entreprise.
Madame Bricq, le dispositif que vous nous proposez d’adopter est à la fois trop global et trop rigide et n’est pas verrouillé. Aussi, la commission ne peut l’accepter en l’état.
Toutefois, nous devons continuer à étudier la question de l’avantage fiscal dont bénéficient les LBO. Faut-il être complètement malthusien en la matière ? Je ne le crois pas. Faut-il restreindre les avantages fiscaux dont bénéficient les opérations les plus risquées ?
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Pour ma part, je le crois et, à cet égard, j’écouterai avec attention l’analyse de M. le ministre.
En tout état de cause, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Il est évidemment fort utile de soulever la question des LBO, et d’ailleurs elle l’a déjà été dans le passé.
D’une part, un dispositif dit « anti sous-capitalisation » est entré en vigueur le 1er janvier 2008, qui limite la déductibilité des charges financières supportées par les entreprises sous-capitalisées. Néanmoins, je reconnais que ce mécanisme est compliqué et qu’il devra probablement être évalué.
D’autre part, le dispositif dit « amendement Charasse », aménagé en 2005 et en 2006, qui est un bon dispositif, limite aussi cette déductibilité en cas d’achat de titres à soi-même et dans certaines conditions.
M. le rapporteur général ayant très bien expliqué que cet amendement vise à imposer un ratio entre les capitaux propres et la dette financière, je n’y reviendrai pas. Toutefois, force est de constater qu’il soulève un certain nombre de difficultés, notamment parce que ses auteurs ont prévu qu’il soit applicable à tout type d’entreprise. Or les entreprises ont une structure financière très différente selon les secteurs auxquels elles appartiennent ; elles sont plus ou moins endettées et disposent de plus ou moins de capitaux propres.
Le LBO n’est pas contestable en tant que tel et il faut continuer à le développer. Ce qui l’est, c’est l’utilisation abusive qu’en font certains. D’ailleurs, c’est souvent les abus de droit ou les abus d’un mécanisme qui sont condamnables.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, tout en reconnaissant que la question soulevée par Mme Bricq mérite réflexion.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mme Bricq soulève un vrai problème, car c’est un fait que, compte tenu des taux d’intérêt historiquement faibles, il a été abusivement fait recours aux LBO et que les entreprises, souhaitant bénéficier au maximum de l’effet de levier qu’ils procurent, se sont endettées au-delà du raisonnable.
Afin de maîtriser cet emballement, monsieur le ministre, il conviendrait sans doute de revoir le régime fiscal du carried interest, car, bien souvent, ces opérations ont été réalisées par des filiales ou des sous-filiales de banque dans des conditions assez contestables.
Vous vous souvenez du régime fiscal introduit par la circulaire ministérielle du 28 mars 2002, que nous nous sommes efforcés de corriger voilà un an, avec votre concours bienveillant, monsieur le ministre. Depuis lors, votre collègue Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, a publié un décret qui, si perfectible soit-il, devrait calmer le jeu. Il faut être conscient que, dans ces opérations de LBO, interviennent des acteurs très déterminés, à savoir les gérants des fonds.
Aussi, nous devons être très vigilants à l’égard de ce type de mécanisme.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Personne ne conteste la nocivité de ce mécanisme qui, utilisé de manière excessive et dans un laps de temps très court, conduit au surendettement des entreprises.
M. le rapporteur général et M. le président de la commission reprochent à notre amendement d’être d’une portée trop générale. J’accepte cet argument, mais il devrait nous inciter à approfondir notre réflexion. C’est précisément l’intérêt du débat budgétaire.
Monsieur le président de la commission, puisque vous vous êtes beaucoup mobilisé sur cette question, ne pensez-vous pas qu’il conviendrait de bien mesurer les effets du décret du 16 octobre 2009 relatif au carried interest, d’examiner dans quel secteur cette pratique s’est révélée la plus nocive et d’envisager des solutions ?
Ce travail d’évaluation relève précisément de la commission des finances. Dans la mesure où le ministère du budget dispose évidemment de moyens d’investigation bien supérieurs à ceux dont disposent non seulement l’opposition, mais encore la commission des finances, il lui appartient de nous communiquer les chiffres et l’état qualitatif de ces pratiques.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame Bricq, je vous invite à retirer votre amendement.
Le décret de Mme Lagarde me semble bien inspiré, notamment par les acteurs du carried interest… (Sourires.)
J’ai moi-même déposé un amendement, qui sera discuté ultérieurement, visant à mieux distinguer entre les opérations qui concernent les jeunes entreprises innovantes en phase de démarrage, dont il faut encourager le développement, avec tous les risques qu’il comporte – c’est au moins aussi important que le crédit d’impôt recherche –, et le LBO strictement financier, ou private equity, pratique qui doit manifestement être encadrée de manière beaucoup plus rigoureuse.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Madame Bricq, sachez que Mme Lagarde est tout à fait disposée à travailler sur ce sujet du rapport entre capital et poids de la dette.
Il s’agit de se montrer pragmatiques, sans diaboliser aucun système. Nous savons que la sous-capitalisation est un des handicaps des entreprises françaises. L’essentiel est que les entreprises puissent fonctionner. Le LBO ne devient une mauvaise chose que s’il y est recouru dans une mesure excessive ou en cas d’abus de droit.
M. Jean Desessard. Il faut créer un code de bonne conduite !
M. Éric Woerth, ministre. En tout état de cause, le Gouvernement est favorable à ce que l’on approfondisse la réflexion sur le rapport entre capitaux propres et dette.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Si le ratio de 66 % prévu dans notre amendement pose problème, nous ne serions pas opposés à ce que la commission modifie notre rédaction pour clarifier les choses et bien faire apparaître que si la dette est de 60, les capitaux propres devront être de 40 au moins.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce dispositif est trop complexe pour qu’il soit envisageable de le modifier dans l’instant !
M. François Marc. Cela étant, il semble qu’un tel ajustement ne suffirait pas à modifier l’avis de la commission ni celui du Gouvernement ! Néanmoins, pour des raisons de principe, il nous paraît important de maintenir l’amendement, car l’effet de levier, qui a engendré des profits importants pour un certain nombre d’opérateurs, peut aussi jouer dans un sens négatif et contribuer alors à une désagrégation totale du système. Il nous semble donc important d’établir des garde-fous contre la spéculation dérégulée, car les LBO présentent un risque considérable pour l’avenir.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Pour ma part, je souhaite vraiment que cet amendement soit rejeté. Certes, la préoccupation exprimée par ses auteurs est parfaitement légitime et nous condamnons nous aussi les très nombreux excès qui ont été commis, mais il faut tenir compte de l’extrême diversité des situations économiques.
Les opérations de LBO, qui permettent la cession d’entreprises, sont une nécessité absolue pour la vitalité du tissu économique. Ce qui est choquant, c’est que certains incitent les autres à prendre des risques sans vouloir en courir eux-mêmes aucun. Cependant, c’est un problème qui se pose pour l’ensemble de l’économie : les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs.
Cet adage vaut notamment en matière de LBO, où il arrive que les acheteurs soient incités à s’endetter dans une mesure excessive. Néanmoins, on a le droit d’être intelligent, y compris dans une économie de marché ! Si l’on anticipe des résultats irréalistes, on en supporte les conséquences, conformément à l’esprit d’une économie libérale. Ce qui est anormal, c’est que la puissance publique vienne pallier les conséquences de défaillances de raisonnement souvent dues à une cupidité extrême ou à un suivisme aveugle.
En tout état de cause, l’amendement en question ne permettra pas de remédier à de tels comportements. C’est la raison pour laquelle je conseille à mon groupe de ne pas le voter. (M. Alain Gournac applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Comme l’a indiqué M. Marc, nous maintenons cet amendement. J’ajoute que nous serons très attentifs à celui qui sera présenté par M. Arthuis. L’important est non pas de détruire un dispositif, mais de faire progresser la réflexion.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : nous allons continuer de travailler sur ce sujet très complexe, mais la commission des finances ne présentera pas d’amendement dans le cadre de l’examen du présent projet de loi de finances. Nous ne sommes pas encore en mesure de le faire.
Dans l’immédiat, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain : recourir au levier de l’emprunt se révèle parfaitement utile et légitime dans nombre de situations économiques. Nous allons poursuivre la réflexion avec l’administration et les professionnels afin de pouvoir proposer, le moment venu, un dispositif équilibré et raisonnable.
M. le président. L'amendement n° I-303, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 206 du code général des impôts, il est inséré un article 206 bis ainsi rédigé :
« Art. 206 bis. - Il est établi une taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés pour l'année 2010. Son taux est fixé à 10 %. Sont redevables de cette taxe les établissements de crédit agréés par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement. ».
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement vise à instituer, pour la seule année 2010, une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés, qui pèserait sur les établissements de crédit.
En effet, l’État ayant joué le rôle d’assureur de dernier ressort au cours de la crise bancaire de l’automne 2008, il est normal qu’il reçoive la contrepartie de cette couverture exceptionnelle apportée dans l’intérêt général.
L’État est intervenu pour soutenir les établissements bancaires et financiers à concurrence de 75 milliards d’euros de titres de dette émis par la Société de financement de l’économie française afin de prêter aux banques. Il s’agissait de pallier le manque de liquidités dû à la crise de confiance interbancaire que nous avons connue.
Par ailleurs, des opérations de renforcement de fonds propres à hauteur de 20 milliards d’euros ont été financées par le biais de la Société de prises de participation de l’État.
C’est ce soutien qui a permis aux banques de réaliser des bénéfices au titre de l’année 2009. Or, si les banques ne sont pas directement à l’origine de la crise financière, elles ont allègrement pris part à un système qui a favorisé, et qui favorise encore, la prise de risques excessifs. Elles n’ont pas totalement évité les actifs toxiques et les contribuables ont payé – et payent encore – au prix fort les conséquences de leurs pratiques aventureuses. La crise financière a provoqué une crise économique sans précédent, dont le coût est particulièrement élevé : 500 000 chômeurs supplémentaires en un an, un déficit public représentant 8,7 % du PIB, une dette publique atteignant 84 % du PIB en 2010 !
Les clauses contractuelles négociées à l’occasion de la souscription d’actions de préférence ont laissé à la seule initiative des emprunteurs le remboursement des prêts de l’État, en privant celui-ci de toute rémunération automatique –contrairement à ce qui se passe pour les titres subordonnés –, le versement d’une rémunération à l’État dépendant en effet de la décision des banques d’en accorder une, ou pas, à leurs actionnaires ordinaires.
Les banques ont donc, de ce fait, rétabli rapidement leur situation et font de nouveau d’importants bénéfices : la presse financière s’en est largement fait l’écho ces derniers jours. Elles disposent en effet d’une garantie totale d’intervention des pouvoirs publics et n’encourent par conséquent aucun risque de faillite : c’est l’assurance tous risques ! En outre, elles ont relevé leurs marges sur les crédits qu’elles accordent. Enfin, elles considèrent que les marchés sont revenus à une situation « normale » et qu’elles peuvent de nouveau avoir recours à certains mécanismes bien connus…
Notre proposition d’instituer une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés qui pèserait sur les établissements de crédit apparaît donc parfaitement raisonnable. Si nous avons prévu pour l’heure qu’elle devrait rester exceptionnelle et ne porter que sur l’exercice 2010, c’est pour ménager l’avenir, par définition incertain, de la situation financière des banques.
Cette taxe doit avoir le caractère d’une participation de l’État et, partant, du contribuable aux bénéfices retrouvés des établissements bancaires et financiers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission n’est pas favorable à cet amendement, essentiellement parce que si l’on pénalise les banques en exerçant une pression sur leurs fonds propres, on réduira le volume des crédits qu’elles consentiront. Cela aura un effet malthusien sur l’économie, ce qui me semble contraire à l’objectif que vous visez, mes chers collègues.
M. Jean Desessard. Attendons la prochaine crise !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’intérêt de notre économie est que nos banques aient une structure financière saine et prospère.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
L’amendement n° I-303 vise à instituer, pour la seule année 2010, une taxe qui rapporterait entre 500 millions et 600 millions d’euros. Nous proposons, pour notre part, la création d’une taxe pérenne pour financer la nouvelle autorité de régulation des marchés. Son produit s’établira entre 100 millions et 150 millions d’euros par an.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. On ne peut opposer la contribution des banques au financement de la nouvelle autorité de régulation des marchés à la contrepartie que nous proposons d’instituer à l’aide qu’elles ont reçue de l’État, donc des contribuables. Ce n’est pas une question de montant, c’est une question de principe.
Je considère qu’il est de notre mission de parlementaires d’envoyer un signal clair à tous ceux, entreprises ou particuliers, qui éprouvent des difficultés à obtenir un crédit, alors que les banques ont bénéficié d’une aide de grande ampleur de l’État. Voilà pour le passé ; nous évoquerons l’avenir par le biais d’un amendement ultérieur.
Nous devons également adresser un message aux banques, qui ont pu bénéficier de liquidités abondantes grâce à l’action de la Banque centrale européenne, liquidités dont elles se sont servies pour reconstituer leurs marges. Une bulle pourrait en chasser une autre, alors même que l’emballement de la dette publique risque de provoquer une remontée des taux, donc une pression sur le crédit.
Si les banques doivent bien entendu contribuer au financement de la nouvelle autorité prudentielle, elles doivent aussi être conscientes du fait que le Parlement ne saurait laisser se reproduire des épisodes similaires à ceux que nous avons connus dans la période récente.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je suis en désaccord avec M. le rapporteur général de la commission des finances. Alors que c’est la puissance publique qui a consolidé et sécurisé le système bancaire, à qui vont les profits dégagés grâce à cette action, sinon aux actionnaires dans une très large mesure ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il faut nationaliser les banques. C’est une très bonne idée !
M. François Marc. Des fonds publics ont servi à soutenir des entreprises privées, mais lorsque ces dernières renouent avec les profits, l’État n’en bénéficie pas de façon automatique, car les actionnaires sont servis avant lui. Nous ne pouvons être favorables à un système où, alors que la puissance publique, c’est-à-dire le contribuable, apporte une garantie tous risques, ce sont les actionnaires qui bénéficient du retour des profits.
Cet amendement a une dimension symbolique. Alors que l’on a beaucoup parlé d’éthique ces derniers temps, il vise précisément à restaurer la crédibilité du système financier. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° I-301, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 209 du code général des impôts est complété par un IX ainsi rédigé :
« IX. Le montant de l'imposition due par l'entreprise au titre de la contribution économique territoriale visée à l'article 1447-0 du présent code n'est pas déductible des bases retenues pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement est étroitement lié aux dispositions relatives à la taxe professionnelle que nous avons examinées vendredi et samedi derniers. En effet, il vise à rendre non déductible, au titre de l’impôt sur les sociétés, la contribution économique territoriale qui sera désormais versée par les entreprises. Nous n’étions pas, pour notre part, favorables à ce dispositif, mais dès lors qu’il est inscrit dans le projet de loi de finances, nous essayons d’y apporter les ajustements qui nous paraissent indispensables.
Alors que le déficit public dépasse 8,5 % du PIB et que la dette publique avoisine les 90 % de ce dernier, il serait à nos yeux totalement irresponsable de proposer une réforme non financée, dont le coût sera proche de 5 milliards d’euros en régime de croisière. Un tel choix conduirait inévitablement à une hausse de la charge fiscale des ménages.
Nous proposons de prévoir au contraire une forme d’autofinancement d’une partie du coût de la réforme, consistant à rendre non déductible de l’impôt sur les sociétés la contribution économique territoriale. Cela permettrait de limiter à quelque 1,5 milliard d’euros le coût de la suppression de la taxe professionnelle et présenterait également l’avantage de faire reposer, pour l’essentiel, le financement sur les entreprises qui réalisent des bénéfices. Ainsi, les finances des entreprises en difficulté ne seraient pas obérées. Cette logique nous paraît tout à fait défendable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission considère que cet amendement n’est pas acceptable.
En effet, un principe général de notre droit fiscal veut que soient déductibles l’ensemble des charges qui se rapportent à l’exploitation de l’entreprise. Le nouvel impôt local, comme la taxe professionnelle, relève bien de cette catégorie. Il n’est pas possible de charcuter les charges à sa convenance pour aboutir à un système fiscal qui deviendrait incompréhensible.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur général, vous nous accusez de vouloir charcuter les charges des entreprises, mais je vous rétorquerai que nous avons assisté, trois jours durant, au désossage des collectivités locales, pour employer un autre terme de boucherie.
M. Jean Desessard. Ils ont évité de peu un étripage !
Mme Nicole Bricq. C’est aussi au nom des principes que nous maintenons cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-187, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du I de l'article 219 du code général des impôts est complété par les mots : « et à 46 % sur les dividendes versés aux actionnaires ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La France, on le sait, est un pays de bas salaires. Des études ont été menées à ce sujet, notamment par le Centre d’études des revenus et des coûts, le CERC, en 2002. Cet organisme a mis en évidence que la moitié des salariés du secteur privé gagnaient moins de 1 220 euros nets par mois – 1 360 euros pour les hommes et 1 054 euros pour les femmes –, que plus d’un tiers d’entre eux gagnaient moins que le SMIC et que plus de la moitié se trouvaient sous le seuil fatidique de 1,6 SMIC, en deçà duquel les employeurs ont droit à des allégements de cotisations. De là à dire que les employeurs maintiennent les salaires au plus bas pour bénéficier d’exonérations, il n’y a qu’un pas, que nous franchissons d’ailleurs… N’est-ce pas pour cette raison que la Cour des comptes définit les mécanismes d’exonération de cotisations sociales comme étant de véritables trappes à bas salaires ?
Notre pays n’est donc pas, soulignons-le pour tordre une fois encore le cou à certaines idées reçues, celui où le travail coûte le plus cher. Selon Eurostat, le coût du travail dans l’industrie était, en 2005, inférieur en France de 4 % par rapport au Royaume-Uni et de 2 % par rapport à la Belgique, et un peu plus élevé qu’aux Pays-Bas ou en Allemagne, à hauteur respectivement de 2 % et de 4 %.
La part des salaires dans la valeur ajoutée est en diminution. Ainsi, avant la récession de 1974-1975, elle était supérieure de cinq points à ce qu’elle est aujourd’hui, et l’écart atteint dix points par rapport au pic de 1982.
Il est, en revanche, une part de la valeur ajoutée qui ne cesse de croître : celle des dividendes.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Thierry Foucaud. Ils en représentent aujourd’hui environ 25 %, contre 5 % seulement en 1985. Cette explosion des dividendes est assise sur la faiblesse des salaires, mais les salariés sont en réalité deux fois perdants, puisqu’ils sont aussi victimes des politiques de délocalisation de l’emploi. Plus les dividendes versés aux actionnaires croissent, plus le réinvestissement, notamment dans les nouvelles technologies ou la réorientation industrielle, diminue. En effet, l’effort d’investissement ne représente plus aujourd’hui que 19 % de la valeur ajoutée, contre près de 24 % dans les années soixante.
Pour notre part, nous sommes convaincus que, plutôt que de geler les salaires, l’heure est venue de geler les dividendes à leur niveau actuel et de les transférer à un fonds de mutualisation destiné à d’autres usages, qui serait placé sous le contrôle des salariés.
Notre amendement, dont l’objet se limite à porter le taux d’imposition des dividendes à 46 %, s’inscrit dans cette logique de valorisation de l’emploi face à la spéculation. Si vous refusez, pour des raisons qui n’échappent à personne, d’augmenter les salaires et de reconnaître réellement le travail, alors vous devez taxer les dividendes en conséquence, c’est-à-dire davantage que le travail, afin d’inciter les entreprises à repenser leurs politiques salariale et d’investissement. Les millions versés aux actionnaires sont précisément des millions qui échappent à l’investissement, c’est-à-dire à l’entreprise, donc au maintien de l’emploi qualifié et adapté aux exigences nouvelles. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° I-302, présenté par M. Rebsamen, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le troisième alinéa de l'article 219 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... Le taux fixé au présent article est fixé à 31 % pour la fraction du bénéfice imposable mise en réserve ou incorporée au capital au sens de l'article 109, à l'exclusion des sommes visées au 6° de l'article 112. Il est fixé à 49 % pour la fraction du bénéfice imposable distribuée. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement a pour objet de moduler les taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affectation du bénéfice réalisé.
La référence à des concepts bien ancrés dans le code général des impôts, depuis 1979, rend ces dispositions aisément applicables. Une telle distinction entre bénéfices réinvestis et bénéfices distribués est, au demeurant, pratiquée par certains de nos voisins de l’Union européenne.
Il s’agit d’un outil pertinent de politique fiscale pour orienter les choix des entreprises dans un sens plus favorable à l’économie productive et pour favoriser la redistribution des bénéfices sous forme non pas de dividendes aux actionnaires, mais d’investissements dans l’activité, donc au bénéfice des salariés et, partant, des consommateurs.
Il s’agit en fait de privilégier les entreprises qui participent à la relance et à la défense du pouvoir d’achat par rapport à celles qui, par leur politique d’optimisation des profits au bénéfice des actionnaires, ne contribuent pas à réduire le marasme économique actuel.
L’économie française connaît un problème récurrent de sous-capitalisation de ses PME, qui bride leur développement, mais la « distribution de capitaux » n’est pas forcément le moyen le plus efficace pour y remédier : si une telle stratégie – je pense notamment aux interventions d’OSEO et aux différentes actions menées en faveur du renforcement des fonds propres des PME – a permis de faire de la France le quatrième marché mondial pour les capitaux investis et les fonds empruntés, ainsi que le deuxième marché européen pour les LBO, elle n’a pas été suffisante pour entraîner une augmentation des fonds propres des sociétés productives nouvelles. Ce sont les cessions et les successions d’entreprise, plus que la création et le développement d’activités, qui ont bénéficié de cet afflux de capital-investissement. Une incitation fiscale au réinvestissement des bénéfices est peut-être une voie meilleure, moins spectaculaire, certes, mais plus régulière et plus constante.
Il faut donc modifier le système fiscal, car il incite les entreprises à la sous-capitalisation, les entrepreneurs ayant intérêt à ne pas réinvestir les bénéfices et à s’endetter afin de réduire l’assiette de leur impôt sur les sociétés. La redéfinition de l’impôt sur les sociétés doit être le moyen privilégié de répondre au manque de fonds propres.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, avec cet amendement, une modalité de réforme. Il est tout à fait souhaitable de réorienter le système fiscal, en réduisant l’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis. Ce serait un bon moyen de réduire le coût de constitution de fonds propres et d’éviter les effets pervers induits par l’ouverture d’un guichet de distribution de capitaux.
Il conviendrait également que le renforcement des fonds propres soit endogène, car ce sont les chefs d’entreprise qui sont le plus à même de décider du montant à affecter pour consolider leur entreprise et du moment opportun pour procéder à une telle opération.
En conclusion, je rappellerai que, depuis quelques années, la part des bénéfices redistribués aux actionnaires est en forte croissance. Il faut donner aujourd’hui une incitation forte pour que ces capitaux soient réinvestis dans l’entreprise et permettent une relance efficace, avec des créations d’emplois. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est évidemment tout à fait hostile à cette disposition, qui figurait d’ailleurs déjà dans la proposition de loi du groupe socialiste fort bien rapportée par M. Arthuis voilà quelques mois et dont M. Rebsamen était le premier signataire.
Mis à part l’Estonie, seul pays de l’Union européenne à différencier, en matière d’imposition des bénéfices, les taux selon l’affectation du résultat, tous les pays de l’OCDE pratiquent un seul et même taux d’imposition des profits, qu’ils soient distribués ou réinvestis. L’Allemagne opérait autrefois une telle distinction, mais celle-ci a été abolie, madame Bricq, en 2000 ou en 2001, et je ne suis pas certain que ce n’ait pas été sur l’initiative d’un ministre social démocrate.
Mme Nicole Bricq. Je vais vérifier.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il est même vraisemblable que les choses se sont passées ainsi ! En tout cas, le taux de l’impôt sur les sociétés en Allemagne, quelle que soit l’affectation du profit, est désormais de 25 %. La référence que vous utilisez est donc fausse, ou en tout cas obsolète depuis déjà de longues années.
Mme Nicole Bricq. Je ne le crois pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous pouvez vérifier, ce sont des données législatives à la disposition de tous !
Mme Nicole Bricq. Je vais le faire !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Différencier les taux d’imposition est une mauvaise idée sur le fond, car les actionnaires ont besoin d’être rémunérés, lorsque les résultats sont bons, pour participer à une heureuse évolution de l’entreprise, et, lorsque les résultats sont mauvais, pour être remerciés de rester au capital alors qu’ils devraient se retirer. (M. Jean Desessard s’exclame.)
Mme Nicole Bricq. N’en rajoutez pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Votre vision des choses est totalement erronée ; elle reflète une méconnaissance complète de l’économie de marché. Par conséquent, la commission émet un avis très défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
La disposition que vous préconisez, madame Bricq, a déjà été mise en œuvre, avant d’être supprimée au début de la décennie parce que trop complexe. Il faut notamment vérifier que les fonds mis en réserve ne sont pas affectés par la suite. En ce qui concerne le capital, il faut certes privilégier son renforcement, mais, d’un autre côté, les entreprises n’ont pas forcément besoin d’augmenter leurs fonds propres. Il peut alors être souhaitable de distribuer des dividendes aux actionnaires, afin qu’ils les réinvestissent dans d’autres entreprises.
Du reste, l’investissement dans les entreprises est déjà assorti d’avantages. Par exemple, le crédit d’impôt recherche est une forme de défiscalisation qui vise à inciter l’entreprise à investir plutôt qu’à distribuer ses bénéfices.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote sur l’amendement n° I-187.
Mme Michèle André. Cet amendement vise en fait à moduler le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affection du bénéfice réalisé.
En mai dernier, M. de Montesquiou évoquait, en présentant sa proposition de loi, deux solutions pour obtenir de la part des grands groupes français des contributions significatives : l’une, contraignante, résidait dans l’établissement d’une contribution additionnelle exceptionnelle – nous en discuterons en examinant un amendement à venir ; l’autre, plus partenariale, consistait en une incitation fiscale – tel est l’objet du présent amendement.
La création d’un tel système de « bonus-malus » a déjà été envisagée au Sénat, par voie d’amendement, lors de la discussion du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009. Vous aviez alors relevé, monsieur le ministre, qu’un tel débat méritait d’être approfondi – vous venez de le redire –et vous vous étiez engagé à interroger le Trésor public et la direction de la législation fiscale pour bénéficier de leur expertise, en précisant que nous pourrions peut-être en reparler lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Aujourd’hui, nous y sommes : où en êtes-vous, monsieur le ministre ?
Il est impératif de donner des marques de justice aux citoyens, aux consommateurs, aux ménages, aux contribuables, aux PME. En effet, nos compatriotes subissent lourdement les conséquences de la crise, que ce soit la hausse des prix ou le chômage, quand ce n’est pas les deux, alors qu’ils assistent, parallèlement, à la distribution de parachutes dorés, de retraites chapeau, de dividendes mirifiques. Pourquoi devraient-ils subir une double peine tout en étant régulièrement nargués par l’annonce de dividendes et autres super-revenus qui se chiffrent en millions d’euros ?
Certaines entreprises persistent dans une logique très peu vertueuse en temps de crise, poursuivant leur politique de maximisation du retour aux actionnaires, jumelée à une politique des prix que supportent seuls les consommateurs, que ce soit les ménages ou les PME.
Les stratégies d’optimisation fiscale développées par les grandes firmes et leurs armadas d’experts financiers font feu de tout bois, plus encore en France que dans des pays comme l’Espagne ou le Royaume-Uni. Les pratiques d’optimisation fiscale sont favorisées par la complexité de notre système fiscal et social, en particulier par la multiplication des régimes et dispositions dérogatoires. Le Conseil des impôts relevait, dans son rapport de 2007, les difficultés méthodologiques auxquelles étaient confrontés les États pour les évaluer. En France, ces difficultés demeurent, car notre pays a accumulé, en matière d’évaluation, des retards qu’elle n’a pas résorbés. Aux États-Unis, le seul tax gap, c’est-à-dire l’insuffisance des rentrées fiscales par rapport à la situation normale où tous les contribuables respecteraient pleinement la législation, a été chiffré sur dix ans à 210 milliards de dollars.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé une réforme destinée à améliorer le rendement de l’impôt sur les sociétés. Il s’agissait de lutter contre les ingénieux montages fiscaux que les juristes de la direction générale des impôts qualifient d’abus de droit et qui consistent à exploiter toutes les finesses des procédures légales pour réduire l’addition payée par l’entreprise, contribution pourtant juste et nécessaire.
Osons enfin mettre en œuvre un dispositif vertueux qui incite les entreprises à réinvestir une fraction importante de leur bénéfice imposable ! Je ne peux manquer de rappeler, à cet instant, les propos suivants, tenus par le Président de la République lui-même : « Il faut que chacun comprenne que si l’on demande aux salariés de porter une partie du fardeau dans la crise, il est normal que les mêmes salariés bénéficient du fruit de leur travail quand cela va bien. »
Or on a constaté que, souvent, l’explosion des profits financiers s’est faite au détriment de l’investissement dans le capital productif et s’est accompagnée d’une croissance exponentielle des plus hautes rémunérations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je ne paraphraserai pas l’excellente argumentation de Michèle André, mais je voudrais revenir sur des propos tenus tout à l’heure par M. le rapporteur général, que je trouve tout à fait inappropriés, pour ne pas dire inadmissibles.
Selon lui, il y aurait ceux qui comprennent l’économie de marché et les autres.
Mme Nicole Bricq. C’est vexant !
M. François Marc. Mes chers collègues, nous avions déjà entendu ce genre de discours avant le déclenchement de la crise économique, notamment, depuis 2003, à l’occasion de différents débats sur les marchés financiers et la nécessaire régulation de la sphère économique. Chaque fois que nous avons argumenté en faveur d’une amélioration de celle-ci, on nous a opposé notre incompréhension supposée de l’économie de marché : tous ces mécanismes financiers, tous ces dispositifs spéculatifs étaient nécessaires, car c’était grâce à eux que l’on allait pouvoir créer de la richesse… Et puis est survenue cette crise terrible, qui illustre à quel point nos propos étaient fondés quand nous réclamions, alors qu’il était encore temps, une anticipation suffisante et la mise en place de garde-fous.
Aujourd’hui, nous constatons les dégâts. Devant cette situation, nous avons le sentiment qu’il existe deux catégories d’investisseurs : d’un côté, les entrepreneurs, de l’autre, les spéculateurs, je dirais même les prédateurs. Les premiers sont prêts à réinvestir les bénéfices dans l’entreprise au lieu de percevoir des dividendes, dont la part dans la répartition des résultats est en très forte augmentation depuis plusieurs années. Il faut donc favoriser une économie d’entrepreneurs plutôt qu’une économie de spéculateurs et de prédateurs. L’argument essentiel qui motive cet amendement est bien le suivant : il s’agit de donner la primauté à l’esprit d’entreprise en faisant en sorte que l’argent reste au service de l’entreprise au lieu d’alimenter une spéculation toujours plus intense.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je partage l’analyse de mes collègues, mais je crois que la question n’est même plus celle de l’économie de marché : nous sommes véritablement face à une politique de classe, qui donne tout aux uns et rien aux autres.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Thierry Foucaud. Pour répondre aux propos de M. le rapporteur général et de M. le ministre sur le versement de dividendes aux actionnaires, je me bornerai à citer l’exemple de Renault, dont les salariés ont été mis au chômage technique en début d’année, alors qu’il aurait suffi de garder dans l’entreprise 1 % des dividendes distribués aux actionnaires pour l’éviter ! Voilà qui est tout de même éloquent !
De surcroît, l’État a prêté de l’argent à Renault mais laisse maintenant cette entreprise établir des plans sociaux et détruire des milliers d’emplois. J’ai d’ailleurs rappelé, au cours de la discussion générale, que M. Ghosn a déclaré au mois d’avril dernier dans le Financial Times qu’il fallait profiter de la situation de crise pour dégraisser les entreprises… Bientôt, il en ira de même chez Peugeot.
Pour toutes ces raisons, il ne me paraît pas abusif d’affirmer que nous sommes véritablement face à une politique de classe, qui vise à tout donner aux uns et à tout retirer aux autres, politique qui a notamment conduit à supprimer la taxe professionnelle.
M. Jean Desessard. C’est toujours pareil !
M. Thierry Foucaud. Mais nous savons bien que, jusqu’à la fin de l’examen de ce projet de loi de finances, nous entendrons les mêmes arguments de la part tant de la commission des finances que du Gouvernement. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, cette discussion, tout à fait intéressante, se fonde sur des arguments que l’on retrouve dans le compte rendu des débats sur la proposition de loi de notre collègue M. Rebsamen. Le sujet est de première importance, mais il reste encore 240 amendements à examiner et nous progressons à un rythme de 7 amendements à l’heure. Dans ces conditions, il faudrait que nous changions de braquet pour avoir quelque chance de tenir le rendez-vous du vote sur la première partie du projet de loi de finances, fixé à mercredi soir…
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-203 rectifié bis, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième et troisième alinéas du a. du I de l’article 219 du code général des impôts sont supprimés.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. J’ai bien entendu l’exhortation du président de la commission des finances : je vais essayer de lui donner satisfaction pour ce qui concerne les temps de parole, mais pour ce qui est du fond, en revanche, je ne bougerai pas tant que le Gouvernement ne bougera pas !
Cet amendement a pour objet de revenir sur l’amendement, déposé par M. Marini, qui a permis à 6 200 entreprises de bénéficier d’une exonération quasiment totale de l’impôt sur les sociétés, et ce en pleine crise financière, c’est-à-dire précisément au moment où notre pays ne pouvait se priver d’aucune recette fiscale.
Cette mesure doit impérativement être abrogée, car ce n’est pas d’une explosion des dépenses dont souffre notre pays, mais d’un manque de financement, qu’il s’agisse des comptes de l’État ou des comptes sociaux.
M. le président. L’amendement n° I-427 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Vall, Charasse et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l’article 4, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
Le I de l’article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa du a. est supprimé.
2° Le a quinquies est ainsi rédigé :
« a quinquies Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l’objet d’une imposition séparée au taux de 10 %.
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011, une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable.
« Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable, les actions acquises en exécution d’une offre publique d’achat ou d’échange par l’entreprise qui en est l’initiatrice et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d’un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, à l’exception des titres des sociétés à prépondérance immobilière définis au troisième alinéa du a.
« La fraction des moins-values à long terme existant à l’ouverture du premier des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010 afférente à des éléments exclus du bénéfice des taux définis au premier alinéa demeure imputable sur les plus-values à long terme imposées au taux visé au a, sous réserve de justifier la ou les cessions de ces éléments. Elle est majorée, le cas échéant, des provisions dotées au titre de ces mêmes éléments et non réintégrées à cette date, dans la limite des moins-values à long terme reportables à l’ouverture du premier des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010.
« La fraction des moins-values à long terme existant à l’ouverture du premier des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010, non imputable en vertu des dispositions du quatrième alinéa, peut être déduite des plus-values à long terme afférentes aux titres de participation définis au troisième alinéa imposables au titre des seuls exercices ouverts en 2010. Le solde de cette fraction et l’excédent éventuel des moins-values à long terme afférentes aux titres de participation définis au troisième alinéa constaté au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010 ne sont plus imputables ou reportables à partir des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Il s’agit de limiter les effets de la disposition votée en 2004, sur proposition de la commission des finances, concernant le taux d’imposition à l’impôt sur les sociétés des plus-values à long terme.
Il est apparu en effet que les intentions manifestées au moment où cette disposition a été adoptée ont été tellement au-delà des espérances que la perte de recettes pour le Trésor public tournerait autour de 20 milliards d’euros, dans une situation de totale impécuniosité de l’État.
Ce résultat n’a manifestement pas été voulu par les auteurs de la disposition en cause, et le président du groupe du RDSE, mon ami Yvon Collin, a donc souhaité que nous proposions, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de finances, un aménagement du système pour en limiter quelque peu la portée pour les finances publiques.
M. le président. L’amendement n° I-419 rectifié bis, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « participation » sont insérés les mots : « détenus depuis plus de cinq ans ».
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011, une quote-part de frais et charges égale à 20 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. »
3° À la première phrase du dernier alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ».
4° Aux première et dernière phrases du dernier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
II. - Après le a quinquies du I du même article, il est inséré un a quinquies A ainsi rédigé :
« a quinquies A. Le montant net des plus-values à long terme mentionnées au a quinquies est soumis aux dispositions du deuxième alinéa du I lorsque celui-ci porte sur les titres d’une entreprise ou d’une entité juridique établie ou constituée hors de France et que cette entreprise ou entité juridique est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A, ou que cette entreprise ou entité juridique est établie ou constituée dans un État ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires. »
III. - Le I s’applique aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2011.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voudrais apporter une réponse argumentée à ces trois amendements,…
M. Michel Charasse. Une réponse à 20 milliards !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous allons en parler, monsieur Charasse, car ce chiffre de 20 milliards d’euros est vraiment sujet à caution, c’est le moins que l’on puisse en dire !
L’objet du premier amendement est de supprimer le régime dont bénéficient les plus-values à long terme sur titres de participation et de revenir au régime antérieur à 2005, soit à un taux de taxation de 19 %. L’amendement qu’a défendu M. Charasse tend à fixer ce taux à 10 %, cependant que l’amendement n° I-419 rectifié bis présente un dispositif plus complexe mais de même esprit.
Je voudrais rappeler, mes chers collègues, pourquoi il est inopportun de revenir sur la réforme du régime fiscal des plus-values à long terme. Compte tenu de l’exploitation qui a été faite de ce sujet, en particulier, récemment, par le magazine Marianne,…
M. Jean Desessard. Saine lecture !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … je voudrais d’abord revenir sur les conditions dans lesquelles nous avons réalisé cette réforme à l’époque.
La mesure dont il s’agit avait été préconisée par le Conseil des impôts dans son rapport de 2004. Outre qu’elle facilitait la restructuration du capital des grands groupes, elle constituait avant tout – et avait d’ailleurs été présentée comme telle – une mesure d’alignement sur ce que faisaient déjà nos principaux partenaires européens : l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède. La France était isolée dans la compétition fiscale, et il fallait bien en tirer les conséquences.
Au demeurant, le Conseil des prélèvements obligatoires, qui a succédé au Conseil des impôts, a rappelé, en octobre 2009, dans son rapport intitulé Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée, que ce régime d’exonération est aujourd’hui appliqué dans quelque vingt et un pays de l’OCDE sur vingt-neuf.
De plus, le régime français n’est clairement pas le plus favorable, puisqu’une quote-part de 5 % est imposée au taux normal de l’impôt sur les sociétés, soit un taux d’imposition effectif de 1,67 % sur la plus-value. Il prévoit un niveau minimal de participation de 5 %, alors que l’Allemagne, la Belgique et l’Italie n’en imposent pas, ainsi qu’une condition de durée de détention de deux ans, plus contraignante que dans la plupart des autres pays, où elle est en général d’un an, l’Allemagne et la Belgique n’en prévoyant même aucune.
Le dispositif a été conçu par la commission des finances du Sénat en étroite concertation avec le gouvernement de l’époque avant d’être consacré, après plusieurs aller-retour, dans un collectif budgétaire. Je m’inscris donc en faux contre les assertions selon lesquelles il aurait été porté par un parlementaire pour le compte du Gouvernement : ce fut un travail conjoint, voulu comme tel ; tous les documents de l’époque en attestent.
Ce dispositif était assorti d’une période de transition entre 2005 et 2007 et d’une taxe libératoire exceptionnelle, ou exit tax, qui a rapporté environ 1,5 milliard d’euros à l’État en 2006-2007. Je relève que les sommes exonérées représentent davantage un manque à gagner qu’une perte nette de recettes. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
D’ailleurs, la manière dont on a jeté en pâture le chiffre de 21 milliards d’euros à l’opinion publique est tout à fait critiquable, car il n’est pas du tout certain que toutes les transactions réellement constatées auraient eu lieu sous le régime fiscal antérieur ; l’assiette de l’imposition aurait très vraisemblablement été inférieure. Il est en effet très probable que si le régime antérieur d’imposition à 19 % avait perduré, les plus-values n’auraient été que partiellement réalisées et n’auraient donc pas engendré de recettes d’un tel montant.
Enfin, il faut bien avoir à l’esprit que revenir dès à présent au régime antérieur aboutirait, en fait, à créer un double avantage. En effet, sur les stocks de plus-values existantes, qui se reconstituent notamment du fait de la remontée des cours de bourse, viendraient s’imputer les moins-values – sur ce plan, un encadrement existe dans le régime actuel –, ce qui permettrait d’échapper en partie à l’impôt.
Le régime en question constitue non pas un cadeau accordé aux groupes financiers, mais bien la mise en œuvre d’une mesure de compétitivité rendue indispensable pour éviter que les sièges des holdings ne désertent encore davantage notre territoire.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur ces trois amendements, pour les raisons que M. le rapporteur général a très bien exposées.
Tout d’abord, les modalités du calcul qui permet à certains d’aboutir au chiffre de 20 milliards d’euros doivent être examinées. Le document sur l’évaluation des voies et moyens rédigé par le ministère en fait état. Ce calcul est fondé sur des conventions à mon sens hautement discutables : on applique à une base le taux de l’impôt sur les sociétés, soit 33 %, mais les plus-values à long terme sur cessions de titres de participation étaient taxées au taux de 8 %, ce qui réduit déjà considérablement l’ordre de grandeur.
Par ailleurs, quand on parle de haute fiabilité, c’est de l’assiette qu’il s’agit, et non des modalités de calcul. Peut-être devra-t-on d’ailleurs faire évoluer celles-ci, maintenant que vous avez attiré notre attention sur ce point.
Mme Nicole Bricq. Voilà !
M. Éric Woerth, ministre. En tout état de cause, pour en revenir aux 20 milliards d’euros – 12,5 milliards d’euros en 2008 et 8 milliards d’euros en 2009 – qui ont été évoqués dans la presse, notamment dans le magazine Marianne,…
Mme Nicole Bricq. Pas seulement dans la presse !
M. Éric Woerth, ministre. … je ne crois pas une seconde que l’État aurait encaissé, d’une façon ou d’une autre, une telle somme s’il avait maintenu le régime de taxation antérieur : d’une part, je le redis, le taux appliqué était de 8 %, et non de 33 % ; d’autre part, ainsi que l’a expliqué M. le rapporteur général, une bonne partie de l’assiette aurait probablement disparu, puisque dans tous les autres pays les plus-values à long terme de cessions de titres de participation sont exonérées. On peut toujours jouer à se faire peur… Le régime d’exonération est soumis à des conditions bien précises, en termes notamment de durée de détention des titres, souvent plus sévères que dans d’autres pays européens et qui excluent de son bénéfice les entreprises se livrant à des jeux de trésorerie ou de spéculation.
L’ancien Conseil des impôts avait fortement incité les gouvernements de l’époque à modifier le régime d’imposition des plus-values à long terme. La Cour des comptes a d’ailleurs indiqué que si le nouveau régime choisi par la France la plaçait parmi les pays compétitifs sur ce plan, il n’était cependant pas hors norme. À ma connaissance, seuls un ou deux pays ne l’ont pas adopté. Dans ce domaine, nous avons, à mon sens, fait ce que nous devions faire, en suivant les recommandations de la Cour des comptes. Le rapport remis en 2000 par le sénateur Charzat comportait la même préconisation, motivée par des considérations d’attractivité : les holdings, en particulier, sont extraordinairement mobiles, et peuvent se déplacer assez aisément d’un pays à un autre. Il s’agissait donc vraiment de défendre l’attractivité de la France.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si cette mesure fiscale coûtait 20 milliards d’euros, vous auriez devant vous un ministre du budget autrement plus énervé qu’il ne l’est ! Ces 20 milliards d’euros, c’est de la fausse monnaie ! (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Si le régime d’imposition antérieur avait été maintenu, jamais l’État n’aurait perçu une telle somme ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ferai simplement observer que la France était dans l’obligation de se mettre à parité avec les autres États. Mais en l’absence d’imposition sur ces plus-values, on peut imaginer que certains groupes pourraient être tentés, dans un climat d’exubérance irrationnelle, de surévaluer les titres qu’ils détiennent. Tout cela est sans doute regrettable, mais un peu d’harmonisation européenne serait souhaitable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. J’ai oublié de préciser que, dans le régime actuel, il n’y a pas non plus de déductibilité des moins-values. Or, dans une période où les titres se sont largement effondrés, si l’on se mettait à taxer les plus-values, il faudrait, parallèlement, admettre la déductibilité des moins-values, ce qui coûterait cher !
M. Jean-Pierre Fourcade. Très cher !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur général a indiqué qu’il s’agissait non pas d’une perte de recettes, mais d’un manque à gagner : en définitive, cela pèse le même poids !
En outre, M. le ministre a mis en question la fiabilité des modalités de calcul. Or ce que nous demandons au travers de notre amendement, c’est bien une évaluation de la dépense fiscale. Si les chiffres annoncés sont exacts, cette dépense est énorme : 12 milliards d’euros en 2008, cela correspond à plus du tiers du produit net de l’impôt sur les sociétés la même année ; en 2009, le rendement de cet impôt s’est effondré… La crise a bon dos, mais les niches fiscales, très importantes en matière d’impôt sur les sociétés, jouent leur rôle !
À cet égard, je maintiens, monsieur le rapporteur général, qu’en Allemagne le taux de l’impôt sur les sociétés diffère selon que les bénéfices sont ou non réinvestis.
Cela étant, notre amendement n’a pas pour objet d’obtenir des justifications de votre part pour ce qui s’est passé lors de l’élaboration du collectif budgétaire de 2004. Certes, M. Copé était alors ministre délégué du budget et à la réforme de l’État, mais il ne parlait pas encore à l’époque, comme il le fait volontiers aujourd’hui, de « coproduction législative ». Votre amendement avait été sous-amendé par le Gouvernement pour lisser les effets de son dispositif dans le temps. Nous ne contestons pas que votre préoccupation était de maintenir l’attractivité de notre pays et d’éviter que les grands groupes n’implantent leur siège hors de nos frontières, avec les conséquences sur l’emploi que cela implique. Il est également exact que, en contrepartie de ce régime fiscal, une taxe exceptionnelle avait été instaurée, qui a rapporté 1,4 milliard d’euros. Cependant, si l’on rapporte ce chiffre à celui de 20 milliards d’euros, le compte n’y est pas !
Il s’agit pour nous de soulever la question de la légitimité de cette niche fiscale. Nous proposons non pas d’abroger le dispositif actuel, mais de contenir la dépense fiscale afférente, en portant la quote-part représentative de frais et charges à incorporer dans les résultats soumis à l’impôt sur les sociétés de 5 % à 20 %, ce qui correspondrait à un taux d’impôt sur les sociétés de quelque 6,8 %. Ce n’est tout de même pas démesuré !
Par ailleurs, nous proposons d’allonger la durée de détention des titres ouvrant le bénéfice de cette mesure d’exonération, en la faisant passer à cinq ans, afin de ne pas favoriser les opérations ne visant qu’à réaliser des plus-values rapides.
Comme le souligne souvent M. le président de la commission des finances, le groupe de travail appelé « G 24 », qui réunit des députés et des sénateurs avant chaque G 20, a condamné avec force le diktat du court terme. Notre amendement ne fait que reprendre cette position. D’ailleurs, il répond parfaitement au contexte actuel, dans la mesure où il prévoit également de ne plus faire bénéficier de ce régime fiscal les plus-values afférentes à des titres de sociétés constituées ou établies dans un territoire non coopératif ou à fiscalité privilégiée. On nous a affirmé que le dernier G 20 avait permis de grandes avancées en matière de lutte contre les paradis fiscaux, et des conventions ont été signées depuis sur ce thème. Monsieur le ministre, notre amendement s’inscrit donc bien dans le droit fil des décisions qui ont été prises lors du dernier G 20.
Certes, un différend nous oppose peut-être sur les chiffres, mais évaluons le coût de cette niche fiscale ! Nous ne demandons pas autre chose ! Je n’ai pas trouvé les chiffres que j’ai cités dans le magazine Marianne, mais sous la plume du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, dont on peut penser qu’il dispose d’une administration aussi compétente et efficace que celle du Sénat ! Il n’a rien inventé !
En conclusion, j’estime que, dans ce contexte, notre amendement se justifie pleinement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Notre amendement s’inscrit tout à fait dans le débat que nous avons eu sur la politique de classe que vous menez – vous me connaissez suffisamment, monsieur le rapporteur général, pour savoir qu’il ne s’agit nullement là d’une attaque personnelle.
En ce qui concerne le « manque à gagner » évoqué par M. le ministre, je souligne que le taux d’imposition des plus-values à long terme est tout de même passé de 19 % à 15 %, puis à 8 % ! La perte de recettes est donc très importante, alors que, en 2004, le ministre chargé du budget de l’époque, M. Copé, annonçait que cette mesure ne coûterait pas plus de 1 milliard d’euros. Aujourd’hui, nous en sommes à 20,5 milliards d’euros… Je veux bien croire que ce chiffre est exagéré, mais l’écart par rapport à la prévision initiale est néanmoins très élevé ! Cela participe de l’explosion des dépenses fiscales.
Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est que cette déperdition continuelle de recettes finit par vider les caisses et justifier votre politique : la révision générale des politiques publiques, la réduction des effectifs dans la fonction publique, l’assèchement des ressources des collectivités, dont la suppression de la taxe professionnelle constitue le plus récent épisode !
Si notre groupe dépose ce type d’amendements, c’est précisément pour accroître les recettes de l’État afin qu’il puisse être en mesure de mener une politique plus solidaire.
Dans l’immédiat, nous aimerions obtenir des explications sur la différence entre le milliard d’euros annoncé par M. Copé et les 20,5 milliards d’euros que coûte effectivement la mesure aujourd’hui !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-203 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-419 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° I-305, présenté par M. Rebsamen, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 235 ter ZA du code général des impôts, il est inséré un article 235 ter ZB ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZB - Les personnes morales sont assujetties, dans les conditions prévues aux II à V de l'article 235 ter ZA, à une contribution exceptionnelle de solidarité égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au 1 de l'article 219 du code général des impôts quand ceux-ci font apparaitre des bénéfices supérieur de 10 % à ceux de l'exercice précédent.
« Cette fraction est égale à 5 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2011 inclus. Elle est réduite à 2,5 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2012 inclus.
« Sont exonérées les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros et qui occupent moins de 250 salariés. Le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend du chiffre d'affaire réalisé par l'entreprise au cours de l'exercice ou la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux même conditions dont le capital est détenu pour 75 % au moins par des personnes physiques.
« Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital risque, des fonds communs de placements à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies du Code général des impôts entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. »
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Cet amendement vise à instituer une contribution exceptionnelle de solidarité à compter du 1er janvier 2010, et cela pour une durée de trois ans. Je rappelle que cette mesure figurait dans la proposition de loi que M. Rebsamen a présentée voilà quelque temps.
Une telle contribution temporaire, qui avait déjà été mise en place par le gouvernement Jospin en novembre 1997, concernerait les seules personnes morales assujetties de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés, dans les conditions du droit commun, et ayant dégagé des bénéfices au moins supérieurs de 10 % à ceux de l’année précédente.
Les petites et moyennes entreprises – c’est-à-dire, selon la définition communautaire, celles qui emploient moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros – seraient exonérées de cette contribution temporaire de solidarité, qui serait assise sur la totalité de la cotisation brute d’impôt sur les sociétés, à raison des différents résultats imposables de l’exercice.
En effet, les grandes entreprises largement bénéficiaires doivent prioritairement, dans un contexte de crise, concourir davantage à la solidarité nationale, en particulier lorsqu’elles ont développé une politique d’optimisation des profits au bénéfice des actionnaires.
À titre d’exemple, GDF-Suez, par la voix de son directeur général, avoue avoir dépassé tous ses objectifs pour 2008, alors que ces profits excessifs ont été obtenus au moyen d’une politique de prix supportée par les consommateurs, pour lesquels la baisse de 10 % du tarif du gaz, après la saison hivernale, est intervenue trop tard pour permettre un véritable gain de pouvoir d’achat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est évidemment hostile à cet amendement purement idéologique.
Mme Nicole Bricq. Parce que vous n’en présentez pas, vous, des amendements idéologiques ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je ne critique pas les idéologies en tant que telles ! Je suis même satisfait de vous voir revenir à vos vieux fondamentaux ; cela me paraît être plutôt un facteur de clarification…
En tout état de cause, la disposition présentée figurait effectivement dans la proposition de loi de M. Rebsamen de mai dernier. Le Sénat l’ayant alors rejetée, j’appelle nos collègues à confirmer cette position.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Bien évidemment, le Gouvernement ne peut accepter cet amendement.
Je souligne que les bénéfices des entreprises sont loin de connaître une croissance exponentielle ; bien au contraire, comme en témoigne la baisse considérable du produit de l’impôt sur les sociétés : 30 milliards d’euros de recettes en moins en 2009 !
Laissons donc les entreprises reconstituer leurs bénéfices. Elles apporteront alors leur contribution par le jeu normal de l’impôt sur les sociétés, dont j’espère que les recettes vont se redresser le plus vite possible, pour revenir à leur niveau d’avant la crise.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cette disposition, dont la mise en œuvre serait très néfaste sur le plan économique et pour le développement du pays.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je souhaite saluer la persévérance de notre collègue François Rebsamen, qui est à l’origine de cet amendement, ainsi que de l’amendement n° I-302, visant au partage des profits.
M. le rapporteur général qualifie notre proposition d’ « idéologique ». Mais quand le Président Sarkozy affirme, dans son discours prononcé à Nice en septembre dernier, que les profits ont atteint des niveaux souvent inadmissibles, que les comportements spéculatifs ont contribué à la dégénérescence du modèle capitaliste et qu’il faut aujourd’hui davantage de régulation et un meilleur partage du gâteau, est-ce de l’idéologie ? Telle était, en résumé, la teneur de ses propos, qu’il a d’ailleurs confirmés à plusieurs reprises depuis.
Si c’est là de l’idéologie, il faut essayer de la mettre en application, à moins bien sûr qu’il ne s’agisse de propos n’engageant que ceux qui les écoutent et ne devant déboucher sur aucune mesure concrète…
En tout cas, pour notre part, nous n’avons pas attendu ce discours tout à fait nouveau de M. Sarkozy pour affirmer, depuis de nombreuses années, que la régulation doit être renforcée et que les profits doivent être plus équitablement répartis.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° I-194 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 235 ter ZB du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 235 ter ZB. - À compter du 1er janvier 2010, lorsque le bénéfice imposable est, au titre de l'année considérée, supérieur de plus de 10 % au bénéfice de l'année précédente, les sociétés se livrant à titre principal à des opérations de mise à la consommation sur le marché intérieur de produits pétroliers et assimilés énumérés au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, sont assujettis à une contribution égale à 50 % de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l'article 219. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement, que nous présentons de façon récurrente, vise à une taxation des bénéfices supplémentaires réalisés par les compagnies pétrolières du fait de l’augmentation du prix du baril de pétrole.
À l’Assemblée nationale, un amendement similaire a été rejeté sans aucune explication. J’espère que nous en obtiendrons une ici au Sénat.
Cette proposition ne devrait pas être traitée à la légère. En effet, les Français peinent de plus en plus à payer leur plein d’essence ainsi que leur facture de gaz, produit dont le prix est indexé sur celui du baril de pétrole. Notons que cette indexation est immédiate en cas de hausse, mais abusivement différée ou même tout simplement inappliquée en cas de baisse.
Récemment, comme le rappelait notre ancien collègue, devenu député, Roland Muzeau, Mme Lagarde s’est félicitée de ce que Total ait réalisé le plus gros bénéfice jamais enregistré par un groupe français. Ce bénéfice s’élevait à 13,9 milliards d’euros pour l’année 2008, contre 9,1 milliards d’euros en 2004, 12 milliards d’euros en 2005, 12,6 milliards d’euros en 2006 et 12,3 milliards d’euros en 2007 !
Total a profité de la flambée du prix du pétrole, qui s’est établi à 97 dollars le baril en moyenne sur l’année 2008, soit 25 dollars de plus qu’en 2007. Ces prix ont, du reste, atteint un record historique en juillet 2008, de plus de 147 dollars le baril.
Les bénéfices ne risquent donc pas de baisser, d’autant que les politiques mises en œuvre par le Gouvernement ont pour conséquence directe de conforter ceux de grands groupes comme Total. Ainsi, pourquoi créer une taxe carbone quand on parle de plus en plus d’autoriser la circulation de camions de plus de soixante tonnes et que l’opérateur public de transport ferroviaire supprime une grande partie de son activité fret ?
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Thierry Foucaud. La même observation vaut quand les politiques urbaines, soumises à la spéculation foncière et immobilière, conduisent à l’exclusion des ménages les plus modestes du centre des agglomérations, contraignant ceux-ci, de fait, à recourir à des modes de transport individuels, plus coûteux pour eux-mêmes comme pour la collectivité.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Thierry Foucaud. Dans ces conditions, il n’est pas juste que nos concitoyens paient pour les erreurs de l’État. Il nous paraît cohérent de taxer celles et ceux qui tirent profit de ces politiques antagoniques et non conformes aux objectifs fixés en matière de développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Bravo, toute la gauche devient écolo !
M. le président. L'amendement n° I-344, présenté par M. Rebsamen, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 235 ter ZB du code général des impôts est ainsi rétabli :
« Art. 235 ter ZB. - À compter du 1er janvier 2010, lorsque leur bénéfice imposable déterminé conformément à l'article 209 est, au titre de l'année considérée, supérieur de plus de 10 % au bénéfice de l'année précédente, les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont assujetties à une contribution égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et V de l'article 219. »
II. - Après l'article 39 ter C du même code, il est inséré un article 39 ter D ainsi rédigé :
« Art. 39 ter D. - 1. Les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont autorisées à déduire de leur contribution à l'impôt sur les sociétés, dans la limite de 25 % de cette contribution, une provision pour le développement de la recherche dans les énergies renouvelables ainsi que pour les moyens modaux alternatifs au transport routier.
« 2. Les bénéfices affectés à cette provision à la clôture de chaque exercice doivent être employés, dans un délai de deux ans à partir de cette date, à des travaux de recherche réalisés pour le développement des énergies renouvelables.
« 3. À l'expiration du délai de deux ans, les sommes non utilisées dans le cadre prévu au 2 sont rapportées au bénéfice imposable de l'exercice en cours. »
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Cet amendement relève du même esprit que le précédent. Je fais miens sans réserves les arguments avancés par M. Foucaud.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. À un amendement récurrent, j’apporte une réponse récurrente : défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle belle explication !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur l’amendement n° I-194 rectifié.
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous venons d’examiner une série d’amendements qui, tous, ont le même objet : ajouter de nouveaux impôts aux impôts existants en fonction de la conjoncture.
Mais c’est oublier deux choses, mes chers collègues !
Tout d’abord, dans le contexte actuel de développement de la mondialisation (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame),…
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. … l’adoption de telles dispositions inciterait les entreprises visées à établir leur siège hors de nos frontières.
M. Alain Gournac. Et voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, de même que certains impôts ont poussé à la délocalisation des unités de production,…
M. François Marc. Et les banques ?
M. Jean-Pierre Fourcade. … l’adoption de certaines dispositions pousserait à la délocalisation des bénéfices !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme pour les banques !
M. Jean-Pierre Fourcade. Tout cela ne me semble pas de bonne politique !
En revanche, comme l’a souligné M. le rapporteur général, il est vrai que les fonds propres des entreprises de notre pays sont insuffisants par rapport à ceux de leurs concurrentes. Nous devons donc inciter nos entreprises à renforcer leurs fonds propres, car c’est ainsi qu’elles pourront résister à la concurrence internationale.
M. François Marc. C’est ce que nous avons proposé !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. Fourcade oublie une chose : nos comptes publics sont en déficit. Si les impôts ne rentrent plus, comment réduira-t-on ce déficit ? Telle est la question que nous posons.
On nous dit que si nous n’allégeons pas la fiscalité pesant sur les entreprises, celles-ci risquent d’établir leurs sièges sociaux hors de nos frontières, par exemple en Roumanie ou en Bulgarie, si elles sont moins imposées dans ces pays. Certes, mais que fait l’UMP, à l’échelon européen, pour obtenir une harmonisation de la fiscalité ? Pourquoi n’agissez-vous pas sur ce plan, alors que vous appartenez au groupe majoritaire au Parlement européen et que la France est un pays écouté ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous ne sommes pas seuls à décider, il y a vingt-sept États membres !
M. Jean Desessard. Cela permettrait d’éviter les délocalisations fiscales. Certains semblent dire que nous n’avons pas de marge de manœuvre, comme si, à un certain niveau, nous ne pouvions pas prendre les décisions politiques qui s’imposent ! Affirmer, comme vous le faites, que nous sommes contraints de moins imposer les entreprises, sinon elles se délocaliseront fiscalement et le déficit s’en trouvera aggravé, évite de poser la question fondamentale de la mise en œuvre d’une fiscalité européenne.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’unanimité est nécessaire !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Évidemment, cela arrange la majorité de nous présenter comme des partisans d’un alourdissement de la fiscalité… Mais ce que nous affirmons, au travers de cette série d’amendements, c’est que certaines dépenses fiscales ne sont pas forcément justifiées et doivent donc être réexaminées, avant de les raboter, voire de les supprimer, si elles ne sont pas efficaces économiquement ni utiles socialement.
Par ailleurs, monsieur Fourcade, nous prônons nous aussi un renforcement des fonds propres de nos entreprises, parce que nous sommes bien conscients qu’ils sont actuellement insuffisants et que cela fragilise notre tissu économique.
Quant à l’impôt sur les sociétés, j’aimerais que nous menions un travail de fond sur ce sujet. Vous prétendez qu’il doit être réduit pour améliorer notre compétitivité, insuffisante notamment face à nos partenaires européens, mais vous ne vous intéressez qu’à son taux, sans prendre en considération son assiette. Or nous savons très bien que l’assiette de l’impôt sur les sociétés est rognée de toutes parts : si l’on prend en compte cet élément pour établir des comparaisons équitables, il apparaît que nous ne sommes pas forcément les moins concurrentiels.
Par conséquent, cessez de nous envoyer à la figure l’argument de la compétitivité et de nous présenter comme des tenants sans nuance de l’alourdissement de la fiscalité. L’Union européenne est malheureusement en panne depuis longtemps, mais, voilà quelques années, il avait été affirmé qu’une telle harmonisation fiscale devait être un objectif prioritaire, même si l’unanimité est requise, car il ne peut y avoir de marché unique sans une fiscalité coordonnée, notamment pour les entreprises.
M. Jean Desessard. Évidemment !
Mme Nicole Bricq. Si l’on est vraiment européen, il faut s’en tenir à cette position. L’Irlande, qui a pratiqué un dumping effrayant en matière de fiscalité des entreprises, serait aujourd'hui à la dérive si elle n’était pas dans l’Union européenne. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous mènerons, naturellement, la réflexion demandée par Mme Bricq. Il est vrai que notre fiscalité est totalement illisible, puisque si notre barème compte parmi les plus élevés, les contributions effectivement versées sont sans doute parmi les plus faibles.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. J’ai posé des questions tout à l’heure, mais on ne me répond pas ! Quand le prix du baril augmente, les prix augmentent à la pompe pour les automobilistes, mais la corrélation ne fonctionne pas en sens inverse : pourquoi ? Tous les Français nous posent cette question de bon sens !
M. Michel Charasse. C’est le capitalisme !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Bien entendu, quand le prix du baril baisse, le prix à la pompe baisse également. (M. Jean Desessard s’exclame.)
Mme Nicole Bricq. La baisse n’est pas immédiate !
M. Éric Woerth, ministre. C’est la réalité, telle que nous avons pu la constater depuis un an ! Rendez-vous dans votre station-service préférée, et vous verrez que le prix de l’essence a baissé par rapport à l’année dernière, à la suite de la baisse du prix du baril : des conventions en ce sens ont été signées entre les compagnies pétrolières et le ministère de l’économie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voudrais tout de même rappeler que, dans le monde pétrolier international, la plupart des compagnies sont anglo-saxonnes, certaines sont aujourd’hui chinoises, mais une seule a son siège à Paris : Total. Peut-être seriez-vous heureux qu’il n’y en ait plus du tout ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
À l’échelle mondiale, Total n’est pas, contrairement à ce que vous dites, une très grande société pétrolière ; elle est plutôt de taille moyenne. Nous avons tout intérêt, sur les plans économique, géopolitique et politique, à conforter cette société, car c’est un instrument de la puissance de la France dans le monde ! Vous devriez en être davantage conscients ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Outre les considérations planétaires que vient d’exposer M. le rapporteur général, Total détient de très nombreuses participations industrielles en France, qui sont sources d’emplois. Évitons donc de tirer sur cette société. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Voilà !
M. le président. L'amendement n° I-278, présenté par M. P. Dominati, Mlle Joissains et M. Revet, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article 244 quater B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le e) du II est ainsi rédigé :
« e) Les frais de prise et de maintenance de brevets, marques, dessins et modèles, droits d'auteurs et droits voisins ; »
2° Le e bis) du II est ainsi rédigé :
« e bis) Les frais de défense de brevets, marques, dessins et modèles, droits d'auteur et droits voisins ; »
II. La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Je voudrais profiter de cette occasion pour rappeler à certains de nos collègues que si, en matière de fiscalité, les autres pays européens ne nous écoutent pas, c’est tout simplement parce que la France détient le record des prélèvements obligatoires, à l’échelon tant de l’Union européenne que du G 20.
M. Jean Desessard. C’était vrai il y a dix ans ! Ça ne l’est plus aujourd’hui !
M. Philippe Dominati. Cet amendement a pour objet d’étendre le champ du crédit d’impôt recherche, au-delà des dépenses liées à la prise de brevets, déjà prises en compte, aux frais exposés pour l’obtention d’autres titres de propriété intellectuelle concernant les marques, les dessins, les logos ou les modèles. Une telle mesure serait notamment favorable aux PME, qui ne déposent qu’environ 13 % des brevets.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission, qui trouve cette initiative intéressante mais craint que sa mise en œuvre ne soit coûteuse, s’en remet à l’avis du Gouvernement.
. M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.
Tout d’abord, il importe de bien définir les choses, surtout pour un dispositif d’une telle portée. En effet, toutes les entreprises sont concernées par la protection des marques ou des innovations. Il faut donc s’en tenir, à mon sens, à la prise en compte des investissements en matière de recherche, au sens que l’OCDE donne à ce terme, l’innovation relevant, à l’échelon international, d’une autre définition. Nous ne souhaitons pas aller au-delà, car le crédit d’impôt recherche coûte déjà quelque 3,6 milliards d’euros. Nous espérons récupérer cette somme par le biais de la croissance, qui permettra de développer l’activité, et donc d’accroître la recette fiscale, mais, le coût direct du dispositif étant très élevé, je ne souhaite pas élargir son périmètre d’application.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Peut-être l’amendement de M. Dominati est-il un peu large, mais je souhaiterais tout de même que le Gouvernement examine la possibilité d’ouvrir un peu les facultés de déduction.
Il y a quelque temps, je visitais le centre anticancéreux de Clermont-Ferrand, qui est, en fait, un organisme privé, même s’il est accolé au CHU. Ses responsables m’ont expliqué que de nombreuses découvertes extrêmement pointues y avaient été faites, mais lorsque je leur ai demandé si des brevets avaient été pris, ils m’ont répondu que non, parce que c’était trop lourd et trop compliqué !
Je visitais, il y a trois ou quatre ans, à Clermont-Ferrand, le centre de recherche de Michelin, qui est aussi une entreprise qu’on pourrait haïr puisqu’elle réussit ! (Sourires.) Là encore, on m’a expliqué que les découvertes effectuées ne donnaient pas lieu à la prise de brevets, parce que c’était trop compliqué… En fait, on préfère, chez Michelin en particulier, financer des systèmes de protection des secrets maison, en recourant à des moyens dignes du contre-espionnage, plutôt que d’entreprendre les démarches administratives complexes liées au dépôt de brevets.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, sans aller jusqu’à viser les frais de défense de brevets, parce que cela pourrait peut-être mener trop loin, il me semble qu’au moins les frais de prise de brevets pourraient être déductibles.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est le cas ! Ils sont déjà pris en compte, M. Dominati veut ajouter les frais de prise et de maintenance des marques, dessins et modèles !
M. Michel Charasse. Mais est-ce que cela donne lieu à des brevets ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Non ! Il s’agit de marques et de dessins !
M. Michel Charasse. Je n’avais pas compris cela, je n’insiste donc pas ! Pardonnez-moi d’avoir fait perdre son temps au Sénat en abordant une fausse question qui n’a pas lieu d’être posée puisqu’elle est déjà réglée.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Vous n’avez pas fait perdre de temps au Sénat, monsieur Charasse, car vous avez exposé les difficultés liées au dépôt d’un brevet, qui est, pour beaucoup de PME, l’étape ultime. Une extension du champ de la défiscalisation à la protection des marques, des dessins ou des modèles leur serait bénéfique. On m’objecte qu’une telle mesure serait très onéreuse : je suis prêt à entendre cet argument budgétaire, mais j’aurais aimé que le Gouvernement précise ce point, car il s’agit là d’un domaine essentiel pour les PME.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je n’ai pas la réponse à cette question, car le champ de l’extension du dispositif proposée est extrêmement large et un peu flou. Une entreprise du secteur textile, par exemple, refait tous les ans des dessins et renouvelle ses créations : est-ce de la recherche ou, plus simplement, l’objet même de l’activité de l’entreprise ?
M. Michel Charasse. Le dessin des cravates entre-t-il dans le champ du crédit d’impôt recherche ?
M. Éric Woerth, ministre. Non, car il s’agit là de l’objet même de l’activité, et non de recherche au sens de l’OCDE, qui a défini un périmètre précis. Nous nous y tenons, car sinon où s’arrêtera-t-on ? Toute entreprise doit innover, si elle ne veut pas mourir, mais les dépenses engagées dans cette perspective sont déductibles dans le cadre fiscal normal, comme les autres charges. Le crédit d’impôt recherche est un dispositif qui permet d’aller plus loin pour favoriser le développement de la recherche sur le territoire français, dans l’espoir que cette recherche aura un prolongement industriel, de préférence sur notre territoire également.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On ne peut pas demander indéfiniment de l’argent à l’État !
Au fond, le véritable problème est que la production supporte autant de prélèvements obligatoires. Compte tenu des archaïsmes de notre système fiscal, le crédit d’impôt recherche est sans doute la meilleure réponse possible, mais l’idéal serait en fait d’alléger toutes les charges. (M. Jean Desessard s’exclame.)
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Expliquons à nos concitoyens que ce sont toujours eux, finalement, qui paient, sous une forme ou sous une autre. La contribution économique territoriale, par exemple, sera répercutée dans le prix des produits que les consommateurs achèteront. Ayons cette idée bien présente à l’esprit et un jour, peut-être, nous pourrons débattre autrement de ce que pourrait être une vraie réforme de nos prélèvements obligatoires !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. L’amendement de M. Dominati me pose un problème.
Les dépenses de recherche représentent une immobilisation, que le crédit d’impôt recherche permet de rendre déductible. Or cet amendement vise, à mon sens, des dépenses de fonctionnement, qui sont déjà déductibles dans le cadre fiscal ordinaire.
Il faudrait étudier précisément où se situe la frontière entre dépenses de fonctionnement et immobilisations, mais c’est là un travail de commission. Dans l’immédiat, je suggère à notre collègue de retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Dominati, l’amendement n° I-278 est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-278 est retiré.
L'amendement n° I-149 rectifié, présenté par MM. César et Alduy, Mme Bruguière, MM. Doublet et Dufaut, Mmes Dumas et Goy-Chavent, M. Grignon, Mlle Joissains, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Pointereau, Revet, Bailly, Beaumont, Chauveau, B. Fournier, Gilles, Huré, Laurent, Leroy et Trillard, Mmes Des Esgaulx, Férat et Sittler et M. Pintat, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 244 quater H du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le IV est ainsi rédigé :
« Les dépenses éligibles sont les dépenses exposées pendant quarante-huit mois à la suite du recrutement de la personne mentionnée au III ou la signature de la convention prévue à l’article L. 122-7 du code du service national. » ;
2° À la première phrase du V, les mots : « vingt-quatre mois » sont remplacés par les mots : « quarante-huit mois ».
II. - Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Aux termes de l'article 244 quater H du code général des impôts, les petites et moyennes entreprises peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt lorsqu'elles exposent certaines dépenses de prospection commerciale en vue de développer leur exportations, à condition de recruter une personne affectée à cette tâche ou un volontaire international en entreprise – un VIE.
Ce crédit d’impôt est plafonné à 40 000 euros par entreprise. Son bénéfice est soumis à de multiples conditions, parmi lesquelles une durée d'éligibilité des dépenses de vingt-quatre mois au maximum, à compter de l'embauche.
Les démarches de prospection commerciale à l'étranger sont multiples et difficiles : elles vont du simple contact avec des importateurs à une étude de marché, en passant par l'organisation de salons. Généralement, l'appréhension et la conquête d'un nouveau marché réclament beaucoup de temps, de patience et de persévérance, notamment pour comprendre les besoins des acheteurs locaux. Une période de vingt-quatre mois est bien souvent trop courte pour réaliser de telles opérations.
Dans ces conditions, faute de dispositif adéquat, les entreprises prospectent mal, ou pas du tout, les nouveaux marchés. Il est donc proposé de prolonger jusqu’à quarante-huit mois la durée d’éligibilité des dépenses de prospection commerciale au dispositif du crédit d'impôt export.
Je profite de cette occasion pour souligner l’action très importante de l’agence UBIFRANCE, qui est placée sous la tutelle du ministère des finances, pour soutenir le recrutement des VIE. Ce dispositif, outre qu’il ouvre à des jeunes une expérience à l’étranger, permet aux entreprises de conquérir ou de consolider des positions à l’exportation, ce dont la France a bien besoin. Je signale qu’UBIFRANCE a recruté 6 000 VIE l’an dernier, et que l’objectif est fixé à 10 000 pour cette année.
M. le président. L'amendement n° I-150 rectifié, présenté par MM. César et Alduy, Mme Bruguière, MM. Doublet et Dufaut, Mmes Dumas et Goy-Chavent, M. Grignon, Mlle Joissains, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Pointereau, Revet, Bailly, Beaumont, Chauveau, B. Fournier, Gilles, Huré, Laurent, Leroy et Trillard, Mmes Des Esgaulx, Férat et Sittler et M. Pintat, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le f du II de l'article 244 quater H du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Les dépenses liées aux activités de conseil fournies par des consultants. »
II. - Le I n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Cet amendement a également trait au recrutement d'une personne affectée au développement des exportations ou au recours à un volontaire international en entreprise. Il est ici proposé de rendre éligibles au crédit d'impôt export les dépenses liées aux services de conseil fournis par tous types de consultants.
M. le président. L'amendement n° I-151 rectifié, présenté par MM. César et Alduy, Mme Bruguière, MM. Doublet et Dufaut, Mmes Dumas et Goy-Chavent, M. Grignon, Mlle Joissains, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Pointereau, Revet, Bailly, Beaumont, Chauveau, B. Fournier, Gilles, Huré, Laurent, Leroy et Trillard, Mmes Des Esgaulx, Férat et Sittler et M. Pintat, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le g) du II de l'article 244 quater H du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dépenses liées à la souscription d'une assurance crédit à l'export. »
II. - Le I n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. L'article 244 quater H du code général des impôts établit la liste des dépenses éligibles au crédit d'impôt export, sur laquelle ne figurent pas les dépenses liées à la souscription d'une assurance crédit à l’export.
Or les entreprises peuvent rencontrer des difficultés à l’exportation. Il est donc important qu’elles puissent souscrire des assurances crédit, mais le coût de celles-ci est très élevé, notamment lorsque le cocontractant se situe, comme c’est souvent le cas, dans un pays en voie de développement.
En conséquence, nous proposons l’inscription des dépenses liées à la souscription d'une assurance crédit à l'export sur la liste des dépenses éligibles au crédit d'impôt export.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-149 rectifié, I-150 rectifié et I-151 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je donnerai un avis global sur les trois amendements.
Ces dispositifs visant à valoriser les efforts consentis par les entreprises à l’exportation sont intéressants, mais est-il bien opportun d’accroître les dépenses fiscales ?
Mme Nicole Bricq. Non !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Faut-il étendre les niches fiscales existantes ?
Mme Nicole Bricq. Non, ce n’est pas le moment !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je fais miennes les réponses de Mme Bricq.
Quel que soit l’intérêt des mesures présentées, je ne pense pas, compte tenu du contexte actuel et sous réserve de l’avis du Gouvernement, qu’il soit opportun d’étendre le champ de régimes exceptionnels.
En ce qui concerne le dispositif des VIE, est-il possible d’évaluer son effet sur le développement des exportations ? Existe-t-il un indicateur de performance permettant de confirmer son intérêt ? La présence de VIE dans tel ou tel pays a-t-elle une influence mesurable sur le développement de nos exportations ?
M. Michel Charasse. Sûrement pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’interroge le Gouvernement sur ce point, car, avant de doubler la durée d’éligibilité des dépenses visées au dispositif, il convient de se poser la question de l’efficacité de la mesure existante.
Connaissant le profond attachement de notre collègue Gérard César au développement de nos exportations, je m’en veux de lui faire une réponse qui, à ce stade, n’est pas très ouverte, mais j’espère qu’il comprendra dans quel contexte elle s’inscrit et qu’il acceptera, si toutefois M. le ministre partage mon point de vue, de retirer ses amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur César, je connais votre intérêt pour tout ce qui concerne le développement de nos exportations, mais je fais miennes les remarques de M. le rapporteur général.
Il s’agit là aussi d’une niche fiscale, qui, comme toutes les autres, a son intérêt. En l’occurrence, afin de favoriser les exportations, les entreprises se sont vu accorder la faculté de déduire jusqu’à 50 % des dépenses de prospection commerciale, sous réserve du respect des conditions rappelées par M. César.
Je comprends votre envie d’aller plus loin, monsieur le sénateur, néanmoins nous pensons que les temps ne sont pas à l’extension de dispositifs qui fonctionnent de manière satisfaisante. Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur vos trois amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ferai trois brèves observations.
En premier lieu, nous ne pouvons pas à la fois critiquer avec force les niches fiscales et vouloir les multiplier ou les étendre.
En deuxième lieu, notre balance commerciale ne cesse de se détériorer.
M. Gérard César. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À cet égard, si aide publique il doit y avoir, il est au moins aussi important qu’elle serve à développer la production en France pour lutter contre les importations qu’à favoriser nos exportations.
En effet, bien souvent – et ce sera ma troisième observation –, lorsque l’on examine ce qui se passe dans d’autres pays, on en conclut très vite qu’il vaut mieux produire sur place pour conquérir le marché local.
Je mets en garde contre l’imagination débordante de la direction des relations économiques extérieures…
M. le président. Monsieur César, les amendements sont-ils maintenus ?
M. Gérard César. Il est vrai, monsieur le rapporteur général, qu’il est très difficile de quantifier les résultats de l’action des VIE à l’étranger, mais s’ils n’existaient pas, beaucoup d’entreprises souffriraient de leur absence. C’est pourquoi UBIFRANCE en recrutera 10 000 l’année prochaine. En outre, le dispositif des VIE permet de former des jeunes, notamment à la pratique des langues étrangères, en particulier de l’anglais.
J’ai proposé de porter la durée d’éligibilité des dépenses de prospection commerciale à quarante-huit mois : peut-être est-ce un peu excessif et aurait-il mieux valu s’en tenir à trente-six mois. Nous en reparlerons sans doute l’année prochaine. Pour l’heure, je retire mes trois amendements.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Merci !
M. le président. Les amendements nos I-149 rectifié, I-150 rectifié et I-151 rectifié sont retirés.
L'amendement n° I-304 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement doit, dans un délai de six mois, fournir au Parlement un rapport dans lequel il exposera les modalités concrètes de la mise en place d'une taxe assurantielle sur les activités des banques, en fonction du risque qu'elles prennent sur les marchés financiers.
Cette taxe devra être en adéquation avec la proposition d'une taxe assurantielle pour les banques, faite par le président du Fonds monétaire international lors de la réunion du G20 Finances des 24 et 25 septembre 2009.
Le dispositif mis en place ne devra pas prévoir de compensation au moyen d'une baisse de la taxe sur les salaires acquittée par les banques.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Lors de la dernière réunion du G 20 Finances, qui s’est tenue à Saint-Andrews, en Écosse, le directeur général du Fonds monétaire international a proposé la création d’une taxe assurantielle, qu’acquitteraient les banques en fonction des risques qu’elles prennent sur les marchés financiers. Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, lors du même sommet, a jugé cette proposition de M. Strauss-Kahn intéressante, tout en estimant que sa mise en œuvre prendrait du temps.
Je souligne que nous avions présenté ici même un dispositif similaire, le 29 octobre dernier, dans le cadre de notre proposition de résolution européenne portant sur la proposition de directive du 13 juillet 2009 relative aux fonds propres des banques.
Le présent amendement vise à engager le débat, afin que nous puissions déboucher, à court terme, sur la mise en place du dispositif en France, à la condition, bien entendu, que celle-ci ne soit pas compensée par la suppression de la taxe sur les salaires acquittée par les banques, comme le souhaitent certains de nos collègues de la majorité sénatoriale.
En effet, si l’on veut vraiment que les contribuables ne soient plus, en dernier recours, les assureurs du risque systémique pris par les agents bancaires et financiers, il convient de tout mettre en œuvre pour diminuer le risque et, partant, d’obliger les banques à constituer un fonds de réserve mobilisable en cas de crise.
La responsabilité des banques est de financer l’économie réelle. Au regard de la reprise économique espérée, il s’agit même d’une impérieuse nécessité. Or, lors de la crise financière, ce sont les États et les banques centrales – donc les contribuables – qui se sont comportés en assureurs de dernier ressort.
Les activités spéculatives qui représentent un risque systémique doivent être découragées par l’augmentation des exigences de fonds propres conditionnant leur exercice. La réglementation dite de « Bâle II » doit assurer une égalité des conditions de concurrence dans tous les pays représentés au Comité de Bâle. Pour ce faire, les ratios de fonds propres doivent être améliorés, quantitativement et qualitativement. Une assurance sur le risque systémique doit précisément permettre de renforcer l’appréciation des risques, tant qualitative que quantitative.
Il faut en effet que, pour chaque activité, l’autorité de surveillance prudentielle définisse un niveau de risque acceptable sous la forme d’un ratio. Le franchissement d’un certain seuil provoquera une taxation par l’intermédiaire d’une police d’assurance dont les primes alimenteront un fonds public européen de garantie placé sous la responsabilité de l’autorité prudentielle.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je suggère à Mme Bricq que nous poursuivions l’examen de cet amendement cet après-midi, lorsque viendra en discussion l’amendement n° I-518 de la commission, qui porte sur le même thème.
Mme Nicole Bricq. Il faut tout de même voter le mien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si nous poursuivons la discussion, cela va nous mener sans doute au-delà de treize heures. De surcroît, Mme Lagarde sera présente parmi nous cet après-midi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve formulée par la commission ?
M. Éric Woerth, ministre. Il est en effet souhaitable d’examiner ensemble les deux amendements. En outre, le sujet relève davantage de la compétence de Mme Lagarde. Elle pourra vous donner cet après-midi toutes les explications requises. La proposition de réserve me paraît donc judicieuse.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Je suis d’accord s’il s’agit bien d’une réserve, afin que l’amendement que je présente puisse être examiné en contrepoint de celui de la commission.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est le cas !
M. le président. La réserve est de droit.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Engagement de la procédure accélérée sur un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2009.
4
Renvoi pour avis
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
5
Loi de finances pour 2010
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 4 bis et à l’amendement n° I-304 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l’article 4, qui a été précédemment réservé.
Article 4 bis et article additionnel après l’article 4 (suite)
I. – Sont assujettis à une contribution pour frais de contrôle au profit de la Banque de France pour l’application de l’article L. 613-7 du code monétaire et financier :
1° Les établissements de crédit non prestataires de services d’investissement ;
2° Les personnes dont l’activité est liée aux marchés financiers :
a) Les prestataires de services d’investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille ;
b) Les entreprises de marché ;
c) Les adhérents aux chambres de compensation ;
d) Les personnes habilitées à exercer les activités de conservation ou d’administration d’instruments financiers ;
3° Les établissements de paiement ;
4° Les compagnies financières et les compagnies financières holding mixtes ;
5° Les changeurs manuels.
Les personnes et organismes mentionnés au présent I ayant leur siège social dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et exerçant leur activité en France par l’établissement d’une succursale ou par voie de libre prestation de services ne sont pas assujetties à la contribution.
II. – Le fait générateur de la contribution pour frais de contrôle mentionnée au I est la situation des personnes assujetties au 31 décembre de l’année civile précédente.
III. – L’assiette est définie de la manière suivante :
1° Pour les personnes mentionnées aux 1° à 4° du I, l’assiette est constituée par :
a) Les exigences minimales en fonds propres permettant d’assurer le respect des ratios de couverture des risques prévus par les articles L. 511-41, L. 522-14 et L. 533-2 du code monétaire et financier définies au cours de l’exercice clos l’année civile précédente. Les exigences minimales en fonds propres sont appréciées sur base consolidée pour les personnes relevant des articles L. 511-41-2, L. 533-4-1, L. 517-5 et L. 517-9 du même code. Aucune contribution additionnelle sur base sociale n’est versée par les personnes qui appartiennent à un groupe pour lequel une assiette est calculée sur base consolidée. Les autres personnes versent une contribution calculée sur base sociale ;
b) Les normes de représentation de capital minimum permettant de répondre aux exigences posées par les articles L. 511-11 et L. 532-2 du code monétaire et financier, définies au cours de l’exercice clos l’année civile précédente, lorsque les exigences minimales en fonds propres ne sont pas applicables ;
2° En raison des modalités de contrôle spécifiques dont elles font l’objet, les personnes suivantes acquittent une contribution forfaitaire dont le montant, compris entre 500 € et 1500 €, est fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie :
a) Les personnes ne devant respecter ni ratio de couverture au titre des articles L. 511-41 et L. 533-2 du code monétaire et financier, ni normes de représentation de capital minimum au titre des articles L. 511-11 et L. 532-2 du même code ;
b) Les personnes mentionnées aux 5° et 7° de l’article L. 542-1 du même code ;
c) Les personnes mentionnées au 5° du I du présent article.
IV. – Le taux applicable aux assiettes mentionnées au 1° du III est fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie. Ce taux est compris entre 0,40 et 0,80 pour mille selon le besoin de financement. Toutefois, la cotisation des personnes mentionnées au 1° du III ne peut être inférieure à une contribution minimale, dont le montant, compris entre 500 € et 1500 €, est défini par arrêté du ministre chargé de l’économie.
V. – Pour les personnes mentionnées au 1° du III, la Banque de France liquide la contribution sur la base des documents fournis par les assujettis dans le cadre du contrôle des ratios de couverture prévus par les articles L. 511-41, L. 522-14 et L. 533-2 du code monétaire et financier et des normes de représentation de capital minimum nécessaires au respect des articles L. 511-11 et L. 532-2 du même code, arrêtés au 31 décembre de l’année précédente.
VI. – La Banque de France envoie un appel à contribution à l’ensemble des personnes mentionnées au III au plus tard le 15 avril de chaque année. Les personnes concernées acquittent le paiement correspondant auprès de la Banque de France au plus tard le 30 juin de chaque année.
VII. – En cas de paiement partiel ou de non-respect de la date limite de paiement mentionnée au VI, la Banque de France adresse au redevable par courrier recommandé avec accusé de réception une lettre de rappel motivée. Celle-ci l’informe que la majoration mentionnée à l’article 1731 du code général des impôts est applicable aux sommes dont le versement a été différé. L’intérêt de retard mentionné à l’article 1727 du même code est automatiquement appliqué.
La majoration est prononcée à l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la date de notification au redevable de la lettre de rappel établissant le montant de la contribution supplémentaire. Le contribuable est informé de la possibilité qui lui est offerte de présenter ses observations dans ce délai.
VIII. – Dans un délai de trois ans suivant la date de déclaration, la Banque de France peut réviser le montant de la contribution après procédure contradictoire si un écart avec les documents permettant d’établir sa liquidation, mentionnés au V du présent article, est mis en évidence. Elle en informe le redevable par courrier recommandé avec accusé de réception, ce dernier précisant que la révision de la contribution à la hausse entraîne l’application automatique de la majoration prévue à l’article 1729 du code général des impôts et de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du même code.
IX. – À défaut de paiement dans le délai de trente jours à compter de la date de notification au redevable de la lettre de rappel établissant le montant de la contribution supplémentaire ou du courrier recommandé établissant le montant révisé de la contribution, la Banque de France émet un titre de perception, envoyé au comptable compétent de la direction générale des finances publiques. Ce dernier émet un titre exécutoire, recouvré selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. Les sommes ainsi recouvrées sont reversées à la Banque de France. Pour frais de recouvrement, l’État prélève 1 % des sommes recouvrées pour le compte de la Banque de France.
X. – L’ensemble des opérations liées au recouvrement de la contribution pour frais de contrôle par la Banque de France est suivi dans un compte spécifique au sein des comptes de la Banque de France.
XI. – Un décret en Conseil d’État fixe, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent article.
XII. – La contribution est due dès l’année 2010 en fonction de la situation constatée au 31 décembre 2009.
M. le président. L'amendement n° I-428, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
, compris entre 500 € et 1 500 €, est fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie
par les mots :
est fixé à 25 000 €
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Je rectifie mon amendement, monsieur le président. Il porte sur les alinéas 17 et 21 de l’article 4 bis, et non pas seulement sur l’alinéa 17.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° I-428 rectifié, présenté par M. Charasse, et qui est ainsi libellé :
Alinéas 17 et 21
Remplacer les mots :
, compris entre 500 € et 1 500 €, est fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie
par les mots :
est fixé à 25 000 €
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Charasse. Si j’ai décidé de déposer cet amendement, dont je suis le seul signataire, c’est à la suite d’un mouvement d’humeur. Je n’aime pas, en effet, que l’assiette ou le taux d’un impôt soit fixé par voie réglementaire.
L’article 4 bis instaure une contribution obligatoire pour frais de contrôle des banques. Les alinéas 17 et 21 de l’article prévoient que le montant de cette contribution, compris entre 500 et 1 500 euros, est fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie. En tant que législateur, ce genre de chose me déplaît fortement ! Le Parlement n’a pas à se défausser de sa responsabilité sur le pouvoir exécutif.
Aussi ai-je proposé un montant volontairement provocateur pour énerver un peu M. le rapporteur général, mais s’il suggérait un chiffre intermédiaire, je m’en contenterais !
M. le président. Il ne faut donc pas tenir compte de votre proposition… (Sourires.)
M. Michel Charasse. Si, on peut la voter ! Il me plairait que les banques paient 25 000 euros !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Naturellement, je ne saurais céder à cette provocation ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Longuet. Grossière !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je comprends bien la hauteur des principes constitutionnels qui guident notre collègue. Toutefois, il existe des précédents de renvoi au pouvoir réglementaire pour préciser un barème. C’est notamment le cas concernant le financement de l’Autorité des marchés financiers, dont on s’inspire ici.
Dès lors, je m’en remettrai à l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Je ne suis pas favorable à votre amendement, monsieur le sénateur. Si l’humeur est souvent bonne conseillère, ce n’est pas le cas ici, comme je vais essayer de vous le démontrer.
D’un point de vue juridique, il n’y a pas d’obstacle à ce que le législateur autorise le pouvoir réglementaire à intervenir dans les limites d’une fourchette qu’il aura fixée.
Ce qui me gêne surtout dans votre proposition, monsieur le sénateur, c’est qu’il s’agit d’imposer une taxe forfaitaire à toute une catégorie d’acteurs, dont les chiffres d’affaires sont très variables. Ainsi, peuvent être concernés les changeurs manuels, qui opèrent des transferts dont le montant peut aller de 50 000 euros à 10 millions d'euros et sur lequel ils ne prennent qu’une commission, les entreprises de marché qui ne sont ni des établissements de crédit ni des entreprises d’investissement, les adhérents aux chambres de compensation, dont les chiffres d’affaires varient également dans une mesure considérable, les personnes habilitées à exercer les activités de conservation ou d’administration d’instruments financiers, etc.
Pour bien préciser le cadre de notre débat, je rappelle qu’il existe deux catégories de taxe de supervision bancaire.
La première catégorie s’applique à tous les établissements soumis à une obligation de constituer des fonds propres, à savoir les banques. La taxe qui leur est imposée représente un pourcentage, variant de 0,40 ‰ à 0,80 ‰, du montant des fonds propres qu’elles sont obligées de détenir. Ainsi, le montant de la taxe qu’un réseau tel que BNP-Paribas doit acquitter varie, selon les années, entre 25 millions et 30 millions d'euros.
La seconde catégorie s’applique aux autres établissements – je viens de les évoquer –, qui ne sont pas soumis à une obligation de constitution de fonds propres. Ces établissements sont assujettis à une taxation forfaitaire dont le montant est compris entre 500 euros et 1 500 euros.
Si vous le souhaitez, monsieur le sénateur, pour des raisons d’humeur, je ne vois pas d’inconvénient à ce que nous fixions un montant pour la contribution forfaitaire, mais il doit être compris entre 500 euros et 1 500 euros et ne saurait en tout cas atteindre 25 000 euros, car cela peut représenter la moitié du chiffre d’affaires d’une entreprise ! Le montant que vous proposez n’est tout simplement pas raisonnable.
M. Michel Charasse. Je rectifie mon amendement pour fixer le montant à 1 000 euros !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° I-428 rectifié bis, présenté par M. Charasse, et qui est ainsi libellé :
Alinéas 17 et 21
Remplacer les mots :
, compris entre 500 € et 1 500 €, est fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie
par les mots :
est fixé à 1 000 €
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Permettez-moi de revenir sur un point : le législateur peut parfaitement laisser au pouvoir réglementaire la faculté de fixer le taux à l’intérieur d’une fourchette qu’il aura définie. Cela s’est pratiqué dans le passé, il n’y a donc pas d’obstacle à ce que cela se fasse aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je ne veux pas vous chicaner, madame la ministre, mais il s’agit là d’un problème de fond, qui touche aux compétences du Parlement. Certes, ce n’est pas une question très importante au regard d’autres dispositions en discussion, et il est vrai qu’il y a déjà eu des précédents, mais il faut que les choses soient claires.
Si cette contribution est un impôt, son assiette et son taux relèvent de la loi et non du pouvoir réglementaire. Si, en revanche, on considère que ce n’est pas un impôt, bien qu’elle soit inscrite dans le projet de loi de finances, on peut alors considérer que cette contribution est quasiment une redevance. Dans ce cas, la fixation de son taux relève du domaine réglementaire et il faut parler d’une redevance, et non d’une contribution.
Madame la ministre, cette contribution étant versée à la Banque de France, son montant pourrait être fixé par arrêté du gouverneur. On ne serait plus là dans le domaine réglementaire du Gouvernement.
Si vous acceptiez de fixer le montant de cette redevance ou de cette contribution à 1 000 euros, madame la ministre, et de supprimer l’arrêté, cela m’irait très bien. Ce serait beaucoup plus clair et net.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On ne peut pas improviser le barème de cette taxe sur un coin de table… Il faut tenir compte de la diversité des professions contrôlées et des diligences de contrôle.
M. Michel Charasse. Prévoyez un arrêté du gouverneur de la Banque de France !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. De toute manière, prendre une telle décision serait anticiper les besoins de la nouvelle autorité de régulation prudentielle, qui n’est encore ni constituée ni opérationnelle.
Au demeurant, nous aurons d’autres occasions d’aborder cette question. Je pense notamment à l’examen du projet de loi de finances rectificative, qui permettra de traiter du grand emprunt, et qui comportera sans doute également quelques indispensables dispositions diverses, ou à celui du texte sur la régulation, dont nous débattrons au début de l’année 2010.
Voilà ce que nous pouvions souligner sur le sujet. Il ne nous est pas possible de décider, à l’aide des seuls moyens parlementaires, ce que doit être le barème.
Par conséquent, je sollicite le retrait de cet amendement.
M. Michel Charasse. Non, je ne le retire pas ; c’est une question de principe ! Mais si tout le monde était d'accord pour renvoyer cette question au collectif, cela m’arrangerait !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je pense que notre collègue Michel Charasse s’est tout de même montré raisonnable, puisqu’il a rectifié son amendement.
Il tient à ce que le Parlement débatte de cette question. Madame la ministre, si vous refusez cette proposition, c’est parce que vous vous apprêtez à négocier avec ceux qui seront soumis à la contribution. Nous le comprenons bien. Mais il ne serait pas mal non plus que le Parlement puisse donner son avis.
M. le rapporteur général a employé la formule « un temps, deux mouvements » à propos de la réforme de la taxe professionnelle, et il a renvoyé à la deuxième partie du projet de loi de finances, c'est-à-dire à dans une dizaine de jours, l’élaboration d’un certain nombre de propositions qui orienteront la répartition du produit des nouveaux impôts économiques des entreprises.
Nous aurions pu utiliser la même formule à propos du sujet dont nous débattons actuellement. En effet, en attendant que l’autorité soit constituée, le Parlement aurait pu indiquer quelle était son orientation. Et il aurait été bienvenu d’en débattre en deuxième partie du projet de loi de finances, plutôt que d’attendre une loi de finances rectificative.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous convaincre de ne pas adopter cet amendement.
Tout d’abord, il est parfaitement légitime de fixer un tarif à l’intérieur d’une fourchette, surtout lorsqu’il s’agit d’une fourchette relativement étroite. Le dispositif s’adresse à des acteurs financiers divers et variés pour lesquels une modulation en fonction de la taille du chiffre d’affaires et de la nécessaire supervision s’impose.
Ensuite, il existe un précédent tout à fait évident qui concerne l’Autorité des marchés financiers, l’AMF. Permettez-moi de vous donner lecture de l’article L. 621-5-3 du code monétaire et financier : « b) Pour les personnes mentionnées au 4° du II de l’article L. 621-9, la contribution est égale à un montant fixé par décret et supérieur à 500 euros et inférieur ou égal à 1 000 euros ».
Ainsi, nous avons déjà, dans un texte en vigueur, une disposition équivalente qui fonctionne bien, qui n’a donné lieu à aucun abus et qui permet de financer la supervision par l’Autorité des marchés financiers.
C'est la raison pour laquelle il me paraît raisonnable, mutatis mutandis, d’instituer un dispositif similaire.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Madame la ministre, quelles que soient l’amitié et la sympathie que j’ai pour vous, cet article est tout de même « fichu comme l’as de pique » ! (Sourires.)
En effet, on ne sait pas s’il s’agit d’un impôt ou d’une redevance. Je ferai remarquer que, selon l’alinéa 23, c’est la Banque de France qui assure le recouvrement. Elle envoie donc l’avertissement de recouvrement. Et, à l’alinéa 27, si le contribuable ou la personne assujettie est réticente, la Banque de France saisit la direction des finances publiques pour qu’un comptable du Trésor envoie la mise en recouvrement d’office. Tout cela est un peu pagailleux !
Si nous disions tout simplement que cette contribution est en fait une redevance, dès lors, madame la ministre, il n’y aurait aucun inconvénient à ce que le tarif soit fixé par un arrêté du Gouverneur de la Banque de France, qui a un pouvoir réglementaire depuis l’ordonnance de 1945.
Mais je le retire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Comme je ne peux pas convaincre…
Mme Nicole Bricq. Mais si ! Vous nous avez convaincus !
M. Michel Charasse. Je n’insiste pas pour ne pas nous faire perdre notre temps, mais c’est n’importe quoi !
M. le président. L'amendement n° I-428 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° I-138 rectifié, présenté par MM. Marini et Arthuis, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 21, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, à l'exception de celui applicable à l'assiette des entreprises d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille, qui est compris entre 0,30 et 0,60 pour mille
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite, par cet amendement, interroger Mme la ministre sur la catégorie particulière des entreprises d’investissement, qui seront soumises à un contrôle mixte, si je ne m’abuse, tantôt de la nouvelle autorité de contrôle prudentiel, tantôt de l’Autorité des marchés financiers.
Compte tenu d’une telle particularité, je me demandais s’il ne serait pas justifié de fixer un taux spécifique pour cette catégorie de professionnels.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, vous avez très clairement décrit le paysage qui résultera de la mise en place des nouvelles autorités de contrôle, avec un double contrôle pour certaines activités, en termes à la fois de supervision et de commercialisation.
Ainsi, les entreprises d’investissement sont aujourd’hui soumises au contrôle de la commercialisation des produits et contribuent, à ce titre, au financement de l’Autorité des marchés financiers. Dorénavant, elles seront également soumises à un contrôle du superviseur.
Les coûts de supervision prudentiels relèvent de la Banque de France, tandis que les coûts de contrôle de commercialisation relèvent de l’AMF. Il y a donc deux natures de contrôles qui s’exerceront, ce qui justifie l’existence de deux types de contributions.
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur général, je vous propose de retirer votre amendement.
En effet, la contribution précise qui est prévue par l’article 4 bis correspond non pas à la supervision de la commercialisation effectuée par l’AMF, pour laquelle il y a un financement, mais bien à une supervision prudentielle, qui est distincte.
Or la Banque de France évalue la charge de la taxe pour ses 42 établissements à moins de 130 000 euros, soit un peu moins de 0,1 % du coût total de la supervision bancaire. Et c’est ce dont il est prévu qu’elle s’acquitte au titre d’une supervision prudentielle distincte de l’autre.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-138 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Compte tenu des précisions qui viennent d’être apportées par Mme la ministre, dont je la remercie, et qui figureront au Journal officiel, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-138 rectifié est retiré.
Nous en revenons à l'amendement n° I-304 rectifié, qui a été réservé jusqu’à l’examen de l’amendement n° I-518.
J’en rappelle les termes :
L'amendement n° I-304 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement doit, dans un délai de six mois, fournir au Parlement un rapport dans lequel il exposera les modalités concrètes de la mise en place d'une taxe assurantielle sur les activités des banques, en fonction du risque qu'elles prennent sur les marchés financiers.
Cette taxe devra être en adéquation avec la proposition d'une taxe assurantielle pour les banques, faite par le président du Fonds monétaire international lors de la réunion du G20 Finances des 24 et 25 septembre 2009.
Le dispositif mis en place ne devra pas prévoir de compensation au moyen d'une baisse de la taxe sur les salaires acquittée par les banques.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° I-518, présenté par MM. Marini et Arthuis, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
XIII. - Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 30 juin 2010, un rapport sur les modalités de mise en œuvre d'une taxe ou prime d'assurance systémique, à laquelle seraient assujettis les établissements financiers et selon une hypothèse de rendement constant des prélèvements sur le secteur financier. Ce rapport traite plus particulièrement les aspects suivants afférents à cette prime ou taxe :
- ses avantages et inconvénients, notamment au regard des autres instruments de régulation, et l'issue des réflexions de même nature conduites dans d'autres pays et aux niveaux européen et international ;
- les conditions dans lesquelles elle peut se substituer à la taxe sur les salaires acquittée par les établissements financiers ;
- le périmètre de ses redevables et la notion d'établissement financier à caractère systémique ;
- la définition de son assiette, unitaire ou mixte, en distinguant différents critères, le cas échéant pondérés, tels que les fonds propres réels, les effectifs, le produit net bancaire, la part que représentent les activités de négociation dans les revenus de l'établissement, et l'exposition à des facteurs de risque communs à l'ensemble du système financier ;
- les modalités d'utilisation de son produit en tant que recettes budgétaires ou aux fins d'abondement d'un fonds de réserve qui serait mobilisé en cas de défaillance d'un des établissements assujettis ;
- ses effets potentiels sur les fonds propres, la structure des activités et le modèle économique des principaux établissements financiers français.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement substantiel, que le président Jean Arthuis et moi-même présentons au Sénat. D’ailleurs, nous avons déjà pris position à plusieurs reprises sur la question en commission.
Nous observons qu’en période de crise, l’État – cela a été le cas l’an dernier – se comporte comme garant du bon fonctionnement du système financier. C’est bien l’État, en France comme ailleurs, qui a fait en sorte que la liquidité bancaire ne soit pas interrompue, que le marché interbancaire continue à fonctionner et que tout l’édifice du crédit demeure opérationnel au plus profond de la crise, notamment lors du paroxysme du mois d’octobre 2008.
Compte tenu de cette leçon récente, l’État est, nous semble-t-il, fondé à prélever sur le système bancaire une ressource que l’on pourrait assimiler à une prime d’assurance systémique. Dans notre esprit, l’État demeurerait son propre assureur selon le principe qui s’applique habituellement à lui, mais il serait encouragé dans l’exercice de cette responsabilité par cet abondement budgétaire.
À quel niveau situer ce dernier ? Par souci de continuité et de simplification administrative et fiscale, nous suggérons d’occuper toute la place qui est aujourd’hui celle de la taxe sur les salaires prélevée sur le secteur financier, c'est-à-dire 2,4 milliards d’euros en 2007 ; c’est la dernière référence dont je dispose.
Pourquoi un tel remplacement ? Finalement, il s’agirait, si j’ose m’exprimer ainsi, d’une sorte de « swap » budgétaire. Nous considérerions au départ, et avant que le système n’évolue, que la somme annuelle de 2,4 milliards d’euros – c’est la valeur de 2007 – est raisonnable par rapport aux enjeux de l’assurance systémique dont l’État est en charge. Cela serait d’autant plus opportun que la suppression de la taxe sur les salaires pesant sur le secteur financier permettrait sa suppression générale hors de ce secteur.
La taxe sur les salaires existe, mais elle est compensée. Elle bénéficie aux comptes de la sécurité sociale s’agissant de sa part prélevée, notamment sur des établissements d’hospitalisation, mais également sur différentes catégories d’établissements sociaux ou sanitaires.
Il serait donc possible de simplifier de manière importante notre système fiscal et d’y apporter plus de lisibilité. Ce faisant, nous veillerions à ne pas déplacer de charges entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale, mais les écritures réciproques entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale permettraient d’atteindre ce résultat.
Nous aurions donc, en quelque sorte, gagné sur les deux tableaux, d’une part, celui de l’affichage de la responsabilité de l’État à l’égard de l’économie et du système financier et, d’autre part, celui de la simplification du système fiscal.
Au-delà de ce principe, de nombreuses questions demeurent à traiter. Elles ne peuvent l’être que sur la base d’informations détaillées susceptibles de nous être apportées par un rapport. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que le Gouvernement élabore et remette un rapport avant le 30 juin 2010.
Comment apprécier le champ de la prime d’assurance systémique ? Quels critères précis seront retenus pour caractériser la taille, les activités et l’exposition aux risques des établissements qui seraient amenés à concourir à un tel financement ? En outre, quelle sera la répartition de la prime entre les établissements mis à contribution ? Quelle formule faut-il choisir ? Les fonds propres ? Une assiette mixte incorporant différents indicateurs ? Le produit net bancaire ? La prise en considération plus spécifique des actifs porteurs des risques les plus significatifs ?
Par ailleurs, faut-il, comme je l’indiquais, envisager la prime d’assurance systémique comme devant abonder le budget de l’État et permettre à celui-ci d’être son propre assureur ? Faut-il imaginer une entité spécifique, un fonds d’indemnisation, ce qui supposerait d’en définir les objectifs et les moyens ?
Enfin, dans la mise en œuvre de la répartition entre les établissements du secteur financier, quels seront les effets structurels, ceux de répartition et comment imaginer l’impact du dispositif sur l’évolution du secteur financier français ?
Nous croyons beaucoup à cette orientation, mais bien des éléments manquent pour construire aujourd’hui un dispositif opérationnel.
Je terminerai en rappelant que la commission des finances du Sénat avait suggéré à l’époque, s’appuyant sur le rapport d’Alain Lambert, la disparition de la taxe sur les salaires. C’est l’un des impôts les plus archaïques de notre système fiscal, mais c’est un impôt dont le rendement est loin d’être négligeable, plus spécifiquement en ce qui concerne le secteur financier.
Ce serait une heureuse opportunité de lier les deux sujets. C'est la raison pour laquelle nous avons élaboré un tel amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement est sensible à votre proposition et lui donnera un avis favorable, preuve de sa volonté de mener un travail de concert.
Je ferai simplement quelques observations.
Le mérite de cet amendement est d’ouvrir largement le champ des travaux prévus dans le cadre du rapport, ce qui me paraît d’autant plus opportun que le système assurantiel ou de taxation s’appliquera dans un contexte international.
Il nous faudra, bien sûr, disposer d’une déclinaison régionale au niveau européen, probablement prévoir une mise en œuvre nationale et nourrir la réflexion internationale de nos propositions nationales et régionales. C’est véritablement un système qui, le jour où il s’appliquera, devra concerner l’ensemble des établissements, faute de quoi nous pénaliserions, dans notre pays, un secteur financier qui est en concurrence permanente avec l’ensemble des établissements financiers opérant au même niveau et fonctionnant avec des sièges, des superviseurs et des contrôleurs situés dans d’autres pays.
J’attire donc votre attention sur la dimension internationale du système assurantiel.
De surcroît, je veux mettre l’accent sur un souci particulier relatif au système assurantiel systémique dont nous discutons. Ce système devra être construit de telle sorte que les établissements bancaires n’aient ni le sentiment ni la certitude juridique ou matérielle que leurs risques seront pris en charge par le mécanisme d’assurance systémique auquel ils contribueront en tout ou partie, ce qui les mettrait finalement à l’abri de « l’aléa moral ».
Il ne faut surtout pas que les banques, parce qu’elles penseront que l’assurance est là pour les protéger, soient amenées à prendre davantage de risques, parfois de manière inconsidérée, comme cela s’est produit récemment.
Il faudra donc être attentif à l’aléa moral et à ne pas laisser fonctionner le système bancaire en lui faisant accroire que les risques seront pris en charge par l’État. Nous devons absolument éviter une telle situation.
Je veux porter à votre connaissance trois initiatives actuellement en cours.
Une première initiative est menée sous l’autorité du Fonds monétaire international, qui examine de quelle manière pourra être mis en place un tel système.
Une deuxième initiative a été lancée par le Premier ministre britannique, Gordon Brown, lors de la dernière réunion du G20 « finances » à Saint-Andrews afin que le groupe réfléchisse précisément à un mécanisme de ce type.
Une troisième initiative a été engagée par la Commission européenne, qui travaille sur la rectification de la directive relative à la garantie des dépôts pour mettre également au point un mécanisme de garantie. Ce mécanisme n’est pas similaire à celui que la commission des finances du Sénat propose puisque cette dernière réfléchit en termes de risques et d’assurance systémique et non de garantie des dépôts.
En revanche, j’ai personnellement demandé à la Banque centrale européenne, lors d’un récent ECOFIN, de réfléchir elle aussi à un mécanisme d’assurance systémique.
Le Gouvernement se rapportera aux trois travaux en cours et s’inspirera des remarques de la commission des finances pour alimenter les réflexions du Fonds monétaire international.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vous remercie, madame le ministre, de l’avis encourageant que vous venez d’exprimer sur l’amendement de la commission.
Nous voulons clairement accompagner le Gouvernement dans sa volonté de freiner tout ce qui est de nature à délocaliser l’activité.
Or s’il y a une taxe pouvant être un facteur de délocalisation d’emplois, c’est bien la taxe sur les salaires. C’est ainsi que certains emplois passent de la place de Paris à celle de Londres.
M. Jean-Jacques Jégou. C’est pire que la TP !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cette taxe atteint rapidement 14,5 % du salaire brut, ce qui est considérable.
Notre préoccupation est donc de faire disparaître la taxe sur les salaires, Philippe Marini l’a dit, car, si c’est une recette pour l’État, c’est également une dépense pour la protection sociale.
Sa suppression ferait immédiatement baisser le poids des prélèvements obligatoires par rapport au PIB de 0,2 % à 0,3 %, et sans doute un peu plus puisque trois grands secteurs sont concernés : le secteur financier – assurances et banques –, la santé et le monde associatif.
Le monde associatif vit pour l’essentiel de subventions qui lui sont versées soit par l’État, soit par les collectivités territoriales. Il y a donc urgence à simplifier et à clarifier le dispositif. Il faut éviter de mettre en recouvrement une taxe n’ayant d’autre justification que celle selon laquelle on prélève une taxe sur les salaires lorsque la TVA ne s’applique pas.
Pour ce qui est des établissements financiers, je me réjouis, madame la ministre, de la réponse que vous venez de formuler. Nous nous inscrivons parfaitement dans cette démarche. Nous l’avons constaté à l’occasion de la crise, les États, et non pas seulement la France, ont proclamé bien vite qu’ils se portaient assureurs systémiques.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. L'amendement n° I-304 rectifié que j’ai défendu ce matin vise le même objectif que l’amendement n° I-518 de la commission.
Je ne ferai pas de procès d’intention, car nous sommes tous d’accord : nous ne voulons pas, lors d’une future crise financière, que les contribuables, par le biais de la puissance publique – banques centrales ou États –, soient les assureurs de dernier ressort.
Le rapporteur général et le président de la commission demandent que le Gouvernement remette un rapport au Parlement dans lequel il exposera la faisabilité d’une taxe ou prime d’assurance systémique. Je n’ai pas bien compris, madame la ministre, si vous étiez favorable à cette mesure.
Mme Nicole Bricq. Nous approuvons cette demande : un rapport nous permettra d’avancer.
En revanche, nous n’approuvons pas le codicille. L’intervention du président de la commission des finances le prouve, la finalité du dispositif est d’abord de supprimer la taxe sur les salaires, vieille revendication du monde bancaire, comme l’était en son temps la suppression de l’impôt de bourse pour les acteurs financiers.
Au bout de plusieurs demandes, ces derniers ont fini par avoir la peau de l’impôt de bourse, …
M. Jean Desessard. Ça n’arrête pas !
Mme Nicole Bricq. … sans que soit améliorée la compétitivité de la place financière de Paris.
Au cours du débat sur la proposition de résolution européenne déposée par le groupe socialiste et examinée par la commission des finances, nous avons demandé la mise en place d’une taxe assurantielle pour éviter les risques systémiques. Vous avez dit en commission, et vous l’avez redit du reste, que la contrepartie de la suppression de la taxe sur les salaires à hauteur de 2,4 milliards d’euros était équivalente au produit de ce que pourrait être la taxe assurantielle. À partir de là, en quoi la mesure est-elle dissuasive ?
Vous avez évoqué le problème des critères. Le critère essentiel est que les fonds propres des banques, comme des établissements financiers, soient relevés en fonction du risque excessif pris par ces derniers. Il faut un rapport entre la capitalisation et le risque.
Par conséquent, si vous supprimez, d’un côté, la taxe sur les salaires et que vous créez, de l’autre, une taxe assurantielle, vous neutralisez la mesure. Je ne vois pas ce qui encouragerait les banques à éviter le risque systémique.
C’est pourquoi votre argumentation en faveur de la remise d’un rapport nous pose problème.
L’objet principal de la mesure est d’éviter que les États, c'est-à-dire les contribuables, soient appelés à venir au secours des établissements financiers. Il faut absolument mettre cette mesure en place et étudier les conditions de son application.
Vous savez bien que toute crise favorise les concentrations. Nous assistons d’ailleurs à ce phénomène en Europe comme outre-Atlantique. Si nous ne faisons rien à court terme, les mêmes causes produiront les mêmes effets et nous subirons la règle du « too big to fail » : plus les établissements seront gros, et c’est ce qui ne manquera pas de se produire en raison de la concentration, moins nous pourrons les laisser choir.
Lorsqu’à Saint-Andrews, madame la ministre, M. Strauss-Kahn a avancé l’idée d’une taxe sur les banques, vous avez affirmé qu’il s’agissait d’une bonne chose, qu’il fallait étudier la proposition, mais qu’il faudrait un certain temps pour que tout le monde avance de conserve.
Sans plagier le sketch de Fernand Raynaud sur le refroidissement du fût du canon, c’est quoi un certain temps ? (Sourires.) Nous pensons, pour notre part, qu’il faut agir très vite et sans marchander une contrepartie.
Nous sommes favorables à la remise d’un rapport, mais nous ne voterons pas l’amendement de la commission puisque nous n’approuvons pas la contrepartie dont l’effet sera de neutraliser la mesure.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je suis absolument d’accord avec ce que vient de dire à l’instant Nicole Bricq : nous partageons l’esprit de l’article 4 bis, mais nous ne partageons pas ses finalités.
Nous sommes opposés à ce que l’instauration d’une taxe ou prime d’assurance à laquelle devront souscrire les établissements financiers serve à justifier leur future exonération de la taxe sur les salaires.
Je sais que nous reviendrons sur cette question et que je pourrai à cette occasion détailler plus longuement mon avis, qui rejoint celui de Nicole Bricq.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite que Nicole Bricq participe aux travaux que nous mènerons en relation étroite avec le Gouvernement.
Mme Nicole Bricq. Ah oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Notre intention n’est pas de créer les conditions qui favorisent la chute des établissements et l’intervention de l’État. C’est parce que l’État sera assureur systémique qu’il pourra poser des règles particulièrement exigeantes pour prévenir de telles difficultés. C’est bien de cela qu’il s’agit.
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans notre esprit, il n’est pas question de dire aux établissements bancaires : « laissez-vous aller puisque vous êtes couverts par l’État ! »
Ce dispositif doit également intervenir comme une sorte de haute autorité de la concurrence pour les banques. Nous avons effectivement assisté à une concentration d’établissements, concentration qui a motivé l’intervention de l’État. C’est le principe du « too big to fail » : plus les établissements sont puissants, plus ils doivent être aidés, car leur chute serait trop préjudiciable à l’ensemble de l’économie et de la société.
Cela suppose que les autorités gouvernementales puissent exercer un contrôle a priori sur les concentrations d’établissements.
Est-ce une voie d’avenir que de laisser se concentrer à l’extrême de tels établissements ? Sommes-nous certains que ceux qui les dirigent ont encore une capacité à le faire dans la mesure où ces établissements atteignent une dimension considérable, à l’échelle mondiale, et créent des filiales un peu partout, y compris dans les espaces non coopératifs ?
La prime d’assurance systémique pourrait donc être calculée en fonction de l’importance de l’établissement. Dans certains cas, elle devrait permettre de s’opposer à de nouvelles concentrations.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame Bricq, une préoccupation nous réunit et une autre nous sépare.
Nous sommes d’accord sur la démarche tendant à construire un système d’assurance contre les risques spécifiques du secteur financier. Nous partageons aussi le souci d’asseoir la prime de la manière la plus précautionneuse et la plus utile possible, afin qu’elle joue bien tout son rôle et que l’État, en tant qu’assureur, dispose de moyens supplémentaires pour garantir la sécurité globale du dispositif.
En revanche, nos avis divergent sur la question de savoir si ce système s’élabore à niveau de prélèvements constant, ou non, sur le système bancaire.
Pour votre part, vous souhaitez augmenter les prélèvements sur le système bancaire : vous l’avez dit tout à l’heure, dans la précédente phase de nos délibérations, lors de la discussion de l’amendement majorant de 10 % les impôts sur les banques. Dans le même esprit, vous nous proposez maintenant de faire payer une prime supplémentaire aux mêmes acteurs, portant sur les mêmes comptes, mais sans réaliser que, plus l’effort demandé sera grand, plus il exercera une influence restrictive sur le crédit : c’est une loi technique, comptable et comportementale à la fois !
Plus vous limitez la rentabilité des banques, plus vous avez de chance d’exercer un effet malthusien sur l’offre de crédit. Quoi qu’il arrive, une autorité extérieure à la gestion de l’établissement financier ne va pas se substituer à lui pour prendre le risque d’octroyer un crédit. Que vous le vouliez ou non, cette réalité de l’économie d’entreprise est imparable !
Ensuite, vous manifestez votre attachement – et le groupe CRC-SPG peut-être encore plus que vous – au maintien de la taxe sur les salaires, malgré tous les inconvénients économiques et l’archaïsme de cette taxe et malgré la grande simplification administrative et fiscale qui résulterait de sa suppression totale dans tous les secteurs de l’économie et de la société où elle s’applique.
Voilà donc quels sont nos points de divergence et de convergence : ils ne nous empêchent pas de travailler ensemble pour définir le système. En tout état de cause, les réflexions engagées en France, comme l’a fort bien dit Mme Christine Lagarde, sont également très présentes dans le débat public et parlementaire aux États-Unis, en Grande-Bretagne, ainsi que dans les enceintes internationales. Il est tout à fait utile que la France soit un acteur de ce mouvement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° I-304 rectifié.
Mme Nicole Bricq. Nous voulons bâtir un système de prévention, ce qui pose le problème de savoir qui le gèrera, ce dont Mme la ministre a d'ailleurs parlé. Ce rôle sera assumé soit par les États, soit par les autorités prudentielles – nous avions, quant à nous, privilégié cette solution –, mais on peut aussi envisager de le confier aux banques centrales.
Dans la logique de prévention, quel que soit le détenteur de cet outil, que je serais tentée de comparer à l’arme nucléaire, celui-ci doit être dissuasif. Il s’agit d’éviter la formation de nouvelles bulles spéculatives. Ainsi que nous l’avons souvent dit, lorsqu’il existe un décalage aussi important entre l’activité financière et l’économie réelle, la bulle qui s’est créée finit par éclater. Or le capitalisme a toujours fonctionné de crise en crise.
M. Jean Desessard. De bulle en bulle !
Mme Nicole Bricq. Pour éviter la formation d’une nouvelle bulle, on peut imaginer que le montant de cette prime puisse être modulé dès que l’émergence d’un risque est constatée : il faut que cela coûte !
Notre amendement ne tend pas à taxer davantage les banques, tel n’est pas notre état d’esprit. En revanche, nous voulons éviter que les banques ne prennent des risques excessifs. En fonction du niveau de prise de risque, dont l’évaluation serait confiée à une autorité indépendante ou aux États, le taux de la prime serait modulé.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-304 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
(L’article 4 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 4 bis
M. le président. L’amendement n° I-382, présenté par Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé:
I. - Au II de l’article 103 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, l’année : « 2006 » est remplacée par l’année : « 2008 », et l’année : « 2008 » est remplacée par l’année : « 2011 ».
II. - L’article 220 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l’article 103 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 et de l’article 45 de la loi 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, est ainsi modifié :
A. - Dans le I, après les mots : « formats audiovisuels » sont insérés les mots : « ou de distribution à l’étranger d’œuvres cinématographiques » et après les mots : « programmes audiovisuels » sont insérés les mots : « ou d’œuvres cinématographiques ».
B. - Le II est ainsi modifié :
1° Dans le 2°, après les mots : « formats audiovisuels » sont insérés, à deux reprises, les mots : « ou à la distribution à l’étranger d’œuvres cinématographiques ».
2° Dans le 3°, après les mots : « formats audiovisuels » sont insérés les mots : « ou de distribution à l’étranger d’œuvres cinématographiques ».
C. - Le III est ainsi modifié :
1° Dans le 1, après les mots : « formats audiovisuels » sont insérés les mots : « et les œuvres cinématographiques ».
2° Dans le a du 2, après les mots : « œuvres audiovisuelles » sont insérés les mots : « ou cinématographiques ».
D. - Le IV est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa du 1°, après les mots : « formats audiovisuels » sont insérés les mots : « et des œuvres cinématographiques ».
2° Dans le b du 1°, après les mots : « leurs propres programmes » sont insérés les mots : « ou œuvres cinématographiques ».
3° Dans le c du 3°, après les mots : « programmes audiovisuels » sont insérés les mots : « ou d’œuvres cinématographiques ».
E. - Dans le 2 du VI, après les mots : « œuvres audiovisuelles » sont insérés les mots : « ou d’œuvres cinématographiques ».
III. - Les dispositions des I et II ne s’appliquent qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. - La perte de recettes pour l’État est compensée par la création à due concurrence d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Article 5
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l’article.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le réchauffement climatique dû à l’utilisation d’énergie produite par des combustibles fossiles représente un risque majeur pour notre société. Si cette prise de conscience, dorénavant partagée, est positive, le mécanisme proposé par « la taxe carbone », est décevant : il est fondé sur une ineptie sociale et risque de ne pas s’avérer efficace, tant il s’inscrit dans la continuité des pratiques actuelles.
En clair, cette nouvelle taxe représente annuellement 300 euros supplémentaires par ménage pour le seul chauffage, 7 à 8 centimes d’augmentation du prix du litre d’essence et 15 % d’augmentation prévisible du prix du gaz.
La proposition de taxe carbone met donc en avant, une nouvelle fois, le principe « pollueur-payeur » dont l’efficacité est contestée par de nombreux experts. Cette nouvelle taxe appelle un calcul simple : plus on polluera, plus elle rapportera.
Par ailleurs, cette taxe ne vise pas à résoudre le problème des émissions de gaz à effet de serre ni des modes de production, elle n’incite pas à la révolution énergétique pourtant nécessaire et elle consacre l’usager comme principal responsable de la pollution.
De cette manière, la machine à inventer de nouvelles taxes est réactivée : 8,3 milliards d’euros d’impôts nouveaux, dont plus de la moitié sera assumée exclusivement par les familles. C’est injuste et insupportable.
Pourtant, la taxe carbone devrait s’inscrire dans une remise à plat complète de notre fiscalité, au lieu de se limiter à un « bricolage » isolé de mesures fiscales.
Indubitablement nécessaire pour pouvoir atteindre les objectifs que la France s’est fixés en matière de réduction d’émissions, elle n’en est pas moins à la fois improductive et injuste dans la version que nous propose le Gouvernement.
Cette taxe est improductive tant qu’elle reste aussi limitée dans son prix comme dans son assiette. Sous sa forme actuelle, la taxe carbone ne permettra jamais d’atteindre l’objectif de division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 qui répond à nos engagements.
L’exclusion complète de la consommation électrique de l’assiette de la taxe pose deux problèmes : d’une part, elle n’incite pas à réduire la consommation d’électricité, alors que cette dernière pourrait être utilisée pour réduire les émissions dans d’autres secteurs, en particulier dans les transports ; d’autre part, elle renforce l’incitation au choix du chauffage électrique, une aberration énergétique de plus, tout le monde le sait !
Cette taxe n’est pas seulement improductive, elle est aussi injuste dans son fonctionnement. En effet, au prix proposé de la tonne de carbone, elle aboutira à alourdir la facture des plus modestes, sans pour autant dissuader les comportements les plus énergivores de ceux qui ont les moyens de l’acquitter.
Alors que cette taxe constituait, potentiellement, un formidable outil de justice fiscale, par la redistribution des richesses et la prise en compte des externalités négatives liées aux comportements de gaspillage, le Gouvernement ne nous propose qu’une redistribution du produit de cette taxe à l’aide d’un « chèque vert ».
Le renchérissement des énergies fossiles, dont les objectifs sont à la fois la réduction globale de la dépense d’énergie et le changement de source d’énergie, doit s’accompagner, selon nous, de politiques visant à développer l’offre de solutions de rechange à la consommation et les incitations à la transition énergétique, comme le préconisait, à juste titre, le rapport rendu par Michel Rocard. L’exclusion de la consommation électrique et l’absence de mesures d’aides aux foyers pour le changement de source d’énergie vont complètement à rebours de ces recommandations.
Comble de l’injustice, on nous demande de taxer les individus, alors qu’un marché a été proposé aux entreprises les plus fortement émettrices de gaz à effet de serre. La taxe vise les consommations d’énergie, mais les industries de production d’électricité, ainsi que l’ensemble des installations soumises au système européen de quotas de CO2, sont exemptées, afin de leur éviter une prétendue « double peine ».
En réalité, au lieu de s’attaquer directement aux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre en leur fixant des objectifs contraignants de réduction de leurs émissions ou en instaurant une taxe sur les activités concernées, on leur permet de spéculer sur le prix de la tonne de carbone, en leur accordant des crédits d’émission gratuits jusqu’en 2013 ! Avec ce système contraire à la logique, les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre seront soumis aux obligations les moins contraignantes et la fiscalité du carbone pèsera essentiellement sur la consommation finale d’énergie, sans aucunement inciter à la réorientation en amont des modes de production de l’énergie, ni permettre, par exemple, le financement d’un fonds en faveur des énergies alternatives à l’aide du produit de la taxe sur les grands producteurs d’électricité.
En fin de compte, cette nouvelle taxe jouera une nouvelle fois contre l’emploi, les salaires et le pouvoir d’achat, alors qu’il serait urgent de conjuguer progrès écologique et progrès social.
En outre, les collectivités locales seront une nouvelle fois mises à mal par cette taxe. D’une part, elles ne bénéficieront d’aucun retour sur ce qu’elles auront versé, contrairement aux ménages ou à certaines entreprises qui seront carrément exemptées. D’autre part, le versement de cette taxe sera déduit de la valeur ajoutée des entreprises qui y sont assujetties, allégeant d’autant les ressources dont disposent les collectivités locales : celles-ci seront une nouvelle fois contraintes soit de diminuer leur offre de services, soit d’augmenter les impôts locaux.
Telles sont les observations qu’appelle de notre part cet article 5, source de nouvelles injustices que nous ne pouvons tolérer !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’engagement 65 du Grenelle de l’environnement portait sur la création d’une « contribution climat-énergie ». En conséquence, cet article 5 institue la « taxe carbone ».
M. le ministre du budget l’a réaffirmé lors de la discussion générale : le débat sur la taxe carbone est enfin ouvert et un signal est désormais adressé à nos concitoyens.
Oui, mais quel signal ? En voulant ménager la chèvre et le chou, vous brouillez ce signal aussi bien sur le plan environnemental que sur le plan social.
Sachons dépasser le discours simpliste « anti-taxe » et considérons nos responsabilités à l’égard de l’environnement et du réchauffement climatique !
Les experts internationaux du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, qui ont été récompensés par le prix Nobel 2007, sont unanimes : il ne nous reste plus qu’une petite dizaine d’années pour sauver le climat et limiter le réchauffement planétaire aux environs de deux degrés. Mais, pour cela, les pays développés doivent réduire de 25 % à 40 % leurs émissions de gaz à effet de serre à l’échéance de 2020.
À cet égard, dans nos économies de marché, le signal-prix est le levier incontournable – même s’il n’est pas suffisant – pour engager la reconversion nécessaire de nos systèmes productifs et le changement en profondeur de nos habitudes de consommation. La sobriété énergétique n’est pas un slogan : elle est tout simplement devenue vitale pour assurer le devenir des habitants de notre petite planète.
Et si cette sobriété énergétique relève désormais de l’impératif catégorique, l’instauration d’une contribution climat-énergie efficiente est pour nous, parlementaires, une « ardente obligation » – si je puis me permettre cette expression – au sens gaullien du terme !
Vous comprendrez aisément, madame la ministre, mes chers collègues, que l’on ne puisse se contenter des propositions faites dans ce projet de loi de finances : au lieu de mettre en œuvre une contribution « climat-énergie » telle qu’elle est actée dans les conclusions du Grenelle de l’environnement, c’est-à-dire une véritable taxe « énergie-carbone » frappant toutes les énergies, le Gouvernement se contente d’une piètre taxe « Sarkozy-carbone », qui relève pratiquement de la trahison de l’engagement donné.
En effet, les dispositions prévues dans le projet de loi de finances condamnent la taxe « Sarkozy-carbone » à l’échec !
À moins de 32 euros par tonne, tous les experts estiment que le signal-prix est parfaitement inaudible pour les agents économiques, qui ne seront pas conduits à modifier leurs comportements.
Sans cadrage et affichage précis de la progression du prix du carbone, censé atteindre 100 euros par tonne au plus tard en 2030, les entreprises seront dans l’incapacité de programmer les investissements nécessaires à la « décarbonation » de leurs activités.
L’électricité, notamment d’origine nucléaire, échappe à l’exigence de sobriété. Pourtant, les économies d’énergie, y compris électrique, devraient être prioritaires : il y a consensus sur cette question !
De plus, ces dispositions sont considérées comme très négatives, car injustes, par nos concitoyens.
La taxe « Sarkozy-carbone » pèse proportionnellement beaucoup plus sur les ménages modestes, puisque la fameuse compensation forfaitaire ne prend pas en compte les niveaux de revenus. Les ruraux, contraints de se déplacer en voiture, sont particulièrement pénalisés. Par ailleurs, de nombreuses dérogations bénéficient indûment à des secteurs et à des multinationales particulièrement émetteurs de gaz à effet de serre.
En l’état du projet, cette taxe est aussi inefficace qu’injuste ! Il revient donc à la Haute Assemblée de rectifier le tir et nous défendrons des amendements en ce sens. À défaut, cette taxe carbone sera le meilleur moyen de vacciner nos concitoyens contre toute contribution climat-énergie. (MM. Jacques Muller et Jean-Claude Frécon applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Nous abordons un point qui constitue l’innovation fiscale de ce projet de loi de finances : l’introduction d’une taxe carbone, qui, comme nous le verrons, n’a rien à voir avec la contribution climat-énergie définie à l’issue du Grenelle de l’environnement. Cela mérite, il me semble, que l’on s’y attarde un peu avant d’entamer l’examen des amendements.
Je voudrais rappeler que le groupe socialiste a beaucoup travaillé sur ce sujet et qu’il a été l’un des premiers groupes de notre assemblée à proposer l’instauration d’une contribution climat-énergie.
Nous avons notamment participé au travail mené par Mme Fabienne Keller, notre collègue de la commission des finances. Son rapport, auquel nous avons beaucoup contribué et que nous avons fort apprécié, constituait une bonne base de départ. Je profite d’ailleurs de l’évocation de ce dossier pour saluer également le travail des administrateurs de cette commission.
Malheureusement – et c’est là le problème –, on peut se demander comment, à partir de l’enjeu formidable que constitue le défi climatique, d’un objectif reconnu par tous, d’une idée intéressante, l’introduction d’une fiscalité nouvelle, qui nous donnait l’occasion de revoir complètement notre architecture fiscale, comme nos collègues du groupe CRC-SPG l’ont justement souligné, le Gouvernement est parvenu à transformer de l’or en plomb et à gâcher cette bonne idée ?
La réponse qu’il apporte n’est effectivement pas du tout à la hauteur de l’enjeu climatique. En outre, elle risque – je crois même que c’est déjà la réalité – d’être considérée par les Français comme la simple création d’un impôt supplémentaire, qui vient s’ajouter à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP.
L’examen des amendements nous permettra de discuter de tout cela, mais nous pouvons d’ores et déjà signaler plusieurs points.
Tout d’abord, l’adoption d’un signal-prix dès le départ peu élevé et l’absence de prévisibilité quant à sa progression dans les prochaines années ne laissent aucun doute sur le fait que cette taxe, telle que le projet de loi de finances la définit, ne donnera aucun signal au monde économique et ne garantit aucune efficacité écologique.
Par ailleurs, l’absence de prise en compte du revenu comme élément essentiel des critères de la compensation financière pour les ménages conduit les gens à penser que c’est sur les riches que cet impôt pèsera le moins. Vous le savez très bien, mes chers collègues, la part des dépenses énergétiques, pour le chauffage, le transport, etc., n’est pas la même, en poids relatif, dans un budget contraint et dans un budget aisé. Cela est d'ailleurs prouvé par les études du Centre d’analyse stratégique.
En outre – nos collègues du groupe CRC-SPG y ont fait allusion –, au moment où le Gouvernement prive les collectivités locales de leur recette principale, la taxe professionnelle, il prévoit des compensations pour tout le monde, notamment pour les entreprises, mais n’en prévoit pas pour ces mêmes collectivités locales.
C’est parfaitement incompréhensible dans la mesure où ce sont elles qui assurent le plus gros de l’investissement écologique. Éco-quartiers, équipements à basse consommation énergétique… : il n’est pas un jour sans qu’une collectivité locale, qu’il s’agisse d’une région, d’un département, d’une intercommunalité ou d’une commune, engage des dépenses pour réduire la facture énergique, ces investissements étant, qui plus est, de nature à soutenir l’activité économique.
Il est vraiment regrettable que nous en arrivions simplement à créer un impôt supplémentaire qui pèsera sur les ménages, compte tenu des nombreuses exonérations qui ont déjà été voulues par le Gouvernement et votées à l’Assemblée nationale. Chacun se présente effectivement au guichet pour demander son exonération et on fait de cet impôt, dont l’assiette est déjà très réduite, l’électricité en étant exclue, un gruyère !
Madame la ministre, tel que vous l’avez conçu, tel que le Gouvernement l’a conçu, ce bébé aura du mal à vivre. Nous essaierons, par nos amendements, de l’aider à vivre et de faire en sorte qu’il corresponde à l’objectif d’efficacité affiché.
M. le président. L'amendement n° I-188, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Nous l’avons dit, cette taxe carbone, telle qu’elle est proposée, est à la fois injuste et inefficace.
Plutôt que de grever le budget de nos concitoyens avec une nouvelle taxe, il faudrait simplifier et renforcer les dispositifs d’aides, afin que tous les ménages y aient accès, indépendamment de leur revenu.
Qu’en est-il des locataires, qui seront tenus d’acquitter une taxe dont le montant dépend des travaux d’isolation et d’amélioration de la performance énergétique qu’ils ne contrôlent malheureusement pas ?
Cette taxe est également profondément injuste du fait qu’elle exclut les entreprises des secteurs les plus fortement émetteurs en gaz à effet de serre, alors que ces entreprises, sous quotas, sont parmi celles qui bénéficieront le plus de la suppression de la taxe professionnelle. La spéculation sur le marché du carbone étant une activité rentable pour beaucoup d’entre elles, on peut donc parler, plutôt que d’une double peine, d’un double bénéfice.
Les économistes s’accordent à dire que la définition d’un prix unique du carbone, accompagnée bien sûr des mesures de compensation nécessaires au respect de la justice sociale, est essentielle pour que le signal-prix fonctionne.
La fixation de la taxe à 17 euros n’est destinée qu’à faire croire aux particuliers qu’ils sont placés sous le même régime que les industries les plus polluantes. Or, si le prix de 17 euros a effectivement été calculé à partir du prix moyen de la tonne de carbone sur les marchés au cours des deux dernières années, tout porte à croire qu’il augmentera plus vite que ce prix de marché, bien que vous vous refusiez, madame la ministre, à toute prévision quant à sa progression.
Avec le ralentissement économique lié à la crise, le prix de la tonne de carbone va probablement baisser et il n’est pas garanti qu’il remonte avant l’année 2013 et le début de la mise aux enchères des permis d’émission. Nous n’avons d’ailleurs aucune garantie quant à la mise en place de cette dernière.
Il serait bien plus juste de loger tout le monde à la même enseigne et d’assujettir les entreprises concernées à une taxe qui serait négociée au niveau européen. Comment expliquer au particulier qu’il sera taxé, pour l’essence qu’il met dans sa voiture, plus fortement que les grandes industries, alors même que le transport routier ou encore ceux qui ont les moyens de prendre l’avion seront exonérés ?
Mme la ministre de l’économie juge que, malgré ses défauts, cette taxe, ce « verdissement de notre fiscalité », a « le mérite d’entrer dans le paysage fiscal ».
Pour nous, la fiscalité n’est pas un joli « paysage », que l’on décide, pour récupérer l’électorat écologiste, d’agrémenter de quelques touches de vert, au mépris total de leurs incidences sociales. Où est la réflexion en profondeur sur notre fiscalité qu’appellent les graves enjeux écologiques auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés ?
Les trop nombreuses incohérences et injustices ne nous laissent pas d’autre choix que de nous opposer à cette taxe carbone en proposant, par cet amendement, la suppression de l’article 5.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le fait qu’un grand nombre de nos collègues, comme les membres de la commission, ont étudié de manière très approfondie cet article 5 et ont préparé beaucoup d’amendements devrait nous faire hésiter à supprimer d’emblée cet article. (M. Jean Desessard s’esclaffe.) Mais outre que ce serait faire peu de cas de tout le travail accompli, il est à craindre que cette suppression ne soit un signal vraiment très négatif adressé à l’opinion publique française, voire internationale.
La démarche que nous suivons avec cette contribution – j’éviterai de trop utiliser l’appellation de « taxe carbone », même si nous l’emploierons peut-être par souci de commodité – est d’abord une prise de conscience. Il s’agit de se placer sur un chemin et de commencer à y progresser.
Si le Sénat supprimait cette initiative, on serait fondé à lui reprocher une vision un peu statique, un peu passéiste des choses.
L’article 5 doit pouvoir faire l’objet d’une large discussion entre nous.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Foucaud, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur votre amendement, car nous tenons à ce que l’article 5, qui ne se conçoit qu’en lien étroit avec l’article 6, soit examiné de manière approfondie par la Haute Assemblée.
Cela m’amène à revenir sur l’appellation de « taxe carbone » et à l’argumentation que j’ai développée lors de la discussion générale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit bien d’un signal-prix destiné à indiquer à nos concitoyens le coût de l’émission de carbone.
Nicolas Sarkozy, pendant la campagne présidentielle, avait signé, comme d’autres, d’ailleurs, la charte proposée par Nicolas Hulot à l’ensemble des candidats, et avait pris un certain nombre d’engagements. Président de la République, il tient ses promesses.
Lors de l’examen des amendements, nous aurons l’occasion d’évoquer différentes questions, notamment la fixation du bon prix ou la direction que nous entendons prendre pour atteindre l’objectif de 2030. Mais, je le répète, l’article 5 ne peut s’entendre que par référence à l’article 6, l’objet de la taxe carbone étant de donner à nos concitoyens un signal-prix, avant de leur restituer le montant qu’ils auront été amenés à payer.
Madame Bricq, nous reviendrons sur les modalités pratiques de cette taxe et sur le caractère proportionnel à la capacité contributive de nos concitoyens qu’elle doit avoir ou non. Je ne pense pas que nous aboutirons aux mêmes conclusions
Je crois, pour ma part, que les plus modestes d’entre eux bénéficieront, toutes choses égales par ailleurs, d’un remboursement plus important que les plus aisés, d’où l’intérêt du remboursement forfaitaire prévu à l’article 6.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-247, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
taxe carbone
par les mots :
contribution climat-énergie
II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans l'ensemble de l'article.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement a pour but d’inviter le Gouvernement à respecter fidèlement les propositions issues de la concertation du Grenelle de l’environnement et des lois qui ont été adoptées par la suite.
En effet, la loi Grenelle I dispose, dans son article 2, que : « L’État étudiera la création d’une contribution dite “climat-énergie” en vue d’encourager les comportements sobres en carbone et en énergie. »
Je vous propose, mes chers collègues, de ne pas vous dédire. Puisque nous avons adopté une loi instituant le principe d’une contribution climat-énergie, respectons-la et rectifions l’appellation de « taxe carbone » proposée par le Gouvernement !
Il faut le rappeler, la conférence des experts présidée par Michel Rocard avait proposé l’instauration d’une contribution énergie-climat. Dans ses conclusions, Olivier Godard, président de l’un des ateliers de réflexion, avançait, à juste titre, un argument de bon sens : « Le mot taxe suscite le rejet. Le mot contribution sonne mieux. »
Mes chers collègues, ne polluons pas le message que nous voulons faire passer, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une simple bataille sémantique : les mots « taxe » et « contribution » n’ont pas la même signification. Or, parce que nous devons instaurer une fiscalité écologique pour basculer vers un nouveau modèle de société fondé sur la sobriété énergétique, il nous faut désigner l’objectif avec toute la clarté requise.
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à rectifier l’expression « taxe carbone », à revenir à la loi Grenelle 1 et à adopter cet amendement instaurant une « contribution climat-énergie ».
M. le président. L'amendement n° I-445, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
taxe carbone
par les mots
Contribution Climat Énergie
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Mes chers collègues, madame la ministre, par cet amendement, quasi identique à celui de M. Muller, nous souhaitons remplacer l’expression « taxe carbone » par celle de « contribution climat énergie », qui nous paraît plus adaptée.
En effet, il s’agit non d’une taxe au sens propre, mais d’une mesure incitative qui doit nous pousser à améliorer nos comportements énergétiques pour préserver le climat.
Par ailleurs, le champ de cette contribution, aujourd'hui limitée au CO2, ou de toute contribution de ce type pourrait, à l’avenir, être éventuellement étendu à d’autres gaz,...
M. Nicolas About. Le méthane !
M. Yves Détraigne. ... comme le méthane ou le protoxyde d’azote, qui sont également des gaz à effet de serre.
Le terme de « taxe carbone » étant réducteur par rapport à son contenu réel et à son champ éventuel, je vous propose, mes chers collègues, de rebaptiser cette contribution « contribution climat énergie ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, ayant décidé de ne pas supprimer l’article 5, nous nous interrogeons maintenant sur le nom de la « chose » que nous allons créer. (Sourires.)
M. Gérard César. La « chose » ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Que recouvrent et que ne recouvrent pas les expressions « contribution climat-énergie » ou « contribution climat énergie » ?
Une contribution, c’est un impôt, et bien des impôts sont nommés « contributions ».
Il n’y a, en outre, pas de différence de nature entre une taxe et une contribution, qui sont l’une et l’autre des prélèvements obligatoires.
Au surplus, je ne vois pas très bien en quoi une contribution serait plus « sympathique » qu’une taxe. Il est vrai que le mot taxe, dans sa brièveté, est plus brutal, alors qu’une contribution paraît plus posée, plus synthétique. Mais, reconnaissons-le, la différence de signification entre ces deux termes n’est pas considérable.
En revanche, dans la nouvelle appellation proposée, ne figure pas le mot « carbone ». Je trouve cela gênant, car la finalité du dispositif est d’améliorer notre bilan carbone, non de taxer les énergies, particulièrement celles qui sont peu ou pas préjudiciables à l’environnement.
Je vois bien les motivations de ceux qui préconisent l’appellation « contribution climat-énergie » : il s’agit d’instaurer un dispositif qui s’applique à l’ensemble des modes de production d’énergie. Or la stratégie qui a été choisie est de tenir compte des caractéristiques de la politique française de l’énergie, du mix énergétique de notre pays, dont le bilan carbone est, depuis des lustres, bien meilleur que celui d’autres pays. En ce qui concerne l’origine de l’électricité, il n’y a pas en Europe de pays plus vertueux que le nôtre.
L’appellation proposée n’est donc pas sensiblement meilleure que la précédente ; en revanche, elle est plus ambiguë sur l’objet du dispositif.
La commission sera donc très attentive à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, je rejoins votre souci de ciblage.
Quel est notre objectif ? Nous cherchons à réduire les émissions de CO2, et non pas à atteindre de vastes objectifs climatologiques, environnementalistes et géopolitiques, au demeurant parfaitement légitimes.
Il nous faut donc mettre en concordance les objectifs qui sont les nôtres et le nom que nous devons donner à ce dispositif. C’est la raison pour laquelle je vous encourage très vivement, mesdames, messieurs les sénateurs, à ne pas voter ces amendements, auxquels je suis défavorable.
Vous parliez tout à l’heure, monsieur Desessard, d’un impératif catégorique : à quelques jours de Copenhague, l’adoption par la France de la taxe carbone, même si l’expression n’est pas très jolie, représenterait un signal très fort pour un certain nombre de pays. Sachez que ces deux mots, « taxe » et « carbone », sont compris de tous, contrairement à l’expression « contribution climat-énergie » qui, une fois traduite dans toutes les langues, ne fera que diluer notre message.
M. Gérard César. C’est vrai !
Mme Christine Lagarde, ministre. Or nous avons un rôle moteur à jouer aux côtés de nos amis suédois, danois et finlandais, car nous ne sommes qu’un petit nombre de pays européens à avoir mis en place une taxe de ce type. Pour cette raison, cette appellation conserve vraiment tout son intérêt.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. J’avoue que je ne suis pas convaincu par les explications qui m’ont été apportées tant par M. le rapporteur général que par Mme la ministre.
Selon M. Marini, il n’y a pas de différence entre une taxe et une contribution. Mais, par définition, la première n’est pas affectée, alors que la seconde contribue à quelque chose, ce qui s’apparente à une affectation.
Et souvenons-nous de la réaction spontanée des Français lorsqu’ils ont entendu parler de « taxe carbone »... Il n’est pas certain que l’appellation choisie soit la meilleure pour faire passer le message et convaincre nos concitoyens qu’ils doivent faire évoluer leur consommation énergétique.
Ne perdons pas de vue l’objectif, qui est non pas seulement de lutter contre les émissions de carbone, mais, bien au-delà, d’améliorer le climat. À l’approche de la conférence de Copenhague, nous devons certes maintenir le cap, mais aussi réajuster les termes du débat sur les vrais enjeux et, de ce point de vue, je ne suis pas convaincu que mon amendement soit si mauvais que cela !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. M. Détraigne a très bien présenté l’amendement soutenu par les membres de notre groupe. Le terme « contribution » ne me gêne pas, car il sous-entend que chacun doit contribuer à proportion de la pollution qu’il engendre. Donc, si on ne pollue pas, on ne contribue pas !
Il est surprenant, en revanche, de mentionner le carbone. On avait parlé un temps d’une taxe « hydrate de carbone » ; aujourd’hui, on nous propose une taxe « dioxyde de carbone ». Pourquoi pas, demain, une taxe « hydrogéno-carbonée », pour le méthane ? Mais nous serons bien embarrassés le jour où nous voudrons nous attaquer à un autre gaz à effet de serre, comme le protoxyde d’azote qu’a mentionné Yves Détraigne et qui, lui, ne comprend pas de carbone !
M. Yves Détraigne. Le méthane ?
M. Nicolas About. Non, dans ce cas, il y a bien du carbone - on est à CH4 -, donc la logique trouverait à s’appliquer.
En revanche, pour le protoxyde d’azote, gaz à effet de serre très toxique qui persiste plus de cent vingt années dans les basses couches de l’atmosphère, il serait impossible de taxer.
Certes, madame la ministre, je le reconnais, l’expression de contribution climat énergie n’est peut-être pas facile à traduire. Mais je ne doute pas de votre talent, que vous déployez tous les jours sur la scène internationale. Je suis certain que vous arriverez très bien à traduire ces trois mots, qui doivent exister dans toutes les langues, du moins dans toutes les langues occidentales. Certes, il sera peut-être plus difficile de vous faire comprendre dans les pays qui utilisent des idéogrammes ! (Sourires.)
Notre proposition est intéressante, car l’expression « contribution climat énergie » est plus large que la vôtre et reflète bien notre volonté de lutter contre l’ensemble des gaz à effet de serre.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Monsieur le rapporteur général, madame la ministre, vous faites un blocage sur ces amendements, ce qui me surprend quelque peu.
Pour avoir participé moi-même à l’ensemble des débats du Grenelle de l’environnement – vous n’y étiez pas vous-mêmes –, je souhaite rappeler ici que l’idée selon laquelle la première des énergies renouvelables est celle que l’on n’a pas dépensée a recueilli un large consensus.
Par conséquent, au moment où l’on souhaite envoyer un signal-prix – je soutiens cette idée –, pour modifier les comportements de tous les acteurs économiques, particuliers ou entreprises, il paraît central d’inscrire dans la loi cette priorité, à savoir la nécessité d’économiser l’énergie. De ce point de vue, l’expression « contribution climat-énergie » est la plus claire pour préciser ce sur quoi doivent porter nos efforts.
Je n’évoquerai pas ici la question du nucléaire, qui est plus complexe. D’autres amendements nous permettront d’aborder ce point.
Enfin, en termes de communication, comment comptez-vous faire adhérer nos concitoyens à la démarche si vous gardez le mot « taxe » ? Dans le langage familier – j’écoute les gens parler dans le métro ! –, une taxe, c’est ce par quoi on se fait taxer ! Or personne n’a envie de se faire taxer par l’État, car taxation rime malheureusement avec spoliation. C’est ainsi !
Adoptons un terme précis, qui nous permette de nous engager dans les économies d’énergie prioritaires, c’est-à-dire celles qui portent sur le carbone, aujourd'hui facteur principal de pollution.
Je maintiens donc l’amendement n° I-247.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. M. Muller vient, avec beaucoup de conviction, de me fournir les raisons pour lesquelles je vous suggère, mes chers collègues, de ne pas adopter, une fois n’est pas coutume, l’amendement de Mme Morin-Desailly, pourtant intelligemment défendu à l’instant par M. About.
En effet, si les deux amendements ont pour objet de remplacer l’expression « taxe carbone » par celle de « contribution climat énergie », leurs auteurs n’envisagent pas le même champ d’application et n’ont pas la même motivation.
Pour M. About, le choix de ce terme générique permet de condamner tous les gaz à effet de serre.
Nous aurions pu le suivre, si M. Muller ne venait pas de défendre une conception très différente, d’ailleurs tout à fait respectable, bien que ce ne soit ni la mienne ni celle du groupe UMP, par laquelle il entend condamner l’utilisation généreuse ou irresponsable de l’énergie, c'est-à-dire l’idée même d’une augmentation de la consommation énergétique, quelle qu’en soit l’origine.
Comme l’a dit excellemment M. le rapporteur général, l’essentiel de la production électrique française ne laisse pas d’empreinte carbone, grâce à l’hydraulique et grâce au nucléaire.
Si nous adoptions l’amendement déposé par le groupe de l’Union centriste à la suite des explications de M. Muller, nous ne pourrions éviter que l’ambiguïté persiste. Nous serions alors amenés à condamner le développement de toutes les formes d’énergie, quelle que soit leur empreinte carbonée.
M. Nicolas About. Dieu nous en préserve !
M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, si vous souhaitez que notre pays puisse continuer à se développer en utilisant des formes nouvelles d’énergie qui ne laissent pas d’empreinte carbonée, je vous demande, avec toute la force de conviction dont je suis capable, de vous en tenir à la proposition du Gouvernement et à l’appellation « taxe carbone ».
Il est vrai que le mot « taxe » n’est pas agréable, mais il a justement l’immense mérite de nous rappeler à une discipline, à savoir qu’il convient de toute façon d’économiser l’énergie. En tant que pères de famille, nous expliquons tous les jours à nos enfants qu’il faut éteindre les lampes lorsqu’ils quittent une pièce, sans succès pour ce qui me concerne. Mais si nous nous retrouvons sur ce principe éducatif, cela ne doit pas nous conduire à nous priver de l’énergie sans laquelle le développement n’aurait pas été possible, dès lors que celle-ci ne laisse pas d’empreinte carbonée.
C’est la raison pour laquelle je suggère à mes collègues de la majorité d’en rester au texte du Gouvernement, dont les termes génériques ne condamnent aucune perspective d’évolution. En revanche, ils visent clairement l’empreinte carbonée, contre laquelle nous menons tous un combat commun.
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, permettez-moi de tenter de concilier les points de vue et, partant, de réconcilier les uns et les autres. L’objectif ultime est de créer une contribution, ou une taxe, peu importe, qui permettra de limiter l’ensemble des gaz à effet de serre, car c’est là le vrai sujet.
M. Gérard Longuet. Nous sommes d’accord !
Mme Fabienne Keller. À court terme, il s’agit pour nous d’être clairs avec les Français et de leur dire franchement ce que nous sommes en train de faire. C’est la justification du choix du mot « taxe », que tout le monde comprend. Le terme « contribution » est moins clair, comme cela a été remarquablement expliqué par M. le rapporteur général.
Quant au mot « carbone », il s’explique par le fait que cet élément est, de loin, le polluant le plus important de l’atmosphère. La vulgarisation ayant fait son chemin, nos concitoyens comprennent très bien de quoi il retourne. Par ailleurs, les modalités d’application prévues ne concernent pour le moment que cette seule pollution.
Il y aura d’autres étapes ! Nous ne sommes pas au bout de cette nouvelle fiscalité qui vise à taxer la pollution, plutôt que d’autres domaines actuellement fiscalisés tels que l’emploi, l’investissement ou le patrimoine.
L’expression « taxe carbone », que nous pourrions adopter aujourd’hui, est parfaitement claire ; gardons le beau concept de « contribution énergie climat » pour un peu plus tard. (M. Gérard Longuet applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste soutient l’amendement présenté par nos amis Verts, et ce pour au moins trois raisons.
Tout d’abord, il nous permet de réintroduire l’esprit du Grenelle de l’environnement et sa conclusion positive, puisqu’un groupe de travail devait examiner la « faisabilité » d’une « contribution climat énergie ».
Ensuite, d’un point de vue plus technique, vous savez très bien, monsieur Longuet, vous qui êtes un parfait connaisseur du domaine de l’énergie, que, en période de pointe, l’alimentation en l’électricité se fait à partir de turbines à gaz, qui émettent donc du CO2.
Nos infrastructures sont fragiles et nous qui sommes exportateurs d’électricité avons parfois l’obligation d’en importer, et l’énergie électrique qui nous est ainsi fournie peut alors provenir de centrales à gaz ou à charbon.
M. Gérard César. En période de pointe !
Mme Nicole Bricq. Enfin, le groupe socialiste souhaite également que l’appellation choisie serve à la pédagogie. Mme Keller a raison, il faut dire ce que l’on veut faire ! Or vous ne ferez pas croire aux Français que, les années passant, le prix de l’énergie, quelle que soit son origine, baissera. Personne ne croit plus cette fable.
M. Gérard Longuet. Tant mieux !
Mme Nicole Bricq. Nous le savons, nous sommes dans une phase d’enchérissement du prix de l’énergie, quelle que soit son origine.
Mes chers collègues, si vous voulez faire accepter aux Français le principe de ce prélèvement – c’est ce que l’on appelle l’acceptabilité sociale –, il faut les accompagner dans la mutation énergétique, en cessant de leur raconter des fariboles et de leur laisser croire qu’ils peuvent continuer à consommer autant d’énergie que par le passé.
Si l’on veut vraiment modifier les comportements, le signal doit être clair.
Le groupe socialiste souhaite créer une « contribution », laquelle implique une adhésion au processus engagé. Mais il est vrai que la manière dont vous avez introduit cette fiscalité est la pire qui soit. C’est même de l’anti-pédagogie ! Nous en reparlerons au moment de débattre sur la compensation.
Vous auriez tout de même pu vous y prendre autrement pour garantir l’acceptation sociale !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Ma collègue Nicole Bricq a raison, la façon dont le Gouvernement a présenté cette bonne idée l’a, en quelque sorte, « carbonisée ». (Sourires.)
Madame Keller, votre tentative de « conciliation » partait d’un bon sentiment. J’ai cependant un peu de mal à vous suivre.
M. le rapporteur général l’a dit, une taxe est un impôt. Toutefois, dans le cas précis qui nous occupe, j’avais cru comprendre que cette taxe sur l’énergie consommée devait être restituée aux citoyens, grâce à la mise en place d’un mécanisme de compensation.
Il ne s’agit donc pas d’une imposition traditionnelle visant à alimenter les caisses de l’État, et elles en ont pourtant bien besoin, après toutes les exonérations qui ont été accordées encore ce matin aux entreprises !
Le message doit être parfaitement clair : il s’agit d’une contribution qui sera compensée et dont la population ne devrait donc pas souffrir. Or, avec le mot « taxe », cet aspect disparaît complètement.
M. le président. Monsieur About, l’amendement est-il en définitive maintenu ?
M. Nicolas About. Après Jean Desessard, je voudrais également tenter de réconcilier tout le monde, ayant écouté les uns et les autres avec beaucoup d’attention. En fin de compte, nous sommes tous d’accord, mais certains veulent agir d’un coup et d’autres, pas à pas.
Pour l’instant, nous a dit M. Longuet, essayons de nous en tenir à la « taxe carbone ». Chacun le sait, parmi les principaux gaz à effet de serre, on trouve effectivement le CO2, puis le méthane. En s’attaquant au carbone, on vise déjà ces deux-là. On s’attaquera peut-être ensuite au protoxyde d’azote, en créant, qui sait, une « proto-taxe ». (Sourires.) Pour le méthane, on inventera peut-être une « métha-taxe ». (Nouveaux sourires.) Il restera enfin l’ozone et, plus compliquée, la vapeur d’eau, qui ne sont pas concernées par la taxe carbone.
On le voit bien, parmi l’ensemble des gaz à effet de serre, nous nous intéressons d’abord à celui qui est le plus simple à appréhender, à savoir le CO2.
Pour éviter toute confusion et afin que personne ne puisse penser que notre groupe souhaite porter atteinte à la conception française de l’utilisation et de la production de l’énergie, nous retirons l’amendement n° I-445.
M. le président. L’amendement n° I-445 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, j’ai le sentiment que la discussion progresse.
Je souhaite toutefois vous rendre attentifs à un éventuel problème d’ordre constitutionnel, évoqué par Mme Fabienne Keller à la page 47 de son excellent rapport sur la fiscalité environnementale, sur l’instauration d’une contribution « climat-énergie », le fonctionnement et la régulation de quotas de CO2.
Notre collègue écrit en effet : « Dans sa décision du 28 décembre 2000, le Conseil constitutionnel avait ainsi censuré l’article 37 de la loi de finances rectificative pour 2000 qui étendait la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, à la production d’électricité.
« Le Conseil avait en effet considéré que l’objectif assigné à la taxe était “de renforcer la lutte contre l’effet de serre” et “qu’en raison de la nature des sources de production de l’électricité en France, la consommation d’électricité contribu[ait] très faiblement au rejet de gaz carbonique et permet[tait], par substitution à celle des produits énergétiques fossiles, de lutter contre l’effet de serre.” Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel avait jugé la différence de traitement imposée à la production électrique sans rapport avec l’objectif d’intérêt général assigné à la TGAP, et contraire au principe d’égalité devant l’impôt. »
Par conséquent, si nous votions une contribution climat-énergie, nous risquerions d’être en difficulté, compte tenu de ce que sera vraisemblablement le dispositif. Dans ces conditions, il me paraît sage de renoncer, en tout cas momentanément, à ces termes.
De surcroît, pour l’électricité, ce pourrait être en quelque sorte la double peine. En effet, si elle provient pour partie des éoliennes et du photovoltaïque – les kilowattheures produits sont alors achetés hors prix par EDF pour environ 1 milliard d’euros –, elle nécessite également de recourir accessoirement au charbon, au gaz ou au pétrole et, dans ce cas, elle sera déjà sous quotas.
Nous aurions peut-être gagné à débattre du titre de cette taxe ou contribution après en avoir voté le contenu. Comme, selon toute vraisemblance, nous nous contenterons de la lutte contre l’émission de CO2, il faut retenir le terme « carbone ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Notre souci étant de trouver une appellation aussi synthétique que possible, pourquoi ne pas opter pour « contribution carbone », mes chers collègues ?
Le mot « contribution » évoque une action volontaire liée à la citoyenneté, alors que le terme « taxe » revêt une dimension passive, voire punitive. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About. Vous êtes devenu centriste ! Rejoignez-nous !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avec le temps, je me suis acclimaté à cette maison, cher Nicolas About. (Sourires.)
Nous avons déjà substitué l’appellation « cotisation complémentaire » à celle de « taxe professionnelle ». Cela nous ferait donc un deuxième « CC » ! (Nouveaux sourires.)
Mais il faudrait qu’un amendement soit déposé en ce sens.
M. Nicolas About. Nous pourrions peut-être rectifier le nôtre !
M. le président. C’est impossible, monsieur About ; cet amendement a été retiré.
M. Nicolas About. Tel le phénix, il pourrait renaître de ses cendres…
M. le président. Monsieur Muller, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur général ?
M. Jacques Muller. J’entends que la « taxe » devient « contribution ». C’est un bon signal, de même qu’il est intéressant de conserver le terme « carbone ».
En revanche, il est bien dommage d’enlever le mot « énergie ». (Protestations amusées sur les travées de l’UMP.) Je propose donc de remplacer « contribution climat-énergie » par « contribution énergie carbone ».
M. Gérard Longuet. Non, pas l’énergie !
M. Jacques Muller. Monsieur le président, moi, j’ai fait un pas...
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° I-247 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, et ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
taxe carbone
par les mots :
contribution énergie carbone
II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans l'ensemble de l'article.
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Puisque la commission en a la possibilité, monsieur le président, elle sous-amende l’amendement n° 247 rectifié, pour faire disparaître la mention de l’énergie, de sorte que la « contribution énergie carbone » de M. Muller devienne la « contribution carbone ». (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° I-550, présenté par M. Arthuis, au nom de la commission des finances.
Il est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer le mot :
énergie
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je m’en remets à la sagesse de cette assemblée, qui a été particulièrement bien éclairée par l’excellent rapport de Mme Keller. Je remarque que, tout à l’heure, en voulant « réconcilier les points de vue », elle a marqué sa préférence pour l’appellation « taxe carbone ».
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° I-247 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Tous les amendements et sous-amendements encore en discussion seront donc rectifiés en tant que de besoin.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-415 rectifié, présenté par Mme Keller, MM. Le Grand et Richert, Mme Sittler et M. Grignon, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
pour l'année 2010
II. - Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les tarifs de la contribution carbone sont révisés à la hausse chaque année de telle sorte qu'ils atteignent un prix de la tonne de C02 compatible avec les objectifs quantifiés de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui figurent à l'article 2 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.
III. - Alinéa 22, deuxième phrase
Remplacer les mots :
l'évolution de son taux
par les mots :
le rythme d'augmentation de son taux sur une base pluriannuelle
La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Il s’agit d’inscrire dans l’article 5 le principe d’une augmentation progressive des tarifs de la contribution carbone, pour la rendre compatible avec les objectifs de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Après avoir hésité à indiquer une progression chiffrée dans cet amendement, j’ai finalement renoncé. Nous avons tous en tête le rapport Quinet, qui fixe un objectif de 100 euros par tonne de CO2 en 2030. Pour autant, faut-il que la contribution augmente du même montant chaque année, ou que sa progression soit exprimée en pourcentage ? Il est probablement trop tôt pour le déterminer.
En revanche, il me semble important d’indiquer dès à présent dans la loi que le prix de référence de 17 euros, loin d’être immuable, constitue au contraire une base de départ qui progressera fortement dans les prochaines années, de manière à envoyer le bon signal à l’ensemble des acteurs qui auront à payer cette contribution carbone.
M. le président. L'amendement n° I-251, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 3 insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les tarifs du tableau ci-dessus sont revalorisés, jusqu'en 2030, de 9,26 %.
II. - En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Le crédit d'impôt forfaitaire prévu à l'article 200 quindecies du code général des impôts est majoré chaque année, jusqu'en 2030, en proportion du produit supplémentaire de la taxe perçue sur les ménages en application du I.
La disposition de l'alinéa précédent n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Nous retirons cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-251 est retiré.
L'amendement n° I-252 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, un nouveau tableau de perception sera présenté indiquant les différents tarifs applicables selon une progression linéaire de 4,15 euros par an du prix de la contribution carbone afin de parvenir à l'objectif de 100 euros en 2030. »
II. - En conséquence, compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
... - Le crédit d'impôt forfaitaire prévu à l'article 200 quindecies du code général des impôts est majoré chaque année, jusqu'en 2030, en proportion du produit supplémentaire de la taxe perçue sur les ménages en application du I.
.... - La disposition du paragraphe précédent n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû. »
... - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Si l’objectif est de parvenir à 100 euros par tonne de carbone en 2030, il me semble nécessaire de déterminer le cadre dans lequel se déroulera la progression de cette contribution, à partir de son point de départ fixé, lui, à 17 euros.
Dans cet amendement, nous optons pour une augmentation linéaire, clairement identifiée, de 4,15 euros par an.
M. Michel Charasse. C’est une injonction au Gouvernement ! Elle est irrecevable !
M. Jacques Muller. Pourquoi ne pas exprimer cette progression sous la forme d’un pourcentage, m’objectera-t-on ? Il s’agit tout simplement de ne pas reporter nos responsabilités sur les gouvernements et les contribuables futurs.
L’augmentation linéaire permet aux ménages comme aux entreprises d’avoir une vision très claire du prix du carbone dans les années à venir.
Proportionnellement, l’augmentation sera certes plus lourde la première année, mais son poids décroîtra proportionnellement avec le temps. Cette méthode est, me semble-t-il, de nature à contribuer au succès de notre démarche.
Pour peu qu’on leur explique qu’il est impossible de reporter sur les générations suivantes nos engagements en matière d’énergie, de carbone ou de climat, nos concitoyens comprendront parfaitement cette démarche. Nous devons prendre nos responsabilités dès aujourd’hui.
M. le président. L'amendement n° I-339, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 3, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les tarifs du présent tableau sont revalorisés, chaque année, pour atteindre en 2030 le tarif de 100 € par tonne de CO2. »
II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« III. - Le crédit d'impôt forfaitaire prévu à l'article 200 quindecies du code général des impôts est majoré chaque année, jusqu'en 2030, en proportion du produit supplémentaire de la taxe perçue sur les ménages en application du I.
« L'alinéa précédent n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû. »
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement vise également à fixer un niveau prévisible de taxation du carbone, afin d’atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé.
Je voudrais tout de même rappeler que le montant de 17 euros, qui figure dans ce projet de loi de finances, provient d’un arbitrage rendu par le Premier ministre – pardon, par le Président de la République ! –, dans le but de mettre un terme à la cacophonie gouvernementale…
On l’a oublié, mais le ministre chargé de l’écologie, M. Borloo, voulait un prix élevé, conformément à la position de la commission Quinet, qui avait préconisé un tarif de 32 euros par tonne, et de la commission Rocard, qui était encore plus ambitieuse. De son côté, le ministre des comptes publics, M. Woerth, souhaitait un prix le plus bas possible, compris entre 10 euros et 15 euros.
Le Président de la République a tranché, en s’alignant peu ou prou sur le prix du marché, qui se situe actuellement aux alentours de 12 ou 13 euros par tonne. Mais, dans cette période de crise économique, le prix d’échange des quotas de carbone sur le marché est logiquement très faible, sans oublier l’effet du plan national présenté par la France à Bruxelles, très généreux à l’égard des entreprises, qui fausse la donne.
C’est une erreur à notre sens de ne pas afficher des ambitions à long terme, et de s’en remettre à une commission dite « verte », dont on ne connaît pas encore précisément la composition, pour la fixation du prix du carbone, et donc celui de la taxe, dans les années à venir.
On peut certes réunir des experts au sein d’une commission ; ces derniers peuvent faire des propositions, mais c’est tout de même au Parlement de fixer les orientations.
C’est pourquoi nous souhaitons inscrire dans la loi l’objectif chiffré de 100 euros, afin de pouvoir nous y reporter chaque année.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. À titre personnel, j’ai toujours considéré qu’une loi de finances devait être annuelle. En la matière, je n’aime guère la pluriannualité, ni les lois de programmation. Tout ce qui pourrait aliéner la liberté du législateur dans le domaine budgétaire me paraît dangereux.
Enjoindre au Gouvernement de faire progresser la contribution de tel ou tel montant chaque année n’est pas de bonne méthode. Les circonstances pourraient nous contraindre à revenir sur ce que l’on affiche aujourd’hui.
C’est dans cet état d’esprit que j’aborde à titre personnel vos initiatives, chers collègues, mais la commission se déterminera, elle, de façon définitive sur ces amendements après avoir entendu l’avis du Gouvernement.
Il n’est toutefois pas équivalent de se contenter d’exprimer un objectif à un horizon défini et de prévoir un taux ou un montant impératif d’augmentation année par année.
Dans la gradation que présentent ces amendements, la préférence irait naturellement à celui de Fabienne Keller.
Cependant, l’objectif peut s’exprimer de différentes manières. Dans l’amendement n °I-415 rectifié, et par référence directe à la loi du 3 août 2009, ou Grenelle I, on s’exprime en objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, donc moins 20 % d’ici à 2020, ou moins 30 % dans certaines conditions. Je crois que c’est la formulation la plus proche de celle qui a déjà été adoptée par le législateur.
Quant à l’amendement n °I-339, il assigne à notre pays un objectif à l’horizon non pas 2020 mais 2030, et un objectif quantitatif puisque la contribution devrait atteindre 100 euros par tonne de dioxyde de carbone.
Ce sont donc des choix sensiblement différents sur lesquels le Gouvernement, je n’en doute pas, va pouvoir nous éclairer.
M. le président. Madame la ministre, pouvez-vous donc éclairer M. Marini par votre avis ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Il est bien souvent la lumière lui-même, je ne suis pas sûre qu’il ait besoin de mes éclairages ! (Exclamations amusées.)
Sur ces différents amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable.
D’abord, nous prévoyons dans l’exposé des motifs la référence à la date de 2030 et à ce signal-prix dont nous supposons aujourd'hui qu’il devra atteindre 100 euros en 2030.
Mme Nicole Bricq. Nous sommes tous d’accord !
Mme Christine Lagarde, ministre. Oui, nous sommes tous d’accord, mais soyons clairs : ce n’est pas l’objectif de 100 euros en soi qui est déterminant ; ce montant n’est qu’un moyen pour atteindre l’objectif. Or c’est l’objectif lui-même qui comptera.
M. Michel Charasse. Que vaudra l’euro à ce moment-là ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Et où en sera le pacte de stabilité ?
Mme Christine Lagarde, ministre. M. Charasse a raison, ce que sera la valeur de l’euro à ce moment-là, par rapport à un certain nombre d’autres devises, est une question que nous pouvons nous poser. C’est une première observation.
Ensuite, surtout, si notre mécanisme est efficace et si le signal-prix fonctionne de manière rigoureuse et rapide, nous pouvons tout à fait imaginer ne pas avoir besoin d’atteindre ce seuil de 100 euros.
À l’inverse, mais dans la même logique, si notre mécanisme ne fonctionne pas correctement, et que nous sommes obligés d’adopter d’autres moyens, d’utiliser d’autres techniques, et probablement d’accélérer le processus, il faudra alors que le législateur puisse, chaque année, réajuster le tir. Il devra, dans ce cas, fixer un seuil en fonction du degré de réalisation de nos objectifs, qui sont, je vous le rappelle, ce fameux facteur 4 à atteindre d’ici à 2050 sur le plan national, ou le moins 21 % d’ici à 2020 sur le plan européen.
Ce sont les objectifs qui comptent, la façon dont les outils vont nous permettre de les atteindre. Imposer d’emblée un mécanisme cadenassé qui prévoirait nécessairement ce rendez-vous annuel, ou une augmentation proportionnelle, ou encore une augmentation d’un prix en valeur absolue n’est pas la bonne méthode.
Nous devons avant tout indiquer à titre d’exposé des motifs ce vers quoi nous tendons, toutes choses égales par ailleurs et en l’état de l’examen de la situation, et ce sans nous lier les mains.
J’ajouterai que certains des amendements présentés ne sont peut-être pas parfaitement constitutionnels dans la mesure où la Constitution ne prévoit pas qu’un texte de loi puisse contenir des injonctions au Gouvernement.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. À la lumière de l’avis du Gouvernement, quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je crois qu’il serait préférable de retirer ces amendements. J’espère que cet appel sera entendu.
M. le président. L’amendement est-il maintenu, madame Keller ?
Mme Fabienne Keller. Madame la ministre, j’entends bien vos arguments. Cependant, l’efficacité même de cette contribution dépend du schéma de progression que les acteurs économiques perçoivent aujourd’hui.
Bien sûr, l’échéance de 2030 semble éloignée, mais l’amendement que je propose, en fixant non pas le chemin précis mais l’objectif, donne une indication claire sur l’orientation, ce qui est de nature à justifier, pour les entreprises, des investissements, et à inciter les particuliers à limiter leurs émissions de carbone.
En fixant simplement l’objectif de 2030, nous arrivons à un bon compromis. Une projection trop longue ne serait peut-être pas raisonnable si elle était trop précise, mais nous devons apporter des précisions, indiquer dès aujourd’hui qu’il y a une volonté politique forte et quantifiée. Je n’ignore pas toute l’imperfection d’une projection à vingt ans, mais elle présente cependant l’avantage de permettre de valider les conclusions du rapport Quinet.
Cette solution garantit un bon équilibre entre les deux positions qui consisteraient, l’une, à en faire trop en étant trop précis, l’autre, à ne rien faire du tout, au nom du dogme de l’annualité budgétaire.
M. Michel Charasse. C’est un principe !
Mme Fabienne Keller. Mais nous avons tous besoin d’orientations budgétaires, sinon nous ne saurions jamais où nous allons !
Cette clarté dans l’orientation générale, les marchés en ont besoin s’agissant de la contribution énergie carbone. Un éclaircissement du même type serait également nécessaire pour les marchés de quotas, sous le régime de la directive européenne.
Il n’y a donc pas de contradiction. Donner une orientation qui précise le texte tout de même très littéraire du Grenelle de l’environnement me semble ici indispensable.
C’est pourquoi je maintiens mon amendement. Je propose même à la commission des finances de revoir encore son dernier avis. (Sourires.)
M. le président. L’amendement est-il maintenu, madame Bricq ?
Mme Nicole Bricq. Mme Keller a dit fort opportunément qu’il fallait fixer un objectif. Il se trouve que notre amendement, à la différence du sien, est chiffré et qu’il se révèle, de ce fait, gênant.
Je vais donc faire preuve de bonne volonté, et envisager le retrait de l’amendement du groupe socialiste. J’appellerai mon groupe à voter en conséquence l’amendement de Mme Keller.
M. le rapporteur général n’aime pas les lois de programmation. Je l’invite à se rappeler ce qui a été fait avec la taxe professionnelle, pour reprendre encore une fois cette récente référence. En effet, l’amendement de Mme Keller non seulement ne fixe pas d’horizon chiffré, mais parle de l’avenir, et pas de la loi de finances pour 2010.
À l’instar de son arbitrage sur la suppression de la taxe professionnelle, M. le rapporteur général aurait donc pu considérer que cet amendement n’avait pas d’incidence sur l’équilibre budgétaire pour 2010 et proposer de réexaminer la question en deuxième partie.
Si nous ne fixons pas d’objectif et que nous restons sans cap, vous pouvez être sûrs que les étapes ne seront pas franchies et que nous ne serons pas au rendez-vous.
Pour l’heure, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n °I-339 est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° I-252 rectifié, monsieur Muller ?
M. Jacques Muller. Nous allons également retirer notre amendement au profit de celui de Mme Keller, et ce d’autant plus que le prix de départ affiché est beaucoup trop bas. À 17 euros par tonne, nous n’inciterons ni les entreprises, ni les ménages à changer de comportement !
Fixer un objectif calé sur le message du Grenelle de l’environnement est tout à fait essentiel. Les entreprises doivent pouvoir anticiper le prix du carbone et savoir que ces tarifs sont susceptibles d’être ajustés à la hausse, tout simplement parce que l’énergie se doit d’être économisée.
Je voudrais insister sur ce point : les efforts doivent être faits le plus tôt possible, car nous n’avons qu’une dizaine d’années pour inverser la courbe d’émission des gaz à effet de serre.
Nous retirons notre amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n °I-252 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Pour la bonne compréhension de nos collègues, permettez-moi de rappeler que l’amendement n °I-415 rectifié, qui est défendu avec beaucoup d’efficacité et de conviction par notre collègue Mme Keller, ne comporte en réalité pas de référence chiffrée dans son dispositif.
Il renvoie aux objectifs quantifiés de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui figurent à l’article 2 de la loi du 3 août 2009. Nous pouvons donc le considérer comme étant de coordination avec cette loi, qu’il incorpore en loi de finances.
D’ailleurs, à la limite, la démarche pourrait paraître vertueuse. Si M. Woerth était présent, il retrouverait ici un débat que nous avons eu ensemble à différentes reprises, et que nous pouvons résumer par l’interrogation suivante : une disposition de nature financière ou fiscale ne doit-elle pas être confirmée par la plus prochaine loi de finances ?
À cet égard, et même s’il s’agit d’un objectif non financier, mais physique ou économique, c’est la démarche à laquelle nous sommes conviés. L’objectif en question figure dans une loi sectorielle, et il nous serait demandé de l’inscrire dans une loi de finances, comme un point de fuite à l’horizon.
Une question subsiste néanmoins. L’amendement prévoit que les tarifs de la contribution carbone sont « révisés à la hausse chaque année ». Mais comment savoir si cette option ne sera pas erronée une année donnée ? Je ne sais pas si de bons augures du marché pétrolier sont ici, mais dans l’hypothèse où, une année, il y aurait une forte fluctuation à la baisse du prix du baril, faudra-t-il vraiment cette année-là se contraindre à réviser à la hausse ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Comme je ne maîtrise pas ces problématiques et que je ne veux pas « excéder ma condition », je m’interroge sur ce « révisés à la hausse ».
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Rappelons le sens de cette contribution carbone : il s’agit de fixer la valeur des externalités, c’est-à-dire de tout ce que coûte l’utilisation d’énergie, en termes de contribution à l’effet de serre, mais pas uniquement. Il n’y a pas de marché pour cela. Donner une valeur à ces externalités revient à en évaluer l’impact, ce qui aujourd’hui n’est pas effectué de manière parfaite d’un point de vue strictement économique.
En tout état de cause, cet impact n’est en aucun cas positif, et donc, monsieur le rapporteur général, la révision doit nécessairement se faire à la hausse.
L’autre idée forte serait d’anticiper la demande sans cesse croissante d’autres grandes régions du monde en plein développement, notamment la Chine et l’Inde, dont les effets seront sinon inéluctablement subis par notre pays.
En anticipant la hausse du prix du pétrole et en recyclant le produit de la contribution dans des investissements qui nous donnent les moyens de limiter le pompage sur ce marché de l’énergie, nous pourrions alors limiter les tensions dont les effets sur nos économies seraient assez dévastateurs si elles étaient gérées de manière passive.
Ces externalités auront donc malheureusement toujours une valeur croissante, monsieur le rapporteur général. Et nous inclinons à penser qu’elles sont d’ailleurs pour l’instant extrêmement sous-évaluées.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
Mme Fabienne Keller. Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, estime dans son rapport que le réchauffement climatique aura pour conséquence mécanique la perte chaque année de cinq à dix points de croissance d’ici à 2050.
L’ampleur des conséquences attendues est donc tout à fait considérable.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je suis très sensible aux arguments de Mme Keller sur le coût des externalités qui, aujourd’hui, n’est pas pris en compte. Mais nous pouvons imaginer, puisque nous nous situons sur une échelle de temps relativement longue – elle est certes courte au regard des dégâts engendrés par nos comportements, mais demeure assez longue néanmoins - qu’un meilleur fonctionnement du marché se mette en place.
Sachant que l’offre et la demande vont considérablement évoluer au fil des années, le marché pourrait prendre en compte les externalités de manière plus satisfaisante.
Pour des raisons purement sociales devenant elles aussi un impératif, le Gouvernement pourrait être amené, un jour, en 2017 ou en 2018, par exemple, non pas forcément à réviser à la hausse, mais à réviser à la baisse pour une année donnée…
Mme Nicole Bricq. Mais c’est une fable, enfin !
Mme Christine Lagarde, ministre. Non, ce n’est pas une fable, madame Bricq. On peut parfaitement imaginer que les externalités soient prises en compte dans le cadre du mécanisme de fixation du prix de l’offre et de la demande ! Ce n’est pas totalement exclu.
Mme Nicole Bricq. Personne ne croit cela !
Mme Christine Lagarde, ministre. Si donc votre amendement devait être maintenu - je le regretterais, mais je comprends qu’il risque de l’être - je vous encouragerais à retirer les mots « à la hausse » pour conserver uniquement la mention « révisés », car nous ne pouvons préjuger des impératifs futurs en ce domaine.
Mme Nicole Bricq. Non !
Mme Christine Lagarde, ministre. Et ce n’est pas du tout une façon de faire marche arrière. L’objectif est affiché très explicitement dans l’exposé des motifs, et je pense que l’on communique de manière très claire en direction du public : il s’agit d’atteindre d’ici à 2030 une réduction de 21 % de nos émissions de gaz à effet de serre en vertu de nos engagements européens, et de diviser ces émissions par quatre en application de la loi du mois d’août 2009.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Je ne suis pas une spécialiste de ces problématiques particulières, mais nous savons tous pertinemment que la fixation à 17 euros par tonne de dioxyde de carbone constitue un point bas. La vérité nous oblige à dire à nos concitoyens que, partant de si bas, le tarif augmentera inévitablement, ce que nos débats démontrent amplement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Je souscris pleinement à l’argumentation de Mme Keller. Contrairement à ce que nous disait tout à l’heure Mme la ministre, le marché n’a pas la réputation d’intégrer spontanément les externalités dont se défaussent les entreprises.
Aujourd’hui, il est du devoir et de la responsabilité des pouvoirs publics d’intégrer eux-mêmes les externalités qu’ils supportent par ailleurs. Ce que nous n’intégrons pas dans le prix, nous le supportons à travers le budget général et à travers d’autres dépenses.
Il est essentiel de consacrer dans la loi la progression de la contribution carbone, et ce d’autant plus que son niveau de départ a été fixé à un niveau excessivement bas.
Monsieur le rapporteur général, vous suggériez de revoir éventuellement la contribution carbone en cas de baisse importante du prix du pétrole. Au contraire ! il faudra en profiter pour prendre un peu d’avance. En la matière, il me semble difficilement concevable de définir une politique à moyen et à long terme en fonction des variations erratiques du prix du pétrole.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je souhaite que nous nous en tenions à la rédaction proposée par le Gouvernement, qui me paraît tout à fait réaliste.
Je rappelle que cette contribution carbone est une création franco-française, dont l’objectif est de montrer la bonne volonté de notre pays. Toutefois, dans cette bonne volonté, la France ne doit pas être durablement solitaire, et il importe de laisser au Parlement, dans le cadre des lois de finances, la capacité d’adapter cette contribution en fonction de ce que commande l’intérêt de l’Europe et du monde.
Quand on parle d’externalités, il faut faire preuve d’une très grande modestie. Sans doute le dioxyde de carbone contribue-t-il au réchauffement de la planète. Cela dit, je rappelle que l’énergie a permis le développement des transports, a permis à des régions entières d’échapper à l’isolement et, donc, à la famine, grâce à la mécanisation de l’agriculture. Enfin, n’oublions pas que la circulation des idées, des hommes, des biens et des services est à la base du développement mondial.
Aussi, il faudrait arrêter de considérer que le dioxyde de carbone est à l’origine de tous nos maux et que, par définition, le progrès doit être pénalisé. Cessons d’ouvrir, à l’occasion de l’examen de chaque amendement, un débat d’ensemble que les Grenelle I et II n’ont pas épuisé.
Tenons-nous en modestement à ce niveau de contribution et, parce que notre pays est à l’initiative de négociations internationales dont il n’a cependant pas l’exclusivité, restons prudents en conservant une visibilité d’ensemble de manière que la France aille au rythme des autres pays européens. (M. Adrien Gouteyron applaudit)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’abstiendrai de voter l’amendement de Mme Keller, même si je reconnais les grands mérites de notre collègue, son imagination et le travail qu’elle a fait, notamment au sein de la commission des finances.
Parce que, ou bien ce texte est purement déclaratif, il n’est donc pas normatif, et c’est une pétition de principe qui n’a pas sa place dans la loi ; ou bien c’est une injonction au Gouvernement pour que celui-ci inscrive dans les futures lois de finances les dispositions qu’il exige, et c’est inconstitutionnel !
Et quand on dit, en plus, qu’il faudra au moins atteindre tel prix pour la tonne de CO2, cela conduit à introduire dans la loi une disposition qui lie les mains du Parlement. Or le Conseil constitutionnel, dans plusieurs décisions, a dit que le législateur ne pouvait pas se lier lui-même les mains et que ce type de dispositions était inopérant, car sans effet réel.
Voilà pourquoi je ne prendrai pas part au vote, en le regrettant vivement auprès de Mme Keller.
Ce n’est pas parce que l’on est écolo que l’on est autorisé à écrire n’importe quoi !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-415 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-250, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau
Désignation des produits |
Indices d'identification du tableau B de l'article 265 |
Unité de perception |
Tarif (en euros) |
White Spirit |
4 bis |
Hectolitre |
7,57 |
Essences et super-carburants utilisés pour la pêche |
11, 11 bis et 11 ter |
Hectolitre |
1,94 |
Essences et super-carburants (hors usage pour la pêche), autres huiles légères, sauf carburéacteurs et essence d'aviation |
6, 11, 11 bis, 11 ter, 15 et 55 |
Hectolitre |
7,74 |
Essence d'aviation |
10 |
Hectolitre |
7,4 |
Pétrole lampant, carburéacteurs autres huiles moyennes |
13, 13 bis, 13 ter, 15 bis, 16, 17, 17 bis, 17 ter, 18 |
Hectolitre |
8 |
Huiles lourdes, fioul domestique |
20, 21 |
Hectolitre |
8,51 |
Gazole : utilisé pour la pêche Autres |
22 |
Hectolitre |
2,13 8,51 |
Fioul lourd |
24 |
100 kg net |
9,98 |
Gaz de pétrole liquéfiés |
30 bis, 30 ter, 31 bis, 31 ter, 33 bis, 34 |
100 kg net |
9,11 |
Gaz naturel à l'état gazeux |
36, 36 bis |
100 m3 |
6,87 |
Émulsion d'eau dans du gazole |
52, 53 |
Hectolitre |
7,4 |
Gaz naturel repris aux codes NC 2711-11 et 2711-21 de la nomenclature douanière, utilisé comme combustible |
mégawatheure |
5,91 |
|
Houilles, lignites et cokes, repris aux codes NC 2701, 2702 rt 2704 de la nomenclature douanière |
mégawatheure |
11,73 |
|
Déchets ménagers et assimilés destinés à l'incinération ou à la coincinération |
mégawattheure |
7,8 |
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à fixer à 32 euros par tonne le montant de la contribution carbone. Un tel montant a été proposé tant par la commission Quinet et le Centre d’analyse stratégique que par la commission Rocard.
Dans ses conclusions, le comité d’experts présidé par M. Rocard rappelle que « l’Europe a pour objectif d’ici 2020 de réduire de 21 % ses émissions […] dans les secteurs couverts par le système communautaire d’échange de quotas d’émission et que la France a pour objectif de réduire de 14 % ses émissions dans les secteurs hors quotas. Avec une valeur de CO2 fixée au départ à 32 euros la tonne et croissant dans le temps pour viser 100 euros la tonne en 2030, la CCE contribuerait pour une large part au respect de ces objectifs environnementaux, notamment dans les secteurs à émissions diffuses ».
Le signal-prix doit être suffisamment clair pour modifier les comportements des agents économiques. À moins de 32 euros la tonne, il est peu vraisemblable que cette contribution ait un impact significatif.
Le contre-exemple allemand est là pour nous éclairer : l’Allemagne a instauré une taxe carbone sous-évaluée, qui n’a pas produit d’effets sensibles sur la consommation et qui se trouve aujourd’hui contestée.
A contrario, la Suède, qui a fixé le montant de sa taxe à 80 euros par tonne dès le début des années quatre-vingt-dix, a obtenu les meilleurs résultats en Europe en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Nous devons tenir compte de la réalité, en l’occurrence de la manière dont les agents économiques réagissent au signal-prix.
Si nous voulons pouvoir faire des propositions fortes lors de la conférence de Copenhague, nous ne pouvons pas descendre en deçà de ce prix.
Aussi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-337, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3, tableau, première colonne
À la quatrième ligne, supprimer les mots :
, sauf carburéacteurs et essence d'aviation
II. - Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Bien sûr, depuis que l’on parle de taxe carbone, puis de contribution climat énergie, et, maintenant, de contribution énergie, il ne manque pas de secteurs économiques pour demander des abattements ou des exonérations.
Il est une exonération à laquelle nous nous opposons depuis longtemps, celle dont bénéficierait le carburant utilisé par les avions.
En effet, le transport aérien profite déjà d’une exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers, qui coûte, rappelons-le, 3,5 milliards d’euros par an au budget de l’État.
M. le président de la commission parlait tout à l’heure de double peine ; il s’agirait là plutôt d’un double bonus !
Si la mise en place de cette exonération, dans les années vingt, pour favoriser le développement et l’utilisation de l’avion, était légitime, elle a, de nos jours, largement perdu de sa justification et ne repose sur aucune motivation environnementale.
Aujourd’hui, le Gouvernement propose de renforcer cet avantage donné au transport aérien en l’exonérant également de la contribution carbone.
Cette exonération va à l’encontre du but même de la contribution. Le transport aérien représente le mode de déplacement le plus polluant, et participe ainsi, de manière importante, au renforcement de l’effet de serre.
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, pour un voyage de mille kilomètres, une voiture moyenne émet 143,9 kilogrammes de dioxyde de carbone, un TGV seulement 14 kilogrammes, soit dix fois moins, mais un avion affiche un bilan de 205 kilogrammes ! Personne ne peut donc nier l’effet du transport aérien sur l’environnement.
Cette exonération est d’autant plus difficile à comprendre qu’elle va à l’encontre des conclusions du Grenelle de l’environnement, lequel propose « d’établir le vrai coût du transport aérien ».
Certains nous opposeront les contraintes européennes, notamment la directive de 2003 qui fixe les règles de taxation applicables aux accises. Si c’est un argument dirimant, et vous nous le rappelez tous les ans, reconnaissez au moins qu’il y a un vrai problème et que l’on ne peut continuer à consentir un avantage indu à l’avion au détriment des autres modes de transport, bien moins émetteurs de dioxyde de carbone.
À défaut de la contribution carbone, il est indispensable d’imaginer un autre système qui permette au transport aérien de payer ses externalités négatives.
Pour notre part, nous ne pouvons admettre l’argument, que vous nous opposez souvent, de la concurrence internationale : il ne faudrait rien faire qui puisse gêner les compagnies françaises... Permettez-moi de vous rappeler que, voilà quelques années, alors que le Président de la République de l’époque voulait instituer une nouvelle taxe sur les billets d’avion, y compris sur les vols internationaux, on ne s’était pas gêné pour le faire ! Et vous l’avez votée, chers collègues !
Encore une fois, si nous voulons vraiment que la contribution carbone remplisse ses objectifs et que le message envoyé reste lisible et juste, il est indispensable d’y soumettre le transport aérien, au moins jusqu’en 2012. Après cette date sera mis en place le système communautaire d’échange de quotas d’émission.
Aussi, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-271, présenté par M. P. Dominati, Mlle Joissains et M. Revet, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3, tableau, deuxième colonne
À la quatrième ligne, remplacer les références :
, 15 et 55
par la référence :
et 15
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-140 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3, tableau, septième ligne
Remplacer cette ligne par deux lignes ainsi rédigées :
Huiles lourdes, fioul domestique (hors usage pour le transport fluvial de marchandises) |
20, 21 |
Hectolitre |
4,52 |
Fioul domestique utilisé pour le transport fluvial de marchandises |
21 |
Hectolitre |
2,92 |
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant, pour l'État, de l'instauration d'un tarif réduit de contribution carbone au bénéfice du transport fluvial de marchandises sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le présent amendement a pour objet de diminuer de 35 % le tarif de contribution carbone applicable au fioul domestique utilisé pour le transport fluvial de marchandises, et ce afin d'aligner le niveau de cette contribution sur celui qui sera applicable au transport routier de marchandises.
L'article 11 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement souligne le caractère prioritaire du développement du transport fluvial. Il pose la nécessité d'opérer un vaste mouvement de report modal vers les secteurs non routier et non aérien, ainsi que de soutenir la création d'entreprises de batellerie et la modernisation de la flotte fluviale.
Il est donc quelque peu paradoxal d’afficher des objectifs aussi ambitieux tout en octroyant à la route un régime dont le transport fluvial de marchandises serait privé.
Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de consentir au transport fluvial de marchandises une atténuation de contribution carbone au moins égale à celle dont bénéficie le transport routier.
M. le président. L'amendement n° I-395, présenté par MM. Grignon et Richert, Mme Sittler et M. Revet, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 3, tableau, septième ligne
Remplacer cette ligne par deux lignes ainsi rédigées :
Huiles lourdes, fioul domestique (hors usage pour le transport fluvial de marchandises) |
20, 21 |
Hectolitre |
4,52 |
Fioul domestique utilisé pour le transport fluvial de marchandises |
21 |
Hectolitre |
2,26 |
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° I-248 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3, tableau
Compléter ce tableau par la ligne suivante :
Électricité |
Mégawattheure |
5,91 |
II. - En conséquence, après l'alinéa 15, insérer l'alinéa suivant :
« Sont exonérés de la contribution carbone les distributeurs d'électricité d'origine exclusivement solaire, éolienne, houlomotrice, marémotrice ou géothermique, hydraulique produite dans des installations hydroélectriques ou bien produite à partir de la biomasse ou de produits issus de la biomasse. »
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à inclure l’électricité, au même titre que toutes les autres sources d’énergie, dans l’assiette de la contribution carbone.
Avec la contribution carbone qui nous est proposée, le Gouvernement se trompe et tente de tromper les Français.
Il se trompe lorsqu’il exclut l’électricité de l’assiette de cette contribution pour la – mauvaise - raison que le secteur nucléaire, qui est en effet la principale source de production d’électricité en France, n’émettrait pas de CO2.
Si l’on raisonne en termes de filière globale, de l’extraction à l’utilisation et au traitement des déchets, force est de constater que la filière est au contraire émissive. On voit aussi que la production nucléaire ne permet pas de récupérer la chaleur dégagée lors de la production d’électricité. Il faut constamment produire de l’énergie supplémentaire, notamment pour le chauffage. Tous les hivers, chacun le sait, la consommation des convecteurs électriques est telle que la France importe massivement de l’électricité produite par des centrales thermiques.
Les études se multiplient. Selon l’institut suédois d’ingénierie écologique, produire électricité et chaleur en cogénération permet d’émettre sept fois moins de gaz à effet de serre qu’un système énergétique nucléaire.
Selon le groupe de recherche d’Oxford, si la croissance se maintient à son rythme actuel, la filière nucléaire émettra en 2050 autant de gaz à effet de serre que les centrales au gaz les plus performantes. Il rappelle que le secteur nucléaire émet en moyenne 66 grammes de CO2 par kilowattheure en raison de l’usage d’énergies fossiles tout au long de la filière : l’extraction des minerais d’uranium représente 38 % des émissions de gaz carbonique du secteur, l’activité des centrales, 17 %, leur construction, 12 %, et le stockage des déchets, 15 %.
Récemment, le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, qui ne peut pas être soupçonné d’être un écologiste radical, affirmait avec force : « D’après moi, l’empreinte carbone de l’énergie nucléaire n’est pas si avantageuse que cela. Au vu des problèmes que pose l’industrie nucléaire, je pense qu’il faut se tourner, d’abord et avant tout, vers les énergies renouvelables. »
Cet amendement devrait permettre de mieux prendre en compte les spécificités des énergies renouvelables.
M. le président. L'amendement n° I-249 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3, tableau
Compléter ce tableau par la ligne suivante :
Électricité |
Mégawattheure |
3,14 |
II. En conséquence, après l'alinéa 15, insérer l'alinéa suivant :
« Sont exonérés de la contribution carbone les distributeurs d'électricité d'origine exclusivement solaire, éolienne, houlomotrice, marémotrice ou géothermique, hydraulique produite dans des installations hydroélectriques ou bien produite à partir de la biomasse ou de produits issus de la biomasse. »
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Il s’agit d’un amendement de repli qui se fonde sur l’hypothèse d’une contribution carbone de 17 euros.
M. le président. L'amendement n° I-336 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3, tableau
Compléter ce tableau par une ligne ainsi rédigée :
Électricité |
mégawattheure |
1,3 |
II. - Aux alinéas 2, 4, 5, 6, 16 et 22
Remplacer les mots :
taxe carbone
par les mots :
contribution carbone
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Faut-il, oui ou non, inclure l’électricité dans l’assiette de la contribution carbone ?
Il est vrai que la question est délicate. Nous nous souvenons tous de ce côté de l’hémicycle, et M. le président de la commission des finances l’a rappelé tout à l’heure, que le Conseil constitutionnel a censuré, en 2000, l’extension à l’électricité de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP.
En rappelant la nécessaire adéquation entre l’assiette et les finalités de la taxe, le Conseil constitutionnel avait à l’époque censuré ce dispositif considérant qu’il revenait à taxer l’électricité et les énergies renouvelables de la même manière que certaines énergies fossiles telles que le gaz naturel.
Il est vrai également que ce dispositif revenait à taxer l’énergie issue de sources renouvelables, alors qu’elle est à l’origine de moindres émissions de gaz à effet de serre.
Néanmoins, il faut savoir apprendre de ses erreurs. Et c’est précisément afin de ne pas reproduire les erreurs du passé que nous proposons de soumettre l’électricité à la contribution carbone, toujours sur la base d’un tarif de 17 euros par tonne de CO2, mais proportionnellement à la quantité de gaz à effet de serre qu’elle émet.
Nous vivons sur une planète fermée. Les ressources, tant fossiles que renouvelables – je pourrais évoquer l’eau –, ne sont pas inépuisables. Si nous voulons que les habitants de la planète Terre, qui seront bientôt sept milliards, auxquels il faudra ajouter deux milliards d’ici à 2050, puissent avoir accès aux ressources, il est indispensable que les pays fortement consommateurs réduisent leur consommation.
Inclure l’électricité dans l’assiette de la contribution carbone, c’est montrer que l’on veut assurer la transition d’une économie de gaspillage vers une économie sobre, plus solidaire envers les pays émergents et en développement.
C’était, me semble-t-il, l’ambition de la contribution « Climat-énergie » du Grenelle de l’environnement.
Lors de son audition par la commission des finances, M. Jean-Louis Borloo, chargé, entre autres, de l’écologie, avait précisé qu’il y aurait une réforme de la tarification de l’électricité fournie par EDF aux heures de pointe. Madame la ministre, est-il possible d’avoir des précisions sur les intentions du Gouvernement ?
Ne s’agit-il pas, une nouvelle fois, d’accorder un relèvement des tarifs, au reste maintes fois réclamé par la direction d’EDF, pour financer le développement et les investissements de l’entreprise sans aucune prise en compte des préoccupations environnementales ?
Mes chers collègues, si vous ne voulez pas une fois encore donner l’impression que le Grenelle de l’environnement reste lettre morte, si vous voulez montrer qu’il n’était pas qu’un simple outil de communication, vous voterez notre amendement, qui s’inscrit dans la droite ligne de la contribution « Climat-énergie » proposée à l’issue du Grenelle de l’environnement.
M. le président. L'amendement n° I-413, présenté par M. Guené, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3, tableau
Compléter ce tableau par une ligne ainsi rédigée :
Électricité repris au code NC 2716 de la nomenclature douanière |
mégawattheure |
10,2 |
II. - Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Concernant l'électricité, n'est prise en compte, dans des conditions prévue par décret, que la consommation en heure pleine des clients domestiques ayant souscrit un contrat de 9 kVA ou plus. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° I-414, présenté par M. Guené, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Compléter ce tableau par une ligne ainsi rédigée :
Électricité repris au code NC 2716 de la nomenclature douanière |
mégawattheure |
10,2 |
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° I-417, présenté par Mme Keller et M. Richert, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Compléter ce tableau par une ligne ainsi rédigée :
Electricité |
|
mégawattheure |
1,3 |
La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Cet amendement audacieux risque, j’en ai bien conscience, de surprendre puisqu’il vise à intégrer l’électricité dans l’assiette de la contribution carbone.
Cette proposition s’appuie sur les engagements du protocole de Kyoto que la France, avec d’autres pays européens, a consacrés, en décembre dernier, dans le cadre du paquet « Énergie climat ».
Permettez-moi de rappeler ces engagements résumés dans le fameux « trois fois vingt » : 20 % de baisse des émissions de gaz à effet de serre – c’est l’objet principal de la contribution créée par cet article – ; 20 % de baisse de la consommation totale d’énergie ; 20 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique.
La contribution qui nous est proposée n’intègre pas l’électricité parce que, nous dit-on, la production d’électricité n’émet pas de carbone, ce qui est au demeurant exact. Néanmoins, cette exclusion aboutira mécaniquement à déformer les prix entre énergies. Ce n’est pas, me semble-t-il, le bon signal à adresser aux acteurs économiques, et ce pour deux raisons majeures.
En premier lieu, cela encouragera l’utilisation de l’électricité pour le chauffage et, par voie de conséquence, accentuera l’effet de pointe en soirée et en période hivernale, ce qui n’est bien évidemment pas souhaitable.
En second lieu, il faut tenir compte de l’écobilan de la production d’électricité, qui a été brièvement évoqué tout à l’heure par M. Muller. L’électricité est une énergie noble, transportable. La « redégrader » en chaleur est tout à fait dommageable. Ce n’est pas un process équivalent.
Cet amendement, en intégrant l’électricité dans l’assiette de la contribution carbone, annule l’effet sur les prix relatifs des différentes énergies que ne manquerait pas d’avoir son exclusion.
Quand deux logements neufs sur trois sont livrés avec un mode de chauffage électrique – de quoi accentuer encore l’effet de pointe dont je parlais avec, à la clé, un très mauvais écobilan -, exclure l’électricité de l’assiette de la contribution carbone ne serait pas conforme à l’intérêt général bien compris.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer tout à l’heure, la commission n’est pas favorable à l’inclusion de l’électricité dans l’assiette de la contribution carbone, pour des raisons de principe et de politique énergétique.
Cet avis défavorable s’applique à tous les amendements qui, d’une manière ou d’une autre, tendent à inclure l’électricité dans l’assiette de la contribution carbone. La commission est solidaire des choix stratégiques faits par le Gouvernement dans ce domaine.
L’amendement n° I-250 est beaucoup trop ambitieux en matière de fixation des tarifs. Son application aboutirait à un quasi-doublement du tarif retenu pour la contribution carbone dès 2010. Compte tenu des difficultés de la conjoncture, la commission ne saurait préconiser une telle mesure.
Monsieur Frécon, l’amendement n° I-337, qui vise à soumettre les carburants utilisés par les aéronefs à la contribution carbone, est malheureusement – ou heureusement, je ne sais pas – contraire au droit communautaire et au droit international, notamment à l’article 24 de la convention de Chicago.
Par ailleurs, le transport aérien sera partie intégrante du système communautaire de plafonnement et d’échange de quotas d’émission de CO2 à compter du 1er janvier 2012.
Or on ne saurait cumuler le coût d’acquisition des quotas sur le marché et le versement de la contribution carbone. Ce serait en quelque sorte payer deux fois la même chose !
Pour cette double raison, la commission ne peut pas accepter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° I-250.
Le prix qui a été fixé est non pas le prix actuel du marché, mais, pour aller au plus simple, le point médian entre la cotation la plus haute et la cotation la plus basse sur marché BlueNext de la tonne de CO2.
Le taux de 17 euros nous paraît compatible avec nos objectifs de long terme. Au demeurant, il n’est pas nécessaire d’avoir un signal-prix d’emblée très élevé pour modifier de manière durable les comportements.
J’en veux pour preuve les résultats du bonus-malus automobile. Le bonus n’est pas très élevé. Il a pourtant produit un effet considérable sur le parc automobile français. On peut s’en réjouir ou le déplorer. Pour ma part, je m’en réjouis, au nom des producteurs automobiles.
Cet exemple montre que l’ampleur du signal n’est pas déterminante. Le taux médian de 17 euros peut parfaitement provoquer un changement de comportement des consommateurs.
En ce qui concerne l’amendement no I-337, je ne reprendrai pas l’argumentation de M. le rapporteur général de la commission des finances, avec qui je suis en parfait accord.
La convention de Chicago et l’application de la directive européenne à compter du 1er janvier 2012 ne me permettent pas d’accepter de soumettre les carburants destinés aux aéronefs à la contribution carbone.
L’amendement n° I-140 rectifié vise à prévoir un taux réduit de contribution carbone pour le fioul domestique utilisé pour le transport fluvial de marchandises. Cet amendement transpose, en quelque sorte, le régime que nous avons prévu dans le texte pour le transport routier de marchandises.
Monsieur le rapporteur général, je ne peux que vous inviter à retirer votre amendement. Le régime privilégié que nous avons mis en place en faveur des transports routiers est destiné à permettre à nos transporteurs de mieux résister à la concurrence internationale.
Le transport routier est, nous le savons, très exposé. C’est sans doute moins vrai du transport fluvial (M. le rapporteur général de la commission des finances fait une moue dubitative) qui bénéficie déjà par ailleurs d’une importante réduction de taux applicable à la taxe intérieure de consommation sur les carburants.
Votre souci, très louable, de privilégier le transport fluvial, moins polluant que le transport routier, est déjà très largement satisfait par le biais de cette exonération.
S’agissant maintenant des amendements nos I-250, I-337, I-248 rectifié, I-249 rectifié et I-417, qui visent tous à inclure l’électricité dans l’assiette de la contribution carbone, le Gouvernement émet un avis défavorable, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, une des forces de notre pays tient précisément au fait que notre production d’électricité, dans son immense majorité, émet très peu de CO2. Seules les consommations dans les périodes de pointe font appel à une production d’origine thermique émettrice de CO2.
En second lieu, le Gouvernement souhaite inclure l’électricité d’origine thermique, émettrice de CO2, dans son objectif de réduction globale. C’est précisément pour cette raison que les producteurs d’électricité ont été intégrés dans le champ d’application de la directive 2003/87/CE, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté européenne.
Contrairement à ce que l’on entend ici ou là, ce dispositif pèse effectivement sur les émissions issues de la production thermique d’électricité, car, conformément à la directive européenne, le plan national d’allocation de quotas sur la période 2009 à 2012 comporte, pour les centrales thermiques, un resserrement des permis d’émission qui conduira le secteur à réaliser les investissements nécessaires au respect des engagements pris.
Pour me résumer, l’électricité d’origine autre que thermique, qui constitue l’immense majorité de notre production, n’est pas émettrice de CO2. Les entreprises qui utilisent un mode de production émettant du CO2 seront incluses dans les activités soumises à quotas et seront tenues de réaliser des investissements puisque le régime de quotas dont elles bénéficient sera resserré dès 2012.
Le Gouvernement ne peut donc, je le répète, qu’être défavorable aux amendements nos I-250, I-337, I-248 rectifié, I-249 rectifié et I-417.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Je voudrais revenir sur le prix de départ de la contribution carbone, que nous proposons de fixer à 32 euros.
Je n’ai pas été convaincu par les explications de Mme la ministre sur la position médiane par rapport aux indications des marchés.
Sur ces questions qui engagent le long terme, j’ai plutôt tendance à écouter les groupes d’experts, qui, de manière tout à fait consensuelle, ont affirmé que, en dessous de 32 euros par tonne, le signal-prix n’est pas audible.
Vous avait pris l’exemple du bonus automobile qui, pourtant d’un montant assez faible, a bien fonctionné. Je pense que vous faites une confusion.
Les consommateurs ne raisonnent pas avec une calculette et ne se projettent pas dans le long terme. Ils achètent des voitures sur un coup de cœur et peuvent effectivement entendre le signal bonus-malus.
Les industriels, eux, n’ont pas les moyens de céder à des coups de cœur et ils sont bien obligés de faire des calculs, car ils doivent consentir des investissements lourds pour économiser l’énergie et pour éviter de rejeter du gaz carbonique dans l’atmosphère. Aujourd’hui, ce signal-prix de 32 euros est trop faible pour les inciter à réaliser les investissements nécessaires.
On a aussi entendu que, au-delà de 32 euros, la contribution ne serait pas acceptable socialement.
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Jacques Muller. Regardons ce qui se passe autour de nous. Des pays comme la Suède et le Danemark en sont à 80 euros par tonne.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ils n’ont pas la TIPP. Comparons ce qui est comparable !
M. Jacques Muller. Comment font-ils pour rendre ce système acceptable par la population ? Ils ont une politique de redistribution qui est beaucoup plus favorable aux ménages, notamment aux ménages modestes.
Ce sont donc les pays les moins inégalitaires d’Europe qui ont pu mettre en place une contribution carbone à un niveau susceptible de les mettre en situation de répondre aux défis.
Je le dis clairement aujourd’hui, le refus de mettre en place une politique redistributive dans notre pays nous condamne à l’impuissance sur le plan écologique, notamment au regard du climat. C’est d’ailleurs ce qui fait la différence entre l’écologie de droite et l’écologie de gauche, pour appeler les choses par leur nom !
Mais on comprend qu’un gouvernement qui a fait adopter une loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat et qui pratique le bouclier fiscal, puisse rencontrer certaines difficultés le jour où il faut instaurer une contribution carbone à la hauteur des enjeux et donc prendre des mesures de compensation et de redistribution du revenu vers les familles les plus modestes...
J’estime, pour ma part, que la contribution carbone, telle qu’elle nous est présentée, est vouée à l’échec, car son montant est trop bas.
Mes chers collègues, nous prenons ici une responsabilité très grave. Je veux tout de même rappeler ici que les conclusions du GIEC, et elles ne souffrent pas la contestation, sont très claires.
Le GIEC a affirmé que nous avions dix ans pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre. La contribution carbone que nous mettons en place aujourd’hui doit être à la hauteur de l’enjeu. Nous ne pouvons pas nous permettre d’arriver à Copenhague à reculons quand nous avons la responsabilité fondamentale de faire en sorte que la planète puisse tout simplement s’en sortir !
M. Jean Desessard. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, permettez-moi de profiter de l’examen de cet amendement pour aborder la question du transport aérien.
Je ne soutiendrai pas la taxation nationale qui nous est proposée. Je tiens juste à souligner que, si incroyable que cela puisse paraître, cette activité n’est absolument pas taxée, et que la mise sous quota n’est qu’une solution extrêmement partielle, puisque nous risquons des effets de bord.
À cet égard, madame la ministre, je me permets de vous alerter sur le fait qu’il serait souhaitable de remettre la convention de 1946 sur la table, dès lors que tous les pays du monde sont très conscients que l’aviation contribue à la pollution.
Par ailleurs, je voudrais insister sur l’intérêt que peut représenter l’intégration de l’électricité dans l’assiette d’une contribution que je qualifierai pour le coup d’énergie-climat – plutôt que carbone –, souhaitant désigner ainsi la contribution qui vise à gérer les objectifs de long terme en termes de climat et donc d’émissions de gaz à effet de serre.
L’électricité est une énergie comme une autre : elle a besoin d’une ressource, l’uranium, mais cette ressource, comme pour les énergies fossiles, est en volume limité. Il s’agit donc bien de donner un signal de même nature.
J’apprécie la conception d’Hubert Reeves, lorsqu’il dit qu’il n’y a pas de bonne énergie, et que la seule qui soit bonne, c’est celle que l’on ne consomme pas ! C’est la même logique pour les déchets, mes chers collègues.
Il convient de ne pas encourager la consommation d’énergie électrique, qui est la plus belle, la plus noble, la plus structurée des énergies, puisqu’elle peut, contrairement aux autres, être déplacée et transportée, et de ce fait servir de nombreuses fins, comme les transports qui ne peuvent pas être alimentés par la chaleur ou par la vapeur.
C’est pourquoi, sans chercher aucunement à remettre en cause les choix stratégiques de la France – ce n’est pas le sujet ici –, je voudrais simplement plaider pour une incitation en direction de l’ensemble des utilisateurs d’énergie, afin qu’ils agissent de manière raisonnée et utile.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Frécon. S’agissant de la pollution suscitée par les avions, je comprends bien les objections juridiques – je les ai moi-même exposées précédemment –, mais nous nous sommes déjà assis sur un certain nombre d’entre elles !
Il est de notre devoir de constater que, de toutes les pollutions, celles qui ont leur source dans le transport aérien sont les plus importantes. D’ailleurs, le texte du Grenelle de l’environnement prévoit expressément qu’« il faut établir le vrai coût du transport aérien ».
Je veux bien considérer qu’il s’agit ici d’un amendement d’appel, et je rejoins notre collègue Fabienne Keller sur le fait qu’il faudra bien soulever de nouveau le problème. Il n’est pas possible, alors que nous luttons ensemble contre l’effet de serre, de ne pas se préoccuper de l’aviation !
Pour répondre à l’objection selon laquelle on ne peut rien faire maintenant parce que la situation changera à partir du 1er janvier 2012, je dirai, comme je l’ai déjà fait, que nous avons tout de même deux ans pour agir. En outre, après cette date, des évolutions ultérieures, comme une pollution extrême due au trafic aérien, seront susceptibles de modifier les prévisions initiales.
Quant aux arguments juridiques que l’on m’oppose, je voudrais bien savoir, mais en toute innocence, monsieur le rapporteur général, madame la ministre, si le droit européen et le droit international ne s’appliquaient pas déjà du temps de la taxe Chirac sur les billets d’avion...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Elle était assise sur les billets et non sur les carburants !
M. Jean-Claude Frécon. Le système est bien le même puisqu’il aboutit à une augmentation du prix du billet d’avion.
Certaines mesures sont à géométrie variable ; tantôt elles s’appliquent, tantôt elles ne s’appliquent pas. Cela surprend forcément le citoyen ! (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-140 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. René Beaumont, pour explication de vote.
M. René Beaumont. Je voudrais soutenir l’amendement de M. le rapporteur général, qui, en sa qualité de sénateur-maire de Compiègne, est directement concerné par la future grande liaison fluviale Seine-Nord Europe.
J’ai été en revanche désagréablement surpris par l’argumentation de Mme la ministre, et je m’en servirai pour vous prouver qu’il faut absolument accepter l’amendement n° I-140 rectifié.
Madame la ministre, vous avez dit que cette disposition poserait problème, en invoquant la baisse de la fiscalité que vous avez obtenue de haute lutte en faveur des routiers, pour éviter qu’ils ne soient défavorisés par rapport à leurs collègues européens.
Mais, madame la ministre, en n’acceptant par l’amendement de M. Marini, c’est le transport fluvial que vous défavorisez, alors que c’est pourtant l’un des modes de transport les plus écologiques. Je rappelle en effet qu’un convoi poussé de 4 000 tonnes est l’équivalent de 210 camions, avec un seul moteur de 600 chevaux ! Voilà une vraie économie ! Voilà un mode de transport vraiment écologique !
Mais vous privilégiez la logique inverse, et, ce faisant, vous avantagez les transporteurs hollandais, allemands et belges par rapport à leurs homologues français ! Cela signifie que les gros porteurs maritimes, lorsqu’ils choisiront un port en Europe, iront à Rotterdam ou à Anvers, plutôt qu’au Havre ou à Dunkerque. Il faut donc songer également à la répartition des charges, notamment en termes de carburant, entre tous les transporteurs fluviaux d’Europe.
Ces considérations sont très importantes dans la réflexion globale que nous devons avoir, car, madame la ministre, nos analyses ne s’arrêtent pas à la France ; elles s’étendent à toute l’Europe !
C’est la raison pour laquelle je me permettrai de vous demander de vous en remettre à la sagesse du Sénat. Ce serait un signal fort vis-à-vis du transport fluvial, dans la suite directe des Grenelle de l’environnement I et II. Il faudrait que Bercy poursuive les efforts du ministère de l’environnement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je dirai, pour compléter nos interventions précédentes, que le débat nous conforte dans notre position.
La présente proposition sera totalement inefficace sur le plan écologique, et injuste d’un point de vue social.
J’ajouterai, mes chers collègues, que la TIPP n’a pas été créée pour payer le RSA ; elle est justement destinée à lutter contra la pollution.
Nous sommes engagés dans un débat complexe et contradictoire. Certains demandent une diminution du prix du fioul, ce qui se justifie dans l’état actuel des choses ; d’autres réclament son augmentation, ce qui est également légitime compte tenu de la pollution causée par les avions.
Je crois que nous n’avons pas pris en compte tous les points de vue.
Madame Keller, puisqu’un débat s’est tenu au sein du groupe de travail, nous aurions peut-être pu aider ceux qui ne polluent pas ou qui s’engagent à moins polluer, en mettant en place les moyens techniques et scientifiques adéquats, et demander à ceux qui polluent réellement de payer plus.
Il faudrait éviter de s’attaquer aux ménages comme on le fait ici avec cette nouvelle imposition.
J’en viens à l’amendement de M. le rapporteur général, qui tend à diminuer de 35 % le tarif de taxe carbone applicable au fioul domestique utilisé pour le transport fluvial de marchandises.
Monsieur le rapporteur général, il serait assez paradoxal de vouloir favoriser le report modal de la route vers les voies navigables en continuant de taxer moins la route que les voies navigables !
Cela étant, nous partageons votre souci de promouvoir le transport fluvial. Nous nous interrogeons néanmoins sur les promesses du Président de la République, qui avait annoncé un plan d’investissement dans les liaisons fluviales précisément pour retirer de nos routes un million de camions d’ici à 2020.
Or rien ne va dans ce sens : une fois de plus, le discours n’est pas relayé par des actes. C’est aussi cela, la situation réelle ! Où sont les propositions qui permettraient un million de camions en moins sur nos routes ?
Vous avez parfaitement raison, le transport fluvial doit être renforcé. Je ne détaillerai pas trop les chiffres concernant la part modale, mais sachez qu’elle est de 2 % ou 3 % en France, alors qu’elle atteint 14 % en Allemagne et environ 47 % aux Pays-Bas.
Cependant, monsieur le rapporteur général, en dépit de toutes ces convergences sur ce sujet du transport fluvial, nous ne voterons pas cet amendement…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Oh ! Pourquoi ? (Sourires.)
M. Thierry Foucaud. … parce que nous sommes en droit de nous interroger sur les motivations profondes qui vous ont poussé à le proposer. Est-ce par cette atténuation de contribution carbone au profit du transport fluvial que le Président de la République et votre groupe politique pensent convaincre l’opinion qu’ils s’engagent, conformément à leurs promesses, à favoriser le transport fluvial, décourager le transport routier et ainsi diminuer un peu la pollution ?
Cet amendement nous paraît être de circonstance. Aussi, nous ne le voterons pas.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vraiment, je suis très choqué ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L’amendement n° I-253, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
À l’exclusion de la tourbe reprise au code NC 2703 de la nomenclature douanière,
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. La tourbe brûlée participe au dérèglement climatique. En 2008, selon l’ONG Wetlands et l’université allemande de Greifswald, près de 1,3 milliard de tonnes de CO2 seraient ainsi parties dans l’atmosphère en raison de la dégradation ou de l’assèchement des zones humides, liés notamment aux besoins de l’agriculture et de la production d’énergie. Cette étude rappelle que les seules tourbières de l’Indonésie ont émis, ces dernières années, environ 2 milliards de tonnes de CO2.
Les écologistes demandent naturellement que les émissions de CO2 dues à la dégradation des zones humides soient prises en compte dans les stratégies de lutte contre le changement climatique.
Le fait d’exclure la tourbe de l’assiette de la taxe carbone traduit un refus manifeste de répondre positivement à cette demande.
Je vous propose donc, mes chers collègues, d’accepter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement, qui paraît conforme au bon sens, n’est malheureusement pas conforme au droit communautaire !
L’article 2 de la directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité exclut en effet la tourbe des hydrocarbures assujettis. Le droit communautaire étant ce qu’il est, cette disposition est impérative – peut-être sous l’influence de nos amis écossais, gaéliques…
M. Nicolas About. Il ne faut pas mettre la main à la tourbe ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … et irlandais !
La commission ne peut qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. Pas de tricherie avec les Irlandais !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Une fois n’est pas coutume, je suis convaincu par votre explication et je retire l’amendement.
M. Jean Desessard. Jacques Muller est fair play avec les Irlandais !
Mme Nicole Bricq. Il ne met pas la main sur le ballon, lui !
M. le président. L’amendement n° I-253 est retiré.
L’amendement n° I-254, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement a un double objet : mettre en œuvre un système qui permette de lutter concrètement contre les émissions de gaz à effet de serre et empêcher les distorsions de concurrence entre les entreprises.
La directive ETS – Emissions Trading Scheme –, par laquelle les quotas furent mis en œuvre le 1er janvier 2005, concerne les 12 000 établissements européens qui sont responsables de 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union !
À l’Assemblée nationale, mon collègue François de Rugy observait que 93 % des émissions industrielles de dioxyde de carbone seraient totalement exonérées du paiement de la taxe carbone par l’alinéa 8.
De plus, les entreprises qui bénéficient du régime des quotas jouissent de quotas gratuits ! Vous ne pouvez pas ne pas savoir qu’ils le resteront jusqu’en 2013...
En les exonérant, le Gouvernement fait un nouveau cadeau aux entreprises qui jouent aujourd’hui sur le marché des quotas d’émission : elles bénéficient de quotas gratuits et, simultanément, ne sont pas soumises à la contribution carbone.
Décidément, madame la ministre, avec vous, ce n’est pas la double peine, c’est le double bonus ! Non seulement le pollueur n’est pas payeur, mais il est même payé ! Quelques jours après la relaxe incompréhensible des dirigeants de Total dans le procès AZF, cette disposition relève de la provocation.
M. Gérard César. Cela n’a rien à voir !
M. Jacques Muller. La contribution carbone pèsera donc sur les autres entreprises, les petites et moyennes qui, elles, seront soumises à la taxe. Il y a donc bien distorsion de concurrence. En effet, en 2013, les quotas seront mis aux enchères, mais progressivement : seulement 60 % seront soumis à cette procédure. Ainsi, certaines entreprises paieront, d’autres non. Qui plus est, celles qui pourront revendre leurs quotas si elles ne les ont pas utilisés en totalité pourront en tirer des bénéfices et, finalement, spéculer sur le dos de la planète, de nos concitoyens et de leurs salariés.
Je m’interroge sur la constitutionnalité d’une telle disposition !
Je vous propose donc, mes chers collègues, de soutenir cet amendement, qui permet de supprimer l’exonération évoquée.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La question posée est celle de la montée en puissance du marché des quotas.
Mes chers collègues, contribution carbone et quotas étant des instruments économiques d’effet équivalent, ils n’ont pas vocation à se superposer. Toutefois, comme vient de le souligner M. Muller, nous sommes encore en phase transitoire.
Les quotas sont attribués gratuitement, mais, lorsque l’activité d’une entreprise la conduit à exprimer un besoin qui excède son allocation, elle doit honorer ce besoin en se procurant le complément de quota sur le marché : c’est ce qui permet aujourd’hui de valoriser les quantités de CO2. Ces mécanismes commencent à se mettre en place.
Au demeurant, madame la ministre, vous n’ignorez pas que la commission des finances a fait part, à plusieurs reprises déjà, de sa préoccupation quant à la régulation de ce marché. C’est un marché émergent, un marché en développement, mais il serait naturellement souhaitable qu’il soit au moins aussi transparent que les autres marchés, sinon davantage puisqu’il est plus moderne et qu’il a une finalité environnementale.
La proposition de notre collègue Jacques Muller ne me semble donc pas pouvoir être acceptée.
D’un côté, la contribution carbone est à un faible, voire très faible niveau, comme il l’a lui-même fait remarquer, et, avec Fabienne Keller et d’autres intervenants, il a appelé notre attention sur le chemin qu’il reste à parcourir. De l’autre côté, le marché des quotas commence à s’animer puisque, en 2008, le volume d’échanges constaté a été, en termes physiques, de l’ordre de 2,8 milliards de tonnes, soit dix fois le volume des échanges de 2005, première année de mise en place des marchés. Ce n’est pas négligeable !
Même si nous sommes actuellement dans une période de transition, il me semble qu’il ne serait pas acceptable, sur le plan du raisonnement, de faire supporter à une même entreprise ou à une même catégorie d’entreprises à la fois les besoins de financement liés à l’acquisition de quotas sur le marché et la contribution carbone.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je souscris pour l’essentiel aux observations que vient de formuler M. le rapporteur général sur la nécessité de ne pas appliquer le double système des quotas d’émission prévus par la directive ETS et de la contribution carbone.
Certes, me direz-vous, pendant une période de deux ans, c’est-à-dire entre le 1er janvier 2010 et le 1er janvier 2012, les entreprises françaises des secteurs de la production de chaleur, de la sidérurgie, du ciment, du verre, des tuiles, des briques, du papier-carton, du raffinage, bénéficieront de quotas de droits à émettre…
M. Jean Desessard. Gratuitement !
Mme Christine Lagarde, ministre. … qui seront gratuits. Ils ne deviendront payants qu’au 1er janvier 2012.
Comme l’a souligné M. le rapporteur général, l’évolution du marché au cours des dix-huit derniers mois – puisque c’est la période durant laquelle il a effectivement fonctionné – laisse penser que durant ces deux ans, du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2012, le nombre des transactions ira très probablement croissant et que certaines entreprises effectueront des investissements pour « réaliser » la plus-value liée à la cession des quotas d’émission dont elles ont bénéficié à titre gratuit. Celles qui ne procéderont pas à ces investissements devront s’approvisionner en droits d’émission sur le marché.
Toutes sont donc d’ores et déjà soumises à cette contrainte particulière qui opère soit en positif, soit en négatif, selon le mode d’investissement et le mode de réduction d’émission de CO2 qu’elles prévoient d’appliquer, et, à compter du 1er janvier 2012, les quotas seront non plus gratuits mais payants.
De plus, nous ne souhaitons pas exposer les industries françaises à forte intensité capitalistique – il s’agit de secteurs d’activité dans lesquels les investissements sont lourds – au risque d’être discriminées par rapport aux industries comparables des autres pays, qui, au moins dans l’Union européenne, sont soumises au mécanisme ETS mais qui, sauf dans trois États, échappent à toute taxe ou contribution carbone.
Parce que nous voulons préserver la compétitivité de l’industrie française par rapport à ses concurrentes non soumises à la même taxe, d’une part, et parce que le système des quotas d’émission s’applique, à titre gratuit pendant deux ans et ensuite seulement à titre onéreux, d’autre part, il ne nous paraît pas juste d’appliquer les deux systèmes cumulativement.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. J’ai bien entendu que les deux mécanismes de la contribution carbone et du marché des quotas de carbone ne peuvent se superposer.
Pour autant, M. le rapporteur général raisonne à la marge puisque, aujourd’hui, les entreprises vont chercher des quotas sur le marché du carbone lorsqu’elles sont mauvaises élèves, c’est-à-dire lorsqu’elles ne travaillent pas dans le cadre des quotas qui leur ont été accordés gratuitement.
Si, pendant la phase transitoire – c’est bien de cette période qu’il s’agit –, on exonère les plus gros émetteurs de CO2 de la fameuse contribution carbone, cela revient en quelque sorte à leur donner une prime !
Il est choquant de demander aujourd'hui aux petites et moyennes entreprises de s’acquitter le jour J de la contribution carbone et d’exonérer, dans le même temps, les plus gros émetteurs, qui sont, comme vous l’avez souligné, les plus grands groupes industriels français tels ArcelorMittal, Total, ou encore Suez. Pourquoi ces grands groupes industriels en seraient-ils exonérés, alors que les PME et TPE devraient la payer ?
Cette disposition me semble scandaleuse d’un point de vue écologique et inacceptable juridiquement : je m’interroge en effet quant à la constitutionalité de celle-ci.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Mon explication de vote vient à l’appui de l’argumentaire présenté par notre collègue Jacques Muller.
La première mesure dérogatoire prévue par l’article 5 du projet de loi de finances concerne les utilisations de substances énergétiques soumises au système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre.
Cette dérogation serait justifiée, selon M. le rapporteur général, par le souci de ne pas « imposer à l’industrie française sous quotas une double taxation préjudiciable à sa compétitivité ».
En l’état actuel du texte, jusqu’en 2013, on n’imposera rien aux entreprises visées : ni contribution carbone ni quotas ! C’est pourquoi nous sommes favorables à l’amendement n° I-254 tendant à supprimer cette dérogation. Nous partageons également la position de M. Muller pour ce qui concerne le marché des droits à polluer, mais je n’y reviendrai pas.
Par ailleurs, au niveau communautaire, a été fixée une liste de secteurs et de sous-secteurs qui échapperont au dispositif communautaire : il s’agit de secteurs qui courent un risque de « fuite de carbone », c’est-à-dire une délocalisation des entreprises européennes les plus polluantes vers des pays tiers où la réglementation relative à la protection du climat est moins stricte, ce qui aurait pour conséquence une hausse des émissions de C02 de ces pays. Ces secteurs pourraient, sous certaines conditions, se voir accorder jusqu’à 100 % de leurs quotas d’émissions de gaz à effet de serre gratuitement jusqu’en 2020. Les secteurs et les sous-secteurs qui ne figurent pas sur cette liste devront acheter leurs droits d’émissions aux enchères.
Le dispositif de l’article 5 est critiquable à plusieurs égards. Pourquoi serait-il opposable aux contribuables et ne le serait-il pas aux entreprises ?
Dans ces conditions, nous voterons cet amendement.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Notre collègue Jacques Muller pose un vrai problème – les grandes entreprises, grosses émettrices de CO2, bénéficient d’un dispositif particulier et seraient, de fait, exonérées –, mais la réponse qui nous est ici apportée ne me semble pas adaptée.
Le monde de la pollution carbone est organisé en deux grands secteurs : ceux qui dépendent de la directive de 2003 et les autres, que le texte propose d’assujettir à la contribution carbone.
La question posée par M. Muller tient à la bonne application de la directive de 2003 : il faut rendre ces quotas payants pour tous. La condition pour ce faire, si l’on ne veut pas pénaliser la compétitivité, est le mécanisme d’inclusion carbone aux frontières.
Madame la ministre, à défaut d’accepter cet amendement, peut-être pourriez-vous entendre cette préoccupation ?
Il ne sera pas possible d’assujettir des secteurs dans la durée si les plus gros pollueurs ne sont pas soumis à cette contribution ! Mais, je le répète, mon cher collègue, il s’agit là d’un autre sujet. C’est la bonne application de l’esprit de la directive de 2003.
La longueur de la liste des exonérations qui est en train d’être adoptée à Bruxelles montre qu’il faut aller plus loin en se posant notamment la question des quotas payants pour tous, des enchères payantes, et donc de l’instauration du mécanisme d’inclusion carbone aux frontières pour protéger l’industrie.
M. le président. L'amendement n° I-255, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - destinés à être utilisés par des installations visées à l'article 266 quinquies A, bénéficiant d'un contrat d'achat d'électricité conclu dans le cadre de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ou mentionné à l'article 50 de cette même loi, en proportion de la production d'électricité par rapport à la production totale d'énergie ; »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Les centrales de production d’énergie qui alimentent des réseaux de chaleur et ne sont pas soumises au régime des quotas d’émissions de gaz à effet de serre vont être assujetties à la contribution carbone sur leurs achats de combustibles.
Certains des réseaux concernés – une soixantaine – sont équipés de centrales de cogénération permettant, à partir principalement de gaz naturel, la production simultanée, et avec une efficacité énergétique optimale, de chaleur et d’électricité.
L’électricité est vendue via un contrat d’achat d’électricité conclu dans le cadre de l’article 10 de la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, à un prix unitaire défini par un arrêté. La chaleur est vendue aux abonnés du réseau à un prix déterminé, de façon à équilibrer en recettes et en dépenses le compte de résultat du réseau de chaleur.
L’application de la contribution carbone sur la totalité des achats de gaz naturel de ces centrales induira une charge supplémentaire sur le budget des gestionnaires de réseaux de chaleur concernés, qui auront le prix de vente de la chaleur comme seule variable d’ajustement en termes de recettes.
Concrètement, cela signifie que les usagers de ces réseaux, souvent en situation de fragilité économique – je rappelle que le logement social représente 60 % des ventes de chaleur des réseaux de chaleur – seront doublement affectés par la contribution carbone sur leurs achats de chaleur issue de centrales de cogénération, le prix de cette chaleur devant intégrer non seulement les achats de gaz imputables à la production de chaleur, ce qui est cohérent avec le mécanisme global de la taxe carbone, mais également les achats de gaz supplémentaire utilisé pour la production d’électricité, dans la mesure où le tarif d’achat de l’électricité n’intégrera pas la contribution carbone, ainsi que cela a été voté tout à l'heure.
Cet amendement vise donc à exonérer les achats de gaz imputables à la production d’électricité pour les centrales de cogénération qui ne sont pas soumises au régime des quotas d’émissions de gaz à effet de serre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La question posée ici est particulièrement importante. Pour sa part, la commission a adopté l’amendement n° I-141 rectifié qui n’est pas identique, mais qui porte sur un sujet voisin, pour ne pas dire connexe.
Notre préoccupation concerne l’incidence de la contribution carbone sur le prix facturé aux abonnés dans le cadre des réseaux de chaleur. Le plus souvent, dans nos villes, les usagers résidentiels sont locataires de logements sociaux…
Mme Nicole Bricq. Exact !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … ou copropriétaires de classe moyenne ou de condition modeste.
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Or on n’a pas vraiment anticipé la charge supplémentaire que ces abonnés auront à subir au travers des contrats ou des conventions de délégation de service public qui s’appliquent le plus souvent pour ces installations. C’est un risque que nous ne saurions prendre pour leur pouvoir d’achat individuel.
C'est la raison pour laquelle la commission recommande, dans l’amendement n°I-141 rectifié que je présenterai tout à l'heure, d’exonérer les réseaux de chaleur non soumis aux quotas, et ce pour une durée d’un an, de telle sorte que l’on puisse au moins examiner cette question. Mais j’aurai l’occasion d’en reparler tout à l'heure.
Même si le champ d’application de l’amendement n° I-255 est quelque peu différent de celui de l’amendement n° I-141 rectifié, la mesure proposée est proche. Dans ces conditions, je vous suggère, mon cher collègue, de bien vouloir le retirer, après avoir entendu Mme la ministre, afin de concentrer nos forces sur l’amendement n°I-141 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, en matière de concentration des forces, attachons-nous tout d’abord à examiner la proposition d’exonération de la contribution carbone sur les produits énergétiques utilisés par les installations de cogénération bénéficiant d’un contrat d’achat d’électricité avec EDF !
Il ne nous paraît pas souhaitable d’exonérer de l’application de la contribution carbone les entreprises de cogénération, qui ne sont pas soumises au régime des quotas. Celles-ci doivent, elles aussi, contribuer à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre et donc supporter ladite taxe. De toute façon, avec la cogénération, il y a bien génération de gaz à effet de serre.
C’est pourquoi le Gouvernement vous invite également, monsieur le sénateur, mais pour des raisons différentes, à retirer votre amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Muller, l’amendement n° I-255 est-il maintenu ?
M. Jacques Muller. J’ai bien entendu les deux avis respectifs de M. le rapporteur général et de Mme la ministre. Nous discuterons en temps voulu de l’amendement n° I-141 rectifié de la commission.
Considérant l’argumentation développée par Mme la ministre, je maintiendrai mon amendement, et ce pour une raison très claire. En effet, la cogénération est aujourd’hui considérée comme une voie d’avenir pour la production d’énergie,…
M. Jacques Muller. … car le bilan en matière de gaz à effet de serre est optimal. Pardonnez-moi d’y revenir, mais il est même meilleur aujourd’hui que celui de la filière nucléaire !
On en a discuté dans le Grenelle de l’environnement, lorsque la cogénération s’applique sur des collectes sélectives de biodéchets, le bénéficie est triple : le bilan est meilleur en termes tant de chaleur que d’émission de gaz à effet de serre, et cette source d’énergie fabrique un compost de qualité pour l’agriculture.
Aujourd'hui, il serait juste que la cogénération soit reconnue comme une filière d’excellence.
La contribution carbone doit donner un signal-prix. Pour ma part, je ne comprends pas que nous refusions de donner cet après-midi un signal très positif à une filière d’excellence, alors que l’on attend deux ans pour assujettir les grandes entreprises. C’est totalement incohérent !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Lors de l’examen des projets de loi de finances, le groupe socialiste a régulièrement défendu les réseaux de chaleur. Bien évidemment, nous voterons donc l’amendement n° I-255.
Si l’amendement n° I-141 rectifié de la commission est identique, …
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il est plus large !
Mme Nicole Bricq. … nous pourrons aussi le voter ; ce n’est pas incompatible.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-256 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° I-338 rectifié est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° I-256.
M. Jacques Muller. L’alinéa que nous vous proposons de supprimer, mes chers collègues, prévoit d’exonérer de la contribution carbone les produits destinés à être utilisés par les entreprises dont les achats de produits énergétiques et d’électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production pour les installations intégrées dans le système communautaire à partir de 2013.
Pendant trois ans, ces entreprises ne seront ni dans le marché carbone ni assujetties à la contribution carbone.
Nous estimons qu’il y a distorsion de concurrence et inégalité devant l’impôt, et soumettrons donc également cette disposition au Conseil constitutionnel.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° I-338 rectifié.
Mme Nicole Bricq. Nous proposons de supprimer l’exonération prévue par l’article 5 pour les entreprises qui entreront dans le marché européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre seulement à compter de 2013. Il s’agit, vous le savez, des industries chimiques dont les achats de produits énergétiques et d’électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production. Il en va de même lorsque le montant total des droits d’accises payés sur les produits énergétiques et l’électricité utilisés est d’au moins 0,5 % de la valeur ajoutée.
Si l’exclusion de ces entreprises du champ de la taxe carbone peut éventuellement se justifier lors de l’entrée dans le marché en 2013, aucune raison ne justifie leur exonération pour l’instant, puisqu’elles contribuent aussi aux émissions de gaz à effet de serre. Je fais d’ailleurs remarquer que le groupe socialiste n’a jamais défendu la double imposition.
Par conséquent, nous vous proposons de soumettre à la taxe carbone les entreprises non encore dans le marché européen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est réservée sur ces amendements.
En effet, l’exonération de la contribution carbone en faveur des industries intensives en énergie – concrètement, des industries chimiques dont les procédés ne sont pas exonérés en application du droit communautaire – est justifiée par le fait que lesdites industries seront intégrées dans le système communautaire d’échange de quotas à compter de 2013.
Bien que ces industries ne soient donc pas actuellement sous quotas, il est justifié de les exonérer afin de les laisser se préparer à l’échéance de 2013. En effet, à compter de cette date, ces entreprises feront face à une contrainte carbone forte : elles devront acheter aux enchères 20 % de leurs quotas d’émission, quotas qui leur seront alloués sur la base des 10 % des installations les plus performantes du secteur auquel elles appartiennent.
Par ailleurs, la proportion des quotas alloués aux enchères passera à 70 % en 2020.
Voilà pourquoi la commission n’est pas favorable aux amendements identiques nos I-256 et I-338 rectifié.
Le sujet de la compétitivité des entreprises intensives en énergie est très complexe, mais important sur les plans de l’investissement et de l’emploi. Nous avons eu l’occasion de le traiter à plusieurs reprises ces dernières années, notamment lorsqu’on nous a proposé de donner, un peu à la hussarde, le feu vert aux consortiums d’achat d’électricité.
Il s’agit toujours du même problème de compétitivité de cette catégorie particulière d’industries.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Muller, madame Bricq, vous souhaitez supprimer le dispositif de l’article 5 du projet de loi de finances qui prévoit d’exonérer de contribution carbone les entreprises dites « intensives en énergie », auxquelles M. le rapporteur général vient de faire référence et qui seront soumises, dès le 1er janvier 2013, au système des quotas d’émission, cela au motif que ces dernières seront alors placées sur un pied d’inégalité les unes par rapport aux autres, certaines étant soumises à la taxe carbone, d’autres non, et que, de ce fait, la disposition serait inconstitutionnelle.
Or, précisément, les industries dites « intensives en énergie » présentent la caractéristique particulière de nécessiter beaucoup d’énergie pour leur fabrication ; c’est principalement le cas, d’ailleurs, dans le secteur chimique. À ce titre-là, dès lors que les conditions et les contraintes s’appliquant à chacun de ces secteurs d’activité sont différentes, il ne me paraît pas inconstitutionnel de prévoir un régime différent.
Par conséquent, le fait de prendre en compte leur situation particulière, due à des consommations énergétiques qui ne sont pas comparables à ce qui peut être rencontré dans d’autres secteurs, et de leur permettre en particulier de préparer leur intégration dans le système des quotas, respecte le principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt.
À compter du 1er janvier 2013, le régime des enchères constituera le mode d’allocation normal des quotas. Les entreprises soumises au régime de l’Emission Trading Scheme, ou ETS, doivent donc pouvoir s’adapter et se préparer à faire face à ce nouvel environnement. Cette contrainte justifie que, dès maintenant, les installations concernées soient exonérées de contribution carbone afin d’éviter un risque de double charge compte tenu de leur nécessaire adaptation d’ici à 2013.
Il n’y a donc pas à hésiter sur cette exonération dès lors que l’institution d’une contribution carbone ne doit pas avoir pour effet de pénaliser nos entreprises engagées dans la compétition internationale et que nos partenaires européens exonèrent de taxe ces mêmes activités sur leur territoire.
Dans ces conditions, je suggère à M. Muller et à Mme Bricq de retirer leurs amendements, ce qu’ils ne feront sans doute pas ; à défaut de retrait, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur les amendements identiques nos I-256 et I-338 rectifié.
M. Jacques Muller. Madame la ministre, monsieur le rapporteur général, je n’ai pas été convaincu par vos explications, car, dans les dispositions que nous examinons cet après-midi, tout le monde n’est pas traité de la même manière.
Les entreprises intensives en énergie bénéficient d’une exonération qui leur profitera, en quelque sorte, jusqu’à l’application du marché des quotas, donc à partir de 2013. Les entreprises qui sont soumises au marché des quotas et qui disposent de quotas gratuits jusqu’en 2013 sont aussi exonérées.
Dans ce pays, on a tout de même l’impression que ceux qui ont les moyens de faire du lobbying pour se faire entendre obtiennent des exonérations ! En revanche, les PME et les TPE qui émaillent notre territoire passent à la caisse tout de suite ! Par conséquent, je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Les installations visées par l’alinéa 8 que nos collègues proposent de supprimer sont concrètement celles des industries chimiques dont les procédés ne sont pas placés hors du champ de la directive de 2003.
Ces industries ayant vocation à être placées sous quotas en 2013, et par conséquent à bénéficier d’une exonération de taxe carbone à ce titre, la présente disposition anticipe sur l’exonération afin de ne pas pénaliser ce secteur.
Nous comprenons les motivations d’une disposition visant à ne pas pénaliser les industries chimiques qui subissent de manière criante les augmentations exponentielles des tarifs énergétiques ; mais comment ne pas voir dans une telle disposition une inégalité à l’égard des autres entreprises ? En effet, quel sera l’impact de la taxe carbone si, de dérogation en dérogation, l’ensemble des entreprises les plus polluantes sont exonérées de contribution ? Une nouvelle fois, ce seront principalement les ménages qui supporteront, seuls, cette taxe injuste.
Nous estimons, au contraire, qu’un effort particulier doit être fait pour aider ce secteur en crise à réduire à la source sa pollution.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-256 et I-338 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° I-185, présenté par Mme Henneron, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - destinés à être utilisés dans les conditions définies au 3° du 5 de l'article 266 quinquies B ;
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Françoise Henneron.
Mme Françoise Henneron. Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit l’instauration d’une taxe carbone sur l’ensemble des énergies fossiles. Cette taxation a pour objectif de créer un signal-prix sur le consommateur, afin de le décider à des changements de comportement et à des investissements pour réduire sa consommation.
L’application de cette taxe sur la consommation en charbon des foyers domestiques n’aura pas les effets escomptés. Les consommations de charbon pour le chauffage des habitations représentent environ 300 000 tonnes en France et sont très concentrées sur le Nord–Pas-de-Calais : de 60 % à 70 %. Ces consommations répondent aux besoins d’environ 120 000 foyers. Les tonnages de charbon à usage domestique se réduisent par ailleurs à un rythme de l’ordre de 15 % à 20 % l’an.
On réalise aisément que ce marché est voué à une disparition dans un avenir proche et qu’il serait donc vain de pénaliser davantage les consommateurs de charbon. De plus, le consommateur de charbon domestique est généralement âgé et dispose d’un revenu modeste, très modeste même. En effet, il s’agit pour l’essentiel de retraités des mines, ou de leur famille, ayant toujours connu ce mode de chauffage. Il apparaît illusoire d’attendre un effort financier de ce type de consommateur pour l’amélioration thermique de son habitat, plus préoccupé qu’il se trouve d’assurer ses besoins de première nécessité, dont le chauffage.
Le charbon est par ailleurs taxé au titre de la taxe intérieure de consommation sur le charbon. Toutefois, la consommation des particuliers en est exonérée. Cela s’explique par la faiblesse des volumes concernés. Il est ainsi proposé d’exonérer de la taxe carbone ces mêmes volumes de charbon.
Monsieur le président, je m’étonne et regrette qu’un certain nombre de collègues m’ayant assurée de leur soutien, allant jusqu’à cosigner cet amendement, ne figurent pas sur la liste des signataires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Chacun a pu se rendre compte, au travers des explications de Mme Françoise Henneron, que le sujet dont il s’agit est sensible et concerne une catégorie de population à laquelle beaucoup d’efforts sont demandés par ailleurs.
Toutefois, il est bon de rappeler que le charbon de ces ménages bénéficie actuellement d’une exonération totale de taxe intérieure de consommation sur les houilles, les lignites et les cokes.
Ces ménages bénéficieront du crédit d’impôt prévu par le présent projet de loi. J’ignore s’ils seront considérés comme ruraux ou urbains. C’est une question sur laquelle nous reviendrons. La limite entre les deux, qui est probablement arbitraire, est, si je ne me trompe, le périmètre de déplacement urbain. Mais quelqu’un qui habite dans un coron du Nord est-il dans un périmètre de déplacement urbain ? Selon le côté de la rue où il se trouve, il peut l’être ou non ! La différenciation entre les deux montants du crédit d’impôt n’est pas forcément de nature à répondre à toutes les situations rencontrées… Mais nous y reviendrons à l’occasion de l’examen d’autres amendements.
Enfin, on ne saurait omettre de rappeler, puisque le régime de la contribution carbone est un régime de défense de l’environnement, que les combustibles utilisés sont parmi les plus émetteurs de CO2. (Mme Françoise Henneron s’exclame.) Cela fait partie, dites-vous, ma chère collègue, des habitudes de vie, et la consommation diminuerait finalement assez rapidement d’année en année : 120 000 foyers dans le Nord–Pas-de-Calais consomment chaque année 300 000 tonnes de charbon, et ces quantités se réduiraient de 15 % à 20 % par an, avez-vous indiqué.
La question est peut-être de savoir quelles sont les aides disponibles pour inciter au moins une partie de cette population à transformer son mode d’alimentation de chauffage. La commission est donc embarrassée avec votre amendement.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Quand même !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est pourquoi elle se retourne avec confiance vers le Gouvernement, qui va nous donner son avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Madame Henneron, je comprends très bien le souci qui vous anime concernant la situation des populations auxquelles vous faites référence et qui ont l’habitude d’un chauffage au charbon. Pour elles, il s’agit presque d’une tradition de pays.
En même temps, je suis très gênée, car cela me rappelle un peu certains débats que nous avons eus, notamment avec nos collègues polonais. Se trouvant dans des situations homologues, ils ont compris assez rapidement qu’il fallait aussi donner un signal-prix pour un mode de chauffage particulièrement polluant.
Dans le cas présent, un certain nombre d’incitations fiscales pourraient être mises en faisceau, si j’ose dire : le crédit d’impôt dédié au développement durable, l’éco-prêt à taux zéro, la TVA à taux réduit sur les travaux, l’écosubvention de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, le prêt bonifié accordé aux HLM, le dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties. Il existe déjà toute une série d’exonérations, d’incitations.
Madame le sénateur, je vous propose donc de constituer un petit groupe interministériel entre le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, et mon ministère, groupe auquel vous participerez bien sûr. Cela nous permettrait à la fois de dresser la liste de ces incitations et de les rendre les plus accessibles possible, afin d’encourager ces populations à un changement de mode de chauffage. Dans ces conditions, je vous demande de retirer votre amendement.
M. le président. Madame Henneron, l’amendement n° I-185 est-il maintenu ?
Mme Françoise Henneron. Madame la ministre, vous me mettez dans l’embarras ! Il s’agit en effet d’une population à revenus très modestes. L’un n’empêchant pas l’autre, un groupe de réflexion peut être créé, et mon amendement adopté !
M. Yann Gaillard. Bravo !
M. le président. L'amendement n° I-440, présenté par MM. Revet, Bécot, Trillard, Bizet, Magras, Pointereau, Cléach, Merceron, Grignon, Nègre et César et Mme Henneron, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 9, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - destinés à être utilisés par des installations soumises volontairement au régime d'un projet relevant d'une méthodologie référencée conformément aux dispositions des articles 6 à 12 du protocole de Kyoto ;
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. L’alinéa que je vous propose d’insérer à l’article 5 tend à prendre en considération la situation particulière des agents économiques s’engageant volontairement dans un processus de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre dans le cadre d’un mécanisme de projet domestique CO2 prévu aux articles 6 à 12 du protocole de Kyoto. La mise en place des projets domestiques CO2 s’appuie sur le principe de la mise en œuvre conjointe, mécanisme de projet prévu par le protocole de Kyoto.
Cette démarche innovante, lancée par la France et présentée lors de la dernière conférence des Nations-unies sur le climat à Nairobi en 2006, souligne notre détermination pour lutter concrètement contre le changement climatique grâce à des outils innovants et efficaces en facilitant l’agrégation de projets diffus. L’objectif des projets domestiques est de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire national et de participer à l’engagement de notre pays quant à une diminution de nos émissions par quatre d’ici à 2050.
Cette démarche française innovante et volontariste doit donc être encouragée. Elle doit bénéficier, au même titre que les agents économiques relevant du système européen d’échanges de quotas de CO2 qui couvre moins de 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France, d’une dispense de contribution carbone.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement traduit une intention louable visant à récompenser les efforts de réduction d’émissions de gaz à effet de serre entrepris par certains agents. Il semble toutefois paradoxal d’exonérer totalement de ces contributions des installations qui réduisent volontairement leurs émissions, puisque cette réduction entraîne déjà automatiquement une diminution de la contribution carbone. Supprimer totalement cette contribution serait même contre-productif puisque cela diminuerait l’incitation de l’opérateur à poursuivre son effort de réduction des émissions restantes.
Au bénéfice de ces observations, la commission sollicite le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement vous invite également, et pour les mêmes raisons, à retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Magras, l’amendement n°I-440 est-il maintenu ?
M. Michel Magras. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L’amendement n°I-440 est retiré
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° I-257, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Le transport aérien est responsable de 3 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne. Or, ces émissions ont augmenté de 87 % entre 1990 et 2004, alors que des réductions sont observées dans d’autres secteurs.
En dépit du ralentissement dû à la crise actuelle, le transport aérien reste sur une courbe croissante. Il engendre la plus grande quantité de gaz à effet de serre par passager au kilomètre, ou par tonne au kilomètre lorsque l’on raisonne au niveau du fret. En moyenne, un individu, lorsqu’il est dans un avion, émet deux fois plus de gaz carbonique qu’en voiture, six fois plus qu’en train, en métro ou en bus. Pour les marchandises, le transport aérien produit six fois et demie plus de gaz carbonique qu’un camion, quatre-vingts fois plus qu’un train ou un bateau. Et ces éléments ne tiennent pas compte du bruit dont sont victimes les riverains des aéroports – les personnes luttant contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne me contrediront pas !
Ce transport émet aussi des oxydes d’azote – M. About en parlait tout à l’heure –, des particules et des vapeurs d’eau qui provoquent les traînées de condensation et la formation de Cirrus. Ces phénomènes ont un effet non négligeable sur le réchauffement climatique.
Au regard de ces constats, je vous propose de supprimer l’exonération de contribution carbone dans le transport aérien. Nous devons tout mettre en œuvre pour faire reculer la part du transport aérien dans notre pays. En tant qu’usager régulier du TGV, je sais que cela est possible. Les alternatives existent, et il faut les encourager par un meilleur signal-prix.
M. le président. L'amendement n° I-387, présenté par M. Beaumont, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - utilisés pour la navigation fluviale et maritime dans les eaux communautaires, y compris la pêche, les transports internationaux et intracommunautaires, à l'exclusion des bateaux de plaisance privés ; »
II. - Alinéa 3, tableau, huitième ligne
Rédiger ainsi cette ligne :
Gazole : |
22 |
Hectolitre |
1,13 |
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. Tout à l’heure, le Sénat a adopté, sur l’initiative de M. le rapporteur général, l’amendement n° I-140 tendant à consentir au transport fluvial de marchandises une atténuation de taxe carbone égale à celle dont bénéficie le transport routier.
L’amendement n° I-387 vise à aller un peu plus loin, en poursuivant d’ailleurs le raisonnement de Mme la ministre s’agissant du transport routier. Il s’agit en effet de permettre aux pavillons fluviaux français de faire face à la concurrence des pavillons belges, hollandais ou allemands, lesquels ne sont pas soumis à une taxe carbone.
Si la contribution carbone a certes été déjà réduite, il reste cependant une part résiduelle qui ne peut être que discriminatoire par rapport aux transporteurs fluviaux étrangers : les gros porteurs qui traversent les mers iront non plus à Dunkerque ou au Havre, mais plutôt à Anvers ou à Rotterdam, où ils paieront le carburant beaucoup moins cher, d’où une baisse du prix du transport fluvial.
Je vous rappelle que, aujourd'hui, en France, plus de 35% des transports fluviaux sont déjà effectués par des compagnies étrangères. Si vous voulez que les choses continuent ainsi et que tous les Européens viennent naviguer sur nos fleuves avec du carburant détaxé acheté à l’étranger, il suffit de continuer ainsi !
Compte tenu du volume de carburant concerné, qui est relativement faible par rapport à celui du transport routier – c’est environ 100 fois moins –, un effort particulier pourrait être fait en faveur du transport fluvial, domaine qui n’a jamais été vraiment favorisé en France. Le Grenelle de l’environnement a décidé d’y remédier, mais ajouter aux paroles les actes serait encore mieux !
M. le président. L'amendement n° I-420, présenté par MM. Lambert et Garrec, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - utilisés pour les transports maritimes, autres qu'à bord de bateaux ou navires de plaisance privées ;
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Cet amendement tend à éviter que les transports maritimes nationaux n’entrent dans le dispositif de contribution carbone. Chacun s’accorde en effet à recommander que le cabotage maritime, mode moins polluant que d’autres à la tonne transportée, soit encouragé. Si les transports maritimes nationaux n’étaient pas exclus par le législateur du dispositif, les conséquences seraient les suivantes : une disqualification du mode maritime dans le report modal, un renchérissement du coût de la vie des îliens et une distorsion de concurrence supplémentaire avec les armateurs extérieurs et concurrents.
Enfin, madame la ministre, un dispositif international devrait, me semble-t-il, être mis en œuvre ; or, il ne me paraît pas sage d’empiler les dispositifs concernant ce type de transport.
M. le président. Le sous-amendement n° I-549 rectifié, présenté par M. Marc et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Amendement n° I-420
I. - Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
; pour les transports nationaux assurant la continuité territoriale, l'exonération s'applique que ces transports soient gérés en régie directe ou qu'ils aient reçu délégation de service public maritime
II. - Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :
La perte de recette pour l'État résultant de la non-application de la contribution carbone aux produits utilisés pour les transports nationaux assurant la continuité territoriale est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, ce sous-amendement est identique au sous-amendement n° I-548 rectifié, à l’amendement n° I-179. Je les défendrai donc en même temps.
Ce sous-amendement de précision, déposé sur l’initiative de notre collègue François Marc, vise à remplacer les mots : « transports nationaux » par les mots : « transports nationaux assurant la continuité territoriale » – cela vise donc particulièrement les transports vers les îles –, que ces transports soient gérés en régie directe ou qu’ils aient reçu une délégation de service public maritime. L’objectif est que l’exonération prévue par les amendements nos I-420 et I-179 s’applique aux transports maritimes visant à la continuité territoriale.
Prenons l’exemple du conseil général du Finistère : ce dernier participe déjà à hauteur de 3 millions d’euros en subvention d’équilibre au transport vers toutes les îles entourant la pointe de la Bretagne. Si ces transports étaient soumis à la contribution carbone, le conseil général devrait alors augmenter sa subvention !
M. le président. L'amendement n° I-179, présenté par MM. J.C. Gaudin et Gilles, Mlle Joissains et M. Revet, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
, et pour les transports nationaux ayant reçu délégation de service public maritime
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Le sous-amendement n° I-548 rectifié, présenté par M. Marc et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Amendement n° I-179
I. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
«, et pour les transports nationaux assurant la continuité territoriale, que ces transports soient gérés en régie directe ou qu'ils aient reçu délégation de service public maritime.
II. - Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :
La perte de recette pour l'État résultant de la non-application de la contribution carbone aux produits utilisés pour les transports nationaux assurant la continuité territoriale, est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° I-179 n’est pas soutenu, et le sous-amendement n° I-548 rectifié n’a donc plus d’objet.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° I-257 tend à supprimer l’exonération de contribution au profit du carburant utilisé par les aéronefs. Il y a sans doute une erreur de référence dans la mesure où, en l’état actuel de sa rédaction, il vise à supprimer l’exonération en faveur du transport maritime. L’avis de la commission ne peut donc pas être favorable.
L’amendement n° I-387 exonère de contribution les carburants utilisés par les transports maritimes et fluviaux nationaux ainsi que ceux qui sont utilisés pour la pêche. Il porte également à 1,13 euro par hectolitre, au lieu de 4,52 euros par hectolitre, le tarif de la contribution applicable au gazole. La aussi, un problème de coordination et de références tarifaires dans la rédaction de l’amendement se pose. Il s’agit probablement d’erreurs matérielles, mais elles empêchent la commission d’accompagner la démarche de M. René Beaumont. Je l’invite donc à retirer son amendement.
Cela étant, l’amendement n° I-387 est largement satisfait par l’amendement n° I-140 de la commission, qui a diminué le tarif de contribution carbone applicable au transport fluvial. En outre, je suggère à M. Beaumont de se rallier à l’amendement n° I-420 de nos collègues Alain Lambert et René Garrec, lesquels souhaitent exonérer de contribution carbone le transport maritime national. Vos intentions convergent, mes chers collègues, et, après le retrait de l’amendement n° I-387, il serait utile d’appuyer l’amendement n° I-420.
L’amendement I-420 étend aux transports maritimes nationaux l’exonération de contribution carbone dont bénéficie le transport maritime international et intra-communautaire. Je précise d’ailleurs que, d’un point de vue fiscal, les liaisons entre le continent et la Corse sont considérées comme des transports internationaux et qu’elles sont dès lors exonérées de la contribution carbone, ce qui ne va pas de soi pour la liaison entre La Tour-Fondue, à Hyères, et Porquerolles, ou la liaison vers l’Île-d’Yeu, qui suscitait récemment l’intérêt de notre collègue Bruno Retailleau.
J’ai bien écouté Alain Lambert et je l’ai trouvé convaincant, en particulier lorsqu’il a évoqué les distorsions de concurrence entre les armateurs nationaux et ceux qui opèrent sur tout le continent. La comparaison que j’ai faite entre les transports réguliers à destination de la Corse et les transports plus modestes vers des îles plus proches des côtes montre bien que quelque chose n’est pas tout à fait au point dans ce dispositif.
Sans doute, madame la ministre, allez-vous pouvoir répondre à ces préoccupations. En attendant, la commission comprend les intentions des auteurs de l’amendement et souhaiterait que les contradictions relevées puissent être éliminées.
Le sous-amendement n° I-549 rectifié vise à préciser que l’exonération de contribution s’applique aux transports gérés en régie directe ou ayant reçu délégation de service public. Je n’ai pas bien compris si l’exonération ne concernait que cette catégorie de transports.
M. Jean-Claude Frécon. Il s’agit des transports assurant la continuité territoriale vers les petites îles, notamment bretonnes !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je me demandais si l’exonération était limitée aux liaisons exercées dans le cadre d’un contrat avec une collectivité publique. Si tel n’est pas le cas, le sous-amendement n’est pas indispensable, l’amendement n° I-420 me semblant incontestablement englober ces liaisons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. L’amendement n° I-257 vise à supprimer la disposition exonérant de la contribution carbone les produits énergétiques utilisés à bord des aéronefs, à l’exclusion des aéronefs privés.
Il a déjà été répondu à cette demande en faisant référence à la Convention de Chicago et à la directive européenne. Les mêmes arguments s’appliquant ici, le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° I-387, j’ai les mêmes réserves de forme que M. le rapporteur général. J’ai également une réserve de fond, que je développerai en donnant l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° I-420. En tout cas, monsieur Beaumont, l’amendement de M. Lambert satisferait probablement pour l’essentiel le vôtre.
J’en viens maintenant à l’amendement n° I-420.
Si je comprends bien, monsieur Lambert, votre amendement vise à étendre l’exonération prévue pour les transports maritimes internationaux et intracommunautaires au carburant utilisé pour les opérations de cabotage. Chacun s’accorde à considérer que ces dernières ont beaucoup de vertus, notamment pour de courtes distances. Néanmoins, la contribution carbone que nous souhaitons instaurer ne doit pas être mitée par toute une série de dérogations. Nous voulons absolument que ce soit un signal-prix à destination du plus grand nombre en matière d’émissions de CO2.
Vous indiquez que le cabotage maritime est un moyen de transport écologiquement plus vertueux que les autres et que celui-ci s’inscrit parfaitement dans les objectifs du Grenelle de l’environnement.
Il nous semble que les atouts du transport maritime de courte distance sont déjà pris en compte par un dispositif fiscal favorable. Les produits énergétiques utilisés comme carburant ou combustible pour la navigation maritime bénéficient d’une exonération totale dans le cadre de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Vouloir ajouter une exonération de contribution carbone créerait une exonération dont la pertinence ne se justifie pas, même compte tenu du caractère environnementalement plus correct du transport maritime de type cabotage.
Notre volonté est non pas de sanctionner le transport maritime de proximité, en particulier le cabotage, mais d’éviter de créer des exonérations aujourd’hui pour le transport fluvial, au prétexte qu’il présente plus d’avantages que le transport routier, ou demain pour un autre secteur d’activité en raison de facteurs socio-économiques tels que, par exemple, des foyers qui continuent à se chauffer au charbon dans la région Nord.
Dans ces conditions, la contribution carbone, dont l’ambition est d’être générale et d’offrir un signal-prix à tout un chacun, deviendrait un morceau de dentelle, élégant certes, mais dont seraient exonérées les catégories ayant le mieux plaidé leur cause. (Mme Fabienne Keller acquiesce. – M. Alain Lambert sourit.)
Pour cette raison et malgré tout le respect que j’ai pour la qualité de votre amendement, le Gouvernement vous invite à le retirer. À défaut, il émettra un avis défavorable, ainsi que sur le sous-amendement n° I-549 rectifié.
M. le président. Monsieur Beaumont, l’amendement n° I-387 est-il maintenu ?
M. René Beaumont. Je me trouve dans une situation un peu compliquée, puisque la commission me demande de me rallier à l’amendement n° I-420, dont le Gouvernement vient de demander le retrait. C’est sans issue !
Je veux bien accepter les arguments qui m’ont été opposés en ce qui concerne le transport fluvial ou le transport maritime pour l’exercice budgétaire à venir. Néanmoins, madame la ministre, ne serait-il pas possible de mettre l’année 2010 à profit pour étudier toutes les taxes qui touchent les transports fluvio-maritimes, maritimes et fluviaux européens ? Une véritable politique européenne en matière de carburants, non seulement pour la navigation commerciale mais également pour la navigation de plaisance, mettrait fin à cette concurrence sauvage et éviterait l’émiettement que vous redoutiez à l’instant.
Actuellement, les transports fluvio-maritimes, que je connais bien, sont très pénalisés par rapport à leurs concurrents européens. En lisant l’amendement n° I-420 de mon collègue Alain Lambert, on s’aperçoit que le cabotage maritime l’est aussi. Saisissons l’occasion de mettre un peu d’ordre et de faire disparaître les disparités notoires dans ce secteur.
En attendant, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° I-387 est retiré.
Monsieur Lambert, l’amendement n° I-420 est-il maintenu ?
M. Alain Lambert. Je ne suis que le modeste greffier de M. Garrec, qui est un sénateur du littoral, contrairement à moi !
Madame la ministre, j’ai d’autant plus apprécié le cours fiscal particulier que vous m’avez dispensé que j’ai suivi l’enseignement de la meilleure école de la République, celle de la commission des finances du Sénat ! (Sourires.) J’en suis ressorti avec la conviction que la meilleure imposition consistait à appliquer l’assiette la plus large et le taux le plus bas possible.
Cela étant, et pardonnez-moi de vous le dire, la nouvelle contribution que nous instaurons fait déjà dans la dentelle avant même que j’aie eu à présenter mon amendement ! Au reste, puisque nous parlons de dentelle, je vous signale que la plus belle est celle au point d’Alençon ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai !
M. Alain Lambert. Or nous ne faisons ni de la dentelle ni de la fiscalité aveugle, nous faisons de l’économie !
Je vais reprendre l’exemple du cabotage.
D’un côté, il y a un armateur français, que vous encouragez vivement à créer des emplois et à les conserver, en lui versant au besoin des primes dans des conditions compliquées ; de l’autre, il y a un armateur britannique, qui, lui, ne touche pas de prime, mais qui n’aura pas à payer la contribution carbone.
Lorsque vous m’aurez expliqué comment le Français pourra être plus compétitif que le Britannique, j’aurai des raisons de retirer mon amendement !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote sur le sous-amendement n° I-549 rectifié et sur l’amendement n° I-420.
M. Jean-Claude Frécon. Je souscris tout à fait à la démonstration d’Alain Lambert. Si l’on veut que notre économie soit compétitive, il ne faut pas créer de nouvelles distorsions de concurrence entre des entreprises ayant la même activité sur un même territoire.
Tout à l’heure, s’agissant des compagnies d’aviation, on m’a dit que, par souci de ne pas faire de distorsion, il fallait appliquer la taxe dans notre pays. Mais si je retourne l’argument, j’en déduis qu’il ne faut pas l’appliquer ici ! Soyons cohérents : on ne peut pas pencher une fois dans un sens et une fois dans l’autre au nom d’un même principe !
Concernant le sous-amendement, j’ai indiqué, en le présentant, qu’il s’agissait d’un sous-amendement de précision. La proposition de François Marc et du groupe socialiste visait à appeler l’attention du Sénat sur notre volonté d’assurer la continuité territoriale vers les petites îles, y compris pour les petits trajets. La rédaction d’Alain Lambert et de René Garrec est bonne, mais elle mérite d’être précisée. C’est pourquoi nous soutenons leur amendement, en espérant que les termes « assurant la continuité territoriale » y seront ajoutés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je souhaite vivement vous convaincre, monsieur Lambert.
Je sais que les vertus d’une assiette large et d’un taux bas avec le moins de dérogations possible vous agréent. Or c’est l’objectif que nous poursuivons avec cette contribution.
Je doute que le cabotage national ne soit l’objet d’une distorsion de concurrence et que des armateurs étrangers ne soient en mesure d’appareiller des navires, de les approvisionner en carburant dans leur port d’attache, puis de les faire naviguer entre Nantes et Bordeaux ou Le Havre et Cherbourg. Même si je suis sensible à l’argument économique que vous soulevez, je ne pense pas que ce secteur soit exposé à la concurrence internationale.
De plus, malgré toute la sympathie que m’inspire le cabotage maritime et en dépit des vertus dont il est paré, je crains que l’application de la contribution carbone telle que vous la prônez ne varie selon le tonnage du bateau ou la route qu’il aura empruntée. Il existe déjà aujourd’hui dans ce type d’activité des difficultés d’interprétation et de segmentation redoutables ; n’en ajoutons pas à l’occasion d’un amendement, fût-il de qualité en raison de son auteur et de sa rédaction ! À nouveau, je vous invite à le retirer pour éviter de créer une nouvelle difficulté d’interprétation.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Lorsque nous avons commencé l’examen de l’article 5, Mme la ministre s’est réjouie que la France puisse présenter pour la première fois lors du sommet de Copenhague cette proposition en matière environnementale de taxe carbone, devenue depuis « contribution » carbone. Vous aviez d'ailleurs marqué votre préférence pour le terme « taxe ».
M. Jean Desessard. S’agissant de ce qui relève de l’économie captive, c'est-à-dire sur le plan national, vous dites qu’il faut appliquer la taxe, madame la ministre. Mais dès que nous abordons l’examen des secteurs en concurrence avec des entreprises d’autres pays, vous déclarez qu’il importe de les exonérer afin de favoriser nos entreprises !
M. Adrien Gouteyron. Cela vous choque-t-il ?
M. Jean Desessard. Madame la ministre, j’espère que les pays participant au sommet de Copenhague vont se mettre d’accord et que la France va demander que les secteurs concurrentiels à l’échelon international soient taxés. Si des mesures concernant les échanges économiques mondiaux ne sont pas prises à Copenhague, alors ce sommet n’aura servi à rien !
Si l’on ne veut taxer que les petits artisans en France, je crains qu’il ne soit difficile d’y parvenir à l’échelle de la planète… Si un pays comme la France ne donne pas l’exemple, qui va le faire ? À quoi allons-nous arriver si l’on ne taxe que le marché captif, le marché concurrentiel international ne l’étant pas ? Comment pourra-t-on obtenir la taxation du marché concurrentiel international si nous le refusons, au motif que les autres ne le font pas ?
Bref, quelle attitude la France va-t-elle adopter à Copenhague ? Va-t-on s’orienter vers une taxation de l’ensemble de l’économie polluante de la planète ?
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.
M. Alain Lambert. S’il s’agissait simplement de vous faire plaisir, madame la ministre, j’aurais immédiatement accédé à votre demande. (Sourires.) Malheureusement, je n’ai pas été convaincu. Cette contribution est mal née, disons-le franchement. Elle est pour le moins imparfaite.
Mme Nicole Bricq. En effet !
M. Alain Lambert. Vous me demandez de la parfaire, mais mon amendement serait bien modeste pour parfaire une contribution si mal née. Je ne veux pas, avec mon collègue René Garrec, porter le péché des pertes d’emplois dans le domaine maritime. (M. René Garrec acquiesce.) C’est au Gouvernement de l’assumer devant les Français !
Nous sommes confrontés à des problèmes économiques gravissimes. Nous ne pouvons pas prendre une telle responsabilité. J’ajoute que vous n’avez pas répondu à ma question, madame la ministre.
Le transport maritime, à l’instar du transport aérien, devrait être prochainement intégré dans un dispositif international. Attendons donc ! Pourquoi nous précipiter, donner des leçons de vertu au monde entier au prix de la perte de nos emplois ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. Exactement !
M. Alain Lambert. Pour ma part, je n’en ai pas la force. C’est la raison pour laquelle nous maintenons notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Avec l’application des directives européennes, l’imposition de l’essence a augmenté à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, ce qui nous a mis en difficulté considérable par rapport à la partie hollandaise de Saint-Martin, qui a le statut de pays et territoire d’outre-mer : le prix du litre d’essence était à l’époque de 0,86 euro à Saint-Martin et de 1,39 euro à Saint-Barthélemy ! Avec la crise guadeloupéenne, les prix ont été revus à la baisse.
Cela étant dit, si la contribution carbone était appliquée à la partie française de Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, je crains qu’un certain nombre de stations-service ne soient condamnées à fermer.
M. Jean Desessard. Cela représente quatre centimes d’euros : il ne faut tout de même pas exagérer !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-549 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° I-397, présenté par M. Collomb, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- destinés à êtres utilisé par des installations, véhicules ou engins participant à un service public de leur compétence et pour lequel une collectivité locale s'est engagée, dans le cadre de son plan énergie climat territorial, à compenser les émissions directes de gaz à effet de serre de ces mêmes installations ou véhicules par des crédits certifiés issus de projets dits de Mécanisme de Développement Propre vecteurs de coopération décentralisée.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par le reversement au compte Kyoto de l'État des crédits carbone.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-141 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - utilisés, jusqu'au 31 décembre 2010, par des réseaux de chaleur non soumis au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre prévu par la directive n° 2003/87/CE précitée, en proportion de la puissance souscrite destinée au chauffage de logements.
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant, pour l'État, de l'exonération temporaire de contribution carbone au bénéfice des réseaux de chaleur sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission souhaite que les produits énergétiques utilisés par les réseaux de chaleur soient temporairement exonérés de la contribution, et ce jusqu’au 31 décembre 2010. Notre souci est de préserver le pouvoir d’achat des abonnés au chauffage urbain. Nous voulons prendre le temps d’examiner le problème.
À la lecture des débats à l’Assemblée nationale et des travaux préparatoires, j’ai le sentiment, s’agissant de l’incidence de la contribution carbone sur le pouvoir d’achat, que nous nous sommes concentrés sur les déplacements, faisant passer au second plan la question du chauffage. Je ne dispose d’ailleurs d’aucun élément chiffré de nature à me prouver que ce que j’appelle les « ristournes » restituées aux particuliers incorpore bien une estimation des surcoûts de chauffage.
Au surplus, le signal-prix dont nous parlons doit faire évoluer les comportements. Quand vous êtes simplement de l’autre côté d’un robinet qui vous alimente en eau chaude et en chauffage, comment pouvez-vous évoluer dans votre comportement ? Bien sûr, l’exploitant d’une chaufferie urbaine peut prendre des mesures. Il est en général lié avec une collectivité par un contrat de délégation de service public – il peut s’agir d’un affermage, d’une concession. Mais le temps que toutes ces choses très complexes évoluent, l’usager individuel, locataire ou copropriétaire, paie… et il peut voir sa facture augmenter sensiblement !
Bien entendu, la contribution carbone est plutôt un facteur second dans l’ensemble des éléments qui entrent dans le calcul d’une facturation de chauffage, mais il doit pouvoir être contrôlé.
C’est pourquoi, madame la ministre, la commission demande un moratoire d’une année pour mieux étudier la question s’agissant du chauffage urbain. Il ne s’agit nullement d’un refus de notre part. Nous n’essayons pas de détricoter cette contribution. Dans la mesure où c’est un sujet sensible pour l’opinion publique, nous voulons simplement en connaître avec certitude les effets.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, votre amendement a pour objet d’exonérer de taxe carbone jusqu’au 31 décembre 2010 les produits énergétiques utilisés par des réseaux de chaleur non soumis au régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre en proportion de la puissance souscrite destinée au chauffage des logements.
Vous estimez, en effet, que les ménages les plus modestes doivent être préservés d’une incidence trop brutale de la hausse des prix énergétique due à la taxe carbone. C’est bien dans cet esprit qu’avait été adopté un régime favorable de TVA à taux réduit pour ces réseaux.
En revanche, ajouter une exonération de taxe carbone au bénéfice des réseaux de chaleur entrerait en contradiction avec le principe d’égalité devant l’impôt au regard du chauffage individuel utilisant les mêmes sources d’énergie ainsi qu’avec les dispositions de la directive 2003/96/CE qui ne prévoit d’exonération en l’espèce que dans le cas de cogénération visé par l’amendement précédemment défendu par M. Muller.
Cette exonération, si elle s’appliquait, même pour une durée d’une année, irait à l’encontre des objectifs de la taxe, alors que les émissions du secteur résidentiel constituent un enjeu important pour le respect de nos engagements internationaux.
Par ailleurs, les ménages concernés bénéficieront de la redistribution du produit de la taxe carbone prévue à l’article 6.
Vous m’avez demandé si nous avions pris en compte la question du chauffage, en plus des questions de transport, pour déterminer la façon dont les différents déciles de niveau de vie, qui sont au nombre de dix dans notre pays, classés ensuite entre ruraux et urbains, bénéficient ou non, en net positif ou en net négatif, du mécanisme prévu : article 5, taxe carbone ; article 6, crédits aux ménages.
En tenant compte des charges supplémentaires liées à l’application de la taxe carbone en matière de transports et de chauffage, il y a bien un gain net pour les catégories de ménages les plus modestes, en tout cas pour les quatre premiers déciles en milieu urbain et pour le premier décile en milieu rural.
Telles sont les informations complémentaires que je souhaitais vous communiquer. Les ménages les plus modestes ne seront donc pas pénalisés par la taxe carbone, y compris en tenant compte du chauffage.
Au bénéfice de ces explications, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Marini, l'amendement n° I-141 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame la ministre, l’amendement n’est pas parfait, notamment du point de vue communautaire. J’ai cependant le sentiment que la discussion à l’Assemblée nationale a été incomplète sur cette question, et je ne voudrais pas que nous passions à côté d’une réelle difficulté.
Je comprends qu’en l’état cet amendement puisse poser quelques problèmes. Toutefois, comme élément de discussion au sein de la commission mixte paritaire, il peut avoir son utilité. C’est la raison pour laquelle je crois devoir le maintenir. Nous pourrons ainsi poursuivre la discussion avec nos collègues députés en commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Au risque de prendre une position impopulaire, je m’inquiète des exonérations multiples que nous venons de valider, les unes après les autres, tout en expliquant qu’il vaudrait mieux appliquer cette nouvelle fiscalité à tous les secteurs plutôt que de faire de la dentelle d’Alençon…
S'agissant des réseaux de chaleur, monsieur le rapporteur général, je m’inquiète des pratiques des sociétés de chauffage urbain, qui comparent souvent leurs prix aux évolutions des prix de l’énergie. Un décalage dans le temps créerait une incohérence qui ne serait pas forcément favorable, la formation des prix étant déjà d’une transparence toute relative…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
Mme Fabienne Keller. Il s’agit peut-être plus d’une question de transparence en matière de formation des prix des réseaux de chaleur. On a déjà constaté des hausses de prix supérieures au montant de la contribution carbone, dont j’ai le plaisir de rappeler que, pour l’essence, elle ne s’élève qu’à 4 centimes, …
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !
Mme Fabienne Keller. … soit à peu près 10 % de la hausse du marché de l’été 2008.
L’argumentation concernant l’habitat social est légitime, mais les réseaux de chaleur alimentent de nombreux logements construits dans les années soixante et soixante-dix. Or tous ne sont pas des logements sociaux.
La question du chauffage dans l’habitat social est en effet un véritable sujet. Il me semble d’ailleurs que nos anciens Premiers ministres, MM. Juppé et Rocard, étudient cette question dans le cadre de leur réflexion sur le « grand emprunt », dont une partie devrait être dédiée à la rénovation thermique des logements sociaux.
Enfin, s’il est vrai que tout le monde ne peut pas isoler son logement, en particulier les locataires de logements sociaux, chacun peut néanmoins fermer ses volets, gérer la température, bref, être vigilant. Je rappelle que, chaque fois qu’un kilowattheure est économisé, c’est non pas la contribution carbone mais l’ensemble de la dépense d’énergie qui est économisée. Il nous faut donc tous ensemble trouver un autre équilibre entre confort et dépense énergétique.
La contribution carbone étant faible, essayons de lui conserver sa pureté et une assiette aussi exhaustive que possible, du moins à ce stade.
M. le président. La parole est à M. Bernard Angels, pour explication de vote.
M. Bernard Angels. L’amendement précédent n’ayant pas été adopté, nous voterons celui que vient de présenter M. le rapporteur général, qui tend à exonérer de contribution carbone jusqu’au 31 décembre 2010 les produits énergétiques utilisés par les réseaux de chaleur.
Certes, madame Keller, les réseaux de chaleur ne concernent pas que les familles modestes ; mais, vous savez comme moi que les prix ont explosé depuis quelques années, en particulier depuis l’année dernière du fait de l’augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
M. Bernard Angels. À un moment, il importe de faire les comptes et d’évaluer l’incidence de toutes ces taxes sur les contribuables !
M. le président. L'amendement n° I-442, présenté par MM. Revet, Marini, Détraigne, Bécot, Beaumont et Magras, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 16
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
A bis. - Après le 1 bis de l'article 265 bis A, il est inséré un 1 ter ainsi rédigé :
« 1 ter. La réduction de taxe intérieure de consommation visée au 1 est majorée :
« 1° Pour les produits visés aux 1, 2 et 5 du tableau du 1 du présent article, de 65,79 % du tarif rendu applicable, par le tableau du 1 de l'article 266 quinquies C, au produit auquel ils sont incorporés ;
« 2° Pour les produits visés aux 3, 4 et 6 du tableau du 1 du présent article, de 66,44 % du tarif rendu applicable, par le tableau du 1 de l'article 266 quinquies C, au produit auquel ils sont incorporés. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Le présent amendement vise à compenser l'instauration de la contribution carbone sur les biocarburants par une majoration de la réduction de TIPP dont ils bénéficient en application du code des douanes.
L’application de la contribution carbone aux biocarburants est une curiosité. En effet, cette contribution a pour vocation d’inciter à abandonner les énergies émettrices de gaz à effet de serre au profit d’énergies plus économes à cet égard, ce qui est tout à fait le cas quand on passe des énergies fossiles que sont l’essence ou le gazole aux énergies renouvelables que sont les biocarburants, c'est-à-dire l’éthanol, le biodiesel et le diester.
Pour ne pas en arriver à une situation où, à énergie produite égale, les biocarburants seraient plus taxés que les énergies fossiles, il faut adopter l’amendement que nous vous proposons, mes chers collègues.
Sur la base des données de la dernière étude publiée en octobre 2009 par l'ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – c’était une étude très attendue, les précédentes études étant soupçonnées de partialité –, les réductions d'émissions, pondérées par les différents types de matières premières agricoles utilisées pour produire les biocarburants, atteignent 65,79 % par rapport au gazole fossile pour les biodiesels, et 66,44 % par rapport à l'essence fossile pour les éthanols. Il n’y a donc pas photo, si je puis dire !
Il faut que nous soyons logiques dans notre démarche concernant les biocarburants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement souligne une véritable difficulté, madame la ministre. Il met en évidence un problème de cohérence de la politique qui est conduite.
En effet, d’un côté, les différentes filières de biocarburants sont soumises à un régime de défiscalisation partielle, de l’autre, elles seraient traitées à l’identique des autres moyens énergétiques sans tenir compte de leur spécificité au regard de la contribution carbone. D’un côté, l’État encourage la production de biocarburants, de l’autre, il leur appliquerait une contribution, que nous n’avons pas voulu appeler « taxe » mais qui constitue néanmoins un facteur de renchérissement de leur prix de revient, et ce quasiment d’une année sur l’autre ! Je rappelle en effet que, l’an dernier, nous avons « requalibré » les incitations fiscales, en les réduisant d’ailleurs sensiblement, afin de tenir compte de l’évolution des paramètres économiques internationaux.
Je suis un peu gêné concernant l’amendement n° I-442, car j’en suis cosignataire à titre individuel. Je l’ai présenté à la commission, qui ne m’a pas suivi. Je me suis donc associé à la démarche de MM. Revet, Détraigne, Bécot, Beaumont et Magras pour poser avec eux la question de l’incidence du dispositif sur la production de biocarburants.
Il faut souligner, comme l’a fait Yves Détraigne, que l’on se fonde bien sur la réalité des gains en CO2 durant tout le cycle de vie des produits, avec une application différenciée selon le caractère plus ou moins performant en termes environnementaux de ces produits.
La commission m’a demandé de solliciter l’avis du Gouvernement sur cet amendement, et je le fais bien volontiers.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Permettez-moi pour une fois d’intervenir un peu longuement, mais les coûts concernés le justifient.
Nous parlons d’un secteur qui bénéficie aujourd’hui de mesures de soutien de l’ordre de 620 millions d’euros. Cet amendement, s’il était adopté, conduirait à augmenter de 200 millions d’euros ces mesures de soutien, somme qui bénéficierait non pas aux ménages, comme on pourrait l’espérer, mais aux producteurs, et donc aux pétroliers. Il faut en être bien conscient.
Vous avez évoqué un manque de cohérence, monsieur le rapporteur général ; or il y a une cohérence. La France a souhaité développer les biocarburants, et ce pour trois raisons. Elle l’a fait d’abord pour des raisons économiques évidemment, les biocarburants constituant une nouvelle source de revenus pour les agriculteurs. Nous y tenons. Elle l’a fait ensuite afin de préserver l’environnement, les biocarburants permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle l’a fait enfin pour des raisons géopolitiques : plus la France sera capable de développer des sources d’énergie sur son territoire, moins elle sera dépendante de l’extérieur.
Pour favoriser le développement des biocarburants, nous avons eu recours à deux moyens que vous connaissez bien, mesdames, messieurs les sénateurs.
D’une part, nous avons utilisé l’incitation financière directe, sous la forme d’un remboursement de TIPP accordé aux pétroliers qui incorporent des biocarburants aux carburants fossiles. Plus ils incorporent d’agrocarburants – nous allons les appeler ainsi, car c’est plus simple – dans les carburants fossiles, plus ils bénéficient d’exonération de TIPP.
D’autre part, nous avons institué une obligation d’incorporation dans une proportion fixée par les pouvoirs publics et sanctionnée, en cas de non-respect, par la taxe générale sur les activités polluantes, dont le taux est égal à la différence entre l’objectif fixé et le niveau d’incorporation réalisé. Si les pétroliers ne réalisent pas d’incorporation, ils paient la TGAP. S’ils la réalisent, ils ne sont pas sanctionnés.
Monsieur le sénateur, vous proposez de majorer la défiscalisation d’un montant égal à un pourcentage des tarifs de contribution carbone déterminé en fonction des réductions théoriques d’émission de CO2 des biocarburants par rapport aux carburants classiques.
La question du niveau de défiscalisation a été abondamment débattue l’année dernière, puis tranchée lors des discussions. Nous étions alors convenus de la nécessité de diminuer progressivement la défiscalisation et d’effectuer un glissement technologique en nous orientant le plus possible vers les biocarburants de nouvelle génération, dont on sait qu’ils seront plus efficaces.
Telles sont les raisons pour lesquelles le mécanisme en place nous paraît suffisamment incitatif. Nous nous plaçons dans la durée en envisageant de soutenir les biocarburants de nouvelle génération. Nous disposons pour cela d’un double mécanisme : d’une part, une incitation fiscale grâce au remboursement de TIPP – c’est la carotte –, d’autre part, d’une taxation – c’est le bâton – si l’incorporation de biocarburants n’est pas réalisée dans les proportions requises. Il ne nous paraît donc pas souhaitable de prévoir en plus une exonération de contribution carbone.
L’introduction de la contribution carbone ne change rien à la problématique de compensation entre les carburants fossiles et les coûts de production des biocarburants.
Par ailleurs, l’augmentation proposée de la défiscalisation, je le rappelle, bénéficierait entièrement aux producteurs, c’est-à-dire aux pétroliers. Elle n’aurait pas d’effet sur les ménages, qui, eux, paient à la pompe. En l’absence de circuits de distribution distincts, l’augmentation de la défiscalisation n’aurait aucun effet sur le signal-prix, cet effet étant l’objectif de la contribution carbone.
Enfin, s’il y a consensus sur le fait que les biocarburants émettent moins de gaz à effet de serre que les carburants fossiles, vous n’ignorez pas que la mesure précise de cette vertu environnementale « du puits à la roue », comme disent les spécialistes, est controversée et incertaine. C’est d’ailleurs cette incertitude qui légitime la priorité que nous voulons donner aux biocarburants de deuxième génération.
En résumé, cet amendement, s’il était adopté, aggraverait la défiscalisation, qui passerait de 620 millions d’euros aujourd’hui à 820 millions d’euros demain, au bénéfice essentiellement des producteurs que sont les pétroliers. Les ménages ne verraient quasiment rien passer et le signal-prix serait inexistant.
Dans ces conditions, il ne me paraît pas souhaitable d’adopter cet amendement. J’invite donc leurs auteurs à le retirer.
Cela étant dit, je reconnais volontiers que la question de l’inclusion des biocarburants dans les carburants d’origine fossile constitue un véritable problème. Je suis prête à engager une réflexion sur ce sujet avec Jean-Louis Borloo et à examiner avec lui tous les dispositifs applicables aux biocarburants – la contribution carbone, mais également les multiples défiscalisations existantes – afin de trouver des solutions permettant de mieux soutenir cette filière et de répondre à l’objectif économique qui demeure : offrir une source de revenus supplémentaires aux agriculteurs.
Maintenons cet objectif, mais ne tentons pas de l’atteindre par le biais d’une taxation supplémentaire qui ne bénéficierait qu’aux pétroliers !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse argumentée, même si elle renforce mes inquiétudes.
Vous nous dites que le coût de la défiscalisation de TIPP pour 2010 s’élèvera à 620 millions d’euros et que la contribution carbone sur les biocarburants coûterait, elle, 200 millions d’euros, ce qui signifie que les filières qui devraient bénéficier d’un avantage économique de 620 millions d’euros verraient cet avantage réduit à 420 millions d’euros. Est-ce cela que l’on veut faire ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est une remise en cause des conditions économiques !
Vous nous dites que le coût de la dépense fiscale pour les biocarburants est de 620 millions d’euros – je pense que nous pouvons être d’accord sur ce chiffre – et que, par ailleurs, une exonération de la contribution carbone coûterait 200 millions d’euros à l’État, en creusant une niche dans ce nouvel impôt.
Si le coût de la mesure est évalué à 200 millions d’euros pour l’État, c’est bien qu’il s’agit, dans votre esprit, d’une dépense que les professionnels, c'est-à-dire les producteurs de biocarburant, n’auraient plus à faire. Et s’ils n’obtiennent pas l’exonération, ils devront dépenser 200 millions d’euros de plus, somme à déduire de l’avantage de 620 millions d’euros qui leur est accordé. L’avantage passerait donc de 620 millions d’euros à 420 millions d’euros.
Or les représentants des filières concernées nous expliquent qu’ils ont des investissements à assumer, qu’ils ont pris des engagements et qu’ils doivent respecter des plans de financement. Il ne leur est pas possible de s’adapter aussi vite à des fluctuations économiques aussi importantes, qui interviennent brutalement d’une année sur l’autre, de surcroît sans concertation avec les acteurs concernés.
Au demeurant, les 200 millions d’euros ne constituent-ils pas une estimation un peu forcée de la situation ? Ne font-ils pas référence à des objectifs d’incorporation totalement saturés ? On peut s’interroger. Ces 200 millions d’euros correspondent-ils à une exonération totale, alors que l’amendement n° I-442 vise seulement à instituer une exonération à proportion des gains de dioxyde de carbone ?
Madame la ministre, je vous crois lorsque vous évoquez ces chiffres, mais nous ne disposons pas des éléments de calcul. Nous n’avons donc pas été en mesure de croiser les données.
C'est la raison pour laquelle il me semble utile que le débat puisse se poursuivre quelques instants. Nous devrions écouter notre collègue Yves Détraigne avant que lui et les autres auteurs de l’amendement ne décident des suites à y donner.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Je souscris totalement aux questions qui viennent d’être soulevées par M. le rapporteur général, après les explications apportées par Mme la ministre. Je souhaite simplement ajouter quelques interrogations complémentaires.
Madame la ministre, vous avez affirmé que ce prétendu « bénéfice » profiterait aux producteurs, c'est-à-dire aux pétroliers. Excusez-moi, mais, en l’occurrence, les pétroliers sont seulement les distributeurs, et non les producteurs, de biocarburants.
Pour être un peu malicieux, je dirai que les principaux producteurs de biocarburants sont des sociétés dépendant de coopératives agricoles. Or, samedi dernier, pour justifier votre opposition à un amendement déposé par M. le président de la commission des finances sur la fiscalisation de ces coopératives, vous nous avez expliqué que ces dernières bénéficiaient d’une fiscalité particulière car leur activité était le prolongement de l’activité agricole !
Par conséquent, ce prétendu « cadeau », qui consiste simplement à conserver le même niveau de fiscalisation et non à le réduire, ne bénéficierait pas aux pétroliers. Au demeurant, ces derniers sont loin d’être favorables aux biocarburants, qui font concurrence à leurs produits. D’ailleurs, la taxe générale sur les activités polluantes a été instituée pour le cas où les pétroliers ne respecteraient pas les obligations européennes d’incorporation de biocarburants.
Vous avez également affirmé que les bilans énergétiques des biocarburants étaient contestés. Or l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a mené une étude qui vise précisément à clore les débats sur les conditions d’élaboration de ces bilans. Cette analyse du cycle de vie des biocarburants, qui est effectivement complexe, a été conduite sur la base de recommandations méthodologiques émises par la Commission européenne et d’un référentiel agréé par l’ADEME. Ses résultats ont été validés non seulement par le ministère chargé de l’industrie, qui, sauf erreur de ma part, dépend de Bercy, et par l’Institut français du pétrole. Ils ont été publiés le 9 octobre sur le site de l’ADEME, puis ont curieusement disparu cinq jours plus tard. Peut-être les conclusions dérangeaient-elles certains…
Effectivement, cela peut déranger de constater que les biocarburants ont un bon bilan sur le plan à la fois de la production énergétique et des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, l’étude a révélé que la production d’une unité énergétique d’éthanol nécessitait 0,46 unité d’énergie non renouvelable, alors qu’il faut consommer 1,16 unité d’énergie non renouvelable pour produire un litre d’essence. L’éthanol représente donc un gain de 60 % en termes de consommation d’énergie. De même, l’étude a montré que les émissions de gaz à effet de serre par unité énergétique produite ressortaient à 32 grammes d’équivalent dioxyde de carbone par mégajoule d’éthanol. Si l’on compare ce chiffre aux 87,6 grammes d’équivalent dioxyde de carbone produits par l’essence, on constate un gain de 63 %.
Comme dit un adage populaire, qui veut noyer son chien l’accuse de la rage… Je suis désolé, madame la ministre, mais j’ai le sentiment que nous en sommes là aujourd’hui ! On cherche tous les arguments pour refuser le développement des biocarburants. Pourtant, ils sont plus créateurs d’emplois en France que la raffinerie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais d’abord rendre hommage à Mme la ministre, parce que ce débat nous fait prendre la mesure de la tâche extrêmement délicate dont elle est chargée.
Il n’est pas évident de faire voter l’institution d’une contribution carbone. Nous le voyons bien, l’assiette reste large, mais, au fil des amendements, il faut multiplier les allégements, les exemptions… C’est donc un travail extrêmement délicat. On en vient à opposer les prélèvements sur les entreprises à ceux qui pèsent sur les ménages, comme s’il y avait un seul prélèvement sur les entreprises qui ne se traduise pas dans les prix demandés aux consommateurs.
À mon sens, nous aurions peut-être besoin d’une expertise complémentaire sur l’amendement n° I-442. Nous n’avons aucune raison de douter de l’argumentation développée par Mme la ministre. Toutefois, si chacun en était d'accord, peut-être pourrions-nous suspendre le vote sur cette disposition et nous donner rendez-vous lors du collectif budgétaire de fin d’année, c'est-à-dire vers le 16 ou le 17 décembre. Cela nous laisserait le temps de réunir les experts et de voir avec le Gouvernement comment construire un texte parfaitement opérant.
Autrement, je crains que nous ne finissions par adopter des positions un peu arbitraires et par avoir des remords à l’issue de ce vote. En outre, nous risquerions de tout perdre en commission mixte paritaire.
Peut-être le Gouvernement pourrait-il prendre un engagement en ce sens et nous donner rendez-vous pour la mi-décembre. (Mme la ministre acquiesce.)
M. le président. Monsieur Détraigne, que pensez-vous de la suggestion de M. le président de la commission ?
M. Yves Détraigne. Je retiens cette suggestion, monsieur le président, et je retire donc l’amendement.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, je souhaite bien entendu répondre favorablement à l’invitation qui m’a été adressée très aimablement par M. le président de la commission des finances. Je remercie également M. Détraigne d’avoir bien voulu se ranger à cette position.
Je prends effectivement l’engagement de retravailler sur le sujet pour vous apporter l’ensemble des éléments nécessaires sur les bénéficiaires, les mécanismes et les montants, afin de savoir ce qu’il en est. Je solliciterai également mes collègues Jean-Louis Borloo et Bruno Le Maire pour qu’ils participent au processus. Nous aurons ainsi une information complète du point de vue tant de l’agriculture que de l’écologie et de l’environnement.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, et M. Gérard César. Très bien !
M. le président. L'amendement n° I-258, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 17 de l’article 5, qui concerne une exonération partielle de la contribution carbone pour le transport routier.
Sur ce sujet, le Gouvernement a beaucoup hésité – n’est-ce pas, madame la ministre ? Au départ, vous vouliez exonérer totalement le transport routier de marchandises. Après moult hésitations, vous avez finalement décidé de soumettre les transporteurs routiers à la contribution carbone.
Vous prétendez ne pas manquer de cohérence. J’ignore si c’est vrai. En revanche, il est certain que vous ne manquez pas de constance. En effet, vous ne pouvez pas vous empêcher, à un moment ou à un autre, d’établir des régimes d’exonération ! En l’occurrence, vous proposez de rembourser les transporteurs routiers à hauteur de 36 % de la contribution carbone. En d’autres termes, les entreprises de transport routier ne paieront que 64 % de la contribution carbone. C’est surprenant…
Plutôt que de préparer ce secteur à passer le cap de la mutation énergétique à laquelle il va être obligé de se confronter et de lancer le débat au niveau européen en vue d’empêcher un dumping social et fiscal de la part des autres transporteurs européens, le Gouvernement préfère encore une fois faire un cadeau fiscal à une nouvelle catégorie professionnelle.
Certes, madame la ministre, vous vous êtes engagée à l’Assemblée nationale à limiter cette exonération partielle à quatre ans. Est-ce vraiment le cas ? Et, si oui, pourquoi ne pas l’inscrire dans la loi ?
Je le rappelle, le Président de la République a annoncé vouloir doubler la part modale du transport de fret ferroviaire dans le transport de fret global, ce qui est considérable. Aujourd'hui, la part du fret ferroviaire tend à régresser. Et ce n’est pas fini : je vous renvoie à la disparition du wagon isolé.
L’engagement de favoriser le fret ferroviaire par rapport au fret routier est-il toujours d’actualité ? Je pose cette question parce qu’on constate un recul à chaque fois qu’il s’agit de passer à l’acte… C’est le cas avec la contribution carbone. Nous devons avoir un débat approfondi sur les parts respectives du fret routier et du fret ferroviaire.
Tel est l’objet de cet amendement. Le transport routier ne doit pas être exonéré de la contribution carbone, même partiellement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission souhaite en rester à l’équilibre qui a été trouvé à l’Assemblée nationale. La profession du transport routier est très diverse. Elle comporte de très nombreuses petites et moyennes entreprises…
M. Jacques Gautier. Exactement !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … qui ont de faibles marges et sont confrontées à une concurrence exacerbée.
Le dispositif qui a été trouvé permet peut-être, au moins dans l’immédiat, de régler une partie des problèmes que la profession devra surmonter du fait de l’institution de cette contribution. Surtout, n’y touchons pas !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Toutes ces exonérations font que la contribution carbone va finir par ressembler à la couche d’ozone : elle sera pleine de trous faits au fur et à mesure… (Sourires.) Tout le monde pourra ainsi passer au travers des mailles du filet !
Au moins, la France pourra aller à Copenhague en se prévalant de l’adoption de la contribution carbone par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale, en arguant qu’il s’agit d’un bon concept. Mais un concept mal utilisé est-il un « bon concept » ? On peut se le demander !
Quoi qu’il en soit, nous voyons ce qu’est la conception de l’écologie de la majorité et du Gouvernement. Pour vous, l’écologie, c’est un peu un « passage obligé ». Comme les problèmes environnementaux sont très importants, vous vous sentez obligés de faire un peu d’écologie… Alors, vous saupoudrez. Vous prenez des idées un peu au hasard, mais sans les appliquer totalement. Nous le voyons bien en ce moment ; c’est même caractéristique.
Le fret ferroviaire est-il bon pour l’environnement ? Évidemment ! Bien sûr que oui ! C’est le moyen de transport le plus économe en émission de gaz carbonique ! Il faut donc favoriser le fret ferroviaire. Le Président de la République le dit, parce qu’il le sait.
Mais lorsqu’il s’agit de passer à l’acte en taxant le transport routier, qui est moins écologique, vous hésitez et vous déclarez qu’il faut maintenir l’équilibre de la société d’aujourd'hui. Ce n’est pas comme cela que nous ferons face aux enjeux.
Faire de l’écologie, c’est souligner que nous serons confrontés à un grave danger dans dix ou vingt ans. Et si nous ne prenons pas dès maintenant les mesures qui s’imposent, nous allons être face au danger, l’environnement risquant de se détériorer de manière catastrophique. Nous serons confrontés aux migrations climatiques et aux problèmes de mutation, et ne saurons y faire face.
Les saupoudrages que vous proposez, faits de petites mesures par-ci par-là, ne forment pas un projet politique. En procédant de la sorte, je vous le dis, nous sommes condamnés ; nous ne réussirons pas à changer la production, à être exemplaires et respectueux de l’environnement.
Copenhague ne sera qu’un coup de bluff destiné à faire croire que l’on prend des mesures ; mais l’action est saupoudrée et ne constitue en rien un vrai projet politique !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je ne peux laisser passer cette intervention sans réagir.
Depuis le début de l’après-midi, nous examinons les amendements portant sur l’article 5, et le Gouvernement s’est résolument et systématiquement opposé à toutes les propositions tendant à creuser un « p’tit trou », un moyen trou, un gros trou, comme l’évoque une chanson célèbre.
Vous avez également entendu par la voix de Fabienne Keller un plaidoyer vibrant en faveur d’une contribution carbone qui soit forfaitaire, générale, et qui ne souffre pas d’exemptions, ici et là, multipliées au fur et à mesure de tel ou tel groupe, de telle ou telle catégorie, de tel ou tel cas particulier.
L’ambition du Gouvernement, et son audace aussi, comparée à ce qu’aurait été celle d’un autre candidat ou d’une autre candidate à l’élection présidentielle, a été précisément de mettre en place dans le droit français un nouveau régime fiscal applicable à une autre base et avec une autre logique. Nous sommes très clairement animés de la volonté de modifier les modes de production, de consommation et de taxation.
Soyons clairs. Vous parliez tout à l’heure d’écologie de droite et d’écologie de gauche. Il y a surtout des citoyens et une majorité responsables, ainsi qu’un Gouvernement qui s’engage et qui s’engagera également à Copenhague, comme vous le savez d’ailleurs très bien, monsieur le sénateur.
Le ministre de l’environnement mène actuellement une campagne ardente et permanente pour défendre les objectifs qui sont les nôtres à Copenhague. Ce n’est pas une tâche facile, et il s’y est engagé de manière extrêmement volontaire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il n’est pas aujourd'hui à mes côtés au banc du Gouvernement.
En tout état de cause, croyez bien que le Gouvernement a à cœur de faire prévaloir de nouvelles logiques, seules susceptibles de nous permettre de sauvegarder un patrimoine collectif auquel nous sommes tous attachés.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Je souhaite revenir sur l’argumentation qui a été développée par M. le rapporteur général sur le secteur du transport. Celui-ci serait constitué de nombreuses PME, etc. qui ne pourraient supporter la contribution carbone sans une exonération de 36 %.
Je veux simplement souligner – ma collègue Fabienne Keller ne me contredira pas sur ce point – que, au cours du Grenelle, le lobby des transporteurs routiers, faisant pression, a obtenu systématiquement des transpositions a minima des directives européennes. Et ça continue ici aujourd'hui ! Les lobbies exercent encore des pressions, et l’objectif climatique s’éloigne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On n’est pas là pour détruire des emplois !
M. Jacques Muller. Je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je soutiens l’amendement qui a été présenté par notre collègue Jean Desessard.
Je souhaite reprendre les propos de Mme la ministre au sujet des « p’tits trous ». Plusieurs rapports d’information réalisés notamment par nos collègues de la Haute Assemblée concluent à la nécessaire maîtrise publique des transports et de l’énergie comme leviers décisifs pour la protection de l’environnement.
À l’inverse – et je reprends sur ce point une partie des propos de notre collègue Jean Desessard –, le fret ferroviaire est laminé depuis de nombreuses années par les plans de restructuration.
Il est à ce titre particulièrement éclairant de constater qu’aucun crédit n’est prévu pour le fret ferroviaire par le grand emprunt national. Le transport par rail nous inscrirait pourtant dans une perspective plus environnementale, plus écologique et moins polluante.
De nombreuses gares ont fermé, et la dernière loi ferroviaire prévoit même de permettre à RFF de se défaire des tronçons de réseau servant au transport de marchandises qui ne s’avéreraient pas assez rentables. Vous nous économisez les frais d’une démonstration !
Selon vous, nous ne devons pas nous inquiéter : le Gouvernement fait tout en faveur de l’écologie, nous avançons, et nous évitons les « p’tits trous » ! Mais si vous voulez éviter les « p’tits trous », madame la ministre, il faut que le Président de la République respecte ses engagements en matière de transport fluvial, notamment en fixant des dates jusqu’à 2020 !
Qu’il me soit permis de souligner à cette occasion que le Gouvernement a refusé de déclarer d’intérêt général l’activité de wagon isolé.
À l’inverse, les aides apportées au secteur routier sont de plus en plus importantes, qu’il s’agisse du remboursement d’une partie de la TIPP – nous l’avons vu – ou, aujourd’hui, de l’exonération de la contribution carbone pour les camions de plus de 7,5 tonnes.
Loin de permettre le nécessaire report modal, une telle disposition confère une nouvelle fois à la route un avantage concurrentiel déterminant. Vous vous faites le chantre de l’économie de marché, mais il faut également respecter la concurrence. En ce sens, le lobby routier est malheureusement un lobby qui pollue !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous soutiendrons l’amendement des sénateurs Verts qui vise à supprimer le remboursement au transport routier de la contribution carbone par le biais d’une augmentation du remboursement de la TIPP.
Sans revenir plus avant sur les propos de mon collègue Jean Desessard, j’insiste sur le fait que les transporteurs bénéficieront à l’horizon de 2010 d’un remboursement de TIPP majoré de 1,60 euro par hectolitre, ce qui aggravera également la situation.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, lors du scrutin n° 90 du vendredi 20 novembre, portant sur les amendements de suppression de l’article 2 du projet de loi de finances pour 2010, M. Christian Gaudin a été considéré comme ne prenant pas part au vote, alors qu’il souhaitait voter contre ces amendements. M. Jean-Léonce Dupont souhaitait, en revanche, voter pour ces amendements de suppression.
Je souhaite donc que ces deux demandes de rectification soient prises en compte.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 91 intervenu le samedi 21 novembre et portant sur l’amendement n° I-1 rectifié à l’article 2 du projet de loi de finances pour 2010, M. André Lardeux a été inscrit comme ayant voté pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir. Je vous remercie par avance de prendre en compte cette mise au point.
M. le président. Mes chers collègues, acte vous est donné de ces mises au point au sujet de votes. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
7
Loi de finances pour 2010
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2010 adopté par l’Assemblée nationale.
Nous poursuivons l’examen de l’article 5.
Article 5 (suite)
M. le président. Au sein de l’article 5, nous en sommes parvenus à l’amendement n° I-416 rectifié, présenté par Mme Keller, M. Richert et Mme Sittler, et ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
C. - Le troisième alinéa de l’article 265 octies du même code est ainsi rédigé :
« - soit en appliquant au volume de gazole utilisé comme carburant dans des véhicules affectés à ce transport, acquis dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse, la différence entre un montant et le tarif applicable au gazole en application de l’article 265. Ce montant est égal à 37,59 euros par hectolitre en 2010, 38,12 euros par hectolitre en 2011, 38,65 euros par hectolitre en 2012 et 39,19 euros par hectolitre à compter de 2013 ; ».
La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Cet amendement aborde la question du paiement de la taxe carbone par les transporteurs routiers. M. le rapporteur général nous a rappelé l’importance de l’équilibre trouvé par l’Assemblée nationale. Au cours de ce débat, madame la ministre, vous avez pris l’engagement que la réduction de 35 % de la taxe carbone, qui se traduit concrètement par une majoration du remboursement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, serait progressivement résorbée en quatre ans.
Mon amendement tend à prendre immédiatement acte de cet engagement. Nous avons créé un certain nombre d’exonérations cet après-midi : il s’agit maintenant de faire preuve d’une plus grande vertu fiscale, monsieur le rapporteur général, en prévoyant tout de suite une lente extinction de ce dispositif. Il convient d’adresser un bon signal aux transporteurs pour qu’ils n’hésitent pas à acquérir dès maintenant des moteurs plus « vertueux » en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces « moteurs vertueux » ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, je ferai preuve de la plus grande modestie sur un tel sujet, car je ne connais strictement rien en matière de mécanique ; je viens d’ailleurs de le démontrer au cours de la réunion de commission dont nous sortons !
L’inspiration de Mme Keller est excellente, mais je crains, pour ma part, que cette mesure ne soit pas perçue comme il convient par la profession.
Si la dégressivité de l’avantage répond bien à l’annonce de Mme la ministre, peut-être faudra-t-il poursuivre une démarche de concertation avec la profession pour examiner l’évolution de la compétition intermodale et de la structure financière des entreprises de transport routier, notamment celles qui appartiennent au monde des PME, voire de la très petite entreprise ou de l’artisanat. Il me semble que les pouvoirs publics, au terme d’un tel examen concerté, peuvent être amenés à apporter d’autres types d’encouragement à ces professionnels. Il ne faudrait pas que ces derniers retirent d’une telle disposition le sentiment que leur rentabilité va inévitablement s’éroder dans les années à venir, ce qui pourrait assurément susciter quelques réactions de leur part !
Je serai naturellement heureux de prendre connaissance de l’avis du Gouvernement, mais la commission estime qu’il convient de ne pas s’affranchir de la plus grande prudence en la matière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Le Gouvernement souhaite lui aussi être prudent, quoique déterminé, sur le calendrier de l’extinction de ce dispositif. Il souhaite cependant conserver une marge de flexibilité dans les négociations entamées sous l’autorité de mon collègue Dominique Bussereau avec l’ensemble de la profession, pour modifier un certain nombre de pratiques et de techniques. Il convient d’éviter que ces négociations ne se déroulent dans un cadre trop corseté, au point de supprimer toute marge de manœuvre.
Par ailleurs, je me permets de vous signaler une difficulté rédactionnelle, madame Keller : votre amendement en l’état s’appliquerait à la fois au transport de marchandises et au transport routier, c’est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, je serai au regret d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Madame Keller, l'amendement n° I-416 rectifié est-il maintenu ?
Mme Fabienne Keller. Le transport routier est une forme de transport particulièrement génératrice d’externalités. Les conséquences sur la qualité de l’air, notamment le taux de poussières dans l’air, mais aussi sur l’accidentologie sont importantes.
L’application, en 2010, d’un taux réduit de contribution carbone permettant au secteur de s’ajuster constitue un geste très fort, qui n’est pas lié aux caractéristiques de cette forme de transport. Cet amendement a donc pour objet d’inscrire l’atténuation de ce geste dans la durée et dans le texte.
Cette proposition va dans le sens d’une fiscalité carbone transparente, qui remplit bien l’objectif de donner un signal à l’ensemble des acteurs pour les inciter à réduire les gaz à effet de serre. Ne pas la retenir reviendrait à donner un signal inverse.
Je ne sais quoi penser des négociations évoquées. Soit on dispose d’une contribution carbone qui s’applique à tous de la même manière et augmente de la même manière, auquel cas on sait ce que l’on fait ; soit on négocie et on ouvre la voie à toutes les niches. Or nous avons vu, tout à l’heure, que ces niches étaient multiples et que l’inventivité de tous les secteurs économiques pouvait conduire progressivement à perdre la substance de cette nouvelle forme de prélèvement.
Pour ces raisons, je maintiens cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Je voterai cet amendement, qui me paraît être un amendement de repli par rapport à celui que j’ai présenté précédemment.
En tout état de cause, monsieur le rapporteur général, vous venez implicitement de jeter le masque. Je vous ai entendu dire qu’il fallait éviter de toucher à la rentabilité du secteur du transport routier.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait ! Ce ne serait pas une bonne chose ; cela signifierait des pertes d’emploi et des faillites !
M. Jacques Muller. Pour reprendre précisément le terme que vous avez employé, le transport routier pourrait voir sa rentabilité « s’éroder ». C’est exactement le but à atteindre si nous voulons faire passer progressivement le transport de la route vers le rail. À un moment donné, il faut savoir ce que l’on veut !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Les propos que M. Muller vient de tenir sont très éclairants.
Nous avons prévu, pour l’année 2010, un dispositif de transition, afin de laisser le temps au secrétaire d’État chargé des transports de mener les concertations nécessaires. En outre, chacun peut constater dans son département que les entreprises marginales du secteur du transport routier sont confrontées à une très forte concurrence.
Alors, si l’on veut plus de désordre, plus de difficultés, si l’on veut mettre en cause la vie d’un grand nombre d’entreprises, on peut agiter le chiffon rouge de prélèvements croissants et sans contrepartie !
Je crois vraiment qu’il ne serait pas très sage de procéder ainsi. C’est pourquoi la commission des finances a demandé à Mme Keller de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. M. le rapporteur général vient d’indiquer que, dans nos départements, un certain nombre d’entreprises – petites, moyennes et grandes – risqueraient de se retrouver en mauvaise position concurrentielle du fait de ces taxes.
Pour ma part, je note simplement qu’une baisse d’activité les fragilise, même dans le cadre d’une activité purement franco-française. Dans ce contexte, indépendamment de ma volonté de respecter les dispositions du Grenelle de l’environnement, je ne me sens pas la capacité de faire supporter des taxes supplémentaires à ces entreprises, qui souffrent déjà énormément.
On parle beaucoup de profit, mais on devrait aussi observer la situation actuelle de la médiation du crédit aux entreprises. On pourrait ainsi constater combien de sociétés de transport sont en grande difficulté !
Par conséquent, je ne pourrai pas voter l’amendement de Mme Fabienne Keller.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Mes chers collègues, je voudrais apporter une précision, puisque la question du report vers le rail a été évoquée, en particulier par des élus venant d’Alsace.
Cette région est la première qui mettra en place l’éco-redevance sur les poids lourds, une taxation spécifique pour le transport routier de marchandises que nous avons adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2009. Cette taxe sera ensuite généralisée à la France entière. Ainsi pèsera sur les entreprises de transport routier un prélèvement supplémentaire, qui aura sans doute pour effet – c’est son objectif – de reporter une partie du trafic routier vers le transport ferré de marchandises.
Il ne semble donc pas souhaitable de surfiscaliser ce secteur, qui aura déjà apporté sa contribution à travers l’éco-redevance sur les poids lourds.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je voudrais également ajouter, dans ce débat, que les transporteurs routiers paieront bien une contribution carbone pour les camions de plus de 7,5 tonnes. Ils en paieront les deux tiers et le tiers qui leur sera remboursé fera l’objet d’une négociation, qui sera intelligemment menée par le secrétaire d’État chargé des transports. D’autres négociations sont également sur la table, notamment dans le domaine social.
Il faut donc laisser au secrétaire d’État chargé des transports la faculté de négocier avec le secteur des transports routiers, qui présente toutes les caractéristiques évoquées par Mme Goulet, M. le rapporteur général et M. Albéric de Montgolfier.
Nous devons être attentifs à ce que nous faisons. Nous avons parfaitement raison de vouloir légitimement mettre en place cette contribution carbone de la manière la plus uniforme et avec le moins de dentelles possible. Mais je vous signale en passant, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous avez voté, cet après-midi, un encouragement massif au chauffage au charbon.
Soyons donc logiques ! Nous avons bâti un équilibre dans le secteur des transports, tenant compte de ses caractéristiques et de possibilités de négociations. Il faut respecter cet équilibre et j’en appelle donc à votre sens de la responsabilité à propos de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-554 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... - Au 6° de l'article 427 du même code, les mots : « ou 266 quinquies B » sont remplacés par les mots : «, 266 quinquies B ou 266 quinquies C ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Cet amendement tend à apporter une rectification dans le domaine douanier. Il s’agit simplement de garantir que les procédures de contrôle et de sanction qui régissent les taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques sont également applicables à la contribution carbone.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Notre avis est favorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-341 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 22, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle est chargée du suivi de l'évolution de la recette de la contribution et, notamment, d'identifier la part respective des ménages, des entreprises et des administrations publiques, et de donner un avis sur l'évolution du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quindecies du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Cet amendement vise à préciser les missions de la commission verte que l’article 5 tend à créer.
Le Président de la République a repris, à l’occasion de son discours du 10 septembre dernier dans l’Ain, la recommandation émise dans le rapport remis par Michel Rocard à l’issue de la conférence des experts qu’il présidait.
Peut-être soucieux de préserver l’impact médiatique de la mise en place de cette commission, le Gouvernement n’avait pas inscrit, dans son projet de loi de finances, le principe de sa création. Les députés ont remédié à cette omission.
Ainsi, il est prévu de mettre en place cette commission dans les trois mois suivant l’entrée en vigueur de la loi.
Notre groupe souhaiterait préciser les missions dévolues à cette commission. Actuellement, le texte prévoit seulement qu’elle aura pour mandat « d’évaluer l’efficacité de cette taxe et de donner un avis sur la détermination de son assiette et l’évolution de son taux ».
Il nous semble qu’à l’origine la commission devait avoir un objet plus large. Le Président de la République avait indiqué qu’elle serait chargée « de suivre l’évolution des recettes de la taxe et d’identifier la part respective des ménages et des entreprises, ainsi que de vérifier le respect des engagements de compensation à 100 % ».
Il apparaît essentiel que la commission puisse suivre l’évolution des recettes issues de la contribution carbone, pour réfléchir ensuite soit à sa redistribution par l’intermédiaire d’un crédit d’impôt destiné aux ménages, soit à une utilisation alternative.
Tel est l’objet de notre amendement.
Le Président de la République avait également indiqué que cette commission serait composée « de représentants indépendants issus de la société civile, d’experts, de membres des associations de défense de l’environnement, de représentants des principaux secteurs contributeurs et d’élus », qui seraient « choisis, de manière paritaire, dans les rangs de l’opposition et de la majorité ».
Or l’article 5 renvoie à un décret pour sa composition.
Aussi, madame la ministre, je souhaiterais que vous nous précisiez quelle sera la composition de cette future commission, notamment si elle comptera parmi ses membres des parlementaires ou des élus locaux.
M. le président. L'amendement n° I-259, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 22, dernière phrase
Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :
« Cette commission a pour missions le suivi de l'évolution des recettes et le respect de la compensation. Elle est composée de façon paritaire par des représentants du Gouvernement, du Parlement, de représentants d'organisations de défense de l'environnement et de représentants des principaux secteurs contributeurs. Chaque année, cette commission présente un rapport devant le Parlement. »
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement est assez proche du précédent. Il s’agit de prévoir dès maintenant la composition de la commission de suivi.
Au regard des discussions que nous avons eues, jusqu’à présent, sur cet article 5, on mesure bien l’importance de cette commission et les enjeux qui y sont liés.
La composition que nous vous proposons dans cet amendement n’est pas – passez-moi l’expression, mes chers collègues – « sortie du chapeau » des Verts ; c’est celle que le Président de la République a lui-même proposée lors de son discours du 10 septembre dernier. Je le cite : « Cette commission sera composée de représentants indépendants issus de la société civile, d’experts, de membres des associations de défense de l’environnement, de représentants des principaux secteurs contributeurs et d’élus, qui seront choisis, de manière paritaire, dans les rangs de l’opposition et de la majorité. »
Je suis convaincu que mes collègues de la majorité ne feront pas se dédire le Président de la République et qu’ils apporteront leur soutien à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces deux amendements visent à préciser les missions de la commission de suivi. Ils sont utiles, car ils aident à mieux comprendre ce que pourront être les tâches confiées à cette commission.
L’amendement n° I-259 prévoit que la commission effectue un suivi de l’évolution des recettes et veille au respect du principe selon lequel la contribution carbone est compensée.
L’amendement n° I-341 rectifié, qui paraît moins contraignant, précise que la commission effectue un suivi de l’évolution de la recette de la contribution, identifie la part respective des ménages, entreprises et administrations publiques et donne un avis sur l’évolution du crédit d’impôt restituant la taxe aux ménages.
Ces deux amendements nous donnent l’occasion d’interroger le Gouvernement sur la composition de la commission de suivi et le rôle qu’elle devra remplir. Nous attendons avec intérêt votre réponse, madame la ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Ces deux amendements en discussion commune ont une portée très légèrement différente. Ils visent, d’une certaine manière, à se substituer au pouvoir réglementaire, en précisant de façon très détaillée les missions de cette commission verte et en indiquant presque l’identité des membres la composant.
Je les considère donc comme des amendements d’appel, me permettant de répondre aux questions concernant tout à la fois les missions et la composition de la commission.
En ce qui concerne les missions, la volonté du Gouvernement se rapproche de celle des auteurs de l’amendement n° I-341 rectifié, qui fait référence au suivi de l’évolution de la recette de la contribution, à l’identification de la part respective des ménages, des entreprises et des administrations publiques et à l’évolution du crédit d’impôt. Le Gouvernement souhaite également que la commission soit chargée du suivi, d’une part, de l’évolution de la taxe elle-même, compte tenu notamment de la progression des prix des carburants d’origine fossile et, d’autre part, de la vitesse à laquelle les objectifs fixés seront atteints.
Pour ce qui relève de sa composition, la commission comportera des représentants non seulement des deux assemblées, appartenant à la fois à la majorité et à l’opposition, mais aussi des associations, des consommateurs, des entreprises, des organisations syndicales et de la communauté scientifique, afin de réunir un panel de sachants, de bénéficiaires et de payeurs de la taxe, ainsi que de représentants du Parlement. La commission doit représenter la société civile.
Sous le bénéfice de ces explications, je demande aux auteurs de ces deux amendements de les retirer. À défaut, je me verrais contrainte d’émettre un avis défavorable. Il faut distinguer ce qui relève de la loi et ce qui relève du règlement. Or la composition et la mission de cette commission font plutôt partie du domaine réglementaire.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, vous nous dites que le Parlement veut se substituer au pouvoir réglementaire. Je ne sais pas si vous mesurez vraiment la portée de votre propos ! Il s’agit de définir l’impôt ! Si ce n’est pas du ressort du Parlement, je me demande ce que nous faisons ici depuis des jours et des nuits !
La commission verte devra évaluer l’effet de la fiscalité carbone. Tout à l’heure, nous nous sommes ralliés à l’amendement n° I-415 rectifié de Mme Keller, qui visait à permettre une meilleure prévisibilité de la contribution carbone au fil des ans. Vous vous êtes opposée à cet amendement, qui n’a pas été adopté par égalité de voix. Il s’agissait de permettre au Parlement de définir une orientation, un cap, afin que la commission verte puisse travailler en ce sens.
Chacun ici est dans son rôle ! Pour ma part, je n’admets pas votre argument, madame la ministre. Lorsque le Gouvernement procède par ordonnances, il arrive que le Parlement les encadre.
Telle est donc la première raison pour laquelle nous maintiendrons l’amendement n° I-341 rectifié.
Quant à la composition de cette commission, vous la renvoyez à un décret ! Nous vous posons des questions. La commission comprendra-t-elle des élus ? S’agira-t-il de parlementaires ou d’élus locaux ? Puisqu’elle doit être instituée dans les trois mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, il paraît normal que le Parlement soit informé. Nous n’en demandons pas tellement plus par cet amendement.
Il s’agit non pas de se substituer au pouvoir réglementaire, mais de l’orienter. Nous avons d’ailleurs noté un décalage entre les promesses du Président de la République et le texte du Gouvernement, lequel, mon collègue Bernard Angels l’a dit, avait oublié d’inscrire la création de cette commission dans le projet de loi que nous examinons. Il a fallu que les députés réparent cet oubli. Nous ne faisons donc pas une confiance aveugle au pouvoir réglementaire !
M. le président. L'amendement n° I-340, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Il est créé un prélèvement sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales, destiné au financement des plans climat-énergie territoriaux tels que définis à l'article 7 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement. Son montant est égal au produit de la taxe carbone qu'elles acquittent. Un décret définit les conditions dans lesquelles ce prélèvement est réparti sous la forme d'une contribution locale carbone entre les collectivités concernées par lesdits plans.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Les collectivités territoriales seront, elles aussi, concernées par l’instauration de la contribution carbone. Leurs charges de fonctionnement, qui sont constituées en partie de dépenses soumises à la contribution, notamment le chauffage dans les écoles, vont donc considérablement augmenter.
Une nouvelle fois, les collectivités territoriales verront leur budget lourdement grevé par ce nouvel impôt, alors qu’il leur est demandé d’importants efforts pour le financement des politiques de développement durable.
Il est difficile d’évaluer le coût qui sera demain à leur charge. Néanmoins, il ressort du rapport de la conférence des experts présidée par Michel Rocard que près de 10 % de la taxe incombera aux administrations publiques, soit environ 450 millions d’euros.
Au niveau local, les efforts des collectivités en faveur du développement des énergies renouvelables et la diminution des émissions de gaz à effet de serre sont nombreux.
Les collectivités locales doivent bénéficier de nouveaux financements pour mettre en œuvre leurs politiques territoriales. Qui leur a demandé des plans climat-énergie territoriaux et des agendas 21 ? Qui leur a demandé de renforcer les transports collectifs ? Qui a soutenu la rénovation thermique des bâtiments publics ? Dans toutes ces actions, les collectivités locales se sont engagées. Aujourd’hui, l’État s’apprête à le leur faire payer !
J’ai bien entendu l’engagement pris par le Premier ministre devant les maires réunis en congrès la semaine dernière de créer auprès de l’ADEME un fonds « dont le montant correspondra très exactement à la taxe carbone versée par les collectivités ». Il ajoutait toutefois que ce fonds « contribuera exclusivement à financer les investissements des collectivités en matière d’économie d’énergie et de développement durable ».
Absolument rien n’est dit sur les dépenses de fonctionnement ! Je me vois contraint de souligner ici le double jeu du Gouvernement. D’un côté, il ne manque pas une occasion de critiquer la hausse des impôts votés par les collectivités territoriales ; de l’autre, il ne cesse de faire appel à elles pour financer des programmes d’investissement et les oblige, à ce titre, à augmenter les impôts locaux.
L’exemple des régions est frappant. Notre collègue François Patriat dénonçait également cette situation lors de son intervention jeudi dernier.
L’article 48, que nous examinerons en seconde partie du projet de loi de finances, vise à permettre aux régions d’augmenter leur part de TIPP, autrement dit le coût de l’essence pour nos concitoyens, afin, justement, de financer les lignes à grande vitesse, qui relèvent pourtant du domaine de l’État.
Ainsi, il ne suffit pas, à la veille des élections régionales, de publier un nouveau livre noir des régions : il faut regarder la réalité en face.
Les appels à financement de la part de l’État, auxquels les collectivités sont souvent contraintes de répondre, les forcent aujourd’hui à augmenter la charge fiscale pesant sur nos concitoyens. Demain, elles devront s’y résoudre encore plus qu’aujourd’hui, après l’adoption, voilà deux jours, de la suppression de la taxe professionnelle. Mais ce piège politique tendu aux régions ne trompe personne.
Il est indispensable de soutenir les collectivités dans la mise en œuvre des plans pour aider concrètement nos concitoyens à faire baisser leur consommation d’énergie.
Par ailleurs, madame la ministre, pourriez-vous, à l’occasion de votre réponse, nous confirmer que les collectivités locales seront bien exonérées de la contribution carbone pour leur activité de transport, conformément aux propos tenus par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est semblable aux amendements identiques nos I-170 et I-244, inscrits après l’article 5 bis et déposés respectivement par MM. Jean-Paul Alduy et Laurent Béteille. Les uns et les autres posent de bonnes questions.
Madame le ministre, monsieur le ministre, le Premier ministre a indiqué qu’un fonds permettant de restituer aux collectivités territoriales la contribution carbone qu’elles versent serait créé au sein de l’ADEME. Il servirait à financer les investissements des collectivités territoriales en matière d’économie d’énergie.
Je souhaite, m’appuyant sur cette annonce publique de M. le Premier ministre, vous poser quelques questions. Comment le fonds fonctionnera-t-il ? Attendra-t-on la fin de la première année d’application de la contribution pour définir le montant des crédits qui lui seront affectés ? Est-il prévu au contraire d’estimer le produit de la contribution et de doter le fonds, pour qu’il puisse commencer à fonctionner ?
Par ailleurs, ce fonds créé au sein de l’ADEME sera-t-il contrôlé par une instance ? Y aura-t-il une sorte de conseil de gestion ou d’orientation auquel seraient susceptibles de siéger des représentants des différentes strates des collectivités territoriales et des représentants du Parlement ? S’il existe, un tel conseil ou comité sera-t-il saisi de propositions sur la politique à conduire, puis sur les critères d’éligibilité des actions susceptibles d’être financées par le fonds ? Réalisera-t-on un suivi de ces opérations, pour s’assurer qu’elles sont conformes à leur objet ? Cette liste de questions est loin d’être exhaustive !
Nous serions donc heureux d’en savoir un peu plus, afin que cet engagement important du Premier ministre puisse jouer tout son rôle.
L’amendement n° I-340 et les deux autres que je viens de citer me semblent constituer de bons supports pour interroger le Gouvernement. Nous attendons donc vos précisions sur ce sujet, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Le Premier ministre a effectivement annoncé, dans son discours devant les maires, la création d’un fonds au sein de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, destiné à financer les projets des collectivités en matière d’économies d’énergie. Il a également précisé que ce fonds serait alimenté par la taxe carbone payée par les collectivités locales.
C’est une avancée par rapport à la discussion budgétaire devant l’Assemblée nationale, où j’avais plutôt résisté à l’idée de rendre aux collectivités l’argent de la taxe carbone. Mais les débats se sont poursuivis sur ce sujet, et ils ont amené le Premier ministre à proposer cette mesure.
Ce fonds pourrait être doté d’environ 70 millions d’euros, compte tenu du fait que les transports collectifs sont exonérés de taxe carbone. Les crédits pour abonder ce fonds seront bien entendu ouverts dans la seconde partie de ce projet de loi de finances, et nous ferons en sorte qu’ils soient bien distincts du reste du budget de l’ADEME, en assurant une sorte d’étanchéité ou de fléchage qui me semble correspondre à vos souhaits.
La question de l’emploi des crédits est encore à l’étude, et nous pourrons en débattre. On peut d’ores et déjà citer les diagnostics énergétiques, l’élaboration de plans climat territoriaux et tout ce qui paraît conforme à l’état d’esprit qui a présidé à la création de la taxe carbone. Ces pistes seront discutées par les ministres de Bercy, en liaison avec le ministère de l’environnement.
Les collectivités locales seront associées à la gestion du fonds selon un modèle qui reste à définir, mais qui pourrait s’inspirer de celui de la commission nationale des aides territoriales de l’ADEME, au sein de laquelle siègent des représentants de l’Association des maires de France, l’AMF, de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, et de l’Association des régions de France, l’ARF. D’autres modèles peuvent être envisagés, l’idée étant d’avoir une gouvernance ouverte du fonds.
En résumé, il y aura des crédits concrètement ouverts en seconde partie, un mode de gouvernance spécifique, des crédits étanchéifiés par rapport à ceux de l’ADEME. Telles sont les précisions que je pouvais vous apporter à ce stade. Je pense que les propositions du Premier ministre prendront rapidement vie de façon très concrète, et conformément à l’esprit qui est le vôtre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Votre réponse est déjà suffisamment précise, monsieur le ministre. Elle nous apporte des éléments d’informations supplémentaires sur l’annonce, elle-même très intéressante, faite par le Premier ministre.
Dans ces conditions, les amendements ont joué leur rôle et devraient pouvoir être retirés.
M. le président. Madame Bricq, l'amendement n° I-340 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. J’accepte de retirer cet amendement, mais je suis surprise par le montant de 70 millions d’euros, évoqué à l’instant par M. le ministre. Pour ma part, j’avais lu et entendu le chiffre de 150 millions d’euros. Nous pourrons toutefois aborder ce point lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances.
M. Jean-Claude Frécon. Il faut rajouter les frais de gestion ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Mme Bricq s’étonne du chiffre de 70 millions d’euros. Si c’est parce qu’elle juge cette somme trop élevée, je suis prêt à la suivre ! (Sourires.)
En réalité, cette somme s’entend hors transports exonérés – les transports scolaires par exemple – et comprend donc, entre autres éléments, le chauffage. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances, dont l’objectif sera d’affecter les crédits. Je défendrai alors notre position et vous communiquerai la somme exacte.
M. le président. L’amendement n° I-340 est retiré.
L'amendement n° I-390 rectifié, présenté par MM. Maurey, Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
... - Sont exonérés de la contribution carbone les collectivités territoriales ou leurs groupements qui s'engagent, dans un contrat avec l'État, à une réduction significative de leurs émissions de gaz à effet de serre sur délivrance annuelle d'un certificat.
Un décret précise les modalités d'application de l'alinéa précédent.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Cet amendement, qui se situe dans la droite ligne des précédents, tend à ce que les collectivités territoriales puissent être exonérées de la contribution carbone dès lors qu’elles s’engagent dans un processus vertueux. Depuis le départ, on nous dit que l’objectif de cette contribution n’est pas de générer des recettes, mais qu’il est de susciter des comportements vertueux et de retrouver le fameux effet bonus-malus qui se situe au cœur du Grenelle de l’environnement.
Or, avant que le Gouvernement ne fasse ces annonces au congrès des maires, le dispositif ne comportait aucun remboursement pour les collectivités territoriales.
Récemment, au cours de l’une de ses interventions relatives à la taxe professionnelle, le rapporteur général avait évoqué Descartes. Je me réclamerai pour ma part de Rousseau pour vous proposer un contrat prévoyant le remboursement de la contribution carbone aux collectivités territoriales qui s’engagent à développer de bonnes pratiques en matière d’émission de CO2.
À la suite des propos de M. le ministre, mon groupe est prêt à retirer cet amendement. J’aimerais toutefois savoir si les montants alloués aux collectivités territoriales le seront sous forme de prêts ou de subventions. Je n’ai aucun élément d’information sur ce point, et j’aimerais connaître le type de projets qui pourraient bénéficier de ces crédits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces différentes questions nous permettent d’avancer. Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu’au terme d’un débat nourri nous avons choisi l’appellation « contribution carbone », fruit d’une synthèse réussie entre différentes positions au sein de notre assemblée.
Pour les collectivités territoriales, cette contribution sera une dépense de fonctionnement et représentera donc un surcoût. En contrepartie, l’État promet de leur apporter, par l’intermédiation du fonds constitué au sein de l’ADEME, des aides financières pour investir, notamment dans des projets d’adaptation des installations thermiques.
À travers son contrat environnemental, M. Maurey propose pour sa part un circuit plus court, qui permettrait aux collectivités de s’accorder avec l’État, sur la base d’un diagnostic commun, sur la solution à apporter aux problèmes rencontrés. Dans son esprit, la collectivité pourrait sans doute imputer le montant de la contribution carbone dû sur la dépense à réaliser. Ce système aurait l’avantage, tout au moins dans un certain nombre de collectivités, d’éviter le montage intéressant mais complexe qui a été décrit.
Dans la phase actuelle, il est important, monsieur le ministre, que des relations de confiance s’instaurent entre le monde des collectivités territoriales et l’État. Il convient donc d’avancer vite dans l’évaluation de la dépense globale que va représenter la contribution carbone, dans l’élaboration du règlement qui prévaudra pour la mise en place de ce fonds et dans la définition des procédures selon lesquelles il fonctionnera. S’agira-t-il de subventions à fonds perdus ? Seront-elles au contraire susceptibles d’être majorées par des prêts ?
Ces sujets devront être traités. La déclaration du Premier ministre, qui a permis de débloquer les choses, suppose que ces différents problèmes pratiques soient résolus le plus rapidement possible, c’est-à-dire dans les semaines qui viennent, puisque la contribution sera à la charge des différents budgets dès le 1er janvier prochain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Comme l’a dit M. le rapporteur général, nous avons choisi une autre voie que M. Maurey. La nôtre n’est pas si indirecte ; elle est même assez précise. « Investissez pour réduire la production d’énergie, cela réduira d’autant l’assiette de la taxe » : tel est en substance le message que nous adressons aux collectivités. Il s’agit finalement du même discours que celui que nous tenons aux particuliers lorsque nous leur accordons un crédit d’impôt pour renouveler leur matériel. Le fonds que nous créons pour les collectivités est destiné à favoriser les investissements qui contribueront à réduire la consommation d’énergie.
D’une certaine manière, notre mécanisme vous donne satisfaction, monsieur Maurey. Nous ne sommes donc pas si éloignés dans l’esprit, même si notre dispositif plus dynamique me semble plus de nature à favoriser l’investissement qu’un simple contrat. L’argent servira à financer des projets concrets de diminution de la consommation énergétique.
En conséquence, je souhaiterais que vous puissiez retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Maurey, l'amendement n° I-390 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Je vais accéder à la demande de M. le ministre et retirer cet amendement, mais je le fais sur la base des déclarations de M. le rapporteur général.
Nous choisissons de faire confiance à un système qui reste à préciser, et qui comporte encore beaucoup d’inconnues. En particulier, nous ne savons toujours pas s’il s’agira de prêts ou de subventions.
Nous acceptons toutefois de faire crédit au Gouvernement…
Mme Nicole Bricq. Il en a bien besoin !
M. Hervé Maurey. …, tout en restant vigilants !
M. le président. L'amendement n° I-390 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-391 rectifié, présenté par MM. Maurey, Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
... - Sont exonérés de la contribution carbone les entreprises ou groupes d'entreprises qui s'engagent, dans un contrat avec l'État, à une réduction significative de leurs émissions de gaz à effet de serre sur délivrance annuelle d'un certificat.
Un décret précise les modalités d'application du précédent alinéa.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Comme le précédent, cet amendement prévoit un mécanisme de contrat, destiné cette fois à promouvoir les pratiques vertueuses auprès des entreprises. Conformément au modèle suédois, que nous sommes nombreux à citer en exemple, nous souhaitons que la contribution carbone soit remboursée aux entreprises qui s’engagent à réduire leurs émissions de CO2 et respectent les objectifs qu’elles se sont fixés.
En l’occurrence, il ne me semble pas que le Premier ministre ait annoncé un dispositif qui pourrait justifier le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je comprends que le Premier ministre n’ait rien annoncé à ce sujet, car les entreprises vont déjà nettement bénéficier de la suppression de la taxe professionnelle. (Mme Nicole Bricq marque son approbation.)
Ce que vous proposez est sans doute intéressant, mais complexe à mettre en œuvre, monsieur Maurey. Au demeurant, les entreprises seront incitées à réduire leurs émissions, ce qui se traduira par une baisse du prélèvement. Compte tenu, dans la plupart des cas, de la diminution de la pression fiscale locale, elles vont, de manière générale, pouvoir faire face à leurs obligations.
À titre personnel, et c’est aussi le sentiment de la commission, il ne me semble pas indispensable de mettre en place un nouveau processus interventionniste au profit des entreprises.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement n’est pas non plus favorable à ce dispositif de contrat prévoyant la mise en œuvre d’engagements, et vous suggère également de retirer votre amendement pour les raisons qu’a évoquées M. le rapporteur général.
Nous avons beaucoup débattu au cours des trois derniers jours de l’allègement de la charge fiscale au bénéfice des entreprises. Nous leur demandons ici de suivre un chemin plus vertueux, visant à les amener à investir dans les bonnes directions, dans de l’investissement productif, dans du renouvellement de matériel ; en franchise de taxe professionnelle, il devient en effet plus incitatif de le faire.
Dans ces conditions, il nous paraît souhaitable de conserver le système en place. Toutes les entreprises qui seront soumises au système de la directive ETS – Emissions trading scheme – vont disposer d’une certaine manière d’une période de deux années qui va leur permettre de se mettre aux normes. Puisqu’elles ne seront soumises aux quotas d’émissions à titre onéreux qu’à partir de 2013, un grand nombre d’entre elles bénéficieront d’ores et déjà de cette période tampon.
M. le président. Monsieur Maurey, votre amendement est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Je ne le retire pas, car je ne suis pas convaincu par les explications que j’ai reçues.
La baisse de la taxe professionnelle, on nous l’a bien expliqué, avait une motivation économique ; c’est d’ailleurs pour cette raison que je fais partie de ceux qui ont voté l’article 2.
La contribution carbone, elle, a une motivation écologique. Il a été dit, et notamment par le rapporteur général, qu’elle n’avait pas pour objet de créer des recettes supplémentaires mais d’inciter à un comportement écologiquement responsable. Ceux qui adoptent ce comportement écologiquement responsable doivent pouvoir en tirer un avantage et être exonérés.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Nous sommes à un moment important, puisque l’introduction d’une fiscalité carbone dans notre architecture générale fiscale est la seule innovation que nos finances auront enregistrée depuis vingt ans, depuis la création par Michel Rocard de la contribution sociale généralisée.
Le groupe socialiste du Sénat a été précurseur, en présentant à plusieurs reprises, lors de l’élaboration du budget annuel, l’instauration d’une taxe carbone, même si elle était imparfaite. Nous avons d’ailleurs toujours voulu qu’une partie du produit de cette taxe soit affectée d’une certaine manière aux collectivités, pour les encourager à poursuivre leurs investissements à la fois dans le domaine du logement et dans celui du transport.
Nous sommes malgré tout très déçus par les modalités d’introduction de la contribution carbone. J’ai rappelé notre proposition du printemps, notre participation au groupe de travail mis en place par la commission des finances et mené par notre collègue Mme Keller, que nous avons soutenue à plusieurs reprises dans le débat. À l’arrivée, je pense que, pour reprendre la formule qu’avait utilisée le rapporteur général, nous aboutissons finalement à une taxe additive à la taxe intérieure sur les produits pétroliers.
Il ne s’agit pas dans notre esprit de favoriser l’inflation fiscale que le ministre du budget, du reste, reproche trop souvent aux collectivités locales. Nous pensions simplement doter la puissance publique d’une arme efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Or, le tarif applicable est peu élevé, vous n’avez pas accepté d’en fixer le cap pour l’avenir, l’assiette retenue est très étroite, et, comme nous allons le voir lors de l’examen de l’article 6, la compensation qui est prévue pour les ménages modestes me semble particulièrement injuste.
Nous avons également débattu des exonérations pour certains secteurs. Nous, les sénateurs socialistes, avons toujours affirmé que certains secteurs structurellement en difficulté – c’est vrai pour le transport, pour une partie de l’agriculture et pour la pêche – pourraient souffrir de telles mesures. Nous aurions donc préféré, à la place du mécanisme d’exonérations ex ante retenu, prévoir un système de compensations permettant d’aider ces secteurs à se moderniser. Tel n’est pas le cas.
Nous ne voyons pas comment la contribution énergie carbone telle que vous l’avez définie pourra accompagner la mutation énergétique. C’est vrai pour les ménages, et c’est vrai pour les secteurs qui sont structurellement en difficulté.
Au final, cette nouvelle taxe se résume à un impôt ménages, puisque ce sont ces derniers qui paieront 60% de la contribution énergie carbone. Cette part dépasse largement l’équilibre qui aurait été souhaitable entre ménages et entreprises, surtout compte tenu de l’allègement général qui a été voté par la suppression de la taxe professionnelle.
Nous sommes à la veille de la conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique, dont on sait qu’elle va être difficile, et dont le succès n’est pas assuré.
La France a proposé conjointement avec le Brésil une taxation de 0,01 % des transactions financières pour aider les pays les plus en difficulté à apporter eux aussi leur contribution à la procédure de Copenhague. C’est une bonne initiative, mais la position de la France serait d’autant plus forte si elle avait mis en place une taxe carbone volontaire et ambitieuse.
En raison de la mauvaise qualité des modalités retenues pour la contribution carbone, nous ne pourrons pas voter l’introduction de cette novation fiscale.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Dans ce débat, pardonnez-moi de le dire, madame la ministre, il manque votre collègue le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
M. Gérard Longuet. Les règles de la LOLF conduisent à ce que les dispositions fiscales soient étudiées à l’occasion du projet de loi de finances, ce qui paraît très cohérent. Mais, en l'occurrence, la plupart des amendements interrogent en fait le Gouvernement sur ce qu’il entend faire de la contribution carbone, sur sa politique, et nous n’avons pas nécessairement toujours les réponses et le temps d’ouvrir les débats que cette contribution appelle.
Nous sommes frustrés d’un vrai débat sur la contribution carbone et sur son utilité, et je souhaite qu’il soit ouvert à un moment ou un autre. J’aurais voté de bon cœur les amendements de notre collègue M. Maurey, puisqu’ils posaient de véritables questions.
Nous vous simplifions la vie, madame, monsieur le ministre, en votant cet article, mais nous avons besoin d’un débat sur l’utilité de la contribution carbone.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Avec cet article 5, les préoccupations écologiques ont aujourd’hui une résonance tout à fait particulière, même s’il faut bien dire que la captation des électeurs ou celle des ressources fiscales semblent plus assurées en ce débat que celle du dioxyde de carbone.
Nous ne voyons pas la taxe carbone, ou la contribution climat énergie, comme une contribution à la mise en avant de la défense de l’environnement, nous l’avons dit en début de discussion de cet article 5 et pendant la discussion. Nous pensons même que, en l’espèce, les préoccupations écologiques sont instrumentalisées par le Président de la République et une bonne partie de la droite, pour pousser plus avant la défiscalisation d’autres champs d’activité.
Nous avons relevé la coïncidence suivante dès la publication du projet de loi de finances initial : la contribution carbone est créée au moment où l’on supprime la taxe professionnelle ! Voilà le vrai sens de la création de la contribution carbone ! Ce qui la disqualifie en partie, faut-il le dire et le redire. Comme les Français, si j’ai bien compris, seraient d’incorrigibles pollueurs, il faudrait leur faire payer le prix, même si, pour ne citer que cet exemple, la tension de l’immobilier les contraint à habiter à soixante kilomètres de l’endroit où ils travaillent !
Cette pédagogie de la pénalisation des comportements est détestable et d’autant moins productive d’effets que la taxe va être, en partie, remboursée aux redevables ; la contribution carbone, s’entend, pas la TVA, qui va aussi grever ce nouveau droit d’accise, proche de l’antique gabelle.
Se pose alors un problème : puisque la taxe est remboursée, elle ne peut servir qu’à une chose, permettre à l’État d’économiser quelques menues charges de trésorerie courante sur les quatre milliards d’euros de son produit, et non pas à mobiliser ces sommes - ce pourrait être un moindre mal, et nous avons fait des propositions à ce sujet – simplement, par exemple, pour développer les transports alternatifs au tout routier, les transports en commun en site propre, les modes de déplacement dits « doux », etc.
Je vais être clair comme j’ai pu l’être au début de l’après midi : nous avons besoin en cette matière d’une politique ambitieuse de développement des transports ferroviaires, fluviaux, collectifs. La fiscalité écologique existe déjà, et la TIPP produit aujourd’hui des recettes fiscales supérieures à 25 milliards d’euros ! Voilà ce que nous devrions utiliser comme ressources pour une vraie politique des transports.
Plutôt que de contraindre les départements, pour certains exsangues, à payer avec les produits de la TIPP qui leur est rétrocédée l’allocation personnalisée d’autonomie, le revenu de solidarité active et d’autres transferts de charges souvent insupportables, il faudrait faire en sorte que ces produits financent une véritable politique écologique.
Pourquoi ne pas faire de la TIPP destinée à financer - fort mal - l’allocation personnalisée d’autonomie le moteur de cette nouvelle politique des transports, en confiant à la sécurité sociale, par la création d’une nouvelle branche, le soin d’assurer l’égalité de traitement des allocataires actuels et à venir ? Pourquoi ne pas renforcer les exigences de centralisation des dépôts de l’épargne populaire auprès de la caisse des dépôts et consignations pour définir une ligne de financement des grands projets structurants en matière de transport ?
Voilà les raisons qui nous amènent à rejeter cet article 5, quelles que soient les modifications qui ont pu y être apportées cet après-midi au cours du débat.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Au terme de ces débats sur l’article 5 instaurant une contribution carbone, deux axes majeurs se sont dégagés.
Il y a eu une multiplication d’exonérations, de niches environnementales en quelque sorte. Mais je note d’abord le refus systématique du Gouvernement et de la commission de supprimer les exonérations sur le carburant des aéronefs, les transports routiers, même partiellement, et transitoirement les entreprises intenses en énergie ou soumises aux quotas d’émissions.
Ainsi, les dix premières entreprises plus grosses émettrices de gaz à effet de serre sont exonérées ; Arcelor Mittal, EDF, Total, Lafarge, GDF-Suez, etc.
Si on prend les trois premières d’entre elles, celles-ci émettent chaque année quelque 55 millions de tonnes de dioxyde de carbone, et parallèlement dégagent 24 milliards de bénéfices nets. Nous ne comprenons donc pas comment, pendant trois ans, ces groupes pourraient continuer de bénéficier d’un tel cadeau fiscal.
On ne comprend pas non plus le refus du Gouvernement d’exonérer le transport fluvial ou la cogénération, filières énergétiques par excellence.
On pourrait s’interroger sur la logique de toutes ces décisions. Celles-ci ne sont certainement pas motivées par la lutte contre le changement climatique. En effet, les transports, qui représentent 36 % des émissions, sont peu visés. Au sein du secteur industriel, qui représente 24 % des émissions, ce sont essentiellement les très petites entreprises et les PME qui sont sollicitées, tandis que les grands groupes sont exonérés. Quant à l’habitat, qui représente 21 % des émissions, il est mis pleinement à contribution, ce dont pâtiront les ménages.
Ensuite, le Gouvernement a très fermement refusé de fixer le prix de la tonne de carbone au niveau minimal qui avait été préconisé par les commissions d’experts qui ont travaillé sur le sujet. Le signal en devient inaudible pour le monde industriel et l’ensemble des agents économiques.
De la même manière, il a refusé d’inscrire dans la loi une progressivité lisible de la taxe carbone, ce qui aurait été bien utile aux industriels pour programmer leurs investissements. J’ai bien entendu Mme la ministre nous expliquer qu’il suffisait d’adresser un petit signal. Le bonus-malus automobile avait permis de convertir les consommateurs aux achats vertueux. Chacun sait qu’on achète une automobile sur un coup de cœur ; on ne fait pas des calculs de rentabilité.
M. Gérard Longuet. Mais si !
M. Jacques Muller. Les industriels, au contraire, ont besoin de lisibilité, ils doivent faire des calculs de rentabilité. Or nous avons refusé de trancher cette question. Au contraire, Mme la ministre nous a expliqué que le marché nous donnait un signal, que, à 17 euros, nous étions plutôt bien placés, et que le prix des externalités pouvait lui aussi être fixé par le marché. En clair, cette contribution carbone relève du symbole et nous condamne tout simplement à l’impuissance.
Notre collègue Gérard Longuet demandait d’ailleurs qu’un débat national soit ouvert pour mesurer l’utilité d’une taxe carbone. Cela prouve bien que ce qui est décidé ici est totalement inadapté aux enjeux climatiques.
J’avais proposé une « contribution énergie carbone » et l’on nous demande ce soir de voter une « contribution Sarkozy carbone ». Vous aurez compris que cette « taxe Sarkozy carbone » n’est, une fois de plus, rien d’autre que de l’affichage, elle décrédibilise la démarche qui est ainsi engagée et fracasse – je pèse ce mot – le concept de contribution climat-énergie.
Ce n’est pas seulement une erreur, c’est une faute. C’est une faute, parce que de tels concepts se doivent d’être respectés. C’est une faute d’autant plus grave que nous sommes à la veille de la conférence de Copenhague, au cours de laquelle les pays riches seront tentés de tricher par rapport au reste du monde. La France arrive en trichant.
Nous voterons donc contre la « contribution Sarkozy carbone ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission, cela va de soi, appelle à voter cet article. Pour ma part, je le voterai sous bénéfice d’inventaire. Une série de sujets devront faire l’objet d’un suivi très attentif au cours de la première année d’application.
Cette contribution vise à modifier les comportements. À cette fin, il me paraît essentiel de définir précisément quelle part doit faire l’objet de restitutions, car plus celles-ci seront importantes, moins nous aurons de chances d’influer sur les comportements.
Mme Nicole Bricq. C’est clair !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En outre, les agents économiques peuvent être plus ou moins en mesure de modifier leurs comportements. Au cours de nos débats, nous avons cité l’exemple de certains d’entre eux qui ne disposent guère de marges de manœuvre.
Qu’il s’agisse des entreprises ou des ménages, les mêmes questions ne se posent pas dans les mêmes termes. S’agissant de ces derniers, il importe de faire attention à ne pas amputer déraisonnablement leurs moyens de subsistance et leur pouvoir d’achat. À cet égard, je réitère les doutes que m’inspire la manière dont sont calculées les restitutions. A-t-on véritablement pris en considération comme il le fallait la problématique du chauffage, compte tenu des modes de vie et des moyens dont disposent les ménages ? Est-il vraiment cohérent de distinguer deux catégories de restitutions selon le périmètre de déplacement urbain, alors que la fonction déplacement n’est pas la seule à être impactée par la contribution carbone ?
Du point de vue des entreprises, c’est naturellement la question de l’effet sur l’emploi et la compétitivité qui se pose. Nous devrons être très attentifs aux effets de cette contribution au cours de cette première année d’application, laquelle sera déterminante pour la suite.
Enfin, la commission s’est voulue empirique. Nous savons que le montant de cette contribution devra augmenter, mais, pour autant, nous n’avons pas voulu nous enfermer dès à présent dans un rythme de progression, et ce afin de ne pas créer de rigidités supplémentaires.
En outre, la contribution s’applique aux entreprises qui ne sont pas présentes sur le marché des quotas. Mais, comme vous le savez, madame la ministre, la commission des finances ne se satisfait pas, à ce jour, de ce marché des quotas. Portant sur des quantités physiques, ce marché peut être la base de nouveaux produits dérivés. Certes, il est certainement promis à un grand avenir économique et financier, mais la nécessité de le réguler n’en est que plus grande.
Sous le bénéfice de ces observations, je le répète, je voterai cet article 5.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voterai cet article 5 sans conviction, par solidarité avec le Gouvernement, qui souhaite concrétiser un engagement du Président de la République. Quatre raisons motivent ce choix.
Premièrement, cette contribution a pour objet de modifier les comportements, mais j’avoue que ce mécanisme de prélèvements et de restitutions me laisse perplexe.
Deuxièmement, je crains que la multiplication des exceptions et des exonérations, et donc des niches fiscales, ne soit source de complexité et d’arbitraire.
M. Michel Charasse. Du gruyère ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas vraiment le modèle que nous appelons de nos vœux.
Troisièmement, s’agissant des entreprises, je ne distingue pas vraiment un quelconque droit de suite aux frontières. Il est louable de s’imposer des règles extrêmement strictes, mais nous risquons de perdre des emplois et de faire fuir l’activité hors de notre territoire. En effet, il est à craindre que certains ne préfèrent développer leurs productions dans des pays qui ne seraient soumis à aucune règle, quitte, ensuite, à importer celles-ci chez nous.
La pollution étant planétaire, nous n’aurons rien gagné et nous aurons perdu de nombreuses activités.
Enfin, et c’est le quatrième point de ma démonstration, je voudrais qu’on cesse d’opposer les ménages et les entreprises.
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il s’agit là d’une convention de langage très commode, mais qui n’a aucune signification, qui nous égare et qui nous empêche d’engager une vraie réflexion sur la manière d’insuffler de la compétitivité à notre économie et de nous donner des chances réelles de recréer des emplois et de provoquer la croissance.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Au terme de ces débats, le Sénat s’apprête à se prononcer sur cette contribution carbone. Je tiens à souligner l’importance que représente ce changement d’assiette, puisque, au lieu d’utiliser, pour son calcul, les éléments traditionnels que sont notamment le travail, l’investissement ou le patrimoine, nous nous fondons sur la pollution.
Cette contribution correspond également à un engagement du Président de la République, qui, pendant la campagne électorale de 2007, avait signé le Pacte écologique présenté par Nicolas Hulot à l’ensemble des candidats. Sans doute quelques-uns ou quelques-unes de ces candidats, s’ils avaient été élus, auraient renié leur parole.
Voter cet article 5 qui crée la contribution carbone, c’est manifester sa volonté d’inscrire dans la durée cette modification des comportements et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, que nous appelons tous de nos vœux. Pour cette raison, il est prévu que cette contribution atteigne, en 2030, 100 euros.
Moi aussi, monsieur le président de la commission, je regrette que nous ayons émaillé ce texte d’un certain nombre d’accrocs ou de petits trous de dentelle.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pas de la dentelle d’Alençon ! (Sourires.)
Mme Christine Lagarde, ministre. Qu’elle soit d’Alençon ou d’ailleurs (Nouveaux sourires.), nous serons sans doute amenés à revoir certaines modifications qui ont été apportées cet après-midi au dispositif et qui en atténuent la portée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous encourage à voter cet article 5, et même à le voter avec enthousiasme !
M. Gérard Longuet. N’exagérons pas ! (Sourires.)
Mme Christine Lagarde, ministre. La contribution carbone, en modifiant nos règles fiscales, induira sans doute un changement profond des comportements de nos concitoyens, ce qui ne peut être que bénéfique.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. J’ai écouté avec attention les raisonnements respectifs du président du groupe UMP et de M. le rapporteur général ; j’ai écouté encore plus attentivement celui de M. le président de la commission des finances. Eh bien, en recourant aux mêmes arguments que ceux qu’ils ont utilisés, je parviens à la conclusion inverse, à savoir qu’il n’est pas possible de voter l’article 5 en l’état. Aussi, je m’abstiendrai.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° I-392, présenté par MM. Maurey et Dubois, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Détraigne, Biwer, Vanlerenberghe et Soulage, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 3 du I de l'article 244 quater U du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale. »
II. - Le I ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. - Les conséquences financières pour l'État de l'extension de l'avance remboursable sans intérêt aux communes et aux établissements de coopération intercommunale est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Cet amendement vise à faire bénéficier les collectivités territoriales du prêt à taux zéro institué par la loi de finances pour 2009 au profit des ménages.
Les collectivités territoriales doivent faire face à des charges croissantes, notamment en raison de la prise en compte du développement durable. Aussi, il nous semble équitable que celles-ci puissent, elles aussi, bénéficier de cette facilité.
J’avais déjà présenté cet amendement l’année dernière, sans qu’il soit adopté. En revanche, il a été intégré au projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle 2 », dans sa rédaction issue de l’examen en commission.
Au cours de sa discussion en séance publique, le Gouvernement avait déposé un amendement de suppression de cette disposition, que le Sénat a rejeté, confirmant ainsi l’extension du prêt à taux zéro en faveur des collectivités territoriales.
Malheureusement, en recourant à ce que je qualifierai de manœuvre procédurale, le Gouvernement et la majorité ont supprimé l’article sur lequel j’avais déposé mon amendement et, par conséquent, cette disposition. Mais, je le répète, le Sénat s’était prononcé en sa faveur dans un premier temps.
Notre assemblée, qui a vocation à défendre les territoires et les collectivités territoriales, ne peut rester insensible à cette disposition qui permettra d’aider ces dernières à supporter les charges auxquelles elles ont à faire face en raison du développement des normes en tout genre, notamment les normes environnementales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à étendre aux communes et aux EPCI le bénéfice de l’éco-prêt à taux zéro pour la réalisation – ce n’est pas précisé, mais je le suppose –, sous la maîtrise d’ouvrage desdits communes et EPCI, de logements communaux destinés à rester dans le patrimoine de la collectivité.
M. Maurey avait déjà déposé, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, un amendement identique qui limitait le bénéfice de la disposition aux communes de moins de 3 500 habitants.
Le Gouvernement avait souhaité le retrait de l’amendement, qui avait finalement été repoussé par le Sénat.
Les mêmes raisons conduiront sans doute aux mêmes effets. Au demeurant, ce dispositif n’ayant pas d’effet sur le solde budgétaire prévu pour 2010, cet amendement serait mieux placé dans la seconde partie du projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement comme il l’avait été l’année dernière, M. Maurey l’a rappelé, à un amendement similaire.
L’éco-prêt à taux zéro s’adresse aux particuliers. L’objectif est de leur permettre d’obtenir de leur banque un prêt à taux zéro bonifié par l’État. Si cette mesure devait être étendue à tout le monde, elle perdrait tout son sens.
Ce n’est pas au Sénat que j’apprendrai que, lorsqu’une collectivité locale veut construire des logements – je suppose, comme M. le rapporteur de la commission des finances, que c’est dans cette hypothèse que vous vous placez, monsieur Maurey – elle a accès à des modes de financement différents de ceux des particuliers, sans compter le soutien de l’ADEME, par le biais d’un fonds spécifique.
On ne peut pas étendre à des institutions, si nobles soient-elles, le bénéfice d’une mesure dédiée aux particuliers. Lorsque l’on crée un dispositif, on cherche à répondre à un problème précis. Si l’on se disperse, si l’on étend des dispositifs à ceux pour qui ils n’ont pas été faits, on risque l’inefficacité et, en outre, cela coûte cher.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Cet amendement, je le répète, a été adopté par le Sénat l’année dernière et il n’est tombé qu’au terme d’une manœuvre de procédure pour le moins contestable.
M. le ministre me dit que l’on ne peut pas étendre aux communes un dispositif qui a été conçu pour les particuliers. Cet argument me semble curieux, car c’est au législateur qu’il revient de fixer le champ d’application d’une disposition.
L’année dernière, M. le rapporteur général de la commission des finances m’avait reproché d’avoir limité le bénéfice de l’amendement aux communes de moins de 3 500 habitants. J’ai pensé qu’il serait sensible à la suppression de la référence à la taille de la commune.
Il semble par ailleurs considérer que cet amendement serait mieux placé dans la seconde partie du projet de loi de finances. J’accéderais volontiers à son souhait, si j’avais la certitude de ne pas recueillir le même avis de la commission. Dans le doute, je maintiens l’amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur Maurey, je ne peux pas vous laisser dire que, l’année dernière, le Sénat n’avait pas rejeté votre amendement. Et les raisons de ce rejet ne résidaient pas dans le fait qu’il ne s’appliquait qu’aux communes de moins de 3 500 habitants.
En fait, l’adoption d’un tel amendement reviendrait à créer une nouvelle niche fiscale. Si l’on étend ce dispositif aux communes, il faudra également l’étendre aux bailleurs sociaux, aux offices d’HLM et à tous les organismes constructeurs. Eu égard à la situation de nos finances publiques, ce ne serait pas judicieux.
Le moyen utilisé peut paraître commode. Le ministre du budget peut continuer à soutenir qu’il tient les comptes publics dans la mesure où il maintient la dépense en volume, mais cela revient à transformer des crédits budgétaires en prélèvements sur les recettes fiscales à venir, ce qui n’est pas de bonne méthode.
Pour toutes ces raisons, je demande à M. Hervé Maurey de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. La loi et les prophètes : le législateur fait la loi, le positif ; le Grenelle de l’environnement, c’est le prophète.
Il est bien évident que nous avons tous intérêt, constructeurs ou collectivités locales, à investir dans des bâtiments économes en énergie puisque, nous le savons, le prix de l’énergie ne peut que croître.
À la différence des particuliers, lorsque des collectivités locales réalisent des logements ou des bâtiments collectifs, elles bénéficient très souvent de subventions.
D’ailleurs, l’une des activités principales des sénateurs consiste à aider les maires à obtenir des subventions, que ce soit des départements, de la région, de l’État ou de l’Europe. Cela permet aux collectivités locales de réaliser des ouvrages nécessaires qu’elles n’auraient sans cela pas pu financer.
Ces ouvrages doivent être « intelligents » : ce n’est pas une question de subvention, c’est une question d’intérêt de long terme. Si elles les réalisent, c’est parce qu’elles y ont intérêt.
Les particuliers ne sont pas subventionnés. La seule façon de les aider est de leur permettre d’accéder à des prêts à taux zéro.
C’est la raison pour laquelle je demande à M. Hervé Maurey de retirer son amendement.
Les collectivités locales ont le bénéfice de la continuité et le devoir de l’exemplarité. Leur ouvrir l’accès au prêt à taux zéro ne changerait pas grand-chose. En revanche, ce serait une dilution des moyens des finances publiques, qui sont rares, au détriment de ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les particuliers.
M. le président. L'amendement n° I-342, présenté par MM. Rebsamen, Patriat et Sueur, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la ligne 41 du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, le chiffre : « 5,66 » est remplacé par le chiffre : « 2,1 ».
II. - La perte de recettes pour l'État résultant de la baisse de la taxe intérieure de consommation sur le fioul domestique, est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. La suppression de la prime à la cuve en 2010 pénalisera lourdement les ménages qui se chauffent au fioul domestique.
Instituée voilà maintenant quatre ans, la prime à la cuve était versée à 700 000 foyers en France : des foyers qui sont non imposables, donc plutôt modestes ; des foyers qui se chauffent au fioul, donc plutôt ruraux.
De 75 euros à l’origine, elle a été réévaluée avec la hausse des prix du pétrole pour atteindre 150 euros, et même 200 euros en 2008.
Certes, le prix du fioul a beaucoup baissé ces derniers mois. Cette semaine, il oscille autour de 60 centimes d’euros, soit sensiblement le prix auquel on le trouvait en 2005, année de la création de la prime à la cuve. En ces temps de crise, la suppression de cette prime est un coup dur porté aux plus modestes.
M. le ministre du budget nous a expliqué que la prime à la cuve était une mesure exceptionnelle et qu’elle n’a plus lieu d’être puisque les circonstances ont changé. Oui, les circonstances ont changé depuis un an. En fait, nous sommes revenus aux circonstances qui prévalaient voilà quatre ans. Alors, rétablissons la prime à la cuve en la ramenant au niveau où elle était voilà quatre ans, c’est-à-dire à 75 euros.
La diminution du prix du pétrole correspond bien à une économie pour les consommateurs, mais par rapport à l’année dernière, pas en comparaison avec 2005.
Mes chers collègues, après l’annonce par Total d’un bénéfice de près de 14 milliards d’euros – chiffre effarant, surtout en temps de crise – nous avions réclamé l’instauration d’une taxe exceptionnelle sur ces profits.
Monsieur le ministre du budget avait quant à lui estimé en février dernier que « Total pouvait faire un geste, continuer à participer comme elle l’a fait à la prime à la cuve », en allant « peut-être un peu plus loin ». Dix mois plus tard, comme sœur Anne, nous n’avons rien vu venir.
Pour ne pas infliger une double peine aux ménages, cet amendement vise donc à abaisser la taxe intérieure de consommation sur le fioul domestique au minimum légal autorisé par la directive européenne.
Nous ne proposons pas une réduction du taux de la contribution carbone applicable au fioul, car nous considérons qu’il est important de préserver le signal prix envoyé aux consommateurs.
Pour aider les ménages modestes à supporter la suppression de la prime à la cuve et l’instauration de la contribution carbone, il nous paraît plus judicieux d’abaisser le prix de la taxe intérieure de consommation, comme nous le permet le droit communautaire.
Tout à l’heure, M. le rapporteur général de la commission des finances a déposé, à l’article 5, un amendement visant à diminuer le taux de la contribution carbone pour le fioul domestique utilisé pour le transport maritime. Je ne doute donc pas qu’il soit sensible à la justesse de notre requête.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’y suis sensible, monsieur Frécon, mais j’ai des doutes sur le dispositif que vous proposez.
Comme vous l’avez rappelé à juste titre, le cours du fioul domestique a baissé dans des proportions importantes ces derniers mois. Le graphique dont je dispose montre que l’on a retrouvé le niveau du milieu de l’année 2005.
Une baisse de la TIPP au profit de l’ensemble des consommateurs de fioul domestique se traduirait par une perte de recettes de plusieurs centaines de millions d’euros pour l’État. Si l’on considère les 18,220 millions de mètres cubes consommés en 2008, multipliés par les 3,56 euros d’allégements que vous proposez, on obtient un total de 648 millions d’euros.
Peut-être envisagez-vous de limiter la mesure aux ménages ? Cela supposerait d’en exclure le fioul à usage professionnel. Je ne suis pas persuadé que les services des douanes auront les moyens de faire la distinction.
Pour l’ensemble de ces raisons, le dispositif proposé ne nous semble pas adéquat. Néanmoins, fidèle à son habitude, la commission sera attentive à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement.
Je tiens à rappeler que la prime à la cuve a été instituée, non pas à titre pérenne, mais en raison de circonstances exceptionnelles particulières.
En 2005, l’ouragan Katrina avait été à l’origine de nombreuses tensions sur le marché pétrolier. En 2007, le baril de pétrole flirtait avec les 100 dollars. En 2008, il devait même atteindre 150 dollars.
Aujourd’hui, la situation a changé. Le prix du baril oscille entre 72 et 77 dollars, au maximum. Nous ne sommes donc plus dans les circonstances exceptionnelles qui avaient présidé à la mise en place de la prime à la cuve.
L’amendement no I-342 vise à abaisser le taux de la taxe intérieure de consommation sur le fioul domestique afin de compenser la suppression de la prime à la cuve. Mais les proportions ne sont pas comparables. Le coût de la prime à la cuve était de 120 millions d’euros en 2008 et de 190 millions d’euros en 2009. Or, la réduction de la taxe intérieure de consommation sur le fioul domestique coûterait 500 millions d’euros. En outre, elle absorberait pratiquement l’équivalent de 80 % de la contribution carbone appliquée au fioul domestique, ce qui supprimerait le signal prix que nous voulons donner.
Je souhaite donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Monsieur Frécon, l'amendement n° I-342 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Frécon. J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur général et de Mme la ministre. Je reconnais que je suis un peu troublé par la différence importante entre les chiffres : 200 millions d’euros d’un côté, 500 millions d’euros de l’autre.
Je vais retirer cet amendement, mais, madame la ministre, je souhaiterais que vous puissiez voir ultérieurement, éventuellement lors de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances ou au sein de la commission mixte paritaire, si l’on ne pourrait pas faire un petit effort : sans abaisser cette taxe intérieure de consommation à son niveau minimum, on pourrait la fixer à une somme qui permettrait d’obtenir une réduction de l’ordre des 190 millions d’euros dont vous nous avez parlé tout à l’heure.
M. le président. L'amendement n° I-342 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-370 rectifié, présenté par MM. Deneux, Détraigne, Soulage, Biwer, J. Boyer, Dubois, Maurey, Pointereau, Vasselle, César et Revet, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Le tableau constituant le second alinéa du 1 de l'article 265 bis A est ainsi rédigé :
DÉSIGNATION DES PRODUITS |
RÉDUCTION(en euros par hectolitre) |
||
|
Année |
||
|
2009 |
2010 |
2011 |
1. Esters méthyliques d'huile végétale incorporés au gazole ou au fioul domestique |
15, 00 |
15, 00 |
15, 00 |
2. Esters méthyliques d'huile animale incorporés au gazole ou au fioul domestique |
15, 00 |
15, 00 |
15, 00 |
3. Contenu en alcool des dérivés de l'alcool éthylique incorporés aux supercarburants dont la composante alcool est d'origine agricole |
21, 00 |
21, 00 |
21, 00 |
4. Alcool éthylique d'origine agricole incorporé aux supercarburants ou au superéthanol E85 repris à l'indice d'identification 55 |
21, 00 |
21, 00 |
21, 00 |
5. Biogazole de synthèse |
15, 00 |
15, 00 |
15, 00 |
6. Esters éthyliques d'huile végétale incorporés au gazole ou au fioul domestique |
21, 00 |
21, 00 |
21, 00 |
2° Après le nombre : « 23,24 », la fin de la dernière colonne de la dernière ligne du tableau B du 1 de l'article 265 est supprimée.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Lors du vote de la loi de finances pour 2009, il avait été prévu une clause de revoyure annuelle – pour utiliser un terme à la mode – du niveau de défiscalisation des biocarburants, en fonction de l’évolution des conditions économiques constatées sur l’année.
Cette année, je ne vous l’apprendrai pas, le prix du baril de pétrole a considérablement chuté, la parité euro-dollar a sensiblement évolué, et les prix des différentes matières premières agricoles servant à produire les biocarburants ont évolué d’une façon importante.
De ce fait, la compétitivité des filières de biocarburants s’est fortement dégradée au regard de la forte concurrence des énergies fossiles, depuis le vote de la dernière loi de finances.
L’amendement n° I-370 rectifié vise donc, pour assurer la pérennité de ces filières, à maintenir en 2010 et 2011 le niveau de défiscalisation qui avait été voté pour 2009.
M. le président. Les amendements nos I-519 et I-367 rectifié sont identiques.
L'amendement n° I-519 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-367 rectifié est présenté par MM. Deneux, Détraigne, Soulage, Biwer, J. Boyer, Dubois, Maurey, Pointereau, Vasselle, César et Revet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 265 bis A du code des douanes est ainsi modifié :
1° Le 3 du tableau du 1 est complété par les mots : «, sous nomenclature douanière combinée NC 220710 » ;
2° Dans le 4 du même tableau, après les mots : « d'origine agricole », sont insérés les mots : «, sous nomenclature douanière combinée NC 220710, » ;
3° Le 1 bis est abrogé.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement no I-519.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le présent amendement a pour objet de préciser la rédaction du code des douanes en matière d’application de la TGAP aux distributeurs ne remplissant pas les objectifs nationaux d’incorporation des biocarburants.
Les producteurs agréés d'éthanol soulignent en effet que cette rédaction permet aux distributeurs de contourner la protection douanière européenne dont bénéficie l'éthanol non dénaturé en incorporant des produits importés sous d'autres codes douaniers et acquittant des droits de douanes beaucoup plus faibles.
Ce contournement était peu observé jusqu'à maintenant, en raison de la défiscalisation élevée dont bénéficiaient les éthanols agréés. La baisse progressive de la défiscalisation dégrade la compétitivité de ces substances et encourage les distributeurs à incorporer des produits non agréés qui, s'ils ne bénéficient pas de la défiscalisation, sont néanmoins soumis à un droit de douane extrêmement faible
L’Allemagne a déjà pris une décision analogue à celle qui est ici préconisée. Il s’agit de clarifier le code des douanes, afin de mentionner explicitement que seule l’incorporation d’éthanol non dénaturé est prise en compte pour l’atteinte des objectifs d’incorporation et pour le calcul de la TGAP y afférente.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° I-367 rectifié.
M. Yves Détraigne. Je souhaiterais juste apporter un complément d’information.
En 2008, un peu plus de 10 % de l’éthanol consommé en France était importé. Or, pour l’essentiel, ces importations contournent la réglementation douanière et n’apportent aucune garantie sur la durabilité de cet éthanol, alors que les unités de production d’éthanol qui ont été agréées par l’État français ont l’obligation de mettre sur le marché un éthanol de qualité, c’est-à-dire un alcool non dénaturé et produit dans le respect strict de critères de durabilité.
Dans la mesure où ces dispositions ne s’appliquent pas aux importations, il convient de rétablir une concurrence loyale entre l’éthanol importé, essentiellement du Brésil, et l’éthanol produit en France.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° I-370 rectifié, ne serait-ce que pour des raisons budgétaires. En effet, le coût de la mesure serait de 186 millions d’euros en 2010, et de 346 millions d’euros en 2011.
En revanche, le Gouvernement est favorable aux amendements identiques nos I-519 et I-367 rectifié.
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° I-370 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Compte tenu de ce qui vient d’être dit et de ce qui a été convenu sur la fiscalisation des biocarburants avant la suspension de séance, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-370 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos I-519 et I-367 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
L'amendement n° I-371 rectifié, présenté par MM. Deneux, Détraigne, Soulage, Biwer, J. Boyer, Dubois, Maurey, Pointereau, Vasselle, César et Revet, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le 1 bis de l'article 265 bis A du code des douanes, il est inséré un 1 ter ainsi rédigé :
« 1 ter. Les montants figurant au tableau du 1 sont majorés du tarif mentionné au tableau de l'article 266 quinquies C applicable au carburant auquel le biocarburant est incorporé. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Je retire cet amendement, pour les mêmes raisons que précédemment.
M. le président. L’amendement n° I-371 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-426 rectifié, présenté par MM. Tropeano, Charasse, Plancade, Mézard et Collin, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
I. - Après l'article 265 sexies du code des douanes, il est inséré un article ... ainsi rédigé :
« Art. ... - Le taux de la contribution carbone sur les produits énergétiques visée à l'article 266 quinquies C perçue sur les carburants utilisés par les chauffeurs de taxi, à l'exception du gaz naturel véhicules et du gaz de pétrole liquéfié, est réduit de cent pour cent dans la limite de 5 000 litres par an pour chaque véhicule. Celui perçu sur le GNV et le GPL est réduit de cent pour cent dans la limite de 10 000 litres par an pour chaque véhicule.
« Les modalités d'application de l'alinéa précédent sont fixées par décret. »
II. - Les pertes de recettes pour l'État résultant du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du Code général des impôts.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Cet amendement, dont l’initiative revient à notre collègue Tropeano, vise à ne pas pénaliser trop fortement les artisans taxis et, par ricochet, leurs clients qui souhaitent ne pas utiliser leurs véhicules personnels.
En effet, transporteurs publics de proximité, les taxis soutiennent la préservation de l'environnement, notamment en matière d'émission de CO2 dont ils subissent les effets au quotidien.
La mise en place de la taxe carbone inquiète d'autant plus la profession que le mécanisme de compensation proposé aux entreprises par le Gouvernement ne s'applique pas aux TPE.
Cet amendement permet donc de modérer à leur égard les effets de la taxe carbone.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je pense beaucoup de bien des taxis, qui exercent une profession indispensable et conviviale. La sollicitude des auteurs de l’amendement est donc tout à fait justifiée.
Cela étant dit, ne faudrait-il pas limiter les mesures d’atténuation de la contribution carbone aux transports collectifs ? La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement à ce sujet.
J’ajouterai une question supplémentaire : si le taxi est lui-même un élément d’un réseau de transport collectif, par exemple dans le cadre d’un système de transport « à la demande », ne faudrait-il pas l’assimiler complètement à un tel réseau ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Cette proposition, qui vise en fait à exonérer de contribution carbone les carburants utilisés par les exploitants de taxis dans la limite de 10 000 litres par an de gaz naturel ou de gaz de pétrole liquéfié, et de 5 000 litres par an pour les autres carburants, soulève deux difficultés.
Nous le savons tous, les tarifs des taxis sont fixés par le ministère de l’intérieur. Ils avaient été fortement augmentés au moment de la hausse du prix du carburant en 2008. Depuis, ce prix a baissé, mais les tarifs n’ont pas été modifiés pour autant. On ne peut pas parler de rente, mais la fixation des tarifs a été effectuée sur la base de paramètres différents de ceux qui sont en vigueur actuellement.
Dans la mesure où la contribution carbone sera applicable à tous les carburants versés à la pompe, quelle que soit la voiture, taxi ou autre, qui prend le carburant, il ne serait pas raisonnable d’envisager une exonération. On ne peut pas prévoir un mécanisme de distribution propre, qui permettrait à certains véhicules de bénéficier de l’exonération de la contribution et à d’autres de la subir.
Il convient donc de maintenir le principe, tout en sachant que le ministère de l’intérieur, lorsqu’il fixera les tarifs, tiendra évidemment compte de l’augmentation du prix du carburant qui serait supportée par cette respectable profession.
J’ajoute que, même si nous avons un peu « écharpé » le projet depuis le début de l’après-midi, nous voulons tendre vers une contribution carbone universelle : soustraire une catégorie à ce principe d’universalité n’est pas une bonne idée, car nous souhaitons que la contribution s’applique à toutes les catégories. En outre, une telle exonération poserait problème au regard de l’égalité devant l’impôt, d’autant que la contrainte internationale que l’on peut éventuellement évoquer pour certaines autres professions ne peut ici se justifier.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous proposerai de retirer cet amendement.
Si je n’ai pas répondu à votre question, monsieur le rapporteur général, ce n’est pas parce que je cherche à l’éviter. En fait, je ne suis pas sûre d’avoir les éléments de réponse, dans la mesure où un taxi peut éventuellement, lorsqu’il est requis, lorsqu’il est utilisé comme ambulance, par exemple, servir de transport collectif.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il existe, dans un certain nombre de départements, des taxis qui participent à des systèmes de transport « à la demande », lesquels fonctionnent selon un tarif fixe établi par la collectivité, sur une ligne déterminée, et sont accessibles à plusieurs personnes en fonction de leur contenance. C’est un mode de transport qui est très apprécié en zone rurale ou semi-rurale.
MM. Yann Gaillard et Gérard Longuet. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’en parle en connaissance de cause, car un tel système a été mis en place dans l’agglomération dont j’ai la charge. À l’époque, j’avais été chercher un précédent dans les Côtes-d’Armor, à Saint-Brieuc, si je ne me trompe. Cela doit exister dans de nombreuses villes ou agglomérations.
Dans ce cas, on propose une convention aux artisans taxis, ce qui leur permet d’avoir un plan de charge auquel ils ne sont pas indifférents, et on participe en même temps à la satisfaction d’un besoin collectif.
Il me semble que l’on a oublié ces cas de figure en exonérant à 100 % le transport collectif de voyageurs, et je me demande si nous ne devrions pas, peut-être pour le projet de loi de finances rectificative, préparer un dispositif d’alignement. Ce serait un bon signal adressé à cette profession. Évidemment, même si cela ne s’adresse pas aux taxis parisiens, ce seraient néanmoins des artisans taxis qui seraient concernés.
Il serait en tout cas inéquitable que le transport à la demande organisé par une collectivité, comme je viens de l’indiquer, ne bénéficie pas de la même exonération que le transport classique par car, alors que c’est un mode plus économe. Le véhicule ne se déplace que si la demande existe, alors que le car peut rouler même s’il est vide.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous avons décidé que le transport collectif commençait à partir de huit passagers.
M. Philippe Marini, rapporteur général la commission des finances. C’est arbitraire !
Mme Christine Lagarde, ministre. Ce mode de fixation est effectivement un peu arbitraire. Nous pourrions réexaminer cette question dans le cadre du collectif budgétaire, ou demander au secrétaire d’État aux transports de l’inclure dans les négociations qu’il mène actuellement en matière de transport de voyageurs.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le transport scolaire sera-t-il considéré comme un transport public collectif, madame le ministre ?
M. Gérard César. Et voilà ! C’est une bonne question !
M. le président. Monsieur Charasse, l’amendement n° I-426 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. J’ai écouté avec attention le rapporteur général, puis le ministre.
Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur général, nous pourrions, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, essayer de trouver une solution, en liaison avec le Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je pense, oui ! Il faudrait le faire !
M. Michel Charasse. Dans ces conditions, je retire l’amendement, car je fais confiance à la commission des finances pour nous proposer, en liaison avec le ministre, un dispositif qui soit non pas une dérogation supplémentaire mais un système d’assimilation, de façon que des professions qui exercent de la même manière un transport collectif soient traitées de la même façon.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous le ferons ensemble !
M. Michel Charasse. D’accord !
M. le président. L’amendement n° I-426 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-343 rectifié, présenté par M. Botrel, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 266 quinquies B du code des douanes, il est inséré un article 266 quinquies D ainsi rédigé :
« Art. 266 quinquies D. - Sont exonérées de la contribution carbone prévue par l’article 266 quinquies C, les associations prévues par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. »
II. - La perte de recettes pour l’État résultant de l’exonération de contribution carbone pour les associations de la taxe carbone, est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Sur l’initiative de notre collègue Yannick Botrel, nous souhaiterions, par cet amendement, attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des associations, qui, à compter du 1er janvier prochain, seront elles aussi soumises à la contribution carbone.
Pour nombre d’entre elles, par exemple pour les associations sportives, mais également pour les associations d’accompagnement, de maintien et d’aide à domicile des personnes âgées ou dépendantes, l’instauration de la contribution carbone entraînera une hausse des charges, notamment de transport.
Nous le savons, ces associations, qu’elles soient sportives ou à vocation sociale, sont très largement aidées, subventionnées par les collectivités territoriales. Quelquefois même, elles profitent de locaux mis à leur disposition par la collectivité.
Le risque pour les collectivités locales est donc double : soit elles devront assumer une hausse de leurs charges au titre des équipements qu’elles mettent à la disposition des associations, soit elles auront affaire à une augmentation des demandes de subventions de la part desdites associations.
De leur côté, les associations, notamment de services, pourraient être amenées à augmenter le tarif de leurs prestations, au détriment du public, déjà défavorisé ou isolé, auquel elles s’adressent.
Le Gouvernement a fait le choix d’une compensation aveugle à tous. Je le dis, tel n’aurait certainement pas été notre choix. Il aurait été important, au contraire, de cibler une partie du produit de la recette issue de la contribution carbone pour aider les ménages en difficulté, et une autre partie pour financer la mutation écologique de nos transports, logements et entreprises en difficulté.
Aujourd’hui, néanmoins, c’est du choix du Gouvernement que nous discutons. Ainsi, pour les entreprises, la compensation se fera par la suppression concomitante de la taxe professionnelle. Pour les ménages, elle se fera par le biais du crédit d’impôt, dont nous discuterons tout à l’heure. Pour les collectivités locales, une solution semble avoir été trouvée. L’État, quant à lui, percevra le produit de la taxe que ses services acquitteront.
Mais, dans ce dispositif, rien n’est prévu pour les associations. Celles-ci n’étant pas assujetties à la taxe professionnelle, elles s’acquitteront de la contribution carbone sans pour autant bénéficier de compensation.
Pour que cette nouvelle taxe ne pèse pas sur leur budget et ne mette pas en péril leurs activités, essentielles pour nos concitoyens et pour le maintien du lien social dans les territoires, notre amendement a pour objet d’exonérer les associations de contribution carbone.
Nous anticipons un peu votre réponse, monsieur le rapporteur général, madame la ministre : nous savons que le redevable de la contribution n’est pas le consommateur final, puisque c’est le fournisseur du produit taxé qui l’acquittera, puis la répercutera sur le prix du produit vendu. Par conséquent, il est difficile, dans les faits, de mettre en pratique l’exonération que nous vous proposons.
Nous aurions pu proposer une solution alternative, reposant sur un crédit d’impôt. Mais il paraît difficile de prévoir un remboursement forfaitaire alors que les missions et les budgets de ces associations sont aussi divers que multiples.
Par conséquent, il s’agit surtout, par cet amendement, d’alerter le Gouvernement sur la situation des associations, de connaître sa position et la solution qu’il compte éventuellement nous proposer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, outre que la niche est tout de même d’une taille assez considérable, au demeurant difficile à déterminer par avance, il faudrait, comme vous l’avez vous-même indiqué, que les carburants utilisés par les associations soient fléchés dès la sortie de l’entrepôt et bénéficient, par exemple, de points de distribution spécifiques. Assurément, cela ne va pas de soi.
La commission ne pense donc pas que ce dispositif puisse être opérationnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. J’attendais cette réponse. Mais, madame la ministre, ces associations jouent un rôle essentiel, indispensable dans nos territoires, en particulier ruraux : je pense spécialement aux associations d’aide à domicile. Or celles-ci sont souvent dans une situation financière très difficile, si bien que, immanquablement, le coût de leurs prestations va augmenter alors qu’elles s’adressent à des populations qui sont dans le besoin, qui, la plupart du temps, ont de faibles revenus !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais que fait le conseil général ?
M. Gérard Miquel. Qui sera amené à compenser ? Bien entendu, dans le cas d’espèce, ce sont les conseils généraux, alors qu’ils n’auront pas les moyens d’assumer cette nouvelle charge.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je voudrais préciser que, lorsqu’une association effectue des transports collectifs à titre régulier – je pense par exemple à des associations sportives qui transportent de manière régulière des sportifs vers un lieu de match –, elle bénéficie de l’exonération.
M. le président. L’amendement n° I-411 rectifié bis, présenté par MM. Doligé, du Luart, Poncelet, Leroy et Fouché, est ainsi libellé :
Après l’article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Il est institué un prélèvement sur les recettes de l’État destiné à compenser les effets de la contribution carbone sur les dépenses exposées par les collectivités territoriales au titre de l’enseignement et du transport scolaires.
II. - Il est institué un prélèvement sur les recettes de l’État en faveur des services départementaux d’incendie et de secours, destiné à compenser les effets de la contribution carbone prélevée sur certaines charges relevant de leurs compétences : véhicules et chauffage de leurs locaux.
III. - Les pertes de recettes résultant, pour l’État, des I et II sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Demande de priorité
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement souhaite que soient examinés par priorité les amendements nos I-181, I-182, I-184 et I-183 tendant à insérer des articles additionnels après l’article 8 bis.
Il s’agit des amendements portant sur le taux de TVA applicable à la restauration. Nous souhaiterions que leur examen ait lieu à une heure où nous pouvons en débattre en toute sérénité et bénéficier de la présence efficace du secrétaire d’État chargé du sujet auprès de la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité formulée par le Gouvernement ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission est prête à débattre de ces amendements, que M. Jégou lui a soumis cet après-midi.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de priorité.
(La priorité est ordonnée.)
Articles additionnels après l’article 8 bis (priorité)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-181, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le m. de l’article 279 du code général des impôts est supprimé.
II. - L’article 279 bis du code général des impôts est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les ventes à consommer sur place, à l’exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
L’amendement n° I-182, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet, qui est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 12 % sur les ventes à consommer sur place, à l’exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les quatre amendements, puisqu’ils forment un tout, ce qui évitera que je ne reprenne la parole trop souvent. Je pense que cela ne déplaira pas à M. le ministre en dépit du souhait qu’il a paru exprimer en demandant la priorité d’examen de ces amendements à cette heure très propice, selon lui, à un débat de fond…
M. le président. J’appelle donc en discussion les deux amendements suivants.
L’amendement n° I-184, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 19,6 % sur les produits ayant fait l’objet d’une vente à emporter par un établissement de restauration, à l’exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
L’amendement n° I-183, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 12 % sur les produits ayant fait l’objet d’une vente à emporter par un établissement de restauration, à l’exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Jean-Jacques Jégou. L’affaire est très ancienne ! Je me rappelle avoir assisté à plusieurs reprises, sur les bancs de l’Assemblée nationale, aux tentatives de mes collègues pour soutenir cette demande de M. André Daguin, alors président de l’Union des métiers de l'industrie hôtelière.
Jusqu’au changement du mois de juillet dernier, M. Daguin considérait qu’il existait une distorsion de concurrence entre la restauration dite traditionnelle et la restauration rapide, qui pratique la vente à emporter. En effet, par une facétie fiscale comme seul notre pays en connaît, vous acquittiez une TVA à 19,6 % lorsque vous preniez le temps de vous asseoir à la table d’un restaurant et à seulement 5,5 % si vous alliez dans un établissement de restauration rapide pour acheter un repas « à emporter ».
Ceux qui fréquentent les lieux de restauration rapide – ce n’est pas encore mon cas, bien que je sois déjà grand-père ! (Sourires.) – m’ont même raconté une curiosité dans cette application des différents taux de TVA. Il paraît que, lorsqu’on mange dans ce genre de restaurant, une heure après, on a de nouveau faim. On y retourne donc racheter le même produit, mais cette fois on se contente du drive-in. Et voilà comment on consommait une première fois un produit taxé à 19,6 % et, quelques instants plus tard, le même produit taxé à 5,5 %. Rien que de très normal, me direz-vous. À ceci près que le prix payé, lui, était le même dans les deux cas…
M. Daguin avait remarqué cette curiosité. Aussi, dix années durant, il n’eut de cesse de réclamer à cor et à cri que soit tenue la promesse faite aux restaurateurs par le président Chirac à l’occasion de l’élection présidentielle de 2002, promesse qui n’avait pu être honorée parce que Bruxelles avait refusé à la France, qui avait à l’époque choisi d’appliquer le taux réduit de TVA au secteur du bâtiment,…
Mme Christine Lagarde, ministre. Seulement pour les travaux sur les locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans !
M. Jean-Jacques Jégou. … la possibilité d’en faire bénéficier un second secteur.
La crise aidant, peut-être aussi à cause de l’obstination de M. Daguin, le Gouvernement a obtenu de Bruxelles l’autorisation tant attendue, en même temps d’ailleurs que d’autres pays pour d’autres secteurs de leur économie. Et voilà comment, au détour d’un projet de loi traitant du tourisme – c’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi la commission des finances s’est prononcée aujourd’hui pour la première fois sur ce sujet –, satisfaction a été donnée à la restauration traditionnelle, qui s’est enfin vu appliquer une TVA à 5,5 %.
Madame, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve notre budget, qui accuse un déficit de 146 milliards d’euros, c’est un cadeau fiscal pur et simple que le Gouvernement a donné à la restauration ! Comme d’ailleurs l’affaire faisait grand bruit, je comprends que le Gouvernement ait demandé une contrepartie en forme de triptyque : les restaurateurs devaient embaucher, réduire les additions à due concurrence, et enfin investir dans leurs établissements.
Force est de constater que le cadeau fiscal, exorbitant, de 2,5 milliards d’euros…
Mme Nicole Bricq. Et même de 3 milliards d’euros !
M. Jean-Jacques Jégou. Effectivement, si l’on tient compte des mesures prises avant même que l’autorisation ait été obtenue, ce qui a coûté entre 500 millions et 600 millions d’euros.
M. Jean-Jacques Jégou. … que le cadeau fiscal, disais-je, ne s’est pas accompagné de la compensation demandée par le Gouvernement.
M. Michel Charasse. Les restaurateurs avaient pourtant pris des engagements !
M. Jean-Jacques Jégou. Selon le Gouvernement lui-même, les engagements pris n’ont pas été tenus.
Vous pourrez m’objecter, madame, messieurs les ministres, que, la mesure n’étant entrée en vigueur qu’au mois de juillet, nous n’avons peut-être pas eu le temps de constater convenablement les efforts consentis par la restauration.
Cependant, nous considérons aussi, et je tiens à l’affirmer dans cet hémicycle, même peu rempli, qu’il y a tout de même méprise. Qui paie la TVA lorsqu’on va au restaurant ? Est-ce le restaurateur ou est-ce le consommateur ? C’est bien le client, c’est bien le consommateur final qui paie la TVA, ce que ne comprennent pas toujours les restaurateurs, qui n’ont pas tous un sens aigu de la comptabilité ou de la finance. Pour en fréquenter moi-même quelques-uns, je peux vous dire que j’ai eu sur le sujet des conversations tout à fait… savoureuses.
Alors que le Parlement est là pour aider le Gouvernement à trouver des recettes et que l’on peine parfois à trouver quelques dizaines de millions d’euros, je m’interroge sur le bien-fondé du cadeau consenti aux restaurateurs, car on ne constate ni créations d’emploi, ni investissements, ni baisse des prix ! À l’heure où les collectivités locales vont rencontrer quelques difficultés avec la « suppression » de la taxe professionnelle, croyez bien qu’elles aimeraient profiter de ces 2,5 milliards d’euros !
Vraiment, je ne vois pas de raison objective au maintien de ce cadeau, sauf à vouloir faire plaisir à une corporation qui fait grand bruit et a souvent brandi des menaces. D’ailleurs, M. Daguin n’était-il pas présent dans les tribunes de l'Assemblée nationale lors du débat pour vérifier qui votait pour et qui votait contre ?...
Aujourd'hui, le Parlement a tendance à céder à la pression ! Ne pas y céder reviendrait finalement à rendre au contribuable les 2,5 milliards d’euros qui ont été amputés des recettes de l’État.
Les quatre amendements que j’ai déposés comprennent différentes propositions, dont l’une avait été faite l’an dernier par M. le président de la commission.
Comprenant bien la distorsion qui existe entre les deux types de restauration, je propose, dans l’amendement n° I-181, de revenir au taux de 19,6 % pour tout le secteur de la restauration et, dans l’amendement n° I-182, de fixer un taux de TVA de 12 % sur les ventes à consommer sur place. Les deux autres amendements sont des amendements de repli.
Madame la ministre, messieurs les ministres, l’amendement n° I-181 a été voté, pour la première fois, je le rappelle, à l’unanimité des membres de la commission des finances, …
M. Michel Charasse. Et dans l’enthousiasme !
M. Jean-Jacques Jégou. … et même dans l’enthousiasme, …
M. Gérard Longuet. Ils sortaient du restaurant ! (Rires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En cette période, nos agapes sont très modérées !
M. Jean-Jacques Jégou. … non pas parce qu’ils sortaient du restaurant, mon cher collègue, mais parce que la commission des finances du Sénat est pleinement dans son rôle en essayant d’alléger la dette fabuleuse que notre pays connaît aujourd'hui. L’adoption de cet amendement serait le signe qu’un coup d’arrêt est donné au déficit que nous creusons sans cesse, chaque année, au détour des projets de loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, à défaut de coup d’arrêt, disons plutôt que nous voulons donner un coup de semonce !
Permettez-moi de rapprocher deux chiffres.
La réforme de la taxe professionnelle, qui est très structurante,…
Mme Nicole Bricq. Elle est plutôt déstructurante !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … et dont nous n’avons pas fini de débattre, porte une réelle ambition pour le tissu de nos entreprises, et elle aura des effets induits sur l’ensemble de nos collectivités territoriales. Son coût en année pleine est de l’ordre de 4 milliards d’euros. En comparaison, le poids que pèse la mesure catégorielle pour l’hôtellerie et la restauration est beaucoup trop élevé.
M. Michel Charasse. 3 milliards d’euros !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En effet, si l’on met en balance les 4 milliards d’euros prévus pour la réforme de la taxe professionnelle, qui, quoi qu’on en pense, est une opération de nature stratégique et structurante, et les 3 milliards d’euros consentis au bénéfice d’une seule profession, on ne peut que constater combien les sommes engagées sont disproportionnées au regard des enjeux ! Tel est le premier point que je tenais à souligner.
Bien entendu, nous le savons fort bien, et spécialement dans ce domaine, quand le vin est tiré, il faut le boire ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Sauf quand c’est de la piquette !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais il faut le boire sans trop de culpabilité !
Or, notre souci est de comprendre quels engagements professionnels ont été pris en contrepartie de cette mesure catégorielle obtenue après des années d’un lobbying d’une efficacité considérable.
Au travers de son vote, la commission a souhaité que l’on fasse le point, que le respect de ces engagements professionnels soit évalué, car nous voulons qu’ils soient tenus.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Qu’en est-il de la baisse des prix de 11,8 % sur au moins sept produits ? Comment cette baisse s’apprécie-t-elle ? Comment est-ce contrôlé ? Les services de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, s’en sont-ils préoccupés ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Comment opèrent-ils ? Quels comptes rendus pourrez-vous nous remettre à ce sujet ?
Par ailleurs, qu’en est-il de la création de 40 000 emplois en deux ans, dont 20 000 emplois pérennes et 20 000 contrats d’apprentissage, en alternance ou de professionnalisation ?
Vous l’imaginez bien, nous sommes particulièrement attachés à ces questions, notamment à celle de la formation des jeunes, car nous sommes nombreux ici à croire à l’apprentissage, à l’alternance et à la professionnalisation. Si cet engagement n’est pas tenu, l’effort de 3 milliards d’euros n’a aucun sens !
Certes, nous savons bien que le recrutement de personnels dans les métiers de l’hôtellerie et surtout de la restauration ne va pas de soi.
M. Albéric de Montgolfier. C’est difficile !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il n’est pas toujours aisé de trouver des jeunes gens, ou des moins jeunes, prêts à adopter un rythme de travail très astreignant.
MM. Antoine Lefèvre et César. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais nous voudrions en tout cas être persuadés que les engagements souscrits peuvent être tenus et sont tenus.
M. Michel Charasse. Et pas à la Saint-Glinglin !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’amélioration de la situation des salariés du secteur sur le plan des rémunérations, de la formation, de la protection sociale, de la lutte contre le travail illégal de toutes catégories et du travail irrégulier, doit être la contrepartie des efforts que la collectivité nationale a accepté de faire à hauteur de 3 milliards d’euros.
Sur le plan de la modernisation, des investissements, de la mise aux normes en matière d’hygiène et de sécurité, de l’amélioration de l’accueil, du tri des déchets, etc., où en est-on ?
Voilà quelques semaines maintenant, en octobre dernier, le président Philippe Séguin nous a livré les conclusions du Conseil des prélèvements obligatoires,…
Mme Nicole Bricq. Exact !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … relevant les effets emploi très incertains de la baisse du taux de TVA. C’est précisément à ce moment-là que notre collègue Jean-Jacques Jégou a présenté ses amendements, auxquels nous avons réagi de manière favorable.
Il y a eu, si je puis dire, conjonction entre Jean-Jacques Jégou, Philippe Séguin et le Conseil des prélèvements obligatoires ! (Sourires.)
Nous nous sommes tournés vers les organisations représentatives de la profession, mais celles-ci n’ont pas encore été en mesure de nous fournir des statistiques nationales sur les retombées des premiers mois d’application de cette mesure.
Madame, messieurs les membres du Gouvernement, telles sont les préoccupations de la commission des finances, qui, en ces temps difficiles pour les finances publiques, doivent être prises au sérieux pour l’intérêt général. C’est le sens du coup de semonce que nous avons voulu donner ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Mesdames, messieurs les sénateurs, il est naturel que vous vous posiez ces questions, et tant Christine Lagarde qu’Eric Woerth et moi-même ne saurions fuir ce débat.
Comme l’a souligné M. le rapporteur général, il est en effet essentiel de savoir si le taux réduit de la TVA a eu des résultats et si le contrat d’avenir a bien été respecté. D’ailleurs, les amendements défendus par M. Jean-Jacques Jégou tendent à tirer aujourd'hui les conséquences d’une non-application de ce contrat d’avenir.
Monsieur Jégou, vous avez en quelque sorte anticipé ma réponse en disant qu’il fallait du temps. Mais ce qui est en cause, c’est le temps du calendrier envisagé dans le contrat d’avenir lui-même. Car celui-ci prévoit des résultats à court terme, en matière de prix et de négociation sociale, des résultats à moyen terme, en matière de création d’emplois et de postes d’apprentis ou de contrats de professionnalisation, et des résultats à un peu plus long terme, en matière de modernisation du secteur.
Même si vous voulez tirer un coup de semonce, parler aujourd'hui d’échec et vouloir revenir au taux de TVA de 19,6 % ne me semble pas de nature à répondre aux termes du contrat que Christine Lagarde et moi-même avons passé avec les restaurateurs. Il faut en respecter les termes, y compris ceux qui concernent le calendrier !
Qu’en est-il aujourd'hui des effets du contrat d’avenir en matière de prix ?
Dans ce contrat, il est stipulé que les restaurateurs doivent répercuter intégralement la baisse du taux de TVA sur sept produits. Très concrètement, cela signifie, d’après nos calculs, que cet engagement pèse sur quasiment un tiers du chiffre d’affaires global de la restauration : si l’on divise par 3 les 12 % correspondant grosso modo aux 12 points de différence entre le taux de 19,6 % et celui de 5,5 %, on obtient 4 %, pourcentage duquel il faut retirer ce qui revient aux boissons alcoolisées – car, même si le vin est tiré, monsieur le rapporteur, il est toujours taxé à 19,6 % ! (Sourires.) – ainsi qu’à la vente à emporter, ce qui donne un résultat final de 2,9 % à 3 %.
Autrement dit, si tous les restaurateurs de ce pays avaient respecté ce premier engagement, l’indice des prix de la restauration et des cafés aurait dû enregistrer, sur cette période, une baisse d’environ 3 %. Or, aujourd'hui, nous en sommes à 1,46 % de baisse : cela signifie que les professionnels ont fait à peu près la moitié du chemin !
Dès que nous avons eu connaissance des chiffres de l’INSEE, voilà quelques semaines maintenant, Christine Lagarde et moi-même avons convoqué les organisations professionnelles pour leur dire que ce n’était pas suffisant et qu’il fallait faire plus.
Mais la question des prix, même si elle est évidemment très importante pour le consommateur – et l’on a un peu trop tendance à se focaliser sur ce point-là –, ne doit pas occulter un autre aspect non moins important, celui de la négociation sociale, tant il est vrai que cette branche n’a pas toujours été exemplaire, on le sait, sur le plan des salaires ou sur le plan social en général.
Mme Nicole Bricq. Ah non !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En effet, dans ce secteur, les négociations sociales ont généralement du mal à démarrer et, quand elles ont démarré, à aboutir.
Où en est-on aujourd'hui à cet égard ?
J’attire votre attention sur le fait que des discussions très serrées doivent être closes la semaine prochaine. À l’heure où nous parlons, deux syndicats sur cinq sont d’accord sur les propositions patronales. Certes, ce n’est pas suffisant pour signer un accord, mais les discussions se poursuivent sur de nouvelles propositions, qui, nous l’espérons, seront de nature à satisfaire les organisations de salariés.
Sur la base de ces propositions patronales non encore avalisées par les organisations syndicales, il est déjà acquis que le résultat sera historique. En effet, pour la première fois dans ce secteur, le taux de salaire minimum de branche sera supérieur au SMIC. Une mutuelle de prévoyance sera créée. Voilà déjà de fortes avancées. Sans qu’on puisse en préjuger l’issue, les discussions qui se poursuivent se déroulent dans de bonnes conditions.
Je reviens sur les prix pour répondre à la question des contrôles qu’a soulevée M. le rapporteur général.
Christine Lagarde et moi-même avons demandé à la DGCCRF de se livrer à des contrôles réguliers depuis l’application de la mesure et c’est ainsi que 14 000 contrôles ont été effectués, notamment au cours de l’été. Cela constitue, vous en conviendrez, un échantillon assez représentatif puisqu’il correspond à 10 % de l’effectif des établissements de ce secteur.
Les résultats de ces contrôles corroborent peu ou prou les chiffres de l’INSEE. En effet, entre 40 % et 45 % des restaurants contrôlés ont joué le jeu de la répercussion sur les prix. Un tiers de ces 40 % l’ont fait pleinement, c'est-à-dire en apposant l’étiquette. Les deux autres tiers ont simplement appliqué la baisse sur la carte, mais sans apposer l’étiquette, peut-être pour ne pas attirer l’attention des contrôleurs.
J’en viens maintenant au volet des créations d’emplois et de postes d’apprentis.
Dans ce domaine, on ne peut pas préjuger le résultat. En effet, les 20 000 créations d’emplois supplémentaires ont été formellement calées sur deux ans et les créations de postes d’apprentis ou la signature de contrats de professionnalisation, sur vingt-six mois, pour tenir compte du calendrier scolaire.
Nous avons par ailleurs créé un fonds temporaire de modernisation de la restauration, financé par un prélèvement sur le chiffre d’affaires de la profession, et qui disparaîtra au bout de trois ans.
Quelles seraient, maintenant, les conséquences d’un retour à un taux de TVA de 19,6 % ?
Ce serait, sans contestation possible, une très mauvaise nouvelle pour les consommateurs.
Mme Nicole Bricq. Jusqu’à présent, ils n’ont rien vu !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. À la suite de la baisse du taux de 19,6 % à 5,5 %, nous n’avons enregistré qu’une demi-baisse des prix, je vous le concède, mais celle-ci serait au minimum annulée ! Je ne crois pas que, dans la période que nous traversons, il soit judicieux d’augmenter les prix dans la restauration par l’effet mécanique d’un retour au taux de TVA de 19,6 %.
De plus, et là encore sans conteste, la nouvelle serait catastrophique pour la négociation sociale, car ce serait la fin des discussions !
Mme Nicole Bricq. Au contraire !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, comment voulez-vous qu’une branche qui a enregistré l’un des taux de défaillance d’entreprise les plus importants de l’économie française puisse supporter un retour au taux de 19,6 %, alors que ce qui résultera des discussions et des négociations sociales aura nécessairement un coût non négligeable pour les employeurs ? Avec quoi financeront-ils le fruit de la négociation si on leur retire la marge qu’ils pourront y affecter ?
Par ailleurs, je vous rappelle que des accords sociaux ont déjà été conclus grâce à l’annonce de la baisse ; je pense à l’accord social très avantageux qui a été signé le 24 juillet dernier dans le secteur des cafétérias.
Je suis entièrement d’accord avec vous, il faut une vision concrète des effets du contrat d’avenir. C’est pourquoi, avec Christine Lagarde, nous avons installé un comité de suivi. Par souci de transparence, monsieur le rapporteur général, nous avons souhaité qu’il comprenne des parlementaires de la majorité comme de l’opposition. Deux sénateurs y siègent : Mme Bariza Khiari, pour l’opposition, et M. Michel Houel, pour la majorité. Ce comité se réunira le 15 décembre. Ce sera l’occasion de mesurer les effets des contreparties à court terme que nous avons inclus dans ce contrat d’avenir.
À cette heure, nous ne disposons évidemment d’aucun élément chiffré sur les créations d’emplois ou d’apprentis. Mais nous ne restons pas pour autant inertes ! Nous avons chargé M. Régis Marcon d’une mission sur l’apprentissage et il s’y est engagé avec beaucoup de détermination.
M. Adrien Gouteyron. C’est vrai !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Nous sommes extrêmement attachés à ces créations de postes d’apprentis. Mais encore faut-il, pour réussir, créer les conditions propices.
Voilà quelques semaines, avec Laurent Wauquiez, nous avons réuni les responsables de l’ensemble des centres de formation d’apprentis de la restauration. Nous irons jusqu’au bout de cette démarche. Je puis d’ores et déjà vous indiquer que le nombre d’inscriptions en CFA à la rentrée 2009 a progressé de 6,5 % par rapport à la rentrée 2008. C’est là un premier élément extrêmement encourageant.
Monsieur Jégou, nous pouvons être d’accord sur le fait que, en matière de baisse des prix, les restaurateurs doivent faire un effort. Mais nous ne pouvons pas rejeter globalement un contrat d’avenir qui n’a encore que quelques mois d’existence et qui a été passé pour une durée allant jusqu’à trois ans ; c’est inconcevable ! Nous tirerons bientôt les conséquences des mesures à court terme. À cet égard, les négociations salariales et sociales actuellement en cours sont fondamentales.
Nous aurons périodiquement l’occasion de faire le bilan. Nous ne refuserons pas la réalité des chiffres. En revanche, il faut donner sa chance à ce contrat d’avenir.
Je souhaite que, sous le bénéfice de ces explications, vous acceptiez de retirer vos amendements. Dans le cas contraire, je demanderai à la majorité de les rejeter.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Prolongeant les explications de notre collègue Jégou, le rapporteur général a dit l’essentiel.
Décidément, le Sénat se prononce lorsque le vin est tiré ! J’ai souvenir qu’au début du mois de juillet, lorsque le Sénat a délibéré, la mesure était déjà en application.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’était pas la meilleure des manières, monsieur secrétaire d'État !
Souvenez-vous : ce soir-là, j’avais tenté de convaincre le Sénat de l’inopportunité de cette mesure, compte tenu de son coût, que l’on chiffre aujourd'hui à 3 milliards d'euros.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je crois me rappeler que cette revendication, très ancienne, avait fait l’objet d’accommodements voilà quelques années et qu’à titre tout à fait dérogatoire, dans l’attente de ramener le taux de TVA de 19,6 % à 5,5 %, des mesures d’exonération sociale avaient été décidées en faveur des restaurateurs. Ces mesures ont-elles cessé de s’appliquer ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par conséquent, le coût net, aujourd'hui, est de 3 milliards d'euros.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. 0,6 milliard d’euros pour les mesures sociales ?
M. Michel Charasse. C’est une cuisine à laquelle on ne comprend plus rien ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est extraordinaire ! On nous parle de 3 milliards d'euros, mais les 600 000 millions d'euros d’avantages consentis auparavant, à titre tout à fait dérogatoire,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... ayant été effacés du fait de l’abaissement du taux de TVA, il ne reste plus que 2,4 milliards d'euros !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Objectivement, cela fait 3 milliards d'euros. Il y avait un acompte de 600 000 millions d'euros à valoir sur les 3 milliards d'euros lorsque le Parlement… j’allais dire « déciderait » de la baisse de la TVA, mais cela n’a pas été le cas puisque la mesure a été mise en place avant même qu’il n’ait pris une décision !
Vous l’aurez compris, nous hésitons quelque peu à vous suivre, monsieur le secrétaire d'État : 4 milliards d'euros avec la suppression de la taxe professionnelle, pour l’industrie, pour récréer des emplois dans l’ensemble des territoires, et 3 milliards d'euros pour la restauration, cela fait quand même beaucoup ! C’est pourquoi la commission des finances a suivi M. Jean-Jacques Jégou lorsqu’il a présenté ses amendements.
C’est un coup de semonce. Il est certainement assez compliqué d’enclencher la marche arrière sur un tel dispositif. Mais cela ne vous rendrait-il pas service, monsieur le secrétaire d'État ?
M. Gérard Longuet. Sûrement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En effet, à la veille des négociations, cela vous permet de redire à vos interlocuteurs que le Parlement est vigilant et que c’est bien en son sein que bat le cœur de la démocratie, comme le dit le Premier ministre !
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le Parlement est dans son rôle !
Peut-être faudra-t-il un jour s’interroger, car cet écart de taux entre 19,6 % et 5,5 % est intenable.
Il y a l’économie de proximité, celle qui ne peut se délocaliser que dans l’économie parallèle ou l’économie informelle, en s’extrayant des obligations fiscales et sociales. Celle-là justifierait peut-être que l’on instituât un taux de TVA autour de 10 % ou 12 %, et non 5,5 %.
M. Albéric de Montgolfier. De grâce, pas un nouveau taux !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et puis il y a les activités soumises à la concurrence internationale et effectivement susceptibles de se délocaliser. Elles se voient appliquer un taux relativement élevé, de 19,6 %, mais, si je me laissais aller, je vous suggérerais des taux encore plus élevés pour compenser les exonérations de cotisations sociales auxquelles nous nous attendons.
Selon nous, dans cette phase de négociation, le fait de pouvoir dire à vos interlocuteurs que le Parlement n’est pas satisfait, car le compte n’y est pas, et que nous escomptons un engagement beaucoup plus clair, est un argument très utile !
M. le ministre en charge du budget et des comptes publics ne s’arrache-t-il pas les cheveux pour équilibrer le budget de l’État ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous allons nous prononcer sur un déficit prévisionnel de 116 milliards d'euros. Lorsqu’on consent un tel sacrifice, il faut au moins que ceux qui sont parties prenantes dans un engagement honorent celui-ci.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Or, manifestement, ce n’est pas le cas et, je vous le dis, vous aurez les pires difficultés à évaluer le nombre d’emplois créés.
D’abord, vous nous expliquez qu’un certain nombre d’entreprises ont disparu. Il va donc falloir une régénération du tissu de la restauration.
Dans le cadre de nos prérogatives, nous avons voulu manifester, d’une manière assez solennelle, une vigilance particulière. C’est presque dommage que vous nous demandiez de voter maintenant parce que vous auriez pu maintenir la pression quelques heures encore, monsieur le secrétaire d'État, pour engager d’une manière efficace les négociations…
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, nous sommes reconnaissants au Sénat, bien sûr, pour la pression qu’il met sur les épaules du Gouvernement, mais je peux vous assurer que celui-ci parvient à se la mettre tout seul ! (Sourires.)
Avant que Christine Lagarde ne prenne également la parole, je voudrais évoquer la fraude, à laquelle vous avez discrètement fait allusion.
Le secteur d’activité dont il est ici question est évidemment un de ceux dans lesquels il y a un peu trop de travail illégal. Voilà peu, des travailleurs sans papiers ont été arrêtés dans un certain nombre de restaurants.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Voilà !
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement, vous le savez, mène une lutte résolue contre la fraude. Plus il y a de droits, plus il y a de contrôles, et c’est bien naturel, pour vérifier que les droits ne sont pas détournés.
Sur le travail illégal, le Sénat a voté l’année dernière une mesure qui a trouvé son application dans plusieurs secteurs, dont celui de la restauration : il s’agit du redressement forfaitaire de six mois de charges sociales, sur la base du SMIC, pour les employeurs qui auraient fait travailler une personne illégalement et qui ne pourraient pas prouver que la personne en question est employée depuis moins longtemps. Autrement dit, il y a, en l’espèce, renversement de la charge de la preuve.
Dans le même temps, le ministre du travail et le ministre de l’immigration ont indiqué clairement que le Gouvernement entendait aller plus loin dans le domaine de la lutte contre le travail illégal, notamment celui qui est le fait de personnes en séjour irrégulier sur le territoire.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est très important !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je me souviens que, à l’occasion de la présentation de son rapport spécial sur la mission « Travail », Serge Dassault a observé qu’il subsistait, pour ce secteur, un avantage dérogatoire : il s’agit de l’exonération des cotisations sociales sur les repas servis par les restaurateurs à leurs collaborateurs. Coût de la mesure : 150 millions d’euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Supprimons-la maintenant !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne voudrais pas exercer de pression avant l’heure,…
M. Michel Charasse. Les restaurateurs s’en chargent !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … mais le Gouvernement pourrait nous indiquer d’ores et déjà l’avis qu’il exprimera lorsque l’amendement qui a été déposé sur ce point viendra en discussion.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. C’est effectivement une manière de mettre la « pression », même si celle-ci doit rester taxée à 19,6 %. (Sourires.)
Les repas traditionnellement servis aux employés de restaurant constituent un avantage en nature qui est exonéré de charges sociales à la suite d’une négociation avec la profession. Ce point a été examiné dans le cadre du PLFSS, mais l’Assemblée Nationale n’a finalement pas souhaité revenir sur cet avantage.
Il s’agit d’une niche sociale parmi beaucoup d’autres.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. À supprimer aussi !
M. Éric Woerth, ministre. Bien sûr, mais il n’est pas forcément recommandé d’adresser en même temps des messages dans tous les sens, voire dans des directions opposées. D’ailleurs, vous ne le faites pas dans vos collectivités ! Il y a tout de même un minimum de cohérence à observer. Ce serait très mauvais de dire aux restaurateurs qu’on va leur appliquer le taux réduit de TVA pour ajouter aussitôt que les carottes râpées qu’ils offrent le midi à leurs collaborateurs se verront appliquer les charges sociales puisqu’il s’agit d’une rémunération en nature !
La question se pose sans doute et vous avez raison de la soulever. Cela étant, on ne peut pas mettre autant d’argent sur la table, 2,5 milliards d’euros – excusez du peu ! –, parce que l’on considère qu’il s’agit d’un secteur d’avenir et créateur d’emplois, et envoyer dans le même temps un signal totalement contradictoire à cette profession.
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Nous sommes nombreux à ressentir, monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, un véritable malaise par rapport à cette affaire. Parce que nous avons, les uns et les autres, le sentiment qu’il y a eu tromperie.
La TVA sur la restauration, c’est un vieux débat ! Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, peut-être même avant d’avoir été parlementaire, lorsque j’étais encore secrétaire d’un groupe politique à l’Assemblée nationale, il me semble avoir déjà entendu M. Daguin dire (L’orateur prend l’accent du Sud-ouest.) : « Mais faites-le nous ! Dès demain, demain, vous aurez 40 000 emplois, des investissements, des additions en baisse ! Faites-le, on est prêts ! » (Sourires.) Je me revois, ministre, dans un studio de radio ou sur un plateau de télévision, confronté à M. Daguin qui reprenait son refrain : « Demain, demain, des emplois, des investissements… Dès demain, c’est fait ! On est prêts ! »
Il manquait juste une précision dans les affirmations de M. Daguin : Demain, c’est quand ? Eh bien, demain, c’est demain… Mais c’est toujours demain !
Cela me rappelle un jour où le Président Mitterrand s’apprêtait à partir pour la Nouvelle-Calédonie, qui connaissait des troubles. Interviewé un soir à la télévision, on lui demande : « Allez-vous vous rendre en Nouvelle-Calédonie ?
« – Oui, je vais y aller, répond le Président.
« – Quand ?
« – Demain !
« – Mais demain, quand ?
« – Eh bien, demain : demain matin ! »
Et il est parti, dès le lendemain matin, pour Nouméa !
Mais, avec M. Daguin, demain, c’est toujours demain, le demain de demain... (Sourires.)
Mes chers collègues, un accord a été conclu avec la profession, M. Novelli l’a rappelé. Et pas n’importe quel accord : parmi ses éléments, il y avait le sacrifice consenti par la nation, à un moment où elle souffre à tous égards de la crise. C’est à ce moment-là que la nation a fait un geste considérable à l’égard d’une catégorie particulière de citoyens, les professionnels de la restauration.
Compte tenu des circonstances, compte tenu du climat, compte tenu des pressions auxquelles cette affaire a donné lieu pendant des années et des années, inversant la parole de Clemenceau – ici, la circonstance est évidemment moins grave –, je dis que « nous avons des droits sur eux ! » Il est normal – et la commission des finances a fait son métier, sur la proposition de notre collègue Jégou – que, dans des circonstances pareilles et avec une somme pareille, on demande des comptes !
Et les pressions auxquelles certains d’entre nous ont été soumis toute cette après-midi, dans les couloirs du Sénat, par fax, au téléphone, sur internet, que sais-je encore, sont absolument insupportables ! Comme si l’on considérait dans les arrière-cuisines que le fait de demander des comptes à des citoyens passés à la caisse est un crime de lèse-majesté ! Je n’accepte pas les pressions, d’où qu’elles viennent, pas plus de cette profession que d’une autre, ou d’autres catégories sociales. Le mandat impératif n’existe pas et je ne vote pas sous la terreur des taverniers et des aubergistes !
C’est aussi une question d’honneur, pour le Parlement, face aux citoyens et aux contribuables, à qui nous avons imposé un sacrifice : 3 milliards d’euros, ce n’est pas rien ! Et permettez-moi de vous le dire, madame la ministre, messieurs les ministres, c’est aussi une question d’honneur face à l’Europe, que nous avons « enquiquinée » – je suis poli – pendant des années et des années avec cette affaire de TVA qui n’intéressait que la France, au point de rentrer dans des petites négociations, de s’abaisser ou de consentir divers compromis, et j’en passe, pour aboutir à ça !
Je comprends parfaitement le Gouvernement : j’ai écouté avec beaucoup d’attention ce qu’a dit M. Novelli : « C’est laborieux à se mettre en place, ça force un peu, les négociations sont lentes, on va négocier demain et se mettre d’accord avant la mi-décembre. » Je n’y crois pas parce que j’ai connu vos interlocuteurs avant vous et je dis donc, tout simplement : adoptons ce soir l’amendement Jégou.
Mme Michèle André. Voilà !
M. Michel Charasse. D’ici à la commission mixte paritaire, nous verrons !
Ce que je souhaite, c’est aider le Gouvernement dans cette affaire où l’honneur de la vie publique est en cause ! Et si le Sénat vote ce soir cette disposition, avec la clause de revoyure à la commission mixte paritaire dans quinze jours, cela ne peut que vous aider, monsieur le secrétaire d’État. Vous pourrez dire aux restaurateurs : « Attention, j’ai le Sénat sur le dos – pour ne pas employer une autre expression – et je vous conseille de vous dépêcher si vous ne voulez pas que cela tourne mal, car le Gouvernement ne pourra pas résister… »
Je n’ai pas le sentiment, dans ma vie, d’avoir été, un mari trompé… Cela étant, on n’est jamais sûr de rien ! (Sourires.) Mais là, dans cette affaire, on peut vraiment avoir le sentiment d’être fait c… – cornuto, comme on dit dans la comédie italienne – par des restaurateurs au demeurant souvent sympathiques, mais tellement roublards. (L’orateur reprend l’accent du Sud-ouest.) : « Mais enfin, demain ! » Non, ça ne va pas, ne nous laissons pas avoir une seconde fois !
Par conséquent, je souhaite que nous prenions une position courageuse, d’abord pour aider le Gouvernement à tenir la dragée haute à la profession, et aussi, permettez-moi de le dire, pour aider à faire respecter un engagement du Président de la République. Parce que, quand le Président de la République a dit : « J’accorderai aux restaurateurs, etc. », il ne pensait évidemment pas lui-même que les choses tourneraient comme ça. Ainsi, non seulement c’est une question d’honneur pour le Parlement qui a voté la mesure, mais c’est aussi une question d’honneur pour le chef de l’État, car ce sujet suscite aujourd’hui, dans l’opinion publique, un certain nombre de questions dont il se passerait sûrement volontiers dans les circonstances actuelles.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Permettez-moi tout d’abord, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, de vous dire que j’applaudis des deux mains l’expression de « coup de semonce » que vous avez employée et qui me paraît tout à fait appropriée. Un tir de semonce, c’est en effet un avertissement sans frais : on n’a pas l’intention d’atteindre la cible. En l’occurrence, nous ne voulons pas détruire le mécanisme qui a été mis en place à travers le contrat d’avenir signé avec la profession. Il s’agit cependant d’une mise en garde très formelle, très légitime et très opportune, monsieur Jégou, consistant à dire : « Attention, nous ne serons pas dupes ! »
En tirant un coup de semonce, vous ne coulez pas le système, mais vous montrez simplement que vous êtes extrêmement vigilants parce qu’il ne vous a pas échappé que le contrat d’avenir n’avait, jusqu’à présent, été respecté que par un tiers des professionnels de la restauration.
Alors, un coup de semonce, oui, mais n’allez pas jusqu’à la cible, pour l’instant. Je dis bien : pour l’instant.
J’espère que ce débat, qui vient particulièrement à propos, est bien entendu par les journalistes de qualité qui suivent nos débats et qu’ils s’en feront l’écho. De toute façon, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que, compte tenu de vos excellentes prestations sur les antennes de radio ou de télévision ou dans la presse, l’ensemble des professionnels concernés sont très attentifs à nos débats.
Plusieurs d’entre vous l’ont dit, un contrat, ça s’exécute et il faut rendre des comptes. Je voudrais donc attirer votre attention sur le calendrier. Hervé Novelli a une clause de rendez-vous : le 15 décembre, il tirera avec le représentant de la profession le bilan de cinq mois et demi d’application de l’accord.
Monsieur Charasse, vous ne voulez pas vous retrouver, vis-à-vis des restaurateurs, dans la situation d’un « c… », avez-vous dit pudiquement. Mais connaissez-vous beaucoup de contrats dont on vérifie l’exécution totale au bout de cinq mois et demi ? C’est pourquoi je vous engage à attendre au moins le 15 décembre pour juger de l’exécution d’une première partie du contrat, avant de tirer les conclusions, de tirer l’échelle et de laisser les cocontractants le bec dans l’eau.
J’en viens à l’aspect international de ce dossier, et vous l’avez vous-même évoqué, monsieur le président de la commission. Nous avons négocié, nous avons ferraillé pour soutenir nos arguments vis-à-vis de nos partenaires européens. Pourquoi ? D’abord pour tenir une parole. Mais également pour rétablir un équilibre. Il faut savoir qu’aujourd'hui plus de la moitié des pays membres de l’Union européenne appliquent la TVA à taux réduit sur la restauration, et pas seulement la restauration à emporter. Un de nos arguments consistait à dire qu’il n’y avait pas de raison que la moitié de l’Europe puisse manger à 5,5% quand un certain nombre d’autres pays étaient contraints d’appliquer un taux de 19,6%.
Le Conseil européen et la Commission nous ont donc finalement entendus aussi pour des raisons d’équité entre les États membres. L’un d’entre vous a mentionné l’Allemagne. L’Allemagne était effectivement l’un des pays qui s’étaient le plus opposés à l’obtention par la France d’une TVA à taux réduit pour la restauration. Mais qu’a fait l’Allemagne il y a trois semaines, juste après l’élection de la nouvelle coalition ? Elle a décidé d’appliquer son propre taux réduit de TVA à la restauration !
J’attire votre attention sur la position de la France sur la scène européenne. Après avoir demandé très solennellement l’application du taux réduit de TVA sur la restauration, comment changer de posture et revenir soudainement en arrière, alors même que nos voisins allemands viennent de nous suivre dans cette voie ?
Je vous demande de ne pas voter ces amendements, même si j’accueille ce débat avec beaucoup de satisfaction, car c’est précisément le langage que j’ai tenu aux professionnels. Je leur ai dit : « Méfiez-vous, si vous ne tenez pas votre parole, le Parlement saura vous la rappeler ! » C’est ce que vous faites à travers cette discussion, dont la presse s’est fort opportunément fait l’écho. Cela devrait beaucoup aider Hervé Novelli lors de ses rencontres avec la profession et cela soutiendra aussi l’élan des négociations sociales en cours. Mais ne tirez pas l’échelle maintenant : ce serait manifestement trop tôt dans le cadre de l’exécution d’un contrat conclu il y a moins de six mois. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Monsieur Jégou, maintenez-vous vos amendements ?
M. Jean-Jacques Jégou. Après bientôt vingt-quatre ans de présence au Parlement, je n’ai plus guère d’illusions sur son existence, la Ve République l’ayant largement émasculé.
Je n’aurais pas eu la cruauté de le rappeler si le président de la commission des finances ne l’avait lui-même fait : cette mesure a été appliquée avant même d’être votée par notre Haute Assemblée. Et cela pratiquement au moment même où nous nous réunissions à Versailles pour voter une réforme du Parlement censée magnifier son pouvoir, un pouvoir qui, chacun le sait, est chimérique.
Le Gouvernement argue que mes amendements gêneraient des négociations qu’il est en train par ailleurs de réussir. Beaucoup de nos collègues, et pas des moindres – le président de la commission des finances, le rapporteur général, Michel Charasse –, pensent au contraire que porter ces amendements jusqu’à ce que le Gouvernement décide une seconde délibération – il en a le pouvoir ! – lui rendrait service. Je note d’ailleurs qu’il a tout pouvoir, même celui de réclamer tout à coup l’examen par priorité d’amendements qui ne méritaient pas un tel honneur. Cela nous donne l’occasion de discuter nuitamment, entre quelques collègues, d’une disposition qui concerne près de 3 milliards d’euros du budget de notre pays.
Pourquoi le Gouvernement n’arrivera-t-il pas à obtenir des restaurateurs la baisse des prix annoncée dans le contrat d’avenir ? Parce que, au départ, tel n’était pas l’objectif de la baisse de la TVA !
M. Gérard Miquel. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Jégou. En fait, pour essayer de donner un habillage à peu près convenable à cette mesure dans un contexte dramatique, on a bricolé ce « contrat d’avenir ». Il a été expliqué aux restaurateurs qu’ils devaient améliorer leurs arrière-cuisines, mieux payer leurs salariés et baisser les prix des menus. Il aurait d’ailleurs fallu que la TVA soit à 30 % plutôt qu’à 19,6 %, car ils n’arriveront jamais à faire tout cela !
Quand M. Daguin multipliait ses demandes insistantes, que notre collègue Michel Charasse a su si bien évoquer, son objectif était seulement d’améliorer les marges des restaurateurs. Du reste, lorsque, moi aussi, j’ai été invité à déjeuner par les représentants de cette profession il y a quelques semaines (Sourires sur les travées de l’UMP), beaucoup d’entre eux l’ont reconnu ! Et j’ai été l’un des rares à leur dire que je ne les soutiendrais pas, car je n’avais pas été favorable à cette baisse et que je n’avais jamais cru qu’ils diminueraient leurs prix.
Je suppose que, quand le Gouvernement prend pareille mesure alors que le budget accuse un déficit aussi ample qu’il l’est aujourd'hui, c’est qu’il espère un retour sur les 3 milliards d’euros de recettes ainsi sacrifiées. Mais il ne faut pas y compter ! Nous allons donc continuer à voter au fil des années un déficit abyssal que nous ne contrôlons plus.
C’est toujours un plaisir, mais aussi une souffrance de débattre avec le ministre du budget. Durant la semaine que nous avons passée ensemble dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’avais déposé un amendement visant à relever de 0,15 point le taux de la CRDS afin d’essayer d’absorber une partie du déficit. Ainsi, 20 petits milliards d’euros seraient venus alléger les comptes de l’ACOSS pour 2010. Nous n’avons même pas pu obtenir satisfaction, car le Parlement n’arrive pas à se faire entendre.
Notre objectif n’est pas d’« embêter » le Gouvernement. Nous avons pour mission de contrôler son action et de faire en sorte que les finances de notre pays aillent mieux. Je prends donc date, monsieur le ministre. Dans moins d’un an, et vous le savez, vous porterez la CRDS à 1 %, car vous n’aurez pas d’autre solution pour récupérer les 65 milliards d’euros dont vous aurez besoin pour combler le trou de la sécurité sociale !
Aujourd’hui, il en va de même pour la restauration. Peu importe qu’il s’agisse de 2,5 ou de 3 milliards d’euros ! De toute façon, cette somme dépasse largement nos moyens et surtout les avantages que nous pouvons en retirer. C’est pourquoi je maintiens mes amendements.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste votera les amendements présentés par M. Jégou.
Nous avons évoqué très tôt le problème des contreparties : un contrat, fût-il d’avenir, doit être équilibré ; sinon, c’est un contrat léonin. Or le Gouvernement a tout de suite mis sur la table les 3 milliards d’euros et, quelques mois plus tard, que constate-t-on ? Aucune des contreparties que vous aviez prétendument exigées, sur l’emploi, la baisse des prix ou les négociations salariales, n’a connu un début de réalisation.
Nous avions aussi mis en avant le problème que cette mesure posait au regard des finances publiques. Avec des déficits colossaux – 141 milliards d’euros cette année et une prévision de 116 milliards d’euros pour l’année prochaine –, 3 milliards d’euros, ce n’est pas rien !
Dans le débat sur la taxe professionnelle, il a même fallu que les groupes de l’opposition apportent leur soutien à M. le rapporteur général pour que soit inscrite une modeste avancée en faveur des finances des collectivités locales : la cotisation minimale de 250 euros devrait leur rapporter 60 millions d’euros. Je le répète, là, il s’agit de 3 milliards d’euros !
Monsieur Woerth, naguère, vous avez fait voter à votre majorité une loi de programmation des finances publiques. La mesure dont nous discutons, qui est une dépense fiscale, contrevient à son article 11, qui impose que toute dépense fiscale soit limitée dans le temps. Si ma mémoire est bonne, elle ne doit pas s’appliquer pendant plus de quatre ans. Tel n’est pas le cas en l’espèce. En outre, toute dépense fiscale doit être compensée par une recette.
Mme Nicole Bricq. Non !
Les négociations salariales, auxquelles nous tenons beaucoup, se termineront le 30 novembre. Nous sommes le 23 novembre. Si nous votons ces amendements, ils feront leur chemin dans la navette parlementaire, qui se poursuivra bien au-delà du 30 novembre.
Le Gouvernement a annoncé qu’il ferait le bilan le 15 décembre. Nous verrons à ce moment-là s’il aura eu raison de s’opposer aux amendements de M. Jégou.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Nous sommes à la fois amusés et en colère.
Amusés, car, après avoir pratiqué la danse des sept voiles avec les professionnels de la restauration et de l’hôtellerie, la majorité sénatoriale, par la voix de M. Jégou, nous invite aujourd’hui à mettre en œuvre en urgence une forme de clause de revoyure.
D’ailleurs, puisque notre collègue protestait tout à l’heure contre l’heure avancée à laquelle nous étions amenés à examiner ses amendements, je voudrais lui rappeler au passage qu’il est aussi l’auteur de l’amendement relatif aux accidents du travail et que celui-ci a été examiné vers une heure du matin…
La baisse de la TVA dans la restauration, qui avait été annoncée à grands coups de trompe et mise en œuvre au 1er juillet, était un engagement de campagne de Nicolas Sarkozy. Elle n’aura pas franchement porté les fruits qui en étaient attendus… La campagne orchestrée par l’UMP pour tenter de séduire les professionnels – on se souvient de l’envoi en masse de courriers à des centaines de milliers de restaurateurs – semble donc ne pas avoir rencontré le succès escompté.
Je souhaite quand même rappeler que la baisse de la TVA dans la restauration n’est pas la seule mesure fiscale dont il faudrait mesurer les conséquences, monsieur Jégou. Vous pourriez aussi vous inquiéter du régime privilégié d’imposition des plus-values, du traitement fiscal et social des stock-options, de la taxation des donations et des successions aménagée par la loi TEPA, etc. Ce simple rappel m’épargne une démonstration !
Nous sommes en colère aussi parce que, si ces amendements étaient adoptés, il est évident que ni les salaires ni les conditions de travail des salariés du secteur ne s’amélioreraient. Le patronat de la restauration, tantôt conservateur, tantôt paternaliste, comme l’a fait entendre Michel Charasse, trouvera toujours une bonne raison de mettre un terme à toute évolution en ce domaine.
Je rappelle que, au moment où cette question était discutée ici, alors qu’elle était déjà mise en application, le groupe CRC-SPG avait déposé un amendement n° 24 visant à compléter l’article 10 bis A du projet de loi relatif au tourisme par un paragraphe ainsi rédigé : « Vingt-quatre mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement dépose sur le bureau de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les impacts de la réduction de la TVA sur la vente à consommer sur place. Ce rapport devra évaluer dans quelles mesures cette disposition a permis de baisser le tarif des consommations, si elle a favorisé la création d’emplois, l’augmentation des salaires ou l’amélioration des conditions de salaires et de formation dans le secteur de la restauration, afin de déterminer si le nouveau taux de TVA doit être pérennisé. »
C’est ce rapport que nous attendons. Lorsque nous l’aurons, nous nous déterminerons. Pour l’heure, nous ne voterons pas les amendements de M. Jégou, même si nous partageons l’idée du coup de semonce. Il y a en effet beaucoup à faire dans le domaine de la restauration en ce qui concerne tant les salaires et les conditions de travail des salariés que les attentes des consommateurs sur le prix des menus.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je fais partie des parlementaires qui ont voté la baisse de la TVA, Hervé Novelli s’en souvient, tout en regrettant que ce dispositif apparaisse au détour de la seconde lecture d’un projet de loi sur le tourisme et, comme l’a rappelé le président de la commission des finances, qu’il ait été mis en application avant même d’avoir été voté ; j’y avais vu, avec d’autres, une certaine désinvolture vis-à-vis de notre assemblée.
Je pensais, comme beaucoup d’entre nous – peut-être à force d’entendre les lobbies nous le répéter pendant des années –, que cette mesure entraînerait une baisse des prix pour le consommateur et des créations d’emplois dans le secteur. Aujourd’hui, force est de constater – tout le monde en est convenu, aussi bien le Gouvernement que le président de la commission des finances ou le rapporteur général – que, à cet instant, nos attentes ne sont pas comblées.
Pour autant, faut-il revenir aujourd’hui sur ce dispositif ? Personnellement, je crois que c’est un peu tôt. Dresser un bilan définitif d’une telle mesure après moins de six mois de mise en application me paraît un peu prématuré. Il serait donc plus sage d’en rester à un coup de semonce et de se donner rendez-vous par une clause de revoyure – c’est dans la pratique gouvernementale d’aujourd’hui –, peut-être pas à la Saint-Glinglin, comme le redoute Michel Charasse, ni dans trois ans, comme le prône Hervé Novelli, mais dans un an à la même époque. Nous serons sans doute alors davantage en mesure d’établir un bilan.
Au-delà de cette mesure, je souscris pleinement aux propos qu’a tenus le Président de la République vendredi en recevant les maires de France, à savoir qu’il fallait cesser de faire des réformes pour l’éternité sans jamais se soucier de leurs effets.
Cette réforme est l’exemple même de celle dont il faudra dresser le bilan et tirer toutes les conséquences. Mais au bout de cinq mois, je le répète, c’est trop tôt.
M. Albéric de Montgolfier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je ne saurais mieux m’exprimer sur cette question que ne l’a fait notre collègue Hervé Maurey, mais je voudrais répondre à Jean-Jacques Jégou, dont je ne mets pas en doute la bonne volonté.
C’est grâce à la qualité du dialogue que, depuis la réforme constitutionnelle, nous avons réussi à établir avec ce gouvernement que nous avons pu faire bouger certaines lignes.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !
M. Gérard Longuet. Si le Président de la République a annoncé un rendez-vous sur les déficits, c’est parce que, de débat en débat, les députés et les sénateurs ont soutenu l’action courageuse du Gouvernement dans un contexte de crise internationale, tout en rappelant que l’État n’avait pas la faculté de s’endetter indéfiniment, que nous appartenions à un système qui s’appelle l’euro et que l’ensemble des acteurs publics français, l’État mais aussi les collectivités locales et les partenaires sociaux, devaient se poser la question de la sortie de la dette dès que l’environnement économique le permettrait.
Donc, cher Jean-Jacques Jégou, ne soyez pas pessimiste : nous avons tous la volonté, en particulier à l’UMP, d’assumer totalement notre mandat parlementaire.
Bien que membre de la commission des finances, je n’ai pas participé à la réunion au cours de laquelle elle a adopté à l’unanimité vos amendements. Je la remercie d’avoir su jouer – c’est un atout pour le Parlement – de l’hypermédiatisation de notre société, de l’instantanéité des informations et de l’émotion que suscite le moindre écart. Ce vote a eu l’immense mérite, en quelques heures, de rappeler que l’effort de la collectivité nationale méritait le respect, que l’on ne pouvait pas, affirmer pendant des années, avec l’accent rocailleux du Gers, qu’a su si bien restituer – et de manière très savoureuse – notre collègue Michel Charasse, que l’on est prêt à faire quelque chose et l’oublier dès que l’on est parvenu à ses fins. Les membres de la commission des finances ont donc saisi l’arme naturelle de l’homme politique moderne qu’est la communication.
Comme Hervé Novelli l’a montré, la situation est sous contrôle. Personne n’est dupe de personne : le Gouvernement et ses équipes savent parfaitement ce que l’opinion attend de cet effort collectif et il mène avec les restaurateurs un dialogue nourri, charpenté, voire musclé, qui met chacun en face de ses responsabilités.
Cette vieille affaire n’est pas simplement le fruit de la demande de quelques restaurateurs, elle repose sur une réalité forte. Depuis vingt ans, en effet, nous cherchons une croissance plus riche en emplois. Par cette TVA à 5,5 % pour la restauration prise à la place, il s’agissait avant tout d’encourager l’emploi.
M. Jean-Jacques Jégou. Cela fait cher l’emploi !
M. Gérard Longuet. Nous avons tous, dans nos programmes politiques, cherché à utiliser la fiscalité pour enrichir la croissance en emplois. Or la restauration prise à la place requiert, à l’évidence, plus d’emplois que la vente à emporter.
Nous mettons en œuvre ce programme, dans un contexte budgétaire extraordinairement difficile, je le reconnais. Il n’en demeure pas moins que cette réforme touchant la restauration accompagne une évolution de société puisque, de plus en plus, les repas se prennent à l’extérieur. Il convient d’apporter une réponse à nos compatriotes qui changent leurs habitudes.
Je vous fais confiance, monsieur le secrétaire d'État, pour faire pression sur les restaurateurs en vous appuyant sur le coup de semonce de la commission des finances. Retenu au restaurant (Sourires), je n’y ai pas participé, mais j’aurais voté ces amendements, certain qu’en alertant l’opinion nous pourrions vous aider à débloquer une situation qu’avec courage vous vous efforcez de dénouer dans l’intérêt des consommateurs.
Il y va, à terme, de l’intérêt des restaurateurs, qui feront, par leur engagement, la démonstration de leur civisme, ce qui ne manquera pas de susciter en retour la reconnaissance des contribuables.
C’est la raison pour laquelle le groupe UMP ne votera pas ces amendements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-181.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant, l’une du groupe UMP, l’autre du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 92 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 126 |
Contre | 203 |
Le Sénat n'a pas adopté.
J’ai été saisi de demandes de scrutin public sur chacun de vos amendements, monsieur Jégou. Je suggère que nous considérions que le vote est identique.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
M. Jean-Jacques Jégou. Est-ce bien correct ?
M. Michel Charasse. À l’heure qu’il est, nous devrions être couchés !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons eu un débat tout à fait intéressant. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Pour quel résultat !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons mis à la disposition du Gouvernement un levier de négociation. Je n’aurais pas vu d’inconvénient à ce qu’on fasse durer le suspense un peu plus, mais enfin le Sénat s’est prononcé. Est-il bien nécessaire, cher Jean-Jacques Jégou, de procéder à un scrutin public sur chaque amendement ?
M. Jean-Jacques Jégou. Je n’ai pas demandé de scrutin public !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’essentiel a été dit. Il est une heure vingt-cinq ; il nous reste 165 amendements à examiner d’ici à mercredi soir et nous avons maintenant atteint la limite au-delà de laquelle il ne nous sera plus possible d’en débattre sereinement.
M. Michel Charasse. On peut voter à main levée !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous pourrions effectivement voter à main levée, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Longuet, retirez-vous vos demandes de scrutin public ?
M. Gérard Longuet. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-183.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis
Après l’article 266 quinquies B du code des douanes, il est inséré un article 266 quinquies D ainsi rédigé :
« Art. 266 quinquies D. – Sont exemptées de la taxe carbone prévue par l’article 266 quinquies C les personnes ayant des difficultés pour utiliser les transports publics, dont les personnes en fauteuil roulant, les personnes handicapées des membres et les personnes de petite taille, ayant l’utilité d’un véhicule personnel adapté. »
M. le président. L'amendement n° I-142, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L'article 5 bis ne nous paraît pas opérationnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 5 bis est supprimé et l'amendement n° I-429 rectifié n’a plus d’objet.
Cet amendement, présenté par MM. Charasse et Mézard, était ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Au début de cet alinéa, insérer les mots :
Outre les collectivités territoriales et leurs groupements, pour ceux de leurs moyens affectés à des services publics locaux,
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les véhicules de fonction et les logements de fonction des collectivités territoriales et de leurs groupements sont soumis à la contribution carbone sur les produits énergétiques dans les conditions de droit commun. »
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Article additionnel après l'article 5 bis
M. le président. L'amendement n° I-244 rectifié, présenté par M. Béteille, est ainsi libellé :
Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les plans climat-énergie territoriaux tels que définis à l'article 7 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement sont financés à partir du 1er janvier 2010 par un prélèvement de 10 % des recettes de la contribution carbone telle que définie à l'article 5.
Un décret interministériel définit les conditions dans lesquelles ce prélèvement est réparti sous la forme d'une contribution locale carbone entre les collectivités concernées par lesdits plans.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 6
I. – Après l’article 200 quaterdecies du code général des impôts, il est inséré un article 200 quindecies ainsi rédigé :
« Art. 200 quindecies. – 1. Les contribuables personnes physiques, fiscalement domiciliés en France au sens de l’article 4 B, bénéficient d’un crédit d’impôt forfaitaire de 46 €.
« Ce montant est porté à 61 € lorsque le contribuable est domicilié, au 31 décembre de l’année d’imposition, dans une commune qui n’est pas intégrée à un périmètre de transports urbains défini à l’article 27 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ou qui n’est pas comprise dans le ressort territorial du Syndicat des transports d’Île-de-France mentionné au I de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France.
« 2. Le crédit d’impôt mentionné au 1 est doublé pour les couples soumis à imposition commune.
« Il est majoré de 10 € par personne à charge au sens des articles 196 à 196 B. Toutefois, la majoration de 10 € est divisée par deux pour les enfants réputés à charge égale de l’un et l’autre de leurs parents.
« 3. La qualité de contribuable est appréciée au 31 décembre de l’année d’imposition.
« 4. Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur le revenu après imputation des réductions d’impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, 200 octies et 200 decies A, après imputation des crédits d’impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué. »
II. – En 2010, le crédit d’impôt mentionné à l’article 200 quindecies du même code est versé par anticipation dans les conditions suivantes :
1° Pour les contribuables compris dans les rôles de l’année 2008, il est versé selon des modalités fixées par décret.
Ce versement prend la forme d’une diminution du premier acompte pour les contribuables soumis aux acomptes trimestriels mentionnés à l’article 1664 du même code ;
2° Pour les contribuables qui n’ont pas été compris dans les rôles de l’année 2008, le crédit d’impôt peut être versé par anticipation, sur demande du bénéficiaire formulée avant le 30 avril 2010 ;
3° Par dérogation au second alinéa du 1 de l’article 200 quindecies du même code, la condition liée au domicile du contribuable est appréciée au 1er janvier 2009.
La régularisation des versements anticipés intervient lors de la liquidation de l’impôt afférent aux revenus de l’année d’imposition, après imputation éventuelle des différents crédits d’impôt et de la prime pour l’emploi.
II bis (nouveau). – Pour les contribuables domiciliés dans les départements d’outre-mer, les montants mentionnés aux 1 et 2 de l’article 200 quindecies du même code sont divisés par deux pour l’imposition des revenus de l’année 2009 et le II du même article ne s’applique pas.
III. – Le I est applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2009.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.
M. Jacques Muller. Permettez-moi d’abord de relever que, alors que nous venons de consacrer deux heures à un débat sur les 3 milliards d’euros accordés au secteur de la restauration, seules quelques minutes ont suffi à la majorité pour octroyer un cadeau de 2 milliards d’euros par an aux entreprises qui émettent le plus de gaz à effet de serre !
J’en viens maintenant à l’article 6.
Vous nous avez expliqué, madame la ministre, que, selon le Président de la République, le prix de la tonne de carbone devait être suffisamment bas pour des raisons d’acceptabilité sociale. Ce prix a ainsi été fixé à 17 euros. Or un tel prix n’est pas suffisamment élevé pour être efficace. Il n’est pas à la hauteur des enjeux et ne permet pas d’envoyer un signal prix à tous les agents économiques.
Ce prix devrait être plus élevé, ce qui imposerait une redistribution verticale en fonction des revenus, du haut vers le bas, à l’instar de ce qu’ont fait nos partenaires européens du Danemark et de la Suède. Ces pays ont fait en sorte que les ménages modestes ne soient pas « plombés » par une fiscalité écologique efficace. Autrement dit, l’instauration d’une contribution carbone efficace requérait plus de solidarité.
En effet, si l’on raisonne en termes d’efforts et de poids de la contribution carbone par rapport aux revenus, force est de constater que la contribution carbone sur les dépenses contraintes pénalise les plus faibles, à savoir les familles modestes. Autrement dit, on demande aux pauvres de faire preuve de plus de vertu écologique que les riches ! Pour que tel ne soit pas le cas, il faudrait instaurer une compensation qui tienne compte du niveau de revenu des familles. Or, si le dispositif prévu dans le projet de loi de finances tient compte de facteurs géographiques, au risque d’ailleurs de créer des controverses car les limites seront forcément sujettes à caution, s’il tient compte également de la taille de la famille – une majoration du crédit d’impôt de dix euros par enfant à charge est prévue, pensez donc ! –, en revanche, il ne tient pas compte du niveau de revenu.
Évidemment, l’instauration d’une politique redistributive des ménages les plus riches vers les ménages les plus pauvres aurait conduit le Gouvernement à renier toute la politique qu’il a engagée avec la loi TEPA, le bouclier fiscal, la préservation des parachutes dorés…
Manifestement, la droite n’a toujours pas compris que l’efficacité écologique passait par plus de justice sociale. Mais peut-elle le comprendre ? Mme la ministre nous a dit cet après-midi qu’elle faisait une confiance aveugle au marché du carbone, ce que M. le rapporteur général a critiqué à juste titre, et que le projet de loi ne modifiait pas a priori la pyramide des revenus.
Renoncer à toute redistribution en matière de compensation de la contribution carbone, c’est faire un choix purement idéologique qui nous condamne à l’impuissance !
M. le président. L'amendement n° I-189, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Je m’associe aux propos que vient de tenir Jacques Muller.
L’amendement n° I-189 vise à supprimer l’article 6, en cohérence avec notre volonté exprimée tout à l’heure de supprimer l’article 5. Je rappelle en effet que la contribution carbone est un impôt injuste socialement et peu efficace écologiquement. En outre, les compensations financières envisagées ne sont pas suffisantes pour bon nombre de ménages.
Le budget des ménages est déjà largement grevé au nom de la défense de l’environnement, la fiscalité écologique n’étant pas une nouveauté. En effet, comment appréhender autrement la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la taxe générale sur les activités polluantes, les diverses taxes et redevances locales sur l’eau, l’assainissement, les ordures ménagères ? Cela fait de nombreuses années que les préoccupations environnementales sont utilisées, voire instrumentalisées pour justifier l’adoption de nouvelles normes et de nouveaux outils de fiscalité. On pourrait dire sans exagérer que la fiscalité écologique a crû et embelli à peu près à la vitesse à laquelle était réduit l’impôt sur les sociétés ou la contribution au financement de la sécurité sociale par les entreprises.
Aujourd'hui, les différents éléments de taxation des pollutions et de la consommation d’énergie fossile permettent à l’État et aux collectivités locales d’engranger 50 milliards d’euros de recettes fiscales. Les recettes dévolues aux collectivités locales leur permettent d’équilibrer, par exemple, leur budget eau et assainissement. En outre, les collectivités locales versent un produit fiscal complémentaire à l’État au titre de la TVA sur les travaux.
L’élément principal de la fiscalité écologique actuelle est la taxe intérieure sur les produits pétroliers, dont l’efficacité environnementale est proche de zéro, les recettes fiscales qu’elle produit n’ayant rien à voir avec les engagements budgétaires de l’État en matière d’environnement. Ainsi, alors que l’État aura perçu plus de 15 milliards d’euros cette année au titre de la TIPP, il ne consacre que 333 millions d’euros à la protection des paysages et de la biodiversité ou 237 millions d’euros à la politique de prévention des risques.
En outre, une part importante de la TIPP est aujourd'hui dévolue aux collectivités locales afin de leur permettre de faire face à certaines charges transférées au titre de la décentralisation. Ainsi les départements se verraient-ils attribuer 5,4 milliards d’euros de TIPP au titre du RSA et les régions, 3,85 milliards d’euros au titre des charges transférées pour le fonctionnement des lycées, notamment pour la prise en charge des personnels ATOS. En clair, 9,69 milliards d’euros du produit de la TIPP sont aujourd'hui utilisés pour payer la facture de la décentralisation !
La création de la contribution carbone est donc une technique déjà éprouvée. Il y a fort à parier que l’affectation de cette recette fiscale, même repeinte en vert, sera fort éloignée des intentions affichées par le Gouvernement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Si l’article 5 avait été supprimé, j’aurais compris qu’on veuille supprimer l’article 6. Or il est maintenu. Si votre amendement était adopté, monsieur Foucaud, cela conduirait à supprimer les restitutions aux particuliers et, par conséquent, cela nuirait au pouvoir d’achat des ménages, notamment des plus modestes d’entre eux. Je ne veux pas croire que telle soit votre intention !
Afin de respecter les objectifs qui sont habituellement les vôtres, je vous invite à retirer votre amendement, mon cher collègue. Si tel n’était pas le cas, il faudrait alors le repousser, afin de défendre le pouvoir d’achat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. La démonstration de M. le rapporteur général est imparable. L’article 6 décrit le principe et le mécanisme de restitution aux ménages de la contribution carbone. La formule que nous avons choisie nous paraît la plus juste et la plus simple possible.
Pour cette raison, j’appelle bien évidemment le Sénat à voter contre cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-345, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 2 à 7
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
« Art. 200 quindecies. - 1. Les contribuables personnes physiques, fiscalement domiciliés en France au sens de l'article 4 B, bénéficient d'un crédit d'impôt :
Pour les tranches de revenus de l'impôt sur le revenu |
D'un montant de |
Jusqu'à 5 875 € |
69 € |
De 5 876 € à 11 720 € |
46 € |
De 11 721 € à 26 030 € |
46 € |
De 26 031 € à 69 783 € |
0 € |
Plus de 69 783 € |
0 € |
« Ce montant est multiplié par 1,3 lorsque le contribuable est domicilié, au 31 décembre de l'année d'imposition, dans une commune qui n'est pas intégrée à un périmètre de transports urbains défini à l'article 27 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.
« 2. Le crédit d'impôt mentionné au 1 est doublé pour les couples soumis à imposition commune.
« Pour les trois premières tranches du barème, il est majoré de 10 € par personne à charge au sens des articles 196 à 196 B. Toutefois, la majoration de 10 € est divisée par deux pour les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre de leurs parents.
« 3. La qualité de contribuable est appréciée au 31 décembre de l'année d'imposition.
« 4. Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, 200 octies et 200 A, après imputation des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. »
II. - Les dispositions mentionnées au I ne sont applicables qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant du II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Loin d’être un mécanisme de redistribution, la contribution carbone, on le sait, est régressive. Elle pèse davantage sur les familles modestes. Ce constat a été confirmé par une étude du Centre d’analyse stratégique.
Le Gouvernement a choisi de prendre en compte uniquement le lieu de résidence et la composition du foyer du contribuable concerné.
En ce qui concerne la composition du foyer, il est légitime de majorer la compensation en fonction du nombre de personnes.
Concernant le lieu de résidence, le critère retenu par le Gouvernement, à savoir l’intégration ou non de la commune de résidence au sein d’un périmètre de transports urbains nous semble peu pertinent parce que les PTU font référence non pas à un réseau réel de transports publics, mais au ressort territorial de l’autorité administrative compétente.
C’est particulièrement vrai en Île-de-France. L’article 6 du projet de loi de finances fait référence au périmètre du syndicat des transports d’Île-de-France, qui correspond à l’ensemble du territoire de la région Île-de-France. Or, bien souvent, et je suis bien placée pour le savoir, il n’existe pas de possibilité de transport alternatif en grande couronne.
Sans aller jusqu’à évoquer la grande couronne, je rappelle qu’une commune pourtant guère éloignée de Paris, celle Clichy-sous-Bois, classée parmi les plus pauvres de France, n’est pas desservie par un mode de transport permettant à ses habitants de se rendre au centre de la capitale ! Cela prouve que le critère retenu par le Gouvernement est particulièrement inadapté en Île-de-France.
J’ajoute que, au sein d’un même PTU, les habitants peuvent être plus ou moins éloignés d’une gare et donc être plus ou moins bien desservis par les transports en commun.
Du reste, il est étonnant que le Gouvernement n’ait retenu que le critère du transport et non celui de la qualité du logement. On sait très bien, en effet, que du niveau de performance énergétique d’un logement dépendra le montant de la contribution carbone. Peut-être que la révision des bases locatives – je ne sais pas si nous pouvons quelque espoir à cet égard à cette heure avancée ! – permettrait de tenir compte de cet élément essentiel.
Selon nous, le critère essentiel, c’est le revenu. Or le Gouvernement n’en tient pas compte. Tout le monde sait pourtant que la justice fiscale ne repose pas sur des versements forfaitaires.
Dans l’étude d’impact annexée au projet de loi de finances, madame la ministre, il est dit – on connaît l’argument ! – que les ménages correspondant aux cinq premiers déciles du niveau de vie bénéficient déjà d’un gain net tandis que les cinq tranches supérieures subiraient une perte. C’est ignorer le socle des dépenses contraintes !
C’est la raison pour laquelle nous vous soumettons l’amendement n° I-345, qui tend à concentrer le crédit d’impôt au profit des contribuables assujettis aux trois premières tranches de l’impôt sur le revenu. Une telle disposition est pour nous essentielle, car c’est ainsi que nous comprenons la « social-écologie » que, nous, les socialistes, appelons de nos vœux.
M. le président. L'amendement n° I-190, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Après la référence :
4 B
insérer les mots :
, à l'exception de ceux assujettis à la fraction supérieure de revenu imposable mentionnée au 1 de l'article 197 et de ceux assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune visé à l'article 885 A,
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le I n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Il ne nous semble pas opportun que les bénéficiaires du bouclier fiscal reçoivent un chèque, dont le montant leur paraîtra certainement dérisoire, alors que les sommes en question pourraient permettre d’accroître la redistribution, de la rendre plus efficace et plus juste socialement.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, M. le ministre du budget s’était dit défavorable aux amendements visant à introduire un peu de justice sociale dans l’article 6 du projet de loi de finances. Il considérait qu’il ne fallait pas confondre politique sociale et politique écologique. Il a ainsi déclaré : « Nous avons une politique écologique très simple : orienter la consommation par le prix tout en rendant aux Français ce que nous leur prenons. »
Monsieur le ministre, vous avez eu tort de séparer politique sociale et politique écologique. Ce n’est pas en cloisonnant les problèmes que l’on trouvera une solution efficace. On ne peut pas faire comme si tous les ménages étaient égaux en matière de réduction de leurs dépenses énergétiques. Ainsi, les personnes qui vivent dans un logement vétuste et qui n’ont pas les moyens financiers d’effectuer les travaux nécessaires n’ont pas choisi cette situation. C’est du bon sens ! Le problème dépasse la volonté individuelle, il relève de la responsabilité collective. Il relève de la responsabilité collective d’aider les ménages les plus pauvres à faire face aux enjeux écologiques comme de promouvoir et de financer à long terme les politiques de développement durable.
La commission Rocard ayant mesuré le problème que poserait un crédit d’impôt forfaitaire, elle avait proposé que la restitution soit soumise sous conditions de ressources. Or le projet de loi de finances occulte complètement les difficultés posées par la disparité des revenus.
Parce que nous souhaitons que les revenus les plus élevés ne bénéficient pas de la restitution, nous vous proposons, chers collègues, d’adopter cet amendement de repli.
M. le président. L'amendement n° I-260, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la référence :
4 B
insérer les mots :
, à l'exception de ceux assujettis soit à la tranche supérieure d'imposition sur le revenu visée par le I de l'article 197, soit à l'impôt de solidarité sur la fortune visé à l'article 885 A.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° I-345 du groupe socialiste, que nous avons cosigné.
En effet, même si je ne me fais pas trop d’illusions sur les réponses qui nous seront apportées par M. le ministre, je souhaite insister sur un point.
Tel qu’il est prévu dans le projet de loi, le forfait interdit toute redistribution verticale des revenus. Il fige des inégalités de revenus qui n’ont cessé de s’accroître spontanément et qui ont même été aggravées par les dispositions adoptées dans les lois précédentes. Cette mesure finit par rendre la contribution « Sarkozy carbone » inefficace.
À travers cet amendement, je vous propose de sauver le minimum minimorum, c'est-à-dire de faire en sorte que les contribuables appartenant à la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu et les bénéficiaires du bouclier fiscal ne profitent tout de même pas de la compensation dont nous débattons. Le maintien de leur pouvoir d’achat permettrait au Gouvernement d’économiser les millions d’euros en question.
M. le président. L'amendement n° I-261, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la référence :
4 B
insérer les mots :
et qui n'ont pas bénéficié du droit à restitution, prévu par l'article 1649-0 A, l'année précédente
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° I-192, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Après le mot :
intérieurs
supprimer la fin de cet alinéa.
II. - Les présentes dispositions ne sont applicables qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Le montant du crédit d’impôt reposera non seulement sur la composition de la famille du contribuable, mais aussi sur l’accès ou non de celui-ci aux transports en commun, en fonction de l’intégration de son domicile dans un périmètre de transports urbains.
Lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, l’adoption d’un amendement du Gouvernement a permis d’ajouter comme critère du niveau du crédit d’impôt l’appartenance au ressort territorial du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, c'est-à-dire à la région capitale. Nous trouvons cette disposition particulièrement injuste. D’ailleurs, plusieurs éminents députés de la majorité ont attiré l’attention du Gouvernement sur l’iniquité d’une telle mesure.
Comment, notamment, ne pas reconnaître que la région Île-de-France, du fait de sa taille et de la diversité de ses territoires, recouvre des réalités bien différentes ? L’ancien ministre Yves Jégo, qui réside en Seine-et-Marne, a souligné ces disparités. Dans la grande couronne, nombre de Franciliens n’ont pas accès aux facilités offertes par les transports urbains et se trouvent dans l’obligation d’utiliser leur voiture. Pour eux, ce sera une double peine ! Non seulement ils ne disposent pas de transports collectifs, mais ils vont en plus faire partie des personnes considérées comme n’ayant pas droit à une majoration du crédit d’impôt sous prétexte qu’ils sont censés bénéficier de transports n’existant pas dans la réalité ! C’est absurde !
La véritable solution pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre réside dans le développement de l’offre de transports collectifs en Île-de-France. Mais ce point n’est jamais abordé, et ce pour une raison bien simple : l’État doit, au titre des dispositions contenues dans les lois de décentralisation, compenser les besoins du STIF. Or la compensation est loin d’être réalisée et l’objectif principal de ce gouvernement est de mettre en difficulté la majorité régionale de gauche, notamment par le biais d’une telle institution.
En témoigne d’ailleurs la volonté absolument honteuse du Gouvernement de faire passer la spoliation du patrimoine du STIF au profit de la RATP dans la loi sur les transports ferroviaires. Aujourd'hui, non content de cette hérésie, le Gouvernement propose, par un nouvel amendement au projet de loi relatif au Grand Paris, de couper la RATP en deux.
M. le président. L'amendement n° I-444, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
ou dans une commune insulaire de moins de 10 000 habitants qui est intégrée à un périmètre de transports urbains défini à l'article 27 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs en raison d'une fréquentation touristique saisonnière importante.
II. - Les présentes dispositions ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes résultant pour l'État de l'extension de la majoration du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quindecies du code général des impôts sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du même code.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-191, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le remboursement évolue chaque année dans la même proportion que les tarifs fixés à l'article 266 quinquies C du code des douanes.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
... - Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Il s’agit d’un amendement de principe.
Nous souhaitons qu’une corrélation soit instaurée entre le taux de la contribution carbone et celui de la redistribution définie par le présent article, en précisant que le remboursement évolue chaque année dans des proportions identiques aux tarifs fixés pour le niveau de la contribution carbone.
Cela reprend la volonté exprimée par le Président de la République, qui a déclaré : « Quelle que soit la progression de la taxe carbone […], sa compensation aux Français augmentera exactement dans les mêmes proportions ».
M. le président. L'amendement n° I-346, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sont exclus du bénéfice du crédit d'impôt prévu au premier alinéa les contribuables assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune, prévu par l'article 885 A du code général des impôts l'année précédente, les contribuables dont le revenu par part est imposable au titre de la dernière tranche de l'impôt sur le revenu visée au I de l'article 197 du même code et les bénéficiaires du droit à restitution prévu par l'article 1649-0 A dudit code, l'année précédente.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. La présentation de cet amendement me permet de revenir sur l’injustice sociale induite par le mécanisme de redistribution proposé par le Gouvernement.
Dans le cadre de la contribution qu’ils ont rendue publique au mois de mai dernier, les sénateurs socialistes ont proposé de concentrer les efforts financiers sur les ménages les plus modestes.
Bien entendu, si l’on en croit les chiffres présentés dans l’étude d’impact fournie par le Gouvernement, les ménages les plus modestes seraient susceptibles de percevoir un montant de compensation plus élevé que le montant de la contribution carbone acquittée, et Mme la ministre l’a réaffirmé. Mais qui peut croire qu’une aide de 46 euros permettra aux ménages modestes de pouvoir rénover leurs équipements, d’acheter une voiture moins émettrice de gaz à effet de serre ou de changer leur mode de chauffage ?
À l’inverse, j’imagine la surprise des bénéficiaires du bouclier fiscal, qui, juste après avoir perçu un chèque de remboursement de 380 000 euros en moyenne, en recevront un autre de 46 euros… Les ménages les plus favorisés pourront, même en l’absence du crédit d’impôt, engager les travaux nécessaires à l’amélioration de la performance énergétique de leur logement. Ils n’attendront pas le crédit d’impôt attribué par l’État. Par ailleurs, ils bénéficient déjà du crédit d’impôt « développement durable » pour effectuer les travaux nécessaires. Enfin, ce n’est pas parce qu’ils paieront 2 euros de plus leur plein d’essence que leurs fins de mois seront difficiles !
En revanche, les ménages les plus pauvres, qui sont très souvent de simples locataires et qui habitent, de surcroît, loin de leur lieu de travail, n’auront pas les moyens d’effectuer les travaux et ne seront pas en mesure de contraindre les propriétaires à les réaliser. Par conséquent, le montant de leur contribution carbone est « contraint » ! À ce titre, on pourrait imaginer la mise en place d’un droit opposable à l’efficacité énergétique des logements.
Dans ces conditions, le refus du Gouvernement de modifier son projet de loi relève, à nos yeux, de l’entêtement idéologique. Monsieur le ministre, ainsi que mon collègue Jean Desessard l’a rappelé en s’exprimant sur l’article 5, vous avez affirmé lors de la discussion générale qu’il s’agissait d’envoyer un signal aux consommateurs. Or, en conservant un tel mécanisme, le seul signal que le Gouvernement parviendra à envoyer à nos concitoyens sera celui de l’injustice fiscale.
Néanmoins, il est crucial de réussir le pari de l’acceptabilité sociale de la contribution carbone. J’en suis certain, les Français, même les plus aisés, comprendraient que l’on cible notre aide sur les ménages les plus pauvres, car ce sont ces derniers qui devront payer demain le plus lourdement les effets du changement climatique.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’exclure du champ d’application du crédit d’impôt les bénéficiaires du bouclier fiscal, ainsi que les contribuables assujettis à la dernière tranche de l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur la fortune.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Les auteurs de ces différents amendements ont tendance à mélanger des sujets qui n’ont pas de rapport entre eux, c'est-à-dire, d’une part, les aspects écologiques et la restitution et, d’autre part, le système fiscal, la progressivité de l’impôt et la grande indignité qui s’attache à bénéficier du bouclier fiscal ou à être assujetti à l’ISF… (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur tous les amendements fondés sur de tels amalgames.
L’amendement n° I-192 vise à supprimer le traitement moins favorable réservé aux habitants des communes relevant du Syndicat des transports d’Île-de-France. Il est tout de même difficile de croire que toutes les communes d’Île-de-France devraient être réputées rurales ! Cela heurte le bon sens du provincial que je suis. (Sourires.)
En revanche, l’amendement n° I-191 n’est pas inintéressant. Par conséquent, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cette proposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je fais miens les commentaires de M. le rapporteur général sur les différents amendements.
S’agissant de l’amendement n° I-191, monsieur le rapporteur général, je dirai que le dispositif proposé par les auteurs est tout de même risqué ! En effet, le remboursement est fixé exactement au même niveau que la taxe carbone, c'est-à-dire à 2,65 milliards d’euros. Le Président de la République a déjà indiqué que, lorsqu’il y aurait augmentation de la taxe carbone, il y aurait augmentation des compensations. Bien évidemment, cela suscitera à chaque fois un débat sur le niveau, le seuil, les objectifs visés, etc.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur général, ce sont surtout un budget de riches et un budget de pauvres qui n’ont aucun rapport entre eux !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous en revenez à vos fondamentaux ; c’est bien ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. M. le ministre du budget a pris la suite de Mme la ministre de l'économie, mais le relais n’a apparemment pas été bien passé entre eux puisqu’il parle encore de « taxe carbone », alors que nous parlons désormais de « contribution carbone ».
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, vous faites vôtres les arguments de M. le rapporteur général. Au risque d’insister, je répète que, pour rendre le système acceptable, on a fixé un niveau de contribution peu élevé, ce qui permet de verser une compensation qui ne touche pas à la hiérarchie des revenus…
Or les pays qui ont adopté une contribution carbone efficace l’ont accompagnée d’une redistribution verticale des revenus. En l’occurrence, vous vous condamnez à l’impuissance ! Alors que la justice sociale et l’efficacité écologique sont rigoureusement indissociables, vous les fractionnez !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur l'article 6.
M. Jacques Muller. Monsieur le ministre, vous n’avez pas assisté au vote sur l’article 5.
M. Jacques Muller. Je voudrais tout de même rappeler dans quelles conditions cet article a été adopté.
Un membre de la majorité a déclaré que la contribution carbone était « mal née ». Votée « sans enthousiasme », dixit M. le rapporteur général, et « par solidarité », selon M. le président de la commission des finances, elle nécessite – cette fois, je cite M. Longuet, le président du groupe UMP – « un débat général pour en comprendre l’utilité ».
On peut donc s’interroger. Pourquoi un tel déficit de motivation majoritaire ? Comment expliquer cette réticence à permettre au Président de la République de ne pas seulement faire semblant de respecter l’engagement qu’il a pris vis-à-vis de Nicolas Hulot ? Comment la majorité en est-elle arrivée à adopter sans conviction une contribution carbone condamnée à l’inefficacité ?
Les propos de M. le ministre et de M. le rapporteur général nous apportent la réponse : c’est par choix idéologique ! L’idéologie libérale, voire ultralibérale, consiste à ne surtout pas toucher à la redistribution des revenus.
Le résultat est là, et il est clair : la contribution « Sarkozy carbone » sera perçue comme une opération visant à taxer les pauvres pour sauver les riches, et sans sauver le climat !
Je crois qu’on ne peut pas faire pire en matière de dévoiement d’un concept essentiel du développement durable : la fiscalité écologique !
Par conséquent, comme vous l’avez compris, je voterai résolument contre l’article 6.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 24 novembre 2009, à quatorze heures trente et le soir :
1. Éloge funèbre d’André Lejeune.
2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010). Suite de l’examen des articles de la première partie.
Rapport (n° 101, 2009-2010) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 24 novembre 2009, à deux heures.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD