compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
3
Entreprise publique La Poste et activités postales
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (projet n° 599 rectifié, 2008-2009 ; texte de la commission n° 51 ; rapport n° 50).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 2.
Article 2 (suite)
L’article 2 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 2. – La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d’autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d’activité.
« I. – Les missions de service public sont :
« 1° Le service universel postal, dans les conditions définies par le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 1 et L. 2 ;
« 2° La contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire dans les conditions fixées à l’article 6 de la présente loi ;
« 3° Le transport et la distribution de la presse dans le cadre du régime spécifique prévu par le code des postes et des communications électroniques ;
« 4° L’accessibilité bancaire dans les conditions prévues par les articles L. 221-2 et suivants et L. 518-25-1 du code monétaire et financier.
« II. – La Poste assure selon les règles de droit commun toute autre activité de collecte, de tri, de transport et de distribution d’envois postaux, de courrier sous toutes ses formes, d’objets et de marchandises.
« La Poste exerce des activités dans les domaines bancaire, financier et des assurances dans les conditions prévues au code monétaire et financier.
« La Poste est habilitée à exercer en France et à l’étranger, elle-même et par l’intermédiaire de filiales ou participations, toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à ses missions et activités telles que définies par la loi, ainsi que toute autre activité prévue par ses statuts. »
Mme la présidente. L'amendement n° 202, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au deuxième alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, le nombre : « 1,25 » est remplacé par le nombre : « 1,40 ».
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, faute d’avoir fixé, dans la loi de modernisation de l’économie, le taux de centralisation globale en référence à la collecte du livret A, comme du livret de développement durable, le code monétaire et financier intègre aujourd’hui les éléments suivants : « Le taux de centralisation des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable est fixé de manière que les ressources centralisées sur ces livrets dans le fonds prévu à l’article L. 221-7 soient au moins égales au montant des prêts consentis au bénéfice du logement social et de la politique de la ville par la Caisse des dépôts et consignations au titre de ce même fonds, affecté d’un coefficient multiplicateur égal à 1,25. »
Dans les faits, on doit en déduire que les 160 milliards d’euros centralisés dans le décret de décembre 2008 constituent les 125 % de l’encours des prêts au logement social et à la politique de la ville.
Si 160 milliards d’euros représentent 125 % de l’encours concerné, cela veut dire que 128 milliards d’euros en constituent l’encours global : 160 milliards divisés par cinq et multipliés par quatre.
Notre proposition vise donc à accroître cet encours centralisé en le portant à 128 milliards multipliés par 1,4, c’est-à-dire environ 179 milliards d’euros.
Ce relèvement non négligeable de la quotité centralisée participe de plusieurs objectifs. Le premier, et non le moindre, est de tenir compte de la réalité de la progression de l’encours des livrets défiscalisés.
Les relevés mensuels de l’encours, tels qu’ils sont diffusés régulièrement par la Caisse des dépôts et consignations, montrent une tendance générale à la progression qu’on peut évidemment imputer à la banalisation du produit dans tous les guichets bancaires, malgré certains mois de décollecte relative. En clair, certains mois, on tire sur son épargne pour faire face à des dépenses de caractère quasi incompressible.
J’ajoute, en faveur de notre amendement, que l’accroissement de la collecte centralisée permettra de faire face plus nettement aux exigences de financement des missions prioritaires dévolues à la collecte des livrets défiscalisés.
Nous pourrions ainsi donner plus de moyens à la construction de logements sociaux, améliorer le crédit accordé aux petites et moyennes entreprises et accentuer l’effort national en matière d’économies d’énergie, dans le cadre des objectifs du Grenelle de l’environnement.
Qui peut s’opposer à tout cela ? Personne, sauf à considérer que les intérêts privés de quelques banquiers priment sur l’intérêt général ! C’est donc pour ces motifs que nous vous invitons à adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Augustin de Romanet, a lui-même estimé, lors de la préparation de la loi de modernisation de l’économie, que le taux minimum de 1,25 % était suffisant pour donner au fonds la liquidité nécessaire. En pratique, le taux réel est bien supérieur.
La commission ne peut qu’être défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Cet amendement est dans la même veine que ceux d’hier soir. Le Gouvernement émet le même avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Danglot. La banalisation du livret A a été mise en œuvre pour répondre à une injonction de Bruxelles qui estimait que les établissements de crédit « ordinaires » souffraient de la concurrence déloyale de La Poste et des caisses d’épargne, plus marginalement, du Crédit mutuel et de son célèbre livret bleu.
Cette argumentation ne tenait pas compte du fait que les réseaux historiques avaient des obligations de centralisation particulièrement fortes, l’encours du livret A étant notamment destiné à assurer le financement prioritaire du logement social.
La loi de modernisation de l’économie a banalisé la distribution du livret A et en a rabattu sur la question de la centralisation. En clair, les établissements de crédit déjà banalisés, c’est-à-dire les banques de détail, se retrouvaient avec un nouveau produit à diffuser, sans obligations particulières quant à l’allocation des ressources correspondantes.
Nous avons indiqué que la collecte du livret A et du livret de développement durable, depuis le début de l’année 2009, s’élevait 20 milliards d’euros et avait progressé de 8 à 9 % de l’encours initialement recueilli.
Dans la pratique, les obligations de centralisation incombant aux réseaux historiques – La Poste et les caisses d’épargne – ont été largement maintenues, de sorte que le surplus de collecte n’a pas été centralisé, pour l’essentiel, et est venu s’ajouter à la part des livrets de développement durable : 20 milliards d’euros de collecte nouvelle ajoutés à 50 milliards ou 60 milliards d’euros de collecte initiale non centralisée, cela commence à faire beaucoup dans les mains des établissements de crédit, y compris La Poste et les caisses d’épargne, pour leur propre collecte de l’ex-livret CODEVI ! Nous posons aujourd’hui solennellement la question : que vont-nous révéler les états annuels d’utilisation de la collecte décentralisée ?
Quelles opérations financières auront été pilotées à partir de ces masses financières importantes par les établissements de crédit soumis, en vertu du décret de décembre 2008, à des obligations réduites de centralisation ?
Les obligations de centralisation des établissements de crédit ordinaires sont largement couvertes a priori par le produit de la centralisation des livrets CODEVI. De fait, toute collecte nouvelle peut être utilisée à discrétion. Si elle provient d’un transfert de livret A des réseaux historiques vers les nouveaux réseaux distributeurs, elle est même susceptible d’éviter, en grande partie, les risques de la centralisation et offre donc l’opportunité d’être recyclée ailleurs que dans le financement du logement social. S’il s’agit de la première souscription, le problème est résolu d’office, le niveau de centralisation exigé par le décret de décembre étant largement atteint par les obligations imputables aux réseaux historiques.
Ce qui a nourri, pendant les mois précédant la banalisation du livret A, les publicités alléchantes de certaines banques, c’est tout simplement cette perspective de disposer de ressources peu coûteuses susceptibles d’être immédiatement utilisées sur les marchés financiers ! Et, à la fin de l’année 2008 comme au début de cette année, chacun sait que nos banques en avaient plutôt besoin ! Mais l’épargne populaire n’a pas vocation à venir ainsi au secours des choix stratégiques des banques. C’est aussi le sens de cet amendement que nous ne pouvons que vous inviter à adopter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je voudrais rappeler qu’un décret traduit les conséquences pratiques de l’adoption de l’article 145 de la loi de modernisation de l’économie. Sous des apparences techniques, il a, de fait, consacré la latitude laissée aux établissements de crédit offrant désormais le livret A pour ne pas affecter les ressources nouvelles tirées de toute centralisation.
Grâce aux effets de la loi, une fois remplies les obligations collectives de centralisation, par La Poste et la Caisse d’épargne, pour l’essentiel, le surplus peut être rendu aux établissements de crédit, être utilisé de manière relativement générale pour les usages prévus par la loi de modernisation de l’économie.
Il peut, bien sûr, être affecté au financement des petites et moyennes entreprises au motif que jusqu’alors elles n’en avaient malheureusement pas largement bénéficié. Il peut aussi aller aux travaux d’économies d’énergie réalisés dans les bâtiments dits « anciens », et être utilisé, comme on l’a vu bien souvent, par les grands du BTP pour faire de la réhabilitation plutôt que du logement social.
Dès lors, on comprend mieux pourquoi, parce qu’il est toujours à l’écoute des milieux bancaires, le président de la Banque centrale européenne a tardé à réduire le taux directeur ! C’est parce que des sommes rémunérées à 1,25 % et coûtant 1,5 % placées sur les marchés financiers à 3 %, 4 % ou 5 %, participent fortement à la remontée du produit net bancaire !
Cet amendement vise donc clairement à mettre un terme à ce qu’il faut déjà bel et bien appeler un véritable détournement de l’épargne populaire.
Tel est le sens de cet amendement que je vous invite à adopter.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 205 rectifié, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Après le deuxième alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'année 2009, le montant du fonds est au moins égal à 200 milliards d'euros. »
... - En conséquence, le troisième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, précise les obligations incombant aux établissements collecteurs. »
II. - En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement porte toujours sur la centralisation des ressources du livret A et du livret de développement durable.
Le décalage croissant entre le niveau de la collecte et le niveau des obligations de centralisation crée une situation que l’on avait certes fortement envisagée au moment du débat sur la loi, mais qui est surprenante.
Mon collègue Jean-Claude Danglot rappelait tout à l’heure pourquoi le livret A avait été banalisé - je n’y reviendrai donc pas - mais je voudrais souligner que le niveau de collecte centralisée a été fixé à 160 milliards d’euros et largement couvert a priori par les deux réseaux historiques.
Cela laisse dans la nature des sommes considérables puisque, rappelons-le, l’encours fin septembre se situe aujourd’hui à 256 milliards d’euros malgré une légère contraction due aux raisons déjà évoquées ici.
Sur les 160 milliards d’euros de ressources centralisées, La Poste, à elle seule, en assumait plus de 66 milliards d’euros à la fin de 2008 et a dépassé les 73 milliards d’euros au terme du premier semestre 2009.
Cela signifie tout simplement que l’essentiel de la centralisation est en fait très largement supporté par les deux réseaux historiques de La Poste et des caisses d’épargne, et que cette centralisation plus importante que dans d’autres établissements devient la source d’un avantage inconsidéré pour les autres banques distribuant aujourd’hui livret A et livret de développement durable.
L’objet de cet amendement est donc d’accroître le volume de centralisation des encours de ces deux livrets et de faire porter cet effort de manière prioritaire sur les autres établissements de crédit, qui, pour le moment, semblent avoir tiré parti des règles sur mesure que la loi de modernisation de l’économie a fixées.
Mme la présidente. L'amendement n° 204 rectifié, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les troisième à septième alinéas de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le solde des ressources collectées par les établissements distribuant le Livret A ou le Livret de développement durable est employé par ces établissements au financement des petites et moyennes entreprises, au financement des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens, et à tout autre projet de développement local.
« Les établissements distribuant le Livret A ou le Livret de développement durable rendent public annuellement un rapport présentant l'emploi de ces ressources. »
« Un décret en Conseil d'État, portant notamment sur les critères d'affectation des ressources et la qualité des bénéficiaires des prêts, précise les conditions d'application des dispositions ci-dessus. »
II. - En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dans un souci d’égalité de traitement, nous souhaitons que la collecte du livret A et du livret de développement durable soit très largement centralisée et que cette obligation incombe clairement autant à la Banque Postale qu’aux autres établissements de crédit.
Pour le solde de l’épargne, nous récusons évidemment la méthode aujourd’hui appliquée et qui consiste à mettre en œuvre deux types d’affectation.
Premier étage de la fusée, le solde de l’épargne est affecté prioritairement en direction du financement des petites et moyennes entreprises, ou encore des travaux d’économie d’énergie, mais il ne s’agit pas d’une affectation intégrale puisque aucune obligation relative à l’utilisation de ce solde n’est fixée.
La seule publication d’un rapport annuel ne préjuge aucunement les suites à donner, et les sanctions existantes sont particulièrement légères puisque tout mauvais usage des ressources des livrets défiscalisés n’est passible que d’une simple suspension de cet usage pour un trimestre.
On sait de surcroît que les ressources du CODEVI, qui étaient au cœur de l’absence de centralisation, ont de longue date été largement utilisées par les banques pour « recycler » des ressources finalement distribuées à d’autres entreprises que celles qui étaient visées initialement.
Pour notre part, nous estimons que, si la centralisation doit être plus importante à l’origine, notre proposition ne peut que la consolider.
La question de la centralisation intégrale des ressources tirées de l’ancien CODEVI, devenu livret de développement durable, et du livret A doit être posée une fois encore, ce à quoi tend notre amendement.
Il faut accomplir cette étape pour rendre ensuite toute sa vertu à l’épargne populaire en déterminant les usages les plus vertueux possibles des ressources qu’elle permet de lever.
L’épargne populaire ne doit pas servir, comme c’est le cas aujourd'hui, de simple produit d’appel pour des établissements de crédit qui la détournent ensuite des circuits habituels d’utilisation vers des marchés spéculatifs et des placements à risques.
Dans une Poste où l’on souhaite que 100 % du capital demeure public, il faut aussi que 100 % de la collecte de l’épargne populaire qu’elle assume soit utilisée au mieux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ces deux amendements étant hors sujet, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Ces deux amendements sont sans lien avec le texte et je suis conduit à émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. M. le rapporteur et M. le ministre estiment que nous sommes hors sujet,…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !
M. Guy Fischer. …mais n’est-il pas aujourd'hui nécessaire d’aller au-delà du sujet traité…
M. Michel Mercier, ministre. Nous sommes donc d’accord ! (Sourires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Guy Fischer. …et d’examiner les conséquences qu’aura véritablement le présent projet de loi ? Il est là le problème : vous ne dites pas la vérité, vous avancez à visage masqué ! (Rires sur les mêmes travées.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Suis-je masqué ? Je m’appelle Hérisson et tout le monde le sait !
M. Guy Fischer. Hier, j’ai parlé de racket de l’épargne populaire. On a vu comment elle était utilisée, que ce soit dans le krach bancaire ou dans le plan de relance. On ferait mieux de revaloriser la bonification du livret A, de sorte que tout le monde en profite, notamment les petits épargnants !
Monsieur le ministre, il s’agit bien là d’un des points essentiels et il ne saurait donc être hors sujet. En fait, c’est une façon pour vous de rester sourd aux remarques très pertinentes de nos collègues ! Puisqu’il en est ainsi, je peux vous dire que nous avons quelques autres arguments à développer !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous aussi !
M. Nicolas About. Ne pourrait-on pas invoquer l’article 41 de la Constitution ?
M. Jean-Pierre Fourcade. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. M. le rapporteur et M. le ministre nous disent que nous sommes hors sujet !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Complètement !
Mme Marie-France Beaufils. Excusez-moi, la gestion de la collecte du livret A fait bien partie des missions de La Poste ! Ce n’est pas parce que l’on discute d’un aspect particulier de son fonctionnement qu’il faut abandonner les autres aspects.
Nous proposons, je le rappelle, de fixer un montant précis de centralisation, soit 200 milliards d’euros. L’indication de ce montant confirme nos choix politiques, notamment en faveur de l’aide à la construction du logement social.
Je ne vois pas pourquoi l’on ne pourrait pas inscrire un tel montant dans le projet de loi, puisqu’on va fixer, pour des motifs relevant de l’aménagement du territoire, très précisément à 17 000 le nombre de points de contact de La Poste.
Il est d’autant plus important de fixer un montant précis de centralisation que la généralisation du livret A a eu pour conséquence qu’une des missions prioritaires définies par la loi pour l’utilisation de l’épargne populaire n’est pas respectée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Comme mes collègues Marie-France Beaufils et Guy Fischer, je suis surprise. Nous parlons de La Poste donc, par essence, d’épargne populaire.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. On parle du service public et vous n’êtes pas en train de le rendre !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’amendement n° 204 rectifié tend précisément à favoriser une légitime et juste allocation de la ressource collectée au travers de l’épargne populaire, qui doit s’appuyer sur une centralisation intégrale.
Nous pouvons concevoir pour l’épargne populaire des usages prioritaires essentiels, comme le logement social, le financement des PME – les vraies PME, et non pas celles qui sont dépendantes des grands groupes –, la mise aux normes énergétiques des bâtiments publics comme des logements et le développement local. Le dividende social peut d’ailleurs permettre de définir encore d’autres usages.
La centralisation peut donc être conçue comme intégrale. Il ne faut jamais l’oublier, dans le débat sur le livret A comme sur le livret de développement durable, c’est sur l’initiative du gouvernement français que nous sommes passés d’une centralisation de 100 % sur l’encours du livret à une centralisation de 70 %, et, dans la réalité, le taux est même certainement moins important.
La réforme du livret A qui a résulté de l’adoption de la loi de modernisation de l’économie a été présentée comme découlant du travail de Neelie Kroes.
Certes, Mme Kroes est très attentive à la juste concurrence entre établissements bancaires, mais elle n’a jamais demandé que l’on mette un terme à la centralisation des ressources, loin de là. Sa seule préoccupation était de mettre un terme au régime particulier dont jouissaient la Banque Postale, les Caisses d’épargne et le Crédit mutuel au regard des autres établissements, mais aucunement de mettre en question l’usage de la collecte de cette épargne.
De fait, nous avons remplacé ce qui était une distorsion de concurrence pour la Commission de Bruxelles par ce qui est devenu un scandale.
Les livrets non centralisés que gèrent les autres opérateurs de crédit connaissent une rémunération non négligeable, puisqu’elle représente 0,6 % des encours moyens constatés, tandis que les épargnants tirent parti d’une petite incitation fiscale, alors même que l’allocation de la ressource collecte est éloignée de l’objet initial.
En clair, on rémunère aujourd’hui avec le fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations les banques de détail « banalisées » pour ne pas affecter la collecte tant du livret A que du livret de développement durable aux usages dédiés.
Le produit de la rémunération des livrets défiscalisés est donc détourné de son objet et le mauvais usage de l’épargne populaire est, lui, bel et bien « banalisé » !
C’est ce qui nous mène, mes chers collègues, à vous inviter à adopter notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. À partir de La Poste, dont nous devons débattre, on élargit le débat à l’ensemble des problèmes financiers posés par la collecte de l’épargne et par le financement des actions de l’État, problèmes, certes, tout à fait intéressants, mais qui relèvent d’autres textes.
Madame la présidente, il est bien entendu que nous voterons contre ces deux amendements, qui n’ont pas grand-chose à faire dans le présent projet de loi.
Aussi, si j’interviens, c’est parce que je souhaiterais que la commission et le Gouvernement examinent les amendements qui vont venir en discussion, et dont un grand nombre ressortent, du point de vue du groupe de l’UMP, de l’article 41 de la Constitution.
Le recensement de ces amendements par la commission nous éviterait ainsi la discussion de textes de nature réglementaire auxquels il me paraît inutile de consacrer des jours et des nuits quand il est si important d’avoir un débat de fond sur l’organisation, les moyens, l’implantation territoriale de La Poste et le statut de ses personnels. Voilà les vrais sujets ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)