M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, prendre la parole après le rapporteur du groupe de travail sur les PER et après mon collègue Martial Bourquin me permettra d’adopter une position radicale. (Sourires.) Je reprends à mon compte tous les propos de mon collègue et ami Rémy Pointereau. En particulier, je remercie le président de la commission de l’économie, Jean-Paul Emorine, d’avoir immédiatement créé ce groupe de travail, dont la mise en place coïncide avec la formation de votre ministère, monsieur le ministre. Je remercie également tous ceux qui nous ont aidés à mener cette réflexion dans de très bonnes conditions.
Il est clair que la décision de lancer un nouvel appel à projets de PER a suscité très rapidement un grand espoir dans les territoires, en particulier dans les territoires ruraux. Le premier appel à projets a largement répondu à l’espérance du Gouvernement et, globalement, les projets qui en sont issus sont une réussite.
J’irai directement aux vingt préconisations – qui, je le rappelle, ont été adoptées à l’unanimité par les membres de la commission de l’économie – et je les classerai en deux catégories.
Appartiennent à la première catégorie les propositions qui visent à dresser un bilan des PER de la première génération et à en améliorer le dispositif.
C’est vrai, il est nécessaire de revoir les modalités de soutien à l’ingénierie de conception des projets ; il faut mobiliser les services des préfectures, parfois insuffisamment impliqués ; il faut fixer pour la préparation des candidatures un délai incitatif, mais sans trop laisser traîner les choses afin que les projets soient de bons projets ; il faut mieux coordonner les PER avec les politiques conduites par les régions et par les départements, notamment dans les domaines de compétences de ces collectivités qui, en général, sont ensuite intégrées dans les contrats de projet État-régions et dans les documents de planification ; enfin, il faut favoriser la coopération entre les PER et les pôles de compétitivité. Je crois que nous sommes tous d’accord sur ces divers points.
Les propositions appartenant à la seconde catégorie tentent de répondre à un grand nombre des inquiétudes qui ont été exprimées, monsieur le ministre, et pourront probablement apaiser, au moins partiellement, les craintes de l’orateur qui m’a précédé.
Ainsi, je veux souligner l’importance de la proposition 9, qui vise à ce que la labellisation par le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, au nom du Gouvernement, d’un projet reconnu comme étant en mesure de développer un territoire s’accompagne de l’engagement ferme de l’État de maintenir, sur le territoire concerné, les services publics indispensables à la vie locale. Nous attendons de M. le ministre qu’il nous indique sa position ; cela pourrait contribuer à répondre, au moins en partie, au point qui a été évoqué.
Nombre de ces propositions comportent des innovations.
Aux termes de la proposition 19, lorsque sont labellisés des PER susceptibles d’être reproduits ailleurs et qui revêtent un caractère d’intérêt général, il faut favoriser les échanges de bonnes pratiques entre les porteurs de projets des deux générations de PER. L’instauration de tels échanges pourrait représenter une première réponse à la préoccupation qu’exprimait mon collègue, et qui me paraissait justifiée.
Par ailleurs, le fait d’avoir souhaité et permis le regroupement de communes ou de communautés de communes pour atteindre une taille correspondant à un bassin de vie ou à un bassin d’emploi constitue une avancée qui permettra à cet ensemble, qui peut aujourd’hui porter le nom de pays, mais qui pourra demain, par convention, porter le nom d’un groupement de communes, de réaliser des investissements.
Enfin, ces nouvelles propositions ont mis l’accent sur l’idée de pouvoir garder et accueillir des populations qui ont besoin de services publics et de services au public. L’énumération qui figure dans la proposition 11 est très précise et correspond aux préoccupations qui ont été évoquées précédemment.
Tout cela me paraît extrêmement positif et, en ce qui nous concerne, nous serons évidemment attentifs aux réponses qui seront apportées aux propositions du Sénat, propositions qui me semblent répondre à l’attente de ces territoires ruraux.
Malheureusement, monsieur le ministre, je suis obligé de dire que l’espoir suscité par ce nouvel appel d’offres – et je vous remercie d’en avoir été un ardent défenseur – peut aujourd’hui être mis à mal par l’annonce de la volonté de supprimer les pays.
Notre territoire comporte 370 pays, qui ont porté 30 % des projets PER. Ces pays comptent en moyenne 60 000 habitants et ils répondent, par conséquent, à la notion que l’on a voulu introduire dans ce texte, celle de bassin de vie et bassin d’emploi, qui me semble indispensable pour les aides de l’État.
Sur les 211 enveloppes affectées à l’État français dans le cadre de la politique européenne de développement rural, 160 enveloppes ont été attribuées à des pays sur le programme leader +. D’ailleurs, ces enveloppes répondent à l’une des préoccupations soulevées par nos collègues, à savoir la difficulté de disposer de l’ingénierie nécessaire. Au travers des programmes leader +, on peut se doter d’un certain nombre de projets et il faut éviter de perdre une telle possibilité.
Ces pays – ils ne sont pas les seuls – ont engagé la déclinaison de la politique gouvernementale d’aménagement du territoire via les SCOT, les plans climat territoriaux, les agendas 21 et les premières décisions du Grenelle de l’environnement. Ils sont devenus des espaces à la fois d’échanges entre le secteur public et le secteur privé et de démocratie participative ; au moment où l’on constate une fracture importante entre le politique et les citoyens, il me paraît dommage de les supprimer.
Par ailleurs, grâce à cette mutualisation des compétences, aujourd’hui, les pays disposent en moyenne de trois à quatre emplois. Si nous supprimons les pays, nous allons sacrifier entre 800 et 1 000 jeunes techniciens compétents, qui sont au service de tout un tissu de communes, parce qu’on ne peut pas transférer toutes les compétences aux communautés de communes. Cela signifie qu’une commune de 200 habitants, par exemple, ne pourra jamais avoir accès à ces fonds et n’aura pas la possibilité de financer ces emplois de jeunes techniciens. Par conséquent, on créera une fracture s’agissant des compétences générales qui n’ont pas été transférées à l’intercommunalité, alors que des projets existent.
M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.
M. Raymond Vall. Pourquoi un tel acharnement sur ces structures qui sont issues d’un volontarisme local et d’une démarche pragmatique ?
Les pays ont aujourd'hui la possibilité de résoudre un problème préoccupant lié à l’accès aux fonds européens. Le volet de coopération de ce programme leader +, troisième génération, s’est soldé par la non-utilisation d’une enveloppe de 30 millions d’euros.
Le problème risque de s’aggraver aujourd'hui. Il faut absolument tenir compte de toute cette vie de pays : elle a été traduite dans une loi ; l’État s’est engagé ; le Gouvernement a contresigné les conventions territoriales.
Je sais que ce combat sera difficile, mais selon un proverbe chinois, les seuls combats perdus d’avance sont ceux que l’on n’engage pas.
M. Raymond Vall. J’ajouterai que ce n’est pas parce qu’on est seul, ou presque seul, que l’on a tort. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur le banc des commissions)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’idée des pôles d’excellence rurale a été lancée en 2005 et ce dispositif s’est inspiré des pôles de compétitivité adoptés en faveur des villes. En 2009, monsieur le ministre, l’État continue à suivre de près une politique utile à l’aménagement du territoire.
Ce dispositif a eu pour ambition d’apporter un soutien aux projets émanant des territoires ruraux en leur permettant de découvrir et de développer des richesses qui, reconnaissons-le, étaient parfois en sommeil. Ces pôles d’excellence rurale ont fait l’objet d’une réflexion et d’une mobilisation collective permettant parfois, monsieur le rapporteur, de chasser un pessimisme de circonstance. Ils ont aussi été à l’origine d’un véritable partenariat public-privé, jusqu’ici non fonctionnel. Certains projets ont été l’occasion d’affirmer la transformation, dans les départements ruraux, de handicaps en atouts.
Par ailleurs, soyons satisfaits, car de 300 projets prévus à l’origine, la Commission nationale de présélection des pôles d’excellence rurale a finalement validé 379 projets. Bravo et merci, monsieur le ministre ! Il convient également de remercier votre prédécesseur, car les élus constatent souvent un manque de crédits de la part du Gouvernement. Mais, en la circonstance, il y a eu un plus, que nous avons apprécié.
Reconnaissons très objectivement que l’État a suivi toutes les initiatives locales, dépassant assez largement l’objectif initialement fixé. C’est un encouragement à poursuivre des actions de développement local.
Ces projets à financements divers et multiples se sont étalés sur trois ans. D’ailleurs, aujourd’hui, tous ne sont pas bouclés, mais ils le seront certainement. Notre collègue Rémi Pointereau, sénateur du Cher, a accepté une mission nécessaire objective, prospective, voire visionnaire. Il sera sans aucun doute un artisan actif à vos côtés, monsieur le ministre, au sein des assises des territoires ruraux.
Cher Rémi Pointereau, vous habitez le Cher et vous connaissez bien Vierzon. On y fabriquait du matériel agricole, que j’ai utilisé lorsque j’étais en activité ; on y fabriquait également des locomotives et des tracteurs : je sais que vous serez toujours le tracteur qui tirera la charrue des pôles d’excellence rurale. (Sourires.)
Je formulerai une autre appréciation positive : reconnaissons, monsieur le ministre, que l’existence d’un ministère de l’espace rural permet la prise en compte tangible de nos territoires ruraux, donc de tous nos territoires.
Nous nous félicitons que notre ministre, ex-sénateur, toujours élu départemental, sache qu’il existe aussi, dans le Rhône ou ailleurs, ce monde rural où, s’il n’y a pas la tour Eiffel, se trouvent des hommes de bonne volonté qui veulent que leur pays puisse associer à la fois économie et écologie, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement. La France rurale n’a pas de grands équipements, mais elle a des responsables qui aiment leur pays et se battent régulièrement pour compenser les handicaps qui la singularisent dans certains secteurs.
Dans les zones de revitalisation rurale, ou ZRR, les compensations fiscales ont été surtout appréciées lorsqu’elles risquaient d’être perdues : on apprécie un avantage quand on ne l’a plus !
M. Jean Boyer. Des richesses en sommeil dans nos territoires ont attiré l’attention sur différents secteurs comme la filière bois, le tourisme, le patrimoine ou la qualité des productions.
Dans quelques semaines, nous serons amenés à tirer les conclusions de cette première initiative en faveur des territoires ruraux. Néanmoins, je me permettrai de vous livrer mon sentiment personnel : un état d’esprit collectif est souvent indispensable ; dans les pôles d’excellence rurale, on ne peut pas « jouer perso » si l’on veut participer à la construction de l’édifice ; il faut apporter les complémentarités indispensables à une réussite collective.
Les pôles d’excellence rurale sont jeunes ; il faut les regarder grandir et, pour cela, surveiller leur développement, mais aussi leurs difficultés. Ils vont accompagner encore longtemps nos territoires ruraux. Une mise au point semestrielle me semble une démarche minimale pour voir si quelqu’un ne reste pas au bord de la route.
Enfin, le système des financements croisés ne peut-il pas être amélioré, afin que les projets ne soient pas bloqués ?
Monsieur le ministre, certains retards sont indépendants de la volonté des porteurs de projets et correspondent plutôt à des comportements personnels négatifs – les parcelles ne sont pas disponibles, le propriétaire se bloque – ou à des délais incompressibles dus à l’administration. C’est la raison pour laquelle il a été demandé de porter une attention bienveillante à certains porteurs de projets dont le retard n’était pas imputable à leur comportement.
L’idée d’une ligne budgétaire spécifique pour les pôles d’excellence rurale est avancée. Elle aurait, monsieur le ministre, le mérite de la clarté par rapport aux fonds ministériels mutualisés, qui sont peu visibles pour les acteurs de ces programmes de développement.
Nous avons pu également constater que le montage de certains dossiers avait été trop rapide. Il faudra demander aux responsables des pôles de ne pas agir dans la précipitation. Nous avons pu dresser ce constat dès la mise en place de la première vague des PER. C’était une aubaine pour les responsables ruraux et ils sont parfois allés un peu vite, sans avoir suffisamment réfléchi.
Reconnaissons malgré tout que cette initiative nationale a été très appréciée.
Dans le contexte actuel où les difficultés sont importantes, voire persistantes, où la morosité est contagieuse, la deuxième génération de PER sera indiscutablement bienvenue. Elle apportera à cette France rurale, à cette France d’en bas, des possibilités nouvelles qui non seulement génèreront des richesses, mais également créeront indiscutablement une envie d’entreprendre et de travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat sur les pôles d’excellence rurale marque, une fois encore, l’attachement de la Haute Assemblée aux questions de la ruralité.
Je tiens en premier lieu à rendre hommage à mes collègues Jean-Paul Emorine et Rémy Pointereau, qui ont pris l’initiative de créer, en février dernier, au sein de la commission de l’économie, un groupe de travail dédié aux pôles d’excellence rurale, afin d’en établir un bilan et d’analyser leurs effets sur le développement des territoires ruraux.
Le rapport d’information, présenté par notre collègue Rémy Pointereau, souligne le succès des PER créés en 2006 et 2007 et qui arrivent à leur terme à la fin de cette année. La raison de ce succès, c’est que les projets sont définis localement et mis en œuvre par les acteurs des territoires, et qu’ils bénéficient d’un ancrage rural fort.
En conséquence, le rapport d’information préconise de continuer cette politique fédératrice et dynamisante pour les territoires ruraux : sont ainsi formulées vingt propositions en vue du lancement d’une seconde génération de pôles d’excellence rurale, pour en améliorer encore l’efficacité.
À ce sujet, le Premier ministre, François Fillon, qui était en déplacement dans mon département de la Gironde le 8 septembre dernier – vous étiez présent, monsieur le ministre –, notamment pour saluer la cohérence du développement local, a annoncé l’engagement d’un nouveau cycle de pôles d’excellence rurale pour 2010, ce dont nous nous réjouissons tous.
À l’origine, lors de leur création, à la fin de l’année 2005, les pôles d’excellence rurale devaient être au nombre de 300. Finalement, près de 400 PER ont été labellisés. Ce bilan positif nous conduit tout naturellement à appeler de nos vœux une nouvelle vague de PER pour le développement, l’attractivité et la compétitivité de nos territoires ruraux.
Toutefois, comme le souligne très opportunément Rémy Pointereau, les thématiques du nouvel appel à projets devront désormais être orientées en priorité vers le développement durable, les services au public et le soutien aux filières existantes.
J’adhère totalement à ces nouveaux objectifs, qui me paraissent essentiels et incontournables. Néanmoins, chaque situation particulière doit être étudiée avec pragmatisme, en vue d’apporter le meilleur soutien aux territoires.
Par ailleurs, les PER marquent un engagement fort de l’État, que le rapporteur du groupe de travail a souligné, notamment d’un point de vue financier, mais également par l’intervention des préfectures et des services aux côtés des collectivités territoriales.
Les pôles d’excellence rurale constituent aussi un outil concret au service de la relance. Plus d’un milliard d’euros d’investissement auront été réalisés au titre des PER à la fin de l’année 2009, grâce au versement de 160 millions d’euros de crédits de paiement par l’État cette année, après 45 millions d’euros l’an dernier. On constate d’ores et déjà que 6 000 emplois directs ont été créés en 2008 et 2009, et l’on estime à 30 000 le nombre total d’emplois qui auront été créés ou maintenus à l’issue de l’opération, dont 11 600 emplois directs, ce qui est considérable.
Le partenariat public-privé, condition de l’éligibilité d’un projet au dispositif des PER, a également profondément modifié et dynamisé les méthodes de travail sur le plan local. L’évaluation montre que l’association des entreprises est souvent difficile ; mais, lorsque le partenariat est noué, il perdure et apporte au PER une dimension économique incontestable et indispensable.
Les travaux d’évaluation qualitative confirment l’effet positif des PER en termes d’accélération et d’amplification des projets locaux, de revalorisation de l’image des territoires ou d’aide à la reconversion de territoires fragilisés. Il y a là un véritable effet de « label » pour le territoire, qu’il faut faire vivre dans la durée.
Les évaluations font apparaître nombre de résultats remarquables, par exemple pour les PER développés autour de la filière bois, qu’ils concernent l’utilisation du bois dans l’éco-construction ou le développement de filières d’énergies renouvelables ancrées dans les territoires.
En Gironde, cinq pôles d’excellence rurale ont été labellisés en 2006, ce qui représente une véritable chance pour le département.
Il s’agit du projet de territoire visant à développer l’activité touristique, culturelle et économique de la juridiction de Saint-Émilion autour des richesses du patrimoine bâti et du patrimoine naturel ; du projet de « l’Estuaire de la Gironde, l’univers nature », espace naturel remarquable, le plus vaste et le mieux préservé des grands estuaires européens ; du « pôle biomasse : énergie et chimie verte », avec la création d’une filière bois, d’une filière bioénergie et chimie verte ; du pôle de valorisation de la race bazadaise – ce quatrième PER, qui est celui qui me tient le plus à cœur et pour lequel je me suis particulièrement investie, a pour objectif de promouvoir le terroir de la région du grand Bazadais par la valorisation de l’ensemble des richesses naturelles au travers de deux opérations : la création d’une ferme éducative sur la race bazadaise et l’ouverture d’une vitrine de promotion et de valorisation des produits du terroir ; enfin, le cinquième PER, qui a été récemment qualifié de « réussite » par le Premier ministre et par vous-même, monsieur le ministre, lors de votre visite, est celui de l’Entre-Deux-Mers.
Ce dernier PER, encore plus important que les précédents pour le département de la Gironde, a pour stratégie de développement économique l’œnotourisme, qui repose sur la valorisation du vignoble et des produits du terroir. Le renforcement du partenariat, permis par ce PER, entre l’office du tourisme et les viticulteurs est considéré comme une vraie réussite dans le département et bénéficie d’un report du délai de réalisation jusqu’au 31 décembre 2010.
Je crois savoir – et je ne peux que m’en féliciter, mais vous me le confirmerez, monsieur le ministre – que la conviction du Président de la République est non seulement que, dans cette crise qui dure, nous ne devons laisser aucun territoire sur le bord du chemin, mais également que la France peut en sortir plus forte si elle investit utilement, notamment dans ses territoires.
L’aménagement du territoire et la ruralité devraient donc figurer parmi les six domaines prioritaires d’investissement d’avenir identifiés par le Président de la République, et susceptibles de bénéficier des moyens financiers tirés d’un grand emprunt. En tant que représentante d’un territoire rural, je ne peux que me réjouir d’une telle décision.
Les territoires ruraux connaissent aujourd’hui de profondes transformations. Terres d’exode pendant plus d’un siècle, ils bénéficient de nos jours, de manière affirmée et presque généralisée, d’une attractivité indiscutable, comme l’attestent les derniers résultats du recensement de la population. Ruralité rime désormais avec modernité, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Nos concitoyens viennent non seulement y chercher un environnement de qualité, mais ils souhaitent également y trouver du travail, des systèmes de transport efficaces, des services publics accessibles, ainsi que le même accès que les urbains à internet et à la société de l’information.
À l’évidence, les zones rurales continueront à se développer dans les dix ou vingt prochaines années grâce à l’arrivée de nouveaux habitants et à une volonté politique affirmée depuis 2002, avec la loi relative au développement des territoires ruraux, les zones de revitalisation rurale – qu’il faut absolument maintenir –, les pôles de compétitivité et les pôles d’excellence rurale, sans oublier les lois de modernisation de l’agriculture.
Les territoires ruraux ont ainsi pu démontrer leur dynamisme et leurs atouts. La forte mobilisation des partenaires a permis d’aller au-delà des objectifs initiaux et de mettre en place des outils spécifiques aux territoires ruraux.
Au final, mes chers collègues, les pôles d’excellence rurale constituent le dispositif emblématique de la ruralité positive, entreprenante, appuyée sur ses valeurs et sur les richesses de nos territoires. Donc, souhaitons-leur longue vie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Chastan.
M. Yves Chastan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat porte sur les pôles d’excellence rurale lancés en décembre 2005 dans le but de renforcer la cohérence de l’action publique et les synergies locales dans les zones rurales. Mais, plus largement, il s’agit pour nous d’évoquer la politique de développement rural et d’aménagement du territoire menée par le Gouvernement et son degré d’efficacité pour, d’une part, compenser les handicaps humains et naturels des zones rurales et les écarts de croissance qui en découlent et, d’autre part, valoriser les ressources et les atouts existants, qui sont souvent sous-exploités.
J’évoquerai d’abord le redressement démographique des espaces ruraux et les mutations qui s’y produisent.
Si l’exode rural a marqué nos campagnes depuis l’après-guerre et a amené l’État à mettre en place des politiques publiques d’aménagement du territoire pour ne pas laisser ces espaces à l’abandon, on assiste aujourd'hui à un renouveau d’attractivité et à l’installation, ou au retour, de nouvelles populations à la recherche d’un cadre de vie et d’un environnement plus agréables.
La population rurale se modifie donc, avec de moins en moins d’actifs agricoles, mais également plus d’ouvriers, d’artisans et de retraités, quelquefois même en proportion plus importante que dans les villes. On assiste à un développement de l’emploi dans le secteur tertiaire, notamment en matière de services à la personne, à un maintien des activités industrielles – agroalimentaire, mécanique, imprimerie, textile –, lesquelles sont souvent en mutation, et, enfin, à un développement du télétravail.
Comment accompagner cette nouvelle dynamique qui semble s’être enclenchée et l’évolution des espaces ruraux qu’elle rend nécessaire ?
Le rapport du Commissariat général du plan sur les politiques de développement rural de juin 2003 avait identifié cinquante-neuf dispositifs opérationnels visant à stimuler le développement rural. Mais il soulignait aussi le manque de lisibilité des politiques menées par l’État et l’absence de cohérence des choix stratégiques et des actions, qui sont souvent conduites de façon trop sectorielle.
Face à l’affirmation des prérogatives des collectivités territoriales et de l’Union européenne, laquelle soutient une politique régionale économique et sociale visant à réduire l’écart de développement entre les différentes régions européennes, l’État doit continuer à jouer un rôle moteur dans l’aménagement du territoire et assumer la responsabilité qui est la sienne pour garantir la cohésion de ce dernier.
Mais une nouvelle conception du développement des territoires est à construire de façon coordonnée et partagée entre les différents acteurs de ces territoires. Cela rend particulièrement nécessaire le maintien de services publics et de services au public de qualité et fait aussi naître des besoins auxquels il faut répondre : habitat résidentiel et locatif, infrastructures d’éducation, de santé, de garde d’enfants, transports adaptés, nouvelles technologies de l’information et de la communication, structures d’accueil pour les touristes, mise en valeur de l’espace, des paysages, du patrimoine, commerce et artisanat, formation professionnelle, ou bien encore qualification.
Ces besoins sont bien sûr différents selon les zones rurales. L’intervention publique doit s’adapter à cette diversité de besoins, mais aussi de moyens.
Les services déconcentrés de l’État ont donc encore un rôle important à jouer, en coordination avec les collectivités locales et avec le soutien des associations de développement rural.
Les pôles d’excellence rurale affichaient cette ambition de renouveau de la politique d’aménagement du territoire dans les zones rurales et de promotion des partenariats locaux public-privé. Il est vrai qu’ils ont donné de la visibilité et des financements à des projets locaux de qualité, puisque l’on estime qu’une bonne centaine de ces projets sont de bons exemples de développement territorial avec des actions innovantes portées par le public et le privé.
Cette créativité institutionnelle a pu provoquer un effet de levier intéressant, malheureusement essentiellement pour des projets déjà existants.
Il reste que, dans les zones rurales, le manque d’ingénierie pour monter des projets et des clusters est un handicap, ce qui explique peut-être le lent démarrage de la première génération des PER.
Les deux caractéristiques principales des zones rurales, notamment des zones les plus reculées, restent leur faible densité de population et le manque d’activités économiques, qui handicapent les acteurs locaux pour se structurer et piloter des projets.
Le département de l’Ardèche, dont je suis l’élu, a souscrit à huit PER avec des thématiques différentes. Je n’en évoquerai qu’un : le développement d’un projet de service productif local fondé sur la mise en place d’une nouvelle fibre textile. Ce projet, qui devrait relancer l’activité textile – très importante pour mon département –, montre qu’il est possible de développer un secteur de recherche et une industrie en milieu rural grâce à un partenariat public-privé entre une communauté de communes portant le projet et l’association d’une quinzaine de chefs d’entreprises.
Quoi qu’il en soit, je suis obligé de constater qu’il existe souvent un écart important dans la réalisation des opérations des PER. Celui-ci peut s’expliquer par un manque de soutien technique, par des délais trop contraignants lors de la présentation des projets de la première phase des PER et, bien sûr, par les difficultés conjoncturelles récentes liées à la crise économique.
C’est pourquoi je souhaite que soient accordés des délais pour les PER de la première génération susceptibles de concrétiser des opérations intéressantes et innovantes qui n’ont pu être menées à bien dans le temps imparti. Je sais que des préfets – c’est d’ailleurs le cas en Ardèche – ont déjà agi en ce sens.
Pour en revenir aux PER de deuxième génération, je souligne que le dispositif d’appel à projets peut favoriser les zones où il y a déjà une concentration de capital humain, technique et financier. En effet, disposer d’un projet, mener les études préalables, construire, le projet puis passer au montage financier requiert des connaissances et un degré d’expertise qui peut faire défaut dans certaines régions rurales.
Les financements proposés, notamment par l’État et ses services, ont d’ailleurs été d’une grande complexité. Je souhaite que la création d’un « fonds PER » permette de simplifier les montages financiers pour la deuxième phase à venir. Toutefois, une partie de ce fonds devrait être consacrée à l’aide au montage des opérations et, le cas échéant, à certaines dépenses connexes de fonctionnement, afin que les zones les plus en retard puissent aussi y participer et développer des initiatives innovantes et pérennes.
L’une des critiques principales que je ferais est que les collectivités territoriales n’ont peut-être pas été assez associées à la définition du dispositif, alors qu’elles en sont les acteurs principaux, soit en portant les projets, soit en étant la source principale de financement.
Le rapport d’information aboutit à une vingtaine de propositions pour donner un nouvel élan à l’excellence rurale et dépasser les obstacles auxquels ont été confrontés les premiers PER. Je soutiens ces propositions. J’espère que le prochain appel à projets en tiendra le plus grand compte. J’en profite d’ailleurs pour souligner la qualité du travail de M. Pointereau et de l’ensemble des membres du groupe de travail.
S’agissant des orientations possibles de la deuxième génération des PER, nous savons seulement, pour l’instant, qu’il sera demandé aux nouveaux pôles de mettre l’accent sur l’innovation, les services au public et l’emploi. Cette ambition peut paraître quelque peu démesurée par rapport aux résultats obtenus par la première génération de PER – il faudra d’ailleurs procéder à une évaluation à la fin de ceux-ci – et aux moyens, certes limités, mais tout de même non négligeables, mis par l’État dans ces « contrats » au travers de redéploiements de crédits, y compris européens.
En tout état de cause, les pôles d’excellence rurale ne régleront évidemment pas l’ensemble des problèmes, en particulier ceux qui sont liés aux enjeux nationaux, lesquels devraient être prioritaires pour l’État. Les PER ne doivent surtout pas cacher les défaillances des autres politiques d’aménagement du territoire, notamment en matière de services publics.
Les services publics doivent être efficaces et accessibles à tous les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence. Il s’agit d’un principe communément admis dans notre République, mais qui est malheureusement de plus en plus éloigné de la réalité, surtout dans les zones rurales. Nous le constatons depuis quelques années : qu’il s’agisse de services essentiels à la population ou de services d’intérêt général comme la santé, l’accès aux soins ou la justice, l’État se désengage ou s’éloigne des zones les moins densément peuplées, au mépris des principes de solidarité et de cohésion économique et sociale des territoires.
Or l’attractivité économique des zones rurales et l’installation de nouvelles populations, comme nous l’avons vu, dépendent du maintien et du développement des services publics et des services au public. Le maillage des territoires par ces derniers est donc une absolue nécessité.
Quant aux collectivités territoriales, vouées à subir une réforme de leurs compétences et de leur organisation, elles risquent d’être asphyxiées par la suppression de la taxe professionnelle. Comment départements et régions pourront-ils poursuivre leurs forts partenariats avec les communes et les EPCI, notamment dans les futurs PER, si leurs compétences et leurs moyens se trouvent fortement érodés ? Nous sommes donc à un tournant pour l’avenir des zones rurales et les PER ne suffiront pas.
Dans tous les cas, ne faisons pas l’impasse sur les difficultés actuelles des territoires ruraux et sur la responsabilité de l’État à assurer l’équité territoriale.
Le nouveau ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire annonce avoir une autre ambition pour les territoires et compte orienter la politique d’aménagement vers la compétitivité des territoires ruraux, la correction des inégalités et la réduction de la fracture territoriale. Nous sommes prêts à le suivre dans cette voie, mais nous aimerions en savoir plus.
Monsieur le ministre, vous avez lancé l’idée des assises des territoires ruraux. Vous avez déclaré que ces assises permettraient d’aborder sans tabou tous les sujets de la vie des territoires : la santé, le transport, l’emploi, la formation, l’enfance, etc. ; dans la transparence et la concertation, ce serait encore mieux, car, pour l’instant, nous n’avons aucune information sur les tables rondes, les participants et les rencontres départementales qui devraient avoir lieu. C’est sans doute un peu trop tôt… Néanmoins, je vous remercie par avance des éclaircissements que vous pourrez nous apporter à cet égard.
J’aimerais aussi en savoir plus sur l’avenir de la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires. Je me demande si l’instabilité de son rattachement ministériel, qui n’est pas de votre fait, monsieur le ministre, n’est pas néfaste à terme. En effet, sans faire toute une litanie, depuis 2003-2004, les rattachements ont changé à peu près tous les deux ans.
Jusqu’à une période récente, la DIACT était rattachée au ministre d’État chargé de l’écologie. Désormais, elle est rattachée aux services du Premier ministre et du ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire et devrait redevenir la DATAR. Qu’est-ce que cela va changer ? Qu’est-ce que cela peut apporter dans le « pilotage » d’une vraie politique d’aménagement du territoire, qui reste encore à construire aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)