M. le président. Madame la ministre, je vous remercie, au nom de l’ensemble des services de cette maison.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, je tiens à mon tour à vous remercier. Parce que nous nous étions habitués à votre présence, parce que nous avons apprécié votre compétence, la qualité de vos interventions et la densité de vos explications, toujours très complètes, nous regrettons déjà que vous ne puissiez nous accompagner jusqu’au milieu de la nuit ! (Sourires), cela dit sans vouloir le moins du monde vous offenser, monsieur Darcos. (Nouveaux sourires.)
Soyez encore remerciée d’avoir répondu à tous nos collègues, avec toujours beaucoup de gentillesse et votre courtoisie habituelle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Bonne finale de tennis, madame la ministre des sports ! (Rires.)
M. le président. Bienvenue, monsieur le ministre du travail !
Section 2
Dispositions relatives aux dépenses d’assurance vieillesse
Article additionnel avant l'article 38
M. le président. L'amendement n° 162, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mmes Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 38, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale, le mot : « annuel » est remplacé par le mot : « semestriel ».
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. La revalorisation des pensions se fait annuellement et, depuis l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, elle a lieu au 1er avril, pour une meilleure adaptation à l’inflation estimée pour l’année en cours.
En effet, la décomposition de la revalorisation montre que les indexations reposent sur des estimations réalisées très antérieurement au 1er janvier de l’année où celle-ci intervient.
Ainsi, le système est plus juste. Toutefois, pour qu’il le soit davantage, ne serait-il pas souhaitable que le coefficient de revalorisation soit fixé semestriellement, afin de mieux tenir compte de l’environnement économique et de moins pénaliser les retraités ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. À travers cet amendement, notre collègue Christiane Demontès propose que le coefficient de revalorisation soit fixé semestriellement et non plus annuellement. Elle comprendra que la commission ait émis un avis défavorable sur sa proposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le président, je remercie tout d’abord la Haute Assemblée de m’accueillir à mon tour, afin que nous débattions ensemble des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui concernent mon ministère.
J’en viens à l’amendement.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi garantit la revalorisation des pensions ainsi que le maintien du pouvoir d’achat des retraités, et il n’est pas question de revenir sur ces principes. Le Président de la République les a confirmés lors de son investiture, et il s'agit de l’un des chantiers du quinquennat.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a amélioré la situation, puisque, désormais, il existe des règles d’indexation pour les retraites. La revalorisation intervient au 1er avril, afin de mieux prendre en compte l’inflation réellement constatée l’année précédente, ce qui n’était pas possible lorsque nous anticipions la hausse des prix au 1er janvier.
Par ailleurs, cette réforme nous permet de disposer d’une prévision d’inflation actualisée pour l’année en cours. Le système fonctionne, puisque, pour l’année 2009, les pensions ont été revalorisées au 1er avril de 1 %, alors que l’inflation constatée cette année-là n’a été que de 0,4 %.
Le dispositif que nous avons mis en place a donc pour objet de garantir le pouvoir d’achat des retraités, ce qui est le cas, la revalorisation, je l’ai montré, allant même au-delà de l’inflation.
J’observe par ailleurs que cet amendement, tel qu’il est rédigé, tend à ne fixer qu’une seule date de revalorisation annuelle. À cet égard, votre proposition n’est pas absolument claire, madame la sénatrice.
Il reste que le dispositif qui a été mis en place et qui permet de revaloriser les pensions tous les ans au 1er avril donne satisfaction.
Je ne puis donc qu’être défavorable au principe d’une revalorisation semestrielle.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. J’ai bien noté que les retraites seraient revalorisées au 1er avril prochain.
Néanmoins, monsieur le ministre, aux dires de la plupart des retraités, il se produit aujourd'hui un écrasement, un tassement des pensions. Vous soulignez que, en 2009, les retraites ont progressé davantage que l’inflation. Toutefois, il n’y aura, en 2010, qu’une seule revalorisation, c'est-à-dire que les pensions ne seront pas augmentées au 1er juillet ou au 1er octobre, par exemple.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous en dire davantage sur la revalorisation des retraites prévue en 2010 ? La question se pose, car l’inflation est pratiquement nulle… Vos services ont-ils déjà travaillé sur la hausse des pensions au 1er avril prochain ? Sera-t-elle de 1 % ou de 1,2 % ? Sans doute pas plus...
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Fischer, je vous ai déjà répondu dans une certaine mesure en donnant l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 162.
Nous verrons peu avant le 1er avril prochain à quel niveau s’établira l’inflation. La Commission économique de la nation se réunira au mois de mars pour dresser un constat, à partir duquel une décision sera prise, qui prendra effet au 1er avril, afin, je le répète, de garantir le pouvoir d’achat des retraités, et même, éventuellement, de l’améliorer.
M. Guy Fischer. Vous n’avez aucune idée précise ?
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Fischer, savez-vous quelle sera l’inflation au 1er trimestre 2010 ? (M. Fischer fait un geste de dénégation.) Moi non plus ! Laissons cela à la Commission économique de la nation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne suis pas certain que le taux d’inflation soit un bon indice des difficultés qu’éprouvent pour vivre nos concitoyens à la retraite.
Quelle est la situation des retraités, notamment ceux qui touchent de faibles pensions ? Comme je l’ai rappelé hier, les retraites agricoles se situent autour de 700 ou 800 euros, tandis qu’une pension de réversion agricole représente moins de 500 euros, soit un montant inférieur au seuil de pauvreté !
Nous ne pouvons pas mesurer l’évolution de ces retraites à l’aide du taux d’inflation. Ce que nous devons prendre en compte, c’est l’augmentation du prix des loyers, de l’électricité et de produits de nécessité comme le lait et les légumes.
L’inflation n’est pas un critère pertinent pour savoir si les retraités de ce pays ont perdu ou non du pouvoir d’achat, s’ils vivent mieux ou moins bien qu’auparavant.
Si nous prenons en compte tout ce qui est nécessaire pour vivre aujourd'hui, nous constaterons que les retraités vivent beaucoup moins bien que dans le passé et que le taux d’inflation n’est pas un bon instrument de mesure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. François Autain. Vous avez tout à fait raison !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 162.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 38
I. – L’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-4. – I. – Une majoration de durée d’assurance de quatre trimestres est attribuée aux femmes assurées sociales, pour chacun de leurs enfants, au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l’accouchement.
« II. – Il est institué au bénéfice du père ou de la mère assuré social une majoration de durée d’assurance de quatre trimestres attribuée pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les trois années suivant sa naissance ou son adoption.
« Les parents désignent d’un commun accord le bénéficiaire de la majoration ou, le cas échéant, définissent la répartition entre eux de cet avantage.
« Cette option est exprimée auprès de la caisse d’assurance vieillesse dans le délai de six mois à compter du troisième anniversaire de la naissance de l’enfant ou de son adoption.
« En cas de désaccord exprimé par l’un ou l’autre des parents dans le délai mentionné à l’alinéa précédent, la caisse désigne celui des parents qui établit avoir contribué à titre principal à l’éducation de l’enfant pendant la période la plus longue.
« Le défaut d’option dans le délai mentionné ci-dessus est réputé, en l’absence de désaccord exprimé, valoir décision conjointe implicite de désignation de la mère.
« En cas de décès de l’enfant avant la fin de la troisième année suivant sa naissance ou son adoption, la majoration reste due dans les conditions prévues au présent II.
« La décision, y compris implicite, des parents ou l’attribution de la majoration ne peut être modifiée, sauf en cas de décès de l’un des parents avant la majorité de l’enfant. Dans ce cas, les trimestres sont attribués au parent survivant.
« III. – Une majoration de durée d’assurance de quatre trimestres est attribuée, pour chaque enfant adopté durant sa minorité, à ses parents au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de l’accueil de l’enfant et des démarches préalables à celui-ci.
« Les parents désignent d’un commun accord le bénéficiaire de la majoration ou, le cas échéant, définissent la répartition entre eux de cet avantage. Cette option est exprimée auprès de la caisse d’assurance vieillesse dans le délai de six mois à compter du troisième anniversaire de l’adoption de l’enfant. En cas de désaccord exprimé par l’un ou l’autre des parents dans ce délai, la caisse désigne celui des parents qui établit avoir contribué à titre principal à l’accueil et aux démarches mentionnés à l’alinéa précédent ou, à défaut, décide que la majoration sera partagée par moitié entre les deux parents.
« Le défaut d’option dans le délai mentionné à l’alinéa précédent est réputé, en l’absence de désaccord exprimé, valoir décision conjointe implicite de désignation de la mère adoptante.
« La décision, y compris implicite, des parents ou l’attribution de la majoration ne peut être modifiée.
« IV. – Sont substituées dans les droits des parents pour l’application du II du présent article, les personnes auxquelles l’enfant a été confié par une décision de justice rendue sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 373-3 et du 2° de l’article 375-3 du code civil, ou le bénéficiaire d’une délégation totale de l’autorité parentale en vertu du premier alinéa de l’article 377-1 du même code, et qui ont effectivement assumé l’éducation de l’enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans ce cas, la majoration est attribuée à raison d’un trimestre par année.
« V. – L’assuré ne peut bénéficier de la majoration prévue au II s’il a été privé de l’exercice de l’autorité parentale ou s’est vu retirer l’autorité parentale par une décision de justice au cours des quatre premières années de l’enfant.
« V bis (nouveau). – L’assuré ne peut bénéficier, au titre de la majoration prévue au II, d’un nombre de trimestres supérieur au nombre d’années durant lesquelles il a résidé avec l’enfant au cours de la période mentionnée au premier alinéa du même II.
« VI. – Lors de la liquidation de la pension de retraite, la majoration prévue au II ne peut être attribuée à l’un ou l’autre des parents lorsque chacun d’eux ne justifie pas d’une durée d’assurance minimale de deux ans auprès d’un régime de retraite légalement obligatoire d’un État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse. Ces dispositions ne sont pas applicables au parent qui a élevé seul l’enfant pendant tout ou partie de la période mentionnée au premier alinéa du II.
« VII. – Lorsque le délai mentionné au II n’est pas écoulé à la date d’effet de la demande de retraite de l’un des parents, ce délai est réduit à deux mois à compter de la date de cette demande.
« VIII. – Pour les enfants nés ou adoptés après le 1er janvier 2010, les majorations de durée d’assurance prévues au présent article ne sont pas prises en compte pour le bénéfice des dispositions des articles L. 351-1-1 et L. 634-3-2, du II des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du présent code, de l’article L. 732-18-1 du code rural, de l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l’article 57 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005. Il en est de même des périodes d’assurance validées en application des b et b bis de l’article L. 12 et de l’article L. 12 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite ou de dispositions réglementaires ayant le même objet. »
II. – L’article L. 351-5 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « Le père » sont remplacés par le mot : « L’ » ;
2° Au second alinéa, le mot : « également » est supprimé.
III. – La sous-section 3 de la section 3 du chapitre III du titre VII du livre Ier du même code est ainsi rétablie :
« Sous-section 3
« Majorations de durée d’assurance accordées au titre des enfants
« Art. L. 173-2-0-1. – Lorsque les deux parents remplissent, au titre d’un même enfant, l’un dans le régime général d’assurance vieillesse ou dans un régime appliquant les mêmes dispositions que celles de l’article L. 351-4, et l’autre dans un régime spécial de retraite, les conditions pour bénéficier de périodes d’assurance accordées au titre de l’accouchement, de la grossesse, de l’adoption ou de l’éducation d’un enfant, il est fait application des seules règles du régime dont relève la mère de l’enfant. La liste des avantages attribuables dans les régimes spéciaux soumis aux règles prévues au présent article est fixée par décret. »
III bis (nouveau). – Après le mot : « points », la fin du troisième alinéa de l’article L. 643-1 du même code est ainsi rédigée : « au titre du trimestre civil au cours duquel survient l’accouchement, dans des conditions et limites fixées par décret. »
IV. – Après l’article L. 643-1 du même code, il est inséré un article L. 643-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 643-1-1. – Les assurés du présent régime bénéficient des dispositions prévues à l’article L. 351-4, adaptées en tant que de besoin par décret pour tenir compte des modalités particulières de calcul de la pension de ce régime. »
V. – Après l’article L. 723-10-1 du même code, il est inséré un article L. 723-10-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 723-10-1-1. – Les assurés du présent régime bénéficient des dispositions prévues à l’article L. 351-4, adaptées en tant que de besoin par décret pour tenir compte des modalités particulières de calcul de la pension de ce régime. »
VI. – Le deuxième alinéa de l’article 9 de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon est ainsi rédigé :
« Les assurés du présent régime bénéficient des dispositions prévues à l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, adaptées en tant que de besoin par décret. »
VII. – Le présent article est applicable aux pensions de retraite prenant effet à compter du 1er avril 2010.
VIII. – Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations prévues au II et au III de l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale sont attribuées à la mère sauf si, dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le père de l’enfant apporte la preuve auprès de la caisse d’assurance vieillesse qu’il a élevé seul l’enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans ce cas, les majorations sont attribuées au père à raison d’un trimestre par année.
Toutefois, pour les enfants nés ou adoptés après le 1er juillet 2006, le délai mentionné au précédent alinéa est porté à quatre ans et six mois à compter de la naissance ou l’adoption de l’enfant.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l'article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a exposé mardi dernier les principes qui guident la délégation dans la réforme des majorations de durée d’assurance, telle que celle-ci figure à l’article 38 du présent projet de loi.
Proche de Michèle André, j’ai été relativement sensible aux arguments qu’elle a développés au nom de la délégation.
Nous estimons que c’est seulement quand l’égalité entre les sexes sera effective que le principe d’égalité pourra par lui-même conduire à attribuer les avantages familiaux de retraite dans les mêmes conditions aux femmes et aux hommes. En revanche, tant qu’il y aura des inégalités réelles et statistiquement prouvées entre les hommes et les femmes, des dispositions asymétriques et compensatrices resteront à nos yeux parfaitement légitimes et justifiées.
Pour autant, nous pensons qu’il ne faut pas refuser systématiquement aux hommes toute possibilité de bénéficier d’une majoration de durée d’assurance, car nous rencontrons aussi aujourd'hui, et ce ne sont pas seulement des cas isolés, des pères qui assurent seuls ou à titre principal l’éducation de leurs enfants, au risque d’en pâtir dans leur carrière.
Aussi, monsieur le ministre, quel jugement portons-nous sur le dispositif que vous proposez ? Celui-ci, certes, s’efforce de préserver l’essentiel. Il maintient la durée globale de majoration, y compris pour les parents adoptifs, à huit trimestres, soit deux ans par enfant. Il sanctuarise une année au profit exclusif des mères, au titre de la maternité, et cherche à faire bénéficier celles-ci en priorité de la seconde année, liée à l’éducation de l’enfant.
Notons toutefois que la préservation des droits des femmes repose sur le pari que le choix du couple, implicite ou non, profitera à la mère, car l’ouverture du dispositif aux pères, dès qu’elle se concrétisera, se traduira par une érosion des droits des mères. Celles-ci perdront inévitablement le bénéfice des trimestres qu’auront obtenus les pères, soit avec leur consentement, soit parfois, en cas de conflit arbitré en leur défaveur, à leur corps défendant.
Il ne s’agit donc pas d’un progrès pour les femmes, même si vous nous expliquez, comme sans doute vous vous y apprêtez, monsieur le ministre, qu’il peut difficilement en être autrement si nous voulons obéir au double impératif d’une ouverture du dispositif aux pères et du respect des équilibres financiers.
Ce dispositif pèche aussi, je le répète, par sa complexité – dix-huit alinéas, au lieu d’un seul dans l’actuel article L. 351-4 du code de la sécurité sociale –, ainsi que par une certaine forme d’arbitraire.
Je comprends que c’est précisément le souci de protéger les mères qui a conduit le Gouvernement à retenir pour l’attribution de quatre trimestres de « MDA éducation » les quatre premières années de la vie de l’enfant ou les quatre ans consécutifs à son adoption, ainsi qu’à rendre irrévocable le choix opéré par les parents.
Toutefois, nous savons bien que la charge de l’éducation ne se limite pas aux quatre premières années de la vie de l’enfant, et ce divorce entre la durée réelle de l’éducation et la période prise en compte par la loi risque d’être une source de difficultés, voire d’expertises. C'est pourquoi le groupe socialiste ne souhaite pas la remise en cause d’une disposition qui constitue une juste compensation pour les femmes.
Monsieur le ministre, vous ne m’en voudrez pas de relever ces défauts, qui sont peut-être imputables à l’urgence dans laquelle vous avez dû élaborer ce dispositif. Néanmoins, je crois que nous devons en être conscients, de façon à vous encourager à trouver des solutions meilleures dans la réforme plus générale et plus ambitieuse des retraites que vous envisagez pour 2010.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, sur l'article.
Mme Muguette Dini. C’est en tant que membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes que j’ai été sollicitée par Jacqueline Panis, rapporteur de la délégation, qui m’a demandé de vous faire part de certaines de ses réflexions.
Permettez-moi de rappeler que les femmes retraitées sont l’une des catégories de la population française les plus fragiles et que les contraintes s’exerçant sur les retraites – de quatre actifs pour un retraité en 2005 on passera à deux actifs pour un retraité à l’horizon 2050 – pourraient se traduire par un alignement par le bas des avantages accordés aux mères.
Je signale également que les recommandations de la délégation aux droits des femmes reposent avant tout sur le constat de la persistance du partage inégal des tâches familiales ainsi que des écarts de salaires et de retraites entre hommes et femmes.
La délégation a également souligné que le droit en vigueur était conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2003 et compatible avec le droit communautaire.
De façon réaliste, la délégation est néanmoins convenue qu’elle ne pouvait ignorer la série d’arrêts de la Cour de cassation intervenus en 2009, qui remettent clairement en cause notre droit au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Compte tenu de ces nouvelles contraintes, la délégation a considéré que le présent article 38 apportait « la moins mauvaise des solutions » au regard du principe d’égalité des chances entre femmes et hommes. Elle a également approuvé le pas franchi en direction des pères, en particulier ceux qui élèvent, à titre principal, leurs enfants.
De façon plus précise, la délégation recommande de prendre en compte trois préoccupations.
En premier lieu, elle regrette que l’Assemblée nationale ait ramené de quatre à trois ans le délai à compter duquel le couple peut effectuer son choix, au motif que, plus on attend, plus les risques de conflit existent.
L’éducation de l’enfant s’étend pourtant sur une période beaucoup plus longue. En outre, il est logique que l’irrévocabilité de l’attribution des majorations d’assurance soit précédée d’une durée de réflexion suffisante. Dans le même esprit, la délégation a tenu à ce que la nouvelle règle du jeu soit connue de tous et souhaité que la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, diffuse l’information aux assurés en temps utile.
En deuxième lieu, la délégation tient à rappeler que la signification profonde des majorations d’assurance était de compenser les discontinuités de carrière et, en fin de compte, de tenter de réparer les accidents de la vie qui peuvent frapper les mères comme les pères.
De ce point de vue, l’irrévocabilité du partage des MDA prévue par le projet de loi initial « sécurise », certes, le dispositif global, mais il peut aussi fragiliser certains parents, en cas de séparation. Idéalement, dans une telle hypothèse, il serait tout à fait logique que les MDA soient comptabilisées au bénéfice du parent qui a la garde des enfants.
Enfin, la délégation constate que l’Assemblée nationale a ouvert une première brèche dans le caractère définitif du partage : en cas de décès, les MDA sont attribuées au conjoint survivant. La délégation approuve cette amélioration, tout en souhaitant que le bénéficiaire des majorations de durée d’assurance ait tout de même participé à l’éducation de ses enfants.
La délégation forme le vœu que cette idée soit prise en compte, au moins à l’occasion du réaménagement plus global et plus rationnel des avantages familiaux qui sera évoqué lors du rendez-vous « retraites » prévu au milieu de l’année 2010.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. La majoration de durée d’assurance prévue à l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale se justifie par l’inégalité persistante des droits à pension entre hommes et femmes : celles qui arrivent à l’âge de la retraite et qui ont eu des enfants totalisent un nombre de trimestres et une pension en moyenne de 30 % à 40 % inférieurs à ceux des hommes. Et cette majoration ne suffit pas même à compenser complètement l’écart.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 19 février 2009, a pourtant jugé cette majoration incompatible avec l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui prohibe toute discrimination en l’absence de justification « objective et raisonnable ». C’est la raison pour laquelle le Gouvernement nous demande d’approuver un nouveau dispositif qui serait conforme à cette jurisprudence.
Je commencerai par formuler une remarque de forme. L’article L. 351-4 comporte une phrase ; il nous est proposé d’y substituer quatre pleines pages. Les professionnels de la complexité ont frappé ! (Sourires.)
Sur le fond, deux questions se posent à nous. Cette jurisprudence nous oblige-t-elle à modifier l’article L. 351-4 ? Le texte qui nous est soumis est-il acceptable ?
Essayons de répondre. D’abord, y a-t-il urgence à légiférer ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Yves Daudigny. À aucun point de vue ! J’insiste : l’arrêt n’est pas arrêt de règlement. Les juges appliquent la loi du Parlement et non l’inverse, même s’il nous faut, bien sûr, tenir compte de l’interprétation avertie des tribunaux. Cet arrêt n’est qu’un arrêt. Nous en avons connu d’excellents, d’autres moins.
Je rappelle également que la Cour de justice des Communautés européennes ne s’est prononcée que dans le cas de fonctionnaires. La situation des salariés du privé est différente, car ce secteur est beaucoup plus perméable aux discriminations de salaires et de carrières.