M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Candidature à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Yves Dauge pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
9
Demande d'autorisation d'une mission d'information
Mme la présidente. M. le président du Sénat a été saisi par Mme Dini, présidente de la commission des affaires sociales, d’une demande tendant à obtenir l’autorisation de désigner en son sein une mission d’information consacrée au mal-être au travail.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l’article 21 du règlement.
10
Engagement national pour l'environnement
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
(Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant engagement national pour l’environnement.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements portant articles additionnels après l’article 78.
Articles additionnels après l'article 78 (suite)
Mme la présidente. Tout à l’heure, nous avons entamé l’examen de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune : les amendements nos 743, 744, 745, 746 et 831 rectifié bis.
Tous ces amendements ont été exposés par leurs auteurs, et la commission ainsi que le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Mais je suis saisi d’un sous-amendement n° 939, présenté par M. Muller et ainsi libellé :
Supprimer les premier et dernier alinéas du texte proposé par l'amendement n° 831 rectifié bis pour insérer un article après l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Madame la présidente, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun sait le rôle essentiel du signal-prix renvoyé aux consommateurs dans l'orientation des choix de consommation et, en retour, dans l'orientation du système productif. L'internalisation des coûts environnementaux est essentielle pour réorienter progressivement ce système.
Tout à l’heure, au cours du débat, on nous a expliqué que le consommateur allait payer. De toute manière, étant situé en fin de chaîne, c’est toujours lui qui paie, que ce soit un produit, des taxes ou des redevances permettant de traiter les produits non recyclables.
Je considère pour ma part, comme d’autres d’ailleurs, qu’il vaut mieux disposer de prélèvements obligatoires intelligents et incorporer dans le prix la recyclabilité des produits.
Le sous-amendement n° 939 vise à préciser dans le présent projet de loi les modalités d'application du dispositif de responsabilité environnementale des producteurs, introduit par la loi dite « Grenelle I ». Il est nécessaire que le niveau de contribution de chaque produit soumis à un dispositif de responsabilité prenne en compte la recyclabilité, l'éco-conception, les économies de ressources naturelles, l'utilisation de matériaux recyclés, la durée de vie des produits, les possibilités de valorisation sous forme d'énergie ou d'énergie des déchets générés.
Il s'agit également de fixer une échéance pour atteindre cet objectif et de mettre en place une signalétique pédagogique sur les produits concernés, de manière à informer en toute clarté le consommateur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie, de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur Muller, je vous remercie d’avoir étudié chaque amendement et d’avoir réagi de façon pertinente, par le biais de ce sous-amendement.
La commission, n’ayant pas été saisie du sous-amendement n° 939, n’a pu se prononcer. Mais à titre personnel, je considère la disposition proposée comme un progrès, et j’émets par conséquent un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 831 rectifié bis, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 78.
L'amendement n° 334 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Vanlerenberghe et Zocchetto, Mme Férat et MM. Badré, Merceron, Deneux, Soulage et Amoudry, est ainsi libellé :
Après l'article 78, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La quantité d'ordures ménagères résiduelles prises en charge par l'organisme de traitement qui excède 250 kilogrammes par habitant et par an peut faire l'objet, auprès de la collectivité qui les a collectées, d'une facturation supérieure aux 250 premiers kilogrammes. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. La loi Grenelle I, que nous avons adoptée voilà quelque mois, fixe un certain nombre d’objectifs concernant les déchets ménagers, dont la diminution de 15 % d'ici à 2012 du tonnage des déchets enfouis ou incinérés, la diminution de 7 % dans les cinq prochaines années de la part d'ordures ménagères et assimilées, l’augmentation du recyclage matière et organique.
L'Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, dans une note du printemps dernier, a rappelé que les ordures ménagères comprennent environ 20 % de déchets provenant des entreprises collectés dans les mêmes conditions. Il s’agit des déchets qualifiés d’« assimilés », qui ne sont pas des déchets ménagers, au sens propre du terme.
Diminuer la part des déchets des professionnels dans les collectes réservées aux ménages concourrait non seulement à l'atteinte des objectifs précités, mais également à la maîtrise des coûts rendue obligatoire par les évolutions réglementaires et fiscales dans ce domaine.
L'obligation de mise en place d'une redevance spéciale à l'attention de ces producteurs de déchets ménagers assimilés, pourtant instaurée en 1993, a été très peu respectée par les collectivités.
Dans la mesure où cet arsenal juridique se révèle inopérant, je vous propose, mes chers collègues, une autre disposition permettant d’atteindre plus facilement les objectifs susvisés : la quantité d’ordures ménagères résiduelles prises en charge par l’organisme de traitement – souvent un syndicat départemental – qui excéderait 250 kilogrammes par habitant et par an pourrait faire l’objet, auprès de la collectivité qui les a collectées, d’une facturation supérieure à celle des 250 premiers kilogrammes. Une telle mesure encouragerait forcément les collectivités à peser sur la production de déchets ménagers, sur leur poubelle de déchets résiduels, et à mettre en place tout l’arsenal conduisant à ne faire traiter que les déchets ménagers résiduels.
Les auteurs de l’amendement n° 334 rectifié n’ont pas retenu ce seuil au hasard. Mme Olin, alors ministre de l'écologie et du développement durable, lors du lancement de la campagne nationale de réduction des déchets, avait elle-même fixé ce seuil. Elle indiquait alors, en 2005, que, dans cinq ans, soit en 2010 – autrement dit demain –, les quantités d'ordures ménagères orientées vers le stockage ou l'incinération, donc vers le traitement des ordures ménagères résiduelles, ne devraient pas dépasser 250 kilogrammes par habitant et par an.
Cette mesure permettrait d’inciter fortement, d’une part, les élus à s’intéresser d’abord aux déchets ménagers, au sens propre du terme, et, d’autre part, les producteurs de déchets ménagers assimilés à éliminer ces derniers ou à mettre en place la redevance spéciale qui, lorsqu’elle existe, porte ses fruits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Je comprends tout à fait l’idée que vient de développer M. Détraigne. Nous sommes nombreux à penser que, à partir du moment où il n’est pas possible de valoriser la totalité des déchets ménagers – dans les conditions technico-économiques actuelles, une partie de ces déchets sera traitée soit par la valorisation énergétique, soit par l’enfouissement –, faire supporter la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, dès le premier kilogramme restant n’est manifestement pas une solution optimale. Nous étudions d’ailleurs ce sujet.
Monsieur Détraigne, l’amendement n° 334 rectifié aboutirait à retenir un seuil de déchets ultimes, non valorisables dans les conditions technico-économiques actuelles, qui n’est pris en compte nulle part dans la législation. Ce seuil n’est d’ailleurs pertinent ni dans l’absolu ni à l’échelon de chaque territoire. La France des déchets, si je puis dire, est en effet loin d’être homogène. Le seuil de 250 kilogrammes que vous proposez, comme l’avait fait Mme Nelly Olin, pourrait correspondre à une moyenne.
Nous essayons maintenant de travailler d’une façon plus ponctuelle et d’appréhender les caractéristiques de chaque territoire.
Le groupe de travail sur les déchets s’est saisi de ce dossier, afin d’inciter les collectivités locales et les citoyens à des conduites les plus vertueuses possible. Il convient de faire en sorte que les collectivités locales puissent valoriser au maximum les déchets et de ne taxer ces déchets qu’à partir d’un certain seuil qui devra être dégressif, le tonnage de déchets ultimes par habitant devant forcément diminuer.
Mme Fabienne Keller. Tout à fait !
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur Détraigne, dans l’attente des conclusions du groupe de travail, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 334 rectifié, faute de quoi elle sera contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable au principe d’une tarification plus incitative en matière de déchets. Mais, monsieur Détraigne, l’amendement n° 334 rectifié aboutirait à un système contraire à la philosophie même et aux objectifs du Grenelle. En effet, la mesure la plus incitative est la redevance, qui favorise le plus, in fine, la réduction des déchets. Le Gouvernement vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 334 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Madame la secrétaire d’État, après l’adoption de la loi Grenelle I, le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer a mis en place, en liaison avec Bercy, une mission commune d’inspecteurs chargée de réfléchir à un financement incitatif à la réduction des déchets. Ils ont effectué l’une de leurs premières visites dans la Marne, afin de savoir ce que fait le syndicat départemental que je préside. Pour les déchets ultimes, nous avons deux filières de traitement : l’incinération avec valorisation énergétique – la production d’électricité – et le compostage de la fraction fermentescible des ordures ménagères.
Nous avons mis en place un système de facturation de l’incinération : les collectivités, syndicats et communautés de communes qui recueillent les déchets procèdent à une collecte spécifique de la fraction fermentescible des ordures ménagères et, par voie de conséquence, sont incités à diminuer le tonnage et le volume des déchets ultimes qu’ils apportent à l’incinération.
En effet, pour les déchets inférieurs à un certain seuil – non pas 250, mais 230 kilogrammes –, ils paient moins cher que les collectivités ne faisant pas l’effort de réduire le tonnage apporté à l’incinération. Et ça marche, madame la secrétaire d'État !
Nous avons donc tout intérêt à avancer dans cette direction, me semble-t-il. Si une réflexion est menée sur cette question, elle doit non pas conduire à enterrer ce dossier jusqu’au prochain projet de loi, mais déboucher sur des résultats, parce qu’un tel dispositif fonctionne !
Je suis le président du syndicat départemental de traitement des ordures ménagères de la Marne, mais aussi l’élu d’un syndicat primaire qui assure la collecte à la base. Or, au 1er janvier dernier, celui-ci a mis en place la fameuse redevance spéciale sur les déchets ménagers et assimilés issus de l’activité des commerçants, des artisans et des entreprises.
Cette taxe n’a pas été fixée de façon aveugle : elle s’applique à partir d’un certain tonnage. Et, depuis sa mise en place, nous voyons effectivement nos factures de traitement des déchets se réduire !
Ces dispositions sont étroitement liées à celles de l’amendement n° 333 rectifié, que je présenterai en même temps, si vous le voulez bien, madame la présidente.
Mme la présidente. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Yves Détraigne. Cet amendement a pour objet de permettre à une collectivité de s’assurer que les entreprises ou établissements publics n’entrant pas dans le circuit mis en place par la collectivité pour recueillir leurs déchets ménagers et assimilés confient néanmoins ces ordures à une filière dédiée à un traitement légal, correct et conforme au Grenelle.
Toutes ces mesures sont cohérentes, et elles fonctionnent ! Y renoncer ne serait pas une bonne idée, me semble-t-il ; nous devons continuer à travailler sur cette question.
Nous n’en sommes qu’au premier examen de ce projet de loi dit « Grenelle II », texte qui doit fixer des mesures pratiques, et non des orientations générales ! C’est précisément ce que je vous propose à travers ces dispositions, qui ont fait leurs preuves.
Du reste, ce texte sera discuté à l’Assemblée nationale, et une commission mixte paritaire ne manquera pas d’être convoquée ensuite. Nous aurons le temps nécessaire pour trancher cette question, au lieu de la confier à une énième commission !
Je maintiens donc cet amendement, madame la présidente, de même qu’il n’est pas dans mes intentions de retirer l’amendement n° 333 rectifié, sur lequel la commission et le Gouvernement ne se sont pas encore prononcés.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Pour ma part, j’estime que la solution réside dans l’instauration d’une redevance spéciale obligatoire…
M. Dominique Braye, rapporteur. Elle est obligatoire depuis 1993 !
M. Claude Bérit-Débat. Certes, monsieur le rapporteur, mais M. Détraigne vient de souligner qu’elle n’était pas mise en place ! Il faut inciter fortement les collectivités à aller dans ce sens.
En effet, le problème est là : compte tenu de leur volume et de leur tonnage, ces déchets sont essentiellement issus de l’activité économique, et, comme vous le soulignez, monsieur Détraigne, ils sont produits par les commerçants et les entreprises de service, notamment.
Voilà bientôt deux ans que, comme M. Détraigne, j’ai institué une redevance spéciale dans la collectivité dont je suis le responsable – il faut parfois avoir le courage de telles mesures, même si, bien entendu, les commerçants et les artisans ne sont pas forcément ravis ! –, et j’ai obtenu les mêmes résultats s'agissant de la diminution des déchets à traiter.
Il faudrait donc plutôt jouer sur la redevance spéciale, me semble-t-il, pour rendre celle-ci plus incitative.
M. Dominique Braye, rapporteur. Spéciale ou incitative ?
M. Claude Bérit-Débat. Je parle de la redevance spéciale, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Qui s’applique donc aux entreprises ?
M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait, car le problème des déchets vient plutôt des entreprises. Les volumes que l’on a cités n’ont guère de sens pour un ménage.
M. Dominique Braye, rapporteur. Mais la taxe s’appliquerait aussi aux habitants !
M. Claude Bérit-Débat. Certes, mais, honnêtement, j’ignore si un ménage peut être concerné par les chiffres que nous avons évoqués. À mon sens, la taxe toucherait les entreprises plus que les ménages.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. L’idée de M. Détraigne est particulièrement intéressante, me semble-t-il.
Cela dit, je crois prématuré de généraliser ce dispositif à l’ensemble du territoire national, parce qu’il créerait des distorsions.
En effet, les collectivités qui bénéficient d’un mode de traitement permettant, par exemple, la valorisation énergétique pourraient atteindre l’objectif visé sans aucune difficulté et ne seraient pas pénalisées par la taxation. En revanche, celles qui ne disposent pas des outils de traitement assurant cette valorisation, parce que le plan départemental ne l’a pas encore permis ou parce qu’elles sont moins avancées que les autres, seraient pénalisées. Vous savez d'ailleurs, mes chers collègues, que, pour créer une nouvelle unité de traitement, il faut non pas un ou deux ans, mais plutôt de cinq à huit années !
Je ne voudrais donc pas que cette disposition s’applique sur l’ensemble du territoire.
Qu’on laisse aux élus la faculté d’utiliser cet outil, comme vous le faites, monsieur Détraigne, dans le département dont vous êtes l’élu, est tout à fait positif. Toutefois, je le répète, il est trop tôt pour généraliser ce dispositif à toutes les collectivités. Il me semblerait plus sage de continuer à travailler afin d’imaginer un dispositif susceptible être mis en œuvre à une échéance déterminée. Par conséquent, ne nous précipitons pas, car cette mesure risquerait d’être contre-productive.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. La proposition de M. Détraigne me semble très intéressante, d’autant qu’elle se traduit par une réalisation concrète, ce qui montre que nous sommes capables non pas seulement d’avoir des idées, mais aussi de les appliquer et d’obtenir des résultats sur le terrain !
Mon cher collègue, je comprends bien que vous ayez éprouvé quelques difficultés à faire passer ce message. Mais nous inscrivons-nous dans la démarche du Grenelle, oui ou non ? Pour ma part, je suis un homme simple, et j’estime que vous ouvrez la voie.
Toutefois, dans le même temps, Mme la secrétaire d'État et M. le rapporteur nous affirment qu’un groupe de travail mènera une réflexion sur ce dossier, tandis que M. Vasselle souligne que le dispositif pose à l’évidence quelques difficultés…
Le compromis proposé par M. le rapporteur et par Mme la secrétaire d'État me semble donc aller dans le bon sens. Il pourrait être accepté par tous, sous réserve peut-être que le groupe de travail rende ses conclusions dans l’année à venir.
M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous avons mêlé au cours de ce débat plusieurs notions distinctes.
Ainsi, tout d'abord, la redevance spéciale, qui, je le rappelle, est obligatoire depuis 1993 pour les déchets des entreprises, est en train d’être mise en place, même si nous sommes nombreux à regretter qu’elle ne l’ait pas été plus tôt !
La redevance spéciale est acquittée par les industriels à partir d’un certain tonnage. Le service public des ordures ménagères prend en charge les déchets jusqu’à ce qu’ils atteignent une certaine quantité, mais, au-delà de ce seuil, naturellement, les entreprises doivent conclure des contrats avec des sociétés privées de leur choix.
J’en reviens à la redevance incitative. Pour avoir participé à de nombreux comités opérationnels et à maintes réunions, je ne peux pas dire – puissiez-vous excuser ou ne pas entendre mes propos, madame la secrétaire d'État ! – que j’ai été très impressionné par l’ouverture d’esprit des gens de Bercy. (Mme la secrétaire d'État sourit.) Et c’est un euphémisme : contrairement à mon habitude, je me fais ici très sénatorial ! En effet, j’ai dû claquer la porte deux fois,…
M. Paul Raoult. Ce n’est pourtant pas votre genre… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye, rapporteur. … parce que, tout simplement, ces gens tenaient plus à conserver les systèmes en place et à ne pas se compliquer la vie qu’à faire avancer le dossier qui leur était soumis !
Voilà, je l’ai dit tout de go : finalement, je ne suis plus si sénatorial, je suis Dominique Braye, et je décris la situation telle que je l’ai vécue ! (Sourires.)
Par ailleurs, monsieur Détraigne, nous sommes en train de travailler sur ce sujet.
Tout d'abord, le chiffre de 250 kilogrammes que vous nous proposez ne me paraît pas réaliste : si l’on considère que quelque 360 ou 367 kilogrammes de déchets sont produits par an et par habitant et si nous fixons un objectif de 40 % de valorisation de la matière, cette valeur devrait être inférieure et s’établir aux alentours de 220 kilogrammes, avec en outre des variations locales. Il y a donc environ trente kilogrammes d’écart par rapport au chiffre que vous proposez.
Le problème commande de taxer encore un peu plus les quantités produites au-delà de 250 kilogrammes. Toutefois, si nous visons les mêmes objectifs, notre approche est quelque peu différente : nous voulons appliquer la TGAP à partir d’un certain tonnage seulement, pour en exempter les entreprises qui produisent une quantité inférieure à ce seuil, mais avec un taux progressif, notamment quand les déchets dépassent les 360 kilogrammes, et non les 250 kilogrammes comme vous le proposez. Ce dispositif serait bien plus incitatif, me semble-t-il.
Enfin – je précise ce point pour ne pas vous inquiéter, madame la secrétaire d'État –, nous raisonnons sur la base d’un produit de TGAP constant : les recettes perdues sur les tonnages de déchets inférieurs à 250 kilogrammes devraient être rattrapées sur les quantités comprises entre 250 et 360 kilogrammes.
Nous menons donc une authentique réflexion sur cette question, monsieur Détraigne, et je crois que le groupe de travail sur les déchets obtiendra des résultats intéressants. Certes, je ne mésestime pas la qualité du travail qui a été accompli dans la Marne. Toutefois, vous le savez, c’est l’addition de toutes nos expériences qui nous permettra de concevoir le meilleur dispositif.
Mon cher collègue, je vous demande donc de nouveau, instamment, de bien vouloir retirer votre amendement, car je serais désolé d’émettre un avis défavorable sur une proposition fondée sur une bonne idée !
Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l’amendement n° 334 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. J’ai suivi ce débat avec attention et je constate que nous nous rejoignons pour considérer que cette piste doit être creusée.
J’ai bien entendu les propos tenus, presque en confidence (Sourires.), par M. le rapporteur sur les gens qui animent ces commissions d’études. Je suis un ancien haut fonctionnaire, étant passé par une grande école qui conduit à occuper des postes de responsabilité dans l’administration, mais je pense de la même façon que ceux qui n’ont pas suivi cette formation !
Nous devons travailler sur ce sujet, et je souhaite que nous ne laissions pas des gens qui passent toutes leurs journées, toute l’année, enfermés dans leur bureau, même si j’ai beaucoup de respect pour eux – j’ai moi-même exercé ce métier –, décider à la place de ceux qui se trouvent sur le terrain et qui observent les conséquences concrètes des solutions qui ont été élaborées !
Sous cette réserve et avec cet espoir, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 334 rectifié est retiré.
L'amendement n° 333 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Vanlerenberghe et Zocchetto, Mmes Férat et Gourault et MM. Badré, Merceron, Deneux et Soulage, est ainsi libellé :
Après l'article 78, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute entreprise ou tout établissement public présent sur le territoire d'une collectivité compétente pour la collecte qui ne souhaiterait pas être collecté dans le cadre du service public doit apporter à la collectivité compétente la preuve qu'il possède une autre solution de collecte et de traitement de ses déchets. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Pour ma part, je défends la liberté des entreprises. Celles-ci doivent remplir certaines obligations, mais je ne vois pas pourquoi elles devraient se justifier devant une collectivité locale qui, en plus, n’est pas compétente pour les déchets des entreprises !
Il y a donc là un véritable problème : pourquoi contraindre les entreprises de cette façon ?
Par ailleurs, il existe des instances de contrôle extérieures aux collectivités locales. Si nous obligions les entreprises à se justifier auprès des collectivités locales, nous imposerions à ces dernières une responsabilité qu’elles ne sont pas à même d’exercer et que, me semble-t-il, elles ne souhaitent pas obtenir.
Je ne puis donc donner un avis favorable à une disposition qui reviendrait à accorder une responsabilité supplémentaire aux collectivités locales, alors même que celles-ci, pour l’instant, ne sont pas compétentes pour les déchets issus des activités économiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 333 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. J’ai bien entendu les propos de M. le rapporteur, qui me semblent tout à fait raisonnables. Néanmoins – et j’estime sur ce point être tout aussi sensé et réaliste que lui –, nous devons nous assurer que la partie des déchets qui disparaîtrait de la collecte organisée par la collectivité après la mise en place de la redevance spéciale serait non pas orientée vers des filières occultes, mais traitée comme il convient.
Je ne suis pas certain que tous les contrôles prévus aient effectivement lieu sur le terrain. Nous devons tout de même nous assurer que les déchets qui ne se trouvent plus avec les ordures ménagères n’ont tout simplement pas disparu au fond d’un trou !
Toutefois, il est vrai que cette tâche ne revient pas à la collectivité. Je retire donc mon amendement, madame la présidente.