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Création d’une mission d’information

M. le président. Par lettre en date du 7 octobre 2009, Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, a fait part à M. le président du Sénat de son souhait de constituer une mission d’information sur le mal-être au travail.

La conférence des présidents a décidé de soumettre au Sénat cette demande, sous la réserve de la prochaine réunion du bureau qui aura à débattre de cette question, conformément au règlement.

Comme M. le président du Sénat l’a souhaité, je donne la parole à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mes chers collègues, la question du mal-être au travail est un sujet qui préoccupe notre commission depuis longtemps, avant même que les événements douloureux survenus au sein du personnel de France Télécom lui donnent une actualité dramatique.

En janvier 2009, nous avons donc inscrit à notre programme de travail de l’année l’objectif d’une réflexion à conduire dans le cadre d’un groupe de travail. L’énergie et le temps que nous avons dû mobiliser pour mener à bien la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ne nous en ont pas laissé l’occasion.

C’est la raison pour laquelle, après avoir auditionné le président Didier Lombard, notre commission sollicite désormais l’autorisation de constituer, en son sein, une mission d’information.

Conformément à l’article 21 de notre règlement, cette demande a été adressée au bureau du Sénat, qui se réunira fin novembre, mais nous souhaitions pouvoir procéder rapidement à sa constitution.

La conférence des présidents qui s’est tenue ce soir a bien voulu donner son accord de principe, avant confirmation officielle, à sa mise en œuvre.

Cette mission comportera dix-neuf membres désignés, comme c’est la règle, à la proportionnelle des groupes.

Je demanderai dès demain aux différents présidents de nous faire connaître leurs candidats, afin d’organiser au plus vite sa formation, la nomination de son bureau et l’élaboration d’un programme de travail, avec l’ambition de pouvoir commencer à travailler dès la mi-novembre.

M. le président. Je consulte le Sénat sur cette demande.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Je constate que le Sénat autorise la création de cette mission.

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Débat sur les pôles d’excellence rural

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur les pôles d’excellence rurale.

La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur du rapport d’information fait au nom de la commission de l’économie : Les pôles d’excellence rurale : un accélérateur des projets issus des territoires.

M. Rémy Pointereau, auteur du rapport d’information fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 23 juin dernier, nous avons déjà effectué un point d’étape sur les pôles d’excellence rurale, ou PER, dans cet hémicycle, sur une initiative de notre collègue Jean Boyer. Nous avons alors évoqué les actions que ceux-ci ont cristallisées sur le plan local et l’effet d’entraînement qu’ils ont eu sur les territoires. À cette occasion, j’ai pu vous dire tout le bien que je pensais de cette politique rurale.

Le jour même de ce débat, le Gouvernement s’est enrichi, pour la première fois, d’un ministère dédié spécifiquement à l’espace rural et à l’aménagement du territoire, et dont le titulaire était issu du Sénat, puisqu’il s’agissait de vous-même, monsieur le ministre.

Au-delà de la coïncidence, c’est le signe de l’actualité des questions rurales. Réjouissons-nous de leur inscription à l’ordre du jour du Gouvernement. Je trouve d’ailleurs dommage que ce débat important pour la ruralité intervienne à cette heure tardive, avec en outre la concurrence déloyale d’un match de football important, Bordeaux contre le Bayern de Munich. (Sourires.)

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Moins important que celui d’hier !

M. Rémy Pointereau, auteur du rapport d’information. Je crois savoir qu’à cet instant Bordeaux mène au score.

Réjouissons-nous également, monsieur le ministre, de votre initiative d’organiser les assises des territoires ruraux afin d’établir un plan d’action permettant d’apporter des réponses concrètes pour favoriser l’attractivité des territoires ruraux sur les plans économique et social, en partenariat, et pour répondre aux besoins et attentes des habitants, notamment en termes d’accès aux services et aux commerces. Les pôles d’excellence rurale y contribuent en partie.

La ruralité est aujourd’hui multiple.

C’est bien sûr le monde agricole, fondement de l’économie rurale et gardien des paysages, qui donne à la France rurale son attrait, unique en Europe, me semble-t-il. Le monde agricole souffre, pris en tenailles entre la chute des cours et la hausse des charges, ne l’oublions pas.

Mais les espaces ruraux, c’est aussi une multitude de PME et de PMI, de commerces de proximité. Ce sont de nouvelles populations aux besoins différents – les néo-ruraux veulent disposer des mêmes services qu’en ville – en termes d’infrastructures, d’offres de services publics et au public, de commerces de proximité.

L’animation de ces territoires demande aujourd’hui un esprit « projet » et une réactivité particulière de la part des élus et de tous les acteurs locaux. C’est pourquoi nous avons pris note, avec la plus grande satisfaction, de l’annonce officielle faite par le Premier ministre, le mois dernier, du lancement d’un nouvel appel à projets de pôles d’excellence rurale. Elle rejoint en effet les conclusions auxquelles la commission de l’économie est parvenue à l’issue des travaux du groupe de travail sur les pôles d’excellence rurale, que j’ai eu l’honneur de présider pendant six mois.

Permettez-moi d’indiquer que notre groupe de travail a été constitué au mois de février dernier, sur l’initiative du président de la commission de l’économie, M. Jean-Paul Emorine. Nous avons reçu M. Hubert Falco, puis vous-même, monsieur le ministre. Je vous remercie tout particulièrement de la pleine coopération que vous avez apportée à nos travaux.

Nous avons également accueilli le délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, M. Pierre Dartout, mais il faut à nouveau l'appeler le Datar, puisque vous avez décidé, monsieur le ministre, de redonner à la délégation son nom historique, et je m’en félicite.

Nous avons écouté les principales organisations concernées au niveau national par la politique des pôles d’excellence rurale : l’Association des communautés de communes de France, l’Association de promotion et de fédération des pays, l’Agence de services et de paiements, qui a remplacé le Centre national pour l’aménagement des structures et des exploitations agricoles. Enfin, nous avons sollicité l’avis de M. Jean Boyer, sénateur émérite.

Sur le plan local, nous nous sommes rendus dans mon département du Cher avec nos collègues François Pillet et Gérard Cornu, vice-président de la commission de l’économie, ainsi que dans celui du Gers avec Gérard César, où M. Raymond Vall nous a excellemment reçus. Partout, nous avons pu constater l’engagement important des élus et des entrepreneurs comme des représentants de l’État autour de ces projets.

Les résultats de ces travaux ont été présentés dans le cadre d’un rapport, voté et adopté à l’unanimité le 16 septembre dernier par la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un pôle d’excellence rurale ? Rappelons que le Gouvernement a lancé le 15 décembre 2005 un appel à projets incitant les territoires ruraux à proposer des projets innovants sur quatre thématiques adaptées à la réalité des territoires ruraux d’aujourd’hui : promotion des richesses naturelles, culturelles et touristiques ; valorisation et gestion des bio-ressources ; offre de services et accueil de nouvelles populations ; enfin, productions industrielles, artisanales et de services localisées.

Le Gouvernement comptait labelliser 300 pôles : l’extraordinaire réactivité des territoires s’est traduite par le dépôt de près de 800 projets, parmi lesquels 379 ont finalement reçu le label de « pôle d’excellence rurale ». Conçus dans des délais très contraints, ils ont pourtant réussi à se développer et à prospérer : une vingtaine d’entre eux seulement ont été abandonnés par la suite.

La plupart des pôles devraient atteindre leur terme cette année ou dans le courant de l’année prochaine, moyennant une certaine souplesse dans les délais à laquelle le Gouvernement s’est engagé devant notre groupe de travail.

Avant de nous tourner vers l’avenir, je voudrais d’abord constater que les PER ont été un formidable accélérateur de projets pour les territoires, pour reprendre la formule que j’ai choisie comme titre du rapport.

D’une part, les territoires se sont mobilisés très rapidement pour mettre en place des projets sur les thématiques définies par l’appel à projets.

D’autre part, les PER ont insufflé un esprit « projet », dans un objectif de partenariat public-privé. Le PER, c’est en effet une vision d’ensemble du développement local, portée bien souvent par un élu local « porteur » du projet au niveau d’une communauté de communes, d’un département ou d’un pays.

Cette vision se traduit par des projets concrets, mis en œuvre à la fois par des collectivités et par des entreprises, dans un esprit « public-privé » inspiré des pôles de compétitivité.

L’État n’est pas absent, loin de là : il est à l’origine de l’appel à projets, et la labellisation s’est accompagnée d’une aide au financement qui, en pratique, a représenté 20 % en moyenne du coût des projets.

L’État a toutefois laissé l’initiative aux acteurs locaux. L’aménagement du territoire ne se réalise plus, désormais, du haut vers le bas : il est pris en main par les collectivités locales elles-mêmes, au plus près du terrain, car celles-ci savent déceler les possibilités de croissance et les blocages qui gênent le développement des projets.

Les PER ont ainsi permis de faire aboutir des idées en germe, qui peinaient à démarrer, parce qu’il leur manquait le « coup de pouce » indispensable.

Voilà ce que nous avons constaté au cours de nos travaux et auprès des personnes que nous avons rencontrées.

Il a ainsi paru naturel, à l’issue de la première génération de pôles, de poursuivre par une deuxième génération. Nos travaux ne se sont donc pas limités à un bilan : ils se sont tournés résolument vers l’avenir.

Je ne reprendrai pas l’ensemble des vingt propositions que nous avons faites et qui ont été approuvées par la commission de l’économie. Je sais, monsieur le ministre, que votre réflexion a bien progressé, et je souhaiterais mettre l’accent sur certains points : le calendrier de l’appel à projets, les thèmes abordés, enfin la gouvernance et le financement des pôles.

S’agissant du calendrier, certains ont critiqué la brièveté du délai laissé en 2005-2006 pour le dépôt des dossiers, notamment pour ceux qui ont fait partie de la « première vague ». Pouvez-vous nous rappeler le calendrier qui est aujourd’hui envisagé par le Gouvernement ? Il me semble important de ne pas allonger excessivement les délais, afin que le programme des PER conserve cet effet d’entraînement et de réactivité qui l’a caractérisé.

Je note d’ailleurs que, cette fois-ci, on ne va pas dans l’inconnu : la procédure est mieux connue, certains projets sont déjà en préparation. En un mot, l’« esprit PER » commence à faire partie de la culture des territoires ruraux.

Au sujet des thèmes abordés, vous avez d’ores et déjà mis l’accent sur les socles de services publics et au public. C’est un enjeu essentiel d’attractivité des territoires pour les entreprises et les nouvelles populations, mais aussi, tout simplement, la sauvegarde de la qualité de la vie : l’accès au haut ou au très haut débit peut être la condition de l’implantation d’une entreprise, tandis que l’animation d’un territoire passe aujourd’hui par la création de maisons de service public, de maisons médicales de santé, ainsi que par l’accueil de la petite enfance et des personnes âgées ou à mobilité réduite.

L’attachement de nos concitoyens à la permanence d’un réseau de services publics de proximité s’illustre particulièrement s’agissant de La Poste. L’une des voies à explorer pour renforcer les services au public est celle de leur mutualisation.

Pour autant, il ne faut pas oublier les autres sources de croissance des territoires ruraux ; je pense au développement durable, aux énergies renouvelables, mais aussi à certaines filières existantes – agricoles, bois, élevage –, ancrées sur un savoir-faire local. L’« esprit PER », c’est de savoir trouver dans chaque territoire les projets qui peuvent le revitaliser.

Il faut évoquer, enfin, la vie des projets : leur gouvernance et leur financement.

L’une des principales difficultés rencontrées par les porteurs de projet a été le manque de crédits d’ingénierie : le montage du dossier, la définition de la stratégie, la mise au point du plan de financement sont des tâches complexes pour lesquelles les petites collectivités n’avaient pas toujours les moyens nécessaires.

Il faut sauvegarder et améliorer encore la coopération entre les responsables de PER et l’administration déconcentrée.

Les préfets et les sous-préfets sont de bons connaisseurs des problèmes rencontrés localement. Dès la phase de candidature, ils sont à même, avec leur administration, d’aider les acteurs locaux à mettre en forme leur idée et à préparer un plan de financement. Ils doivent ensuite rester à leur côté pendant la vie du projet.

Cette relation de confiance entre l’État et les collectivités, qui passe par la contractualisation, est source d’efficacité et améliore d’ailleurs l’image de l’État dans les territoires.

Cette confiance doit se traduire également dans les modalités de financement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quels moyens le Gouvernement compte consacrer à la nouvelle génération de PER ? Mais au-delà du montant, il est nécessaire de clarifier les règles. Actuellement, les ressources d’État passent par une dizaine de ministères et une demi-douzaine de fonds différents, selon des règles variées qui compliquent sans nécessité la vie des porteurs de projet.

Dans un but de simplification et de transparence, il faudrait rassembler tous ces financements, ou la plus grande partie possible, sur une ligne budgétaire unique avec des fonds dédiés aux PER.

Par ailleurs, pourquoi limiter l’enveloppe de financement à 1 million d’euros par pôle ? La diversité des projets peut justifier un éventail plus large des financements, fondé sur la prise en compte des spécificités locales et non sur une limitation fixée a priori.

Ces difficultés ont été sensibles lors de la première génération de pôles d’excellence rurale. Elles pourraient être résolues, afin de donner au dispositif une efficacité plus grande encore. Un éventail de 500 000 euros à 1,5 million d’euros me paraîtrait intéressant.

Je voudrais conclure sur un souhait : les PER doivent être considérés non pas comme un dispositif de plus, mais comme un outil au service d’une vision intégrée du développement des territoires. Il ne faut pas opposer les territoires urbains aux territoires ruraux : les habitants qui viennent résider à la campagne, les entreprises qui vont s’y installer ne se reconnaissent pas dans cette séparation.

Il ne faut pas non plus mettre en concurrence les pôles d’excellence rurale et les pôles de compétitivité : ils ont vocation à participer tous ensemble au développement d’un territoire, et même à mieux collaborer et à mieux communiquer ensemble.

Les PER ont montré que les espaces ruraux sont, eux aussi, des réservoirs de croissance. Il n’y a pas de territoire condamné d’avance par les départs d’activités ou de population.

Là où il y a la volonté des hommes et des femmes, la volonté d’élus ou d’entrepreneurs, les territoires se développent. Le nouvel appel à projets, que nous appelons de nos vœux, pourra contribuer à cette autre ambition pour nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis ravi d’intervenir pour la seconde fois, en l’espace de quatre mois, sur ce thème des pôles d’excellence rurale, fait suffisamment rare pour être signalé. Nous aurons d’ailleurs cette fois-ci le plaisir d’entendre notre ancien collègue, Michel Mercier, devenu depuis ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.

Ce deuxième débat traduit sans doute l’importance des pôles d’excellence rurale dans la politique d’aménagement du territoire et de développement des zones rurales conduite par le Gouvernement et la majorité sénatoriale, ce qui ne signifie pas, je l’espère, que cette politique nationale se résume aux seuls PER.

Cette fois-ci, nous avons une base sérieuse de travail, puisque la commission de l’économie vient d’adopter le rapport d’information de M. Pointereau. Je tiens d’ailleurs à saluer la qualité des travaux qui ont été menés et l’objectivité des conclusions du groupe de travail, qui ne se limite pas à donner un satisfecit général ; il dresse aussi quelques constats moins unanimes, et peut-être moins faciles à entendre, sur les faiblesses du dispositif.

Ce sont ces constats que je souhaite commenter ce soir, non par volonté d’opposition systématique, mais par souci d’améliorer notre politique, chaque fois que l’occasion nous en est donnée. Nous avons d’ailleurs appris récemment qu’une deuxième génération de PER serait lancée l’année prochaine.

J’aimerais toutefois rappeler de façon liminaire que les pôles d’excellence rurale sont le pendant, dans les zones rurales, des pôles de compétitivité qui ont été mis en place dans les zones urbaines et qui ont bénéficié de la réorientation des fonds structurels européens vers un nouvel objectif de compétitivité et d’emploi.

C’est en 2005, et surtout en 2006, que la nouvelle programmation de la politique européenne de cohésion et celle de la politique agricole commune ont été élaborées pour la période 2007-2013. Et c’est à cette date qu’il a été décidé que la politique européenne de développement rural serait complètement rattachée à la PAC et que son fondement serait non plus territorial, mais sectoriel, et que, de son côté, la politique régionale serait concentrée sur les zones urbaines et les zones en reconversion économique.

Il est vrai que le cadre financier européen est désormais contraint et qu’il s’agissait d’adapter les politiques européennes à une Union élargie comptant dix membres de plus.

Ce rappel du contexte européen ne vise pas à dédouaner la France de sa responsabilité, car c’est avec son soutien qu’une telle évolution a eu lieu, soutien d’autant plus fort que cette réorientation des fonds structurels permettait de financer les pôles de compétitivité lancés en 2004.

Cette réforme n’aurait pas été si grave si, de son côté, le deuxième pilier de la PAC s’était concentré sur le développement rural non agricole. Malheureusement, celui-ci est resté principalement orienté sur la modernisation des structures agricoles et n’a pas permis de mettre en place une vraie politique de développement rural entendue comme une politique de soutien destinée au développement économique et social des zones rurales, à l’amélioration de la qualité de la vie et à la protection de l’environnement et des ressources naturelles.

C’est dans ce cadre très contraint et avec des aides européennes limitées que les pôles d’excellence rurale ont vu le jour en France, le Gouvernement se rendant sans doute compte qu’une politique d’aménagement du territoire axée seulement sur la compétitivité risquait d’accentuer les disparités entre zones urbaines et zones rurales.

Toutefois, comme le souligne le rapport d’information de la commission de l’économie, plusieurs obstacles ont empêché les pôles d’excellence rurale de réaliser tout leur potentiel.

L’un de ces obstacles, c’est que nous n’ayons pu aboutir, et j’en suis désolé, à dresser un véritable bilan des résultats de la première génération de PER en termes d’activités durables, notamment en matière d’emplois pérennes, avant de lancer la deuxième génération. 

Il est indispensable, monsieur le ministre, que l’ensemble des pôles de première génération soient évalués lorsqu’ils seront tous effectivement en fonctionnement. Nous devons connaître exactement le nombre d’emplois nets créés et d’emplois induits dans l’économie locale. Cela nous paraît très important : quand nous menons une politique, nous devons avoir le souci de l’évaluer systématiquement.

Je formulerai deux remarques.

Tout d’abord, celles et ceux qui connaissent un tant soit peu les exigences des élus savent que, aux yeux de ces derniers, chaque investissement de l’État et des collectivités territoriales doit être assorti de contreparties et de résultats en termes de maintien ou de création d’emplois durables.

Ensuite, je reste persuadé que le défaut d’ingénierie dans les territoires ruraux est un obstacle majeur à une plus grande réussite des PER. C’est réellement par ce biais que nous arriverons à travailler au développement des zones rurales.

Le groupe de travail de la commission a proposé plusieurs initiatives visant à lever cet obstacle, telle l’amélioration de l’accès aux services de la Caisse des dépôts et consignations. Je pense que l’objectif ne sera pas atteint tant que le PER ne financera pas aussi, au moins en partie et sous des formes appropriées, des dépenses de fonctionnement, notamment des dépenses en ingénierie.

Je suis enfin quelque peu resté sur ma faim quant à l’existence d’un véritable label PER, qui supposerait une réelle volonté de considérer ceux-ci, également, comme des expérimentations ayant vocation à être pérennisées et adaptées à d’autres territoires. Ma collègue Odette Herviaux avait souligné ce point en commission, et je le crois fondamental. Nous sommes tous d’accord pour insister sur la spécificité des pôles en fonction du contexte local, mais une trop grande originalité dans le montage empêcherait de le reproduire ailleurs.

Je propose qu’une partie du fonds PER qui, je l’espère, devrait naître de nos réflexions puisse servir directement à aider au montage d’autres projets, parfois quasiment similaires, dans d’autres territoires. Il faut instaurer un échange des bonnes pratiques et une diffusion des modèles qui auront rencontré un succès.

Il faudra aussi accentuer les liens entre pôles de compétitivité et pôles d’excellence rurale, entre urbain et rural, ce qui me paraît garantir une meilleure cohésion territoriale.

L’excellence, ne l’oublions pas, a valeur d’exemple et d’expérience. Au moment où nous nous apprêtons à accueillir la deuxième génération de PER, je reste doublement inquiet pour la pérennité des premiers projets labellisés, notamment de ceux qui entrent en fonctionnement maintenant seulement et qui auront encore besoin d’un accompagnement financier.

Monsieur le ministre, le décalage entre les sommes engagées et les sommes payées est encore trop important. La première étape est loin d’être achevée, et il est envisagé de repousser l’échéance de décembre 2009 à décembre 2010.

Par ailleurs, il n’aura échappé à personne que les PER constituent aussi une mutualisation financière, puisque l’État contribue à chaque projet au maximum à hauteur de 33 %, mais qu’en réalité sa participation, rapportée à l’ensemble des PER, est en moyenne de 20 %. La crise économique affecte directement les investisseurs, publics et privés, qui sont tentés, et on le comprend parfois, de concentrer leurs actions sur des activités jugées immédiatement rentables ou indispensables.

À cette incertitude provoquée par la conjoncture économique, il faut ajouter une incertitude politique tout aussi importante, parfois même plus déterminante : celle que le Gouvernement crée et entretient, notamment en proposant une réforme des collectivités territoriales qui peut se révéler inadaptée. On sait très bien que, souvent, le conseil général est l’un des principaux financeurs des pôles d’excellence rurale : s’il perdait, par exemple, sa compétence générale, il serait inévitablement amené à se mettre aux « abonnés absents » et ne pourrait plus se permettre de soutenir des initiatives aussi importantes.

Le rapport du groupe de travail montre très justement la nécessité de créer un fonds PER pour que l’action de l’État soit plus lisible. Je rejoins complètement mon collègue sur cette question et je souscris à la proposition d’inscrire une ligne budgétaire spécifique dans le projet de loi de finances. Mais l’État ira-t-il jusqu’à cette lisibilité ? Car, inévitablement, celle-ci fera apparaître que, sans les collectivités, en particulier sans l’ingénierie qu’elles mettent à disposition, bon nombre de projets ne verraient pas le jour !

Je sais gré à M. le rapporteur d’avoir proposé que les collectivités locales, qui assument le poids financier de ces pôles, soient considérées non pas uniquement comme de simples tiroirs-caisses, mais aussi comme des décideurs dignes de contribuer, en amont, à l’élaboration des appels à projets.

Dans le même temps, qui peut dire si, avec la disparition programmée de la taxe professionnelle, mais aussi avec le projet de modification de la compétence générale que j’évoquais tout à l’heure, voire avec la réforme territoriale dans son ensemble, les collectivités, les groupements de communes, les pays pourront continuer à financer ces pôles ? Véritable incertitude ! Les collectivités n’ont pas suffisamment d’assurances sur leur propre avenir pour intervenir durablement dans des projets qui, somme toute, ne relèvent pas de leur champ d’intervention premier.

Les collectivités locales étaient jusqu’ici contraintes à limiter leur participation financière du fait des décisions de l’État. Monsieur le ministre, prévoyez-vous d’augmenter votre contribution pour assurer la survie des projets ? Envisagez-vous de flécher plus de fonds européens sur les pôles d’excellence rurale ?

Je suis enfin plus circonspect, et ce sera là le dernier point de mon intervention, sur les thèmes d’appels d’offres que vous semblez retenir dans la prochaine génération de PER : développement durable, services publics, soutien aux filières traditionnelles existantes, telles sont les trois orientations que vous avez données.

Comme M. Pointereau l’a indiqué dès le préambule de son rapport, les pôles d’excellence rurale ne sauraient se substituer à une vraie politique d’aménagement du territoire et de développement rural. Ils constituent des valeurs ajoutées et doivent être considérés comme tels. L’État ne doit en rien s’exonérer de ses responsabilités propres en matière de transports, de lutte contre les déserts médicaux ou de services publics. Les 379 pôles labellisés ne doivent en aucun cas masquer la réalité des 36 000 communes, pour qui la survie territoriale est souvent la norme.

Lors d’une récente conférence de presse, monsieur le ministre, vous avez souhaité être le ministre du concret : ce soir, nous allons essayer d’être des sénateurs du concret.

Souhaitez-vous vraiment que la nouvelle génération de pôles d’excellence rurale permette, dès 2010, de financer des projets de services publics ?

J’aimerais également que vous nous apportiez quelques garanties sur les dossiers qui seront privilégiés.

Comme tous mes collègues ici présents, je serai, monsieur le ministre, très attentif à ce que les nouvelles générations de PER ne soient pas une fois de plus un prétexte pour faire financer par d’autres des services publics d’État, un moyen de maquiller, sous couvert d’excellence pour quelques-uns, le délitement des services publics prévus pour le plus grand nombre et d’organiser, comme c’est le cas dans certaines zones, des déménagements du territoire.

Si tel était le cas, je vous le dis tout net, monsieur le ministre, nous ne serions pas d’accord, et je sollicite du président du groupe de travail, ainsi que du président de la commission de l’économie la plus grande vigilance sur cette question. Directions départementales de l’agriculture, directions départementales de l’équipement, aujourd’hui l’Office national des forêts, parfois les gendarmeries, les tribunaux : la ruralité connaît un départ impressionnant de services publics. Ce processus doit être stoppé. La révision générale des politiques publiques a fait des ravages dans nos territoires.

Le groupe socialiste, qu’avec Yves Chastan je représente ici, soutient le principe de nouvelles générations de PER, afin d’accélérer le financement de projets de développement local. Il n’empêche que nos réserves sont bien réelles quant à la philosophie générale dans laquelle ce renouvellement s’inscrit. En d’autres termes : oui à un label PER qui permette de dynamiser les énergies locales, non à une vitrine PER qui masquerait les difficultés actuelles des territoires ruraux, notamment en termes de maintien des services publics, difficultés que nous vivons au quotidien dans nos circonscriptions et que nous continuons à dénoncer.

Comme nombre d’élus ruraux, monsieur le ministre, j’attends avec impatience vos réponses à ces questions.