M. Guy Fischer. C’est bien envoyé !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Nicolas About. Mes chers collègues de l’opposition, vous avez déposé une motion référendaire sur le projet de loi. C’est un acte solennel, prévu par la Constitution. Je n’ai aucun grief particulier contre l’utilisation de cet outil juridique…
M. Guy Fischer. Heureusement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne contestez pas la Constitution !
M. Nicolas About. … qui permet de demander au Président de la République, sur proposition conjointe des deux assemblées, de soumettre le projet de loi à référendum, selon les dispositions de l’article 11 de la Constitution.
Il y a deux manières d’interpréter le dépôt d’une telle motion. Certains, mal intentionnés probablement, y verront un outil d’obstruction parlementaire.
M. Nicolas About. Les auteurs de cette motion, convaincus de l’échec de la procédure,…
M. Roland Courteau. C’est ce que vous pensez !
M. Nicolas About. … ne recourraient à cet outil qu’à la seule fin de faire traîner en longueur les débats. En effet, et nous sommes en train de le vivre actuellement, le dépôt de la motion référendaire entraîne un retard d’une demi-journée dans le processus d’adoption de la loi au sein de notre assemblée.
M. Didier Guillaume. Et les scrutins publics hier soir ? À qui la faute ?
M. Nicolas About. En ce qui me concerne, je ne me permettrai pas ce procès d’intention. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez raison ! C’est prudent!
M. Nicolas About. Vous riez, mes chers collègues ? Douteriez-vous de vos propres intentions ?
Ainsi, j’ose espérer que le dépôt de la motion référendaire traduit uniquement le vœu démocratique sincère que le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales puisse être adopté par le biais d’une procédure de démocratie populaire directe.
Je ne doute pas de l’opportunité politique d’utiliser la motion référendaire. Elle permet le rassemblement politique des divers partis dépositaires de la motion autour d’une contestation identifiable, sanctuarisée autour de la « privatisation » de La Poste.
Elle est aussi certainement populaire auprès d’une partie de l’électorat et naturellement des syndicats, dont les capacités de mobilisation à l’occasion d’une lutte « anti-privatisation » ne sont plus à démontrer.
D’ailleurs, mes chers collègues, lors de la discussion générale, vous avez été nombreux à souligner le succès de la votation populaire qui aurait mobilisé, le 3 octobre dernier, 2,5 millions de personnes, qui ont clairement répondu « non » à la privatisation de La Poste.
M. Yannick Bodin. Eh oui!
M. Nicolas About. Si, comme vous le demandez, on reposait la question aujourd’hui : « Êtes-vous pour ou contre la privatisation de La Poste ? », la majorité des votants répondrait assurément « non », et moi aussi d’ailleurs… Mais tel n’est pas l’objet de ce texte.
Tout cela, je l’entends bien, mes chers collègues. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le groupe de l’Union centriste s’oppose fermement à la motion référendaire.
Tout d’abord – c’est mon premier point –, j’estime que le recours au référendum doit rester une procédure législative exceptionnelle. (C’est le cas ! sur les travées du groupe socialiste.)
Elle est exceptionnelle d’abord parce que notre tradition républicaine est fondée sur la démocratie représentative. Nous avons la responsabilité, mais aussi le devoir, pour reprendre une expression de Mme Borvo Cohen-Seat, d’avoir le courage de proposer, de discuter, d’amender et de voter la loi ; et le courage n’est pas le transfert de cette responsabilité à d’autres. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. René-Pierre Signé s’exclament.)
Il nous faut donc prendre nos responsabilités, même si le débat n’est pas aussi véritablement serein et constructif – je n’ai pas besoin de taper sur le pupitre pour le faire comprendre –, bref, à la hauteur de ce que nos électeurs pourraient attendre comme exemple de démocratie.
M. René-Pierre Signé. Affrontez-les !
M. Nicolas About. Le référendum doit rester exceptionnel. On ne peut exiger des citoyens qu’ils appréhendent aisément les aspects juridiques et économiques fondamentaux qui font la complexité de ce texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non ! C’est trop facile !
M. Nicolas About. Pas du tout !
Souvenons-nous, par exemple, à quel point la complexité du traité constitutionnel européen avait en grande partie perdu les électeurs, au profit d’arguments électoralistes et de slogans faciles.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Nicolas About. Mais si, et vous en avez été un exemple !
Justement, pour le cas présent du projet de loi sur le statut de La Poste, je suis encore plus sceptique, et c’est l’objet de mon deuxième point.
On peut aisément douter de l’honnêteté intellectuelle avec laquelle un certain nombre de propos sont tenus et qui, reconnaissez-le, biaisent le débat sur le changement de statut de La Poste et la libéralisation du marché du courrier de moins de 50 grammes, en le réduisant à celui d’une hypothétique « privatisation » que la rédaction de la loi d’aujourd’hui ne permet pas.
Si une loi future venait à en disposer autrement, il serait toujours temps, évidemment, de poser la question de la privatisation et de l’étudier objectivement. Or, en vous targuant du résultat de la votation populaire sur la privatisation de La Poste pour appuyer votre ferme opposition au projet de loi, vous vous rendez coupables de la confusion entre les deux situations.
Il suffit de lire l’article 1er du projet de loi : « Le capital […] est détenu par l’État ou par d’autres personnes morales appartenant au secteur public, à l’exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l’actionnariat des personnels. »
Certes, une loi future pourrait y revenir, comme n’importe quelle loi pourrait revenir sur n’importe quel sujet. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste. – Tout à fait ! sur les travées de l’UMP.) C’est toute la grandeur de la loi !
Il est malheureusement trop tard : vous avez déjà commencé à biaiser le débat à l’intérieur de notre assemblée, comme vous l’avez fait à l’extérieur, avec la votation populaire…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Dans la rue !
M. Nicolas About. … et avec vos mobilisations « anti-privatisation ». Alors, à quoi bon un tel référendum ?
M. Roland Courteau. Pour respecter les électeurs !
M. Nicolas About. Autant, sur un plan quantitatif, la question pourrait mobiliser plus que le référendum sur le quinquennat, autant, sur le plan qualitatif, la qualité de l’expression citoyenne serait nécessairement altérée par votre confusion entre le présent texte et une privatisation.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Nicolas About. L’expression populaire en ressortirait biaisée, et c’est dommage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand le peuple ne pense pas comme vous, c’est dommage !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Le peuple nous fait confiance pour l’instant !
M. Nicolas About. Aujourd’hui, votre velléité de démocratie populaire n’est pas crédible et me semble plutôt ne constituer qu’une triste échappatoire à des débats que, par ailleurs, vous vous plaisez à obstruer.
Le groupe de l’Union centriste n’entrera pas dans ce jeu.
M. Alain Fouché. Très bien !
M. Nicolas About. Au contraire, faisons honneur à notre démocratie représentative et construisons le débat sereinement au sein de cet hémicycle !
Certains ont déploré, lors de la discussion générale, le peu de temps – cinq jours – dont nous disposons pour nous prononcer sur ce projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales. (M. Roland Courteau s’exclame.) C’est vrai, la procédure accélérée s’applique. Justement, optimisons le temps que nous avons, améliorons le texte sur la base de discussions constructives !
J’espère que nous aurons l’occasion de vous entendre sur la garantie du caractère public des capitaux, sur les garanties à apporter à la qualité du service universel, sur le maintien de la présence postale sur nos territoires, sur le rôle et les pouvoirs de l’autorité de régulation, sur les mesures sociales. Bref, nous vous attendons sur les enjeux de fond de ce texte,…
M. Alain Fouché. Très bien !
M. Nicolas About. … et pas uniquement sur une hypothétique privatisation, au risque de passer à côté du texte et de donner un bien triste exemple de notre démocratie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons au moins un point commun, c’est notre attachement au très beau service public postal, dont Jean-Pierre Bel a déclaré dans son intervention qu’il était un élément consubstantiel de notre pacte républicain. J’ai moi-même indiqué dans la discussion générale qu’il était sans doute consubstantiel de notre identité nationale, dont il incarne les valeurs d’égalité et d’universalisme. Voilà qui est clair !
Cette motion référendaire s’appuie sur l’idée que le texte qui nous est proposé marque une vraie rupture radicale, un changement de cap. Je voudrais m’attacher à démontrer brièvement qu’il n’en est rien !
Tout d’abord, la radicalité de la rupture n’est pas dans la loi, elle est dans la réalité ! Demain, des opérateurs puissants, beaucoup mieux préparés que La Poste, peuvent menacer son avenir.
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Nous sommes déjà, comme je l’ai souvent expliqué ici même, dans une révolution numérique qui bouleverse toutes les situations, y compris les situations les mieux acquises, en France comme ailleurs.
Je pourrais évoquer, sur le plan économique, The New York Times ou TF1, ou encore, sur le plan politique, l’élection de Barack Obama, ce qui s’est passé en Iran. Bref, Internet bouscule toutes les situations acquises. Ce serait faire preuve d’une cécité profonde que de ne pas vouloir adapter La Poste à cette nouvelle donne !
M. Nicolas About. C’est vouloir sa mort !
M. Bruno Retailleau. Ensuite, le texte qui nous est proposé ne marque pas une vraie rupture radicale. La vraie rupture législative ne s’est produite ni en 2005 ni en 2009 : elle date de 1990, quand La Poste est sortie de sa gangue d’administration des PTT, qu’elle est entrée dans la vie d’entreprise, qu’elle a commencé à recruter des salariés de statut privé, qu’elle s’est mise à prendre en compte la rentabilité, une rentabilité qui a été décuplée en quelques années, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, et M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Bruno Retailleau. La réalité, elle est là !
Et il ne vous aura pas échappé que, en 1990, ce n’était pas Nicolas Sarkozy qui était Président de la République ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jacques Blanc. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Par ailleurs, il n’y aura pas de changement de cap, car la loi qui sera votée permettra de renforcer le développement de La Poste. Cette dernière, grâce à un apport de 2,7 milliards d'euros, pourra déployer ses activités en France et en Europe. Il s’agit là d’un élément important et objectif.
Mme Michelle Demessine. Vraiment objectif…
M. Bruno Retailleau. En outre, les missions de service public de La Poste seront renforcées (M. René-Pierre Signé s’exclame.), car c’est non pas le statut de La Poste qui est un élément consubstantiel de notre modèle social, mais l’exercice des missions de service public. Or, à cet égard, le texte prévoit de nouvelles garanties, en particulier en ce qui concerne la présence territoriale. En matière d’aménagement du territoire, les lois passées dimensionnaient le réseau de La Poste à 14 500 lieux. C’était nécessaire. Aujourd'hui, 17 000 points de contact sont prévus. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Ce n’est pas rien !
Enfin, la compensation à l’euro près est un élément fondamental.
M. Jean-Pierre Bel. Parce que vous y croyez ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes crédule !
M. Bruno Retailleau. Il a également été beaucoup question de mon amendement visant à réaffirmer le caractère de service public national de La Poste. Je dispose de trop peu de temps pour répondre à cet instant à toutes les objections qui ont été soulevées, mais soyez assurés que je me ferai un plaisir cet après-midi, ou cette nuit, lorsque cet amendement viendra en discussion, d’y répondre point par point. Et je vous promets que vous n’aurez pas affaire à un ingrat ! (M. Nicolas About rit.)
La motion référendaire repose sur un abus de langage. Vous tentez de faire croire à nos concitoyens que le présent projet de loi vise à privatiser La Poste ! Or c’est absolument faux !
M. Jean-Pierre Bel. Ah bon ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument ! C’est tromper nos concitoyens !
M. Bruno Retailleau. Par conséquent, cette motion n’a aucun objet.
Puisqu’il a beaucoup été question de notre modèle, permettez-moi de vous dire que le modèle institutionnel et politique français n’est pas celui de la Suisse. Il appartient à la représentation nationale, donc aux députés et surtout, aujourd'hui, aux sénateurs, de prendre leurs responsabilités. Et croyez-moi, mes chers collègues, nous allons les prendre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un vrai bonheur pour moi que de participer à ce débat. En qualité de président du groupe UMP, je tiens à remercier mes collègues du groupe socialiste de leur forte mobilisation. Ils me permettent ainsi de mobiliser à mon tour mon groupe…
M. Jean-Pierre Bel. Pas ce matin !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne se voit pas !
M. Gérard Longuet. … et de donner de l’institution sénatoriale une image forte, sur un sujet qui le mérite. (Exclamations et rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes convaincant !
M. Gérard Longuet. Cela étant, il est regrettable, mes chers collègues, que vous mobilisiez autant de sénateurs pour les priver finalement de débat.
M. Nicolas About. Très bien !
M. Gérard Longuet. L’adoption de cette motion référendaire aboutirait en effet à empêcher les sénateurs de s’exprimer et de débattre, alors que ce travail leur revient, comme l’ont dit excellemment Nicolas About et Bruno Retailleau ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Monsieur Bel, vous avez flatté mes sentiments conservateurs. Vous avez mobilisé Louis XI au secours de votre motion. Pourquoi pas ? Après tout, les Capétiens ont fait la France ! Je vous rappelle simplement que, à cette époque, la poste était l’outil de puissance d’un État qui ne respectait aucune liberté. Si c’est votre seul exemple, il est inquiétant pour ce qu’il révèle de votre conception de la démocratie ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait déjà deux arguments stupides !
M. Gérard Longuet. Laissons de côté l’histoire de notre pays et revenons à la réalité postale d’aujourd'hui. Parlons de l’avenir de La Poste et venons-en à la motion tendant à soumettre au référendum le projet de loi qui nous est soumis, demande bien surprenante de votre part.
Si cette motion était adoptée, ce dont je doute, elle aurait l’effet d’une guillotine, dont la première victime serait le Sénat. En effet, notre hémicycle compte des sénateurs, de gauche comme de droite, ayant une profonde connaissance de la question postale. Ils ont sur ce sujet acquis une autorité et une crédibilité qu’il nous faut aujourd'hui mobiliser au service de cette grande entreprise en charge d’un service public.
Ainsi, le président de notre Haute Assemblée, Gérard Larcher, que j’ai connu lorsque j’étais secrétaire d’État chargé des postes et des télécommunications, a rédigé plusieurs rapports sur ce sujet, en tant que sénateur. Ce fut même le premier dossier sur lequel il eut à travailler. En 1997, il a publié un document intitulé Sauver la Poste : devoir politique, impératif économique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans lequel il a conclu qu’il ne fallait pas changer le statut de La Poste !
M. Gérard Longuet. En 1999, alors que la gauche était au pouvoir, il a rédigé un rapport intitulé Sauver La Poste : est-il trop tard pour décider ?, puis, en 2003, un document intitulé La Poste : le temps de la dernière chance. Le Sénat s’est toujours mobilisé avec attention sur ce sujet, car, comme l’ont rappelé certains collègues, la présence postale sur l’ensemble du territoire est une chance pour nos compatriotes, pour les individus comme pour les entreprises, même si les conditions d’activité de La Poste, cher Bruno Retailleau, ont effectivement considérablement évolué.
Pierre Hérisson, rapporteur du présent projet de loi, est l’exemple même du sénateur impliqué dans un dossier de fond et respecté de l’ensemble de ses interlocuteurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, vous avez la chance d’avoir à vos côtés quelqu’un qui comprend, qui connaît bien la question de l’activité postale dans son ensemble et dont les jugements sont écoutés.
Monsieur Teston, je vous ai écouté avec intérêt. Vous exercez au sein de votre groupe la responsabilité de chef de file sur ce texte. Vous avez été précédé dans cette fonction par différents sénateurs qui ne partageaient pas mes convictions, qui étaient souvent sur la défensive, mais qui, comme la plupart d’entre nous, éprouvaient un véritable intérêt pour l’action postale : ils ont donc accepté, génération après génération, des évolutions qu’ils craignaient certes, mais qui se sont révélées pertinentes et judicieuses pour La Poste, pour la bonne raison d’ailleurs qu’elles étaient proposées par des professionnels de La Poste, à savoir par ses directeurs généraux successifs.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Comme aujourd'hui !
M. Gérard Longuet. Ces chefs d’entreprise, qui sont au contact de la réalité quotidienne, ont su trouver, à gauche comme à droite, des sénateurs attentifs à leur métier afin de défendre les conditions de succès de La Poste.
La Poste a constamment évolué depuis 1986. Ces évolutions ont été portées par des gouvernements de gauche comme de droite. À cet égard, je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler que c’est en décembre 1997 qu’un gouvernement socialiste a signé la directive postale.
M. Michel Teston. Très mal négociée par le gouvernement précédent !
M. Gérard Longuet. Comment aurait-il pu en être autrement ? Cette directive était en effet un hommage rendu à la capacité de La Poste à répondre aux attentes de ses clients et de ses usagers. En définitive, si La Poste fonctionne, c’est parce que des clients franchissent chaque jour les portes des bureaux de poste en vue d’y trouver des services de qualité, lesquels n’ont cessé d’évoluer de façon constante depuis vingt-cinq ans.
Permettez-moi de revenir sur la réalité que j’observe en cet instant dans cette enceinte : en ce mercredi matin, près d’un tiers, pour ne pas dire la moitié des sénateurs sont rassemblés dans cet hémicycle. Nous offrons à ceux qui nous font confiance, à ceux qui nous ont mandatés, l’image d’une assemblée attentive. Pourquoi donc les priver de débattre des 26 articles du projet de loi, sur lesquels 629 amendements ont été déposés ?
Permettez-moi de citer les propos d’un sénateur socialiste pour qui nous avons, les uns et les autres, de l’intérêt et souvent de l’estime, notre éminent collègue Robert Badinter. Lors de la séance du 19 juin 2008, au cours de laquelle nous examinions les dispositions qui ont permis le dépôt de la présente motion référendaire, il a déclaré ceci : « […] autant je suis favorable au développement et à la pratique du référendum, y compris d’initiative populaire, à l’échelon municipal, départemental ou régional, autant je combattrai toujours le référendum d’initiative populaire national.
« Le référendum d’initiative populaire est l’instrument préféré des démagogues les plus extrêmes, de ceux qui, en toutes occasions, utilisent les passions pour énerver la démocratie : regardons autour de nous ! » (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Robert Badinter, qui a de la culture et de l’humour, ajoutait ensuite, citant Giraudoux : « l’imagination est la première forme du talent juridique. Ici, elle a simplement pris le tour que Clemenceau se plaisait à dénoncer sarcastiquement : " Vous savez ce que c’est qu’un chameau ? C’est un cheval dessiné par une commission parlementaire." » (Sourires.)
M. Didier Guillaume. C’est beau…
M. Gérard Longuet. Tel est le sentiment que cette forme très insolite d’initiative parlementaire inspire à Robert Badinter.
Un référendum peut être pourtant l’occasion d’un grand rendez-vous.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce qu’on demande, un grand débat public sur La Poste ! Vous avez passé un quart d’heure à dénaturer notre demande !
M. Gérard Longuet. Le général de Gaulle a su l’utiliser lorsqu’il s’est agi d’épargner à la France le naufrage que constituait une décolonisation qui n’aboutissait pas. Le président Pompidou l’a utilisé à son tour pour la construction européenne. D’autres présidents ont suivi, y compris François Mitterrand.
M. Guy Fischer. Vous n’avez avancé aucun argument jusqu’à présent !
M. Gérard Longuet. Mais sur un sujet aussi technique que l’avenir de La Poste, le Parlement est le lieu naturel du débat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Pourquoi, mes chers collègues de la majorité, les socialistes, qui n’ont pas naturellement la culture du référendum, sont-ils aujourd'hui favorables à un référendum sur La Poste ?
Je rappelle qu’il y a ici des femmes et des hommes qui ont exercé des responsabilités gouvernementales, y compris sous mandature socialiste. Ont-ils eu recours au référendum pour demander aux Français leur avis sur les nationalisations en 1982 ? La réponse est « non » ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. C’était dans notre programme !
M. Gérard Longuet. Ont-ils utilisé le référendum entre 1997 et 2002 lorsqu’il s’est agi de dénationaliser ? Pas plus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était sous Chirac !
M. Gérard Longuet. Les socialistes ont nationalisé, puis dénationalisé des entreprises sans jamais …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le Président de la République qui décide d’avoir recours au référendum !
M. Gérard Longuet. … demander leur avis aux Français ! Cela aurait pourtant été logique, compte tenu de ce qu’ils nous proposent aujourd'hui. Ils ont donc une mémoire sélective et souffrent d’une amnésie bien inquiétante ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces arguments sont pitoyables !
M. Gérard Longuet. Mais, en fait, ceux qui demandent aujourd'hui un référendum sur La Poste ne sont pas dans cet hémicycle ! En effet, ce n’est pas la gauche gouvernementale, qui a exercé des responsabilités et qui s’est efforcée de répondre aux besoins de notre pays, et pour laquelle j’ai le plus grand respect même si je ne partage pas la plupart de ses orientations, qui souhaite un tel référendum. La motion référendaire qui nous est aujourd'hui soumise est le résultat d’un règlement de comptes entre la gauche et l’extrême gauche !
M. Jean-Pierre Bel. Bon sang, mais c’est bien sûr !
M. Gérard Longuet. Le fond du problème, c’est que, lors des dernières élections européennes, le Nouveau parti anticapitaliste, le NPA, a obtenu près de 5 % des suffrages. Or, dans notre démocratie, seuls comptent les résultats du second tour d’une élection.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les Français apprécieront vos arguments affutés !
M. Gérard Longuet. Dans la perspective des prochaines échéances électorales, il est indispensable de rassembler la gauche dispersée. La Poste est donc prise en otage entre l’extrême gauche et la gauche gouvernementale !
Tel est donc l’objet…
M. Guy Fischer. C’est plutôt l’extrême droite qui a pris la majorité en otage !
M. Gérard Longuet. … de la présente motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est nul !
M. Gérard Longuet. Examinons les faits, mes chers collègues : le Comité national contre la privatisation de La Poste, qui a organisé la votation populaire, est animé par des gens aussi responsables que M. Schivardi, éphémère candidat à la Présidence de la République. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’est-ce que vous racontez ?
M. Gérard Longuet. Dans sa proposition, signée par des parlementaires socialistes, dont peut-être des sénateurs, …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous racontez n’importe quoi !
M. Gérard Longuet. … il demande tout simplement l’abrogation de la directive européenne de décembre 1997, …
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Tout à fait vrai !
M. Gérard Longuet. … comme si cela avait le moindre sens !
Nous assistons donc à une surenchère entre l’extrême gauche, entre SUD-PTT d’une part, le NPA d’autre part, et un parti socialiste qui se sent dépassé sur sa gauche (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.)…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Gérard Longuet. … et qui aura donc besoin de fédérer…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Occupez-vous de l’extrême droite, que vous connaissez mieux !
M. Gérard Longuet. … toutes les gauches s’il veut remporter le second tour des élections régionales (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste) et cantonales de 2010 et de 2011, voire les prochaines élections législatives.
M. Nicolas About. Oui !
M. Gérard Longuet. Cette motion référendaire n’est donc qu’une plaisanterie destinée à permettre aux socialistes de dire à leurs électeurs qu’ils sont au diapason des comportements les plus extrêmes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les citoyens apprécieront !