M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre. La commission de l’économie est d’ailleurs allée plus loin encore à cet égard puisque les 17 000 points de contact sont désormais inscrits dans le texte, grâce au groupe de l’Union centriste. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Dans les boulangeries et les épiceries !
M. Christian Estrosi, ministre. C’est une garantie majeure pour ceux qui s’inquiétaient – à tort – du maintien de la présence postale sur l’ensemble du territoire !
Michel Mercier et moi-même sommes satisfaits que cet amendement, qui inscrit clairement les 17 000 points de contact dans la loi, ait pu être adopté par votre commission.
Celle-ci s’est aussi préoccupée du financement de la mission d’aménagement du territoire de La Poste. Le Gouvernement partage sa volonté de veiller à une juste compensation de cette mission de service public, mais sur la base d’une évaluation incontestable.
Au total, je me présente aujourd’hui devant vous avec un projet de loi qui a d’ores et déjà été amélioré par votre commission, et qui pourra l’être encore plus en séance.
Je sais que les sénateurs du groupe UMP ont déposé un amendement prévoyant que les salariés actuels de La Poste resteront affiliés à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC, même après le changement de statut de La Poste.
Mme Marie-France Beaufils. Et les nouveaux salariés ?
M. Christian Estrosi, ministre. C’est un point très important pour les salariés, et le Gouvernement sera naturellement favorable à ce dispositif, comme je l’avais d’ailleurs annoncé dès le mois de juillet.
De la même manière, je sais que certains sénateurs du groupe RDSE ont déposé un amendement prévoyant que les fonctionnaires de La Poste, à l’instar des salariés de La Poste, pourront bénéficier d’un dispositif de prévoyance santé. Cette avancée importante pour les fonctionnaires de La Poste témoigne, elle aussi, du fait que ce projet de loi ne remet nullement en cause les droits et statuts des agents de La Poste. Au contraire, il les conforte et les améliore, qu’il s’agisse des salariés de La Poste, avec l’IRCANTEC, ou des fonctionnaires de La Poste, avec la prévoyance santé !
Tel est, en définitive, mesdames, messieurs les sénateurs, l’esprit avec lequel nous nous présentons devant vous : notre texte est équilibré et, sans rien toucher à ce qui fait la force et l’identité de La Poste, il permet de lui apporter les moyens de sa modernisation ; l’État s’engage clairement sur le maintien des quatre missions de service public, le maintien du statut des agents, le maintien du caractère intégralement public de l’entreprise.
Nous abordons le débat dans un esprit d’ouverture, car La Poste appartient à tous les Français,…
M. Roland Courteau. Eh bien alors, faites donc un référendum !
M. Christian Estrosi, ministre. … et le Gouvernement a d’ores et déjà accepté plusieurs amendements significatifs en commission.
Le Gouvernement est prêt à accepter d’autres amendements encore, quelle que soit la couleur politique de leurs auteurs, s’ils vont dans le sens des intérêts des agents de La Poste, de ses clients et, plus généralement, de son avenir !
En revanche, mesdames, messieurs les sénateurs, après les garanties que je viens de vous offrir, je regretterais que, sur certaines travées, on continue de s’enfermer dans une attitude consistant, au mieux, à avoir le seul souci de l’obstruction, en déclarant par exemple : « On va leur pourrir la semaine ! » (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Bel. Qui a dit ça ?
M. Christian Estrosi, ministre. Ce sont là des propos des représentants mêmes de l’opposition !
Telle n’est pas ma conception du débat démocratique !
Au pire, une telle attitude manifesterait une volonté clairement affichée de nuire à La Poste, aux postiers et aux missions de service public qu’ils remplissent. Certains amendements, hélas, tendent à le démontrer. J’en mentionnerai quelques-uns, qui me paraissent emblématiques.
L’amendement n° 99 du groupe CRC-SPG vise à supprimer le prix unique du timbre, qui est pourtant une garantie à laquelle les Français sont très attachés !
L’amendement n° 96 du groupe CRC-SPG tend à supprimer l’obligation faite à La Poste de distribuer le courrier six jours sur sept. Si cet amendement était adopté, La Poste pourrait distribuer le courrier uniquement cinq, voire quatre jours par semaine, voire encore moins !
Les amendements nos 69 et 503 des groupes socialiste et CRC-SPG visent à supprimer la possibilité pour les fonctionnaires et salariés de La Poste d’être actionnaires de leur entreprise : on prive ainsi les postiers d’un droit que leur ouvre le projet du Gouvernement !
Les amendements nos 70, 308, 510 et 599 des groupes socialiste et Vert, CRC-SPG, et de certains sénateurs du groupe RDSE tendent à priver les salariés et fonctionnaires de La Poste de la possibilité de recevoir des actions gratuites qui seraient susceptibles de leur être offertes par l’établissement et qu’ils pourraient revendre ensuite. (Augmentez plutôt les salaires ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Hourvari.)
Quant à l’amendement n° 598 de certains sénateurs du groupe RDSE, il tend à prévoir que les salariés de La Poste qui achèteraient des actions de La Poste seraient privés de droits de vote sur ces actions, ce qui est contraire à tous les principes du droit du commerce !
M. Guy Fischer. Vous travestissez la vérité !
M. Christian Estrosi, ministre. Ce ne sont que quelques exemples, mais il y en a encore beaucoup d’autres.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une logique politicienne conduit ceux qui déposent des amendements d’obstruction à supprimer des dispositions essentielles pour les missions de service public de La Poste et les droits de ses agents. Je leur réponds qu’il faut être responsable et donner à La Poste les moyens de faire face à l’avenir. Comme l’écrivait M. François Ailleret dans son rapport, La Poste a « encore un bel avenir ». Ce projet de loi est là pour le montrer et, surtout, pour lui garantir cet avenir. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, qui a souhaité réagir à certains propos de M. le ministre et a bien voulu attendre la fin de son intervention.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je me permets d’intervenir pour éclairer le débat, et je le crois d’autant plus nécessaire que M. le ministre chargé de l’industrie s’est permis de faire état de certains de nos amendements en les tronquant.
Monsieur le ministre, vous nous dites que, grâce à vous et à M. le rapporteur, le texte garantira que La Poste demeurera un service public national.
Or le Conseil constitutionnel, dans une décision du 30 novembre 2006 relative à Gaz de France, a très clairement précisé que le fait d’inscrire dans une loi qu’un service public est national, dès lors que cela ne figure pas dans la Constitution, n’empêche en rien son transfert vers le secteur privé. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Il faut rétablir la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Autrement dit, monsieur le ministre, la disposition à laquelle vous avez fait allusion est nulle et non avenue et ne garantit en aucun cas le caractère de service public de La Poste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Rappel au règlement
M. Michel Teston. J’avais effectivement souhaité, monsieur le président, faire un rappel au règlement, à la suite de ceux de MM. Le Cam et Fischer, avant que M. le ministre ne prenne la parole, mais vous m’avez fait comprendre que je m’étais manifesté un peu trop tard.
Je me suis déjà exprimé, à l’ouverture de la séance, sur le contexte dans lequel nous examinons ce projet de loi et sur les choix effectués par le Gouvernement : d’une part, celui-ci a décidé de recourir à la procédure accélérée ; d’autre part, nous avons été contraints d’examiner ce texte en une seule semaine quand deux auraient été nécessaires.
M. Guy Fischer. Le Gouvernement bâcle le débat !
M. Michel Teston. En conséquence, à chaque suspension de séance, nous sommes obligés de participer à des réunions de commission pour examiner les amendements, si bien que ceux-ci sont examinés trop rapidement.
M. Guy Fischer. À la mitraillette !
M. Michel Teston. Voilà ce que je voulais dire d’emblée.
Mais comment ne pas réagir à l’emportement dont a fait preuve M. le ministre ?
M. Jean-Pierre Bel. C’était inacceptable !
M. Jean Desessard. Il nous a « pourri la semaine » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Michel Teston. On ne peut pas entamer ce débat autrement que dans la sérénité. Or, depuis déjà quelques semaines, le Gouvernement fait preuve d’un manque total de sérénité. Je rappellerai certaines réactions peu amènes à l’égard du résultat de la votation citoyenne, résultat pourtant particulièrement probant.
Je crois que Christian Estrosi,…
M. Roland Courteau. Manque de sang-froid !
M. Michel Teston. … qui est par ailleurs un homme charmant, doit « garder ses nerfs°», afin que nous puissions avoir un vrai débat. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.). Je vois d’ailleurs qu’il se tourne vers moi en souriant, ce qui me paraît de meilleur augure !
Je voudrais également réagir à ce qu’il a indiqué à propos des privatisations. Mais qui diable a privatisé Gaz de France après avoir indiqué que l’État conserverait au moins 70 % du capital ? N’est-ce pas votre majorité, après qu’un certain Nicolas Sarkozy eut solennellement déclaré ici même, au banc du Gouvernement, que cet engagement ne serait jamais remis en cause ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La main sur le cœur !
M. Guy Fischer. Il nous a menti !
M. Michel Teston. Quant à France Télécom, c’est en 1996 que sa privatisation a été décidée. Or, à ma connaissance, en 1996, la gauche n’était pas au Gouvernement...
Je souhaite à mon tour évoquer l’amendement de Bruno Retailleau, qui a beaucoup agité le Landerneau politique et médiatique et auquel M. le ministre chargé de l’industrie a fait allusion dans son intervention.
Comme l’a dit Nicole Borvo Cohen-Seat, selon la décision du Conseil constitutionnel, le fait « qu’une activité ait été érigée en service public national sans que la Constitution l’ait exigé, ne fait pas obstacle au transfert au secteur privé de l’entreprise qui en est chargée ». Toutefois, ce transfert suppose que « le législateur prive ladite entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national ».
En effet, mes chers collègues, il n’existe pas de supra-légalité. (Protestations sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ou alors il faut alors constitutionnaliser La Poste !
M. Michel Teston. Ainsi, ce que le Parlement décide un jour, il peut le changer le lendemain. Quand bien même cette formule serait inscrite dans le texte, elle ne fournirait donc aucune garantie pour l’avenir !
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Michel Teston. Du reste, si l’on analyse ce texte et si l’on envisage, notamment, les conséquences de l’ouverture totale à la concurrence, la suppression du monopole est certaine. Dès lors, le risque de privatisation est évident, si bien qu’il est impossible de se retrancher derrière le préambule de la Constitution de 1946.
J’aurai l’occasion de revenir sur ces différents points tout à l'heure, dans la discussion générale, mais je tenais à indiquer dès à présent qu’il ne faut pas faire croire à l’opinion que nous allons fixer pour l’avenir et de façon définitive un statut public national alors que le Parlement est libre, à tout moment, de changer le cadre législatif. La supra-légalité n’existe pas en droit public français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.).
Discussion générale (suite)
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamons l’examen d’un texte aussi politisé que médiatisé, sur un sujet capital, La Poste et les activités postales, que le Sénat suit depuis longtemps.
Vous-même, monsieur le président, en êtes un grand connaisseur puisque, dès 1997, vous avez produit des rapports qui ont fait date et ont incité La Poste à « prendre le train de la réforme ».
Beaucoup de choses ont été dites à propos de ce texte, dont certaines ne correspondent pas à la réalité. Aussi, je voudrais le resituer dans son contexte et rétablir quelques vérités, avant de vous présenter les apports de la commission sur ses principaux enjeux.
Nous sommes tous, me semble-t-il, très attachés à La Poste et aux services qu’elle nous rend quotidiennement, et ce depuis Louis XI. Mais au-delà de l’image d’Épinal du timbre-poste et du facteur, La Poste est avant tout un groupe d’envergure européenne, comptant près de 300 000 salariés, ce qui en fait le deuxième employeur français, après l’État. La Poste intervient dans des domaines d’activité économique des plus variés – courrier, colis express et, dernièrement, activités bancaires – et dégage plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires chaque année.
La Poste est aussi une entreprise chargée par la loi de missions de service public : le service universel postal, sans doute le plus large au sein de l’Union européenne, c’est-à-dire des services postaux de base rendus de façon permanente en tout point du territoire et à des tarifs abordables ; le service public du transport et de la distribution de la presse, indirectement abordé par le projet de loi, et qui fait l’objet d’un accord de financement tripartite ; la mission d’accessibilité bancaire, qui consiste à proposer des produits et services financiers pour le plus grand nombre, notamment le livret A ; enfin, celle à laquelle nous sommes le plus sensibles en tant qu’élus locaux, la mission d’aménagement du territoire.
L’objectif de cohésion sociale assigné à La Poste lui impose une très large présence, dont elle s’acquitte à travers 17°091 points de contact.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a que 10 000 bureaux de poste !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il y a très précisément 10°778 bureaux de poste, 4°446 agences postales communales ou intercommunales et 1°758 relais poste.
Devant ce «°joyau national » – oui, monsieur Fischer, monsieur Le Cam, j’assume cette formule ! – qu’est notre poste se profilent aujourd’hui plusieurs obstacles d’importance.
Le premier réside dans la concurrence de nouveaux modes de correspondance, résultant de la dématérialisation des moyens de communication. Cette évolution devrait certes permettre à La Poste de tirer profit de nouveaux relais de croissance, avec le développement intensif du e-commerce et des services en ligne. À court terme, cependant, ce changement touche de plein fouet l’activité « courrier » du groupe, qui s’est réduite de 3,5°% en 2008 et devrait diminuer de 20 % à 40°% au cours des prochaines années.
L’ouverture du marché à la concurrence constitue un second obstacle. Les directives postales de 1997, 2002 et 2008 ont prévu une libéralisation progressive du secteur postal, qui doit être parachevée au 31 décembre 2010, exception faite des nouveaux États membres. À cette date, que la France a réussi à repousser de deux ans, en partie grâce au Sénat, La Poste perdra le monopole dont elle jouit aujourd’hui sur le « secteur réservé », soit essentiellement les courriers de moins de 50 grammes, et devra affronter des opérateurs puissants, animés de grandes ambitions.
Le troisième obstacle découle en réalité des deux précédents : la difficulté à financer certaines missions de service public.
Le problème est à peu près réglé pour la mission de service universel postal, qui, a fait l’objet d’un fonds de compensation dans la loi de 2005 et sera mis en place le jour de la suppression du secteur réservé, pour celle de l’acheminement de la presse, grâce à l’accord tripartite précité, ainsi que pour celle de l’accessibilité bancaire, par le biais de la rémunération complémentaire que perçoit La Poste.
En revanche, le problème demeure pour la mission d’aménagement du territoire. Selon la loi de 1990, modifiée en 2005, cette mission est financée par un fonds national de péréquation. Or le surcoût net, évalué pour l’instant à 250 millions d’euros environ, n’est couvert qu’en partie, à hauteur de 137 millions d’euros, au travers de l’allégement de fiscalité locale dont bénéficie La Poste.
Pour permettre à La Poste de faire face à l’ensemble de ces nouveaux défis, le présent projet de loi prévoit notamment d’en changer le statut juridique en le faisant passer de celui d’établissement public industriel et commercial à celui de société anonyme. Il s’agit par là de la doter d’un capital social afin qu’elle puisse faire appel à de nouveaux investisseurs, à hauteur de 2,7 milliards d’euros dans l’immédiat.
Je rappellerai ici quelques éléments fondamentaux.
Tout d’abord, c’est à la demande du président de La Poste qu’a été envisagé ce changement de statut. Cet argument peut paraître formel, mais il l’est moins lorsque l’on connaît la personnalité et le parcours, dans le secteur public, de l’intéressé : M. Jean-Paul Bailly.
Ensuite, cette évolution semble naturelle. D’ailleurs, elle a été constatée dans vingt-cinq des vingt-sept pays de l’Union européenne.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils s’en mordent les doigts !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La France est l’avant-dernier pays de l’Union européenne à transformer le statut de La Poste en société anonyme. Si nous en décidons ainsi, le Luxembourg restera l’exception.
En outre, ce changement de statut s’accompagne de garanties plus que solides : le capital de La Poste restera entièrement public et ne donnera donc absolument pas lieu à quelque privatisation que ce soit.
Mme Évelyne Didier. Jusqu’à quand ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. D’ailleurs, si tel était l’objet de ce projet de loi, je serais le premier à voter contre !
M. Jean Desessard. Eh bien, faites-le tout de suite !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Prenez vos précautions dès maintenant !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mes chers collègues, il vous sera difficile de me prendre en défaut sur les choix et les votes que j’ai exprimés ici depuis 1996 à propos de cette grande entreprise publique ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Les quatre missions de service public de La Poste seront maintenues et même consacrées dans un article spécifique. La Poste restera prestataire du service universel postal pendant quinze ans. Sa présence territoriale ne sera en aucune manière affectée.
M. Jean Desessard. Mais bien sûr…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Le statut des agents de La Poste restera inchangé, qu’ils soient fonctionnaires ou salariés, et une solution équilibrée sera présentée pour le régime de retraite complémentaire de ces derniers.
J’ajoute que, très clairement, il n’y avait pas d’autre solution envisageable que cette transformation en société anonyme : ni le statu quo, qui aurait conduit à renoncer à des investissements et aurait entraîné un déclin assuré du groupe, ni une dotation directe de l’État à l’établissement public, qui aurait été qualifiée d’aide publique par Bruxelles, ni encore un recours à l’endettement, qui s’élève déjà aujourd'hui à plus de 6 milliards d’euros pour le groupe.
Au final, cette réforme devrait permettre à La Poste de se moderniser, de s’affirmer sur les secteurs matures et de conquérir de nouveaux marchés. Car c’est bien de cela qu’il s’agit !
Très concrètement, il lui sera possible d’améliorer l’accueil du public ou encore de financer des projets de développement durable tels que le recours à des véhicules électriques, le transport par TGV ou par conteneur.
Outre son titre Ier ô combien fondamental et qui a, ces derniers temps, cristallisé l’attention, le texte vise, dans son titre II – on l’oublie un peu trop ! – à transposer la troisième directive postale du 20 février 2008. Celle-ci comporte deux éléments d’une importance capitale, bien que moins médiatisés.
D’une part, il s’agit de l’ouverture totale des marchés postaux au 1er janvier 2011, qui correspond à la fin du « secteur réservé », pour ne pas dire du monopole, dont bénéficiait La Poste pour financer ses obligations de service universel. Il n’y a, sur ce point, aucune marge de manœuvre ; le texte se contente de reprendre le calendrier fixé par la directive. Cependant, cet horizon nous appelle à nous mobiliser d’urgence.
M. Roland Courteau. Il faut refuser !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il faut donner aussi tôt que possible à La Poste les moyens juridiques et financiers de se moderniser en vue du grand rendez-vous de 2011.
D’autre part, la directive exige une régulation équilibrée. Il s’agit d’empêcher l’opérateur historique La Poste d’user d’une position naturellement dominante sur le marché postal pour empêcher l’entrée ou la concurrence accrue d’opérateurs alternatifs, tout en le laissant capable d’assurer la mission de service universel qui lui est reconnue par la loi.
M. Roland Courteau. La directive est mauvaise !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Pour le titre Ier relatif au changement de statut de La Poste, la commission a cherché à mettre au point des propositions concrètes de nature à apaiser les craintes soulevées par la transformation de l’opérateur en société anonyme. C’est ainsi que nous avons garanti un système qui empêche un désengagement de l’État et assure le caractère 100 % public du capital de La Poste.
Concernant la présence postale territoriale, nous avons inscrit noir sur blanc le maintien des 17 000 points de contact.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au bazar du village, à l’épicerie, à la boulangerie, dans les stations de métro…
M. Guy Fischer. À la boucherie !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. En outre, la commission a prévu que chacun des points de contact offrirait un socle de prestations adapté, alors que la politique conduite dans tous les autres pays de l’Union européenne a consisté à réduire par milliers les points de présence postale sur leur territoire : 5 000 en Allemagne, 1 000 en Suisse (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), et je pourrais vous citer, mes chers collègues, bien d’autres exemples encore !
Je profite de cette occasion pour souligner les témoignages de satisfaction qui nous sont parvenus des élus, de toute appartenance politique, à l’égard du développement des agences postales communales. J’ajoute que celles-ci sont considérées dans les autres pays de l’Union européenne comme une réussite ; on s’y intéresse d’ailleurs beaucoup à la façon dont nous avons organisé la présence postale sur le territoire français ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Paul Blanc. C’est tout à fait vrai !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Du reste, nous avons inscrit dans le texte une disposition permettant d’assurer intégralement le financement de cette présence au travers d’une exonération totale de taxe professionnelle. Ce système mérite cependant d’être affiné et nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.
Enfin, la commission a modifié la composition du conseil d’administration afin que les actionnaires, y compris l’État bien entendu, aient la majorité des droits de vote, ce qui est bien normal dans une société anonyme.
Pour le titre II, consacré à la transposition de la troisième directive postale, nous avons eu pour objectif d’assurer un meilleur équilibre dans la régulation entre La Poste et les opérateurs alternatifs, de renforcer le mécanisme de financement du fonds de compensation du service universel et de mieux informer le Parlement sur les conditions d’exécution de ce dernier.
Mes chers collègues, telle est l’économie générale du texte qui vous est proposé. Des progrès ont été réalisés et d’autres avancées seront possibles au cours de la discussion des articles. Nous avons examiné ce projet de loi de façon très ouverte au sein du groupe d’études « Postes et communications électroniques », dans le cadre duquel ont été menées les auditions ; puis en commission, où les débats ont été intéressants et constructifs avec tous les membres de celle-ci, et ce quelle que soit leur appartenance politique. J’espère qu’il en sera de même en séance publique, car ce texte représente une chance de salut réelle, mais ultime, pour La Poste. S’il est toujours risqué d’agir, il l’est plus encore de ne rien faire !
Aussi sommes-nous aujourd’hui appelés à « bouger avec La Poste » ! J’espère, à ce titre, que nous saurons prendre nos responsabilités en votant ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Roland Courteau. Nous aussi, nous prenons nos responsabilités !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a pas écrit : « La Poste » sur nos fronts !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier et à féliciter M. le rapporteur pour le travail considérable qu’il a réalisé au cours des derniers mois et des dernières semaines,…
M. Jean-Claude Carle. Absolument !
M. Hervé Maurey. … notamment en procédant à de très nombreuses auditions, ce qui prouve une fois de plus sa compétence et son esprit de dialogue.
M. Jean-Pierre Plancade. C’est vrai !
M. Hervé Maurey. Je tiens également à remercier M. le président de la commission, Jean-Paul Emorine, ainsi que les collaborateurs de la commission qui se sont montrés, comme toujours, aussi disponibles qu’avertis.
Cela étant dit, je m’étonne de la polémique, totalement artificielle, qui a été savamment organisée autour de ce texte.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les salariés apprécieront !
M. Hervé Maurey. Depuis des mois, l’opposition joue à se faire peur ou, plutôt, tente de faire peur à nos concitoyens en agitant le spectre d’une privatisation qui n’existe pas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons l’expérience du passé !
M. Hervé Maurey. À cet égard, je profite de cette tribune pour dénoncer les conditions scandaleuses de la pseudo-votation qui a été organisée sur notre territoire. (Huées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlez-en à vos concitoyens !
M. Roland Courteau. Propos scandaleux !
M. Hervé Maurey. Que n’a-t-on raconté à nos concitoyens ? Qu’on allait privatiser La Poste ! Mais soit vous n’avez pas lu le projet de loi, soit vous êtes d’une parfaite mauvaise foi ! (Hourvari.)