Mme Françoise Laborde. J’espère bien !
M. Pierre Martin. Et cela en dehors de toute idéologie !
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas idéologique, c’est sociologique !
M. Pierre Martin. Nous pensions que c’était une solution et nous souhaitons que, grâce à l’expérimentation, cela devienne – pourquoi pas ? – « la » solution.
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie pour ce qui est fait à l’heure actuelle. J’espère que le partenariat mis en place avec l’éducation nationale, le ministère de la famille, les collectivités, les parents et les assistantes maternelles permettra d’innover pour nos jeunes enfants.
Comme un collègue l’a rappelé, l’école maternelle a été une grande chose pour notre République. Je suis persuadé qu’il en sera de même pour les jardins d’éveil, qui apparaîtront aussi comme une excellente solution ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le Président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir au cours de ce débat car j’estime que la création des jardins d’éveil illustre à elle seule les impasses de la politique gouvernementale.
En effet, que nous propose-t-on dans cette réforme ? D’un point de vue pédagogique, rien, ou si peu ! On autorise l’ouverture de jardins d’éveil, sans l’assortir de l’obligation d’élaborer un projet éducatif digne de ce nom.
Lorsqu’on veut réellement renforcer l’égalité des chances éducatives entre les enfants, j’ai la faiblesse de le croire, on se fixe des objectifs pédagogiques précis, c’est le moins que l’on puisse faire. Visiblement, en ce qui concerne la petite enfance, le Gouvernement, madame la secrétaire d’État, ne partage pas cette conception de l’éducation.
Au contraire, les jardins d’éveil n’ont d’autre but que de substituer à l’école maternelle un mode de garde sans condition d’apprentissage et d’acquisition de connaissances. C’est d’autant plus regrettable que, quoi que vous puissiez en penser, il est avéré que l’école maternelle exerce un effet tout à fait positif sur la socialisation et la scolarité des jeunes enfants, notamment ceux qui sont issus des classes défavorisées, pour qui l’accueil est, de plus, gratuit.
Mais je ne m’étendrai pas davantage sur ce point, car notre collègue Françoise Cartron a développé à ce sujet d’excellents arguments, auxquels, comme mes collègues du groupe socialiste, je souscris totalement. Je rejoins également la position défendue par Jean-Luc Fichet et René-Pierre Signé, et, je n’en doute pas un seul instant, Claude Domeizel poursuivra dans cette voie.
M. Claude Domeizel. Bien sûr !
M. Claude Bérit-Débat. Il n’en demeure pas moins que la question reste posée : à quoi servent les jardins d’éveil, si leur création n’est pas liée à un apport éducatif ? Là encore, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ambition du Gouvernement est des plus minimes. S’agit-il de porter atteinte à l’école maternelle ? Tout porte à le croire, puisque, en favorisant les jardins d’éveil, le but recherché est de réduire le nombre d’enfants entrant en maternelle. Les chiffres présentés par les uns et les autres sont, à cet égard, éloquents.
Dès lors, l’argument est tout trouvé pour justifier la réduction du nombre d’enseignants. Nous avions les critères de Maastricht, mais on ne les respecte plus depuis fort longtemps ! En revanche, nous avons désormais un dogme gouvernemental auquel vous ne dérogez absolument pas, madame la secrétaire d’État : le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Moins d’enfants, moins d’enseignants, c’est, au final, plus d’économies pour l’État !
Je souhaite insister plus particulièrement sur ce point. En effet, si l’État réalise des économies « sur le dos » des enseignants et de l’éducation des futurs citoyens, il perpétue aussi son habitude de transférer le poids de ses charges aux collectivités locales. Il n’aura échappé à personne que le coût des jardins d’éveil sera, comme dans tant d’autres domaines, supporté une fois de plus par les communes. À cet égard, je rappellerai quelques chiffres. Une place en école maternelle coûte 4 500 euros, alors qu’une place en jardin d’éveil revient en moyenne à 8 000 euros : 3 200 euros seront pris en charge par l’État via la CNAF, 2 900 euros seront supportés par les communes, tandis que le reste sera payé par les familles, et encore, à proportion de leurs moyens. Face à la paupérisation des familles de certains quartiers ou de certaines villes, les jardins d’éveil représenteront, nous le savons, une charge supplémentaire pour les collectivités, c'est-à-dire pour les communes.
Autrement dit, les collectivités locales seront contraintes de supporter un nouveau poste de dépenses, pour financer les économies budgétaires réalisées par l’État pour son propre compte.
À l’heure où la réforme des collectivités territoriales laisse présager pour celles-ci une mise au pas politique et une subordination financière, la création des jardins d’éveil apparaît comme une véritable provocation. (MM. Pierre Martin et Pierre Bordier s’esclaffent.)
Selon une mécanique bien rodée, l’État réduit les recettes fiscales des collectivités, tout en leur transférant des charges financières supplémentaires. D’un côté, la taxe professionnelle est supprimée et, de l’autre, les communes doivent financer les jardins d’éveil, dont la finalité n’est autre que de permettre à l’État d’économiser quelques millions d’euros, alors qu’il dilapide des milliards d’euros en cadeaux fiscaux. Par conséquent, cette réforme est inique, d’autant que les communes consentent déjà beaucoup d’efforts pour l’éducation et la garde des plus petits.
En effet, malgré les difficultés et le coût de ces structures, les collectivités financent de nombreuses crèches, micro-crèches, haltes-garderies et réseaux d’assistantes maternelles. À cet effort s’ajoute celui qui est déployé en faveur des écoles maternelles et élémentaires.
Dois-je rappeler – chacun ici le sait, puisqu’il est le plus souvent également élu local – qu’elles financent non seulement les ATSEM, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, mais également tout le personnel nécessaire au fonctionnement des services de garderie, de restauration et d’activités périscolaires ?
En outre, la création des jardins d’éveil obligera les collectivités à recruter du personnel supplémentaire, ce qui ne manque pas de sel quand on sait que, hier encore, le Président de la République stigmatisait la création par les collectivités locales de 36 000 emplois au cours de l’année 2008 !
Mme Françoise Cartron. Eh oui !
M. Claude Bérit-Débat. Une fois de plus, les collectivités se retrouvent donc entre le marteau et l’enclume : d’un côté, elles doivent pallier les défaillances de l’État et, de l’autre, elles sentent le nœud financier qui les étrangle se resserrer encore un peu plus !
Cette situation est d’autant plus insupportable que personne ne comprend l’utilité de ces nouvelles structures. En matière d’éducation – j’en terminerai par là –, l’État doit se montrer exemplaire et à la hauteur de ses responsabilités. En créant les jardins d’éveil, il ne fait ni l’un ni l’autre. Il est donc tout à fait inconcevable que, une fois de plus, ce soit aux collectivités locales de payer les factures laissées par l’État.
Puisque les jardins d’éveil sont en phase d’expérimentation, l’heure est venue, madame la secrétaire d’État, de tirer d’ores et déjà les conclusions qui s’imposent : il faut donner à l’éducation nationale les vrais moyens de ses ambitions et cesser de considérer que l’éducation de nos enfants est un coût qu’il faut désormais externaliser à tout prix ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que dernier orateur inscrit, je me permettrai d’aborder le sujet de manière un peu différente. Je ne reviendrai pas en détail sur notre perception des jardins d’éveil, dans la mesure où notre collègue Françoise Cartron en a dressé un bilan quasiment exhaustif lors de son excellente intervention.
À l’évidence, élus et parents ne se sont pas précipités sur cette nouvelle structure bancale et superflue. Mme Françoise Cartron, qui est à l’origine de ce débat, ce dont nous devons la féliciter, a eu tout à fait raison de souligner trois points principaux. Tout d’abord, les jardins d’éveil ne sont que des coquilles vides et de la poudre aux yeux. Ensuite, l’objectif principal de leur création est d’ouvrir une brèche dans notre modèle d’école maternelle. Enfin, il s’agit d’une tentative maladroite pour masquer les attentes des familles en matière d’accueil des jeunes enfants.
Pour ma part, j’évoquerai des aspects encore plus concrets, en termes de moyens.
En 2010, sur cinq rentrées scolaires, 50 000 emplois auront disparu dans l’éducation nationale.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est cela, la réalité !
M. Claude Domeizel. Qui sont les victimes de ces mesures ressemblant à un véritable plan social ? Tous les établissements, et plus particulièrement ceux qui accueillent des enfants de moins de cinq ans. Mais la création des jardins d’éveil ne constitue que l’un des angles d’attaque en matière de réduction des effectifs d’enseignants.
Madame la secrétaire d’État, je n’ignore pas que vos services ne sont pas compétents en matière d’éducation. Permettez-moi toutefois d’élargir le débat en alertant aujourd’hui le gouvernement Sarkozy – je pensais Fillon, j’ai dit Sarkozy, je ne sais pourquoi (Sourires) –, que vous représentez, au sujet de l’accueil dans les écoles des communes rurales des enfants de moins de cinq ans. En effet, plusieurs d’entre nous ont été interpellés sur ce point.
Il semblerait que, de plus en plus, les familles essuient des refus fondés sur le critère de l’âge des enfants. Il est vrai que les questions de limite d’âge ont toujours été un vrai casse-tête pour les maires et les directeurs d’école. Cependant, aujourd’hui, la règle serait appliquée avec une rigueur jamais connue. Cela se vérifie un peu partout, en ville, mais aussi à la campagne.
Malheureusement, la question est encore plus sensible en milieu rural. Permettez-moi d’illustrer cette affirmation en prenant l’exemple du département des Alpes de Haute-Provence, que j’ai l’honneur de représenter ici. Sur 200 communes, 108 ont une ou plusieurs écoles élémentaires et 30 proposent un accueil en maternelle. Autrement dit, la moitié des communes se trouve sans école primaire, et 8 communes sur 10 n’ont pas d’école maternelle. Mon département ne constitue pas un cas unique, cette situation étant une réalité bien connue du monde rural, où l’on compte peu de crèches, voire pas du tout, et encore moins de jardins d’éveil.
La scolarisation des enfants de moins de cinq ans pose par conséquent certaines difficultés. Or, en zone rurale, comme ailleurs, l’accueil des jeunes enfants est souhaitable, non seulement pour leur épanouissement, mais aussi parce que la qualité de l’offre en matière d’éducation constitue un attrait important pour les familles désirant s’installer. Certes, les enfants peuvent être scolarisés dans l’école maternelle la plus proche ; mais lorsqu’ils atteignent leur sixième anniversaire, reviennent-ils dans l’école primaire de leur village, si elle existe encore ? Permettez-moi d’en douter ! En outre, si le cadet rejoint l’aîné à l’école maternelle, l’école primaire du lieu de résidence aura ainsi perdu deux élèves !
Il est vrai que l’article D. 113-1 du code de l’éducation apporte la précision suivante : « En l’absence d’école ou de classe maternelle, les enfants de cinq ans […] sont admis à l’école élémentaire dans une section enfantine ». Toutefois, à mon sens, rien ne s’oppose à ce que des enfants puissent être accueillis, en fonction des effectifs, avant l’âge de cinq ans dans une section enfantine. Jusqu’à ces derniers temps, c’était une pratique largement répandue.
Cette tolérance se plaçait dans le droit fil de l’article 29 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, selon lequel l’État se doit de « garantir que l’offre d’accès aux services publics est adaptée aux caractéristiques des territoires, concourt à leur attractivité et au maintien de leurs équilibres ».
« Adaptée aux caractéristiques des territoires » : tout est dit en quelques mots. Le durcissement observé pour l’application des textes, suscité par le ministère de l’éducation nationale et contraire à l’esprit de la loi du 4 février 1995 dont je viens de citer un article important, va insidieusement accélérer le processus des fermetures de classes en zone rurale. Voilà comment on réduit les effectifs des enseignants dans le cadre de la RGPP !
Madame la secrétaire d’État, plutôt que de vanter les hypothétiques mérites des jardins d’éveil, pourquoi le Gouvernement ne commence-t-il pas par répondre à ses obligations en matière d’accueil, notamment en zone rurale, des enfants de moins de cinq ans ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. René-Pierre Signé. Il y a du travail ! Elle a beaucoup à faire pour convaincre !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec grand plaisir que je vais à répondre à la question orale avec débat posée par votre collègue Mme Françoise Cartron.
De retour d’un voyage à Stockholm, permettez-moi tout d’abord de vous faire partager la teneur des discussions auxquelles j’ai pu participer. Dans le cadre de la présidence de l’Union européenne par la Suède, nous avons évoqué la démographie européenne, les résultats de la France en ce domaine, ainsi que l’intérêt suscité, auprès de l’ensemble de nos partenaires européens, par le développement de modes de garde très diversifiés dans notre pays.
Le taux de natalité en France est de loin le premier de l’Union européenne – 2,08 enfants par femme, contre une moyenne européenne de 1,5 –, ce qui permet à notre pays d’assurer un quasi-renouvellement de ses générations.
M. Serge Lagauche. Grâce aux immigrés !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Ce chiffre n’est pas le fruit du hasard, mais la résultante de notre politique familiale, à laquelle nous consacrons près de 88 milliards d’euros, soit 4,7 % de notre produit intérieur brut – 2,5 fois plus que les autres pays européens.
Mme Christiane Demontès. Pas du tout !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Fiscalité, prestations familiales, allocations familiales, mais aussi modes d’accueil des jeunes enfants : dans tous ces domaines, l’Europe s’est dotée d’instruments de mesure de l’ensemble des résultats des pays de l’Union, à travers les objectifs de Barcelone. Pour l’accueil des enfants de trois mois à trois ans, ces derniers préconisent un taux d’accueil de 30 % ; nous sommes presque à 48 % ! En ce qui concerne l’accueil des enfants de trois à six ans, ils fixent un taux de 90 % ; nous sommes à 99 % ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Le Gouvernement comme la majorité parlementaire sont viscéralement attachés à l’école maternelle. Je vous pose la question, monsieur Signé : pourquoi n’avoir pas inscrit le droit à la scolarité dès deux ans dans la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation, quand la gauche était au pouvoir et que le Président de la République s’appelait François Mitterrand ?
M. René-Pierre Signé. Les avancées sont progressives !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. La loi prévoit la scolarisation à trois ans, voire à deux ans dans les quartiers défavorisés.
Nous avons fait un choix différent. Comme l’excellent rapport sénatorial de Mme Papon et de M. Martin sur le développement des jardins d’éveil, nous avons été guidés par le principe fondateur de l’intérêt supérieur de l’enfant – principe que Mme Papon a rappelé dès le début de son intervention –, et donc par la volonté de garantir la qualité de l’accueil des tout-petits.
Les enfants de deux ans sont des bébés.
Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Certains d’entre eux ne sont pas encore propres ; or, je rappelle, la propreté constitue une condition d’entrée à l’école maternelle.
M. René-Pierre Signé. Le dialogue commence in utero ! À deux ans, ils sont prêts !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Les jardins d’éveil peuvent accueillir les tout-petits même lorsqu’ils ne sont pas propres : en cela, ils offrent un meilleur accompagnement du jeune enfant que l’école maternelle.
N’en déplaise à certains d’entre vous, nous n’avons nullement l’intention de supprimer l’école maternelle, dont nous sommes fiers. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Aujourd’hui, près de 99 % des parents choisissent d’inscrire leurs enfants de trois à six ans à l’école maternelle !
M. Claude Bérit-Débat. Les chiffres sont têtus !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Je le répète, nous sommes viscéralement attachés à l’école maternelle, et il n’est pas question de remettre en cause le droit à la scolarité dès l’âge de trois ans.
M. René-Pierre Signé. Vous réduisez pourtant la scolarité !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Nous avons voulu répondre à l’attente des parents, des collectivités locales et des professionnels de la petite enfance, mais aussi de territoires très diversifiés. En effet, la garde d’enfants ne se conçoit pas de la même manière selon que l’on habite dans une grande agglomération ou à la campagne.
Moi-même élue d’une circonscription rurale, qui compte 181 communes réparties sur huit cantons, je vois bien la nécessité de diversifier les modes d’accueil. C’est aussi la conclusion du rapport sénatorial et de celui du député Mme Michèle Tabarot.
C’est pourquoi nous avons créé 100 000 places supplémentaires chez les assistantes maternelles. (Mme Christiane Demontès s’exclame.) Nous avons permis à celles-ci d’obtenir une prime à l’installation et, grâce au PLFSS que vous allez bientôt examiner, mesdames, messieurs les sénateurs, elles pourront bénéficier d’un prêt à taux zéro pour les aider à s’installer. Nous avons prévu de créer 76 000 places en crèche collective, 4 000 places en crèche d’entreprise…
M. René-Pierre Signé. Ce ne sont pas des écoles !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. … parce que, je le répète, il importe de diversifier les modes de garde, et 4 500 places en crèche hospitalière parce que, là aussi, il est important d’optimiser les moyens dont nous disposons.
Certains parmi vous ont plaidé pour que les enfants des quartiers difficiles soient accueillis dans les écoles. Tout comme vous, nous souhaitons qu’ils reçoivent un accueil de qualité. Au sein des places que je viens d’énumérer, une ligne budgétaire spécifique en prévoit 1 500 dans 215 quartiers prioritaires, afin de développer des modes de garde dans ces quartiers.
Mme Christiane Demontès. Comment les familles vont-elles payer ?
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas l’école !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. À travers la convention d’objectifs et de gestion, la COG, que l’État a signée avec la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, nous avons engagé, en cette période de crise économique difficile, 1,3 milliard d’euros pour développer les 200 000 places de garde supplémentaires. Cela représente 7,5 % d’augmentation du Fonds national d’action sociale chaque année pendant quatre ans !
Dans ces quartiers difficiles, où nous voulons un accueil plus rapproché des tout-petits, les caisses d’allocations familiales, les CAF, ont déjà reçu 380 dossiers. Au lieu des 1 500 places prévues, nous allons créer jusqu’à 3 600 places dans les quartiers prioritaires pour répondre aux besoins des familles, notamment à ceux de ces femmes dont le taux d’activité est de dix points inférieur à la moyenne nationale et qui ne peuvent répondre à un entretien d’embauche faute de pouvoir faire garder leurs enfants.
Vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, à quel point le Gouvernement et la majorité agissent pour développer des modes de garde pour les enfants dans ces quartiers prioritaires.
On peut se jeter les rapports à la figure, mais la quasi-totalité des rapports des pédopsychiatres démontrent que la scolarisation dès l’âge de deux ans n’est pas bonne pour les enfants,…
Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. … qui ont besoin d’un accueil beaucoup plus rapproché par les adultes. Les associations familiales y sont également défavorables. C’est pourquoi la préscolarisation, qui ne s’appliquait pas uniformément sur le territoire, a reculé.
J’en viens aux jardins d’éveil. À la suite de l’excellent rapport du Sénat, nous avons décidé, aux termes de la COG, une expérimentation portant sur 8 000 places d’accueil en jardin d’éveil. Alors que le cahier des charges a été élaboré voilà trois mois à peine, nous ne pouvons que nous féliciter de constater que les projets de certaines communes sont déjà largement engagés – la création de 300 places a d’ores et déjà été enregistrée auprès des caisses d’allocations familiales.
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas beaucoup !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Je suis d’ailleurs allée inaugurer les premiers jardins d’éveil dans le Tarn-et-Garonne.
Ces jardins d’éveils visent à accueillir des enfants de deux à trois ans au sein de petits modules de douze à vingt-quatre enfants. Le coût pour la collectivité est, en moyenne, de 7 500 euros ; la participation de L’État, par le biais de la branche famille de l’assurance maladie, s’élève, par place, à 3 200 euros en dépenses de fonctionnement et à 1 100 euros en dépenses d’investissement. Sur le plan financier, nous contribuons donc de manière significative à la mise en place de ces jardins d’éveil, notamment pour assurer un taux d’encadrement de trois adultes au minimum pour vingt-quatre enfants, soit bien plus qu’en maternelle.
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas la même qualité !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Détrompez-vous : nous sommes particulièrement attachés à la qualité de l’encadrement, que nous avons privilégiée.
Nous avons aussi permis aux élus – parce que je connais leur préoccupation ; je suis moi-même un élu – d’utiliser les locaux disponibles, afin d’apporter aux parents le meilleur service de proximité possible.
Dans la Marne, j’ai ainsi inauguré en compagnie de Mme Papon un jardin d’éveil dans un ancien bureau de poste communal qui, après réhabilitation, correspondait parfaitement aux besoins. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas possible dans toutes les communes !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Dans d’autres cas, les maires ont choisi d’installer les jardins d’éveil dans des locaux jouxtant un groupe scolaire ou, au sein de groupes scolaires, dans des locaux qui ont été agrandis. Tout le monde y gagne : les parents, qui apprécient d’aller chercher le petit dernier sur le même site que ses frère et sœur scolarisés en maternelle ou en primaire ; les maires, qui optimisent ainsi les moyens et leurs structures ; enfin, les professionnels de la petite enfance, qui peuvent intervenir dans plusieurs structures.
Qualité, fonctionnalité, mutualisation des moyens et baisse des coûts : tels sont les objectifs de ce dispositif.
Vous dénoncez, sur les travées du groupe socialiste, un désengagement de l’État au détriment des collectivités locales.
M. René-Pierre Signé. C’est vrai !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Mais dois-je vous rappeler que les communes financent les places de crèche et les autres modes d’accueil des jeunes enfants ?
M. René-Pierre Signé. Mais l’école est gratuite, elle !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. En ce qui concerne les jardins d’éveil, l’apport de l’État, par le biais de la branche famille, est beaucoup plus important.
D’ailleurs, en affirmant qu’une place en maternelle coûte moins cher qu’une place en jardin d’éveil, vous battez en brèche votre propre argument sur un prétendu désengagement de l’État ! (M. Claude Bérit-Débat sourit et fait un signe de dénégation.) Nous investissons en effet davantage dans les jardins d’éveil, afin d’assurer un meilleur accueil du tout-petit, qui, à nos yeux, est un bébé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. René-Pierre Signé. Les familles payent !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Enfin, vous nous parlez de pédagogie. Le personnel de ces jardins d’éveil sera formé et qualifié, en puériculture ou en accueil du jeune enfant. Contrairement à ce que vous affirmez, Xavier Darcos n’a pas manqué de respect aux enseignants en expliquant qu’enseignement et accompagnement de la petite enfance sont deux métiers différents.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas l’avis des enseignants !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Nous sommes très attachés à ces deux métiers, qui sont complémentaires.
Je voudrais également répondre très concrètement aux questions que vous avez soulevées sur le projet pédagogique.
Selon les rapports qui nous ont été remis, à leur entrée en maternelle, certains enfants peuvent maîtriser 2 000 mots en moyenne, quand d’autres n’en possèdent que 200 : tous n’ont pas la même capacité d’apprentissage du vocabulaire. J’ai donc demandé à un professeur de sociolinguistique, M. Bentolila, d’élaborer pour la fin du mois de décembre un projet de module d’apprentissage de la linguistique, que nous expérimenterons ensuite dans les jardins d’éveil. Je souhaite également que ces derniers rendent un rapport annuel d’activité.
Je tiens aussi à répondre à M. Martin, qui a évoqué un autre sujet.
Avant de mettre en place les jardins d’éveil, nous avons évidemment installé un comité de pilotage et consulté les professionnels de la petite enfance. J’ai moi-même reçu les syndicats enseignants afin de leur signifier clairement que la création des jardins d’éveil ne correspondait aucunement à une quelconque volonté de supprimer l’école maternelle par substitution. C’est pourquoi j’ai souhaité que ces deux entités soient clairement distinctes et qu’il n’existe entre elles aucun rapport technique ni agrément : jardins d’éveil d’un côté, éducation nationale de l’autre.
Lorsque je les ai rencontrés, les syndicats m’ont dit qu’ils étaient les premiers à craindre la création des jardins d’éveil. Mais, au final, ils m’ont fait part de leur souhait de nouer des partenariats avec ceux-ci. Dont acte ! Ainsi, lorsque nous dresserons le bilan des jardins d’éveil après leur première année de fonctionnement, si un jardin d’éveil en émet le désir, il pourra tout à fait établir un partenariat avec une école maternelle se trouvant à proximité et mettre en place des activités communes pour les enfants en passe d’atteindre l’âge de trois ans.