M. Jean-Jacques Mirassou. Exactement !
M. Bernard Piras. Très bien !
M. Martial Bourquin. Nous avons des divergences, certes, mais attachons-nous à parler du fond.
M. Martial Bourquin. Sur le fond, votre projet est inutile est dangereux.
M. Martial Bourquin. Vous verrez ! L’intervention de notre collègue Michel Teston comportait de nombreuses propositions. Et il y en aura d’autres !
Je pense profondément que la loi visant non pas à sauver La Poste, mais à assurer son financement dans la perspective de l’ouverture à la concurrence est encore à inventer. En tout cas, vous ne la proposez pas ! J’ai la faiblesse de penser…
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que vous ne siégez pas sur les travées de l’opposition ; vous êtes assis au banc du Gouvernement et vous devriez donc avoir une certaine retenue.
M. Bernard Piras. Ne jouez pas les voyous !
M. Martial Bourquin. Patience, je vais vous les faire ! J’ai quinze minutes pour cela !
J’ai la faiblesse de penser, disais-je, que le présent projet de loi représente le premier étage d’une fusée qui en compte deux.
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Martial Bourquin. Aujourd'hui, le Gouvernement transforme La Poste en société anonyme pour qu’un autre Gouvernement – puisque qu’il y aura probablement un remaniement après les régionales – puisse, demain, la privatiser en toute sécurité.
Ce n’est pas parce que vous inscrivez dans la loi que le capital sera détenu à 100 % par des personnes publiques que les choses seront définitivement cadrées. Ce n’est pas vrai : ce qu’une loi met en place, une autre peut le défaire !
À cet égard, le statut d’EPIC constitue une garantie, et c’est d’ailleurs pour cela que vous y êtes résolument opposés. Vous prétendez que c’est la transposition de la directive européenne qui vous oblige à transformer en société anonyme l’établissement public industriel et commercial qu’est aujourd'hui La Poste. C’est faux : cela n’est mentionné nulle part !
M. Jean-Pierre Bel. Absolument !
M. Martial Bourquin. Nous sommes donc dans un débat idéologique.
M. Alain Fouché. Non, c’est un débat sur le territoire !
M. Martial Bourquin. Vous n’avez rien compris à la crise financière ! La libéralisation à outrance de l’économie et la bulle financière nous ont menés au chaos. Or la solution que vous proposez pour La Poste, à terme, c’est la privatisation : d’abord en partie, puis totalement.
Les conséquences réelles de votre projet doivent être connues de tous les élus des territoires. La présence postale sera considérablement diminuée. Vous évoquez les 17 000 points de contact ; mais s’agit-il d’une garantie ?
M. Hervé Maurey. Oui !
M. Martial Bourquin. Bien sûr que non, et je vais vous le démontrer très facilement.
Siégeant à la commission départementale de présence postale territoriale, je connais très bien le procédé employé pour fermer un bureau de poste : il suffit de diminuer son amplitude horaire. Imaginez un magasin qui n’ouvre qu’une ou deux heures par jour, qu’une demi-journée au lieu d’une journée : plus personne ne s’y rend ! Il ne reste plus qu’à constater cette inéluctable désaffectation pour prononcer la fermeture.
Mme Odette Herviaux. Bien sûr !
M. Martial Bourquin. Cela a une double conséquence : d’une part, la suppression de nombre d’emplois, et c’est d’ailleurs l’objectif réellement recherché tant il y a rarement eu autant de suppressions de postes qu’aujourd'hui ; d'autre part, la précarisation maximale des postiers, qui n’ont plus que quelques heures de travail par jour.
Je ne veux pas jeter la pierre aux maires qui doivent se contenter de mettre en place une agence postale, voire un simple point de contact, dans leur commune : ils n’ont pas le choix !
Monsieur le ministre, avec ce texte, vous préparez l’ouverture à la concurrence en opérant un véritable « déménagement du territoire » ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Sur cette question, je vous trouve assez absent ; j’aurais préféré vous voir faire preuve d’une volonté politique beaucoup plus forte.
La société anonyme n’est pas la panacée ! Le Gouvernement a choisi d’injecter 2,7 milliards d'euros pour faire face à 6 milliards d'euros de dettes et à un ambitieux programme de modernisation. Pourquoi ne pas avoir proposé de financer des projets d’avenir de La Poste par le biais du grand emprunt ? Pourquoi, surtout, n’avez-vous pas profité du contexte de défiance à l’égard des banques pour renforcer les compétences de la Banque postale au sein d’un pôle financier public ?
M. Bernard Piras. Très bien !
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, vous attendiez mes propositions, en voilà deux ! Épargnez-moi donc vos leçons en la matière !
Les banques inspirent aujourd'hui une grande méfiance. D’après un récent sondage, la moitié des Françaises et des Français se disent prêts à en changer. Contrairement au reste du secteur, la Banque postale n’a pas joué avec les capitaux nocifs. Comment se fait-il donc qu’aucune grande action de communication n’ait été organisée pour promouvoir l’image d’une banque différente, proche des citoyens ?
Je l’ai dit, vous vous abritez derrière l’Europe pour justifier le changement de statut. Tout à l’heure, vous nous avez accusés d’être des idéologues. Mais lorsqu’on affirme que l’ouverture à la concurrence passe forcément par la transformation en société anonyme, on est en pleine idéologie !
Hier, lors de la discussion générale, Michel Teston a brillamment démontré que l’établissement public industriel et commercial qu’est La Poste était tout à fait en mesure d’affronter la concurrence et, surtout, de se moderniser. Par certains côtés, cette modernisation est déjà à l’œuvre, et de façon remarquable, d’ailleurs.
Monsieur le ministre, vous n’avez jamais envisagé sérieusement d’autres scénarios juridiques et financiers pour assurer le financement pérenne de La Poste.
Restant sourd aux propositions qui ont pu vous être formulées, vous n’avez pas d’autre finalité que de transformer La Poste en société anonyme. Vous martelez, sans pouvoir dire autre chose, que modernisation et transformation en société anonyme sont intimement liées. Il est impensable de raisonner ainsi !
Vous auriez pourtant pu vous battre pour faire reconnaître par l'Europe l’originalité du modèle français. Notre pays s’est souvent distingué dans différents domaines, notamment sur les questions culturelles. Pourquoi ne montrez-vous pas que le statut d’EPIC est tout à fait compatible avec l’ouverture à la concurrence ?
Je n’aurai de cesse de le répéter, ce projet de loi constitue le premier étage d’une fusée qui en compte deux : il préfigure une privatisation qui, certes, interviendra plus tard, mais n’en sera pas moins réelle.
J’ai d’ailleurs pu constater que M. Guaino n’avait pas la même vision que vous sur cette privatisation : lui ne la rejette pas a priori.
M. Roland Courteau. C’est clair !
M. Martial Bourquin. Il faudra donc veiller à accorder vos positions, car, pour l’instant, force est de constater que la cacophonie règne au sein du Gouvernement ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. M. Guaino n’appartient pas au Gouvernement. Quant à la cacophonie, elle règne surtout chez les socialistes !
M. Martial Bourquin. Alors que plus de 2 millions de personnes ont, par leur vote, exprimé leur souhait de voir La Poste rester publique, vous allez à contre courant de ce souhait en préparant une future privatisation.
Vous avez le droit de défendre des positions, monsieur le ministre, y compris une privatisation, mais encore faut-il le faire ouvertement, ce qui n’est pas votre cas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Pour notre part, nous nous opposons fermement à votre projet, en assumant nos choix politiques. Je vous invite à faire de même !
Je voudrais m’adresser maintenant à mon collègue Hervé Maurey, pour lui dire que je n’ai pas du tout apprécié son intervention hier soir.
Mon cher collègue, vous ne pouvez pas dénigrer comme vous l’avez fait les plus de 2 millions de citoyens qui sont allés mettre un bulletin dans une urne pour manifester leur souhait de garder La Poste telle qu’elle est et de conserver la présence postale sur le territoire. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. Ce n’est pas la question !
M. Didier Guillaume. La réponse du peuple vous gêne !
M. Roland Courteau. Respectez-le !
M. le président. Mes chers collègues, laissez l’orateur s’exprimer !
M. Martial Bourquin. Force est de constater que certains propos ne font pas plaisir à entendre !
Monsieur Maurey, la pilule a eu bien du mal à passer, mais je vous ai écouté ! On ne peut pas s’exprimer ainsi : plus de 2 millions de personnes, c’est énorme ! Je vous lance un défi : si vous pensez que le vote a été mal organisé et qu’il faut faire autrement, eh bien ! faisons-le.
M. Jean Desessard. Le référendum ! (M. Bernard Piras brandit la feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit le mot « référendum ».)
M. Martial Bourquin. Lançons un référendum national, organisé par les collectivités locales, pour consulter l’ensemble de la population française, et nous verrons ce que cela donnera. Ayez le courage de le faire ! (M. Charles Guené lève les bras au ciel.)
Jeune parlementaire, j’ai assisté à la réunion du Congrès à Versailles pour permettre au Président de la République de s’exprimer devant le Parlement. Cela n’a pris que quelques heures. Pourquoi n’y a-t-il toujours pas de loi prévoyant la possibilité d’organiser un référendum sur des grandes questions telles que l’avenir de ce grand service public qu’est La Poste ?
Monsieur Maurey, vos amis centristes ont pris le pouvoir au Japon : leur première décision politique a été de stopper la privatisation de la poste, qui s’est traduite par un désastre sur leur territoire. Vous devriez vous en inspirer !
Par ailleurs, j’ai vu aussi beaucoup d’impréparation, notamment sur la question des retraites : aussi incroyable que cela puisse paraître, certains ministres n’ont pas semblé se rendre compte que la transformation de La Poste en société anonyme risquait de mettre en danger l’IRCANTEC.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Ils ont simplement prévu que les anciens salariés resteraient à l’IRCANTEC ; ceux-ci pourraient donc, à terme, faire valoir leurs droits à la retraite. Mais en l’absence de nouveaux cotisants, l’IRCANTEC va se trouver en difficulté.
Quand je vois ce niveau d’impréparation de la part du Gouvernement, doublé d’une très grande précipitation, je me dis qu’il y a anguille sous roche,…
M. Roland Courteau. C’est le cas !
M. Martial Bourquin. …que rien n’est prêt, que l’on va faire des bêtises !
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur ce projet de loi. Plutôt que d’agir sous la pression, prenons notre temps : nous pourrons avoir un véritable débat après avoir consulté les Françaises et les Français par référendum ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission est défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.
Je me bornerai à formuler quelques observations, qui confirmeront nos divergences d’approche sur la manière de faire évoluer et de moderniser cette grande entreprise publique qu’est La Poste.
S’en tenir au statu quo entraînerait une lente asphyxie de La Poste, qui se trouverait dans l’impossibilité de répondre aux défis qui l’attendent. Nous ne souscrivons pas à ce qui vient d’être dit. Le présent projet de loi est absolument nécessaire, à un double titre : sur le plan juridique, afin de parachever le processus de transposition des directives européennes postales, entamé voilà plus de dix ans ; sur le plan économique, afin de donner à La Poste les moyens de faire face à la concurrence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. M. Bourquin a parlé de respect, or il me semble avoir consacré beaucoup d’énergie à rencontrer les élus sur l’ensemble du territoire, quelle que soit leur sensibilité politique. Je crois leur avoir ainsi montré combien je les respecte. Qui peut d’ailleurs avoir le sentiment qu’on lui a manqué de respect, sinon le ministre auquel on a annoncé qu’on allait lui « pourrir la semaine » ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. C’est vous qui répétez cela depuis hier soir !
M. Michel Teston. Qui a prononcé cette phrase ?
M. Christian Estrosi, ministre. Qui donc s’est montré irrespectueux ? Sur ce point, vous ne me prendrez jamais en défaut !
Mme Évelyne Didier. Si vous voulez des exemples précis, j’en ai, monsieur le ministre ! Ils remontent au dernier débat budgétaire !
M. Jean-Pierre Bel. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Christian Estrosi, ministre. Bien volontiers, monsieur Bel : c’est pour moi une autre façon de respecter les sénateurs !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, avec l’autorisation de M. le ministre.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, les propos que vous nous avez reprochés à plusieurs reprises depuis hier n’ont été repris que sous forme de boutade par l’un d’entre nous, précisément parce que vous les aviez d’abord prononcés. Puisqu’ils semblent constituer votre argument principal, dites-nous qui a affirmé que nous avions l’intention de vous « pourrir la semaine ». J’aimerais vraiment le savoir, car cela commence à devenir insupportable ! Levez ce suspense, afin que nous puissions vous répondre avant de passer aux arguments de fond !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Bel, je vais vous donner la preuve matérielle que le groupe que vous présidez est complètement associé à cette volonté de « pourrir le débat » sur la réforme postale, tout au long de cette semaine. De même, je vais vous démontrer, en répondant à M. Bourquin, que vous vous complaisez à habiller certaines réalités.
Je commencerai par répondre sur le fond, car ce débat sur La Poste le mérite à mes yeux.
Vous affirmez, monsieur Bourquin, que les 2,7 milliards d'euros pouvaient être apportés à La Poste tout en maintenant le statut d’EPIC. Or vous savez très bien que l’Union européenne interdit un tel apport à un établissement public ! Si nous le faisions, nous serions immédiatement condamnés et La Poste devrait rembourser cette somme au Gouvernement. C'est la raison pour laquelle le seul moyen de conserver le caractère public de La Poste tout en lui apportant 2,7 milliards d'euros consiste à la transformer en société anonyme à caractère public.
Par ailleurs, vous m’avez annoncé que vous alliez formuler des propositions, mais vous avez surtout parlé de bulle financière et agité le spectre de la privatisation. Le maintien de 17 000 points de contact postaux n’est pas une garantie à vos yeux et vous relevez qu’aujourd'hui la situation de certains bureaux ou agences est précaire – constat sur lequel nous pouvons nous rejoindre –, mais vous n’indiquez pas comment et avec quels moyens nous allons améliorer les choses : vous estimez au contraire qu’il ne faut rien changer, ce qui est pour le moins paradoxal ! Vous nous accusez d’adopter une démarche idéologique et de procéder au « déménagement du territoire », mais vous ne présentez pas la moindre proposition, préférant en rester à des procès d’intention et à une addition de bons sentiments.
Cela étant, alors que le sujet qui nous occupe fait débat depuis des semaines, vous venez enfin de formuler publiquement une suggestion : assurer le financement de La Poste par le biais du grand emprunt. Je prends donc acte de ce que le parti socialiste est favorable à un recours au grand emprunt pour financer La Poste : cela figurera au Journal officiel ! Cependant, que les 2,7 milliards d'euros proviennent du Gouvernement et de la Caisse des dépôts et consignations ou du grand emprunt, où est la différence ? Cela reste de l’argent public, et nous nous heurterons à l’opposition de l’Union européenne dans les deux hypothèses, car l’État n’a pas le droit d’apporter 2,7 milliards d’euros à un établissement public !
Telle est la seule proposition que vous ayez faite, après en avoir annoncé de nombreuses ! Entre nous soit dit, elle n’est d’ailleurs pas des plus originales !
Il est vrai que vous proposez également de mener un combat sur le plan européen pour faire accepter que des établissements publics puissent recevoir de l’argent public sans avoir besoin de changer de statut. Comment peut-on suggérer de s’engager dans cette voie alors que l’ouverture à la concurrence interviendra dans moins d’un an ? Compte tenu du temps qu’il faut pour amener les instances européennes à revoir si peu que ce soit leur position, La Poste aura disparu avant que nous ayons obtenu le moindre résultat, absorbée par des concurrents qui auront pu, eux, évoluer pour se renforcer. Cela dit, le fait que l’un de vos amendements prévoie de modifier le statut de La Poste en 2045 montre à quel point vos propositions sont caricaturales !
Je parlerai maintenant une dernière fois de privatisation, ayant déjà donné suffisamment d’explications sur ce point pour ne plus avoir à y revenir ensuite. Désormais, ce qui compte à mes yeux, c’est de débattre de l’avenir de La Poste, de sa modernisation, de la grande entreprise de logistique, leader européen, que nous voulons créer. Il est temps de tourner la page : La Poste ne sera pas privatisée ! Vous pouvez bien brandir ce spectre, cela ne m’intéresse pas ! Ma seule préoccupation est de donner toutes ses chances à La Poste.
Néanmoins, je tiens à réfuter absolument votre argument relatif à l’IRCANTEC, qui ne doit pas inquiéter les salariés. Au mois de juillet dernier, nous avons répondu à leurs attentes en ouvrant les négociations, notamment avec l’AGIRC-ARRCO. Il sera inscrit dans la loi que l’AGIRC-ARRCO versera une soulte à la hauteur des engagements nécessaires pour permettre aux salariés de La Poste de bénéficier du régime de l’IRCANTEC.
Enfin, vous avez fait référence à une boutade d’un conseiller du Président de la République sur le caractère non éternel de toute chose en ce bas monde : ce qu’une loi fait, une autre loi peut le défaire, a-t-il dit.
M. Martial Bourquin. Eh oui !
M. Christian Estrosi, ministre. Assurant que le projet de loi offre les plus grandes garanties possibles pour interdire la privatisation, M. Guaino a rappelé que nous sommes en démocratie et que si demain les socialistes ont la majorité et veulent changer la loi, ils le pourront. Vous n’êtes pas allé jusqu’au bout de la citation, monsieur Bourquin ! Tout comme M. Guaino, la seule chose que je craigne, c’est que demain vous ne reveniez au pouvoir pour changer la loi et privatiser La Poste ! (Rires sur les travées de l’UMP.) C’est la raison pour laquelle nous voulons nous entourer de toutes les garanties nécessaires.
En ce qui concerne votre volonté de « pourrir la semaine »,…
M. Jean-Pierre Bel. Ne le redites pas !
M. Christian Estrosi, ministre. … elle était exprimée dans une dépêche annonçant que le Sénat se préparait à un affrontement « sévère » sur le statut de La Poste : « “on va leur pourrir la semaine ”, proclamait-on au groupe socialiste » ; « “on sera nuit et jour dans les tribunes pour faire une lecture critique de chaque amendement ”, avertissait le représentant du comité national contre la privatisation de La Poste ».
M. Jean-Pierre Bel. Qui a dit cela ?
M. Christian Estrosi, ministre. Ce sont vos amis, ceux avec lesquels vous avez organisé cette votation qui n’avait ni queue ni tête ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. C’est la presse !
M. Christian Estrosi, ministre. Les propos tenus tout à l’heure par l’un des orateurs de votre groupe à cette tribune n’ont fait que confirmer cette intention ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je souhaite répondre à l’interpellation de M. Bourquin et expliquer notre vote, afin d’apaiser M. Teston, qui semblait désespéré que nous ne nous exprimions pas…
Monsieur Bourquin, je confirme que ce que vous appelez une « votation » n’était qu‘une scandaleuse mascarade ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.) Cela vous surprendra peut-être, mais je suis à la fois centriste et gaulliste ! En tant que gaulliste, je suis foncièrement attaché au référendum, et c’est pour cette raison que j’ai été scandalisé par cette mascarade ! En effet, poser à nos concitoyens une question qui n’a rien à voir avec le projet de loi, c’est tout simplement se moquer d’eux et de la démocratie !
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle était la question ? Le savez-vous seulement ?
M. Hervé Maurey. Et quand de surcroît on demande aux gens de voter contre la fermeture d’un bureau de poste qui, en l’occurrence, n’est absolument pas menacé, c’est même une escroquerie intellectuelle ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Cela étant, M. Bourquin m’a permis de prendre conscience que je suis complètement en phase avec mes homologues nippons, ce que j’ignorais : comme eux, je suis hostile à la privatisation des services postaux. Mais, encore une fois, ce n’est pas la question qui nous occupe aujourd'hui.
M. Roland Courteau. C’est un premier pas !
M. Hervé Maurey. J’ai beaucoup de respect et d’estime pour MM. Bourquin et Teston, mais je ne comprends pas leur position dans ce débat. En les écoutant, deux mots me viennent à l’esprit : archaïsme et surréalisme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Archaïsme et surréalisme sont antinomiques !
M. Hervé Maurey. Je parle d’archaïsme parce qu’ils s’arc-boutent sur la défense du statut d’EPIC : depuis quand un statut juridique est-il une fin en soi ? La finalité, c’est que La Poste reste une grande entreprise de service public, que ses missions de service public soient confirmées et confortées : tel est l’objectif visé par le groupe de l’Union centriste au travers d’un certain nombre d’amendements, que nos collègues ne manqueront pas, du moins je l’espère, de voter. (Signes de dénégation sur les travées du groupe socialiste.)
Nous souhaitons que l’entreprise La Poste puisse faire face à l’ouverture à la concurrence européenne. Voilà ce qui compte, au-delà de la question du statut, EPIC ou SA, qui relève en fait du détail !
Un étudiant en première année de droit – je parle sous le contrôle de M. Gélard – sait que le statut d’EPIC n’est nullement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public. Je vous invite à retourner à la faculté de droit le plus rapidement possible… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
En outre, votre démarche est surréaliste dans la mesure où, alors que nous examinons un projet de loi qui, je le répète, ne prévoit pas la privatisation de La Poste,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Amen !
M. Hervé Maurey. … vous tenez absolument à évoquer un hypothétique futur texte relatif à cette privatisation. Certes, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire, mais quel parlementaire pourrait s’en émouvoir ? C’est le principe même de la démocratie !
Cessons donc de débattre d’un projet de loi qui pourrait venir ultérieurement modifier celui que nous examinons aujourd'hui, d’autant que, si l’on entend s’opposer à la privatisation de La Poste, le maintien du statut d’EPIC n’est pas une garantie pour l’avenir : rien n’empêcherait qu’une autre loi intervienne ensuite pour transformer directement La Poste en société de droit privé, le passage par le statut de SA n’étant en rien une étape obligatoire.
Je suis quelque peu chagriné de voir des collègues pour qui j’ai beaucoup d’estime et de sympathie…
M. Jean-Jacques Mirassou. On ne le dirait pas !
M. Hervé Maurey. … s’enferrer dans une attitude archaïque et surréaliste. Naturellement, nous ne voterons pas la motion. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Pour notre part, nous voterons la motion de procédure présentée par le groupe socialiste, car nous considérons que ce projet de loi est dangereux pour le service public postal. À qui fera-t-on croire que l’ouverture à la concurrence de l’ensemble des activités postales et la transformation de l’opérateur national en simple société anonyme permettent de garantir un service public efficace et moderne ?
Vous n’avez de cesse, monsieur le ministre, de nous dire que les missions de service public et la maîtrise publique seront sauvegardées, mais si ces missions sont définies – de manière relativement imprécise – dans le texte, leur financement reste plus qu’incertain.
Ainsi, la suppression du secteur réservé, prévue au titre II du projet de loi, va, une nouvelle fois, priver La Poste de ressources indispensables pour mettre en œuvre le service universel.
Dans ces conditions, la création du fameux fonds de compensation du service universel postal, inscrite dans la loi relative à la régulation des activités postales, devient plus que jamais nécessaire. Ce fonds devait initialement être géré par la Caisse des dépôts et consignations ; celle-ci prenant part au capital de La Poste, il vous revient donc de créer un établissement public dédié.
Je ne parlerai pas ici du fonds postal de péréquation territoriale, cette question ayant déjà largement abordée par mes collègues lors de la discussion générale. Son avenir est mis en péril par la suppression annoncée de la taxe professionnelle.
Le projet de loi s’articule autour de la notion de service universel, notion qui est pour vous le plus sûr outil du démantèlement des services publics à la française. On le constate encore dans ce texte, qui prévoit que les prix soient fixés en fonction des coûts : il n’est donc plus question de services publics, mais de services rendus dans des conditions économiquement intéressantes pour les actionnaires.
Vous renforcez encore le rôle et les pouvoirs de l’ARCEP, dont la mission est de permettre l’entrée sur le marché des opérateurs privés dans des conditions favorables. Les autres instances, curieusement, ont été mises en sommeil, notamment la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
Je formulerai maintenant des propositions, comme vous nous y avez invités à juste titre, monsieur le ministre, car si nous refusons le changement de statut, nous ne voulons pas non plus le statu quo.
À votre exigence de rentabilité maximale, nous opposons l’instauration de complémentarités et de coopérations comme bases du service public et de la cohésion nationale.
À l’échelle européenne, mettre en œuvre des réseaux transeuropéens a du sens. En revanche, organiser une guerre fratricide entre les services publics nationaux n’aboutit qu’à un vaste gâchis humain et financier.
À l’échelle nationale, nous proposons d’ouvrir le chantier de la création de deux pôles publics. J’ai cru comprendre que vous étiez favorable à la mise en place du premier d’entre eux, à savoir un grand pôle public financier, articulé autour de la Banque de France, de La Poste, de la Caisse des dépôts et des consignations et d’OSEO, afin d’orienter les finances publiques vers la satisfaction des besoins, sans recourir aux produits toxiques. Puisque vous nous avez félicités de cette proposition, monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir intervenir auprès des services du Sénat pour que l’article 40 de la Constitution ne soit pas opposé aux sous-amendements que nous allons déposer à cette fin.
Par ailleurs, puisqu’il faut accompagner la complémentarité des usages d’une complémentarité des offres, pourquoi ne pas s’appuyer sur le formidable atout que représente le réseau postal pour lutter contre la fracture numérique ? Il y a là une piste importante à explorer en vue de la modernisation que nous appelons de nos vœux, l’objectif étant la création d’un grand pôle public des postes et télécommunications du xxie siècle. Il faudrait pour cela en finir avec la logique qui anime toutes les réformes que le Gouvernement entreprend en se défaussant de ses responsabilités sur le privé ou sur les collectivités locales, comme on le voit avec les APC et les RPC, ce qui mène à l’impuissance des pouvoirs publics à répondre aux besoins et à offrir des services à tous.
Pour toutes ces raisons, les 2,3 millions de personnes qui se sont exprimées le 3 octobre dernier peuvent compter sur les sénateurs du groupe CRC-SPG et, au-delà, de toute l’opposition pour faire entendre leur voix. Pour notre part, nous respectons leur démarche, monsieur Maurey, et nous regrettons que le Gouvernement ait choisi de les mépriser. Nous sommes à leurs côtés, déterminés à affirmer que La Poste a un bel avenir devant elle, à condition de mettre en échec votre projet de loi de privatisation – c’est bien de privatisation qu’il s’agit – de ce grand service public postal. Nous voterons donc la motion tendant à opposer la question préalable présentée par nos collègues socialistes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)