Mme la présidente. L'amendement n° 473, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer les mots :
selon les règles de droit commun
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Au travers de cet amendement, il s’agit de réaffirmer une nouvelle fois notre opposition au changement de statut de La Poste, même si le seuil de l’irréversibilité semble avoir été franchi hier soir. Nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, mais nous estimons qu’il faut le répéter pour que chacun comprenne bien les enjeux de ce projet de loi.
Première raison de notre opposition au changement de statut, La Poste bénéficie, dans le cadre de son statut actuel, d’une autonomie financière de gestion qu’elle perdra si elle se place sous la coupe d’actionnaires. Or ses capacités et marges de financement ne sont pas si réduites s’il s’agit d’abord de développer son outil industriel et de répondre aux besoins de modernisation du service postal public en France.
Autre raison qui nous incite à nous opposer à ce changement : les risques de suppressions massives d’emplois, qui dégringolent par ailleurs de manière exponentielle depuis quelques années.
Or la question de l’emploi est particulièrement importante dans le contexte actuel.
Depuis plusieurs années, La Poste supprime des emplois par le biais du non-remplacement des départs à la retraite. Avec le changement de statut et la soumission au droit commun des sociétés anonymes, le rythme de ces non-remplacements risque de croître considérablement – le président de La Poste lui-même ne l’a pas nié.
Or, la situation actuelle, marquée par un accroissement du chômage sur fond de creusement des inégalités sociales, exigerait de la part de l’établissement public un plus gros effort en matière de maintien de l’emploi sur nos territoires.
Force est de constater que les besoins des populations en matière de services publics ne cessent de se réduire comme peau de chagrin, et, avec eux, les emplois.
Or ces emplois ont a priori la qualité d’être stables et de garantir un minimum de ressources à ceux qui les occupent. Cela contribue non seulement à alimenter et à consolider la croissance par le biais des dépenses des ménages mais aussi à renforcer la cohésion de notre société.
Monsieur le ministre, faire participer La Poste au plan de relance, c’est se battre contre des moulins à vent si l’on ne cherche pas à stabiliser l’emploi, c’est-à-dire le moteur de notre consommation, qui doit nécessairement soutenir la croissance.
Or, avec le changement de statut, la situation risque de se dégrader davantage, au moins dans le secteur concerné.
Enfin, progressivement, c’est aussi le corps des fonctionnaires qui va se réduire. Et c’est peut-être là l’objectif recherché, et, à notre avis, c’est là que le bât blesse. En effet, il faut le rappeler, La Poste a été un facteur important d’ascension sociale contribuant à renforcer la cohésion de notre société à travers la crédibilité de notre service public.
Comme le soulignait récemment la sociologue Marie Cartier, « Supprimer des emplois d’exécution à statut, c’est supprimer des protections, des voies possibles d’intégration à la société des catégories les moins pourvues de ressources scolaires, sociales, économiques… »
Bref, il s’agit ici, évidemment, d’évoquer l’ascenseur social.
L’opérateur postal historique a aussi contribué à créer du lien social et de la stabilité sociale grâce à des emplois qui se voulaient pérennes.
Le changement de statut accélérera plus encore cette détérioration.
Tels sont les éléments que je tenais à apporter au débat en présentant cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 47, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Afin de respecter ses objectifs en termes d'aménagement du territoire et de développement durable, La Poste s'engage à promouvoir un réseau de centre de tri diversifié, réparti sur l'ensemble du territoire, permettant un meilleur respect de l'environnement. Dans cette optique elle s'engage à maintenir l'ensemble des centres de tri actuellement ouverts sur le territoire.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement concerne le réseau des centres de tri.
Avec cet amendement, nous voulons réaffirmer notre profond désaccord sur la politique de fermeture des centres de tri de La Poste, qui porte atteinte aux droits des usagers, supprime abusivement des emplois utiles au regard des missions de service public de La Poste et est préjudiciable aux objectifs affichés, notamment dans le Grenelle de l’environnement.
En effet, les centres de tri départementaux sont progressivement fermés et regroupés dans des plates-formes régionales, les PIC ou plates-formes industrielles courrier.
Sous prétexte de modernisation, le maillage des centres de tri départementaux est lui aussi progressivement démantelé jusqu’à l’ouverture d’une quarantaine de PIC d’ici à 2012.
En réalité, un tel regroupement en PIC a permis de supprimer des emplois, puisqu’elles ont été construites en remplacement de plusieurs sites. Ces PIC sont des sites gigantesques, extrêmement mécanisés, conduisant à l’intensification du travail. Ils sont aussi implantés loin des centres-villes et des gares SNCF, comme nous le disions hier soir, ce qui allonge ainsi le temps de trajet des agents.
Ce n’est pas notre conception de la modernisation et nous ne pouvons l’accepter.
Notre groupe l’avait déjà dénoncé en 2005 lors de la discussion du projet de loi relatif à la régulation des activités postales. Depuis, les dégâts en termes d’emplois et de conditions d’exercice de la mission des postiers se sont amplifiés.
Par ailleurs, la question de l’environnement, dont La Poste nous rebat les oreilles, manque de perspective et d’envergure. En effet, ce n’est pas en imposant des trajets supplémentaires à leurs agents, en faisant des sites une concentration de camions que celle-ci affichera sa volonté marquée en matière d’environnement.
Ce processus a pour objectif la rentabilité, même si cela doit aboutir à une intensification de la circulation des camions autour des zones concernées.
Dans le département du Rhône, cher à M. le ministre et à notre collègue Guy Fischer, la construction de la plate-forme industrielle courrier Ain-Rhône, en remplacement des deux centres de tri du Rhône et de celui de Bourg-en-Bresse, a permis à La Poste de sabrer des emplois.
On a ainsi supprimé 400 emplois sur les deux départements au lieu d’améliorer les conditions de travail, comme l’a dit mon collègue, et la qualité du service rendu aux usagers.
Nous pourrions chiffrer précisément tous les centres de tri, sur le territoire, fermés pour cause de « modernité » et calculer précisément le nombre de suppressions de postes. La liste est vertigineuse !
Ce processus de logique d’abaissement des coûts et de rentabilité financière conduit inexorablement à la réduction massive du nombre d’emplois. Il n’est pas normal que les salariés et les usagers fassent les frais de cette politique alors que notre pays a besoin d’un service public postal fort, où la proximité gagne en lien social et contribue à faire reculer les inégalités.
Nous avons tout à gagner à préserver la proximité des centres de tri, faite pour assurer une meilleure distribution du courrier, dans le respect des délais, avec un service postal capable de répondre aux attentes de nos concitoyens, comme ils ont su nous le dire lors de la votation citoyenne.
C’est pourquoi nous proposons cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Sur l’amendement n° 48, la suppression de l’article mettrait en cause les missions de service public. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 381 de M. Teston précise que La Poste exerce ses missions hors service public « du lundi au samedi, dans le respect des intérêts des usagers ». Cependant, hors du service public, La Poste agit dans un secteur concurrentiel, il n’est donc pas souhaitable de lui imposer des contraintes qui risquent de l’handicaper – les usagers y perdraient. Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 473 tend à supprimer les mots « selon les règles de droit commun ». La Poste est de toute manière soumise au droit du secteur postal tel qu’il est défini notamment par le code des postes et des communications électroniques. La mention « selon les règles de droit commun » permet simplement de mettre en évidence l’opposition entre ses activités concernées par les missions de service public et les autres. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement n° 47 de M. Danglot prévoit que « La Poste s’engage à promouvoir un réseau de centre de tri diversifié ». Cette précision n’a pas à apparaître dans la loi. Aussi, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Sur l’amendement de suppression n° 48, nous avons la même logique depuis le début de cet après-midi. Nous sommes donc hostiles à cet amendement et nous émettons un avis défavorable.
L’amendement n° 381 ne modifie pas profondément ce qui est déjà prévu par le code des postes et des communications électroniques, lequel prévoit que « les services de levée et de distribution relevant du service universel postal sont assurés tous les jours ouvrables, sauf circonstances exceptionnelles ». Cet amendement est donc satisfait par le code en vigueur. Aussi, l’avis du Gouvernement est défavorable.
L’amendement n° 473, qui tend à supprimer l’expression « selon les règles de droit commun » pour ce qui ne relève pas du service universel, est bien sûr contraire à la directive européenne. En conséquence, l’avis est défavorable.
Quant à l’amendement n° 47, le Gouvernement y est évidemment hostile.
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 47.
Mme Odette Terrade. Je regrette que le Gouvernement et notre rapporteur n’aient pas pris en compte cet amendement qui a pour objet un réseau de centres de tri du courrier diversifié sur l’ensemble du territoire.
Nous l’avons vu hier soir au sujet de l’aménagement du territoire, ces centres de tri sont implantés de plus en plus loin, dans des zones industrielles, ce qui engendre une intensification de la circulation de camions sur les routes, laquelle est en contradiction avec le Grenelle de l’environnement. De plus, ces centres occasionnent, hélas ! de très nombreuses suppressions d’emplois.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 47.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 41 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 49, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 2 pourrait constituer une avancée majeure si, et seulement si, bien évidemment, y étaient élargies les missions de service public que remplit La Poste. Tel n’est pas le cas puisqu’il s’agit d’une simple compilation des dispositions déjà en vigueur.
Or, la loi dite de « régulation des activités postales » a laminé tout ce qui faisait l’originalité de la mission d’accessibilité bancaire, en procédant à la filialisation de la Banque Postale contre laquelle nous nous étions – déjà ! – élevés à l’époque. De même, nous avons fermement combattu la banalisation du livret A, qui a privé La Poste de l’un des instruments privilégiés en la matière.
C’est la raison pour laquelle la formulation retenue au neuvième alinéa de l’article 2, aux termes duquel « La Poste exerce des activités dans les domaines bancaire, financier et des assurances dans les conditions prévues au code monétaire et financier » traduit une vision particulièrement restrictive des missions confiées à l’entreprise publique.
Si la mission d’accessibilité bancaire figure bien dans le contrat de service public 2008-2012, elles se limite aux obligations fixées à La Poste par la loi de modernisation de l’économie, dont celle d’ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande et d’accepter tout versement et retrait à partir de 1,5 euro.
Toutefois, la définition contenue dans la loi est ambiguë puisque La Poste doit ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande « dans les bureaux dûment organisés à cette effet ». Autrement dit, une telle ouverture ne serait pas assurée dans l’ensemble des fameux points de contact. À ce sujet, Marc-André Feffer, directeur général délégué de La Poste, chargé notamment de la stratégie, écrivait, le 14 février 2008, que « les obligations du service public postal attachées à la distribution du livret A ne fondent aucune obligation territoriale ».
L’évolution récente de la Banque Postale laisse également planer de lourdes menaces. La création d’une filiale détenue à 30 % ou 35 % par la Société générale et chargée de distribuer des crédits à la consommation, jugés justement plus rentables que le livret A, met en péril l’autonomie de la Banque Postale.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le fait de préciser dans cet article 2 que La Poste exerce ses activités dans le domaine bancaire ne garantit en rien le contenu de celles-ci, a fortiori s’il est mentionné qu’elles ont pour cadre le code monétaire et financier.
De notre point de vue, nous l’avons déjà dit, la Banque Postale n’est pas une banque comme les autres, et le processus de privatisation engagée en 2005 par le biais de sa filialisation doit s’arrêter.
Nous sommes particulièrement attachés à ce que les missions du service postal dans le domaine bancaire soient affirmées comme un droit à tous, et non au plus grand nombre, et que ses financements soient pérennisés, notamment dans le cadre d’un pôle public financier.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 187, présenté par M. Pierre et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La Poste exerce, à travers sa filiale La Banque Postale, des activités dans les domaines bancaire, financier et des assurances, dans les conditions prévues notamment au code monétaire et financier.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à rappeler l’unité du groupe La Poste. En précisant que La Poste exerce, à travers sa filiale La Banque Postale, des activités dans les domaines bancaire, financier et des assurances, dans les conditions prévues notamment au code monétaire et financier, tout risque de voir un jour cette dernière se détacher du groupe, comme certains ont pu le craindre, est écarté.
Cela est de nature à rassurer celles et ceux qui avaient exprimé des inquiétudes à cet égard.
Mme la présidente. L’amendement n° 282, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après les mots :
La Poste
insérer les mots :
assure le service bancaire universel et
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L’exclusion bancaire constitue un drame, qui touche chaque année 4 à 6 millions de personnes et dont il est souvent difficile d’imaginer toutes les conséquences.
Sans compte en banque, la vie en société tourne aujourd’hui rapidement au calvaire. Quant au prétendu « package minimum », qui n’est proposé qu’aux interdits bancaires, il reste cher et étriqué. Les banques conservent surtout le privilège de refuser tout client qui ne leur plairait pas, au motif qu’il serait économiquement peu rentable.
Le dispositif du droit au compte, créé par la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, vise à assurer l’accès de tous au service bancaire de base. Dans les faits, cette mesure ne fonctionne pas convenablement : chaque année, seules 12 000 ouvertures de compte sont demandées à la Banque de France et moins de 20 000 personnes en bénéficient. Il s’agit d’un dispositif compliqué, long et stigmatisant, qui laisse donc sur le bord du chemin un très grand nombre de nos concitoyens.
Or, voici ce qu’écrivaient MM. Gérard Larcher et Pierre Hérisson dans l’exposé des motifs d’une proposition de loi, déposée le 8 mars 2000, visant à instituer un service universel bancaire : « La loi contre l’exclusion de 1998 a, certes, instauré un dispositif visant à faire participer tous les établissements financiers à l’accueil des plus pauvres, mais ce dispositif, en réalité assez hypocrite, ne change pas grand-chose à la situation existante puisqu’il ne vise que les personnes dépourvues de compte et qu’il suppose que quelqu’un à qui l’ouverture d’un compte aura été refusée saisisse la Banque de France pour se voir attribuer une banque. »
À défaut de proposer le service bancaire universel à la charge de l’ensemble des établissements bancaires, nous proposons de l’inscrire noir sur blanc dans la loi comme une obligation pour La Poste, afin de donner à tous l’accès à un service de base. Seraient notamment inclus l’ouverture, la tenue, la fermeture éventuelle du compte, les relevés de compte, une carte bancaire, un accès à distance, la possibilité d’effectuer des virements et des prélèvements ainsi que différentes opérations au guichet.
Mes chers collègues, selon l’association UFC-Que Choisir, la mise en œuvre d’un service bancaire universel, qui pourrait profiter à 2 250 000 personnes, aurait un coût de 27 millions d’euros, ce qui représente 0,18 % du PNB du secteur bancaire et 1 % du résultat net.
Je vous invite donc à adopter cet amendement qui ne représente pas grand-chose en termes de coût, mais beaucoup pour les personnes concernées.
Mme la présidente. L’amendement n° 459, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle propose des produits et services au plus grand nombre, notamment le livret A.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Au titre de ses missions de service public, La Poste doit demeurer une banque accessible pour l’ensemble de la population, y compris pour les plus fragiles de nos concitoyens. Ceux-ci sont en effet exclus des circuits bancaires traditionnels soit parce que leurs revenus sont trop faibles, voire inexistants – ce qui génère un refus d’ouverture de compte –, soit parce qu’ils habitent dans une zone où la couverture territoriale en la matière est insuffisante, soit, enfin, parce qu’ils s’appliquent à eux-mêmes une sorte d’auto-discrimination, en se disant : « La vraie banque, ce n’est pas pour moi. »
L’accessibilité bancaire est au cœur du modèle de la Banque Postale : elle fait partie de son identité comme de ses missions. Il doit s’agit d’offrir au plus grand nombre des services financiers de proximité. À l’heure où l’on reparle de séparer les activités des banques de détail de celles des banques d’affaires et où l’on s’inquiète de réguler les activités financières, La Poste témoigne de sa grande modernité. Son activité économique, à savoir vendre des services répondant aux besoins réels des personnes physiques et qui soient en phase avec les standards de qualité actuels, prend alors tout son sens.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut préserver ce modèle bancaire unique, dont le livret A est une excellente illustration.
La Poste est l’opérateur historique de ce produit d’épargne préféré des Français. Elle doit en rester l’un des principaux distributeurs pour, au moins, deux raisons.
La première réside dans le fait que la collecte du livret A est aujourd’hui le premier mode de financement du logement social dans notre pays. En effet, 75 % du coût de réalisation d’un logement HLM en France est financé par des prêts bonifiés de la Caisse des dépôts et consignations issus des fonds d’épargne, eux-mêmes fruits de la collecte du livret A.
Ce système ingénieux permet de transformer de l’épargne liquide de court terme en prêts de long terme destinés au logement pour tous. Ce dispositif, en plus d’être unique, est précieux dans la mesure où il est particulièrement économe pour les finances publiques. Mais il est fragilisé depuis sa récente banalisation par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, entrée en vigueur au 1er janvier dernier.
Afin de maintenir un fort niveau de collecte et, donc, des conditions satisfaisantes de financement de logements abordables, il est indispensable que La Poste puisse assurer la distribution et les opérations gratuites sur le livret A sur l’ensemble du territoire, y compris là où les banques commerciales n’iront jamais. Elle doit le faire au titre de ses missions de service public et de sa contribution à l’intérêt général.
La seconde raison pour laquelle il est nécessaire que La Poste soit attentive à la distribution du livret A est le rôle que ce produit joue pour les publics démunis ou interdits bancaires : considéré alors comme un véritable « porte-monnaie », il permet l’accès de tous à des services financiers élémentaires.
C’est dans ce contexte, mes chers collègues, que je vous propose d’adopter cet amendement. (M. Michel Teston applaudit.)
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 49, car, en proposant la suppression du neuvième alinéa, ses auteurs s’opposent de fait aux activités que La Poste exerce dans les domaines bancaire, financier et des assurances.
Elle est en revanche favorable à l’amendement n° 187, qui vise à préciser que la filiale bancaire de La Poste est la Banque Postale.
Par ailleurs, monsieur Desessard, j’ai moi-même cosigné, il y a près de dix ans, une proposition de loi de notre collègue Gérard Larcher, aujourd’hui président du Sénat, qui tendait à instituer un service universel bancaire.
M. Jean Desessard. Absolument, et je l’ai rappelé dans mon intervention !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Si cette proposition de loi n’a pas prospéré à l’époque, la procédure de droit au compte, qui existe depuis 1984, permet à toute personne d’avoir accès gratuitement à un service bancaire de base. Je précise en outre qu’en 2008 a été signée une charte d’accessibilité pour renforcer l’effectivité du droit au compte.
Votre amendement n° 282 étant satisfait par le dispositif en vigueur, la commission y est défavorable.
Elle émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 459, qui est, quant à lui, satisfait par l’article L. 518-25 du code monétaire et financier, aux termes duquel « La Poste propose des produits et services au plus grand nombre, notamment le livret A ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Comme M. le rapporteur, je suis favorable à l’amendement n° 187 et défavorable aux amendements nos 49, 282 et 459.
M. Jean Desessard. C’est lapidaire !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l’amendement n° 49.
Mme Éliane Assassi. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais la réponse de M. le rapporteur pour balayer notre amendement a été cavalière, voire incorrecte, et M. le ministre a été très bref lui aussi. J’expliquerai donc mon vote sur cet amendement !
MM. Christian Cambon et Alain Fouché. C’est une punition ?
Mme Éliane Assassi. Non, c’est de l’écoute, de la compréhension…
M. Alain Fouché. Et de la politique !
Mme Éliane Assassi. Et effectivement de la politique, au bon sens du terme ! Cela ne pourra que nous faire du bien !
Je souhaite donc revenir sur ce que je considère comme une erreur immense, à savoir la filialisation de la Banque postale opérée en 2005, au travers d’un changement de statut des services financiers de La Poste destiné à en faire « une banque comme une autre ».
À la lecture du neuvième alinéa de l’article 2, dont nous proposons la suppression, nous nous rendons bien compte que votre volonté n’a pas faibli. Ce nouveau statut a emporté des contraintes folles pour l’entreprise publique.
Il a ainsi fallu mettre en place une série d’outils de placement et de surveillance, à l’image de la gestion des fonds des comptes chèques postaux et de la création d’Efiposte. Tenue de respecter les ratios prudentiels imposés aux banques, La Poste a déjà dû doter sa filiale Efiposte d’un capital de 150 millions d’euros. Autrement dit, faire de la Banque postale une banque comme les autres aura, d’entrée, représenté un coût important.
Cet élargissement de l’offre induira par ailleurs d’autres frais. Le fait d’accorder des prêts suppose évidemment de proposer des taux avoisinants ceux du marché. Or les intérêts, c’est-à-dire le prix du prêt, intègre nécessairement trois données incontournables : le coût de la ressource, le coût du risque et le coût de gestion.
Il est louable de vouloir étendre la gamme de services financiers aux usagers de La Poste, mais votre décision conduit à faire entrer en concurrence La Banque Postale avec les autres établissements, sans discuter ni des missions de celle-ci, ni de leur financement.
La banalisation du livret A comporte également le risque que, à terme, La Poste abandonne cette forme d’épargne, qui deviendra de moins en moins attractive pour elle, dans un contexte concurrentiel.
Quel est donc l’avenir du service financier public dans l’environnement concurrentiel auquel vous le soumettez ? Le nouveau pas franchi dans la filialisation à La Poste met en effet clairement en danger les missions de service public. Mettant à mal le réseau grand public, la séparation des activités financières des activités courrier ne pourra que nuire aux usagers.
Préoccupés par la séparation en centres de profit des activités postales, préalable nécessaire à l’ouverture de l’entreprise aux capitaux privés, vous refusez de considérer sérieusement les bénéfices que peuvent tirer les usagers d’un réseau grand public regroupant les activités colis, courrier et les services financiers de La Poste.
Ce regroupement d’activités permet une péréquation tarifaire entre les différentes activités de l’entreprise, qui concourt largement à l’équilibre des comptes de l’opérateur public et à la densité du réseau postal. Désolidarisant les services financiers des autres services, vous organisez donc l’étiolement du réseau.
L’intégration des services financiers de La Poste permet, en outre, une collecte de l’épargne populaire au plus près des populations et assure ainsi la récolte des fonds dont elle ne pourrait bénéficier si l’implantation des services financiers était réduite.
Séparer les activités financières de La Poste des secteurs colis et courrier revient à modifier le système de collecte de l’épargne populaire. À terme, c’est le nombre de « clients bancaires » de La Poste qui risque de se modifier. C’est donc aussi une remise en cause du financement des collectivités qui se profile.
Nous le voyons bien, les missions de service public bancaire remplies par La Poste sont essentielles. Pour les garantir, nous voterons évidemment cet amendement.