Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 2 (début)

Articles additionnels après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 276, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La Poste et les titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s’engagent à prendre en compte dans l’ensemble de leurs activités, les préoccupations environnementales. La Poste et les titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s’efforcent de développer l’usage de matériaux recyclés, de modes de transport non polluants et l’utilisation du courriel. Ils veillent à limiter leurs émissions de déchets. La Poste et les titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s’engagent à financer la recherche en matière de développement durable.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 277.

M. le président. J’appelle en effet l’amendement n° 277, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et ainsi libellé :

Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le groupe La Poste s’engage à prendre en compte, dans l’ensemble de ses activités, les préoccupations environnementales. Le groupe La Poste s’efforce de développer l’usage de matériaux recyclés, de modes de transport non polluants et l’utilisation du courriel. Il veille à limiter ses émissions de déchets. Le groupe La Poste s’engage à financer la recherche en matière de développement durable.

Veuillez poursuive, madame Boumediene-Thiery, et présenter ces deux amendements.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’un des deux principaux concurrents de La Poste, le hollandais TNT, compte 120 sites et affirme expédier chaque jour plus de 350 000 colis en France et à l’étranger.

Avec sa nouvelle stratégie de développement durable, La Poste a déjà pris de nombreuses décisions en faveur du développement soutenable et de la prise en compte de l’environnement.

Cependant, ces mesures ne suffisent pas. Il convient d’aller beaucoup plus loin et de faire en sorte que chaque décision des opérateurs du secteur postal puisse s’accompagner d’une véritable révolution des pratiques et des cultures d’entreprise, en plaçant l’écologie et la soutenabilité au cœur de ces décisions.

Comme je le disais plus tôt, il est impératif que cette exigence ne se limite pas à La Poste qui, en tant que prestataire du service postal universel, doit déjà répondre à de très nombreuses autres exigences. Il convient donc de l’étendre à l’ensemble des opérateurs du secteur, afin de ne pas voir la concurrence également faussée à ce niveau.

En clair, vous l’avez compris, mes chers collègues, il s’agit de permettre une réduction maximale des nécessités de transport et de livraison. Il n’y a pas besoin de livrer plusieurs fois par jour, au motif que plusieurs sociétés interviennent ! Il s’agit également de s’intéresser aux conditions de travail des hommes et des femmes de ce secteur. Pour nous, sénateurs Verts, soucieux de l’environnement, ces conditions de travail participent aussi de l’amélioration de la qualité de vie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. La Poste a pleinement pris conscience de l’objectif lié à la préservation de l’environnement, à laquelle le code des postes et des communications électroniques contraint tous les opérateurs postaux. Par ailleurs, ces derniers sont soumis, comme toutes les entreprises de notre pays, aux lois relatives à la protection de l’environnement et aux principes de la Charte de l’environnement. Leur activité ne justifie pas un régime particulier et le dispositif est déjà assez complexe.

Notre avis est défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Tout prestataire de services postaux doit respecter l’objectif de préservation de l’environnement. Cette disposition fournit un cadre suffisant pour pleinement prendre en compte les préoccupations environnementales.

À titre d’exemple, La Poste a mis en œuvre plusieurs mesures destinées à réduire les émissions de gaz carbonique, comme l’éco-conduite, le développement des véhicules électriques et le recours au TGV fret. D’ailleurs, dois-je le rappeler, 50 000 agents ont déjà bénéficié d’une formation à l’éco-conduite.

Je note également que les deux amendements visent à demander à La Poste de développer l’usage des courriels, ce qui, vous en conviendrez, madame Boumediene-Thiery, est en décalage avec son métier historique.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur les amendements nos 276 et 277.

M. Jean-Claude Danglot. Ces amendements, présentés par notre collègue Jean Desessard et les autres sénateurs Verts, posent des questions intéressantes, ayant toute leur place dans le débat qui nous occupe depuis quelques jours et semble devoir encore nous retenir un certain temps.

Comme nous sommes soucieux de ménager des conditions normales au débat parlementaire, cette explication de vote vaudra pour les deux amendements, chers collègues.

Les préoccupations environnementales sont au cœur de la démarche des entreprises publiques. De toute évidence, cette affirmation, pratiquement de l’ordre du principe, ne peut, dans une société légitimement préoccupée par les questions d’environnement, qu’appeler quelques observations.

Depuis fort longtemps, La Poste montre l’exemple.

Ainsi, les enveloppes des services financiers sont désormais réalisées en papier recyclé et l’on a décidé de donner un « signal prix » fort aux détenteurs de comptes chèques postaux en facturant l’envoi des relevés hebdomadaires d’opérations sur formule papier. Le souci écologique s’est parfaitement doublé d’un effort de liaison entre les coûts et le prix des prestations, puisque, désormais, seule la délivrance de relevés mensuels d’opérations bancaires est gratuite.

C’est autant de papier consommé en moins, autant de bois et de forêts préservés, et c’est, pour les récalcitrants qui continuent de recevoir des relevés hebdomadaires, autant de frais bancaires à payer ! D’ailleurs, pourquoi continuer de s’attacher à la délivrance de relevés bancaires sur papier quand il est si simple, pour une personne habitant dans l’une des « zones blanches » de notre territoire numérique, de consulter l’état de son compte postal sur Internet ? (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Cela étant dit, plus généralement, La Poste a effectivement accompli des efforts importants en matière de protection de l’environnement.

Elle a ainsi décidé de mettre en place un intéressant plan intitulé « Cap Qualité Courrier », ou CQC, qui consiste à mettre un terme à l’existence de centres de tri départementaux et à regrouper les opérations de tri sur des sites industrialisés en nombre plus limité – une quarantaine sur l’ensemble du territoire national –, mais, bien entendu, plus performants.

Le problème vient du fait que les centres de tri départementaux avaient comme particularité, pour le moins étonnante, d’être généralement situés à proximité immédiate des principales gares SNCF du pays. Ainsi, on trouvait des centres de tri postal dans les gares de Paris,…

M. Jean-Claude Danglot. … à Toulouse Matabiau, Marseille Saint-Charles, Bordeaux Saint-Jean, Montpellier Saint-Roch, Angers Saint-Laud ou Limoges Bénédictins, pour ne citer que quelques exemples.

M. Guy Fischer. Et à Lyon !

M. Jean-Claude Danglot. La Poste a, depuis, abandonné cette synergie naturelle avec la SNCF et déplacé ces nouveaux centres industriels de tri « Cap Qualité Courrier » dans des localités en général non desservies par le train. Résultat écologiquement compatible ? Ces centres CQC étant plus éloignés des gares, le tri du courrier exige aujourd’hui l’utilisation massive de véhicules de transport routier, dont l’impact environnemental n’est évidemment pas si positif que cela...

Par ailleurs, même si les bâtiments, conçus au-delà de l’échelle humaine, qui abritent les centres CQC sont parfois primés pour leur usage de matériaux recyclés, le reste n’est manifestement pas écologique. Je pense notamment à la gestion des personnels, qui sont en permanence soumis à des horaires atypiques et décalés au seul motif de tenir les objectifs de qualité affichés par le groupe. De plus, comme ces centres de tri de nouvelle génération ne sont généralement pas situés à proximité de transports en commun adaptés, les mêmes agents sont contraints d’utiliser leur véhicule personnel.

La logique économique qui anime la conception générale du traitement du courrier – c’est le cœur de métier de La Poste – et qui, pour reprendre la délicieuse expression de Jean Paul Bailly, consiste à faire du service public « le meilleur service pour chacun » est, de notre point de vue, parfaitement incompatible avec la responsabilité environnementale et le respect des engagements tant du Grenelle de l’environnement que des termes de la Charte de l’environnement.

Pour tous ces motifs, nous voterons évidemment ces deux amendements de nos collègues, amendements qui devraient au demeurant, si tant est que le Sénat soit conséquent avec lui-même, recueillir l’assentiment général.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 276.

(L'amendement n'est pas adopté. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 277.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 2.

Articles additionnels après l’article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

L’article 2 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 2. – La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d’autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d’activité.

« I. – Les missions de service public sont :

« 1° Le service universel postal, dans les conditions définies par le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 1 et L. 2 ;

« 2° La contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire dans les conditions fixées à l’article 6 de la présente loi ;

« 3° Le transport et la distribution de la presse dans le cadre du régime spécifique prévu par le code des postes et des communications électroniques ;

« 4° L’accessibilité bancaire dans les conditions prévues par les articles L. 221-2 et suivants et L. 518-25-1 du code monétaire et financier.

« II. – La Poste assure selon les règles de droit commun toute autre activité de collecte, de tri, de transport et de distribution d’envois postaux, de courrier sous toutes ses formes, d’objets et de marchandises.

« La Poste exerce des activités dans les domaines bancaire, financier et des assurances dans les conditions prévues au code monétaire et financier.

« La Poste est habilitée à exercer en France et à l’étranger, elle-même et par l’intermédiaire de filiales ou participations, toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à ses missions et activités telles que définies par la loi, ainsi que toute autre activité prévue par ses statuts. »

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.

M. Michel Teston. L’article 2 du projet de loi énumère les quatre missions de service public de La Poste : le service universel postal, la présence postale, le transport et la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire.

Il faut le rappeler, la directive prévoit ces missions de service public puisqu’elle définit la notion de service universel postal comme « une offre de services postaux de qualité déterminée, fournis de manière permanente en tout point du territoire, à des prix abordables pour tous les utilisateurs ».

L’article 2 paraît en contradiction avec l’article 1er. En effet, lorsque La Poste sera devenue une société anonyme, elle sera vraisemblablement amenée à privilégier la rentabilité économique au détriment de ses missions de service public. Comment pourra-t-elle alors garantir le financement de ces dernières ?

En effet, l’énumération de ces missions à l’article 2 ne garantit en rien que La Poste disposera effectivement d’un financement suffisant et pérenne à la hauteur des besoins nécessaires. Si le projet maintient La Poste comme le prestataire universel pour une durée de quinze ans, l’absence de nouveaux moyens pour assurer ces missions pourrait contraindre la société anonyme à réduire ses coûts, ce qui se traduirait par la suppression d’emplois et le recul de la présence postale.

De plus, avec la fin programmée du secteur réservé, les moyens actuels de financement du service universel postal ne vont pas augmenter. On me rétorquera que le projet de loi prévoit la création d’un fonds de compensation qui sera alimenté par l’ensemble des opérateurs postaux, au prorata de leur chiffre d’affaires. Mais j’émets des réserves sur ce dispositif dans la mesure où l’expérience menée dans le domaine de la téléphonie fixe depuis la loi de 1996 n’est pas très probante.

Dans ce domaine, en effet, le fonds est principalement financé par l’opérateur historique, en l’occurrence France Télécom. Mais ses concurrents contestent très souvent le montant de la quote-part qui leur incombe, et ce malgré la décision prise par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Cet exemple montre bien les limites d’un tel système.

Pour terminer, je voudrais exprimer mon inquiétude quant à l’avenir du partenariat entre La Poste et les collectivités territoriales, après le changement de statut. En effet, alors que les agences postales font l’objet de conventions négociées, sans mise en concurrence, avec les collectivités territoriales, il se pourrait que La Poste soit contrainte, à l’avenir, de lancer des appels d’offres, mode normal de choix d’un prestataire en cas de délégation de service public. Si tel devait être le cas, nous n’aurions aucune garantie que les communes seraient systématiquement retenues pour exercer ces délégations.

Par ailleurs, je m’interroge sur la réaction des concurrents de la Banque postale à ce dispositif quand La Poste deviendra une société anonyme… si ce projet de loi est voté dimanche, voire ultérieurement.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article revient sur les missions de La Poste et de ses filiales en matière d’accessibilité bancaire.

Nous avons suffisamment répété que La Poste ne doit pas devenir une entreprise comme les autres, mais il convient également de rappeler que la Banque postale ne doit pas non plus devenir une banque comme les autres, particulièrement dans un contexte de crise financière.

Les banques, par leur politique de placements à risques, ont été à l’origine de la crise. Jusqu’à présent, la Banque postale est restée en dehors des pratiques les plus graves. Mais, aujourd’hui, la Société générale se rapproche de la Banque postale pour certaines de ses activités, espérant ainsi bénéficier du crédit de La Poste auprès de la population et de ses lieux d’implantation. La Société générale est-elle vraiment l’archétype d’une banque responsable, dotée d’un esprit de service public ?

C’est désormais la recherche de la rentabilité qui anime la Banque postale. La présence postale et le personnel disponible dépendent non pas du nombre d’opérations réalisées dans les bureaux de poste, mais du montant de ces opérations, en particulier de celles de La Banque postale. C’est la raison pour laquelle de plus en plus d’agences bancaires ferment.

Cette situation n’est pas acceptable. Si garantir 17 000 points de contact est une bonne chose, jamais un commerce ou une agence communale ne pourra faire office de véritable banque ! C’est se moquer de l’usager ! Et que se passe-t-il dans les Relais Poste implantés chez les commerçants ou dans les agences postales communales ? Nous n’avons aucune garantie de la pérennité de la présence de ces points de contact ni du respect de la confidentialité des opérations.

La présence de la Banque postale sur le territoire doit être une réalité, particulièrement dans les zones rurales ou urbaines sensibles.

Enfin, je souhaite dire un mot sur la vaste partie de Monopoly qui se joue à l’international. Que ce soit avec la Banque postale ou par le rachat d’opérateurs postaux dans d’autres pays, La Poste cherche aujourd’hui à se placer au premier rang pour participer au démantèlement des postes étrangères, dépossédant ainsi les populations locales de leurs services publics.

Monsieur le ministre, la Banque postale est privatisable depuis 2005. Si La Poste participe actuellement à la privatisation d’opérateurs étrangers, sera-t-il possible de refuser demain la sienne ?

Nous, les Verts, souhaitons que La Poste et la Banque postale restent un service public. La Banque postale ne doit pas se laisser grignoter par des groupes à la morale douteuse, elle doit conserver son esprit de service public. Certes, l’accessibilité bancaire est garantie dans le texte, mais, sur le terrain, la réalité est tout autre.

Plutôt que de brader la Banque postale, il faut garantir un service bancaire universel. Je reviendrai sur ce point lors de la discussion de mes amendements. Selon moi, un pôle financier public serait aujourd’hui nécessaire pour impulser une véritable politique financière décidée par l’État, notamment en matière de logement social, d’environnement, de crédit aux entreprises et aux particuliers. Nous espérons donc que la Banque postale sera sauvegardée.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. Cet article 2 a pour objet de définir les missions de service public dont La Poste est chargée. Loin de constituer une avancée, cet article est une simple compilation de dispositions existantes dont l’unique objectif est d’afficher que La Poste, même transformée en société anonyme, sera chargée de missions de service public.

Ces missions sont au nombre de quatre : fourniture du service universel postal, aménagement du territoire – c'est-à-dire présence de La Poste sur l’ensemble du territoire national –, distribution de la presse et accessibilité bancaire.

Monsieur le ministre, vous nous garantissez que ces missions, telles qu’elles sont reconnues par le projet de loi, seront préservées, et qu’elles seront même renforcées. Permettez-nous d’en douter, pour une simple et unique raison : elles ne seront plus financées.

En effet, alors que l’existence d’un secteur réservé permettait de financer l’accomplissement du service universel, celui-ci est purement et simplement supprimé par ce texte, au nom des impératifs communautaires de concurrence totale dans les activités postales.

Le fonds de compensation, dont le principe a été posé dans la loi relative à la régulation des activités postales, n’est toujours pas institué. À ce titre, des doutes subsistent sur sa capacité éventuelle à assurer un financement suffisant des obligations liées à la fourniture du service universel. En Italie, la création d’un tel fonds s’est révélée un échec.

Un fonds finance également la mission d’aménagement du territoire. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’il n’est pas suffisamment abondé pour faire face au défi de la présence postale. Chaque année, plus de 100 millions d’euros restent à la charge de La Poste pour le financement de cette mission. Qu’en sera-t-il lorsque la taxe professionnelle aura été supprimée par votre majorité puisque, je le rappelle, ce fonds est abondé par l’exonération de taxe professionnelle dont bénéficie La Poste ?

Continuons cette liste, fort intéressante. L’aide à la presse va décroître de manière conséquente à partir de 2015. Et je ne parlerai pas de la fameuse accessibilité bancaire, dont les objectifs ont été laminés par la loi de 2005, qui prévoit l’obligation pour l’opérateur public d’offrir des services bancaires au plus grand nombre et non plus à tous, comme c’était le cas précédemment.

Nous le voyons bien, il manque à La Poste des financements pérennes pour remplir ses missions de service public. De cela, il n’est point question dans le projet de loi. En effet, au-delà de l’ouverture du capital, rien n’est prévu de manière durable. C’est donc juste une aide ponctuelle qui est envisagée par ce gouvernement.

L’État prévoit certes d’investir 1,2 milliard d’euros dans La Poste, mais cette somme correspond uniquement au manque à gagner qu’il lui inflige depuis des décennies.

De plus, comment ne pas deviner, notamment à la lecture du rapport de la commission Ailleret, que les missions de service public vont décliner puisque La Poste sera incitée à être en équilibre sur ces prestations ? Cet équilibre ne pourra être obtenu qu’au détriment de l’aménagement du territoire, de la présence postale, de l’accessibilité bancaire et de l’aide à la presse.

Ne nous racontons pas d’histoires ! La transformation en société anonyme et l’ouverture à la concurrence vont priver l’opérateur en charge de missions de service public des moyens de les assumer. Nous ne pouvons donc croire à vos bonnes intentions.

Vous rappelez également dans cet article que La Poste est un groupe public. Soit, mais jusqu’à quand ? On connaît dorénavant la chanson… De plus, par « groupe public », on entend simplement signifier que la part détenue par des personnes publiques doit rester supérieure à 50 %. Dès lors, quelle garantie cette disposition offre-t-elle pour l’avenir de La Poste, qui est aujourd’hui détenue à 100 % par l’État ?

Les sénateurs du groupe CRC-SPG ne peuvent cautionner un tel recul pour La Poste et ses missions de service public. C’est pourquoi ils ont déposé des amendements visant à préciser les missions de service public, notamment concernant le réseau des points de contact.

Cela ne les empêche pas de rester opposés sur le fond à cet article, qui entérine la fin du service public à la française tel qu’il est assuré par La Poste aujourd’hui.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l’article.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, La Poste est soumise à des droits et obligations au titre de ses missions de service public d’envois postaux.

Le code des postes et des communications électroniques dispose ceci « Le service universel postal […] est assuré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur l’ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées. […] Le service de distribution est effectué, dans des installations appropriées, au domicile de chaque personne physique ou morale […] ».

Le courrier doit donc être distribué dans chaque boîte aux lettres, y compris dans celles qui sont situées dans les voies de lotissements réservées à l’usage des colotis ou les voies dites privatives, à partir du moment où ces voies sont ouvertes à la circulation publique.

Or certains bureaux de poste ont récemment décidé de manière arbitraire et subite de ne plus distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres de certaines voies dites privatives, contrairement à ce qui se faisait depuis toujours et bien que ces voies soient ouvertes à la circulation publique, c’est-à-dire qu’elles ne possèdent ni barrière, ni portail, ni digicode en interdisant l’accès et que tout véhicule puisse donc y accéder.

M. Guy Fischer. Et voilà !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela signifie que les habitants devront faire installer à leurs frais une batterie de CIDEX, ou courrier individuel à distribution exceptionnelle, à l’entrée de ces voies. En tant que maire, ce n’est pas une décision que j’apprécierais, notamment sur un plan esthétique.

Les principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité ne sont donc plus respectés, et encore moins les obligations de La Poste en matière de qualité du service.

En conséquence, je me permets de vous demander, monsieur le ministre, de bien vouloir nous confirmer que vous veillerez à ce que les obligations de service public de La Poste, notamment le principe d’égalité de tous les citoyens, soient toujours respectées.

M. Guy Fischer. Il ne le fera pas !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il ne peut y avoir de régression dans les normes de qualité des services de La Poste, puisque ce serait contraire aux objectifs poursuivis par le présent projet de loi.

Les 2,7 milliards d’euros ne sont pas un chèque en blanc à La Poste ! Les élus locaux veulent l’assurance d’une amélioration du service public de La Poste, que chaque Français réclame d’ailleurs.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l’article.

M. Jean-Jacques Mirassou. Nous touchons véritablement là aux conséquences de l’article 1er que le Sénat a adopté cet après-midi. L’article 2 prend en effet soin de détailler les missions de service public de La Poste. Il s’agit de dispositions fondamentales de ce projet de loi. Chacune d’entre elles mérite donc d’être définie le plus précisément possible.

Dans cette perspective, je souhaiterais insister sur une mission en particulier, à savoir celle qui concerne la contribution de La Poste à l’aménagement du territoire.

En reconnaissant que La Poste participe à l’aménagement du territoire, admettez, monsieur le ministre, que l’activité postale n’est pas uniquement marchande : elle est incontournable si l’on veut maintenir et préserver le lien social et, d’une manière plus générale, ce qui fait l’identité de nos territoires.

Mme Nathalie Goulet. L’identité nationale !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela peut aussi toucher à l’identité nationale, en effet.

La Poste est aussi de plus en plus fréquemment le dernier service public de proximité. Dans les campagnes, quand l’école a fermé, le bureau de poste demeure souvent le dernier symbole de la présence de l’État.

La Poste incarne donc de ce point de vue le dernier rempart avant la désertification institutionnelle, qui sévit parfois dans les zones que nous connaissons. À ce titre, elle ne peut ni ne doit être considérée comme une entreprise « comme les autres ». Elle est bien plus que cela !

N’ayons pas peur de le dire, chacun ici – je le crois, ou du moins je l’espère – considère que La Poste représente symboliquement le lien entre l’État et ses citoyens. La Poste est donc un véritable symbole de la République et, à ce titre, elle se doit d’être présente, opérationnelle et visible dans tout notre pays.

Quelle image renverrions-nous à nos concitoyens si, en guise de projet de « vivre ensemble », nous actions la disparition de La Poste des zones territoriales les plus défavorisées, les plus reculées ou bien encore les moins bien équipées ?

Nous considérons donc pour notre part qu’inscrire dans le texte de loi les missions de service public postal n’est pas suffisant si les moyens permettant de les mettre en œuvre ne sont pas assurés. Pour cette raison, nous défendrons des amendements visant à introduire dans le projet de loi des dispositions permettant de préserver un niveau important d’accessibilité aux services postaux dans la France tout entière.

Cela revêt, je crois, une importance décisive ; sinon le principe d’égalité des citoyens serait définitivement ignoré. Les Français, où qu’ils habitent, quelles que soient leurs conditions sociales, ne doivent pas se sentir abandonnés par l’État. Ils ont donc droit à ce que La Poste fonctionne partout et qu’elle soit aussi, très concrètement – c’est un exemple parmi d’autres –, ouverte à tous avec des horaires d’ouverture suffisants.