M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 297.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous entendons supprimer du projet de loi de financement de la sécurité sociale l’article 29, qui constitue pour nous une mesure inacceptable.
C’est un mauvais coup porté contre les malades et, malheureusement, contre les plus fragilisés d’entre eux, c’est-à-dire celles et ceux qui bénéficient de la prise en charge à 100 % pour les affections de longue durée.
En effet, suivant les recommandations de la Haute Autorité de santé, vous proposez de ne pas renouveler l’exonération du ticket modérateur dont bénéficient les personnes atteintes d’un cancer. C’est une première !
Vous prétendez ainsi organiser la sortie de ces patients du dispositif ALD, tout en prévoyant que les actes médicaux et les examens biologiques nécessaires au suivi de l’affection continueront d’être pris en charge à 100 %.
Sur le fond, cette position est paradoxale et risquerait même d’être contre-productive. Loin des déclarations officielles du Gouvernement, nous y voyons, pour notre part, une tentative de réforme a minima des ALD ; on commence par là, c’est le premier pas...
M. Guy Fischer. Je reviendrai sur les chiffres exacts !
On sait que les ALD occupent une place importante dans les dépenses de santé. Ce système a un coût que le Gouvernement veut rabaisser et cet article y contribue sans doute. C’est le premier outil qui est lancé contre les ALD.
M. Guy Fischer. Cela nous semble être la première pierre d’un édifice qui se construira avec le temps et qui a pour effet de réduire la prise en charge à 100 %. Comment analyser autrement cet article ? Au final, il risque d’être financièrement contre-productif dans l’immédiat, puisque la prise en charge à 100 % ne concerne déjà que les actes médicaux et les examens biologiques liés à la maladie ayant entraîné l’admission en ALD ; c’est ce que l’on appelle l’ordonnance bizone. Le principe est toujours d’actualité.
M. Guy Fischer. Un médecin a, en effet, été récemment sanctionné pour ne pas l’avoir respecté.
Les ALD concernent quinze millions de personnes atteintes d’une maladie chronique, c’est-à-dire 20 % de la population. Il y a huit millions d’ALD !
M. Guy Fischer. Les ALD portent sur le diabète, les bronchites chroniques, l’asthme, les insuffisances rénales et, bien sûr, les cancers aujourd'hui visés ; elles concernent 15 % des assurés sociaux et représentent 62 % des dépenses du régime général.
Il faut être clair : aujourd'hui, on veut réduire les ALD qui pèsent sur les dépenses de l’assurance maladie et qui en sont véritablement le cœur. C’est la première fois que l’on s’attaque aussi frontalement aux affections de longue durée et aux remboursements à 100 %. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. François Autain. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Effectivement, comme l’a dit Bernard Cazeau en commençant son propos, cet article est important ; j’en conviens. Les ALD sont un sujet qui nous préoccupe et qui anime nos débats depuis plusieurs projets de loi de financement de la sécurité sociale. Elles résultent d’une situation à laquelle il est difficile d’opposer une fin de non-recevoir.
Leur évolution naturelle est liée à plusieurs facteurs. Grâce aux progrès de la médecine et à sa qualité, l’espérance de vie s’améliore et donc la proportion des personnes qui avancent en âge augmente. Nous parvenons à mieux soigner certaines des pathologies lourdes qui entraînaient un décès rapide. Par conséquent, de plus en plus de nos concitoyens qui souffrent de maladie chronique sont classés en ALD.
Cela nous amène à constater que ces ALD pèsent lourdement sur le budget de la sécurité sociale et sur les dépenses de l’assurance maladie. Frédéric van Roekeghem, le directeur de la CNAM, nous le dit assez régulièrement : 80 % de la progression des dépenses de l’assurance maladie sont liées aux ALD. Par conséquent, ne faut-il pas s’y intéresser d’un peu plus près ?
C’est ce que fait le Gouvernement en prenant une initiative. Mais, je le dis en tant que rapporteur, cette initiative est en quelque sorte un coup d’épée dans l’eau.
Je m’interroge sur les arrière-pensées de notre collègue Guy Fischer lorsqu’il dénonce les intentions qui sont celles du Gouvernement derrière les mesures que ce dernier veut faire adopter au Parlement à travers ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
N’avons-nous pas fait preuve de suffisamment de pédagogie à son égard pour qu’il comprenne comment va fonctionner le système ou serait-il quelque peu de mauvaise foi lorsqu’il dénonce le fait que le Gouvernement ne veut plus permettre le bénéfice d’une prise en charge à 100 % aux personnes qui souffrent d’ALD ?
Ce qu’il vient de dire est tout à fait inexact et Mme Bachelot, avec les qualités pédagogiques qui sont les siennes, se montrera sans doute plus convaincante que je ne le serai moi-même.
Les personnes aujourd'hui en ALD, en dehors de cette disposition, bénéficient d’une prise en charge à 100 % pour leur pathologie et le suivi de celle-ci. Toute pathologie – une bronchite ou un rhume, par exemple – qui apparaît en même temps qu’une affection de longue durée n’a pas forcément un lien avec cette pathologie chronique dont souffre le malade, d’où l’intérêt de l’ordonnance bizone à laquelle vous avez fait référence et qui permet des taux de remboursement différents.
Mme Annie David. C’est ce qu’a dit M. Guy Fischer !
M. Alain Vasselle, rapporteur général. Quelles seront les conséquences de cet article ? La personne en ALD continuera à bénéficier de la prise en charge à 100 % du suivi de sa maladie après la rémission. En cas de rechute, elle sera de nouveau classée en ALD et prise en charge à 100 % pour le traitement de sa pathologie.
M. Alain Vasselle, rapporteur général. Si la maladie ne nécessite pas de traitement particulier, on considère que la personne connaît une rémission. Et c’est là que nous voulons corriger les choses, car la personne continue de souffrir du regard social même si elle connaît une rémission et si l’on peut considérer qu’elle est libérée de sa maladie.
Par exemple, dans le cas d’une demande de prêt, l’organisme bancaire n’accordera pas à une personne qui a souffert d’un cancer pendant quatre ou cinq ans, même si elle connaît une rémission, des conditions identiques à celles qui prévalent pour les personnes ne souffrant d’aucune pathologie lourde.
Je proposerai par amendement que nous allions un peu plus loin pour tenir compte des recommandations de la Haute Autorité de santé ; mais j’y reviendrai.
Par conséquent, mes chers collègues, vous comprendrez que nous ne puissions pas accepter vos amendements de suppression, même si nous partageons les mêmes préoccupations que les vôtres.
M. Guy Fischer. Ah !
M. Alain Vasselle, rapporteur général. Je tiens quand même à affirmer très clairement et très nettement que cet article n’entraîne pas la suppression de la prise en charge à 100 %, contrairement à ce qu’a affirmé à l’instant même M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. Alain Vasselle, rapporteur général. Mme la ministre vous le confirmera dans un instant.
M. le président. Avant de demander l’avis du Gouvernement, permettez-moi d’évoquer la mémoire de l’un de nos anciens collègues, Jacques Descours Desacres, qui s’insurgeait contre l’utilisation des sigles.
Sur des sujets aussi importants, il conviendrait, pour les profanes, de parler d’affections de longue durée plutôt que d’ALD !
M. François Autain. On n’y pense pas !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cette discussion tout à fait fondamentale permet d’aborder la question des affections de longue durée. Cette définition large recouvre plusieurs maladies logées à la même enseigne.
Les unes sont chroniques. On peut, hélas, considérer que leur nombre ne fait que progresser et que, d’une certaine façon, on n’en guérit pas. Dans ce cas, il n’y aura bien évidemment aucun processus de sortie du dispositif des ALD.
Les autres comportent une phase active et une phase de guérison évidente. Personne ne conteste, par exemple, la sortie du dispositif lors de la guérison des maladies infectieuses telles que la tuberculose, la lèpre ou la bilharziose. Avec les progrès de la médecine, on guérit de maladies autrefois considérées comme incurables.
Certes, la destinée humaine étant ce qu’elle est, je suis désolée de vous annoncer une bien mauvaise nouvelle en cette belle matinée de samedi, mesdames, messieurs les sénateurs : nous sommes tous destinés à mourir ! (Sourires.)
M. François Autain. Ça c’est un scoop !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est une histoire terrible ! On peut toujours, pour tout ce qui nous concerne, parler de rémission, mais l’issue fatale est acquise.
M. François Autain. Nous sommes tous en rémission !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oui, monsieur Autain, nous sommes tous en rémission !
Nous savons donc maintenant que l’on guérit des maladies dont je parlais, et ce qui était inimaginable, voilà quelques années, est maintenant rendu possible. Les chiffres sont là et le rapport de l’Institut national du cancer – je n’ai pas dit INCa, monsieur le président ! (Sourires.) – est très clair : aujourd'hui, de nombreuses personnes guérissent de leur cancer et ce sera de plus en plus fréquent dans le futur. Bien que faisant partie des affections de longue durée, les cancers ne sont donc plus tous des maladies chroniques et c’est en cela qu’il convient de faire cette différence.
L’amendement n° 143, défendu par Mme Jarraud-Vergnolle, vise à supprimer l’article 29, au motif qu’il devrait appartenir au médecin traitant de juger de l’état du patient.
J’ai, bien entendu, la volonté de laisser au médecin traitant la place qui lui incombe dans l’évaluation de la santé de son patient et du bien-fondé de prolonger ou non le bénéfice du dispositif des ALD. En aucun cas cet article ne remet en cause le rôle du médecin traitant et il ne constitue absolument pas une mesure couperet.
Nous proposons, dans le cas d’un cancer, de ne renouveler l’ALD au-delà de la durée d’exonération initiale de cinq ans que si la poursuite d’une thérapeutique lourde ou la prise en charge de séquelles liées à la maladie imposent un traitement.
Pour le cas d’un cancer qui était guéri et qui ne nécessitait plus de traitement, on était dans une situation absurde. On ne sortait pas le malade qui était objectivement guéri du dispositif des ALD uniquement parce que l’on savait qu’il aurait besoin d’examens de contrôle et que ceux-ci ne seraient plus pris en charge à 100 % s’il était sorti du dispositif !
Voilà pourquoi nous vous proposons aujourd’hui, avec cet article, une amélioration en permettant au malade guéri de bénéficier d’une prise en prise en charge à 100 % de ses examens de contrôle et de sortir du processus morbide qui le maintenait dans la case « affection de longue durée ». Cet élément est tout à fait capital pour sa réinsertion familiale, professionnelle et sociale en raison des conséquences sur tous les systèmes d’assurance. Vous connaissez tous les réels problèmes auxquels se heurtent les personnes malades pour être assurées !
Par conséquent, cet article constitue un vrai progrès dans la prise en charge des malades.
Bien entendu, une patiente atteinte d’un cancer du sein - peut-être certaines d’entre nous sont-elles dans ce cas - qui suit une hormonothérapie de type tamoxifène verra son ALD renouvelée. Mais, grâce à la mesure que je propose, l’examen de contrôle que passera la patiente guérie de son cancer du sein sera pris en charge à 100 %, même si elle est sortie du dispositif. Il s’agit donc d’un progrès de la prise en charge. Il ne faut donc évidemment pas supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’intervention de Mme Jarraud-Vergnolle, et je suis abasourdi qu’on puisse tenir de tels propos dans cette enceinte. Dire à tous les malades du cancer qu’ils sont non pas guéris mais en rémission, c’est...
M. Nicolas About. ... Désespérant !
M. Gilbert Barbier. Eh oui !
Tel que Mme Jarraud-Vergnolle l’a utilisé, le terme de « rémission » est scandaleux ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mes chers collègues, laissez-moi vous parler de mon expérience. J’ai été chirurgien infantile pendant dix ans dans les années soixante et soixante-dix. À cette époque j’ai eu l’occasion d’opérer de jeunes enfants du cancer, et je rencontre encore certains d’entre eux aujourd’hui dans la rue cinquante ans après.
Un sénateur UMP. On a tous des patients comme ça !
M. Gilbert Barbier. Je n’imagine pas de dire à ces personnes qu’elles sont en rémission et qu’elles ne sont pas à l’abri d’une nouvelle rechute !
Vous pouvez discuter de la durée à partir de laquelle un patient sort du dispositif ALD - cinq, dix, quinze ans - mais je peux vous dire, en m’appuyant sur mon expérience personnelle, que certains malades, notamment des enfants, sont définitivement guéris de leur cancer. Ne désespérons donc pas toute une population ! Le texte présenté par le Gouvernement permet à ces malades d’être reconsidérés sur le plan social, et, sur le plan moral, cela me semble important pour eux.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Panis, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Panis. Pour ma part, je suis plus qu’outrée par les propos qui ont été tenus ; notre collègue Gilbert Barbier vient justement d’aborder le problème.
Il est vrai qu’aucun médecin ne peut affirmer de manière définitive qu’un patient est guéri ; il peut simplement le présupposer. Mais tout le monde sait que, pour cette maladie, la guérison intervient à 50% par le médical et à 50% par le mental.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Exactement.
M. François Autain. Certaines fois ça ne suffit pas, malheureusement !
Mme Jacqueline Panis. L’avancée qui nous est proposée est justement très positive. Permettre à une personne de sortir de l’ALD équivaut à entériner une amélioration de son état de santé. Puisque cette personne continue de bénéficier de la prise en charge de tous les examens relatifs à l’affection dont elle souffrait, elle reste financièrement à l’abri. Qu’y a-t-il à redire ?
Par ailleurs, si la personne peut retrouver la possibilité de contracter une assurance pour ses acquisitions futures, croyez-moi, cela l’aidera, cela rassurera également sa famille, puisque sera ainsi levée l’entrave que représente la maladie pour les patients désireux de contracter un emprunt. Il faut sortir de ce débat la tête haute, et je rejoins tout à fait les propos de M. le rapporteur général. Bravo pour cet article, je le vote des deux mains ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je souhaite revenir sur les propos qui ont été tenus tout à l’heure par nos collègues socialistes en particulier. Il est inadmissible, dans cette enceinte, de dire aux malades porteurs de cancer qu’ils ne peuvent pas guérir.
Soyons honnêtes : quand on regarde l’évolution des soins sur le cancer, on s’aperçoit que le cancer de l’enfant, le cancer de l’adolescent, guérit pratiquement neuf fois sur dix aujourd’hui. Le cancer de l’adulte, quant à lui, guérit régulièrement. Certains cancers connaissent des rémissions longues. La moyenne d’âge d’un malade porteur d’un cancer étant supérieure à soixante-cinq ans, il y a une rémission longue de dix, quinze ou vingt ans, ce qui constitue un gain de vie assez considérable, avec un confort de vie extrêmement important.
Je ne reviendrai donc pas sur ce qu’a dit M. Gilbert Barbier, je suis complètement d’accord avec lui : les propos qui ont été tenus ici sont scandaleux, et le message qui est envoyé à l’extérieur n’est pas respectueux des malades porteurs du cancer.
L'article tel qu’il est proposé constitue, comme le soulignait Mme la ministre, un progrès considérable. Le malade guéri qui sortait de l’ALD n’avait en effet plus droit à une surveillance prise en charge à 100 %. La nouvelle proposition permet à nouveau une prise en charge de la surveillance et des examens à 100 %, comme le demande la Haute Autorité de santé.
M. François Autain. Bref, ça ne change rien !
M. Alain Milon. C’est donc un article extrêmement important, qu’il faut voter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. En êtes-vous si sûre ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je reste un peu perplexe devant la création de ce secteur que l’on pourrait qualifier de « post-ALD », malgré les explications de M. le rapporteur, de Mme la ministre, et de certains de nos collègues qui voient sans doute leur métier de médecin prendre le pas sur leur devoir de législateur.
Mme Jacqueline Panis. Je ne suis pas médecin !
Mme Annie David. Madame Panis, il est vrai que vous n’êtes pas médecin, mais MM. Barbier et Milon nous ont parlé en termes plus médicaux que législatifs...
M. Gilbert Barbier. J’ai fait part de mon expérience !
Mme Annie David. Certes, mais nous ne sommes pas tous médecins, ici ! C’est pourquoi j’aimerais également vous faire part de mon sentiment sur ce secteur post-ALD que vous voulez créer et sur la façon dont je le conçois, même si elle n’est peut-être pas suffisamment médicale. En effet, au nom d’une prétendue générosité le Gouvernement voudrait améliorer la prise en charge de patients qu’il a pourtant jusqu’alors traités avec la plus grande suspicion – nous allons examiner dans quelque temps les fraudes, les dépenses des malades en quelque sorte « irresponsables »...
Mme Annie David. ... puisqu’ils dépensent trop.
Dans un contexte de déficit accru des comptes de la sécurité sociale, ce secteur post-ALD permet donc la seule prise en charge à 100% des actes médicaux et examens biologiques liés à la pathologie classante. Tous les actes ne seront donc plus pris en charge, contrairement au régime ALD, qui permet la prise en charge à 100 % de tous les actes considérés comme nécessaires au suivi du malade pour la pathologie classante qu’il a développée.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si c’est nécessaire, le malade passera de nouveau en régime ALD !
Mme Annie David. C’est en tout cas ce que je comprends à la lecture de cet article, et c’est également ce que lisent les associations des malades en ALD, d’ailleurs très circonspectes à son propos. Tout d’abord, ces associations notent le décalage entre l’exposé des motifs de la disposition, qui ne désigne que les malades du cancer, et la portée du dispositif, qui vise dans les faits tous les malades en ALD.
Mme Annie David. Le Gouvernement a-t-il étudié l’impact d’une telle mesure sur tous les types d’affection de longue durée ? Vous nous opposez chaque fois l’argument de l’étude d’impact, mais en avez-vous une à nous proposer, madame la ministre ?
Par ailleurs, ces associations témoignent d’échanges menés entre la Haute Autorité de santé, qui est l’instigatrice de cette mesure, et la caisse d’assurance maladie, pour que le passage du secteur ALD vers ce nouveau secteur post-ALD puisse intervenir avant la fin de la période fixée pour l’octroi de prise en charge à 100 %. Ainsi un malade du cancer bénéficiant du régime des affections longue durée pour cinq ans, jugé guéri ou en rémission, pourrait se voir orienté au bout de deux ans vers ce nouveau régime. Cette mesure, loin d’être magnanime, vise donc dans les faits à faire réaliser des économies à l’assurance maladie.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Non, c’est faux !
Mme Annie David. À moyen terme, ce second secteur, qui se substituera probablement au premier secteur ALD, permettra effectivement de réduire le périmètre de la prise en charge à 100 % des malades dont l’état réclame pourtant la mobilisation de la solidarité nationale.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est une mauvaise interprétation !
Mme Annie David. En outre, le problème a été posé de sorte à laisser penser que les patients en affection de longue durée bénéficient d’une couverture à 100 % de tous leurs examens médicaux. Or ce n’est pas le cas, vous le savez, vous l’avez d’ailleurs rappelé, tout comme mon collègue Guy Fisher. L’ordonnance bizone a d’ailleurs été créée pour cette raison, afin de marquer la distinction entre ce qui relève de la pathologie classante, et les autres maladies, qui n’ont aucun lien avec celle-ci. Je n’ai donc pas été convaincue par vos arguments, mes chers collègues, et je voterai ces amendements de suppression.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cela n’a pas de sens !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Je souhaite faire remarquer à nos collègues qui poussent des cris d’orfraie d’autant plus forts qu’ils s’adressent aux socialistes, que j’ai été beaucoup plus modéré.
M. Bernard Cazeau. J’ai été, monsieur Barbier, beaucoup plus modéré dans mon expression, puisque j’ai seulement dit que j’étais troublé, me limitant à poser des questions.
Je comprends très bien votre argument, monsieur Barbier, mais le terme « scandaleux » m’a choqué. Je comprends ce que vous dites lorsque vous parlez du patient que vous avez opéré à l’âge de cinq ans d’un cancer, d’un sarcome de la jambe, par exemple, patient sur lequel vous avez pratiqué une amputation, et que vous rencontrez vingt ans plus tard alors qu’il est guéri.
Mais il faut aussi considérer que cet individu, comme la plupart de ceux qui sont atteints d’un cancer, dans la majeure partie des cas, n’est pas guéri de manière sûre et certaine. Ces patients ont des séquelles, plus ou moins importantes, mais ils ont aussi une fragilité extrêmement forte. Quand un patient a contracté un cancer du poumon, même s’il en a réchappé, s’il a subi une omectomie partielle par exemple, il conserve une fragilité.
Je suis donc inquiet de votre proposition. Vous acceptez de prendre en charge le suivi, et de faire repasser le patient au secteur ALD en cas de récidive. Mais cela risque de provoquer à la marge – et, je le crains, pas seulement à la marge - des conflits à propos des prises en charge ALD de suivi entre le médecin traitant, à qui vous donnez tout pouvoir, et le médecin conseil, qui conserve malgré tout le pouvoir de décision. Le temps que les choses soient réglées, vous aurez retardé d’autant le processus, et peut-être causé des problèmes aux personnes peu fortunées qui éprouveraient des difficultés à effectuer le suivi dont vous parlez dans un certain nombre de cas.
Il me semble, ainsi que l’a dit M. Fisher, qu’il faudrait d’abord dépoussiérer les ALD, qui datent d’au moins 25 ou 30 ans.
M. Alain Vasselle. C’est sûr !
M. Bernard Cazeau. Car il y a sans doute au sein des ALD un certain nombre de maladies - pas les cancers – pour lesquelles il faudrait introduire de la subtilité. Il y a également des économies à faire dans ce secteur.
M. François Autain. Oh, oui !
M. Bernard Cazeau. Une étude d’impact sur la sortie du secteur ALD serait également utile. On ne peut pas en organiser la sortie comme cela, au détour d’un article ! Cette mesure relève d’ailleurs davantage du plan cancer II que du PLFSS. Mais il faut en étudier les conséquences à travers le PLFSS. En se pressant, on ne mesure pas les conséquences qu’il y aura dans ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je comprends Mme David lorsqu’elle énonce que nous ne sommes pas ici pour avoir une discussion médicale. Certes, nous sommes des législateurs et finalement peu importe que nous soyons médecin, pharmacien, ou encore cadre, ouvrier, ou...
M. Guy Fischer. Vétérinaires !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Au demeurant, il n’est pas inutile d’aborder cette question sous un angle médical, puisque c’est précisément la ligne philosophique suivie par le Gouvernement en cette matière. Nous appuyant sur les autorités scientifiques, nous avons adopté une approche strictement médicale de la notion d’affection de longue durée.
Il convient véritablement de prendre acte des progrès considérables de la médecine. Des malades qui étaient cantonnés au statut de malade peuvent désormais en sortir. Reprenant les très beaux propos tenus par Mme Panis tout à l’heure, je dirai à mon tour que, au cours du processus de guérison, le mental est au moins aussi important que la thérapeutique chimique ou radio-thérapeutique. Nous avons tous pu le constater pour nous-mêmes ou notre entourage.
Monsieur Barbier, les considérations quelque peu philosophiques sur l’inéluctabilité de notre condition humaine dans lesquelles je suis entrée tout à l’heure ont pu vous blesser ou vous choquer. Guérir, c’est en sorte se retrouver dans la situation telle que le risque de décès est égal à celui de la population du même âge et du même sexe.
En se fondant sur cette définition, qui est reconnue par la communauté médicale, on peut considérer que l’on guérit d’un certain nombre de cancers, parfois même sans séquelles. Bien évidemment, monsieur Cazeau, si un traitement en rapport avec l’affection s’avère toujours nécessaire, le régime de l’ALD perdure.
Ne voyez donc pas dans ma démarche une quelconque volonté de revenir sur le progrès social tout à fait considérable qu’est la prise en charge des ALD !
M. Guy Fischer. M. Van Roekeghem dit le contraire !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous l’avez dit, il convient de « dépoussiérer » le régime des ALD. C’est précisément l’objectif de la Haute Autorité de santé.
Le Gouvernement vous demande donc de suivre ses préconisations, en particulier en ce qui concerne la prise en charge du cancer, qui n’est en rien menacée par cet article. Il vous propose simplement de faire en sorte que les examens de suivi d’une personne guérie continuent d’être pris en charge à 100 %.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’une avancée sociale tout à fait notable : tenir compte des avancées scientifiques considérables tout en continuant à prendre en charge à 100 % les examens de suivi des personnes guéries.
M. Guy Fischer. Il y a anguille sous roche !
M. le président. La parole est à M. le docteur François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Monsieur le président, vous auriez pu vous dispenser de m’appeler docteur, ce qui risque de « contaminer » le débat ! (Sourires.) Au demeurant, j’ai été médecin, je ne peux pas le nier !