Mme Odette Terrade. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'amendement n° 187.
M. Jean-Claude Danglot. Cet amendement de nos collègues du groupe UMP est intéressant. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. C’est bien le seul !
M. Alain Fouché. Mais…
M. Jacques Gautier. Attendons la suite !
M. Jean-Claude Danglot. Il ne faut pas grand-chose pour vous rendre heureux ! (Sourires.)
Il s’agit, nous dit-on, de confirmer le rôle de La Banque Postale en tant qu’opérateur financier du groupe La Poste et, par la même occasion, de préserver l’unité du groupe.
En apparence, cet amendement, tel qu’il est rédigé, présenterait toutes les garanties souhaitables pour faire de La Banque Postale un acteur essentiel d’un véritable service public financier.
Oui, mais voilà ! Rien, pour le moment, ne nous permet d’affirmer que nos collègues du groupe UMP, en particulier notre collègue Jackie Pierre, élu d’un département à la fois rural, montagneux et d’ancienne tradition industrielle, ont été quelque peu abusés par la forme.
En proposant une nouvelle rédaction pour l’alinéa 9 de cet article 2, ils permettent, certes, à La Poste d’intervenir dans les domaines bancaire, financier et des assurances, mais, de manière quasi exclusive, dans le champ de la concurrence et de l’application des seules règles du marché.
En effet, en matière bancaire, le projet de loi limite étroitement la mission de service public de La Poste à une accessibilité bancaire qui va faire des bureaux de poste de plein exercice le lieu de traitement de la clientèle la plus déshéritée, celle dont les autres banques ne veulent pas.
On ne fait pas, rappelons-le, d’opérations de tenue de comptes courants dans les agences postales communales ou les relais Poste commerçants, parce que cela est tout simplement un métier à contrainte très particulière.
Venons-en maintenant au problème du statut de la Banque Postale, dont nous avons eu l’occasion de souligner qu’elle n’avait été créée que par la voie d’un amendement de dernière minute dans le texte qui est devenu la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales.
Son existence avait motivé, auprès de la Commission de Bruxelles, le contentieux qui a abouti à la banalisation du livret A, consacrée par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.
Le problème de la Banque Postale est que son actionnariat est de moins en moins exclusivement public. En vertu du code monétaire et financier, s’agissant de la collecte du livret A, la Banque postale peut fort bien partager la détention du capital de l’établissement financier gérant l’encours.
Dans les faits, 49 % de l’établissement de gestion du livret A pourraient, demain, être détenus par d’autres personnes morales que La Poste ou La Banque Postale.
Permettez-moi de rappeler ici, mes chers collègues, même si cette information est passée pratiquement inaperçue, que La Poste est devenue une sorte de prestataire de services. Elle diffuse, en effet, depuis quelque temps, des produits d’assurance vie, des prêts immobiliers et d’autres services financiers de cette nature, notamment en partenariat avec la Société générale. À tel point, d’ailleurs, qu’on a observé voilà peu une évolution importante, celle d’accords de plus en plus évidents, comme le montre un communiqué commun aux deux établissements.
Ainsi, la Société générale, l’air de ne pas y toucher, est récemment entrée dans La Banque Postale par le biais d’une opération d’abondement des quasi-fonds propres de l’une des filiales de La Banque Postale.
C’est donc pour tous ces motifs, conformément à notre opposition de principe à la filialisation de La Poste, notamment de ses services financiers, et parce que nous pensons que l’amendement qui nous est ici proposé est parfaitement contraire, dans son application, à ce qu’il prétend défendre, que nous voterons contre celui-ci.
Mme Odette Terrade. Très bien !
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 282 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 459.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’alinéa que nous vous proposons de supprimer vise à autoriser La Poste à exercer ses activités à l’international.
Cette disposition illustre toute la philosophie de la libéralisation telle qu’elle est prévue par les directives européennes.
Dans cette logique, les monopoles nationaux sont démantelés, les activités ouvertes à la concurrence pour permettre, dans un même élan, aux entreprises nationales d’aller s’implanter à l’étranger, mais également aux entreprises étrangères de venir concurrencer l’ancien opérateur public.
Dans quel objectif ? Il s’agit de faire jouer la saine émulation entre les différents opérateurs, émulation porteuse de baisse des tarifs et d’un service amélioré, selon les chantres du libéralisme.
La réalité est bien différente, notamment si l’on observe un secteur qui n’est pas tellement différent de celui des activités postales, à savoir celui des télécommunications. Ainsi, l’ouverture à la concurrence de ce secteur et la privatisation de France Télécom ont conduit à une dégradation totale des conditions salariales ; par ailleurs, les opérateurs se sont mis en cheville pour pratiquer des tarifs abusifs.
Il est maintenant urgent de procéder à une révision totale des politiques de libéralisation.
Plutôt que de transformer les opérateurs publics en géants économiques, justification à la privation de GDF et au changement de statut de La Poste, il serait plus intéressant de travailler à des coopérations européennes entre les différents services publics nationaux.
Cette possibilité d’aller s’implanter à l’international a, par le passé, été source de grandes désillusions pour les entreprises françaises. Des milliards ont été engloutis dans des projets pharaoniques, alors que le financement du service public est en berne.
Se lancer dans ce jeu de Monopoly à l’échelle internationale n’a de sens que pour des actionnaires avides de retour sur investissements ; en revanche, pour le service public, l’intérêt est nul.
Je rappelle que cette politique s’est soldée chez France Télécom par un déficit de 70 milliards d’euros, entraînant plan de restructuration et suppression de personnels.
Les différentes opérations de fusion-acquisition représentent des centaines de milliards d’euros gâchés à l’échelle européenne.
Pour cette raison, nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer cet alinéa.
Mme la présidente. L'amendement n° 283, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer les mots :
ou indirectement
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Préalablement à la présentation de mon amendement, je tiens à dire que j’approuve totalement les propos de Mme Assassi : je suis favorable à la constitution d’un service public postal à l’échelle européenne et opposé à ces jeux de Monopoly boursier et de fusions-acquisitions au niveau européen, qui ne feront que dégrader la qualité du service et les conditions de travail des personnels.
À travers cet amendement, je souhaite que La Poste se concentre sur ses missions de distribution du courrier et des colis. Elle seule ou ses filiales, qu’elle doit détenir à 100 %, peuvent les assurer.
L’objectif de La Poste, en tant qu’entreprise publique, est d’assumer des missions d’intérêt général profitables à l’ensemble des usagers et d’utiliser à bon escient ses ressources financières.
Alors pourquoi habiliter celle-ci à exercer des activités trop éloignées de ses missions et contraires à ses engagements, notamment en matière de développement durable ?
Pourquoi encourager, par exemple, les filiales du groupe La Poste à développer des services inutiles et polluants ? Je vise ici la publicité dans les boîtes aux lettres.
Mediapost est la plus importante filiale courrier du groupe La Poste. Cette société est spécialiste de la communication ciblée en boîte aux lettres. Je vous cite un extrait de leur site internet – décidément, les sites internet des entreprises sont des mines de renseignements – : « En mettant au service des annonceurs son expertise géomarketing, ses moyens logistiques et les compétences de ses distributeurs professionnels, Mediapost permet à ses clients de s’adresser directement aux 62 millions de Français par l’intermédiaire des 26 millions de boîtes aux lettres référencées dans ses bases de données. »
Le chiffre d’affaires de Mediapost est d’environ 430 millions d’euros.
Pour résumer, la principale filiale de La Poste est responsable d’une pollution marketing phénoménale. Chaque année, plus d’un million de tonnes de courriers sont faits de publicités, de journaux gratuits ou de courriers non adressés. Chaque foyer rejette tous les ans 35 kilogrammes de déchets.
Pendant que, d’un côté, le ministère de l’environnement et les collectivités territoriales s’échinent à distribuer des autocollants « Stop pub » – dont j’ai d’ailleurs apposé un exemplaire sur ma boîte aux lettres, sans grand succès – afin de limiter le gaspillage de papier, de l’autre, La Poste, via des filiales comme Mediapost, qui est aussi très bien implantée à l’étranger, exerce une activité nuisible à la société, dont le seul objectif est d’inciter à la surconsommation.
C’est pourquoi je souhaite, par cet amendement, limiter les activités de La Poste aux seules activités qui se rattachent directement à ses missions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’amendement n° 50 vise à supprimer le dixième alinéa de l’article 2 du projet de loi. Or je ne vois aucune raison d’empêcher La Poste d’exercer les activités complémentaires mentionnées dans cet alinéa. Ce serait desservir ses usagers et ses clients. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 283, quant à lui, vise à interdire à La Poste d’exercer des activités qui se rattacheraient seulement de manière indirecte à ses missions et à ses activités telles qu’elles sont définies par la loi. Pourquoi limiter ainsi leur champ ? Laissons « bouger La Poste », comme le déclamait autrefois un slogan qui connut son heure de gloire, ne l’immobilisons pas. Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Ces deux amendements visent, pour l’un, à supprimer le dixième alinéa de l’article 2 du projet de loi et, pour l’autre, à en restreindre le champ.
Il est tout à fait exact de dire que La Poste doit d’abord se concentrer sur ses missions de service public. Mais pour pouvoir les assumer correctement et faire face aux évolutions, il ne faut pas lui interdire de remplir un certain nombre de missions annexes ou connexes.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'amendement n° 50.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement soulève une question fondamentale qui sous-tend nos débats depuis le début de la semaine : quelles sont les missions que doivent remplir les opérateurs de service public ?
Ouvrir le capital de La Poste pour lui permettre de se développer à l’international dans des conditions où elle ne sera porteuse d’aucun impératif d’intérêt général ne constitue pas un progrès.
Le progrès, pour La Poste, monsieur le ministre, c’est de déployer son réseau, de le conforter pour permettre l’égalité de tous devant le service public et un aménagement harmonieux du territoire.
Le progrès, pour La Poste, c’est de renforcer le service public bancaire en proposant à tous, et non au plus grand nombre, des prestations.
Vos arguments sont donc périmés. Je vous rappelle que vous en avez utilisé d’identiques lors de la privatisation de GDF : permettre son essor à l’international pour en faire un champion européen. On ne peut pas dire que cet essor ait été spectaculaire. En revanche, les citoyens ont été spoliés de leur patrimoine.
Nous considérons donc que La Poste doit rester sous maîtrise publique, que son activité doit être dédiée à l’intérêt général. Des coopérations peuvent bien entendu exister, mais à condition qu’elles soient fondées sur l’utilité sociale.
La crise que nous traversons aurait dû vous alerter sur les dangers de la finance. Mais il semble que vous soyez passé à autre chose, préparant peut-être déjà la prochaine crise, qui sera encore plus difficile pour nos concitoyens parce que vous détruisez méthodiquement toutes les garanties sociales.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. L’amendement présenté par le groupe CRC-SPG soulève une vraie question.
Lors de son intervention liminaire dans la discussion générale – c’était lundi ; il y a déjà bien longtemps ! –, M. le ministre de l’industrie nous a dit : attention, les gros concurrents vont venir chez nous et nous aurons bien des difficultés à maintenir un service public de qualité.
Je suis favorable à un service public européen. Croyez-vous que j’approuve le fait que La Poste puisse faire à l’étranger ce que l’on redoute que ses concurrents fassent en France ? La Poste, au lieu de se concentrer en France sur sa mission de service public, va jouer dans les autres pays le même rôle négatif que ses concurrents vont jouer en France. Elle va rechercher les segments les plus rentables, si bien que les services publics des autres pays auront des difficultés à survivre.
Je ne veux pas donner à La Poste les moyens de faire à l’étranger ce que l’on n’a pas envie que d’autres fassent en France.
Je comprends fort bien que nos avis divergent sur ce point. Je considère que nous devons construire un service public européen. On doit travailler en coopération afin de ne pas rechercher le moindre coût, la moindre qualité, pour le seul plaisir, à terme, des actionnaires ou des grands dirigeants de l’entreprise.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Après la grande explication de M. Desessard, je souhaite simplement obtenir une précision afin d’orienter mon vote.
Mon cher collègue, vous avez bien décrit l’entreprise – 400 millions de chiffre d’affaires, une activité qui marche –, mais vous ne nous avez pas indiqué quels sont ses effectifs.
Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris la solution que vous proposez. Si vous supprimez cette activité parce qu’elle marche, combien de personnes seront-elles concernées ? En effet, cela est contraire à votre philosophie.
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous ne l’avez pas écouté !
M. Jean Desessard. Je me suis exprimé non pas sur mon amendement n° 283, mais sur l’amendement n° 50 du groupe CRC-SPG !
M. Charles Pasqua. À quoi le débat sert-il si M. Desessard ne répond pas à la question posée ?
M. Jean Desessard. Je répondrai !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’amendement n° 283.
M. Jean Desessard. Monsieur Dominati, j’ai bien compris que ce n’est pas le nombre exact de personnes qui vous intéressait. Vous vouliez montrer que cet amendement, par lequel je souhaite supprimer des activités inutiles, va accroître les difficultés d’un certain nombre de travailleurs en France.
M. Philippe Dominati. Des personnes vont être licenciées !
M. Jean Desessard. Les licencier, les conduire au chômage. J’ai bien compris.
Monsieur Dominati, nous touchons au cœur du débat politique. Depuis le début de la discussion, vous nous reprochez d’avoir déposé des amendements pour le simple plaisir de discuter jusqu’à dimanche soir.
Mme Odette Terrade. Jusqu’à lundi matin !
M. Jean Desessard. Nous sommes au cœur du sujet : faut-il garder des emplois utiles, même si les personnes n’ont pas assez de travail, parce qu’ils assurent une présence humaine indispensable (M. Alain Gournac s’esclaffe), quitte à rechercher les financements nécessaires ? Ou bien faut-il, au nom de la logique capitaliste, seules les grandes sociétés ayant les moyens de faire distribuer des prospectus dans les boîtes aux lettres, conserver les emplois correspondant.
Cela relève d’un choix de société. Doit-on créer des métiers tels que les distributeurs de prospectus ou doit-on promouvoir, dans les territoires ruraux et dans les banlieues, des agents de développement qui rendent service aux gens, dans des vrais bureaux de poste ?
Je vous remercie, monsieur Dominati, de m’avoir permis de poser la bonne question : quel type d’emplois souhaitons-nous aujourd’hui en France ?
M. Alain Gournac. Le plein emploi !
M. Jean Desessard. Voilà la bonne question et mon amendement y répond complètement.
M. Philippe Dominati. Je vous ai demandé combien d’emplois vous supprimiez.
M. Pierre-Yves Collombat. On en crée ailleurs ! (M. Jean Desessard opine.)
M. Philippe Dominati. Vous ne m’avez pas répondu !
Mme la présidente. L'amendement n° 587 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Charasse et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard et Milhau, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le groupe La Poste tel que défini au deuxième alinéa du présent article est soumis aux dispositions législatives applicables au droit commun des sociétés dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente loi. »
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, je rectifie de nouveau cet amendement en remplaçant les mots : « au deuxième alinéa » par les mots : « au premier alinéa ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 587 rectifié bis, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Charasse et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard et Milhau, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le groupe La Poste tel que défini au premier alinéa du présent article est soumis aux dispositions législatives applicables au droit commun des sociétés dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente loi. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement vise à confirmer l’unité et l’indivisibilité du groupe La Poste. Les filiales doivent, quand elles exercent des missions de service public, pouvoir obtenir un régime dérogatoire au régime de droit commun.
Il s’agit donc de soumettre les filiales du groupe public La Poste aux exigences des missions de service public qui lui sont dévolues, en instaurant la possibilité d’un régime dérogatoire si le droit commun va à l’encontre des missions de service public assurées par les filiales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Compte tenu de la rectification qui a été apportée, je suis favorable à cet amendement, lequel reprend une disposition similaire figurant à l’article 1er et qui concerne la maison mère.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Chère madame Escoffier, vous savez combien est grand mon désir de vous donner satisfaction. (Sourires.)
Mme Odette Terrade. Vous ne dites pas cela à tout le monde ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Caffet. Cela ressemble à du Charasse !
M. Michel Mercier, ministre. Je ne dirais pas que l’empressement du rapporteur est suspect, mais il peut être intéressé.
Aux termes de votre amendement, le groupe La Poste – c’est-à-dire La Poste et ses filiales qui constituent un groupe public – tel qu’il est défini à l’article 2 du projet de loi, qui remplit des missions de service public, est soumis au droit commun dans la mesure où ces dispositions du droit privé ne sont pas contraires à l’exercice des missions de service public.
La difficulté tient au fait que l’objet de votre amendement contredit le dispositif que vous proposez.
En effet, dire que La Poste, avec ses filiales, est un groupe public qui remplit des missions de service et préciser que ce groupe est soumis aux dispositions législatives de droit commun lorsqu’elles ne sont pas contraires à la présente loi ne soulève pas de difficulté. C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 1er pour La Poste elle-même. En revanche, l’objet de l’amendement stipule le contraire et je me vois donc contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Escoffier. Je vous remercie du sourire avec lequel vous avez accompagné votre avis, monsieur le ministre. Serait-il envisageable de remplacer l’objet de mon amendement, qui est en effet d’une rédaction maladroite, par les propos que j’ai tenus et qui me semblent répondre à l’attente de chacun d’entre nous ? (Ah ! sur plusieurs travées.)
Mme la présidente. Madame Escoffier, tous ces échanges figureront dans le compte rendu intégral des débats. Il n’est donc pas nécessaire de revoir la rédaction de l’objet de votre amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 587 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l'article 2.
M. Michel Teston. L’article 2 intègre dans la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom les quatre missions de service public qui figuraient jusqu’à présent dans divers textes : dans le contrat de service public entre l’État et La Poste, dans un décret de 2007 ainsi que dans le code des postes et des communications électroniques.
Nous considérons que les missions de La Poste ne sont pas définies avec suffisamment de précision, même si elles sont reconnues, quel que soit par ailleurs le statut de La Poste. Je me permets de rappeler une nouvelle fois que nous sommes contre le changement de statut.
M. Gérard Cornu, vice-président de la commission de l’économie. Nous l’avions compris !
M. Michel Teston. Cela étant dit, nous avons réussi à faire adopter ce matin quelques amendements qui ont permis d’améliorer un peu le contenu de cet article.
Ces améliorations portent sur les points suivants : les missions de service public s’exercent du lundi au samedi ; le financement intégral et pérenne de ces missions ; la nature à 100 % public du groupe, sans autre précision ; le caractère unique du groupe afin d’éviter, autant que faire se peut, la vente par appartement de certaines activités.
Toutefois, au cours de l’après-midi, nous avons constaté que bon nombre de nos amendements, qui visaient à préciser encore le contenu des quatre missions de service public, ont été écartés sans ménagement par la majorité sénatoriale, après avis défavorable tant du rapporteur que du ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.
Nous tirons donc les conséquences de cette situation : nous nous abstiendrons sur l’article 2, même si sa rédaction ne nous satisfait pas pleinement, parce que nous ne voulons pas que les missions de service public ne figurent pas dans le projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Où en sommes-nous après ces jours de discussion ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Et ces nuits !
M. Pierre-Yves Collombat. Avec l’article 1er du projet de loi, La Poste perd son statut public. Elle devient ainsi potentiellement privatisable, donc libérable de ses obligations de service public. Émoi général !
D’où l’article 2, qui réaffirme les missions de service public de La Poste afin de bien démontrer à qui pourrait en douter qu’une société anonyme peut parfaitement assurer l’exécution du service public.
Mais dans le même temps, on refuse de mettre en place les moyens d’un financement intégral et pérenne de ces missions de service public. Autrement dit, on refuse de rembourser à La Poste le coût pour elle desdites missions de service public.
M. Jean Desessard. Excellent !
M. Pierre-Yves Collombat. On veut nous faire croire que ce refus est motivé par le fait que ce n’est pas le lieu de discuter de ces questions qui feront l’objet de l’article 2 ter.
Malheureusement, quand on consulte les propositions du Gouvernement et de la commission à l’article 2 ter, on s’aperçoit qu’elles ne changent strictement rien au dispositif actuel, qui, comme cela a été amplement démontré ici, non seulement est incapable d’enrayer l’exode postal, mais sert à financer le désengagement de La Poste. Celle-ci va se décharger de ses missions, notamment de l’accès aux services financiers, qui est l’une de ses missions essentielles, sur les communes et les habitants des secteurs ruraux qu’elle est censée innerver par le service postal.
En conclusion, au terme de ces longs jours de débat, le déménagement de La Poste peut continuer, et le Sénat y aura apporté, comme en 2005, sa contribution. Malgré les améliorations que nous avons pu obtenir, plutôt par surprise, sur cet article 2, celui-ci reste tout de même largement décoratif. C’est un trompe-l’œil, joliment dessiné, j’en conviens, mais, comme vous le savez, les trompe-l’œil sont dessinés sur des murs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bravo ! Tout est dit et bien dit !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le débat intéressant – et prévisible – que nous avons eu a montré que, si vous voulez bien inscrire plusieurs fois que La Poste est un service public, sa transformation en société anonyme est la suite à prévoir. Que le service public soit effectué par une entreprise publique ou par une autre société, c’est pour vous la même chose. Ce n’est pas du tout notre conception !
Nous avons proposé de revenir à la définition des missions de La Poste figurant dans la loi de 1990, mais vous avez refusé. Vous voulez bien énoncer un certain nombre de choses, et dire, par exemple, que La Poste est ouverte tous les jours de la semaine. Toutefois, cela ne change rien au fait que le passage en société anonyme signifie clairement que, selon vous, un service public peut être assuré autrement que par le service public.
Or l’expérience a montré que, quand le service est organisé par d’autres que le service public, c’est évidemment au détriment non seulement de l’emploi public, mais aussi des usagers et des collectivités locales, qui sont amenés à en payer le prix.
Le service public a bien sûr un coût et, dans la mesure où vous n’acceptez pas qu’il soit financé par des moyens publics, vous sortez de la logique et de la tradition qui est la nôtre.
Aussi, nous voterons contre cet article 2.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Cet article 2 a suscité beaucoup de débats et fait l’objet de nombreux amendements, qui ont été défendus avec passion par nos collègues pour tenter de faire évoluer le projet de loi.
Sur ce texte, la commission de l’économie avait déjà réalisé un travail remarquable, et un certain nombre de collègues et moi-même qui n’appartenons pas à cette commission, nous en sommes très reconnaissants à l’égard de ses membres, et particulièrement de M. le rapporteur.